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République du Cameroun Republic of Cameroon

**** ****
Paix – Travail – Patrie Peace – Work – Fatherland
**** ****
Ministère de l’Enseignement Supérieur Ministry of Higher Education
**** ****
Université de Maroua BP: 644 Maroua The University of Maroua
**** Tel: (237) 22292119 ****
Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines e-mail :falsh.uma@gmail.com Faculty of Arts, Letters and Social
**** Sciences
Département de Sociologie, Anthropologie et des ***
Sciences Sociales pour le Développement Department of Sociology, Anthropology and
the Social Sciences for the Developement

SYNOPSIS DE COURS

PARCOURS :
SOCIOLOGIE

Intitulé de l’Unité d’Enseignement :


Travail et relations professionnelles

HEURES
CYCLE CODE TYPE UE SEMESTRE Crédit
CM TD/TP TPE

Licence 2 SOC 322 UE/F 6 30 20 10 6

Par:
Nom de l’Enseignant concepteur du cours
Dr GUEBOU TADJUIDJE François
Grade : Chargé de Cours

1
Sommaire :

Introduction
Chapitre 1 : Travail, mondialisation, cadre d’analyse et problématique des relations
professionnelles
1. Le travail et la notion de relations professionnelles
2. Mondialisation, cadre d’analyse et problématique des relations professionnelles
3. Définition et caractéristiques du système de relations de travail — ou relations
professionnelles

Chapitre 2 : Les conflits professionnels et syndicalisation


1. Les conflits du travail
2. Problématique de la syndicalisation, structure et fonction

Chapitre 3 : La négociation collective et participation


1. La négociation collective (Les contenus, acteurs et stratégie…)
2. La participation : La participation directe/indirecte
3. Le paritarisme

Chapitre 4 : Rapports de travail, lien social au travail et construction des identités


1. Les rapports du travail
2. Le temps du travail
3. Le lien et capital social au travail : construction des identités
4. Nouvelles formes d’identités au travail

Conclusion

Références bibliographiques.

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1- Présentation de l’Unité d’Enseignement
Contenu :
Les rapports que tissent acteurs sociaux dans le milieu du travail, en partant du
postulat que ces rapports sont multiples, complexes, et concernent à la fois le temps du travail
et le temps hors travail, le « dedans » et le « dehors » de l’entreprise, de l’atelier, du lieu de
travail. Ensuite, il s’agit d’étudier la construction des identités professionnelles et de faire le
lien entre l’entreprise et la société. Enfin, il aborde les rapports individuels et collectifs du
travail en rapport avec la problématique de la syndicalisation.
Mots clés : entreprise, travail, acteurs, relations professionnelles

2. Objectif global :
L’objectif global poursuivi par cet enseignement est : Ce cours SOC 322 a pour but
de questionner les rapports que tissent acteurs sociaux dans le milieu du travail.
Objectifs spécifiques :
Au terme de cet enseignement, chaque apprenant sera capable de :
1. Cerner le débat scientifique sur la problématique du travail à l’ère de la mondialisation
ainsi que le cadre d’analyse des relations professionnelles ;
2. Comprendre les conflits professionnels et la dynamique de syndicalisation en milieu de
travail ;
3. Mettre en place les mesures de négociation collective des conflits issus des milieux de
travail et comprendre les mécanismes de participation ;
4. Rendre compte de la nature des rapports de travail, du type de lien social au travail et
construction des identités des identités professionnelles.
Chacun des objectifs ici sera mieux détaillé dans une séquence/chapitre précis dans la suite.

3. Compétences et Résultats d’apprentissage escomptés


1. Connaissances du monde de l’organisation
2. Appropriation des aspects méthodologiques : démarche, outils, techniques pour le
métier de médiateur…
3. Esprit d’ouverture et Développement des attitudes personnelles pour la tolérance
culturelle…

3. Prérequis :
Curiosité, pensée critique, appréhension et compréhension des actes sociaux, refus des
explications pré-établies…

5. Durée du cours : 50 h
Pour atteindre les objectifs de l’UE, l’apprenant devra s’arranger à planifier des heures pour
les activités d’apprentissage liées au cours : lecture des supports de cours et l’exécution des
activités (autoévaluations, exercices d’applications, devoirs à rendre,…).
20 heures sont consacrés au projet personnel et encadré de l’étudiant mais ce temps peut être
rallongé en cas de besoin par l’apprenant.
3
6. Plan de progression de l’UE :
N° PLAN DE PROGRESSION DU COURS DURÉ
E
Semaine1 Introduction 04h
Chapitre 1 : Travail, mondialisation, cadre d’analyse et problématique des relations
professionnelles
1. Le travail et la notion de relations professionnelles
1.1. Définition du travail
Semaine2 1.2. Relations professionnelles 04h
2. Mondialisation, cadre d’analyse et problématique des relations professionnelles
2.1. Grandes phases d’évolution des relations professionnelles
2.1.1. Une première phase d’évolution
Semaine3 2.1.2. Une seconde phase d’évolution 04h
2.2. Cadre d’analyse et problématique des relations professionnelles
3. Définition et caractéristiques du système de relations de travail — ou relations
professionnelles
Semaine4 Chapitre 2 : Les conflits professionnels et syndicalisation 04h
1. Les conflits du travail
1.1. Les types de conflits
1.1.1. Conflit individuel
Semaine5 1.1.2. Conflit collectif 04h
1.1.3. Conflit de droit
1.1.4. Conflit d’intérêts
Semaine6 1.2. La résolution des conflits 04h
2. Problématique de la syndicalisation, structure et fonction
Chapitre 3 : La négociation collective et participation
1. La négociation collective (Les contenus, acteurs et stratégie…)
Semaine7 2. La participation : La participation directe/indirecte 04h
2.1. Les comités d’entreprise et structures similaires; la cogestion
2.2. Les cercles de qualité et le management total de la qualité
Semaine8 2.3. Les groupes de projet paritaires 04h
2.4. Le travail de groupe en semi-autonomie et le travail en équipe
2.5. La représentation des travailleurs dans les conseils de surveillance; les salariés
actionnaires
2.6. Les comités d’hygiène et de sécurité et les représentants des travailleurs
3. Le paritarisme
Semaine9 Chapitre 4 : Rapports de travail, lien social au travail et construction des identités 04h
1. Les rapports du travail
2. Le temps du travail
Semaine10 3. Le lien et capital social au travail : construction des identités 04h
4. Nouvelles formes d’identités au travail
Conclusion
Semaine11 Travaux Dirigés, TPE/TD 04h
Semaine12 Travaux Dirigés, TPE/TD 04h
Semaine13 Travaux Dirigés, TPE/TD 04h
Semaine14 Travaux Dirigés, TPE/TD 04h

7. Évaluation
Les notes de Contrôle Continu, de TD et des TPE comptent respectivement pour 20%, 20% et
10 %. L’examen de fin de semestre compte pour 50 %. Un seul rattrapage est prévu.
- TPE : 20 %
- TD : 10 %
- CC : 20 %
- Examen final : 50 %

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CONTENUS DE L’UE
Le cours abordera successivement les thèmes suivants :
 Travail, mondialisation, cadre d’analyse et problématique des relations
professionnelles
 Les conflits professionnels et syndicalisation
 La négociation collective et participation
 Rapports de travail, lien social au travail et construction des identités

Introduction
Ce cours aborde globalement un questionnement sur les rapports que tissent acteurs
sociaux dans le milieu du travail dans un univers mondialisé et individualisé. Il s’évertue à
construire une sorte de cadre d’analyse et une esquisse de la problématique des relations
professionnelles dans son premier palier. Par la suite, la réflexion interroge la nature des
conflits professionnels puis analyse une logique prospective qui est celle de la syndicalisation.
Dans son troisième volet, il aborde la logique de la négociation avec toutes ses formes avant
d’évaluer scientifiquement l’option de la participation. Toujours dans la perspective d’une
réflexion dans le domaine de la sociologie économique, un dernier pan est abordé sur les
logiques de rapports de travail, de la nature du lien social au travail ou en dehors ainsi que la
dialectique/normes de construction des identités.

