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Énoncé

Madame Dupont souhaite organiser une fête d'anniversaire mémorable pour ses 30 ans qui aura lieu
le 20 novembre 2021. Pour cela, elle est en pourparlers avec Madame Spears, une chanteuse, depuis 8
mois. Les deux femmes se sont rencontrées plusieurs fois, mais Madame Spears est étonnée de ne plus
avoir de nouvelles de Madame Dupont 1 mois avant la date de son anniversaire. Finalement, 5 jours
avant son anniversaire, Madame Dupont indique à Madame Spears qu'elle ne souhaite plus que celle-
ci vienne chanter à son anniversaire puisqu'elle a trouvé un autre chanteur, Monsieur Bieber, qui
effectue sa prestation pour un coût moindre.
Madame Spears est très déçue puisqu'elle avait bloqué, en prévision de l'anniversaire, cette date dans
son agenda. Or, puisque Madame Dupont ne l'a prévenu que 5 jours avant cette date, elle ne pourra
pas se rendre à un autre événement. Madame Spears ne pourra donc pas travailler ce 20 novembre et
cela risque de se répercuter sur ses finances. Elle est d'autant plus déçue depuis qu'elle a appris que
Madame Dupont avait rédigé un post Facebook qui dénigrait sa voix et indiquait le montant qu'elle
réclamait pour sa prestation.

La rupture des pourparlers est-elle constitutive d'une faute ouvrant droit à des dommages-intérêts ?

Il convient de vérifier si la rupture des négociations précontractuelles constitue une faute (I). Si tel est
le cas, il conviendra de s'interroger sur le fait de savoir si cette faute ouvre droit à dommages-intérêts
(II).

Résolution
I) La faute dans la rupture des pourparlers
Il convient de se demander si une faute a été commise par Madame Dupont (A) ou par Monsieur Bieber
(B) lors des pourparlers.

A. Sur la faute commise par Madame Dupont


L'article 1112 du Code civil soumet les négociations précontractuelles aux principes de la liberté
contractuelle et de la bonne foi en disposant que « L'initiative, le déroulement et la rupture des
négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la
bonne foi ».
En l'espèce, les pourparlers ont duré 8 mois et ont donné lieu à plusieurs rencontres entre Madame
Spears et Madame Dupont. Madame Dupont se prévaut d'une prestation trouvée à un coût moindre
pour justifier la rupture des pourparlers. Par ailleurs, Madame Dupont a dénigré la voix de Madame
Spears.
La justification donnée par Madame Dupont ne semble pas expliquer l'absence de nouvelles données à
Madame Spears et la rupture des pourparlers si tardive. Au contraire, elle laisse même sous-entendre
que Madame Dupont n'a pas rompu immédiatement les négociations avec Madame Spears alors même
qu'elle avait trouvé une autre personne pour effectuer sa prestation.
Par ailleurs, le post Facebook qui dénigre la voix de Madame Spears peut s'apparenter à une rupture
vexatoire des pourparlers qui relève d'un manquement à l'exigence de bonne foi.
Par conséquent et sous réserve d'une appréciation contraire des juges du fond, la rupture pourrait être
qualifiée de fautive. Madame Dupont aurait alors manqué à son obligation de bonne foi en rompant les
pourparlers 5 jours avant la prestation prévue et en dénigrant la voix de Madame Spears.

Par ailleurs, l'article 1112-2 du Code civil dispose que « celui qui utilise ou divulgue sans autorisation
une information confidentielle obtenue à l'occasion des négociations engage sa responsabilité dans les
conditions du droit commun ».
Or, Madame Dupont a révélé le montant réclamé par Madame Spears pour sa prestation de chanteuse.
Toutefois, cette information ne semble pas pouvoir être qualifiée de confidentielle en l'absence
d'indications contraires.
La responsabilité de Madame Dupont ne pourra donc pas être engagée sur le fondement de l'article
1112-2 du Code civil.

B. Sur la faute commise par Monsieur Bieber


S'agissant des tiers à la négociation précontractuelle, la jurisprudence prévoit que « Le simple fait de
contracter, même en connaissance de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un
tiers ne constitue pas en lui-même une faute, sauf intention de nuire ou manoeuvres frauduleuses. »
(Com. 26 nov. 2003, n°00-10.243).

En l'espèce, aucun élément ne permet de considérer que Monsieur Bieber avait l'intention de nuire à
Madame Spears ou a usé de manoeuvres frauduleuses. En l'absence de manoeuvres ou d'intention de
nuire, Monsieur Bieber était en droit de négocier librement avec Madame Dupont, même s'il avait
connaissance des négociations que celle-ci avait entreprises avec Madame Spears.
Par conséquent, Monsieur Bieber n'a commis aucune faute et sa responsabilité délictuelle ne peut pas
être engagée.

II) L'indemnisation du préjudice subi par Madame Spears


L'alinéa 2 de l'article 1112 du Code civil dispose que « En cas de faute commise dans les négociations,
la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages
attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages. » Hormis la perte de
chance, tout préjudice subi par la partie victime de la rupture abusive peut donc être réparé.
En l'espèce, Madame Spears a subi un préjudice économique puisqu'elle a n'a pas pu travailler le 20
décembre. Madame Spears a également subi un préjudice moral qui résulte d'une atteinte à l'honneur et
à la réputation en raison des propos postés par Madame Dupont sur Facebook.
Il est possible de considérer que le préjudice économique résulte d'une perte de chance : en effet,
Madame Spears n'a pas pu percevoir d'argent puisqu'elle a perdu la chance de conclure ce contrat.
Toutefois, le préjudice moral ne pourra pas être considéré comme résultant de la perte de chance de
conclure le contrat.
Par conséquent, le préjudice économique de Madame Spears ne pourra pas être indemnisé,
contrairement à son préjudice moral.

Lorsque vous vous engagez dans des négociations précontractuelles, vous êtes en principe libre d’y
mettre terme à tout moment. Cependant, cette liberté n’est pas absolue et comporte une limite : la faute
ou l’abus dans la rupture des pourparlers.

Vous vous demandez si vous êtes en droit de mettre fin à des discussions précontractuelles sans risquer
d’engager votre responsabilité ? Au contraire, vous estimez avoir été victime d’une rupture abusive des
pourparlers ? Que vous souhaitiez mettre fin à des pourparlers entamés ou que vous soyez victimes
d’une telle rupture, cet article est fait pour vous.

Maître Matthieu Chauveau, avocat spécialisé en droit des affaires et contentieux des
affaires, décrypte pour vous le sujet de la rupture abusive des pourparlers.

✍️En résumé

 Les pourparlers désignent la phase de négociation précédant la conclusion d’un contrat ;


 Ils doivent être marqués par la loyauté et la bonne foi entre les parties ;
 En principe, la rupture des pourparlers est libre et n’engage pas la responsabilité de son auteur : c’est
l’une des conséquences du principe de liberté contractuelle ;
 Cependant, lorsque la rupture est abusive, et que l’une des parties a commis une faute, l’autre partie est
en droit de réclamer réparation de son préjudice.

SOMMAIRE :

1. Les pourparlers : qu’est-ce que c’est ?


2. La rupture des pourparlers
3. Comment réagir en cas de rupture abusive des pourparlers ?
4. Comment se protéger contre les abus ?

1. Les pourparlers : qu’est-ce que c’est ?


On parle de « pourparlers » pour décrire des échanges entre deux ou plusieurs personnes afin d’arriver
à un accord. Les pourparlers désignent en effet une série d’échanges écrits ou verbaux entre une ou
plusieurs personnes, formulés au cours d’une période précontractuelle. Ils interviennent donc dans
une phase préalable à la conclusion d’un contrat entre les parties.

L’étape des pourparlers a une valeur juridique et n’est pas une simple formalité. En effet, cette phase
précontractuelle est de la plus haute importance, notamment parce que c’est le moment où vont être
satisfaits les devoirs d’information prévus à l’article 1112-1 du code civil : la partie qui connait une
information importante doit en informer l’autre partie qui l’ignore ou qui lui fait confiance.

2. La rupture des pourparlers

Le principe : la liberté de rupture des pourparlers

L’article 1112 alinéa 1er code civil prévoit que « L’initiative, le déroulement et la rupture des
négociations précontractuelles sont libres ».

