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URGENCES EN DERMATOLOGIE

DOSSIER Figure 1. Purpura en étoile au cours


d’un purpura fulminans.

PÉDIATRIQUE
Les situations d’urgence en dermatologie pédiatrique sont variées et fréquentes.
Il est essentiel pour le médecin généraliste de savoir repérer immédiatement des lésions
purpuriques ou des décollements bulleux en particulier, et d’envisager une possible maltraitance
devant des lésions incompatibles avec l’anamnèse. Le caractère aspécifique de certains
symptômes peut faire retarder la prise en charge devant la diversité de leurs causes possibles.
Le type de lésion et l’état général de l’enfant permettent au moins de déterminer si la situation
relève d’une urgence thérapeutique ou non.

Reconnaître un risque vital immédiat


Par Camille Bertho, Margaux Bourcy, Christine Léauté-Labrèze

L
a peau est l’organe le plus accessible et peut vite PATHOLOGIES ENGAGEANT LE PRONOSTIC
susciter une forte inquiétude de la part du méde- VITAL IMMÉDIAT
cin, de l’enfant ou de ses parents. Cependant,
l’étendue des lésions cutanées n’est pas toujours PURPURA FULMINANS
corrélée à la gravité de la pathologie sous-jacente : Urgence vitale, ce diagnostic doit être évoqué devant
une urticaire virale généralisée est spectaculaire tout purpura fébrile. Il est le plus souvent lié à une
mais bénigne, alors qu’un purpura fulminans peut se infection invasive à méningocoque B ou C favorisée
manifester initialement par une atteinte très discrète. par une infection virale des voies respiratoires hautes
L’examen cutané et muqueux doit donc être minutieux concomitante, comme la grippe. Le purpura fulminans
Service de
dermatologie
et complet chez un enfant entièrement déshabillé. peut également être secondaire à d’autres agents in-
pédiatrique, hôpital Le type de lésion élémentaire et l’état général de l’en- fectieux (pneumocoque ou, plus rarement, varicelle).
Pellegrin-Enfants, fant permettent, par une première orientation diag­ Les premières lésions cutanées sont parfois discrètes :
33000 Bordeaux
christine.labreze nostique, de décider rapidement si la prise en charge pétéchies, macules érythémateuses ou purpura classi-
@chu-bordeaux.fr doit être immédiate ou peut être différée (tableau 1). quement en « étoile », d’apparition brutale, prédominant

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DOSSIER URGENCES EN DERMATOLOGIE PÉDIATRIQUE

TABLEAU 1. SIGNES DERMATOLOGIQUES ET URGENCES souvent aux extrémités (fig. 1). L’extension peut être
très rapide (« fulminante »). Les symptômes associés
Purpura d’extension rapide Purpura fulminans
Purpura thrombopénique initiaux sont peu spécifiques (irritabilité, douleurs des
Purpura rhumatoïde membres inférieurs, douleurs abdominales ou nausées).
Urticaire et/ou angiœdème Anaphylaxie L’absence de syndrome méningé n’élimine pas
Éxanthème avec fièvre mal Choc toxinique staphylococcique ou streptococcique
l’hypothèse d’une méningococcémie. La survenue de
tolérée Maladie de Kawasaki signes de choc peut être rapide : tachycardie, polypnée,
PIMS altération de la conscience et temps de recoloration
Lupus cutanée augmenté. L’hypotension est de survenue
Dermatomyosite
plus tardive et impose une prise en charge sans délai.
DRESS syndrome
Rougeole Une antibiothérapie systémique précoce (cef-
Vésicules ou bulles douloureuses Nécrolyse épidermique toxique et Stevens-Johnson
triaxone à la dose de 50-100 mg/kg, ou céfotaxime à
Érythème polymorphe majeur 50 mg/kg ou, à défaut, amoxicilline à 25-50 mg/kg)
Épidermolyse aiguë staphylococcique est recommandée avant même le transfert à
Varicelle surinfectée l’hôpital devant tout purpura rapidement extensif
Eczéma herpeticum/coxsackium ou comportant au moins un élément nécrotique ou
Zona, gingivostomatite herpétique
Brûlure ecchymotique de diamètre supérieur ou égal à 3 mm.
La trousse d’urgence du médecin généraliste doit
Placard érythémateux douloureux Érysipèle
Fasciite nécrosante donc contenir de la ceftriaxone. Le traitement du
Ecthyma gangréneux choc (remplissage, amines, correction de l’hypo­
Syndrome du tourniquet glycémie) doit être débuté le plus rapidement pos-
Brûlure sible, et l’enfant vite pris en charge dans un service
Hématomes Thrombopénie de réanimation prévenu de son arrivée, après un
Maltraitance
transport médicalisé par Samu.
Purpura rhumatoïde
Tumeurs multiples et/ou Lymphome
CHOCS TOXINIQUES STAPHYLOCOCCIQUE
d’évolution rapide Leucémie
Neuroblastome ET STREPTOCOCCIQUE
Hémangiome infantile Certaines toxines (toxic shock syndrome toxin 1 [TSST-1]
ou entérotoxines du staphylocoque doré ; exotoxines
* En gras : prise en charge immédiate.
A, B, C du streptocoque A) peuvent être responsables
d’un syndrome toxinique redoutable. Il se manifeste
par une éruption cutanée érythémateuse scarlatini-
forme (confluente, peu d’intervalles de peau saine,
avec renforcement au niveau des grands plis, ou pré-
dominante au périnée ; fig. 2), accompagnée de fièvre
élevée mal tolérée, d’un énanthème muqueux (langue
framboisée, conjonctivite) et souvent de douleurs ab-
dominales avec diarrhées. La porte d’entrée de la bac-
térie peut être cutanée ou muqueuse : infection ORL,
plaie cutanée, varicelle, port prolongé de tampon hy-
giénique chez l’adolescente (choc toxinique staphy-
lococcique menstruel).
Dans les formes sévères du choc toxinique, une défail-
lance hémodynamique ou multiviscérale peut conduire
au décès. Le traitement consiste à diminuer l’inoculum
bactérien sécréteur de toxine par traitement de la porte
d’entrée (parage d’une plaie infectée, retrait d’un tam-
pon hygiénique) et à instaurer une anti­biothérapie à
visée antitoxinique (clindamycine 40 mg/kg/j en 3 ou
4 prises) et bactéricide (amoxicilline-acide clavula-
nique 150 mg/kg/j en 3 prises). Le patient doit être admis
en réanimation au moins 48 heures pour surveillance
et/ou prise en charge d’éventuelles défaillances d’or-
Figure 2.
ganes. Un traitement par immunoglobulines polyva-
Exanthème au cours
d’un syndrome lentes (à la dose de 2 g/kg) peut être discuté (rôle de
toxinique (TSST-1). « super-antigène » des toxines).

