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Gwiriko : Origine et significations


vendredi 27 janvier 2006.

Les gens s’interrogent de plus en plus aujourd’hui sur la signification réelle du nom “Gwiriko”. Quelle est son
origine ? Etait-ce vraiment le nom d’un royaume comme l’avait fait croire Dominique Traoré ? Quelle était
l’étendue de ce royaume ? Ou s’agit-il simplement d’un mythe ?

Pour comprendre l’origine du nom Gwiriko, il faut remonter à l’expansion commerciale et politique de Kong au
début du XVIIIe siècle. Cette expansion est le fait des Jula dont les ancêtres, les Wangara, étaient en activité dans
les savanes ivoiriennes et ghanéennes depuis au moins le XVe siècle et avaient fondé les cités marchandes de
Boron (Côte d’Ivoire) et de Bégho (Ghana).. A la faveur du commerce atlantique, ces cités tombent en déclin, et
leurs populations se dirigent vers Kong qu’elles transforment, avec d’autres marchands venus d’horizons divers,
en une métropole commerciale.

La nouvelle cité a besoin non seulement d’un espace commercial mais aussi et surtout d’une ouverture vers les
centres du Moyen-Niger, véritables terminus des routes transsahariennes. La réorganisation des routes devient
dès lors plus qu’une nécessité. A cause de leur position médiane entre ces centres et Kong, les pays de l’Ouest du
Burkina Faso sont au centre de cette politique de réorganisation des routes. Mais ces pays présentent des
disparités dans le peuplement.

On y distingue deux principales régions séparées par une ligne naturelle, la falaise. A l’Est de cette ligne, se
trouve une vaste plaine qui s’étend du pays vigué, au nord, au pays komono, au sud, en passant par le pays tiéfo.
C’est un espace d’une faible densité de peuplement, quasiment désertique, long de plus d’une centaine de
kilomètres que les Jula doivent parcourir, au prix de dures épreuves, avant d’atteindre la région de Bobo-
Dioulasso. De telles situations ne pouvaient laisser indifférents ces Jula dont les habitudes des longs voyages leur
commandaient de marquer les pays qu’ils traversaient par des signalisations.

L’utilisation du terme gwiri (désert) pour désigner ces pays ne s’explique pas autrement. Au-delà de ce désert, sur
la route en direction de Djenné (important centre commercial au Mali), se trouve à l’Ouest de la falaise, dans une
région relativement populeuse, Sya, la future Bobo-Dioulasso. D’où le nom de Gwiriko (au-delà du désert, au-delà
de la longue étape) qu’ils appliquèrent à cette contrée où ils pouvaient vendre leurs marchandises et acheter des
produits.

Le Gwiriko, un espace commercial

La construction du Gwiriko commercial est l’œuvre des marchands. Cette construction est marquée par une
considérable implantation de lignages jula. Ces lignages sont particulièrement nombreux à Sya qu’ils ont
transformé en un important relais commercial entre Kong et Djenné. On y trouve des Barro, des Cissé, des
Coulibaly, des Dao, des Dembélé, des Diabagaté, des Diaby, des Diané, des Fofana, des Gbané, des Kamaghaté, des
Konaté, des Koné, des Saganogho, des Touré, des Traoré... Leur nombre élévé explique l’importance du jatigiyya,
c’est-à-dire l’hospitalité, cette institution sociale si capitale dans les cités marchandes pré-coloniales.

Le capitaine Binger, qui y a séjourné en 1888, estime la population résidente à 35000 personnes et la population
flottante à 1500 âmes. Très vite, grâce à leurs activités, Sya connut un tel rayonnement économique qu’on finit
par la désigner par le nom Julasso (la maison des Jula) ou par les dérivés de celui-ci, Julassoba (la grande maison
des Jula), Bobo-Julasso (la cité des Bobo et des Jula).

Ce nom est même connu des Anglais dès 1822, grâce au témoignage d’un certain Wargee, voyageur tartare,
originaire d’Astrakhan, dans le bassin de la Mer Caspienne. En plus de cette cité, d’autres villages ont accueilli
quelques membres de ces lignages. Tel est le cas deDarsalamy dont le nombre des lignages avoisine presque celui
de la métropole du Gwiriko. Région peuplée, marché prospère, espace d’échange, espace économique, le Gwiriko
devint rapidement un espace politique.

Le Gwiriko, un espace politique.