Le principe est celui de la liberté de rupture des pourparlers. Décider de mettre fin aux discussions,
de rompre les pourparlers n’est pas en soi constitutif d’une faute. De manière générale, la rupture des
pourparlers est donc parfaitement valable et ne fait courir aucun risque à celui qui la décide. Cette
liberté découle directement du grand principe de liberté contractuelle qui régit les relations entre les
parties à un contrat. La liberté contractuelle implique en effet celle de ne pas conclure de contrat, et
donc de mettre fin aux pourparlers, comme cela a été rappelé récemment par les juges de la Cour
d’appel de Paris (CA Paris, 14 mars 2018, n°15-09.551).

En principe, la rupture des pourparlers est donc libre et ne constitue pas une faute, même si elle a
causé un préjudice -parfois important- à l’autre partie.

À ce titre, ne constitue pas une faute susceptible d’engager la responsabilité de son auteur :

 La rupture des pourparlers lorsqu’il existe un aléa important sur la conclusion du contrat et que les
négociations ne sont que peu avancées ;
 La rupture des pourparlers en cas de blocage des discussions, si les négociations ne mènent plus à rien
et que les parties refusent systématiquement les propositions de l’autre par exemple ;
 La rupture des pourparlers lorsqu’intervient une modification importante des prévisions initiales de la
négociation (par exemple, quand la situation financière de l’autre partie se dégrade au cours des
discussions).
La limite : la rupture abusive des pourparlers

La liberté de rupture des pourparlers n’est cependant pas absolue et comporte une certaine limite : elle
ne doit pas être abusive ou fautive.

En effet, si le principe est celui de la liberté de mettre un terme aux négociations précontractuelles,
l’initiative, le déroulement et la rupture de ces échanges « doivent impérativement satisfaire aux
exigences de la bonne foi. » (art. 1112 du code civil). Les discussions entre les parties doivent donc
être marquées par la loyauté et la bonne foi, comme cela a été rappelé de longue date par de
nombreuses décisions de justice (Cass. com., 20 mars 1972, n° 70-14154 ; Cass. com., 7 mars 2018, n°
16-18060).

Pour déterminer si la rupture de pourparlers est fautive ou non, plusieurs éléments sont pris en
compte par les juges, notamment :

 La durée des pourparlers ;


 L’état des négociations ;
 L’existence ou non d’un motif légitime ;
 Le caractère soudain de la rupture des pourparlers ;
 Le degré d’expérience professionnelle des personnes concernées.

Mais alors, qu’est-ce qui est constitutif d’une faute ? La rupture des négociations précontractuelles va,
par exemple, être fautive :

 Lorsqu’il existe chez celui qui rompt les pourparlers une intention de nuire ou une mauvaise foi : par
exemple si les négociations ont été entamées afin d’obtenir certaines informations confidentielles ou
d’empêcher une partie de négocier avec un tiers (Cass. com., 3 octobre 1978, n°77-10.915) ;
 Lorsque deux personnes sont engagées dans des pourparlers bien avancés, depuis plusieurs mois, et que
l’une d’entre elles conclut finalement le contrat avec un tiers (Cass. com., 26 novembre 2003, Arrêt
Manoukian) ;
 Lorsque la rupture intervient sans explication ni motif légitime (Cass. Com. 7 janvier 1997 ; Cass.
Com. 7 avril 1998) ;
 Lorsqu’une personne physique mène des négociations pendant plusieurs mois en son nom, en
dissimulant le fait qu’elle agissait au nom et pour le compte d’une personne morale (CA Versailles, 21
décembre 2001, n°99-6470, n°11550).

3. Comment réagir en cas de rupture abusive des pourparlers ?

L’engagement de la responsabilité de l’auteur de la rupture abusive


Si vous êtes victimes d’une rupture abusive des pourparlers, vous êtes en droit de réclamer une
indemnisation. Depuis près de 40 ans, la Cour de cassation estime en effet que « la victime d’une faute
commise au cours de la période qui a précédé la conclusion d’un contrat est en droit de poursuivre la
réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi sur le fondement de la responsabilité délictuelle
» (Cass. com., 11 janv. 1984, n° 82-13259).

En effet, la faute ou l’abus commis par l’une des parties durant la phase de négociations
précontractuelles engage la responsabilité délictuelle (puisqu’il n’y a pas encore de contrat) de son
auteur. Conformément au régime juridique de l’article 1240, il va alors falloir que vous prouviez
l’existence d’une faute (comme vu plus haut), d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et
le préjudice.

Le préjudice réparable

Comme l’a rappelé récemment la Cour d’appel de Paris, la victime d’une rupture abusive de
pourparlers ne pourra pas être indemnisée pour le gain manqué en raison de l’arrêt des
négociations des avantages attendus du contrat (CA Paris, 14 mars 2018, n°15-09.551). En effet,
l’article 1112 alinéa 2 du code civil précise qu’« En cas de faute commise dans les négociations, la
réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages
attendus du contrat non conclu ».

Les préjudices qui peuvent être réparés en cas de rupture abusive des pourparlers sont :

 Les pertes subies par la victime en raison des diverses dépenses nécessaires à la négociation (frais
de voyage, frais d’avocats, experts…) ;
 La perte de chance de conclure un contrat de même nature ;
 L’atteinte à la réputation ou à l’image de la victime de la rupture abusive.

4. Comment se protéger contre les abus

Lorsque vous engagez des négociations, il existe quelques réflexes simples à adopter afin d’éviter
d’être confronté à une rupture abusive des pourparlers :

 Se faire aider par un avocat : évidemment, l’aide d’un professionnel permet toujours d’anticiper
certains risques et d’éviter leur réalisation ;
 Contractualiser les points déjà acquis pour simplifier les discussions : si vous êtes tombés d’accord
sur certains points, il est important de les contractualiser sans attendre ;
 Autre point important pour éviter les abus, chaque étape des pourparlers doit être balisée par écrit :
cela évite les risques de malentendu entre les parties ;
 Il convient également de s’assurer que les engagements contractuels sont correctement rédigés -ce
conseil vaut autant pour les obligations de votre partenaire commercial que pour les vôtres : assurez-
vous d’être sur la même longueur d’onde que votre partenaire, n’hésitez pas à reformuler certains
points qui vous paraissent moins clairs ;
 Rédiger une lettre d’intention : il s’agit d’une protection supplémentaire, puisque la lettre d’intention
est un document juridique qui vient définir le cadre et les limites de la négociation et qui permet aux
parties d’exprimer clairement leurs intentions de parvenir à la conclusion d’un contrat.

Au vu de ces éléments, il est fortement conseillé de vous faire accompagner par un avocat
spécialisé. En effet, un expert saura vous guider et vous conseiller sur la manière de rompre les
pourparlers sans risquer d’engager votre responsabilité. Dans le cas où vous seriez la victime d’une
rupture abusive, il pourra vous aider à obtenir réparation de votre préjudice et vous accompagner lors
de la procédure devant les tribunaux. Quelle que soit votre situation, son aide vous sera précieuse.

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Liberté et rupture des négociations: régime juridique des


pourparlers
By Aurélien Bamdé
Posted 12 janvier 2017
In Droit des contrats, Droit des obligations, Formation du contrat
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À titre de remarque liminaire il peut être rappelé que le nouvel article 1101 du Code civil
définit le contrat comme « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes
destinées à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. »
Pour mémoire, l’ancien article 1101 le définissait comme la « convention par laquelle une ou
plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas
faire quelque chose. »
Deux éléments essentiels ressortent de la nouvelle définition du contrat :

 Le contrat est le produit d’un accord de volontés


 Le contrat a pour objet la création, la modification, la transmission ou l’extinction d’obligations
Schématiquement le contrat se résume donc à l’équation suivante :

CONTRAT = Accord de volontés + Création et/ou opération sur rapport

Ainsi, le contrat repose-t-il sur la rencontre des volontés en ce sens qu’il est le produit d’un
échange des consentements entre les parties.
Cette composante du contrat n’a pas été modifiée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février
2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Et pour cause, l’accord de volontés est le fait générateur du contrat.


Alors qu’en 1804 les rédacteurs du Code civil s’étaient presque exclusivement focalisés sur
les conditions de validité du contrat, l’ordonnance du 10 février 2016 a remédié à cette
carence en consacrant une section entière au processus de conclusion du contrat.