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CHOC ANAPHYLACTIQUE TABLEAU 2. SCORE DE BUCHANAN
Le choc anaphylactique est peu fréquent chez l’en-
Grade Sévérité du saignement Description clinique
fant, et rarement inaugural. Il survient le plus sou-
vent dans un contexte d’allergie connue (arachide, 0 Aucun Aucun signe
crustacés, bêtalactamines, etc.). L’association d’une 1 Mineur Peau : moins de 100 pétéchies ou moins
de 5 ecchymoses (≤ 3 cm de diamètre)
urticaire ou d’un angiœdème avec des signes hémo-
Muqueuses normales
dynamiques (tachycardie, hypotension), une forte
2 Peu sévère Peau : plus de 100 pétéchies ou plus
agitation ou des signes respiratoires (bronchospasme)
de 5 ecchymoses (> 3 cm de diamètre)
doit faire évoquer une anaphylaxie et conduire à l’ad- Muqueuses normales
ministration immédiate d’adrénaline (0,01 mg/kg en 3 Modéré Atteinte des muqueuses (épistaxis, bulles
intramusculaire), qui peut être renouvelée en cas de intrabuccales, hématurie, métrorragies)
persistance des symptômes. La trousse d’urgence 4 Sévère Atteinte des muqueuses nécessitant
du médecin généraliste doit donc contenir de un geste hémostatique
l’adrénaline (éventuellement en stylo auto-injectable). Suspicion d’hémorragie interne
En raison du risque de réaction biphasique, le patient 5 Pronostic vital en jeu Hémorragie intracrânienne ou interne autre
est ensuite surveillé en service de soins continus.

Purpura
PATHOLOGIES POUVANT NÉCESSITER UNE
ORIENTATION VERS UN SERVICE D’URGENCES
PÉDIATRIQUE Fièvre
PURPURA oui non
Tout purpura fébrile doit faire immédiatement évo-
quer un purpura fulminans. Une fois cette urgence
Purpura Thrombopénie
vitale éliminée, les autres causes de lésions purpu-
fulminans
riques sont envisagées. La démarche diagnostique oui non
distingue alors le purpura hématologique du purpura
vasculaire, selon les signes cliniques et le bilan biolo-
Virus
Leucémie
gique de coagulation (fig. 3).
PTI
Purpura
En cas de thrombopénie Micro-angiopathie rhumatoïde
Il faut rechercher un syndrome tumoral (hépato­ thrombotique
splénomégalie, adénopathies, altération de l’état gé-
néral) et une atteinte des autres lignées sanguines par Thrombopathie
envahissement médullaire. Autre trouble de la coagulation
Dans les micro-angiopathies thrombotiques, la
thrombopénie s’accompagne d’une anémie hémoly- Figure 3. Algorithme décisionnel devant un purpura chez l’enfant (PTI : purpura
tique, d’un syndrome œdémateux et de diarrhées thrombopénique idiopathique)
glairo-sanglantes.
Plus fréquemment, la thrombopénie est isolée et fait L’atteinte cutanée du siège et l’orchite sont très évoca-
poser le diagnostic de purpura thrombopénique trices. La bandelette urinaire est régulièrement contrô-
idiopathique (PTI). La décision thérapeutique (im- lée, à la recherche de protéinurie ou d’hématurie. La
munoglobulines polyvalentes ou corticothérapie en corticothérapie est indiquée seulement en cas d’atteinte
l’absence de cause tumorale) dépend du score de Bu- viscérale grave (hématome de paroi, invagination intes-
chanan (tableau 2) et de la numération plaquettaire. tinale aiguë, orchite, néphropathie glomérulaire).
Chez le grand enfant et en cas d’antécédents familiaux L’œdème aigu hémorragique du nourrisson, consi-
de maladies auto-immunes, un bilan immunologique déré comme un équivalent de purpura rhumatoïde,
est nécessaire. se manifeste par l’apparition rapide et prédominante
de lésions purpuriques en cocarde ou en nappes aux
Purpura vasculaire extrémités, associées à un œdème, chez un enfant de
Il est plus déclive et infiltré et n’atteint pas les mu- moins de 2 ans à l’état général conservé.
queuses. Le purpura rhumatoïde, vascularite à dé- Un purpura pétéchial et ecchymotique en nappe, non
pôts d’IgA touchant plutôt le jeune enfant, associe des infiltré, des lésions muqueuses pétéchiales ou bulleuses
arthralgies et des douleurs abdominales à un purpura hémorragiques, des saignements spontanés ou pour
vasculaire avec œdème, prédominant aux extrémités des traumatismes minimes sont en faveur d’un
et favorisé par l’orthostatisme et l’activité physique. trouble de la coagulation.

