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Chapitre 5 – La Nature du Lien entre les

Hommes –
Pourquoi vivons-nous ensemble ?
1) En quel sens l’homme est-il un « animal politique » ?
Hume, Traité sur la Nature Humaine : Pour lui, la société est une réponse à la déficience
fondamentale entre l’homme et la nature (besoins > capacité de les satisfaire). Quand on est seul, on
n’a pas le droit à l’erreur car la moindre chose peut provoquer la mort. La société permet de résoudre
ce problème car un accroissement de la force permet celui du pouvoir, de la division et enfin une
réduction d’accidents : c’est un avantage. Ainsi, les hommes vivraient ensembles par commodité,
efficacité, utilité,… Il ne sortirait pas fondamentalement du domaine naturel car le but est le même :
la survie. Remettre en cause de sa vision de la société revient à remettre en cause sa raison d’être.

Aristote, La Politique : « animal politique » (au début) veut dire vivre à l’état grégaire (mode de
vie social et en communauté). Il établit une distinction entre la voix de l’animal (phonès) et le
discours/ la parole (logos) de l’homme. Mais cette distinction n’explique pas la formation des
sociétés. Comme l’homme, l’animal communique pour survivre. L’homme, lui, a des sentiments, il
sent des idées. C’est cette dimension du sentiment qui nécessite un rapport aux autres (la société).
Ainsi la communauté a nécessairement besoin d’être humaine : c’est ce qu’il appelle la communauté
des sentiments moraux. Pour Aristote, l’homme est le seul « véritable » animal politique (car il a le
logos et transmet des idées), il évolue donc dans une société.

1. La logique du contrat et ses limites


Contrat : accord entre deux parties qui suppose réciprocité et engagement.

Hegel dans La Philosophie du Droit : D’abord il y a nécessité d’égalité en tant qu’esprit (sujet).
Ensuite l’essence des personnes ne peut être en jeu, tout ne peut pas faire l’objet de contrat. Il est
une relation telle que les êtres sont les mêmes avant, pendant et après. Ce qui unit deux parties est
une troisième chose, une autre chose. La relation que chacun a avec cette 3ème chose modifie la
nature du lien entre les deux parties (sorte de triangle interdépendant).

Exemple avec la différence entre le rapport Maître/Esclave et Contractant/Contractant. Il n’y a


pas de rapport d’égalité ni de respect de l’autre mais une reconnaissance de l’un vers l’autre
unilatérale et une utilisation de l’autre comme moyen de satisfaction de mon désir.

Contrat comme fondement de l’ordre politique (communauté humaine non réductible au simple
but de survivre ou vivre mieux) ?

Marcel Mauss, Essai sur le Don : Il y aurait des dissensions apparentes entre le don et le contrat
pour M. Mauss. Dans les sociétés dites « traditionnels », les échanges sont dit du « don » et associés
au « contre-don » (vente et prêt). C’est une circulaire différente du contrat car ce n’est pas la même
façon de considérer l’autre. Dans un contrat la contrepartie est une obligation « morale ».

Lucien Lévy-Bruhl, L’Ame Primitive : Il explique comment les sociétés ont existés sans reconnaître
la notion de contrat. En effet, l’individu est un élément du groupe avant d’être lui-même dans les
sociétés dites « traditionnelles ». Elles sont animées par un « esprit d’oubli », la tribu (l’ensemble)
englobe l’individu en le rendant inexistant. S’il n’y a plus d’individu, la notion d’intérêt personnel et
collectif est remise en cause. En effet la générosité, par exemple, suppose qu’il y ait un « moi » à
donner. L’altruisme n’existe que s’il y a quelqu’un en-dehors du collectif. Dans ces sociétés le contrat
n’est donc pas possible, selon Mauss son alternative prend l’apparence du « don » ou du
« contre-don ».

