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Chapitre 4 – Nature, Culture et

Négativité
1) Deux conceptions du rapport entre l’Homme et la nature
a) Nietzsche, La Généalogie de la Morale
Selon lui, il y aurait deux catégories d’êtres ayant chacun leur propre morale (voir le bien
et le mal). Tout ce qui se présente comme étant-de-soi est en fait le produit/le résultat de
notre intérêt (notre position).

● L’aristocrate est dans l’action et dans le sentiment. Il dit oui à lui-même


● L’esclave est, quant-à-lui, dans la réaction et le ressentiment. Il dit non à ce qui n’est
pas de soi.

Ce que nous pensons c’est le reflet de ce que nous sommes. Alors l’aristocrate qui est en
bonne santé aura une vie conforme à elle-même ; tandis que l’esclave aura une vie maladive
(qui n’en est pas vraiment une).

Chez l’aristocrate c’est le terme de bien qui vient en premier (forme de positivité) puis le
mal est défini dans un deuxième temps (par contrainte). A l’inverse chez l’esclave, le premier
terme est la négation, le refus ou le rejet et on définit ce qui est positif après coup.

Le regard que l’un porte sur l’autre est négatif :

● L’aristocrate 🡪 (indifférence donc sentiment) 🡪 l’esclave


● L’esclave 🡪 (haine donc ressentiment) 🡪 l’aristocrate*

L’aristocrate se suffit à lui-même (idée d’indifférence) alors que la haine est quelque
chose en réaction à une autre chose. Ce dernier lui accorde une importance mais aussi un
ressentiment (il s’en oublie lui-même).

Pour le faible, le bonheur (qui perd aussi son universalité) est vu de façon négative car
c’est symbolisé par une absence de douleur, de risque, de menace, d’ennemis et d’agression.
Chez l’être actif, le bonheur est dans l’action (destructrice mais aussi constructrice).

Chez Nietzsche, il semble que la morale aristocratique soit supérieure, c’est un reflet de
l’être et de sa manière d’être (= la vitalité). Comparée à celle des faibles qui retourneraient la
vie contre elle-même. De plus cette manière d’être s’exprime par l’épanouissement de soi
donc de la volonté de puissance (= socle du réel. Tout être a cette volonté en lui, une
« tendance vers », un rapprochement avec le conatus de Spinoza : persévérance de l’être).
Chez les aristocrates elle s’exprime inconsciemment grâce à l’instinct. Quant à l’esclave, elle
s’exprime à travers les circonstances mais cette fois ci consciemment.

Dans le paragraphe 11, le faible n’a pas la même capacité de réagir envers l’autre, de
même façon que le fort. Sa haine reste donc inassouvie (ressentiment qui mijote longtemps ;
ça « l’empoisonne »). Le fort, lui, peut réagir de la même façon (il n’y a pas de ressentiment
donc pas de poison). Cependant, il se comportera différemment avec ses pairs et les autres
(même l’inversion). Il adopte le mépris et l’indifférence avec les autres et le respect, l’égard,
de la retenue et de l’admiration. Ce qui est inoffensif, ne fait pas beaucoup de mal ni de
grandes choses parait faible devant quelque chose d’édificateur, de constructeur et même de
destructeur qui parait « prometteur ». D’ailleurs, « l’Homme » d’aujourd’hui n’est pas plus
craint ! Il est « médiocre » et Nietzsche l’avertie de courir à sa perte.

Dans le paragraphe 13, il y est dit qu’il y aurait un ordre logique des choses dans la
nature et que justement, l’homme n’y ferait pas exception. Ainsi, ces valeurs morales qui sont
posées le seraient qu’en fonction de ses intérêts. Car chaque être se comporte en fonction de
sa nature (ça rend absurde la notion de reproche). De plus, tout être tendrait vers quelque
chose que Nietzsche appelle la Volonté de puissance (une tendance, un appétit). Ajoutons
que chez Nietzsche le sujet et l’action sont associés (différent de Hegel et les circonstances et
le fait que l’on a toujours le choix). Il prend l’exemple de la foudre qui éclate, ici la foudre est
en éclatant et il serait absurde de penser que c’est la foudre qui décide d’éclater. De même
que l’homme fort qui terrasse. Ajoutons que le langage lui-même est trompeur sur ce qu’il
nous présente. Selon Nietzsche, ce qui fait de l’homme ce qu’il est : c’est la force. Car il y a
une dissolution de la distinction entre le sujet et leur qualité. Le libre arbitre n’existe pas.
Toute forme de volonté n’est qu’une tendance vers et tout ce qui est, est volonté de
puissance. Quoi qu’on en dise, en parlant, on affirme une vision du réel qui sépare le sujet de
l’action. C’est la raison pour laquelle Nietzsche critique le langage.