5
Chapitre 1 : Travail, mondialisation,
cadre d’analyse et problématique des
relations professionnelles
Ce chapitre s’évertue à construire une sorte de cadre d’analyse et une esquisse de la
problématique des relations professionnelles dans son premier palier.

1. Le travail et la notion de relations professionnelles


1.1. Définition du travail
Étymologie : du bas latin tripalium, appareil formé de trois pieux, utilisé pour ferrer ou
soigner les animaux, ou comme instrument de torture ...
Les différents types d’expression de travail : Travail créateur, intellectuel, manuel,
qualifié, scientifique, spécialisé, technique; travail des mains, de la pensée, de la réflexion; se
mettre au travail; se plonger ...
On peut aussi dire que le Travail est cet : Ensemble des activités humaines organisées,
coordonnées en vue de produire ce qui est utile ; activité productive d’une personne. (Le
travail)
Le travail est aussi un effort individuel ou collectif, physique ou intellectuel,
conscient, délibéré, créatif, professionnel ou non, dont le but tend
Au sens économique usuel, le travail est l’activité rémunérée ou non qui permet la
production... Ces dimensions contradictoires coexistent et fondent la diversité des
interprétations du travail et des conflits sur la définition du travail. Le travail est défini
usuellement comme une Façon de produire, en incluant les efforts qu´on fait ou les résultats
qu’on obtient.

1.2. Relations professionnelles


Pour M. LALLEMENT, les relations professionnelles renvoient à « l’ensemble des
pratiques et des règles qui, dans une entreprise, une branche, une région ou l’économie toute
entière, structurent les rapports entre les salariés, les employeurs et l’État. » (LALLEMENT,
1996, p. 3).
Depuis le début des années 90, la mondialisation a changé de visage. Conjuguée à
l’ouverture des économies à la concurrence et au commerce international, l’accélération des
6
mouvements de capitaux a favorisé l’émergence d’une nouvelle structure de la production et
des échanges mondiaux (MILBERG, 2004). A l’œuvre dans de nombreux secteurs de
l’industrie et des services, la fragmentation de la production à l’échelle planétaire a poussé au
développement de « filières mondiales de produit» (GEREFFY, HUMPHREY, STURGEON,
2001), constituées de segments d’activités répartis sur plusieurs pays et plus ou moins intégrés
entre eux selon le degré d’externalisation qui les affectent.
Ces filières dessinent des « chaînes de valeur » dont l’organisation et la gestion par les
directions dépendent étroitement de la manière dont la propriété et le pouvoir se distribuent
entre les maisons mère, les filiales et le réseau des fournisseurs. Cette nouvelle configuration
de l’économie mondiale n’est pas sans conséquence sur la stabilité des systèmes nationaux de
relations professionnelles. Plus largement, on peut légitimement penser que l’impact de la
mondialisation sur les systèmes nationaux de relations professionnelles est profond, durable et
irréversible. Acteurs et vecteurs clé de la mondialisation, les FMN constituent de toute
évidence, dans ce nouveau contexte, un laboratoire d’analyse de premier plan pour saisir les
tensions nouvelles et tenter de décrypter les recompositions qui affectent les systèmes et les
pratiques de relations professionnelles.

2. Mondialisation, cadre d’analyse et problématique des relations professionnelles


2.1. Grandes phases d’évolution des relations professionnelles
Dès les années 90, on assiste à la mise en perspective de deux grandes phases
d’évolution des relations professionnelles peuvent être distinguées :

2.1.1. Une première phase d’évolution


Couvrant les années 70 jusqu’au milieu des années 80, elle se caractérise par des
relations professionnelles aux prises avec des restructurations profondes d’anciennes
industries (textile, mine, sidérurgie, automobile) et une internationalisation croissante des
systèmes productifs nationaux. L’insertion de l’économie française dans la nouvelle division
internationale du travail devait progressivement imposer ses normes d’ajustement : la notion
de compétitivité supplante celle de répartition et le thème de la flexibilité devient dominant.
Durant cette période, un décalage de plus en plus net se manifeste entre l’espace transnational
des activités productives des firmes multinationales et celui des relations professionnelles
dont le cadre et la dynamique de transformation restent encore essentiellement nationaux.

2.1.2. Une seconde phase d’évolution

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Elle est ouverte dans les années 90 où les relations professionnelles se trouvent
directement confrontées à la globalisation des marchés financiers et au passage des économies
du bloc soviétique à l’économie capitaliste de marché, rapidement suivi d’une adhésion à
l’UE pour un certain nombre d’entre eux 14 en Europe. Cette période dessine les contours
d’une véritable rupture du point de vue de l’analyse des relations professionnelles. Face à la
mobilité du capital, l’ouverture des marchés et les perspectives de croissance des pays
émergents, les systèmes nationaux de relations professionnelles sont directement mis en
tension; les acteurs, les pratiques et les espaces de régulation se renouvellent ou se
démultiplient au gré des stratégies d’investissement des firmes et des déplacements de
production. Les relations professionnelles se déploient sur des registres et des espaces
multiples qui, certes, n’en effacent nullement l’importance du point de vue de la dimension
nationale mais en relativisent fortement la pertinence du point de vue du jeu de la régulation
sociale.

2.2. Cadre d’analyse et problématique des relations professionnelles


Mises en cause dans leur acception traditionnelle (DUNLOP, réed., 1993), les
relations professionnelles recouvrent une certaine « plasticité » dans leur profil d’évolution.
Elles deviennent de plus en plus dépendantes de l’environnement de l’entreprise et des
interactions entre celle-ci et son environnement, (KATZ, KOCHAN, Mc KERSIE, 1986).
Tout se passe en fait comme si les configurations de relations entre acteurs du monde du
travail étaient devenues modulables, celles-ci pouvant aller du schéma classique « État-
syndicat-employeur » déployé sur des thématiques nouvelles à des scenarii faisant intervenir
d’autres d’acteurs, institués ou non (fédérations internationales court-circuitant les
représentants salariés de la firme ; managers ; experts CEE). Voire d’autres scènes que
l’entreprise comme les territoires et l’environnement de l’entreprise où interviennent des
acteurs extérieurs au monde immédiat du travail (collectivités locales, actionnaires, ONG,
etc.). Ainsi, le champ des relations professionnelles n’apparaît plus aussi bien délimité que par
le passé au sens où les règles et les pratiques qui les définissaient traditionnellement se
trouvent en porte à faux vis-à-vis de relations sociales dont la régulation est définie plus en
plus sur une base individuelle, voire informelle et même sociétale. Ces relations sont
également instables compte tenu d’une architecture complexe, multi-niveaux (local, national,
régional dont européen, mondial) et du déficit d’articulation lié à des institutions déficientes

8
ou inexistantes ou encore à des acteurs insuffisamment organisés qui n’ont pas encore pris
toute la mesure du changement.

Dans la littérature sur le sujet, il faut noter que la plupart des travaux ayant cherché à
expliciter cette dynamique de recomposition des relations professionnelles à l’Est, ont limité
leur champ d’investigation à l’analyse des canaux d’influence exercé par les institutions
communautaires, selon une logique de type « top-down » comme l’évoquent MARGINSON
ET MÉARDI (2006) ou FICHTER (2003). Cependant, l’arrivée à terme du processus de
reprise de l’acquis communautaire d’une part, l’infléchissement du soutien de l’UE au
Modèle Social Européen d’autre part, ont progressivement renforcé la pertinence d’une
analyse de type « bottom-up », qui insiste davantage sur l’impact des stratégies d’entreprise à
l’internationale mais aussi la coordination syndicale transnationale comme facteurs de «
congruence » des différents systèmes de relations professionnelles.