René Girard, Des Choses Cachées depuis la Fondation du Monde : Il confirme que l’individu
n’aurait pas de véritable existence dans les sociétés traditionnelles. Il ajoute que les sociétés
traditionnelles sont menacées par l’extension généralisée de la violence. Le désir et la violence
seraient deux faces de la même chose, car comme le désir, la violence est constitutive des hommes
et ses rapports. Elle est dirigée de tous contre un seul (le bouc-émissaire). C’est en changeant son
point d’application qu’on la supprime (paradoxe = pharmakon : soit le poison ou soit le remède). La
violence n’est aucunement surmontée, elle donc sort vainqueur quand-même au final. En effet, il y a
une sorte d’impuissance car elle n’est pas dominée mais canalisée. La victime quant-à-elle est
marginalisée, elle ne peut répliquer et enfin qu’elle appartienne à la communauté. Enfin s’il y en a qui
ne participe pas à cela, la violence restera en eux.

Est-ce que l’absence de contrat dans ces sociétés leur donne une position supérieure aux autres ?

Mauss dit que dans les sociétés traditionnelles, il n’y avait pas d’égoïsme ni d’intérêt. Sauf qu’il
est logique qu’il n’y en est pas du fait que l’individu n’a pas de valeur propre.

Retour sur le contrat d’Hegel et sa position face à l’Etat :

⮚ S’inscrit en faux face à l’idée du contrat social (de Rousseau)


⮚ L’Etat est le cadre du contrat, pas le centre. (le cadre = société civile).
⮚ Il est celui qui fait et fait respecter les lois = ce qui est autorisé. (but pour Hume -> sécurité,
propriété,…). Alors il peut être l’objet du contrat.

Il semble que l’homme puisse ne pas appartenir à un Etat sans toucher à son essence. La
politique pourrait disparaître, l’essence de l’homme serait inchangée (selon Locke/Hobbs).

A l’inverse, pour quelqu’un comme Aristote, l’homme a besoin de la politique. Il n’est pas humain
sans cité, en effet l’homme se distingue de l’animal (phonès) par le langage (logos).

2. L’Homme comme être de langage


a) Le logos n’est pas un prolongement de la phones
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes pense qu’il
y a une différence de nature entre le langage (logos) et la voix (phonès), ceci prolonge la question
de la différence entre l’homme et l’animal.

En partant de la phonès (« le cri de la nature »), Rousseau montre comment peu à peu on
arrive au langage, sauf que c’est impossible puisque le langage humain semble être tout autre
chose que la dérivée de la voix. D’abord il y aurait eu des cris pour exprimer des choses primaires
et limitées, puis les gestes se sont impliqués avec le son pour exprimer des choses un peu plus
variés. Les limites de la lumière et de l’attention requise sont dépassées une nouvelle fois
instituer les articulations de la voix. Sauf que cette institution ne peut se faire qu’avec des mots.
C’est impossible d’établir le logos sans le logos lui-même. Il semble qu’il ne puisse être produit
que par lui-même. Soit le langage est là, soit il n’est pas.

b) Le langage : lieu de la pensée


Hegel dans Philosophie de l’esprit, énonce que la pensée naîtrait à travers un mouvement
vers l’extérieur et objectif. Elle est transformée (lui donner une forme) en être différencié au
court de ce processus, avant ce mouvement la pensée est informe. Si la pensée n’est pas
objectivé ni formée, elle est indéterminée, vague, inconsistante, indéfinie : elle reste en puissance
(métaphore entre le chaos et le cosmos). En revanche, toute extériorité n’implique pas une
pensée effective. La pensée acquiert tout son prestige que lorsqu’elle est mise en mots, et plus
une réalité est riche et complexe, moins le concept d’intérieur et d’extérieur se distinguent.

On a ainsi que le langage n’est plus un moyen de communication, il ne serait pas


l’instrument de notre pensée : c’est un corps (car celui qui se sert d’un instrument peut ne pas
s’en servir). Il incarne la pensée qui devient réellement elle-même par le langage. Le passage par
une altérité est nécessaire pour être véritablement ce qu’on est : « La pensée est un dialogue de
l’âme à elle-même » (Platon).