Le faible a besoin de tenir ce discours qui différencie le sujet de l’action pour faire un
coup double 1) de reprocher à l’autre une agressivité 2) de féliciter sa propre attitude.

Pour résumer :

o Le bonheur : Il y a autant de façon de voir le bonheur que de type d’homme


o Le rapport avec les autres : différents s’il s’agit de deux types d’hommes différents ou
égaux. Il y a les rapports avec les égaux et ceux avec les autres
o Le plus dangereux est aussi le plus prometteur et le plus à espérer (l’homme
moderne est petit)
o L’homme et la nature : L’homme ne fait pas exception à la nature et à la grande loi
fondamentale qui est la Volonté de Puissance. Chez l’homme : certains d’entre eux
pour arriver à suivre cette règle de la nature, ils ont besoin de faire croire que la
nature n’est pas tout, qu’il y a quelque chose de distinct.
o Pour résumer, le rapport de force est indispensable. Tous les rapports qui paraissent
ne pas en être sont en fait des rapports de force déguisés.

b) Hegel, La Phénoménologie de l’Esprit


Phénomène : Ce qui apparaît, ce qui se laisse voir.

Phénoménologie de l’esprit : façon dont l’esprit se manifeste. Il n’est pas comme il doit être. Il se
manifeste à lui-même.

Il s’agirait donc de distinguer les différentes étapes par lesquelles ils passent pour devenir
ce qu’il est (= se manifeste à lui-même). C’est le passage d’une conscience à une
conscience en soi. Un être d’esprit ne peut être un être que s’il est reconnu par un autre
(ici un humain qui reconnaît un humain). Ainsi, nous avons besoin les uns les autres pour
être des êtres d’esprit. Chez Hegel ça va prendre la forme d’un combat entre deux
individus :
o Celui qui est prêt à perdre la vie pour sauver/sauvegarder quelque chose qui est d’un
autre ordre (liberté, dignité,…). Il va faire passer sa dimension d’esprit avant tout :
c’est le maître.
o Et celui pour qui rester en vie est la chose la plus essentielle de notre existence (la
choséité). Il va faire passer sa choséité devant sa dimension d’esprit : c’est l’esclave.

Dans son texte, Hegel nous expose un premier syllogisme : Maître > Choséité > Esclave.
Ici, le maître n’est le maître de l’esclave que parce qu’il est maître de la choséité. Sa maîtrise
est médiate. De même que l’esclave est esclave de la choséité et après du maître (pas
directement du maître). Donc le rapport que chacun entretient avec la choséité engendre
d’une part le rapport de moi par moi et d’autre part le rapport de moi avec les autres.

Pour Hegel « travailler c’est nier sa choséité », le mot nier a le sens de transformer la
chose, lui imposer une forme qui n’est pas la sienne. On le dépossède de sa forme originelle.
Cette négation de la choséité (ce qui n’est pas esprit : inorganique) qui est faite sous la
direction du maître, c’est le travail. Donc par rapport au travail qui est à l’extérieur de soi :
Maître > Esclave > Choséité. Par exemple avec l’arbre, on l’arrache (le modifie) pour qu’il
change de forme (en meuble) : on nie l’arbre. Ce qui est nié n’est pas détruit, sa matière est
conservée mais détournée tout de même. L’esclave (nécessité de rapport avec lui-même dans
le même mouvement) travail sans la jouissance et le maître (il est statique, il n’apprend rien,
n’évolue pas et se contente d’être ce qu’il est) a la jouissance sans travailler. Dans ce schéma
il y a deux formes de négation, l’esclave transforme la chose/ la modifie en faisant des choses
que la nature ne ferait pas seule. Le maître, lui, exerce sa négation sur le résultat qui détruit la
chose (la faire disparaitre). La vraie indépendance par rapport à la choséité consiste à la
transformer/modifier/comprendre (=la médiation) jusqu’à arriver à la maitriser.