Il se distingue en cela des relations traditionnelles syndicats/directions comme elles


sont généralement organisées dans le cadre institué de la négociation collective ou du «
paradigme du salaire » et qui restaient fondées sur un « principe d’équivalence des influences
mutuelles » que les partenaires sociaux pouvaient exercer en matière contractuelle, au sein de
la négociation collective.

Pour aller plus loin encore, rappelons que d’après Dunlop, les acteurs du système des
relations professionnelles, syndicats comme employeurs, devaient être animés d’une «
idéologie commune » (qui s’inscrivait alors dans un contexte de pratiques redistributives) afin
que le système de la négociation collective puisse être pleinement efficace (DUNLOP, op.
cit.). Voir aussi, dans une autre perspective, PIZZORNO, à propos de l’échange politique
(PIZZORNO, 1978).

3. Définition et caractéristiques du système de relations de travail — ou relations


professionnelles
Un système est un ensemble d’éléments interagissant entre eux selon certains
principes ou règles.

L’expression relations de travail — ou relations professionnelles — désigne le


système dans lequel les employeurs, les travailleurs et leurs représentants, ainsi que le

9
gouvernement par voie directe ou indirecte, échangent leurs points de vue et conjuguent leurs
efforts pour fixer les règles de base de la conduite des relations de travail.
Cette expression désigne aussi un champ de recherche voué à l’étude de ces relations.
Il s’agit d’un legs de la révolution industrielle, dont les excès ont conduit à l’émergence de
syndicats pour représenter les travailleurs et au développement de régimes collectifs de
relations professionnelles. Tout système de relations de travail ou de relations
professionnelles est à l’image des interactions entre ses principaux acteurs: l’État,
l’employeur (ou des employeurs ou une association d’employeurs), les syndicats et les
travailleurs (qui peuvent adhérer ou non aux syndicats et à d’autres organismes se proposant
de les représenter).
Les expressions «relations de travail» et «relations professionnelles» sont également
employées à propos de diverses formes de participation des travailleurs; elles peuvent aussi
englober la relation individuelle d’emploi entre un employeur et un travailleur aux termes
d’un contrat de travail écrit ou tacite, bien que cette relation soit habituellement qualifiée de
«relation d’emploi». L’usage de ces expressions varie considérablement selon les époques et
les endroits et reflète en partie l’évolution qui caractérise ce domaine.
Toutefois, on convient généralement qu’elles comprennent la négociation collective,
diverses formes de participation des travailleurs (comme les comités d’entreprise et les
comités d’hygiène et de sécurité) et les mécanismes de règlement des différends collectifs et
individuels. La grande diversité des systèmes de relations professionnelles dans le monde
suppose d’assortir les analyses comparatives et les classifications de certaines mises en garde
au sujet des risques de généralisation et d’analogies trompeuses.
Traditionnellement, on distingue quatre types de gestion en milieu de travail:
dictatoriale, paternaliste, institutionnelle, participative. Les plus intéressants dans le monde
moderne ce sont les deux derniers.
Tout système de relations professionnelles met en jeu des intérêts à la fois privés et
publics. L’État en est également partie prenante, mais son rôle va de l’interventionnisme à la
passivité selon les pays. La nature des rapports entre le monde syndical, le patronat et le
gouvernement en matière de sécurité et de santé est révélatrice de la situation globale des
relations professionnelles dans un pays, une branche d’activité, et vice versa. Un système de
relations professionnelles sous-développé tend à l’autoritarisme, l’employeur dictant des
règles sans la participation directe ou indirecte des salariés qui se bornent à accepter un
emploi aux conditions offertes.

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Tout système de relations professionnelles comporte à la fois des valeurs de société
(liberté syndicale, sens de la solidarité au sein du groupe, recherche du profit maximum) et
diverses techniques (méthodes de négociation, organisation du travail, consultation et
règlement des différends). Par tradition, les systèmes de relations professionnelles sont classés
par modèles nationaux, mais la validité de cette façon de voir s’estompe devant la diversité de
plus en plus marquée des pratiques dans les pays et la montée en puissance d’une économie
mondiale, aiguillonnée par la concurrence internationale.
Certains pays sont connus pour avoir des modèles de relations professionnelles de type
coopératif (Allemagne, Belgique), tandis que d’autres ont des modèles qualifiés de
conflictuels (Bangladesh, Canada, États-Unis). Divers systèmes ont également fait l’objet
d’une distinction sur la base de leur régime centralisé de négociation collective (par exemple,
les pays nordiques, bien qu’ils tendent à s’en éloigner, comme on le voit en Suède), la
négociation par branche sectorielle ou industrielle (Allemagne), ou la négociation par
entreprise ou par établissement (États-Unis, Japon). Dans les pays qui sont passés d’une
économie planifiée à une économie de marché, les systèmes de relations professionnelles sont
en période de transition. Par ailleurs, de plus en plus d’études analytiques portent sur la
typologie des relations individuelles d’emploi en tant qu’indicateurs des types de systèmes de
relations professionnelles.
Même les descriptions classiques des systèmes de relations professionnelles ne sont
pas du tout figés, car ces systèmes évoluent et s’adaptent aux nouvelles situations, qu’elles
soient d’ordre économique ou politique. La mondialisation de l’économie de marché,
l’affaiblissement de l’État en tant que réelle force agissante et le déclin du pouvoir syndical
dans bon nombre de pays industrialisés constituent autant de sérieux défis lancés aux
systèmes traditionnels de relations professionnelles. Le progrès technologique a modifié le
contenu des tâches et l’organisation du travail; ces changements, en retour, influent
profondément sur la capacité d’épanouissement des régimes collectifs de relations
professionnelles et sur leur orientation.
Le schéma traditionnel — horaires de travail communs pour tous les salariés dans un
même lieu — cède graduellement la place à des horaires plus variés et à l’exécution
décentralisée des tâches en divers endroits, y compris à domicile, avec moins de surveillance
directe de la part de l’employeur. Les relations d’emploi dites «atypiques» méritent de moins
en moins ce qualificatif puisque les effectifs de la main-d’œuvre précaire ou occasionnelle

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continuent de grossir. Par ricochet, cette situation exerce une pression sur les systèmes établis
de relations professionnelles.
Des formes nouvelles de représentation et de participation des salariés sont en train de
donner une dimension supplémentaire au tableau des relations professionnelles dans un
certain nombre de pays. Tout système de relations professionnelles établit les règles de base,
formelles ou non, qui déterminent la nature des régimes collectifs de relations
professionnelles, ainsi que le cadre de la relation d’emploi individuelle entre un travailleur et
son employeur. Du côté patronal, de nouveaux acteurs viennent compliquer la situation,
notamment les bureaux de placement temporaire ou agences d’intérim et les sous-traitants
fournisseurs de main-d’œuvre qui peuvent avoir des responsabilités envers des travailleurs
sans exercer pour autant de contrôle sur les conditions d’exécution du travail, ou sans avoir la
possibilité d’assurer la formation à la sécurité. De plus, les employeurs des secteurs public et
privé sont régis par une réglementation distincte dans la plupart des pays; il existe souvent des
écarts considérables entre ces deux secteurs pour ce qui est des droits et de la protection des
salariés. En outre, le secteur privé est exposé à la concurrence internationale, qui n’influe pas
directement sur les relations professionnelles dans le secteur public.
Enfin, l’idéologie néolibérale, qui privilégie la conclusion de contrats d’emploi
individuel au détriment des conventions collectives, constitue une autre menace pour les
systèmes traditionnels de relations professionnelles. Ces systèmes sont nés de l’émergence de
la représentation collective des travailleurs, le passé ayant démontré qu’isolés, ceux-ci sont en
position de faiblesse par rapport à l’employeur. L’abandon de toute représentation collective
risquerait de rétablir une notion largement répandue au XIXe siècle selon laquelle chaque
personne est libre d’accepter un travail dangereux, et que c’est là une question de libre arbitre.
La mondialisation croissante de l’économie, le rythme accéléré des changements
technologiques et, partant, l’appel à une flexibilité accrue des institutions de relations
professionnelles lancent à ces dernières de nouveaux défis dont dépendent leur survie et leur
prospérité. En fonction de leurs traditions et de leurs institutions actuelles, les parties à un
système de relations de travail peuvent réagir très différemment à des pressions identiques,
exactement comme les gestionnaires peuvent choisir une stratégie établie en fonction des
coûts ou, plutôt, une stratégie axée sur la valeur ajoutée pour affronter une concurrence accrue
(LOCKE, KOCHAN ET PIORE, 1995). Le degré de participation des travailleurs ou le rôle
de la négociation collective dans un système de relations professionnelles influe sans aucun