Trois étapes doivent être distinguées :

 L’entrée en négociation
 Le déroulement des négociations
 La rupture des négociations
I) L’entrée en négociation
Si, par principe, la participation à des négociations en vue de la conclusion d’un contrat est
libre, elle peut constituer une obligation en cas de rédaction d’une lettre d’intention.

A) Le principe de liberté d’entrer en négociations


Aux termes de l’article 1112 du Code civil « l’initiative, le déroulement et la rupture des
négociations précontractuelles sont libres ».
Ainsi, le législateur a-t-il institué un principe de liberté des négociations. Négativement, cela
signifie que les agents sont libres de décliner une invitation à entrer en pourparlers.

Autrement dit, un refus de négocier ne saurait, en lui-même, engager la responsabilité de son


auteur.

Immédiatement une question alors se pose : que doit-on entendre par « négociations » ?

🡺Définition
François Terré définit la négociation contractuelle comme « la période exploratoire durant
laquelle les futurs contractants échangent leurs points de vue, formulent et discutent les
propositions qu’ils font mutuellement afin de déterminer le contenu du contrat, sans être pour
autant assurés de le conclure »[1].
Il s’agit, en d’autres termes, de la phase au cours de laquelle les agents vont chercher à
trouver un accord quant à la détermination des termes du contrat.

À défaut d’accord, la rencontre des volontés ne se réalisera pas, de sorte que le contrat ne
pourra pas former. Aucune obligation ne sera donc créée.

🡺Invitation à entrer en pourparlers et offre de contracter


 Exposé de la distinction
 L’invitation à entrer en pourparlers doit être distinguée de l’offre de contracter :
o L’offre doit être ferme et précise en ce sens qu’elle doit comporter tous les éléments
essentiels du contrat, lesquels traduisent la volonté de l’offrant de s’engager dans le
processus contractuel
o Pour mémoire, l’article 1114 C. civ prévoit que « l’offre faite à personne
déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat
envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation »
o L’invitation à entrer en pourparlers porte seulement, soit sur le principe même de
conclure un contrat, soit sur certains de ses éléments dont la teneur n’est pas suffisante
pour traduire la volonté de l’auteur de contracter en l’état.
 Intérêt de la distinction
 L’intérêt de distinguer l’offre de contracter de l’invitation à entrer en pourparlers réside dans la
détermination du seuil à partir duquel le contrat est réputé conclu :
o En cas d’acceptation de l’offre de contracter, le contrat est formé
o La conséquence en est que l’offrant ne peut plus se rétracter
o Il est tenu d’exécuter les obligations nées de la rencontre des volontés qui a pu se
réaliser, les contractants étant tombés d’accord sur les éléments essentiels du
contrat
o À défaut, sa responsabilité contractuelle est susceptible d’être engagée
o En cas d’acceptation de l’invitation à entrer en pourparlers, le contrat n’est pas pour
autant conclu.
o L’auteur de l’invitation à entrer en négociation a simplement exprimé sa volonté de
discuter des termes du contrat
o Or pour que le contrat soit conclu, soit pour que la rencontre des volontés se
réalise, cela suppose que les parties soient d’accord sur tous les éléments
essentiels du contrat
o Aussi longtemps qu’ils ne parviennent pas à tomber d’accord, les parties sont
toujours libres de poursuivre les négociations
B) L’obligation d’entrer ou de poursuivre les négociations
Si, par principe, la participation à des négociations en vue de la conclusion d’un contrat est
libre, elle devient obligatoire dans deux hypothèses :

🡺La rédaction d’une lettre d’intention


La lettre d’intention se définit comme le document par lequel les futurs contractants expriment
leur intérêt pour le contrat, à tout le moins pour engager ou poursuivre les négociations.

La lettre d’intention se caractérise par son contenu en ce sens qu’elle ne porte pas sur les
éléments essentiels du contrat, ni sur ses modalités.
Aussi, selon la précision de la lettre d’intention, la jurisprudence considère qu’elle pourra
obliger son auteur, soit à engager ou poursuivre les négociations, soit purement et
simplement à contracter.

Dans un arrêt du 6 janvier 2012, la Cour de cassation a ainsi confirmé la condamnation de


l’auteur d’une lettre d’intention au paiement de dommages et intérêts en raison du non-
respect des termes de son engagement (Cass. com., 6 nov. 2012, n°11-26.582).
🡺L’obtention d’un accord de principe (punctation)
 Notion
 Au cours de la phase des négociations, les parties sont susceptibles de vouloir acter leur
accord sur certains points du contrat qu’ils envisagent de conclure.
 Cependant, cet accord ne porte pas encore sur l’ensemble des éléments essentiels du contrat,
seulement sur quelques-uns.
 C’est ce que l’on appelle un accord de principe ou une « punctation ».
 Il se définit donc comme le document par lequel les parties expriment leur accord – de principe
– sur certains termes du contrat, mais dont les éléments essentiels restent à déterminer.
 Régime
 Obligation de poursuivre les négociations
o L’obtention d’un accord de principe fait naître à la charge des parties une obligation de
poursuivre les négociations.
o Cette obligation prend sa source dans l’exigence de bonne foi formulée à l’article 1112
du Code civil qui prévoit que les négociations « doivent impérativement satisfaire aux
exigences de la bonne foi »
o Déjà dans un arrêt du 2 juillet 2002, la Cour de cassation avait estimé que l’obtention
d’un accord de principe obligeait seulement les parties « à poursuivre, de bonne foi, les
négociations » (Cass. com. 2 juill. 2002, n°00-13.459).
 Absence de formation du contrat
o Contrairement à ce que l’on pourrait être tenté de penser, l’accord de principe ne scelle
pas la formation du contrat.
o Il engage seulement les parties à mettre tout en œuvre de parvenir à un accord définitif.
o Dans un arrêt du 18 janvier 2011, la Cour de cassation a estimé en ce sens que dans la
mesure où « les parties ne s’étaient pas engagées de façon irrévocable l’une envers
l’autre à conclure un contrat de franchise dans des conditions suffisamment définies, la
cour d’appel a pu qualifier leurs engagements de simple accord de principe » (Cass.
com. 18 janv. 2011, n°09-72.508).
o Il en résulte pour la Cour de cassation, que le contrat n’était nullement formé, de sorte
qu’aucune exécution forcée ne pouvait être prononcée.
o Pour que la formation du contrat soit consommée, il est absolument nécessaire que les
parties aient trouvé un accord sur tous les éléments essentiels du contrat.
 Mise en œuvre de la responsabilité contractuelle
o En cas de non-respect d’un accord de principe par l’une des parties, la condamnation à
des dommages et intérêt est la seule sanction envisageable
o Dans un arrêt du 2 juillet 2002, la Cour de cassation a précisé qu’il s’agissait d’une
responsabilité contractuelle en visant expressément l’ancien article 1134 du Code civil,
soit une disposition applicable en matière contractuelle (Cass. com. 2 juill. 2002).
II) Le déroulement des négociations
Lors du déroulement des négociations, plusieurs obligations échoient aux futurs contractants
ce qui témoigne de la volonté du législateur d’encadrer cette situation de fait qui précède la
formation du contrat.

Ainsi, nonobstant la liberté de négociations dont jouissent les parties n’est-elle pas absolue.
Elle trouve sa limite dans l’observation de deux obligations générales qui président à la
formation du contrat :
 L’obligation de bonne foi
 L’obligation d’information
A) Sur l’obligation de bonne foi
Il peut être observé qu’il est désormais fait référence à l’obligation de bonne foi à deux
reprises dans le sous-titre du Code civil consacré au contrat

 L’article 1104 du code civil prévoit dans le chapitre consacré aux principes cardinaux qui régissent le
droit des contrats que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. »
 L’article 1112, situé, quant à lui, dans la section relative à la conclusion du contrat que « l’initiative, le
déroulement et la rupture des négociations précontractuelles […] doivent impérativement satisfaire
aux exigences de la bonne foi. »
Cette double référence à l’obligation de bonne foi révèle la place que le législateur a entendu
donner à l’obligation de bonne foi en droit des contrats : centrale.

Ainsi, tout autant les parties doivent observer l’obligation de bonne foi au moment de
l’exécution du contrat, ils devront s’y plier en amont, soit durant toute la phase de négociation.