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cessaires, et on y associe la prévention des complica-


tions (déshydratation et surinfection) en cas de
lésions étendues. Un traitement spécifique anti­
toxinique n’est pas nécessaire. La récupération cuta-
née complète sans séquelle survient habituellement
dans les six à quinze jours.

Syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson


Dans la nécrolyse épidermique toxique (syndrome
de Lyell) ou le syndrome de Stevens-Johnson, une
fièvre élevée, une kératoconjonctivite et des éro-
sions muqueuses multifocales sont suivies en
Figure 4. Épidermolyse Figure 5. Syndrome de Stevens-Johnson : quelques jours d’une éruption cutanée maculeuse
staphylococcique due à une décollements bulleux sur un fond douloureuse, purpurique ou en pseudococardes, qui
exfoliatine (pas d’atteinte muqueuse érythémateux violacé.
débute au visage et au tronc avant de confluer (fig. 5).
et décollements bulleux superficiels).
L’épiderme des lésions se décolle spontanément ou
au moindre frottement (signe de Nikolsky).
Autres causes Selon la surface cutanée atteinte, on distingue le
Après avoir éliminé ces principales causes de purpura, syndrome de Stevens-Johnson (décollement
on s’oriente vers une origine mécanique (purpura du < 10 %) du syndrome de Lyell (> 30 %). Un décolle-
visage après effort de toux ou de vomissements) ou ment de l’épithélium digestif ou pulmonaire peut
vers une origine virale (infection par le Parvo- être associé. Les causes de nécrolyse épidermique
virus B19, rougeole purpurique, etc.). La prise en sont surtout médicamenteuses (anticomitiaux,
charge n'a pas alors le même caractère d'urgence, sauf cotrimoxazole et certains anti-inflammatoires non
altération de l’état général associé. stéroïdiens). Les symptômes apparaissent entre le
7e et le 21e jour d’introduction. Chez l’enfant, le my-
VÉSICULES, BULLES ET DÉCOLLEMENTS CUTANÉS coplasme peut également être en cause. L’impor-
DOULOUREUX tance du décollement cutané met en jeu le pronostic
Épidermolyse bulleuse staphylococcique vital (risque de pertes hydro-­é lectrolytiques et de
Chez le nourrisson et l’enfant, la première cause de surinfections bactériennes). Outre l’arrêt des médi-
dermatose bulleuse est l’infection par Staphylococ- caments suspects, la prise en charge associe antal-
cus aureus, par production d’exfoliatines A ou B, giques, compensation des pertes hydriques et pré-
toxines responsables du clivage et du décollement vention des surinfections. Les synéchies doivent
superficiel intra-épidermique. Le staphylocoque être éliminées quotidiennement, en particulier au
n’est pas présent dans les bulles, et les bactériémies niveau des yeux, les séquelles à long terme étant es-
sont rares. La toxine se diffuse par voie sanguine à sentiellement liées à l’atteinte oculaire et aux syné-
partir d’un foyer infectieux cutané (omphalite, plaie, chies muqueuses.
impétigo) ou ORL. L’apparition de fièvre et d’un L’érythème polymorphe majeur est parfois diffi-
exanthème scarlatiniforme est suivie dans les vingt- cile à distinguer du syndrome de Stevens-Johnson.
quatre heures par une desquamation ou un décolle- L’état général est habituellement conservé, et l’at-
ment prédominant autour du foyer infectieux initial teinte muqueuse (buccale, génitale et oculaire) y est
ou aux zones de frottement (siège, creux axillaires, fréquente mais moins grave (fig. 6).
plis inguinaux). L’atteinte cutanée est plus distale, à disposition sy-
Dans les formes sévères (staphylococcal scalded métrique et classiquement en cocardes à centre bul-
skin syndrome [SSSS]), l’enfant est irritable, doulou- leux, elle doit être distinguée de l’urticaire annulaire
reux, et l’érythrodermie « en coup de soleil », suivie et échymotique du nourrisson qui peut donner un
d’un décollement généralisé avec signe de Nikolsky, aspect en cocardes mais avec des lésions fugaces
donne un aspect de peau « ébouillantée » (fig. 4). L’ab- sans évolution bulleuse (fig. 7)
sence d’atteinte des muqueuses et le décollement Les causes sont habituellement infectieuses
superficiel permettent de faire la différence avec un (mycoplasme, herpès), et les récurrences sont fré-
syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson. Le traite- quentes.
ment vise à éradiquer le foyer infectieux initial par
une antibiothérapie (amoxicilline-acide clavula- Eczéma herpeticum et eczéma coxsackium
nique oral 80 mg/kg/j en cas de forme localisée ; L’eczéma herpeticum (anciennement appelé « pus-
cloxacilline intraveineuse 200 mg/kg/j en cas de tulose varioliforme de Kaposi-Juliusberg ») corres-
forme diffuse). Des soins locaux sont également né- pond à la surinfection d’une dermatite atopique par