12
doute sur l’approche des gestionnaires face aux problèmes de sécurité et de santé dans
l’entreprise.
Par ailleurs, une autre constante demeure, celle de la dépendance économique du
travailleur individuel par rapport à l’employeur; cette réalité qui sous-tend leur relation
comporte de graves conséquences potentielles en matière de sécurité et de santé. On considère
que l’employeur a l’obligation générale de garantir un milieu de travail sûr et salubre, de
former son personnel et de lui fournir l’équipement nécessaire pour qu’il puisse effectuer son
travail en sécurité. Réciproquement, il incombe au travailleur de se conformer aux règles de
sécurité et de santé et d’éviter de se blesser ou de blesser autrui dans l’accomplissement de ses
fonctions. Tout manquement à ces obligations ou à d’autres prescriptions peut aboutir à des
conflits, dont le règlement repose sur le système de relations professionnelles. Les
mécanismes de règlement des différends comprennent les règles qui régissent non seulement
les arrêts de travail (grèves, ralentissements de travail ou grèves perlées, grèves du zèle, etc.)
et les lock-out, mais encore les mesures disciplinaires et le licenciement des salariés. De plus,
dans de nombreux pays, les employeurs sont tenus de cotiser à divers organismes de
prévention, d’assurer la surveillance de la sécurité et de la santé sur le lieu de travail, de
déclarer les accidents du travail et les maladies professionnelles et, indirectement,
d’indemniser les travailleurs victimes d’un accident du travail ou d’une maladie
professionnelle.

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Chapitre 2 : Les conflits professionnels et
syndicalisation
Ce chapitre à travers une réflexion interroge la nature des conflits professionnels puis
analyse une logique prospective qui est celle de la syndicalisation.

1. Les conflits du travail


Dans les systèmes de relations professionnelles dominés par les forces du marché, le
conflit entre travailleurs et employeurs et leurs organisations est inévitable et il engendre des
désaccords et des conflits qu’il est nécessaire de résoudre. Il est possible de prévenir les
conflits et de les résoudre par des actions consensuelles menées par les employeurs et les
travailleurs eux-mêmes ou par des actions menées par des tiers via des processus de
conciliation et de négociation.

Pour mieux comprendre la nature des relations professionnelles et le poids que


représente la coopération ou le conflit, il est nécessaire d’examiner la nature et les
caractéristiques des parties en interaction d’une part et les environnements dans lesquels elles
interagissent d’autre part. Les parties en interaction incluent:
 le travailleur;
 l’employeur;
 un groupe de travailleurs ou un syndicat;
 une organisation patronale;
 une fédération syndicale;
 une fédération patronale;
 des agences gouvernementales.

Les parties en interaction peuvent se distinguer par:


 le pouvoir qu’elles exercent;
 leurs valeurs;
 l’environnement dans lequel elles opèrent.

Il est possible de minimiser le conflit et les litiges, mais la nature des interactions
travailleur-employeur dans une économie de marché conduit à l’inévitabilité du conflit. Les
14
relations professionnelles dans une économie de marché acceptent et reconnaissent que les
travailleurs et la direction ont des intérêts distincts et que le conflit est inévitable et doit être
géré. Toutefois, des intérêts différents ne conduisent pas systématiquement à des conflits
constants. Les travailleurs et les employeurs peuvent travailler ensemble pour résoudre leurs
différends et parvenir à un accord commun sans que les désaccords ne deviennent des conflits
formels. De l’intérêt contraire naît la nécessité de discuter et de négocier, alors que l’intérêt
commun donne l’élan nécessaire pour parvenir au compromis et à l’accord. Il est possible
d’empêcher et de résoudre les conflits grâce à l’action de parties elles mêmes, sans
l’intervention de tiers. Cela est également possible grâce aux services fournis par des
organismes soutenus ou administrés par l’État ou par des acteurs du secteur privés.

1.1. Les types de conflits


Certains conflits sont individuels par nature, d’autres sont collectifs; certains portent
sur les droits, d’autres sur les intérêts.

1.1.1. Conflit individuel


Un conflit individuel est un désaccord entre un travailleur et son employeur,
généralement sur des droits existants. Il peut également inclure des situations dans lesquelles
un certain nombre de travailleurs sont en désaccord avec leur employeur sur la même
question, mais ou chaque travailleur agit individuellement.

1.1.2. Conflit collectif


Un conflit collectif est un désaccord entre un groupe de travailleurs, généralement
mais pas nécessairement, représenté par un syndicat, et un employeur ou un groupe
d’employeurs sur des droits actuels ou des intérêts futurs.

1.1.3. Conflit de droit


Un conflit de droit est un désaccord entre un ou plusieurs travailleurs et leur
employeur sur la violation d’un droit inscrit dans la loi, une convention collective ou un
contrat de travail. Ces conflits apparaissent généralement sous la forme d’une plainte des
travailleurs pour non respect de leurs droits en matière de salaires, de paiement des heures
supplémentaires, de congés et d’environnement de travail – en fait, tout ce qui constitue un
droit déjà inscrit dans la loi. Les conflits de droit peuvent être individuels ou collectifs.

15
1.1.4. Conflit d’intérêts
Un conflit d’intérêts est un désaccord entre des travailleurs et leur employeur sur des
droits et obligations futurs au titre du contrat de travail. Dans la pratique, la plupart des
conflits d’intérêts résultent d’une rupture dans le processus de négociation, les parties étant
incapables de parvenir à un accord sur les termes et conditions d’embauche qui s’appliqueront
dans le futur.
Les conflits d’intérêts sont généralement collectifs par nature.
Dans un tout autre sens, on peut citer aussi cette catégorisation des types de conflits
entre les personnes et les groupes. Ils peuvent être des conflits d’idées, des conflits d’intérêts,
des conflits de personnes ou encore des conflits de position.

1.2. La résolution des conflits


Il y a généralement quatre approches pour résoudre les conflits, à savoir,

 l’évitement, lorsqu’une partie décide de ne pas résoudre le conflit;


 le pouvoir, lorsqu’une partie utilise la contrainte pour forcer une autre partie à faire ce
qu’elle veut;
 les droits, lorsqu’une partie applique le droit ou des règles indépendantes pour résoudre un
conflit;
 le consensus, lorsqu’une partie fait des efforts de réconciliation, de compromis ou
d’adaptation aux positions ou besoins sous-jacents de l’autre partie.

2. Problématique de la syndicalisation, structure et fonction


L’étude de la syndicalisation des non-syndiqués est beaucoup plus complexe qu’elle
ne peut sembler l’être à prime abord. Les recherches antérieures sur le sujet ont surtout porté
sur la propension ou le désir des salariés à se syndiquer. On a alors pu identifier avec assez de
précisions ce qui les portait à vouloir se syndiquer.