🡺Étendue de l’obligation de bonne foi


Lors du déroulement des négociations, l’exigence de bonne foi signifie que les parties doivent
être véritablement animées par la volonté de contracter. Autrement dit, elles doivent être
sincères dans leur démarche de négocier et ne pas délibérément laisser croire à l’autre que
les pourparlers ont une chance d’aboutir, alors qu’il n’en est rien.

Dans un arrêt du 20 mars 1972 la Cour de cassation considère en ce sens qu’une partie a
manqué « aux règles de la bonne foi dans les relations commerciales » en maintenant « dans
une incertitude prolongée » son cocontractant alors qu’elle n’avait nullement l’intention de
contracter (Cass. com. 20 mars 1972, n°70-14.154).
La même solution a été retenue dans un arrêt du 18 juin 2002 (Cass. com. 18 juin 2002,
n°99-16.488)
🡺Limites à l’obligation de bonne foi
Bien que l’obligation de bonne foi commande aux parties d’être sincères lors du déroulement
des pourparlers, elle n’implique pas, malgré tout, une transparence totale.

La question s’est, de sorte, posée en jurisprudence de savoir si l’obligation de bonne foi fait
obstacle à ce que les futurs contractants mènent des négociations parallèles avec un
concurrent ?

Deux situations doivent être distinguées :

 Une clause d’exclusivité a été stipulée


 Les parties sont tenues par leur engagement précontractuel
 Il leur donc expressément défendu de mener des pourparlers avec un concurrent.
 À défaut, leur responsabilité contractuelle est susceptible d’être engagée.
 Aucune clause d’exclusivité n’est stipulée
 Principe
o La Cour de cassation considère que l’obligation de bonne foi qui s’impose aux
négociateurs ne fait pas obstacle à ce qu’ils mènent, en parallèle, des pourparlers avec
un concurrent (Cass. com. 15 déc. 1992, n°90-18.580).
o Dans un arrêt plus récent du 26 novembre 2003 a précisé cette solution en affirmant que
« le simple fait de contracter, même en connaissance de cause, avec une personne
ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, en lui-même et sauf s’il est
dicté par l’intention de nuire ou s’accompagne de manœuvres frauduleuses, une faute
de nature à engager la responsabilité de son auteur » (Cass. com. 26 nov. 2003, n°00-
10.243 et 00-10.949).
 Condition
o Dans l’arrêt du 12 mai 2004, la Cour de cassation semble ne pas exiger de celui qui
mène de négociations parallèles en informe son partenaire (Cass. com. 12 mai 2004,
n°00-15.618).
o Elle y affirme au sujet de pourparlers portant sur une cession de droits sociaux que « le
cessionnaire n’est tenu d’informer le cédant ni des négociations tendant à l’acquisition
par un tiers d’autres titres de la même société ni de celles qu’il conduit lui-même avec ce
tiers en vue de lui céder ou de lui apporter les titres faisant l’objet de la cession ».
o Toutefois, on peut relever un arrêt du 28 avril 2006, dans lequel la Cour d’appel de Paris
semble avoir admis que, en certaines, circonstances, celui qui se livre à des
négociations parallèles doit en avertir son partenaire (CA Paris, 28 avr. 2006).
o Toutefois, un partenaire ne saurait laisser croire à l’autre qu’il entretient avec lui une
relation d’exclusive, ce qui serait de nature à porter atteinte à l’exigence de bonne foi.
B) Sur l’obligation d’information
L’obligation d’information qui pèse sur les futurs contractants est expressément formulée à
l’article 1112-1 du Code civil.

Cette disposition prévoit que :

 « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le
consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette
information ou fait confiance à son cocontractant.
 « Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
 « Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le
contenu du contrat ou la qualité des parties.
 « Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui
devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
 « Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
 « Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut
entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »
Plusieurs enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

1. Autonomie de l’obligation d’information


🡺Avant la réforme introduite par l’ordonnance du 10 février 2016
Si, avant la réforme, le législateur a multiplié les obligations spéciales d’information propres à
des secteurs d’activité spécifiques, aucun texte ne reconnaissait d’obligation générale
d’information.

Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche, non seulement de la consacrer, mais
encore de lui trouver une assise juridique.

Dans cette perspective, la Cour de cassation a cherché à rattacher l’obligation générale


d’information à divers textes.
Néanmoins, aucune cohérence ne se dégageait quant aux choix des différents fondements
juridiques.

Deux étapes ont marqué l’évolution de la jurisprudence :

 Première étape
 La jurisprudence a d’abord cherché à appréhender l’obligation d’information comme
l’accessoire d’une obligation préexistante
o Exemple : en matière de vente, l’obligation d’information a pu être rattachée à :
o l’obligation de garantie des vices cachés
o l’obligation de délivrance
o l’obligation de sécurité.
 Seconde étape
 La jurisprudence a ensuite cherché à rattacher l’obligation générale d’information aux principes
cardinaux qui régissent le droit des contrats :
 Deux hypothèses doivent être distinguées :
o Le défaut d’information a eu une incidence sur le consentement d’une partie lors
de la formation du contrat
o L’obligation générale d’information a été rattachée par la jurisprudence :
o Soit aux principes qui gouvernent le dol (ancien art. 1116 C. civ)
o Soit aux principes qui gouvernent la responsabilité civile (ancien art. 1382 C.
civ)
o Le défaut d’information a eu une incidence sur la bonne exécution du contrat
o L’obligation générale d’information a pu être rattachée par la jurisprudence :
o Soit au principe de bonne foi (ancien art. 1134, al. 3 C. civ)
o Soit au principe d’équité (ancien art. 1135 C. civ)
o Soit directement au principe de responsabilité contractuelle (ancien art. 1147
C. civ).
🡺Depuis la réforme introduite par l’ordonnance du 10 février 2016
L’obligation générale d’information a été consacrée par le législateur à l’article 1112-1 du
Code civil, de sorte qu’elle dispose d’un fondement textuel qui lui est propre.

Aussi, est-elle désormais totalement déconnectée des autres fondements juridiques auxquels
elle était traditionnellement rattachée.

Il en résulte qu’il n’y a plus lieu de s’interroger sur l’opportunité de reconnaître une obligation
d’information lors de la formation du contrat ou à l’occasion de son exécution.

Elle ne peut donc plus être regardée comme une obligation d’appoint de la théorie des vices
du consentement.

L’obligation d’information s’impose désormais en toutes circonstances : elle est érigée en


principe cardinal du droit des contrats.

2. Domaine d’application de l’obligation d’information


L’article 1112-1 du Code civil n’a pas seulement reconnu à l’obligation d’information son
autonomie, il a également étendu son domaine d’application à tous les contrats.
Avant la réforme introduite par l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur n’avait jamais
conféré à l’obligation d’information de portée générale, si bien qu’elle n’était reconnue que
dans des branches spéciales du droit des contrats (droit de la consommation, droit de la
vente, droit commercial, droit du travail, droit bancaire, etc.)

En instituant l’obligation d’information à l’article 1112-1 du Code civil, le législateur a entendu


consacrer la position de la Cour de cassation qui, depuis de nombreuses années, avait fait de
l’obligation d’information un principe cardinal du droit commun des contrats.

Ainsi, cette jurisprudence est-elle désormais inscrite dans le marbre de la loi. L’obligation
d’information a vocation à s’appliquer à tous les contrats, sans distinctions.

Est-ce à dire que l’article 1112-1 rend obsolètes les dispositions particulières qui, avant la
réforme de 2016, avaient déjà consacré l’obligation d’information ?

Tel serait le cas si l’objet de l’obligation d’information ou ses modalités d’exécution étaient
similaires d’un texte à l’autre. Toutefois, il n’en est rien.

L’obligation d’information est envisagée différemment selon le domaine dans lequel elle a
vocation à s’imposer aux agents.

Aussi, l’article 1112-1 du Code n’est nullement dépourvu de toute utilité. Il a vocation à
s’appliquer à défaut de texte spécial prévoyant une obligation d’information.

