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Dossier Urgences Dermatologiques Pédiatriques RDPMG 10-2021
Dossier Urgences Dermatologiques Pédiatriques RDPMG 10-2021
PÉDIATRIQUE
Les situations d’urgence en dermatologie pédiatrique sont variées et fréquentes.
Il est essentiel pour le médecin généraliste de savoir repérer immédiatement des lésions
purpuriques ou des décollements bulleux en particulier, et d’envisager une possible maltraitance
devant des lésions incompatibles avec l’anamnèse. Le caractère aspécifique de certains
symptômes peut faire retarder la prise en charge devant la diversité de leurs causes possibles.
Le type de lésion et l’état général de l’enfant permettent au moins de déterminer si la situation
relève d’une urgence thérapeutique ou non.
L
a peau est l’organe le plus accessible et peut vite PATHOLOGIES ENGAGEANT LE PRONOSTIC
susciter une forte inquiétude de la part du méde- VITAL IMMÉDIAT
cin, de l’enfant ou de ses parents. Cependant,
l’étendue des lésions cutanées n’est pas toujours PURPURA FULMINANS
corrélée à la gravité de la pathologie sous-jacente : Urgence vitale, ce diagnostic doit être évoqué devant
une urticaire virale généralisée est spectaculaire tout purpura fébrile. Il est le plus souvent lié à une
mais bénigne, alors qu’un purpura fulminans peut se infection invasive à méningocoque B ou C favorisée
manifester initialement par une atteinte très discrète. par une infection virale des voies respiratoires hautes
L’examen cutané et muqueux doit donc être minutieux concomitante, comme la grippe. Le purpura fulminans
Service de
dermatologie
et complet chez un enfant entièrement déshabillé. peut également être secondaire à d’autres agents in-
pédiatrique, hôpital Le type de lésion élémentaire et l’état général de l’en- fectieux (pneumocoque ou, plus rarement, varicelle).
Pellegrin-Enfants, fant permettent, par une première orientation diag Les premières lésions cutanées sont parfois discrètes :
33000 Bordeaux
christine.labreze nostique, de décider rapidement si la prise en charge pétéchies, macules érythémateuses ou purpura classi-
@chu-bordeaux.fr doit être immédiate ou peut être différée (tableau 1). quement en « étoile », d’apparition brutale, prédominant
TABLEAU 1. SIGNES DERMATOLOGIQUES ET URGENCES souvent aux extrémités (fig. 1). L’extension peut être
très rapide (« fulminante »). Les symptômes associés
Purpura d’extension rapide Purpura fulminans
Purpura thrombopénique initiaux sont peu spécifiques (irritabilité, douleurs des
Purpura rhumatoïde membres inférieurs, douleurs abdominales ou nausées).
Urticaire et/ou angiœdème Anaphylaxie L’absence de syndrome méningé n’élimine pas
Éxanthème avec fièvre mal Choc toxinique staphylococcique ou streptococcique
l’hypothèse d’une méningococcémie. La survenue de
tolérée Maladie de Kawasaki signes de choc peut être rapide : tachycardie, polypnée,
PIMS altération de la conscience et temps de recoloration
Lupus cutanée augmenté. L’hypotension est de survenue
Dermatomyosite
plus tardive et impose une prise en charge sans délai.
DRESS syndrome
Rougeole Une antibiothérapie systémique précoce (cef-
Vésicules ou bulles douloureuses Nécrolyse épidermique toxique et Stevens-Johnson
triaxone à la dose de 50-100 mg/kg, ou céfotaxime à
Érythème polymorphe majeur 50 mg/kg ou, à défaut, amoxicilline à 25-50 mg/kg)
Épidermolyse aiguë staphylococcique est recommandée avant même le transfert à
Varicelle surinfectée l’hôpital devant tout purpura rapidement extensif
Eczéma herpeticum/coxsackium ou comportant au moins un élément nécrotique ou
Zona, gingivostomatite herpétique
Brûlure ecchymotique de diamètre supérieur ou égal à 3 mm.