Pour résumer :
o L’homme est un être pour qui être en vie et survivre n’est pas essentiel
o Il y a 3 manières de nier la choséité :
- Acceptation de la mort = Ce qui fait de la vie la vie (négation
immédiate)
- En façonnant ou élaborant la choséité (négation médiate mais
conserver en même temps)
- Dans la jouissance (négation immédiate)

Chez Nietzsche, il y a deux grandes catégories d’êtres au sein de la nature

Chez Hegel, l’homme ne fait pas partie de la nature, l’animale vit en totale soumission à la
nature.

2) La culture comme négation de la nature et affirmation de l’esprit


George Bataille, L’érotisme, 1957
« Le donné naturel » ressemble à la nature telle qu’elle est.
« Le monde humain » semble être ce qui est transformé et élaboré.
« L’homme s’éduque » - La politesse, qui n’est pas seulement un ensemble de conventions
sociales mais aussi une des choses qui fait de l’homme ce qu’il est. Ne
pas la respecter, c’est nier son statut.
- L’éducation, c’est maitriser la choséité en nous (différent du dressage qui
viendrait de l’extérieur). Cela reviendrait à aider l’autre à devenir
maitre de lui-même.

Dès qu’il y a homme, il y a positionnement de certains interdits, limités à la satisfaction des


besoins naturels (par exemple les invariants culturels de Levis Strauss). Le travail est la négation
(médiate) du donné naturel/à l’extérieur de soi.

La culture (médiate) serait constituée du travail et de l’éducation. Elle serait donc la négation
(ne pas accepter simplement) médiate du donné naturel. Parce que l’homme a un rapport différent
avec la nature, il y a en l’homme quelque chose de différent, quelque chose de déficient. La nature
s’est montrée cruelle car elle lui a donné des besoins sauf qu’aux autres êtres : la nature a donné les
capacités proportionnelles à leur besoin, il y a un équilibre entre les besoins et les moyens. Il y a donc
une situation originelle d’infériorité. C’est pour cela que l’animal ne se trompe pas, car il ne pense
pas/ ne réfléchit pas : c’est l’instinct. C’est justement ce qui fait que l’instinct est parfait et c’est là sa
faiblesse, il arrivera toujours à faire ce qu’il veut (car il n’y a pas de réflexion, c’est presque
mécanique).

« L’erreur est humaine » car il peut se tromper mais surtout sa grandeur, sa réflexion. Seul
celui qui résonne peut se tromper. L’homme n’a pas d’instinct, il n’a pas d’arme et pas d’utilisation.
Tout ceci s’acquerrait uniquement par le travail.

Mais alors, pourquoi l’homme nie-t-il le travail ? C’est pour affirmer autre chose, une finalité
qui semblerait positive : c’est l’esprit.

Kant, Critique de la Raison Pratique

- Il semble qu’il y a un en-dehors du monde sensible


- Chez l’animal, il n’y a pas besoin qu’il y est quelque chose d’autre que la nature pour
satisfaire ses besoins.

Si l’homme n’utilisera la raison uniquement pour satisfaire ses besoins naturels il serait
comme l’animal. Car ils auraient le même but mais des moyens différents. Et ce dernier ne serait que
la préservation de son espèce. Au final, ce qui fait la différence, c’est que l’homme aspire à plus qu’à
satisfaire ses besoins.

Pour résumer, selon la direction qu’il prend, il peut :

- Soit chuter en-dessous de lui-même (esprit chosifié)


- Ou bien aspirer vers ce qui est plus pure, c’est l’élévation au-dessus de la nature. C’est
l’affirmation de l’esprit (part de la culture)

Cependant, même quand l’homme assouvie les besoin naturels, il le fait avec l’esprit. Mais
l’esprit est utilisé aussi au travers de domaines déconnectés des besoins naturels (comme l’art par
exemple ou bien la philosophie). Agir avec désintérêt (par la volonté), c’est agir de la façon qu’on
s’intéresse à la chose telle qu’on s’oublie soit même. On habille plus la nature.

Qu’est-ce que la culture ?