III) La rupture des négociations


A) Principe : la liberté de rupture des pourparlers
Aux termes de l’article 1112, al. 1 « la rupture des négociations précontractuelles […] libres ».
Ainsi, cette règle n’est autre que le corolaire de la liberté contractuelle : dans la mesure où les
futures parties sont libres de contracter, elles sont tout autant libres de ne pas s’engager dans
les liens contractuels

Il en résulte que la rupture unilatérale des pourparlers ne saurait constituer, en soi, un fait
générateur de responsabilité. La rupture ne peut, en elle-même, être fautive, quand bien
même elle causerait un préjudice au partenaire.

Admettre le contraire reviendrait à porter atteinte à la liberté individuelle et à la sécurité


commerciale.

C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation aime à rappeler dans certains arrêts
l’existence d’un « droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels » (Cass. 3e civ.,
28 juin 2006, n°04-20.040).
Une question immédiatement se pose : le droit de rupture des pourparlers constitue-t-il un
droit discrétionnaire, en ce sens que son exercice dommageable ne donnera jamais lieu à
réparation ou s’agit-il d’un droit relatif, soit d’un droit dont l’exercice abusif est sanctionné ?

B) Exception : l’exercice abusif du droit de rupture des pourparlers


L’examen de la jurisprudence révèle que l’exercice du droit de rupture des pourparlers est
susceptible d’engager la responsabilité de titulaire lorsqu’un abus est caractérisé.

Aussi, dans un arrêt du 3 octobre 1972, la Cour de cassation a-t-elle eu l’occasion de préciser
qu’en cas de rupture abusive des négociations « la responsabilité délictuelle prévue aux
articles susvisés du code civil peut être retenue en l’absence d’intention de nuire » (Cass.
3e civ. 3 oct. 1972, n°71-12.993).
Ainsi, le droit de rompre unilatéralement les pourparlers n’est-il pas sans limite. Il s’agit d’un
droit, non pas discrétionnaire, mais relatif dont l’exercice abusif est sanctionné.

Deux questions alors se posent :

1. Quid de la nature de la responsabilité ?


Traditionnellement l’exercice abusif du droit de rompre les pourparlers est sanctionné sur le
terrain de la responsabilité délictuelle.

Cette solution s’explique par le fait, en cas de rupture des négociations par définition, le
contrat n’a pas pu se former.

Par conséquent, l’action en réparation ne saurait être diligentée que sur le fondement de la
responsabilité extracontractuelle.

Dans un arrêt du 11 janvier 1984, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la victime
d’une faute commise au cours de la période qui a précédé la conclusion d’un contrat est en
droit de poursuivre la réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi sur le
fondement de la responsabilité délictuelle » (Cass. com. 11 janv. 1984, n°82-13.259).
La haute juridiction réitère de façon récurrente cette solution en visant systématiquement les
articles qui régissent la responsabilité extractontractuelle (V. notamment en ce sens Cass.
com. 11 juill. 2000, n°97-18.275 ; Cass. com. 18 sept. 2012, n°11-19.629).
2. Quid des conditions de mise en œuvre de la responsabilité ?
a. La faute
Pour engager la responsabilité de l’auteur de la rupture des pourparlers la victime devra
établir l’existence d’une faute, étant précisé que la rupture en elle-même ne saurait être
constitutive d’une fautive, conformément au principe de libre rupture des pourparlers.
Le fait générateur de la responsabilité ne pourra donc résider que dans des circonstances
extérieures à la rupture (Cass. com. 26 nov. 2003, n°00-10.243 et 00-10.949).
Quelles sont ces circonstances ?

L’ordonnance du 10 février 2016 ne le précise pas. L’article 1112, al. 2 du Code civil pose
seulement l’exigence de la faute. Par conséquent, c’est vers la jurisprudence qu’il convient de
se tourner.

 Un manquement aux obligations de loyauté et de bonne foi


Il ressort de cette dernière que, en matière de rupture abusive des pourparlers, la faute
s’apparente à un manquement aux obligations de loyauté et de bonne foi

Pour apprécier ce manquement, les juridictions adoptent, le plus souvent, la méthode du


faisceau d’indice.

 La méthode du faisceau d’indices


Les indices auxquels se réfèrent les tribunaux sont nombreux et variés.

L’exercice abusif du droit de rompre les pourparlers peut ainsi se déduire de :

 La brutalité de la rupture (Cass. com., 22 avr. 1997, n°94-18.953)


 L’avancement des pourparlers (Cass. 1ère civ., 6 janv. 1998, n°95-19.199)
 La croyance légitime du partenaire en la conclusion du contrat (Cass. com. 31 mars 1992, n°90-
14.867)
 L’absence de motifs légitimes (Cass. com. 7 avr. 1998, n°95-20.361)
b. Le préjudice
🡺Sur les modalités de la réparation
En cas de rupture abusive des pourparlers, dans la mesure où le contrat n’a pas pu se
former, la réparation du préjudice de la victime ne pourra se traduire que par l’allocation de
dommages et intérêts.

En raison de l’absence de rencontre des volontés, cette dernière ne sera jamais fondée à
revendiquer l’exécution forcée du contrat

L’article 1112, al. 2 vise d’ailleurs bien le contrat « non-conclu », ce qui d’emblée exclut la
possibilité d’agir en exécution forcée.
🡺Sur la détermination du préjudice réparable
En cas de rupture abusive des pourparlers la question se posera de savoir en quoi consiste le
préjudice de la victime

Deux postes de préjudices sont susceptibles d’être envisagées : l’un est admis, l’autre est
écarté :