La trousse d’urgence du médecin généraliste doit
Placard érythémateux douloureux Érysipèle
Fasciite nécrosante donc contenir de la ceftriaxone. Le traitement du
Ecthyma gangréneux choc (remplissage, amines, correction de l’hypo
Syndrome du tourniquet glycémie) doit être débuté le plus rapidement pos-
Brûlure sible, et l’enfant vite pris en charge dans un service
Hématomes Thrombopénie de réanimation prévenu de son arrivée, après un
Maltraitance
transport médicalisé par Samu.
Purpura rhumatoïde
Tumeurs multiples et/ou Lymphome
CHOCS TOXINIQUES STAPHYLOCOCCIQUE
d’évolution rapide Leucémie
Neuroblastome ET STREPTOCOCCIQUE
Hémangiome infantile Certaines toxines (toxic shock syndrome toxin 1 [TSST-1]
ou entérotoxines du staphylocoque doré ; exotoxines
* En gras : prise en charge immédiate.
A, B, C du streptocoque A) peuvent être responsables
d’un syndrome toxinique redoutable. Il se manifeste
par une éruption cutanée érythémateuse scarlatini-
forme (confluente, peu d’intervalles de peau saine,
avec renforcement au niveau des grands plis, ou pré-
dominante au périnée ; fig. 2), accompagnée de fièvre
élevée mal tolérée, d’un énanthème muqueux (langue
framboisée, conjonctivite) et souvent de douleurs ab-
dominales avec diarrhées. La porte d’entrée de la bac-
térie peut être cutanée ou muqueuse : infection ORL,
plaie cutanée, varicelle, port prolongé de tampon hy-
giénique chez l’adolescente (choc toxinique staphy-
lococcique menstruel).
Dans les formes sévères du choc toxinique, une défail-
lance hémodynamique ou multiviscérale peut conduire
au décès. Le traitement consiste à diminuer l’inoculum
bactérien sécréteur de toxine par traitement de la porte
d’entrée (parage d’une plaie infectée, retrait d’un tam-
pon hygiénique) et à instaurer une antibiothérapie à
visée antitoxinique (clindamycine 40 mg/kg/j en 3 ou
4 prises) et bactéricide (amoxicilline-acide clavula-
nique 150 mg/kg/j en 3 prises). Le patient doit être admis
en réanimation au moins 48 heures pour surveillance
et/ou prise en charge d’éventuelles défaillances d’or-
Figure 2.
ganes. Un traitement par immunoglobulines polyva-
Exanthème au cours
d’un syndrome lentes (à la dose de 2 g/kg) peut être discuté (rôle de
toxinique (TSST-1). « super-antigène » des toxines).
Purpura
PATHOLOGIES POUVANT NÉCESSITER UNE
ORIENTATION VERS UN SERVICE D’URGENCES
PÉDIATRIQUE Fièvre
PURPURA oui non
Tout purpura fébrile doit faire immédiatement évo-
quer un purpura fulminans. Une fois cette urgence
Purpura Thrombopénie
vitale éliminée, les autres causes de lésions purpu-
fulminans
riques sont envisagées. La démarche diagnostique oui non
distingue alors le purpura hématologique du purpura
vasculaire, selon les signes cliniques et le bilan biolo-
Virus
Leucémie
gique de coagulation (fig. 3).
PTI
Purpura
En cas de thrombopénie Micro-angiopathie rhumatoïde
Il faut rechercher un syndrome tumoral (hépato thrombotique
splénomégalie, adénopathies, altération de l’état gé-
néral) et une atteinte des autres lignées sanguines par Thrombopathie
envahissement médullaire. Autre trouble de la coagulation
Dans les micro-angiopathies thrombotiques, la
thrombopénie s’accompagne d’une anémie hémoly- Figure 3. Algorithme décisionnel devant un purpura chez l’enfant (PTI : purpura
tique, d’un syndrome œdémateux et de diarrhées thrombopénique idiopathique)
glairo-sanglantes.