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Figure 6. Érythème polymorphe Figure 7. Urticaire ecchymotique Figure 8. Eczéma herpeticum : les Figure 9. Eczéma coxsackium :
majeur : éruption en cocardes avec souvent confondue avec un érythème vésicules sont ombiliquées, éruption de petites vésicules en
décollement bulleux central et polymorphe du fait du caractère douloureuses, et l’enfant est nappes, tropisme pour les mains
atteinte muqueuse. annulaire : les macules sont migratrices habituellement fébrile. et les pieds chez un enfant ayant un
sans décollements cutanés. état général conservé.

Herpes simplex virus de type 1 (HSV1). Il doit être Zona


évoqué devant une modification rapide des lésions Le zona est la récurrence clinique du virus vari­celle-
cutanées (apparition de vésiculo-pustules ombili- zona (VZV), responsable de la varicelle, survenant
quées, confluentes et douloureuses), associée à une en général plusieurs années après. La majorité des
altération fébrile de l’état général (fig. 8). Les vési- cas concernent les enfants de plus de 5 ans. L’érup-
cules deviennent secondairement hémorragiques, tion, située sur un métamère, est typiquement uni-
puis érosives. La surinfection virale initiale a sou- latérale, en plaques érythémateuses vésiculo-
vent lieu sur la partie supérieure du corps (visage et bulleuses, pustuleuses, séparées ou confluentes. Les
cou), après contact avec une personne infectée, et vésicules deviennent ensuite croûteuses ou éro-
peut se généraliser à l’ensemble du tégument. Le sives, parfois nécrotiques. Elles disparaissent en une
traitement associe un antiviral (aciclovir per os ou dizaine de jours, laissant parfois place à des cica-
intraveineux, selon la gravité de l’atteinte) à des trices hypochromiques et atrophiques.
soins locaux (traitement de la dermatose préexis- Le zona est le plus souvent hémithoracique de D5 à
tante et prévention des surinfections bactériennes). D12 (50 % des cas), mais tous les métamères ainsi que
L’herpès peut aussi surinfecter d’autres dermatoses les nerfs crâniens peuvent être concernés. Des pro-
préexistantes, comme une maladie bulleuse ou une dromes (fièvre, céphalées) peuvent être observés.
ichtyose ; il faut donc y penser devant la modifica- Le zona ophtalmique, situé sur le territoire V1
tion brutale d’une dermatose connue. du trijumeau, est une urgence thérapeutique, en
L’eczéma coxsackium correspond à une surinfec- raison du risque de complications ophtalmiques.
tion des lésions de dermatite atopique chez des en- Il nécessite un traitement oral dans les 72 heures
fants d’âge préscolaire par les virus Coxsackie (le suivant l’éruption par aciclovir pendant sept jours
plus souvent les souches A6 et A16), souvent au prin- (800 mg 5 fois par jour chez l’enfant de plus de 2 ans,
temps et en été. La symptomatologie est très proche et demi-dose avant l’âge de 2 ans), avec une prise en
de celle de l’eczéma herpeticum : éruption vésicu- charge ophtalmique urgente, des soins locaux anti-
leuse, bulleuse ou érosive au niveau des zones at- septiques et des antalgiques. Pour tout autre zona
teintes par la dermatite atopique, et plus spécifique- métamérique classique, des soins locaux antisep-
ment au niveau des mains, des pieds, du visage tiques suffisent, car les algies post-zostériennes sont
(notamment en péribuccal), du tronc, des fesses et exceptionnelles chez l’enfant.
de l’aine (fig. 9). Les ulcérations buccales sont plus
fréquentes que dans l’eczéma herpeticum, rendant GINGIVOSTOMATITE HERPÉTIQUE
parfois l’alimentation compliquée et pouvant moti- Elle correspond à une primo-infection herpétique, le
ver une hospitalisation pour réhydratation. La fièvre plus souvent par HSV1. Asymptomatique dans 90 %
est moins élevée, et l’état général plus volontiers des cas, l’infection peut rarement débuter par de la
conservé. L’évolution est simple, similaire à celle du fièvre, puis provoquer l’apparition de nombreuses
syndrome pieds-mains-bouche classique, sans sé- vésicules coalescentes étendues sur la muqueuse
quelles graves à long terme. En cas de doute avec le buccale et en région péribuccale. Des ulcérations
diagnostic d’eczéma herpeticum, un traitement douloureuses à base jaunâtre cernées d’un halo éry-
anti­viral oral par aciclovir peut être initié, mais il thémateux y font suite. Les gencives et les lèvres sont
sera inefficace contre le virus Coxsackie. érythémateuses, œdématiées et saignent facilement