C’est à travers le mot que la dimension du sensible est mise au service de celle de la
pensée (c’est là que sa présence est la plus discrète). L’art semble être comme une rencontre des
deux dimensions, sauf que la matière est présente (et pas discrète du tout) plus ou moins selon
les arts. D’après Hegel, la discrétion matérielle est minimum avec le langage conceptuel (celui de
la philosophie).

c) Le rapport avec autrui et avec autrui


α) Avec soi-même
Quel est le rapport de celui qui a le langage avec lui-même ?

Le fait que logos soit universel nous incite à nous rencontrer, car dès que je parle il y
une petite partie de moi qui sort hors de moi.

β) Avec autrui
Ce que je dis est en droit accessible à tout homme. L’être en face de moi est doté
d’une subjectivité, lui parler c’est reconnaître son statut de sujet (de pensée et d’action).
Comment s’opère cette reconnaissance ?

⮚ Son opinion ? ça n’est pas le moi qui parle, mais des parties contingentes de moi qui ne sont
pas vraiment moi.
⮚ Sa capacité à bien dire ses opinions ? Ce sont les sophistes.
⮚ Exercer sa capacité à dépasser son opinion, c’est la maïeutique (= accouchement des âmes)
de Socrate. C’est en réalité faire sortir au grand jour ce qui a été enfoui.

De plus, reconnaître le statut de sujet par sa pensée se ferait par le dialogue (=à
travers le logos). Ça serait la forme la plus accomplie d’interaction avec autrui. On aurait
comme référent une vérité universelle (en-soi), ça serait à cette hauteur que l’homme serait
appelé à être (Kant par exemple).

Enfin cette reconnaissance se ferait aussi par une demande envers l’autre de faire
quelque chose. C’est dans la logique du contrat où on reconnait l’autre comme un instrument
avec réciprocité. En réalité je n’ai absolument aucune garantie de savoir que l’autre dit bien la
vérité : c’est une autre forme de vérité, elle, faite par la dépendance à l’autre. Faire confiance
à quelqu’un c’est remettre la vérité à l’autre (pas de bien en soi). Je n’ai aucun moyen de
vérifier sa fidélité sans lui. Je suis donc livré à l’autre. La notion de moralité n’est pas
compatible avec cette vision de la moralité, de même qu’il n’y a plus de vérité en soi. Cette
vérité n’est pas recherchée ni démontrée, cela n’est pas quand-même une position de repli.

Il y a des choses qui ne peuvent pas nous arriver. Nous sommes impuissants à nous en
emparer. Ce sont les choses les plus essentielles dont nous avons le plus besoin

2. Société et Etat
La société peut désigner deux choses différentes :
⮚ La société civile, c’est-à-dire le civil. C’est le domaine dans lequel vivent les individus dans leur
particularité en établissant des liens (sous-entend qu’on en ait besoin).
⮚ Le domaine politique est plus abstrait, il fait abstraction des particularités individuelles. Il
participe à une institutionnalisation par le droit positif (différent du droit absolue, cf. Léo
Strauss). Il se définit par :
o Etre l’organe de la loi.
o L’ordre, la sécurité (Hume).
o La monnaie qui est l’intermédiaire des échanges. Ce qui permet d’établir entre toute
chose une commune mesure (Aristote La Politique).

Quand Hobbs énonce que « L’homme est un loup pour l’homme », il pense que l’homme ne
vivrait que pour poursuivre ses désirs et ses intérêts et qu’ainsi la société réfrènerait ses pulsions par
sa fonction régulatrice.

a) L’Etat est serviteur ou oppresseur de la société ? (Etat<Société)


α. Idéal d’une société sans Etat
Ici, l’Etat empêcherait l’homme d’être ce qu’il est à travers deux visions.

L’Anarchisme de Bakounine : Etat est un principe d’oppressions au nom du droit


naturel. Il dénonce le mensonge que la seule façon d’éviter le chaos, c’est l’état.