Plus fréquemment, la thrombopénie est isolée et fait L’atteinte cutanée du siège et l’orchite sont très évoca-
poser le diagnostic de purpura thrombopénique trices. La bandelette urinaire est régulièrement contrô-
idiopathique (PTI). La décision thérapeutique (im- lée, à la recherche de protéinurie ou d’hématurie. La
munoglobulines polyvalentes ou corticothérapie en corticothérapie est indiquée seulement en cas d’atteinte
l’absence de cause tumorale) dépend du score de Bu- viscérale grave (hématome de paroi, invagination intes-
chanan (tableau 2) et de la numération plaquettaire. tinale aiguë, orchite, néphropathie glomérulaire).
Chez le grand enfant et en cas d’antécédents familiaux L’œdème aigu hémorragique du nourrisson, consi-
de maladies auto-immunes, un bilan immunologique déré comme un équivalent de purpura rhumatoïde,
est nécessaire. se manifeste par l’apparition rapide et prédominante
de lésions purpuriques en cocarde ou en nappes aux
Purpura vasculaire extrémités, associées à un œdème, chez un enfant de
Il est plus déclive et infiltré et n’atteint pas les mu- moins de 2 ans à l’état général conservé.
queuses. Le purpura rhumatoïde, vascularite à dé- Un purpura pétéchial et ecchymotique en nappe, non
pôts d’IgA touchant plutôt le jeune enfant, associe des infiltré, des lésions muqueuses pétéchiales ou bulleuses
arthralgies et des douleurs abdominales à un purpura hémorragiques, des saignements spontanés ou pour
vasculaire avec œdème, prédominant aux extrémités des traumatismes minimes sont en faveur d’un
et favorisé par l’orthostatisme et l’activité physique. trouble de la coagulation.
au contact. L’enfant peut avoir une anorexie avec pendant 6 à 8 semaines (voire plus longtemps en cas
risque de déshydratation. Le diagnostic peut être d’anévrisme coronarien).
confirmé par une PCR cutanée sur les vésicules. Le suivi est prolongé : la maladie de Kawasaki est en
L’aciclovir doit être administré précocement après le effet la première cause de pathologie cardiaque ac-
début de l’éruption, pour une durée de cinq à dix jours quise de l’enfant dans les pays industrialisés.
(100 mg 5 fois par jour avant l’âge de 2 ans ; 200 mg
5 fois par jour après 2 ans). En cas d’anorexie sévère, Syndrome inflammatoire multisystémique
une hydratation par voie intraveineuse est indiquée. pédiatrique
Le syndrome inflammatoire multisystémique pédia-
EXANTHÈME AVEC FIÈVRE MAL TOLÉRÉE trique (PIMS : pediatric inflammatory multisytem
Maladie de Kawasaki syndrome ; ou MIS-C : multisystem inflammatory syn-
Il s’agit d’une vascularite systémique touchant prin- drome in children) est une maladie inflammatoire
cipalement les artères de moyen calibre avec un tro- récemment décrite dans le contexte de la pandémie
pisme particulier pour les coronaires. La forme ty- de Covid-19. Les premiers cas décrits datent de mars
pique touche l’enfant de 6 mois à 5 ans et associe une 2020. Il s’agit d’une manifestation post-infectieuse
fièvre en plateau durant plus de cinq jours avec au du Covid-19 apparaissant plusieurs semaines après
moins 4 des 5 critères suivants (ABCDE) : l’infection, décelée par la sérologie dans la majorité
– adénopathies cervicales de plus de 1,5 cm, souvent des cas. C’est une pathologie rare : entre le 1er mars
unilatérales ; 2020 et le 22 août 2021, 640 cas ont été signalés, selon
– atteinte buccale : pharyngite, angine, chéilite, Santé publique France.