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au contact. L’enfant peut avoir une anorexie avec pendant 6 à 8 semaines (voire plus longtemps en cas
risque de déshydratation. Le diagnostic peut être d’anévrisme coronarien).
confirmé par une PCR cutanée sur les vésicules. Le suivi est prolongé : la maladie de Kawasaki est en
L’aciclovir doit être administré précocement après le effet la première cause de pathologie cardiaque ac-
début de l’éruption, pour une durée de cinq à dix jours quise de l’enfant dans les pays industrialisés.
(100 mg 5 fois par jour avant l’âge de 2 ans ; 200 mg
5 fois par jour après 2 ans). En cas d’anorexie sévère, Syndrome inflammatoire multisystémique
une hydratation par voie intraveineuse est indiquée. pédiatrique
Le syndrome inflammatoire multisystémique pédia-
EXANTHÈME AVEC FIÈVRE MAL TOLÉRÉE trique (PIMS : pediatric inflammatory multisytem
Maladie de Kawasaki syndrome ; ou MIS-C : multisystem inflammatory syn-
Il s’agit d’une vascularite systémique touchant prin- drome in children) est une maladie inflammatoire
cipalement les artères de moyen calibre avec un tro- récemment décrite dans le contexte de la pandémie
pisme particulier pour les coronaires. La forme ty- de Covid-19. Les premiers cas décrits datent de mars
pique touche l’enfant de 6 mois à 5 ans et associe une 2020. Il s’agit d’une manifestation post-­infectieuse
fièvre en plateau durant plus de cinq jours avec au du Covid-19 apparaissant plusieurs semaines après
moins 4 des 5 critères suivants (ABCDE) : l’infection, décelée par la sérologie dans la majorité
– adénopathies cervicales de plus de 1,5 cm, souvent des cas. C’est une pathologie rare : entre le 1er mars
unilatérales ; 2020 et le 22 août 2021, 640 cas ont été signalés, selon
– atteinte buccale : pharyngite, angine, chéilite, Santé publique France.
langue dépapillée ; Le tableau clinique est généralement proche de celui
– hyperhémie conjonctivale bilatérale non purulente de la maladie de Kawasaki : fièvre aiguë souvent mal
et possible uvéite antérieure ; tolérée de plus de quatre jours, symptômes gastro-in-
– atteinte des extrémités, avec érythème palmoplan- testinaux (douleurs abdominales, vomissements,
taire vers le 5e jour, œdème vers le 7e jour, puis desqua- diarrhées), éruption cutanée polymorphe et, plus
mation des extrémités (doigts et orteils, parfois pal- rarement, atteinte des muqueuses et modification
moplantaire) au cours de la 3 e semaine suivant le des extrémités. Les autres critères de la maladie de
début des symptômes ; Kawasaki, tels que les adénopathies cervicales et la
– éruption cutanée polymorphe : exanthème urtica- conjonctivite, sont plus rares. Certains patients dé-
rien avec pseudococardes, morbiliforme, scarlatini- veloppent un choc cardiogénique par défaillance
forme ou purpurique ; fréquente atteinte du myocardique qui fait toute la gravité du syndrome,
siège (érythème « en culotte » bien limité, parfois dou- dans les trois à cinq jours suivant le début de la fièvre.
loureux, rapidement suivi d’une desquamation péri- Les examens complémentaires objectivent typique-
néale) (fig. 10). ment une lymphopénie, une thrombopénie, un syn-
L’altération de l’état général est constante : l’en- drome inflammatoire majeur ainsi que des signes de
fant est irritable et difficile à examiner. Les formes souffrance myocardique (troponine et NT-proBNP
incomplètes (fièvre depuis plus de 5 jours avec moins élevés). Toute suspicion de PIMS doit faire réaliser
de 4 critères majeurs sur 5) sont plus fréquentes chez une échographie cardiaque en urgence pour mettre
les enfants de moins de 6 mois. Les examens complé- en place le traitement spécifique si besoin : cortico-
mentaires initiaux peuvent révéler un important syn- thérapie intraveineuse et perfusion d’immunoglobu-
drome inflammatoire (augmentation de la vitesse de lines polyvalentes. Malgré la sévérité potentielle de
sédimentation [VS] et de la protéine C-réactive [CRP]), cette pathologie, une prise en charge précoce assure
une anémie (la thrombo­cytose est tardive après le un excellent pronostic à moyen terme à la grande ma-
7e jour), une hypo­albuminémie, une cytolyse hépa- jorité des enfants, sans séquelle cardiaque.
tique, un hydrocholécyste, une leucocyturie asep-
tique ou une méningite aseptique. Syndrome DRESS
L’échographie cardiaque recherche des anévrismes Le syndrome DRESS (drug reaction with hypereosino-
coronariens, complication principale de la maladie philia and systemic symptoms), réaction grave d’hy-
de Kawasaki, survenant habituellement dans les dix persensibilité médicamenteuse, survient dans les
à trente jours après le début des symptômes. Le trai- deux à six semaines suivant l’introduction du médica-
tement doit être entrepris dès la suspicion diagnos- ment responsable. Ce délai peut être raccourci en cas
tique pour prévenir la survenue des complications de sensibilisation préalable (par le même médicament
coronariennes : dose unique d’immunoglobulines ou un apparenté). Les médicaments concernés sont
intraveineuses (2 g/kg) et aspirine à dose anti-­ principalement les antiépileptiques (diphénylhydan-
inflammatoire (30 à 50 mg/kg/j) pendant 48 à toïne, phénobarbital, carbamazépine, acide valproïque,
72 heures, puis à dose antiagrégante (3 à 5 mg/kg/j) lamotrigine), la minocycline, le sulfaméthoxazole, l’al-