Au sens général, la culture désigne l’ensemble des langages, religions, croyances, mœurs,…
(la même racine de morale). Elle peut aussi désignée des institutions : Tout ce qui est institué, ce qu’il
a fallu faire instituer, donc tout ce qui est non naturel.
Tous les êtres humains vivraient dans une culture, mais ces différentes réalités culturelles
peuvent très bien exister qu’à l’état naturel. Ainsi, une culture serait-elle un ensemble d’habitude ?

Habitus chez Aristote, c’est une disposition stable. Il n’y a plus de distance entre la chose et
nous car elle est installée : « c’est une seconde nature ». Les habitudes seraient constituées par
l’esprit et la nature. Elle est tirée de la volonté, qui est le produit d’une détermination : une sorte d’
« esprit naturalisée ». L’habitude serait analogue au rapport que l’être naturel (l’animal) avec son
milieu.

Cependant, selon Lévi-Strauss dans Race et Histoire (pp. 43-44), l’homme voit à travers sa
nature. Terme similaire à celui de culture de Bourdieu (car la provenance est extérieure à nous, c’est
un monde qui nous imprègne, dont-on tire des habitudes). Le rapport que l’homme entretient avec
sa culture est d’immédiateté (d’évidence, d’absence de recul et de discernement) et sans aucuns
effort ni travail à faire. Dans Ethique à Nicomaque l’habitude c’est « l’esprit devenu nature ». On est
ici entre les deux, l’esprit naturalisé c’est une seconde nature donc une culture. Donc
l’ethnocentrisme semble être à la fois mauvais (car jugement biaisé) et pourtant inévitable.

Pour pallier à ce problème il faudrait alors recourir à la solution de l’abstention et ainsi ne pas
juger les autres tout simplement : c’est le relativisme.

Ce à quoi Léo Strauss répond dans Droit Naturel et Histoire et énonce les limites de cette
position relativiste (=tolérance) en posant l’idée de droit naturel (il y aurait du juste et de l’injuste en
soi) en opposition au droit positif (qui dit qu’il y a du juste et de l’injuste).
Couple Absolue/Relatif : Le premier est sans lien avec
autre chose et le second n’a de sens que s’il y a
relation avec quelque chose d’autre.
Par exemple avec les lois, l’idée que certaines lois peuvent être injustes pose problème ! Car elles
sont censées énoncer ce qui est juste !
Léo Strauss dénonce ici les gens qui sont à la fois ethnocentristes et relativiste, car c’est totalement
incohérent (à l’opposé de C. L. Strauss pour qui les cultures sont toutes équivalentes). Il y aurait
quelque chose au-dessus, le juste en soi (ab-solu). Il critique C. L. Strauss en énonçant qu’il y a un
étalon du juste !
Pour Léo Strauss, si nous ne sommes pas cannibales, est-ce que ça n’est pas juste un manque
d’habitude ? Si c’est changeant (car nos habitudes changent) alors rien ne nous empêche de devenir
cannibale. Qui peut dire si la loi française est plus ou moins juste si on n’a pas de juste en soi ?
Le simple fait que nous soyons capables de remettre en cause l’idéal de notre société montre qu’il y a
en l’homme quelque chose qui n’est pas asservie à sa propre société. Ainsi du moment qu’elle est
possible (la remise en cause), elle est exigible ! (rapport avec les circonstances Hegel).
Le relativisme nie d’une part l’irréductibilité de nous à la société et d’autre part la notion du juste en
soi (absolu).
Pourtant nous pouvons adhérer aux principes d’une société sans être ethnocentriste si mon adhésion
aux principes de la société est médiate (réfléchie,…), car la raison de mon adhérence est vraie (pas
forcément juste). Il y a donc la possibilité de point de vue objectif qui permettrait la condamnation
des autres.
Comment se définit cet étalon universel ? Il ne peut pas être établit à partir des besoins, habitudes,…
car variables en fonction des différentes cultures car différentes mœurs.

Conclusion : Au final on voit surtout une distinction entre la culture et les cultures. Le
caractère universel de la culture. Au-delà de tous les différents points de vue, il y a le droit universel
avec un étalon. La culture est un mouvement qui consiste à s’extraire des cultures. Il faudrait alors
faire des choses parce qu’elles sont biens et non pas dans ma culture : conformer l’habitus à quelque
chose qui ne dépend ni des circonstances, ni des lieux, ni du temps.

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