Depuis le début des années 1980, on assiste dans la plupart des pays à une baisse ou
à une stagnation de l’emploi dans les secteurs à forte densité syndicale (SCHNABEL et
WAGNER, 2005). Au cours des vingt dernières années, le nombre d’emplois temporaires ou
à temps partiel a augmenté de façon importante. Le travail autonome est aussi devenu un
phénomène plus courant. Ces transformations de la structure et de la nature de l’emploi sont
autant d’obstacles à la croissance numérique du syndicalisme, voire même à son maintien. Le
contexte sociopolitique n’étant pas au rendez-vous pour introduire de nouvelles mesures
16
législatives qui permettraient un meilleur accès à la syndicalisation, les organisations
syndicales n’ont d’autres choix que de revoir leurs pratiques et leurs politiques de
recrutement. Même s’il se crée encore des emplois dans les grandes entreprises
manufacturières, les pertes d’emploi y dépassent la somme des nouveaux emplois créés. Ce
n’est donc plus là, comme ce fut le cas dans les trois décennies d’après guerre, que le
syndicalisme trouvera les membres pour assurer sa croissance. Ce n’est pas non plus dans le
secteur public dont la taille a plafonnée dans les années 1980, a été réduite dans les années
1990, pour faiblement croître de nouveau ces dernières années.

Le portrait type des non-syndiqués des années 2000 a changé. Aujourd’hui, c’est
aussi souvent une femme qu’un homme. Cette personne occupe un poste aux formes diverses
qui vont de la semi-autonomie du travail à forfait aux régimes atypiques du temps partiel, du
saisonnier ou du temporaire. Le plus souvent, elle travaille dans une petite entreprise de
production de biens ou de services. Quand cette dernière est de plus grande taille, on est, la
plupart du temps, dans des secteurs à faible densité syndicale comme les ventes aux détails (à
l’exception des supermarchés d’alimentation) ou la nouvelle économie. Ces entreprises sont
bien connues pour leurs pratiques agressives d’évitement syndical ou leurs stratégies de
gestion des ressources humaines orientées sur l’individu et non pas sur la collectivité.

On est donc bien loin du modèle de la grande entreprise manufacturière ou de la


bureaucratie qui s’accommodent assez bien des règles de travail standardisées. C’est dans ce
contexte plus général que s’inscrit la question de la syndicalisation des petites entreprises et
celle, sous-jacente, de l’adaptation de l’offre à la demande.

Les modèles explicatifs de la syndicalisation peuvent être regroupés en trois


catégories.

 Sous la première, d’inspiration économique, le motif premier de syndicalisation sera


d’ordre utilitaire. La propension du salarié à se syndiquer sera hautement corrélée à
l’utilité ou l’avantage qu’il estime qu’une telle décision lui procurera (FARBER et SAKS,
1980).
 La deuxième approche trouve source dans les sciences politiques et la sociologie. Le motif
de syndicalisation est avant tout relié aux convictions ou croyances politiques et
idéologiques (SMITH, 1987). L’appui à la cause syndicale et la conscience de classe
deviennent les facteurs qui amènent les salariés à se syndiquer.

17
 Enfin, la dernière approche prend source dans la psychologie sociale. Selon cette
approche, l’insatisfaction (au travail) est l’élément déclencheur du processus de
syndicalisation. L’insatisfaction peut prendre différentes formes en ce sens qu’elle peut
être généralisée, spécifique ou temporelle suite à une situation de crise ou de menace
(WHEELER, 1985). La personne insatisfaite évaluera alors la valeur instrumentale de la
syndicalisation. Si cette évaluation s’avère bénéfique, elle cherchera à joindre un syndicat
(WHEELER et McCLENDON, 1991). Dans notre contexte des années 2000, c’est cette
dernière approche théorique qui nous semble la plus pertinente pour le développement.

18
Chapitre 3 : La négociation collective et
participation
Ce chapitre est le troisième volet de notre réflexion sur le TRP, il aborde la logique de la
négociation avec toutes ses formes avant d’évaluer scientifiquement l’option de la
participation.

1. La négociation collective (Les contenus, acteurs et stratégie…)


La négociation collective est le processus par lequel les travailleurs, en tant que
groupe, négocient avec leur employeur; elle peut avoir lieu à divers niveaux (entreprise,
branche d’activité ou niveau national). Traditionnellement, cette négociation porte sur les
salaires, les avantages sociaux, les conditions de travail et un traitement équitable. Elle peut
aussi avoir trait à des questions qui ne touchent pas directement les travailleurs occupés dans
l’entreprise, comme dans le cas de l’augmentation des pensions des travailleurs retraités. Il est
plus rare que la négociation collective déborde vraiment le cadre du milieu de travail et porte,
par exemple, sur la protection de l’environnement.
Dans une très petite entreprise, les travailleurs en tant que groupe peuvent négocier
collectivement avec leur employeur. Ce genre de négociation collective officieuse existe
depuis des siècles. Néanmoins, de nos jours, la négociation collective est surtout le fait
d’organisations de travailleurs ou de syndicats.
La convention (no 154) de l’OIT sur la négociation collective, 1981, en donne une
définition très générale à l’article 2: [...] le terme [...] s’applique à toutes les négociations qui
ont lieu entre un employeur, un groupe d’employeurs ou une ou plusieurs organisations
d’employeurs, d’une part, et une ou plusieurs organisations de travailleurs, d’autre part, en
vue de:
 fixer les conditions de travail et d’emploi; et/ou
 régler les relations entre les employeurs et les travailleurs; et/ou
 régler les relations entre les employeurs ou leurs organisations et une ou
plusieurs organisations de travailleurs.
La négociation collective permet de faire progresser le niveau de vie et d’améliorer les
conditions de travail, d’où son importance. Même si la sécurité et la santé au travail sont
régies par la législation nationale de presque tous les pays, la négociation collective constitue
souvent le mécanisme d’application pratique de ces lois sur les lieux de travail. Ainsi, la
19
législation peut prescrire l’établissement de comités d’hygiène et de sécurité ou de comités
d’entreprise, mais laisser à l’employeur et à l’organisation de travailleurs le soin d’en
négocier les modalités d’application.
Malheureusement, la négociation collective est contestée par des employeurs
autoritaires et des gouvernements répressifs, et ce, dans des pays développés comme dans des
pays en développement. Elle existe rarement dans le secteur non structuré ou dans les petites
entreprises traditionnelles. Par conséquent, la majorité des travailleurs dans le monde ne jouit
pas des avantages d’une réelle négociation collective dans un cadre où les droits des
travailleurs sont garantis par la loi.
On considère généralement la négociation collective comme un processus formel qui
se déroule à intervalles réguliers et qui se conclut par une convention écrite entre
l’organisation de travailleurs et l’employeur (ou les employeurs). De telles négociations
supposent une série de demandes ou de propositions, suivies de contre-propositions et de
longues délibérations qui débouchent éventuellement sur la signature d’une convention
collective, d’un protocole d’entente, de déclarations conjointes ou de codes de bonnes
pratiques établis d’un commun accord.
Cependant, on peut aussi considérer que la négociation collective est un processus
continu de règlement des problèmes au fur et à mesure qu’ils se posent. Ce genre de
négociation a lieu chaque fois qu’un délégué d’atelier rencontre un cadre pour régler un
différend ou un grief, chaque fois qu’un comité paritaire de sécurité et d’hygiène se réunit
pour discuter des problèmes qui se posent dans l’établissement, chaque fois qu’une équipe
paritaire patronale-syndicale étudie un nouveau programme d’entreprise.
C’est cette souplesse qui est le gage de la pérennité de la négociation collective.
Formelle ou non, la négociation repose toutefois sur une condition préalable: pour qu’elle
aboutisse, les représentants respectifs des deux parties doivent être investis du pouvoir de
négocier, de conclure un accord et de le faire respecter.
La négociation collective est parfois envisagée comme une épreuve de force au cours
de laquelle un gain pour une partie équivaut à une perte pour l’autre. L’employeur verra, par
exemple, dans une hausse salariale une menace pour ses profits et dans un accord de non-
licenciement une entrave à sa liberté de manœuvre. Si la négociation est assimilée à une
épreuve de force, le pouvoir relatif ou pouvoir de marchandage des parties devient l’élément
déterminant le résultat. Pour l’organisation des travailleurs, ce pouvoir se traduit par la
capacité d’arrêter la production au moyen d’une grève, d’organiser le boycottage du produit