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lopurinol ou la dapsone. La réaction d’hypersensibilité
serait favorisée par une infection ou une réactivation
aux virus Herpes (cytomégalovirus, virus d’Epstein-
Barr, virus herpès humain de type 6).
Un syndrome DRESS doit être évoqué devant l’appa-
rition brutale d’une fièvre élevée mal tolérée avec
malaises, d’un œdème facial, périorbitaire et du cou,
d’un exanthème maculopapuleux prurigineux du
tronc et de la racine des membres, voire d’une éry-
throdermie, et de polyadénopathies avec souvent une
hépatosplénomégalie. L’atteinte buccale (énanthème
ou pharyngite) peut être responsable d’une dyspha-
gie. Plus rarement, l’atteinte cutanée peut comporter
des pustules, des vésicobulles ou un purpura.
Rare chez l’enfant, le diagnostic en est parfois retardé.
Le bilan biologique recherche une hyperleucocytose
avec lymphocytes atypiques, une hyperéosinophilie
(souvent supérieure à 1,5 G/L), une cytolyse hépa-
tique ou une atteinte rénale. Figure 10. Maladie de Kawasaki : Figure 11. Dermohypodermite de la
L’atteinte viscérale (hépatite fulminante avec insuffi- exanthème associé à une conjonctivite, région hypogastrique à staphylocoque
sance hépatocellulaire, néphrite interstitielle, pneumo- une chéilite et une adénopathie et exanthème toxinique compliquant une
cervicale volumineuse et douloureuse. varicelle.
pathie interstitielle, myocardite) signe une forme grave,
devant être traitée par corticothérapie systémique.
Les traitements suspects (ainsi que les traitements Les symptômes de varicelle débutent dix à vingt et un
apparentés à risque de réaction croisée) doivent être jours après un contage par gouttelettes ou contact :
arrêtés et contre-indiqués jusqu’à une consultation fièvre souvent modérée, suivie d’une éruption prurigi-
d’allergologie spécialisée. neuse et vésiculeuse sur fond érythémateux débutant
au cuir chevelu puis s’étendant au reste du corps, avec
Viroses : rougeole et varicelle surinfectées possibles ulcérations buccales rendant difficile l’ali-
Du fait d’une couverture vaccinale insuffisante, des mentation. La persistance ou la survenue secondaire
cas de rougeole surviennent encore en France. La de fièvre élevée et mal tolérée doit faire évoquer une
phase d’invasion (fièvre élevée, asthénie, catarrhe surinfection ORL, pulmonaire ou cutanée favorisée par
oculonasal, toux) dure quatre à sept jours et survient les démangeaisons (fig. 11).
sept à quinze jours après un contage aérien ou par
contact. L’éruption apparaît en moyenne quatorze Maladies inflammatoires : lupus et dermatomyosite
jours après le contage. Le signe de Köplick (maculo- Le lupus se révèle rarement dans l’enfance, mais, si
papules blanchâtres sur fond érythémateux à la face c’est le cas, il est souvent plus sévère au diagnostic
interne des joues en regard des molaires) est patho- que chez l’adulte. Des signes généraux (fièvre, altéra-
gnomonique, mais inconstant et fugace. Apparaît tion de l’état général) s'associent aux divers tableaux
ensuite un exanthème maculopapuleux rétro-auri- cutanés. Le lupus aigu se manifeste par une éruption
culaire qui progresse en trois jours au tronc, à la ra- érythémateuse œdémateuse, parfois squameuse et
cine des membres, puis aux extrémités. Il disparaît papuleuse, localisée au décolleté et au visage (érup-
en cinq à six jours. Le patient est considéré conta- tion en « loup » ou en « ailes de papillon » épargnant
gieux cinq jours avant et jusqu’à cinq jours après le les sillons nasogéniens et la région périorale) et aux
début de l’éruption cutanée. La rougeole favorise les autres zones photo-exposées. L’atteinte du dos des
surinfections (otites notamment) et peut se compli- mains prédomine aux zones inter­articulaires, à la
quer d’atteintes graves (pneumopathie, encéphalite, différence de la dermatomyosite. L’apparition de lé-
ou cécité en cas de carence en vitamine A). Le trai- sions buccales érosives peut gêner l’alimentation. Un
tement est symptomatique, sauf pour les patients phénomène de Raynaud, un livedo des membres infé-
immunodéprimés, les femmes enceintes et les en- rieurs et des engelures sont possibles. Comme pour
fants de moins de 6 mois dont la mère n’est pas im- l’adulte, il existe des atteintes extracutanées : polyar-
munisée, pour lesquels un traitement par immuno- thrite, cytopénie auto-immune, épanchement des
globulines polyvalentes est recommandé. Les séreuses (pleurésie, péricardite), symptômes neu-
vaccinations de l’entourage doivent être mises à ropsychiatriques ou digestifs ; l’atteinte rénale est
jour, et une déclaration obligatoire doit être faite à plus fréquente chez l’enfant que chez l’adulte, et
l’agence régionale de santé. d’emblée sévère.