Si les traditions jula et bobo-jula sont dignes de foi, ce fait remonterait à Famaghan, le jeune frère de Sékou
Watara, à qui l’on attribue la conquête de Sofara dans le premier quart du XVIIIe siècle. Vers le milieu du XVIIIe
siècle, Sékou meurt, et Famaghan, se croyant légitimement mieux indiqué pour succéder à son frère défunt, ne
peut s’installer sur le trône à Kong. Furieux, il entre en dissidence et fait de la région de Bobo-Dioulasso (le
Gwiriko) son domaine. Ainsi, naquit le Gwiriko politique dont les limites septentrionales s’étendraient jusqu’à
Sofara, aux portes même de Djenné.

Quant aux autres limites, elles restent, dans l’état actuel de notre information, incertaines. Toujours est-il que les
limites du Gwiriko politique transcendaient le cadre du Gwiriko originel : les pays tiéfo et dokhossié, jadis faisant
partie de la zone dite gwiri (désert), furent intégrés à la zone d’influence des Famaghan-mogo. Mais le type de
structure politique que Famaghan et ses descendants mirent en place était un système de type fédéral, avec une
dose d’autonomie accordée à leurs alliés.

C’est ainsi que les Bobo-jula purent disposer d’un espace politique à l’intérieur du Gwiriko politique, de même
que les Tiéfo et les Vigué. Puis lorsque d’autres princes watara, les Kèrèmorifesso et les Djanguinandjon, firent
aussi leur apparition en se taillant des aires d’influence, la carte politique se compliqua davantage. Miné par les
crises politiques, le Gwiriko connaît à son tour des dissidences. La première est celle des Bolon vers la fin du
XVIIIe siècle. Puis suivent, dans le premier quart du XIXe siècle, celles des Bobo-Jula et des Tiéfo.

Gagnant de plus en plus en puissance, ces derniers tentent de se libérer du joug de leurs suzerains. Les Bobo-Jula
vont même jusqu’à réussir à repousser une attaque de mercenaires koulango venus de Bouna, à la demande de
Diori Watara, petit-fils de Famaghan. Toutefois, Bobo-Jula et Tiéfo restent des alliés des Watara surtout face aux
menaces expansionnistes du Kénédougou.

En conclusion, nous pouvons dire que le Gwiriko était à l’origine un espace commercial, compris dans un espace
plus grand, le Kong-kènè. Mais commerce et conquêtes étant liés, Gwiriko en vint vite à désigner un espace
politique. Les limites de ce Gwiriko politique ont varié dans le temps et qu’elles ont dépendu de la puissance et de
l’unité des Sonongi, groupe guerrier dans le système politico-commercial de Kong. Dans ces conditions, on
comprend toutes les difficultés que peuvent avoir certaines personnes à saisir ce que désigne réellement le nom
Gwiriko.

Bakary Traoré
Attaché de recherche
à l’IN.S.S./C.N.R.S.T.
03 BP. 7047 OUAGADOUGOU 03

Pour plus d’informations

KODJO, N.G., Le royaume de Kong : des origines à 1897, thèse pour le doctorat d’Etat, Université de Provence,
1986, 4 t.

PERSON., Y., Samori, une révolution dyula, IFAN, Dakar, 1968 : t1, 1970 : t2, 1975 : t.3.

Table ronde sur les origines de Kong , Annales de l’Université d’Abidjan, 1977.

Tadhkirat al-Nisyân, traduit de l’arabe et édité par O. Houdas, Adrien-Maisonneuve, Paris, 1966.

Traoré, B., Histoire sociale d’un groupe marchand : les Jula du Burkina Faso, Thèse pour le Doctorat unique,
Université de Paris I, 1996, 2 t.

Traoré, D., Note sur le royaume mandingue de Bobo, in L’Education Africaine, Bull. de l’Enseignement en A.O.F.,
n°96, 1937 (janv-juin), pp.58-77.

BINGER, L.G., Du Niger au Golfe de Guinée en passant par le pays de Kong et le Mossi, (1887-1888), Paris, Société
des Africanistes, 1982, 2 t.

WILKS, I., Wargee of Astrakhan , in Africa remembered, ed. by CURTIN Ph, University of Wisconsin Press ,
Madison, 1967, pp. 175-189.

Vos commentaires
1. Le 27 janvier 2006 à 20:22, par Marie-Ange Somdah En réponse à : > Gwiriko : Origine et significations

Merci, monsieur Traoré pour ce document enrichissant.

Dr. Marie-Ange Somdah


Humboldt State University
USA

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