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PARTIE JURIDIQUE

1. Résumez les faits en utilisant des qualifications juridiques.

Deux propriétaires voisins s’opposent concernant la jouissance de leurs biens respectifs.


Richard et Nicole estiment que leur voisin Jean leur fait subir un trouble anormal de
propriété, tel que défini par l’article 544 du code civil. En effet, l’élevage de chèvres de leur
voisin Jean occasionne des nuisances qui entraînent la perte des clients de leur activité de
restauration. Cet élevage existait au moment où Richard et Nicole ont acquis leur terrain et
ont poursuivi et développé l’activité de restauration qui s’y tenait déjà. Cet élevage a pris
beaucoup d’ampleur depuis. Tous deux étant propriétaires, la question consiste à savoir s’il
est possible que leur droit de propriété soit limité afin que les droits des propriétaires voisins
soient également respectés.

2. Développez l'argumentation juridique que Richard et Nicole peuvent avancer pour obtenir
l'indemnisation de leur préjudice.

L’article 544 du Code civil dispose que «La propriété est le droit de jouir et disposer des
choses de la manière la plus absolue». Toutefois, ce droit s’exerce dans le respect de la loi et
des règlements ainsi que le précise ce même article (annexe 1).Ainsi, l’article L214-2 du Code
rural et de la pêche maritime (annexe 2) prévoit que si chacun «a le droit de détenir des
animaux», il faut que cela se réalise «sous réserve des droits des tiers et des exigences de la
sécurité et de l’hygiène publique».

Or, «le droit des tiers» en l’occurrence est le droit dont dispose Richard et Nicole d’exercer
leur propre activité commerciale, ici, un restaurant. Plusieurs éléments montrent ici que
l’activité de leur voisin Jean porte atteinte à leur droit de propriété en leur créant un
préjudice anormal qui excède de très loin les troubles de voisinage normalement
acceptables, y compris dans un cadre campagnard. L’activité de Jean constitue un trouble de
voisinage anormal.

En effet, les émanations du troupeau de M. Jean sont suffisamment importantes pour


entraîner une perte d’exploitation sérieuse du restaurant de Richard et Nicole. Si l’activité
d’élevage était présente au moment de la reprise du restaurant par Richard et Nicole, celle-ci
s’est considérablement développée depuis, et ce changement de situation constitue un
préjudice pour ces derniers. Ils n’auraient sans doute pas repris l’activité de restaurant dans
des conditions si dégradées et dont ils ne pouvaient pas deviner qu’elles se dégraderaient à
ce point.

D’ailleurs, la jurisprudence sanctionne le caractère anormal du trouble de voisinage: si elle a


pu dire qu’en zone de campagne certaines nuisances ne sont pas anormales (comme la
présence d’un coq et d’un poulailler <cour d'appel d'Orléans, 4 mars 2013>), elle a affirmé
que même à la campagne certaines limites ne devaient pas être dépassées. La cour d'appel
de Paris, le 8 janvier 2014, a ainsi sanctionné les cris stridents d’animaux car ils ont troublé la
tranquillité du voisinage, mais aussi abîmé les plantations et dégradé l’environnement par
leurs souillures.
De plus, elle a sanctionné également les «fortes odeurs, qualifiées de pestilentielles par
l’huissier»(cour d’appel de Chambéry, 3 janv. 2006). C’est le cas ici, et cela est avéré par le fait
que des clients ont clairement manifesté leur intention de ne plus revenir dans
l’établissement. Par ailleurs, la responsabilité civile de M. Jean est claire. Le jeu combiné des
articles 1240 (responsabilité civile), 1242 (responsabilité du fait des choses dont on a la
garde) et 1243 du Code civil (responsabilité du fait de l’animal dont on a la propriété), fait
que M. Jean est bien responsable des odeurs provenant de ses animaux. L’article 1240 est
clair: quelle que soit la cause du dommage causé, celui-ci doit être dédommagé dans sa
totalité.
En conséquence, il doit réparer la perte d’exploitation de son voisin qui ne peut jouir de son
droit de propriété mais aussi de la perte de valeur de son terrain devenu invendable depuis
que M. Jean a étendu son activité.