 Le poste de préjudice admis : les pertes pécuniaires subies


 Le préjudice réparable peut toujours consister en les pertes effectivement subies par la
victime, soit les frais engagés au cours des négociations, voire les frais d’annulation du contrat.
 Le poste de préjudice écarté : le gain manqué
 En cas de rupture abusive des pourparlers, la victime doit-elle être indemnisée à hauteur du
gain espéré, soit le gain que le contrat lui aura procuré si les négociations avaient abouti ?
 Dans un premier temps, la Cour de cassation a amis que le gain manqué puisse constituer un
préjudice réparable (Cass. com. 7 avr. 1998, n°95-20.361).
 Cette position était, cependant, pour le moins critiquable pour des raisons qui tiennent, d’une
part au lien de causalité et, d’autre part, à l’évaluation du préjudice
o Sur le lien de causalité
o Lorsque les pourparlers sont rompus abusivement, la causalité entre le gain
manqué et la faute n’est qu’hypothétique, dans la mesure où, par définition, le
contrat n’était pas encore conclu !
o Les parties étaient en cours de négociation
o Rien ne permet donc d’affirmer avec certitude que les pourparlers auraient abouti,
nonobstant la rupture fautive
o L’échec des négociations pouvait résulter, d’autres circonstances, telles que :
o l’impossibilité pour les parties de trouver en accord sur les termes du contrat
o la survenance d’un événement extérieur
o le comportement de la victime elle-même
o Sur l’évaluation du préjudice
o À supposer que le lien de causalité entre la rupture fautive et le gain manqué soit
certain, reste la question de l’évaluation du préjudice or cette évaluation n’est pas
sans soulever de nombreuses difficultés
o Comment évaluer le gain manqué par la victime ?
o Voilà un exercice extrêmement périlleux dans la mesure où les termes du contrat
étaient en cours de négociation.
o Si, dès lors, les parties n’étaient pas tombées d’accord sur le prix, comment
évaluer le montant du gain manqué ?
 L’arrêt Manoukian
o En réaction à toutes les critiques formulées par les auteurs à l’encontre de sa position, la
Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence dans un arrêt Manoukian du
26 novembre 2003.
o La chambre commerciale a, en effet, estimé dans cette décision que « les circonstances
constitutives d’une faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des
pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte
d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat »
(Cass. com. 26 nov. 2003, n°00-10.243 et 00-10.949)
o Par cet arrêt, la haute juridiction considère ainsi que, désormais, le gain manqué par la
victime d’une rupture abusive des pourparlers n’est plus un préjudice réparable.
o La faute commise par l’auteur de la rupture ne pourra donc pas conduire à indemniser le
profit que la victime entendait retirer de la conclusion du contrat.
o Critiques
o Bien que la solution retenue par la Cour de cassation dans l’arrêt Manoukian se
justifie pour les raisons évoquées précédemment, elle n’en demeure pas moins
sévère.
o En effet, non seulement la Cour de cassation refuse de réparer le préjudice
résultant de l’absence de conclusion du contrat, mais encore elle refuse qu’il
puisse être indemnisé sur le fondement de la perte de chance.
o Or s’il apparaît parfaitement compréhensible que la victime ne puisse pas être
indemnisée à hauteur de l’intégralité du gain manqué, ne serait-ce que parce que
la causalité est hypothétique, le refus de lui allouer des dommages et intérêts à
proportion de la chance perdue apparaît pour le moins discutable.
o Bien que cette critique ait été portée par de nombreux auteurs, la Cour de
cassation n’a pas suivi la doctrine.
o Aussi, a-t-elle réaffirmé sa position – dans les mêmes termes – dans un arrêt du
28 juin 2006 par la troisième chambre civile (Cass. 3e civ., 28 juin 2006, n°04-
20.040), ce qui témoigne d’un certain consensus entre les différentes chambres de
la Cour de cassation.
 L’ordonnance du 10 février 2016
o L’ordonnance du 10 février 2016 a, manifestement, entériné la solution dégagée dans
l’arrêt Manoukian, puisque l’alinéa 2 de l’article 1112 du Code civil prévoit que « en cas
de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne
peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non
conclu ».
o Manifestement, le législateur fait ici preuve de la même sévérité que la Cour de
cassation en n’admettant pas que le préjudice résultant de l’absence de conclusion du
contrat puisse être réparé sur le fondement de la perte de chance.
o La solution médiane eût pourtant été d’admettre la possibilité pour la victime d’invoquer
cette perte de chance de sorte que :
o Si la probabilité que le contrat se conclue était faible, l’indemnisation devait être
limitée, voire inexistante
o Si la probabilité que le contrat se conclue était forte, l’indemnisation pouvait être
élevée
o Telle n’est cependant pas la voie que le législateur a choisi d’emprunter.
o La réparation du préjudice résultant de la rupture abusive des pourparlers ne pourra
donner lieu qu’à l’octroi de dommages et intérêts au titre des frais de négociations ou
d’annulation du contrat engagés.
 La loi du 20 avril 2018
o Afin de clarifier l’étendue du préjudice réparable, et de sécuriser le dispositif en se
conformant à l’intention des rédacteurs de l’ordonnance révélée par le rapport au
Président de la République, le législateur a préféré expressément exclure la perte de
chance des préjudices réparables en cas de faute lors des pourparlers.
o L’alinéa 2 prévoit désormais en ce sens que « en cas de faute commise dans les
négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de
compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de
chance d’obtenir ces avantages. »
o À l’inverse, la rédaction du texte permet bien la réparation du préjudice résultant des
opportunités perdues de conclure un contrat avec un tiers, confortant une solution déjà
admise par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 28 juin 2006, n° 04-20.040).
o Manifestement, le législateur fait ici preuve de la même sévérité que la Cour de
cassation en n’admettant pas que le préjudice résultant de l’absence de conclusion du
contrat puisse être réparé sur le fondement de la perte de chance.
o La solution médiane eût pourtant été d’admettre la possibilité pour la victime d’invoquer
cette perte de chance de sorte que :
o Si la probabilité que le contrat se conclue était faible, l’indemnisation devait être
limitée, voire inexistante
o Si la probabilité que le contrat se conclue était forte, l’indemnisation pouvait être
élevée
o Telle n’est cependant pas la voie que le législateur a choisi d’emprunter.
o La réparation du préjudice résultant de la rupture abusive des pourparlers ne pourra
donner lieu qu’à l’octroi de dommages et intérêts au titre des frais de négociations ou
d’annulation du contrat engagés.

Arrêt Manoukian
(Cass. com., 26 nov. 2003)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 1999), que la société Alain Manoukian a engagé avec les consorts X… e
société Stuck, des négociations en vue de la cession des actions composant le capital de cette société ; que les pourparlers
l’issue de plusieurs rencontres et de divers échanges de courriers, conduit à l’établissement, le 24 septembre 1997, d’un p
conditions suspensives qui devaient être réalisées avant le 10 octobre de la même année, date ultérieurement reportée au 31
la société Alain Manoukian a, le 16 octobre 1997, accepté les demandes de modification formulées par les cédants et pro
des conditions au 15 novembre 1997 ; que les consorts X… n’ayant formulé aucune observation, un nouveau projet de ces
que le 24 novembre, la société Alain Manoukian a appris que les consorts X… avaient, le 10 novembre, consenti à la soc
des actions de la société Stuck ; que la société Alain Manoukian a demandé que les consorts X… et la société Les comp
résultant de la rupture fautive des pourparlers ;
Sur le premier moyen du pourvoi formé par la société Alain Manoukian :

Attendu que la société Alain Manoukian fait grief à l’arrêt d’avoir limité à 400 000 francs la condamnation à dommages
X… alors, selon le moyen, que celui qui rompt brutalement des pourparlers relatifs à la cession des actions d’une so
indemniser la victime de cette rupture de la perte de la chance qu’avait cette dernière d’obtenir les gains espérés tirés de l’
de conclusion du contrat ; qu’il importe peu que les parties ne soient parvenues à aucun accord ferme et définitif ; qu’en
consorts X… avaient engagé leur responsabilité délictuelle envers la société Alain Manoukian en rompant unilatérale
pourparlers qui avaient eu lieu entre eux au sujet de la cession des actions de la société Stuck exploitant un fonds de comm
qu’en estimant néanmoins que le préjudice subi par la société Alain Manoukian ne pouvait correspondre, du seul fait de l’
de la chance qu’avait cette société d’obtenir les gains qu’elle pouvait espérer tirer de l’exploitation du fonds de commerce
par la société Alain Manoukian aux frais occasionnés par la négociation et aux études préalables qu’elle avait engagées, l
civil ;

Mais attendu que les circonstances constitutives d’une faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des po
du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat ;

Attendu que la cour d’appel a décidé à bon droit qu’en l’absence d’accord ferme et définitif, le préjudice subi par la soc
occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles elle avait fait procéder et non les gains qu’elle pouvait,
de l’exploitation du fonds de commerce ni même la perte d’une chance d’obtenir ces gains ; que le moyen n’est pas fondé