langue dépapillée ; Le tableau clinique est généralement proche de celui
– hyperhémie conjonctivale bilatérale non purulente de la maladie de Kawasaki : fièvre aiguë souvent mal
et possible uvéite antérieure ; tolérée de plus de quatre jours, symptômes gastro-in-
– atteinte des extrémités, avec érythème palmoplan- testinaux (douleurs abdominales, vomissements,
taire vers le 5e jour, œdème vers le 7e jour, puis desqua- diarrhées), éruption cutanée polymorphe et, plus
mation des extrémités (doigts et orteils, parfois pal- rarement, atteinte des muqueuses et modification
moplantaire) au cours de la 3 e semaine suivant le des extrémités. Les autres critères de la maladie de
début des symptômes ; Kawasaki, tels que les adénopathies cervicales et la
– éruption cutanée polymorphe : exanthème urtica- conjonctivite, sont plus rares. Certains patients dé-
rien avec pseudococardes, morbiliforme, scarlatini- veloppent un choc cardiogénique par défaillance
forme ou purpurique ; fréquente atteinte du myocardique qui fait toute la gravité du syndrome,
siège (érythème « en culotte » bien limité, parfois dou- dans les trois à cinq jours suivant le début de la fièvre.
loureux, rapidement suivi d’une desquamation péri- Les examens complémentaires objectivent typique-
néale) (fig. 10). ment une lymphopénie, une thrombopénie, un syn-
L’altération de l’état général est constante : l’en- drome inflammatoire majeur ainsi que des signes de
fant est irritable et difficile à examiner. Les formes souffrance myocardique (troponine et NT-proBNP
incomplètes (fièvre depuis plus de 5 jours avec moins élevés). Toute suspicion de PIMS doit faire réaliser
de 4 critères majeurs sur 5) sont plus fréquentes chez une échographie cardiaque en urgence pour mettre
les enfants de moins de 6 mois. Les examens complé- en place le traitement spécifique si besoin : cortico-
mentaires initiaux peuvent révéler un important syn- thérapie intraveineuse et perfusion d’immunoglobu-
drome inflammatoire (augmentation de la vitesse de lines polyvalentes. Malgré la sévérité potentielle de
sédimentation [VS] et de la protéine C-réactive [CRP]), cette pathologie, une prise en charge précoce assure
une anémie (la thrombocytose est tardive après le un excellent pronostic à moyen terme à la grande ma-
7e jour), une hypoalbuminémie, une cytolyse hépa- jorité des enfants, sans séquelle cardiaque.
tique, un hydrocholécyste, une leucocyturie asep-
tique ou une méningite aseptique. Syndrome DRESS
L’échographie cardiaque recherche des anévrismes Le syndrome DRESS (drug reaction with hypereosino-
coronariens, complication principale de la maladie philia and systemic symptoms), réaction grave d’hy-
de Kawasaki, survenant habituellement dans les dix persensibilité médicamenteuse, survient dans les
à trente jours après le début des symptômes. Le trai- deux à six semaines suivant l’introduction du médica-
tement doit être entrepris dès la suspicion diagnos- ment responsable. Ce délai peut être raccourci en cas
tique pour prévenir la survenue des complications de sensibilisation préalable (par le même médicament
coronariennes : dose unique d’immunoglobulines ou un apparenté). Les médicaments concernés sont
intraveineuses (2 g/kg) et aspirine à dose anti- principalement les antiépileptiques (diphénylhydan-
inflammatoire (30 à 50 mg/kg/j) pendant 48 à toïne, phénobarbital, carbamazépine, acide valproïque,
72 heures, puis à dose antiagrégante (3 à 5 mg/kg/j) lamotrigine), la minocycline, le sulfaméthoxazole, l’al-