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TÉLÉCOMMUNICATIONS
CAS DE L’AFRIQUE
INTRODUCTION
Le partage des infrastructures est communément appelé site sharing en anglais ou colocation en
français. En télécommunications, le site sharing est une stratégie des opérateurs qui autorisent le partage
de leurs infrastructures généralement physiques avec d’autres opérateurs. Elle peut par exemple
s’appliquer aux pylônes ou à l’espace pour l’installation d’équipements (énergie, équipement radio ou
antennes…).
Le marché des Télécoms en Afrique est loin d’être mature. La guerre des prix, un marketing agressif,
une communication sur les offres toujours plus intrusive et bien sûr le déploiement de sites en masse sont
les principaux témoins du développement accéléré de la téléphonie mobile en Afrique.
Ce marché en pleine expansion pousse les investisseurs et gros opérateurs à investir massivement afin
de récupérer des parts de ce marché juteux à moyen terme. Ces investissements comportent quelques
risques. Ces derniers sont majoritairement d’ordre politique et culturel. Le site sharing est donc un moyen
qui permet de limiter les coûts des infrastructures, et donc les risques. Il permet surtout de mettre en
service des nouveaux sites (couvrir les zones d’habitation) très rapidement. Il y a toujours un avantage à
profiter du partage de sites même si, comme nous le verrons dans les chapitres suivants, beaucoup de
contraintes freinent les opérateurs dans cette démarche.
Notons avant de continuer, que les différents opérateurs n’ont pas toujours les mêmes capacités
d’investissement ou la même expérience technique et marketing. Il existe des opérateurs dont les
capacités financières et la maîtrise technologique sont très avancées. Par exemple pour l’Afrique nous
pouvons citer Airtel, Orange ou MTN. Il existe également des opérateurs dont l’État est actionnaire
majoritaire. En fonction des pays, la réussite d’une telle organisation est très variable. La corruption très
présente empêche certains opérateurs détenus par l’État d’être rentables et donc de se développer
correctement.
Il existe encore des acteurs dits « nouveaux entrants ». Il s’agit d’entreprises qui souhaitent diversifier
leurs actifs et profitent du boom des télécoms en Afrique pour se positionner. En fonction des entreprises,
les moyens financiers sont plus ou moins importants. Les connaissances techniques de ces nouveaux
opérateurs sont leurs points faibles. Par contre, leur nouvelle stratégie marketing a permis à plusieurs de
ces entreprises de bien s’implanter dans le marché local.
Le site sharing s’applique avec deux acteurs, en général deux opérateurs téléphoniques. Les échanges
entre ces deux opérateurs peuvent varier en fonction du besoin de chacun d’eux. Voici les différentes
possibilités applicables et très répandues.
En bas L’opérateur B partage son site. Il n’y a pas de gain conséquent pour l’opérateur A en terme de part de
marché déjà précédent établi.
Il faut également noter que les zones que doivent couvrir les opérateurs sont diversement rentables.
La couverture de zone inhabitée rapportera moins à l’opérateur qu’une zone où se situent des activités
générant des bénéfices. Exemples de zones rentables : les grandes villes, les exploitations minières et
agricoles, les carrefours des grandes voies d’accès, les places d’échange comme les marchés, la présence
importante de ressortissants étrangers ou de familles ayant des parents à l’étranger…
A noter également qu’un pylône peut se trouver dans une zone difficile d’accès et donc avoir des coûts
d’exploitation et de maintenance plus importants.
Au final, plusieurs critères vont rentrer en compte pour l’application égalitaire de la solution « un site
pour un site ». Des difficultés et des complications pour le partage de sites vont être récurrentes si les
opérateurs restent très stricts sur les critères d’échange de site. Les opérateurs doivent accepter de
donner à leurs concurrents, pour gagner de ces derniers.
Le meilleur moyen de coopérer est de s’accorder dès le départ sur les sites à « échanger ». Une grande
quantité d’échange de sites va permettre de limiter les inégalités.