3. Présentez les arguments juridiques que Jean peut leur opposer.

Plusieurs arguments sont envisageables:

1-l’antériorité: lorsque Richard et Nicole ont repris l’affaire, l’activité d’élevage était déjà
présente. Ils ont donc acquis ce bien en connaissance de cause;

2-l’article 9 du Code civil protège le droit au «respect de la vie privée». Dès lors, l’activité que
M. Jean développe sur son terrain, si elle n’empiète pas sur ses voisins, ne regarde que lui. Il
la développe légalement;

3-l’article 544 dispose que chacun jouisse du droit de propriété «de la manière la plus
absolue». Dès lors que M. Jean respecte les droits et règlements régissant son activité, il n’y
a rien à en dire.

4-le lien de causalité entre le dommage allégué par Richard et Nicole (perte d’exploitation) et
l’élevage n’est pas établi. Certains clients disent ne pas revenir à cause de l’odeur mais n’y a-
t-il pas d’autres explications possibles? Est-il bien certain que la clientèle ne revienne pas
pour cette seule raison ou bien parce que le service rendu ne leur plaît pas?
D’ailleurs, la jurisprudence a dans ce domaine confirmé l’exigence de ce lien de causalité et a
refusé de sanctionner un trouble de propriété lorsque celui-ci n’était pas clairement établi
(cour d'appel de Basse-Terre du 17 février 2020, annexe 3);

5-les nouveaux venus doivent «assumer les conséquences de leur installation en zone
rurale»(cour d'appel d'Orléans, 4 mars 2013), et donc la présence d’élevage d’animaux.

4a. Expliquez les enjeux de la protection du droit de propriété.

Le droit de la propriété est un droit historiquement considéré comme fondamental. Dès la


Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, son article 17 le considère comme
«inviolable et sacré». Or cette Déclaration fait partie de ce que le Conseil constitutionnel a
qualifié de «bloc de constitutionnalité» et ne peut donc pas être remis en cause facilement.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Code civil consacre tout un chapitre au droit de la
propriété, dont l’article 545 («Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est
pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité») qui est le
décalque de l’article 17 de la DDHC de 1789.

Par ailleurs, le Code pénal prévoit des sanctions sévères en cas de vol ou de dégradation de
la propriété. Le droit de propriété porte sur les choses matérielles comme immatérielles et, à
ce propos, tout un code est consacré au droit de la propriété intellectuelle. Il s’agit donc d’un
droit qui est considéré comme socialement crucial.

4b. Expliquez comment le droit permet la réparation des dommages aux victimes.

Le droit permet la réparation des dommages aux victimes en établissant le système de la


responsabilité civile. L’article 1242 établi l’obligation de réparer des conséquences d’une
faute; l’article 1242, la responsabilité non seulement de ses actes mais de ceux des
«personnes dont on doit répondre» et des objets dont on a la «garde»; l’article 1243, la
responsabilité des animaux.

Ainsi, que l’on commette une faute, une maladresse, une négligence, dès lors que les objets
que l’on utilise commettent des dommages, ou bien que ce dont on est propriétaire porte un
préjudice à autrui, on doit réparer.

La victime du dommage devra toutefois prouver le lien de causalité entre le fait générateur
ou l’objet et le dommage subi sauf dans quelques cas spécifiques (comme ce que prévoit la
loi de 1985 présumant la responsabilité du conducteur du véhicule à moteur en cas
d’accident corporel).

De la sorte, les dommages subis sont réparés par des dédommagements en argent.
Néanmoins, le développement des risques divers a entraîné le développement des
assurances qui, basées sur les règles de la responsabilité civile, dédommagent les victimes de
dommage

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