Le Marxisme, lui pense qu’il y a plusieurs luttes à mener. Pour Marx, dans l’Idéologie
Allemande, il va falloir remplacer l’état actuel par un autre état temporaire : La Dictature du
Prolétariat pour finalement supprimer l’Etat. Cette première révolution consiste à garder les
mêmes institutions mais changer les acteurs : remplacer la bourgeoisie pas le prolétariat. S’en
suivra une abolition de l’Etat. Mais alors pourquoi abolir l’Etat ? Pour Marx l’Etat ne peut être
que l’émanation direct des dominations d’une classe sur une autre (abolir les classes = abolir
l’Etat). Pourquoi une prédominance de la classe du prolétariat ? Cette classe serait
conceptuellement différente car il n’y a personne en dessous, c’est une classe universelle. Ils
ne se battent pas pour des intérêts personnels mais des intérêts universels (paradoxe, c’est
une partie de l’humanité mais qui est à la fois universelle).

β. L’Etat au service de la société (démocraties modernes actuelles).


L’Etat serait, ici, au service l’intérêt général. L’intérêt personnel serait élevé au travers
au rang d’intérêt général, mais ça ne serait qu’une différence de degré. On est ici à l’opposé
d’une conception de la société qui tend vers le bien-en-soi.

b) La société subordonnée à l’Etat (Etat>Société)


La raison d’être de l’Etat est de placer quelque chose au-dessus de la société, au-dessus des
préoccupations et des intérêts personnels, au-dessus des particularités ; cette chose est d’une
tout autre nature.

Pour Aristote, ce qui fonde la polis, c’est la communauté des sentiments moraux (les principes
moraux). Ainsi, l’Etat aménage l’espace des particularités, il n’est pas changé.

Dans l’Etat platonicien, tous les choix sont dirigés par l’Etat. Le plein pouvoir est donné au
rationnel. On a donc que le choix du conjoint et du travail, par exemple, ne dépend de personne
d’autre que de l’Etat. Seulement, cela ressemble plutôt à un Etat totalitaire. Aucune autonomie
relative n’est laissée à l’individu. La raison raisonne tout. L’opinion est mauvaise en-soi, les
enfants sont les fils et filles de l’Etat.
Kant, dans Projet de Paix Perpétuel, défini, dans un premier temps, ce qu’est, à travers la
notion de pouvoir, celle de souveraineté. Pour lui, c’est quelque chose qui est premier, qui se
définit par l’absence totale de dépendance auprès de quiconque et qui n’a pas d’autorité
au-dessus de soi. Enfin, l’autorité du souverain s’impose et l’emporte sur toute les autres, il est
source de légitimité. D’autre part, il veut que la notion de démocratie ne soit pas
perpétuellement rattachés à la celle de la république. Il définit, au préalable, trois formes de
pouvoir et deux formes de régimes.

- La pouvoir d’un seul, c’est l’autocratie.


- Le pouvoir de plusieurs, c’est l’aristocratie.
- Le pouvoir à tous, c’est la démocratie.
- Le régime despotique se définit par le fait que ce sont les mêmes qui font les lois et ceux
qui exécutent. Ils ont un pouvoir, à la fois législatif mais aussi exécutif. Dans le
despotisme, le pouvoir est exercé au nom de ceux qui ont le pouvoir. Il s’exprime par une
volonté particulière.
- Le pouvoir républicain se définit par une séparation des pouvoirs. Le républicanisme
s’exerce vers quelque chose qui n’est plus particulier, il tend vers une volonté générale ou
universelle.

Pour lui, la forme démocratique est nécessairement despotique. De fait, ceux qui font la loi
sont le peuple, ceux qui l’exerce sont aussi le peuple. On a une coïncidence entre le législatif et
l’exécutif : « La forme démocratique, au sens propre, est nécessairement despotique ». Cependant, il
mentionne qu’il est possible d’utiliser un pouvoir despotique en étant à la fois le représentant d’une
chose plus grande que lui, et non pas comme quelque chose visant son intérêt personnel. Au final, il
veut exprimer l’idée qu’il y a quelque chose d’autre que de la volonté du peuple.

On peut finalement faire référence à la république platonicienne dans laquelle les


philosophes deviennent rois et les rois deviennent philosophes. Dans Denis à Syracuse, pour que le
bien puisse éclairer tous les hommes, il faut donner le pouvoir aux philosophes de façon républicaine.

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