20
ou du service de l’employeur, ou d’user d’autres moyens de pression, tout en s’assurant de la
loyauté de ses membres. Pour l’employeur, le pouvoir réside dans sa capacité de résister à ces
pressions, de remplacer les grévistes dans les pays où cela est permis, ou de tenir bon jusqu’à
ce que les travailleurs soient contraints de reprendre le travail aux conditions arrêtées par la
direction.
Bien évidemment, dans la grande majorité des cas, les négociations collectives sont
couronnées de succès et se terminent sans arrêt de travail. Néanmoins, c’est précisément la
crainte d’un arrêt de travail qui incite les deux parties à parvenir à un règlement. Ce genre de
négociation est parfois appelé négociation de positions: au départ, les parties exposent leurs
points de vue respectifs, puis elles lâchent du lest et progressent jusqu’à ce qu’un compromis
soit trouvé, selon le rapport des forces en présence.
Il existe un second modèle dans lequel la négociation collective est qualifiée de
recherche mutuelle d’une solution optimale (FISHER ET URY, 1981). On présume alors
qu’un accord bien négocié permettra aux deux parties d’y trouver avantage. Une
augmentation de salaire, par exemple, sera compensée par une amélioration de la productivité.
Un accord de non-licenciement pourra inciter les travailleurs à être plus efficaces puisque leur
emploi ne sera pas menacé. Ce genre de négociation est dit «à la satisfaction des deux parties»
ou «gagnant-gagnant». L’important, c’est que chaque partie comprenne les intérêts de l’autre
et trouve les solutions les plus avantageuses pour tous. La sécurité et la santé au travail sont
souvent tenues pour un sujet idéal de négociation au profit mutuel des parties, car toutes deux
ont intérêt à éviter les accidents du travail et les maladies professionnelles.
En pratique, les deux modèles ne s’excluent pas, chacun ayant son importance. Les
négociateurs chevronnés chercheront toujours à comprendre leurs vis-à-vis et à trouver les
points sur lesquels une convention intelligemment négociée pourrait bénéficier aux deux
parties. Toutefois, il est peu probable qu’une partie sans pouvoir de marchandage puisse
atteindre ses objectifs. Il restera toujours des domaines où les parties percevront différemment
leurs intérêts et où le meilleur remède restera le maniement de la carotte et du bâton. La
négociation de bonne foi réussit le mieux lorsque chaque partie craint le coup de bâton de
l’autre.
Le pouvoir de marchandage demeure important même dans les négociations sur la
sécurité et la santé. Ainsi, une entreprise sera moins disposée à réduire son taux d’accidents si
elle peut en faire porter les coûts par la collectivité. S’il est possible de remplacer facilement
et à bon compte les travailleurs accidentés, sans avoir à leur verser des indemnités

21
substantielles, la direction peut être tentée de se dispenser d’améliorer la sécurité, qui peut
coûter cher. C’est particulièrement vrai dans le cas des maladies professionnelles à longue
période de latence: l’installation de moyens de prévention technique est onéreuse, mais leur
utilité ne se manifeste pas avant de nombreuses années. En conséquence, le syndicat aura
vraisemblablement plus de succès si les travailleurs peuvent bloquer la production ou faire
intervenir un inspecteur de l’État lorsque les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord.

2. La participation : La participation directe/indirecte


L’expression participation des travailleurs est très large et englobe diverses formes
de participation à la prise de décisions, habituellement au niveau de l’entreprise. Elles
s’ajoutent à d’autres formes de participation dans la branche d’activité et au niveau national,
par exemple au sein des organismes de coopération tripartites. Les modalités de la
participation des travailleurs diffèrent grandement selon leurs fonctions et leurs pouvoirs, qui
vont de la simple suggestion d’un employé à la cogestion de certaines activités par les
représentants des travailleurs et la direction. Les mécanismes utilisés pour stimuler la
participation des salariés varient tellement qu’il est impossible de les passer ici tous en revue.

Les travailleurs peuvent participer directement à la prise de décisions, ou


indirectement par l’entremise de leurs représentants — syndicats ou représentants élus. A
compter des années quatre-vingt, la participation directe des travailleurs s’est développée,
pour peu que l’on comprenne la participation comme un moyen d’influer sur le travail ou sur
la façon dont il doit être exécuté. Ainsi, les travailleurs peuvent «participer» à des décisions
concernant le travail même quand l’établissement n’est pas doté d’un organe établi à cet effet,
un cercle de qualité par exemple. En conséquence, un simple exercice d’enrichissement des
tâches peut constituer une forme de promotion de la participation directe des travailleurs.
La participation directe peut intervenir sur le plan individuel — par exemple, dans le
cadre de programmes de suggestions ou d’enrichissement des tâches. Elle peut aussi se faire
en groupe — comme dans les cercles de qualité ou des groupes analogues restreints. Le
travail en équipe constitue en soi une forme de participation directe de groupe. La
participation directe peut être intégrée dans la prise de décisions concernant le travail de tous
les jours, ou se faire en dehors du quotidien, notamment en cas d’adhésion volontaire à un
cercle de qualité qui se démarque de la structure de groupe utilisée habituellement. La
participation directe peut aussi revêtir un caractère «consultatif» ou «délibératif». Dans une

22
étude, la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail s’est
penchée de manière relativement approfondie sur cette facette particulière de la participation
directe (REGALIA et GILL, 1996). La participation consultative encourage les travailleurs à
s’exprimer à titre individuel ou collectif, et elle leur en donne les moyens, mais il appartient à
la direction d’accepter ou de rejeter leurs propositions. La participation délibérative confie
aux salariés certaines responsabilités traditionnelles de la direction, comme c’est le cas pour le
travail en équipe ou les groupes de travail semi-autonomes dans lesquels certains pouvoirs
sont délégués aux travailleurs.

2.1. Les comités d’entreprise et structures similaires; la cogestion


L’expression comités d’entreprise désigne des organes de représentation des
travailleurs, d’ordinaire au niveau de l’établissement, mais aussi à des niveaux supérieurs
(société, groupe de sociétés, branche d’activité, Union européenne). La relation avec les
syndicats est souvent définie par la loi ou précisée dans la convention collective, mais il arrive
parfois que des tensions persistent entre ces institutions.

2.2. Les cercles de qualité et le management total de la qualité


Les cercles de qualité et autres activités de groupe se sont rapidement implantés dans
un grand nombre d’entreprises de quelques pays d’Europe occidentale (notamment en France
et au Royaume-Uni) au début des années quatre-vingt, comme cela s’était produit un peu plus
tôt aux États-Unis. Ils s’inspirent des programmes de «qualité de la vie au travail» (QVT) ou
d’«humanisation du travail» qui ont été lancés au début des années soixante-dix. Ils se sont
répandus beaucoup plus tard dans d’autres pays occidentaux (Allemagne) et sont encore très
peu nombreux, semble-t-il, dans les pays où les groupes de projet paritaires sont la formule la
plus courante pour traiter de l’organisation du travail, comme en Suède. A l’époque, leur
essor reposait sur la conviction que la capacité du Japon de fabriquer à bas coût des produits
innovants de haute qualité était due à ses méthodes de gestion des ressources humaines; les
cercles de qualité étaient l’élément caractéristique le plus visible et le plus facilement
transposable du modèle japonais. On s’attend généralement à ce que les cercles de qualité
produisent deux effets: d’une part, améliorer la qualité et la productivité et, d’autre part,
susciter chez les travailleurs le sentiment de participer aux décisions, ce qui entraîne une plus
grande satisfaction au travail et l’amélioration des relations professionnelles.