D’autres contraintes techniques et sociales existent. Si elles ne sont pas prises en compte, la
colocation entre opérateurs peut mal se passer.
Les constructeurs de pylônes recherchent une déformation de moins de 0.5° pour les plus forts vents
enregistrés dans une zone. Cela représente un mouvement de 44 cm au sommet d’un pylône de 50 m – la
base étant fixée au sol.
Ici on trouve le pylône sans force horizontale en noir et le pylône déformé par les forces horizontales
en bleu.
Les vents forts qui vont s’appliquer sur un pylône créeront un balancement du pylône et les liaisons
hertziennes seront dépointées. Ce dépointage dégrade dans un premier temps la qualité. Si les vents sont
trop forts, le dépointage devient total et le service est interrompu.
Pour permettre la colocation, il faut donc renforcer le pylône afin de prendre en compte plus
d’antennes ou des antennes plus grandes. Mais cette démarche a un coût, que les opérateurs ne sont pas
tous prêts à prendre en compte pour prévoir une colocation.
Les calculs de charge sont faits en fonction de la zone de construction du site - zone ventée ou non -
et du type de matériel qui sera installé. Le calcul prévoit rarement une charge supérieure à celle dont a
besoin l‘opérateur, car cette option a un coût. Les CAPEX pour les opérateurs des pays en voie de
développement étant limités, la charge est calculée principalement pour les besoins de l’opérateur qui fait
construire ces pylônes. La possible colocation n’est pas prise en compte du point vue de la charge du
pylône.
La liaison FH numéro 1 en vue directe entre A et B fonctionne. La liaison FH numéro 2 est obstruée par un
obstacle, donc le lien ne peut pas fonctionner. L’installation de l’antenne rouge est inutile.
Un autre cas que nous pourrions rapprocher de la contrainte d’espace, est la mise à disposition de
matériel adapté au pylône. Chaque opérateur utilise des fournisseurs et constructeurs de pylône différents
qui ne sont pas forcément compatibles. Or si un deuxième operateur souhaite s’installer sur le pylône, il
aura besoin de supports d’antenne adaptés. Il faut donc que le premier opérateur les lui fournisse, ce qui
peut prendre plus ou moins de temps en fonction de la disponibilité de ce matériel et, notons-le, de la
volonté de l’autre opérateur.
LES RISQUES
Nous finirons cet article en rappelant les risques qu’il faut prendre en compte lors du partage de site.
Habiter chez un concurrent est moins sécuritaire que d’avoir son propre site. On dépend entièrement
d’une entreprise dont nous n’avons pas la main. Des problèmes techniques peuvent survenir : plus
d’énergie, site clos sans accès à un intervenant, sabotage ou simplement erreur de manipulation d’un
technicien… un problème technique qui dégrade la qualité est vite arrivé et dépend en grande partie de
l’autre opérateur.
Dans un continent où les télécoms sont en pleine croissance, le site sharing est une méthode qui
permet de développer rapidement et à cout réduit le réseau des opérateurs.
Différents types de partage existent entre opérateurs comme nous l’avons vu. Un marché s’est même
développé, notamment assez présent en Afrique, où les opérateurs passent par un tiers pour s’occuper
des infrastructures et les mettre à disposition de tous les opérateurs. Dans le jargon télécoms on les
appelle les « Towerco ».
Ce modèle permet, avec plus ou moins de neutralité, de proposer du partage de site, entre opérateurs
à un coût fixe et avec moins de contraintes que ce que nous avons vu précédemment. Les investissements
pour la construction des infrastructures sont directement portés par ces compagnies.
Viken TORAMANIAN, ingénieur Télécoms, a une expérience de 8 ans en tant que consultant. Il a
travaillé sur plusieurs projets Télécoms au sein d’Orange, SFR, Ericsson et Camusat. Il s'est spécialisé
dans le déploiement et le swap des sites radios. Il travaille actuellement chez Cellcom - opérateur télécom
en Guinée (Conakry) - en tant que responsable des opérations.
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© Forum ATENA 2014 – Le partage des sites de télécommunications : Cas de l’Afrique