CA Paris, 14 mars 2018, n°15-09.551


Il est de principe établi que la faute commise dans l’exercice du droit de rupture
unilatérale des pourparlers n’est pas la cause du préjudice consistant dans la perte
de chance de réaliser les gains espérés à la conclusion du contrat.
Ce qu’il faut retenir : La liberté contractuelle implique celle de ne pas contracter,
notamment en interrompant les négociations préalables à la conclusion d’un
contrat ; les partenaires doivent alors participer loyalement aux négociations, ce
dont il résulte que seules les circonstances de la rupture peuvent constituer une
faute donnant lieu à réparation. Pour apprécier le caractère « fautif » de la rupture
de pourparlers, il convient de prendre notamment en considération la durée et l’état
d’avancement des pourparlers, le caractère soudain de la rupture, l’existence (ou
non) d’un motif légitime de rupture, le fait pour l’auteur de la rupture d’avoir suscité
chez son partenaire la confiance dans la conclusion du contrat envisagé ou encore
le degré d’expérience professionnelle des personnes concernées.
Pour approfondir : En l’espèce, la société S. est titulaire des droits d’exploitation
de la marque de restaurant-épicerie « F » dont elle franchise le concept par
l’intermédiaire de la société F.
Le 31 août 2010, M. P. et la société F. ont conclu un contrat de réservation de
zone pour une durée de 6 mois, soit jusqu’au 28 février 2011, aux termes duquel la
société F. a réservé à M. P. le territoire de Boulogne-Billancourt, à charge pour M.
P. de trouver un local satisfaisant aux critères d’implantation définis par le tête de
réseau, moyennant le paiement de la somme de 7.000 euros par M. P. à la société
F. au titre de la réservation.
M. P. a signé le 25 juillet 2012 un contrat de bail pour exploiter un restaurant à
Toulouse sous enseigne « F ». Par courrier du 29 octobre 2012, M. P. et la société
S. levaient la condition suspensive du contrat de bail. La société S. s’est ensuite
retirée du projet en novembre 2012 au motif qu’elle ne connaissait pas l’ensemble
des termes financiers du contrat de bail au moment de la levée de la condition
suspensive.
Par exploit d’huissier en date des 12 et 20 août 2013, M. P. a assigné les sociétés
F. et S. devant le Tribunal de Commerce de Paris en rupture fautive des relations
contractuelles.
Par jugement du 22 décembre 2014, le Tribunal de Commerce de Paris a débouté
M. P. de ses demandes formulées à l’encontre de la société F. et de ses
demandes de remboursement de frais. Il a, en revanche, condamné la société S. à
payer la somme de 5.000 euros à M. P. au titre de son préjudice moral.
M. P. a interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel de Paris.
Sur la relation contractuelle entre les parties, la Cour d’appel a considéré que M. P.
ne pouvait soutenir que les relations contractuelles se seraient poursuivies après le
terme du contrat de réservation (28 février 2011), dans la mesure où, à l’issue du
délai de 6 mois, il n’avait pas trouvé de local sur le territoire réservé et n’avait donc
pas conclu de contrat de franchise.
La Cour a considéré que les échanges ultérieurs entre les parties concernant la
recherche d’un local sur un autre territoire (Toulouse) ne démontraient pas la
manifestation de la poursuite des relations contractuelles à l’expiration du contrat
de réservation.
La Cour a cependant constaté que les sociétés S. et F. se sont toutes deux
impliquées aux côtés de M. P. pour la levée de la condition suspensive du contrat
de bail signé le 25 juillet 2012 par M. P. pour un local commercial à Toulouse et
l’ouverture d’un restaurant sous enseigne « F » à Toulouse par M. P.
La Cour en a conclu que ces échanges permettaient de considérer que les
parties « s’étant impliquées dans le même projet de concert et étaient engagées
dans des pourparlers contractuels, en vue de conclure un contrat de franchise
pour l’exploitation dudit restaurant ».
Ainsi, et quand bien même les parties n’ont pas signé de nouveau contrat de
réservation pour l’ouverture d’un restaurant sous enseigne « F » par M. P à
Toulouse, la Cour a considéré que les parties s’étaient engagées dans
des « pourparlers » en vue de conclure un contrat de franchise.
La jurisprudence considère, en effet, que les pourparlers peuvent être menés sans
cadre contractuel et sont alors régis par un principe de liberté contractuelle.
La participation à des pourparlers n’entrainant pas l’obligation de conclure le
contrat projeté, les partenaires ne peuvent en aucun cas y être contraints et ont, en
principe, la liberté de rompre les négociations. Pour autant, les parties ne sauraient
abuser de cette liberté, au risque de voir leur responsabilité engagée.
La jurisprudence considère en effet, de longue date, que les parties doivent
respecter l’obligation générale de bonne foi posée à l’article 1134, alinéa 3 ancien
du Code civil et doivent donc négocier loyalement, à peine d’engager leur
responsabilité (Cass. com., 20 mars 1972, n° 70-14154 ; Cass. com., 8 nov. 2005,
n° 04-12322 ; Cass. com., 18 janv. 2011, n° 09-14617 ; Cass. com., 7 mars 2018,
n° 16-18060).
L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ayant réformé le droit des contrats a
consacré cette jurisprudence à l’article 1112, alinéa 1er du Code civil, lequel
dispose :
« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont
libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ».
Le nouvel article 1104 du Code civil précise également que :
« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public ».
Lorsque les pourparlers ne sont pas encadrés par un contrat de négociation, la
responsabilité de l’auteur de la rupture des pourparlers est de nature délictuelle ou
quasi-délictuelle ; elle est fondée sur les articles 1240 et 1241 du Code civil.
La Cour de cassation a jugé en ce sens que « la victime d’une faute commise au
cours de la période qui a précédé la conclusion d’un contrat est en droit de
poursuivre la réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi sur le fondement de
la responsabilité délictuelle » (Cass. com., 11 janv. 1984, n° 82-13259).
Pour pourvoir prétendre à l’indemnisation d’un préjudice en cas de rupture de
pourparlers, la victime devra cependant démonter l’existence d’une faute commise
par l’auteur de la rupture.
L’arrêt commenté est intéressant en ce qu’il apporte des précisions à la fois :

 sur l’appréciation du caractère fautif de la rupture de pourparlers


 et sur le préjudice indemnisable en cas de rupture abusive de pourparlers

 Concernant l’appréciation du caractère fautif de la rupture de


pourparlers :
La rupture unilatérale de pourparlers ne constitue pas en soi une faute susceptible
d’engager la responsabilité de son auteur, quand bien même elle causerait un
préjudice à son partenaire.
Pour autant, le droit de rompre des pourparlers n’est pas sans limite et peut être
sanctionné sur le terrain de la responsabilité délictuelle si l’exercice de ce droit est
abusif.
L’article 1112 du Code civil rappelle, en effet, que la rupture des négociations
précontractuelles est libre, mais doit « impérativement satisfaire aux exigences de
la bonne foi ».
Le fait générateur de la responsabilité ne pourra donc résider que dans des
circonstances extérieures à la rupture.
L’appréciation du caractère fautif de la rupture relève du pouvoir souverain des
juges du fond ; la Cour de cassation exerce toutefois son contrôle sur la motivation
retenue.
Pour apprécier le caractère fautif de la rupture, les juges du fond se réfèrent aux
circonstances de la cause, notamment à la durée, l’état d’avancement des
pourparlers (Cass. civ 1ère, 14 juin 2000, 98-17494 ; Cass. com., 26 nov. 2003, n°
00-10243 et 00-10949), au fait d’avoir « laissé se poursuivre des pourparlers qui
allaient inéluctablement se traduire par des frais » (Cass. civ 1ère, 6 janv. 1998, n°
95-19199), à la brutalité de la rupture (Cass. com., 22 avr. 1997, n° 94-18953), à
l’absence de motifs légitimes (Cass. com., 7 avr. 1998, n° 95-20361 ; Cass. com.,
11 juill. 2000, n° 97-18275), au fait d’avoir « entretenu son partenaire dans la
croyance d’une issue certaine des pourparlers » (Cass. com., 3 mai 2012, n° 11-
14959 ; Cf. également Cass. com., 31 mars 1992, n° 91-14867). Cette
jurisprudence est connue.
Aucun seuil minimum de gravité de la faute n’est exigé. Toute faute et toute
négligence dans les circonstances entourant la rupture des pourparlers est de
nature à entraîner la responsabilité de son auteur. La Cour de cassation a, par
ailleurs, considéré que « la responsabilité délictuelle prévue aux articles
susvisés (1382 et 1383) du Code civil peut être retenue en l’absence d’intention de
nuire » (Cass. com., 3 oct. 1972, n° 71-12993 ; Cf. également : Cass. com., 11
juillet 2000, n° 97-18275).
Dans son arrêt du 14 mars 2018, la Cour d’appel de Paris fait une synthèse
intéressante de la jurisprudence rendue en la matière en rappelant très clairement
que :
« La liberté contractuelle implique celle de ne pas contracter, notamment en
interrompant les négociations préalables à la conclusion d’un contrat, sans
toutefois que les partenaires pressentis ne soient dispensés de participer
loyalement aux négociations et de coopérer de bonne foi à l’élaboration d’un
projet, ce dont il résulte que seules les circonstances de la rupture peuvent
constituer une faute pouvant donner lieu à réparation.
Il sera ajouté que pour apprécier le caractère fautif de la rupture de
pourparlers contractuels, il convient de prendre en considération
notamment la durée et l’état d’avancement des pourparlers, le caractère soudain
de la rupture, l’existence ou non d’un motif légitime de rupture, le fait pour l’auteur
de la rupture d’avoir suscité chez son partenaire la confiance dans la conclusion du
contrat envisagé ou encore le niveau d’expérience professionnelle des
participants ».
Concernant les faits de l’espèce, la Cour d’appel de Paris a considéré que :

 « En s’engageant aux côtés de M. P. sans avoir pris en compte l’ensemble


des informations essentielles du contrat de bail et compte tenu du caractère
substantiel de ce contrat dans la réalisation du projet d’ouverture sous
franchise du restaurant, et des enjeux financiers liés à l’entrée en vigueur du
contrat de bail, la société S. a commis une négligence fautive engageant sa
responsabilité à l’égard de M. P., alors que ce dernier pouvait au regard de
ces circonstances légitimement penser que les négociations aboutiraient ».