23
2.3. Les groupes de projet paritaires
La constitution de groupes de projet paritaires pour étudier les meilleures façons
d’introduire des changements technologiques et organisationnels en misant sur les efforts
communs des cadres et des travailleurs est une caractéristique constante des relations
professionnelles dans certains pays, comme la Suède. Un groupe de projet paritaire est
normalement composé de membres de la direction, de délégués d’atelier et de travailleurs de
base, qui sont aidés par des experts de l’extérieur. La direction et le syndicat intéressés
constituent souvent des groupes de projet paritaires distincts chargés de quatre sujets:
nouvelle technologie, organisation du travail, formation et milieu de travail.

2.4. Le travail de groupe en semi-autonomie et le travail en équipe


Le travail de groupe en semi-autonomie et le travail en équipe sont deux formes de
participation directe des travailleurs d’un atelier aux décisions concernant le travail, et ce, à
l’intérieur de la sphère de production, contrairement au groupe de projet paritaire qui est une
forme de participation hors de la sphère de production.

2.5. La représentation des travailleurs dans les conseils de surveillance; les salariés
actionnaires
Certains commentateurs considèrent les formes d’actionnariat ouvrier et de
représentation des salariés au conseil d’administration de l’entreprise comme des
manifestations de la participation des travailleurs. En Allemagne et dans les pays nordiques,
entre autres, les travailleurs participent indirectement, c’est-à-dire par leurs représentants, aux
conseils de surveillance des sociétés.

2.6. Les comités d’hygiène et de sécurité et les représentants des travailleurs


L’instauration de comités d’hygiène et de sécurité et la nomination de délégués
constituent une forme particulière de participation des travailleurs (pour le modèle danois,
voir encadré) prescrite par la législation de plusieurs pays (par exemple, en Belgique et dans
plusieurs provinces canadiennes, au Danemark, en France, aux Pays-Bas et en Suède).

3. Le paritarisme
Il s’agit, en première instance, d’un régime d’organisation qui repose sur la parité.
Cette parité signifie que deux parties sont représentées à égalité. Le sujet n’est pas,
24
historiquement, celui du genre et de l’égalité entre les femmes et les hommes. En
arithmétique, étudier la parité d’un entier, c’est déterminer si cet entier est ou non un multiple
de deux. Est paritaire, en droit (cf. le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu) ce qui est divisé
en parts égales ou composé à égalité d’éléments divers. Se dit également d’un organisme dans
lequel diverses catégories de personnes ayant des intérêts distincts ont un nombre égal de
représentants (on dit alors, d’ailleurs, qu’ils sont leurs pairs).

Le paritarisme est ainsi un système ou une organisation impliquant des mécanismes


paritaires. Dans le domaine de la protection sociale, il s’agit de systèmes et organisations
fonctionnant sous la responsabilité, pleine, partielle ou très relative, des « partenaires sociaux
». La parité du paritarisme est donc celle des partenaires sociaux. Elle a été, un temps, celle
des niveaux de cotisations entre les deux parties des partenaires sociaux.

Le terme paritaire désigne également des juridictions particulières instituées pour


trancher certains litiges opposant des personnes appartenant à des catégories professionnelles
différentes. On désigne, ou pour certains organismes, l’on désignait comme paritaires les
organismes ou institutions suivantes :

 les branches de la Sécurité sociale, avec l’assurance maladie, la famille, la vieillesse


et les accidents de travail et maladies professionnelles;
 les organismes de retraites complémentaires;
 les institutions paritaires de prévoyance ;
 l’assurance chômage ;
 l’association pour l’emploi des cadres;
 la formation professionnelle et continue ;
 certains centres d’apprentissage ;
 les organismes du 1 % logement;
 l’association pour l’emploi des personnes handicapées;
 les tribunaux des prud’hommes.
Ces organismes et institutions existent au plan interprofessionnel

Le paritarisme permet la « modernisation et fonctionnement du paritarisme », le


souci partagé d’une gestion paritaire irréprochable, estimant que « la gestion paritaire apporte
une contribution significative à la cohésion sociale et au progrès social ». Il est également
précisé, dans ce texte, que « un des principaux enjeux de la modernisation du paritarisme et de

25
son fonctionnement est l’exemplarité de gestion ». La plus grande rigueur et la plus grande
transparence s’imposent.

Enfin, déterminer s’il y a ou non paritarisme, puis hiérarchiser les formes de


paritarisme sont deux exercices délicats. Les experts raisonnent à partir de trois ou quatre
critères :

 Origine contractuelle du système, tirée de la négociation collective. Les partenaires


sociaux sont à l’initiative du service ou de l’organisme concerné dont ils ont prévu, par
accord, la création et les principaux aspects de fonctionnement.
 Provenance exclusive (ou très majoritaire) des ressources tirées de cotisations assises
sur le travail supportées par les salariés ou les employeurs plutôt que de prélèvements
obligatoires.
 Liberté, plus ou moins sous contraintes, d’usage de ces ressources et de gestion des
activités.
 Intervention des services et organismes paritaires en direction des seuls cotisants ou
des personnes directement représentées par les partenaires sociaux.

26
Chapitre 4 : Rapports de travail, lien social
au travail et construction des identités
Toujours dans la perspective d’une réflexion dans le domaine de la sociologie
économique, cette partie se focalise sur les logiques de rapports de travail, de la nature du lien
social au travail ou en dehors ainsi que la dialectique/normes de construction des identités.

1. Les rapports du travail


Les rapports sociaux qui structurent les sociétés (rapport capital-travail, rapport
étatique, rapport de genre, rapport marchand, rapport coopératif, rapport religieux, rapport
domestique, etc.) régissent un nombre variable d’activités humaines variées dans le temps et
l’espace, et sont donc indépendants de la nature de ces activités. Les distinctions économique,
politique, idéologique, symbolique, couramment utilisées pour les catégoriser, sont
inopérantes pour décrire leur logique de reproduction, qui implique indissolublement ses
aspects si l’on veut à tout prix les y rechercher. Les rapports sociaux génèrent une réalité qui
leur est propre et des catégories d’entendement qui vont avec. La domination d’un rapport
social sur les autres se manifeste notamment par l’universalisation et la naturalisation de sa
réalité et de ses classifications. Les rapports sociaux sont en fait des manières différentes de
vivre ensemble. Leurs logiques de reproduction entrent en confrontation lors de leur extension
à tout ou partie des activités humaines.

Les types de rapport social institués par le travail ont profondément évolué au cours du
temps. Selon TALCOTT PARSONS, on est passé de sociétés à statut attribué ou hérité
(ascribed) à des sociétés à statut acquis (achieved). Selon LOUIS DUMONT, on est passé de
sociétés holistes où les rapports sociaux sont fondés sur la hiérarchie du pur et de l’impur
(dans les sociétés de caste) ou du digne et de l’indigne (dans les sociétés d’ordre) à des
sociétés individualistes où les rapports sociaux sont fondés sur l’égalité. Comment l’analyse
sociologique peut-elle décrire les différents rapports sociaux présalariaux et quelles ont été
leurs spécificités par rapport aux rapports sociaux holistes des sociétés européennes d’ordre ?
Comment peut-on caractériser le processus de constitution du rapport salarial dans les sociétés
individualistes et comment s’est-il traduit de nos jours?