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DOSSIER URGENCES EN DERMATOLOGIE PÉDIATRIQUE

La dermatomyosite juvénile est une vascularite Dermohypodermites staphylococciques


systémique auto-immune associant une atteinte des Chez le petit enfant, les dermohypodermites staphy-
muscles striés, une atteinte cutanée et des signes lococciques (fig. 11) ont souvent comme point de dé-
généraux (asthénie, amaigrissement, fièvre). part un furoncle (rôle de la leucotoxine de Panton-­
L’atteinte cutanée prédomine sur les zones photo-­ Valentine), un prurigo ou une varicelle. Si la lésion est
exposées. On peut observer au niveau du visage un unique, la prise en charge est locale : soins d’hygiène
érythème lilacé périorbitaire pathognomonique, un avec toilette soigneuse et lavage fréquent des mains,
œdème palpébral ou facial, plus rarement une alopé- pansement protecteur ou drainage chirurgical. En cas
cie squameuse. L’érythème violacé des zones de lésions multiples, une antibiothérapie systémique
d’extension (genoux, coudes) est majoré par l’expo- est associée aux soins locaux.
sition solaire. L’examen des mains peut montrer un
érythème violacé en bande (sur le dos des articula- Écthyma gangréneux
tions interphalangiennes ou métacarpophalan- Il apparaît initialement comme une lésion vésiculopus-
giennes) papuleux, voire squameux (papules de tuleuse évoluant vers une bulle hémorragique puis vers
Gottron), un érythème périunguéal douloureux à la une ulcération non douloureuse à centre nécrotique
palpation avec atteinte des cuticules, des télangiec- noir entouré d’un halo érythémateux. Il est principale-
tasies périunguéales ou des lésions de vascularite ment dû à la bactérie Pseudomonas aeruginosa, dont la
nécrotiques. La maladie se manifeste par l’appari- diffusion se fait par voie hématogène ou par contiguïté
tion progressive d’un déficit musculaire symétrique au niveau du périnée, chez un patient immunodéprimé
prédominant aux racines des membres, une fatiga- (neutropénie profonde le plus souvent) et fébrile.
bilité à l’effort, des myalgies d’horaire inflamma- Le traitement associe une antibiothérapie adaptée
toire et une amyotrophie. En cas d’atteinte sévère, (ceftazidime et aminoside), des soins chirurgicaux si
les muscles de l’oropharynx ou le diaphragme besoin et la prise en charge de l’immunosuppression
peuvent être touchés, entraînant voix nasonnée, (facteurs de croissance granulocytaires).
troubles de la déglutition ou insuffisance respira-
toire. Les atteintes cardiaque ou digestive sont pos- Syndrome du tourniquet ou du « cheveu étrangleur »
sibles et graves. Les bilans biologiques mettent en L’apparition brutale d’un œdème érythémateux et
évidence un syndrome inflammatoire (augmenta- douloureux d’un orteil, d’un doigt ou du pénis d’un
tion de la VS et de la CRP) et une cytolyse musculaire nourrisson peut être liée à la striction cutanée par un
(augmentation des créatine phosphokinase [CPK], cheveu ou un fil, dont le retrait doit être rapide pour
transaminases ASAT et lactate déshydrogénase éviter la nécrose.
[LDH]).
BRÛLURES
PLACARD INFLAMMATOIRE DOULOUREUX La prise en charge immédiate consiste à refroidir la
Érysipèle, fasciite nécrosante zone brûlée par rinçage abondant (en faisant couler
L’érysipèle débute par l’apparition d’un placard éry- l’eau sur la lésion durant au moins 15 minutes avec une
thémateux induré et douloureux, rapidement pro- eau entre 15 et 25 °C), retirer les vêtements (sauf s’ils
gressif, parfois limité par un bourrelet périphérique collent à la peau) puis couvrir la brûlure d’un linge
et accompagné de pics fébriles. Une traînée de lym-
phangite ou des adénopathies satellites signent
l’extension locorégionale. Il est le plus souvent dû à
une infection streptococcique. La porte d’entrée est à
rechercher : plaie cutanée, traumatisme, morsure, Ce qu’il faut dire aux patients
lésion de varicelle, intertrigo, etc. Le traitement asso-
Toute éruption associée à une altération
cie soins locaux et antibiothérapie (amoxicilline-acide
de l’état général doit faire consulter en urgence.
clavulanique avec 80 mg/kg/j d’amoxicilline, en
3 prises pendant 7 jours). L’étendue des lésions cutanées n’est pas
La présence de douleurs intenses, de troubles sensi- toujours corrélée à la gravité.
tivomoteurs débutant par une hypoesthésie, de
Une brûlure doit être immédiatement refroidie
troubles vasculaires, de lésions purpuriques ou bul-
(sous l’eau courante à 15 °C pendant au moins
leuses, d’une crépitation neigeuse à la palpation et des 15 minutes).
signes généraux de sepsis sévère font craindre une
fasciite nécrosante, habituellement multibacté- Le calendrier vaccinal de l’enfant doit être
rienne. La prise en charge est alors médicochirurgi- rigoureusement suivi pour prévenir les maladies
cale : parage précoce des tissus nécrosés sans que infectieuses graves.
l’antibiothérapie intraveineuse en soit retardée.