 « De même, la société F., en signant le 19 septembre 2012 une attestation à


destination du bailleur par laquelle elle indique qu’elle autorise M. P. à ouvrir
un restaurant sous enseigne « F », a pu laisser croire à M. P. qu’un contrat
de franchise allait être signé entre eux pour l’ouverture du restaurant dont il
est question. Dans ces conditions, la rupture des pourparlers du contrat de
franchise, constitue une faute engageant sa responsabilité à l’égard de M.
P. ».
La Cour a donc considéré que ces fautes des sociétés F. et S. ont concouru à la
réalisation de l’entier dommage subi par M. P. et qu’elles seront donc
condamnées in solidum à réparer le dommage subi du fait de ces fautes.

 Concernant le préjudice indemnisable en cas de rupture de


pourparlers :
L’arrêt commenté retient que :
« Il est de principe que la faute commise dans le droit de rupture unilatérale des
pourparlers n’est pas la cause du préjudice consistant dans la perte de chance de
réaliser les gains espérés de la conclusion du contrat. Le préjudice subi du fait
de la rupture de pourparlers n’inclut que les frais de négociation et d’étude
préalables ».
En l’occurrence, la Cour a considéré que « Les préjudices invoqués par M. P.
concernant la perte de chance d’occuper l’emploi de dirigeant d’un point de vente
sous enseigne « F », la perte d’espoir des bénéfices tirés de l’exploitation d’un
point de vente sous enseigne « F », et les dépenses engagées pour les besoins
de l’activité d’exploitation d’un point de vente sous enseigne « F », ne sont pas
consécutifs à la rupture des pourparlers, en ce qu’ils ne constituent pas les frais de
négociation et d’étude préalables ». Elle a donc débouté M. P. de ses demandes à
ce titre.
Elle a, en revanche, considéré que « la faute commise par les sociétés F. et S. a
causé un préjudice moral à M. P. par leurs fautes dans les circonstances de la
rupture des pourparlers que les premiers juges ont justement évalué à la somme
de 5.000 euros, et que ne contestent pas les intimées ». Elle a donc confirmé le
jugement sur le quantum, mais l’a infirmé en ce que seule la société S. a été
condamnée, condamnant in solidum les sociétés F. et S. à payer à M. P. la somme
de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice
moral.
Cette décision s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence.
En effet, la Cour de cassation retient notamment qu’« une faute commise dans
l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels n’est pas
la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains
que permettait d’espérer la conclusion du contrat » (Cass. com., 26 nov. 2003, n°
00-10243 et 00-10949 ; Cf. également Cass. civ. 3ème, 28 juin 2006, n° 04-20040 ;
Cass. com., 18 sept. 2012, n° 11-19629).
Dans son arrêt du 26 novembre 2003, la Cour de cassation a, par ailleurs,
considéré que :
« La Cour d’appel a décidé à bon droit qu’en l’absence d’accord ferme et définitif,
le préjudice subi par la société A. M. n’incluait que les frais occasionnés par la
négociation et les études préalables auxquelles elle avait fait procéder et non les
gains qu’elle pouvait, en cas de conclusion du contrat, espérer tirer de l’exploitation
du fonds de commerce ni même la perte d’une chance d’obtenir ces gains » (Cass.
com., 26 nov. 2003, n° 00-10243 et 00-10949).
Le gain manqué par la victime d’une rupture abusive de pourparlers n’est pas un
préjudice réparable. La victime ne pourra donc pas solliciter l’indemnisation du
profit qu’elle entendait retirer de la conclusion du contrat. Elle ne pourra pas non
plus être indemnisée sur le fondement de la perte de chance.
Cette jurisprudence a été consacrée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février
2016 ayant réformé le droit des contrats au nouvel article 1112, alinéa 2 du Code
civil, lequel dispose :
« En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui
en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus
du contrat non conclu ».
A rapprocher : Cass. com., 26 nov. 2003, n° 00-10243 et 00-10949 ; Cass. civ.
3ème, 28 juin 2006, n° 04-20040 ; Cass. com., 18 sept. 2012, n° 11-19629 ; v.
aussi en droit de la franchise, F.-L. Simon, De la bonne foi et de la loyauté au
stade précontractuel dans les relations tête de réseau-distributeur, LDR nov.-
déc. 2017 ; v. aussi, F.-L. Simon, Théorie et Pratique du droit de la franchise,
sp

Bonsoir à tous,

j'ai un devoir à rendre pour le premier concernant un cas et il faut que je donne une solution
aux problèmes juridiques.
C'est la manière de mon raisonnement qui sera en partie examiné et non la bonne solution.

Enfet mon raisonnement doit être de la façon suivante :


- faits pertients
- problème de droit
- règle de droit applicable (citer)
- confrontation de la règle aux faits de l'espèce
- conclusion : gain de cause?

Pour chacun des problèmes je doit faire un petit plan (ex: les victimes, les responsables ou
les deux) et pour chacune de celle-ci je doit donner plusieurs hypoyhèses.
Etant donné que je vient de commencer à faire du droit, je ne suis pas du tout doué et je suis
complètement perdus...
Je ne voit pas comment faire ce travail..
S'il vous plait aidez-moi..

Je vous remercie d'avance.

Voic le sujet :

CAS PRATIQUE

La société EXTRACOM SàRL est une petite société de décoration d’intérieur.


Sa gérante et directrice Anna, associé majoritaire, est à l’affût de toutes les opportunités
commerciales pour développer son chiffres d’affaires.

Anna gère directement les contrats avec les clients.

Elle dispose dans l’entreprise d’une équipe de commerciaux, de responsables marketing,


cela étant complété par les techniciens et techniciennes responsable du travail sur place chez
le client.

Anna rentre furieuse dans son bureau, elle est depuis plusieurs mois en négociation avec le
dirigeant d’une chaîne de magasins qui envisage de faire appel à elle pour « relooker » ses
boutiques.
Des pourparlers ont été engagés pour déterminer les aménagements à apporter, le dirigeant
s’avérant particulièrement exigeant, demandant sans cesse des modifications et adaptations
du projet proposé par Anna.
Ce dernier vient rompre brutalement les pourparlers, alors même qu’il n’avait jamais fait
douter de sa volonté de contracter avec Anna et qu’il a toujours laissé entendre que la
négociation serait conduite à son terme.
Anna a beaucoup travaillé pour se plier à ses exigences, elle a engagé des frais de
déplacement et d’hébergement pour les visites des boutiques.
Anna pense qu’elle a droit à quelque chose pour compenser le travail fait et surtout le temps
perdu alors qu’elle aurait pu se positionner sur d’autres marchés.
En tant que manager économique et ami d’Anna qu’en pensez-vous ? Elle vient vous voir
pour en parler et trouver une solution ?
De même cette pauvre Anna n’est pas au bout de ses surprises !

La société EXTRACOM avait postulé pour un appel d’offres très important et qu’elle était sûr
d’emporter, la secrétaire d’Anna avait tout prévu et avait envoyé le pli comportant les contrats
par Chronopost pour être certaine de tenir les délais.
Anna apprend aujourd’hui qu’elle n’a pas eu le marché, elle s’en prend à la secrétaire, la
croyant fautive, puis appelle le responsable en charge du dossier.
Ce dernier l’informe que sa proposition d’offre n’est pas arrivée à temps et qu’étant hors délai
elle avait été refusée.
Le ton monte, Anna n’en croit pas un mot, le responsable lui scan la première page et le
récépissé Chronopost qui montre que l’envoi est arrivé hors délai.
Anna vérifie de son côté l’accusé de réception ! Oui c’est vrai…le pli est arrivé trop tard !!!
Anna furieuse appelle Chronopost qui la renvoie aux CGV qui précise que le contrat de
transport prévoit une clause limitative de responsabilité du transporteur au remboursement du
prix du transport en cas de manquement à son obligation de célérité.
Argh…Anna est prise au dépourvu, elle ne sait pas quoi répondre !
Elle raccroche au nez de son interlocuteur et fonce dans le bureau de Fred, le manager
import/export, qui a généralement toujours réponse à tout !
Après lui avoir soumis le problème elle attend de Fred qu’il lui trouve une solution…après tout
le transport c’est son métier, si vous étiez Fred que pourriez-vous lui répondre ?
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