Les rapports sociaux au travail sont un construit sous l’effet de plusieurs facteurs.
 les formes de coopération au sein du collectif de travail

27
 les relations avec le public
 les exigences émotionnelles
 les différentes formes de désaccords et de violence au travail
 des situations de tensions aux agressions.
 l’autonomie collective et la participation

2. Le temps du travail
Est réputé temps du travail au sens de la loi le temps pendant lequel le travailleur doit se
tenir à la disposition de l’employeur ; le temps qu’il consacre au trajet pour se rendre sur son
lieu de travail et en revenir n’est pas réputé temps du travail. Sont réservées les dispositions
particulières concernant l’occupation des femmes enceintes et des mères qui allaitent.
Lorsque le travailleur doit exercer son activité ailleurs que sur son lieu de travail habituel
et que la durée ordinaire du trajet s’en trouve rallongée, le surplus de temps ainsi occasionné
par rapport au trajet ordinaire est réputé temps de travail.
Le trajet de retour à partir d’un autre lieu de travail ne peut excéder les limites du travail
quotidien ou la durée maximale du travail hebdomadaire ; dans ce cas, le repos quotidien de
11 heures ne commence qu’à l’arrivée du travailleur à son domicile.
Le temps qu’un travailleur consacre à une formation complémentaire ou continue, soit sur
ordre de l’employeur, soit, en vertu de la loi, parce que son activité professionnelle l’exige,
est réputé temps de travail.
Ainsi, ce concept se rapporte à la sociologie du travail. Elle a pour but de questionner les
rapports que tissent les hommes et les femmes dans le milieu professionnel, en partant du
postulat que ces rapports sont multiples, complexes, et concernent à la fois le temps du travail
et le temps hors travail, le « dedans » et le « dehors » de l’entreprise, de l’atelier, du lieu de
travail.
Le « dedans » se déploie autour de l’ambiance de travail, des subjectivités au travail
(plaisirs et souffrances ; tensions et harmonies...), des modes de gouvernance, des styles de
management ou des types de commandement, etc. En jeu sont les conflits, les modes de
résistances, les façons effectives d’organiser le travail dans l’atelier souvent de façon
informelle et opératoire, les pratiques de travail, les tours de main, le rapport parfois ambigu
de l’humain à son poste de travail, les modes d’apprentissages et de qualification, la
qualification du travailleur et la qualification du poste de travail...

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Le « dehors » se rapporte aux incidences du travail sur la vie familiale, les loisirs ou
les identités sociales conçues comme coextensives des identités professionnelles (cf C.
DUBAR). Cette dernière dimension interroge aussi les rapports du milieu de travail avec son
environnement local, c’est-à-dire la cité, chère aux philosophes grecs. Le « dehors » concerne
aussi l’espace public, le marché, l’environnement, bref l’ensemble des lieux où les univers de
travail puisent leurs ressources, trouvent leur justification, et destinent leurs productions, que
ces dernières soient positives (création de richesses) ou négatives (impact toujours possible de
l’activité économique sur l’environnement).

3. Le lien et capital social au travail : construction des identités


Plutôt que de culture, RENAUD SAINSAULIEU (1977, 1986, 1988) préfère
parler d’identité au travail. Il analyse l’entreprise comme un lieu de socialisation :
l’entreprise a un statut « d’institution intermédiaire », où il faut donc favoriser l’apprentissage
culturel (expérimentation de nouvelles structures, formation permanente, changements
technologiques, expression et participation… pour un « développement social de
l’entreprise »), voir l’analyse de C. DUBAR (1998) et voir l’hommage rendu à R.
SAINSAULIEU par D. SEGRESTIN (2002).
L’identité au travail est un construit social, qui s’établit dans un certain rapport
de force
L’enjeu de l’identité au travail c’est la reconnaissance de soi par autrui : c’est donc dans une
“lutte” que le sujet affirme sa différence. L’identité est relationnelle : un «soi» différent du
« soi des autres », mais construit par la relation aux autres (relation aussi bien amicale
qu’inamicale).
Les différentes cultures dans l’entreprise sont alors fondées sur la reconnaissance des
différences et sur la formulation collective de projets (voir ALTER et LAVILLE 2004).
L’activité professionnelle peut en effet s’avérer une source d’identité profonde
(voir GARNER et MÉDA 2006) : non seulement elle fournit un statut (voir M. CROZIER
dans Analyse stratégique des jeux d’acteurs), une reconnaissance sociale (voir Capital
social), mais elle est également à l’origine de certaines façons de parler, d’agir, de penser (par
exemple pour les ingénieurs, autour de l’innovation technique et du travail en équipe (voir P.
BOURDIEU dans Culture et Habitus).
R. SAINSAULIEU a d’abord pu caractériser quatre modes différents d’identité
collective

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 une culture de la fusion ou modèle “communautaire” : culture de masse, de solidarité
entre pairs, fusion, fraternité, camaraderie, syndicats… valorisation de “la communauté”.
 une culture de la négociation ou modèle du “métier” : culture d’experts, de la différence,
autonomie, mérite… valorisation de “la mission”. Par les compétences et les
responsabilités on affirme sa différence, on négocie ses alliances et sa reconnaissance
sociale.
 une culture d’affinité ou modèle du “parcours” : culture des relations, individualisme,
parcours personnel, capital social… valorisation de “la carrière”. Ici pas de forte
solidarité entre collègues, mais des connivences affectives pour chercher une ascension
sociale.
 une culture de retrait ou modèle “réglementaire” : culture de l’exclusion, des marginaux,
des dominés ou des “réglementaristes”… valorisation de “la règle”. Ici on est présent
mais en fait absent, “la vie est ailleurs” car les emplois peu qualifiés ne permettent pas une
construction de l’identité dans la sphère du travail.

4. Nouvelles formes d’identités au travail


Aujourd’hui de nouvelles formes d’identités au travail sont repérables ; l’introduction
des nouvelles technologies, les nouveaux modes d’organisation du travail et l’invasion des
outils de gestion ont contribué à démultiplier les moyens d’accès au pouvoir et donc à
affaiblir les pôles traditionnels d’identification au travail (, voir DEMAILLY et DE LA
BROISE 2009) :
 les modalités d’accès à la reconnaissance sont donc aujourd’hui plus critiques : sur la
figure contemporaine du « métier » voir OSTY et DAHAN-SELTZER (2006), sur identités
de métier et résistances voir UHALDE (2005), sur « la plainte » comme outil de
reconnaissance voir F. OSTY (2010) ;
 mais on voit néanmoins apparaitre d’autres formes d’identités professionnelles, telles que
l’identité de service public et l’identité entrepreneuriale (voir ZALIO 2004) ou telle que
l’identité des concepteurs-développeurs (voir MINGUET et OSTY 2012).

30
Conclusion
Il a globalement posé le problème des rapports que tissent acteurs sociaux dans le
milieu du travail dans un univers mondialisé et individualisé. Constitué de quatre chapitres, Il
s’est évertué à construire en une sorte de cadre d’analyse et une esquisse de la problématique
des relations professionnelles dans son premier palier. En second lieu, ce fut une réflexion
interrogeant la nature des conflits professionnels puis l’analyse d’une logique prospective qui
est celle de la syndicalisation. Dans un troisième volet, il a abordé la logique de la négociation
avec toutes ses formes avant d’évaluer scientifiquement l’option de la participation et du
paritarisme. Toujours dans la perspective d’une réflexion dans le domaine de la sociologie
économique, un dernier pan a porté sur les logiques de rapports de travail, de la nature du lien
social au travail ou en dehors ainsi que la dialectique/normes de construction des identités.

Références bibliographiques.
 Bernoux P. et al. (1996), Les nouvelles approches sociologiques des organisations,
Paris, Seuil
 Bernoux Philippe (1995), La sociologie des entreprises, Paris, Editions du Seuil.
 Friedmann Georges, et Naville Pierre (1970), Traité de sociologie du travail, Paris,
Armand Colin, 3e édition, tome 1
 Sainsaulieu R. (1977), L’identité au travail. Les effets culturels de l’organisation,
Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences politiques.
 Sainsaulieu R. (1987), Sociologie de l’organisation et de l’entreprise, Presses de la
Fondation Nationale des Sciences Politiques, Dalloz.
 Touraine A. (1973), La production de la société, Paris, éd. du Seuil

Liens utiles ;
 Capital social
 Culture et Habitus

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