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Une hémangiomatose multifocale, associant au
moins cinq hémangiomes, doit faire pratiquer une
échographie abdominale à la recherche d’héman-
giomes hépatiques qui peuvent se compliquer d’in-
suffisance cardiaque à haut débit ou d’hypothyroïdie.
Enfin, un hémangiome de localisation segmentaire
peut s’associer à d’autres anomalies de développe-
ment extracutanées dans le cadre d’un syndrome
PHACES (hémangiome de plus de 5 cm² localisé sur
la tête, le cou ou la partie supérieure du thorax) ou d’un
syndrome PELVIS (ou SACRAL, hémangiome péri-
néal ou lombosacré).
Le traitement oral par bêtabloquant (propranolol
Figure 12. Nodule violacé de la nuque chez un enfant ayant une 3 mg/kg/j en 2 prises) est indiqué pour tout héman-
leucémie aiguë myéloïde (LAM). giome à risque fonctionnel ou vital et est proposé en
cas de risque de séquelle esthétique importante.
propre. L’évaluation de la surface corporelle atteinte
(table de Lund et Browder) et de la profondeur (degré)
guident la suite de la prise en charge : cicatrisation di-
rigée (atteinte superficielle) ou traitement chirurgical
Tumeurs malignes (lymphome, leucémie,
neuroblastome)
L’apparition de papules ou de nodules indurés brun-
L’ESSENTIEL
L’examen
précoce (atteinte profonde) par détersion des tissus rouge ou violacés, indolores, préférentiellement loca- cutanéomuqueux
nécrosés et greffe de peau. Le suivi doit être prolongé lisées sur le crâne doit faire évoquer la possibilité de doit être complet
en raison du risque de séquelles à long terme : brides tumeurs malignes : leucémie aiguë (fig. 12), lymphome et rigoureux,
sur un enfant
et rétractions (traitées par chirurgie, attelles), cica- lymphoblastique (lignée B), métastases de neuroblas-
complètement
trices hypertrophiques (nécessitant massages avec tome. Les lymphomes cutanés peuvent se manifester déshabillé.
une crème cicatrisante, vêtements compressifs) ou par des nodules ou des tumeurs pouvant s’ulcérer ou
hyperpigmentées (imposant une protection solaire). par des plaques érythémateuses infiltrées (forme
Trois pathologies
sous-cutanée). dermatologiques
TUMEUR DE CROISSANCE RAPIDE engagent le
Hémangiome à risque SIGNES DE MALTRAITANCE pronostic vital
L’hémangiome infantile, tumeur vasculaire bénigne, Il est impératif de savoir évoquer une maltraitance immédiat : le
purpura fulminans,
apparaît dans les semaines suivant la naissance comme devant un comportement inapproprié de l’enfant, une
le choc toxinique
une tuméfaction ferme, élastique, indolore, chaude et méfiance de sa famille, un délai tardif de consultation, et le choc
non pulsatile. Il peut être superficiel (de couleur rouge une anamnèse discordante avec les signes cliniques anaphylactique.
vif et saillant sur une peau normale), profond (tuméfac- constatés, des lésions suspectes ou de localisation
tion recouverte d’une peau normale ou bleutée), ou inhabituelle (voir fiche p. 393 « Signes dermatologiques La trousse
mixte. Après une phase de croissance puis de stagna- chez l’enfant : savoir évoquer une maltraitance »). du médecin
tion, la majorité des hémangiomes involue spontané- généraliste
C. Léauté-Labrèze déclare avoir des liens d’intérêts doit contenir
ment en laissant souvent une séquelle esthétique.
ponctuels avec les entreprises Pierre Fabre Dermatologie ceftriaxone
L’ulcération est la complication la plus fréquente et
et Novartis. C. Bertho et M. Bourcy n’ont pas fourni de et adrénaline
survient préférentiellement sur les hémangiomes fa- injectables.
déclaration de liens d’intérêts.
ciaux ou périnéaux, entraînant d’importantes dou-
leurs et un risque cicatriciel. Elle est aussi favorisée
La décision
par d'autres facteurs : phase de croissance de l’héman- immédiate de
POUR EN SAVOIR PLUS :
giome, taille étendue, croissance rapide, distribution prise en charge
Aractingi S, Dupin N, Petit A. Thérapeutique dermatologique. Un manuel de
segmentaire, forme superficielle et télangiectasique. référence en dermatologie. En ligne, disponible sur https://www.thera- est fonction
La survenue d’une détresse respiratoire chez un nour- peutique-dermatologique.org/ de l’état général,
risson peut être liée à une obstruction des voies aé- Cohen R (coord.), Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique. Guide de l’interrogatoire
de prescription d’antibiotique en pédiatrie. Archives de pédiatrie (contage, prise
riennes supérieures par un hémangiome sous-glotti- 2016;23:S1-S55. médicamenteuse,
que, parfois associé à un hémangiome en « barbe ». HAS, SPILF. Prise en charge des infections cutanées bactériennes cou- vaccinations
Enfin, la croissance d’un hémangiome en zone pério- rantes. Volet 1. Synthèse de la recommandation de bonne pratique. Février non à jour, etc.)
rificielle est susceptible d’entraîner une séquelle fonc- 2019. Rev Prat Med Gen 2019;33(1032);869-70. et du type de
tionnelle : strabisme, amblyopie (hémangiome pal- HAS, SPILF. Prise en charge des infections cutanées bactériennes cou- lésions (purpura
rantes. Volet 2. Synthèse de la recommandation de bonne pratique. Février et décollement
pébral, péri- ou rétro-orbitaire) ; déformation de la 2019. Rev Prat Med Gen 2020;34(1033);9-10. bulleux sont les
cloison nasale ; surdité par obstruction du conduit Orphanet, portail des maladies rares : https://www.orpha.net/consor/ plus péjoratives).
auditif ; altération du bourgeon mammaire. cgi-bin/index.php

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