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1 Le mot : forme et sens

Objectifs du chapitre
Apprendre à s’interroger sur l’origine et la formation des mots.
Distinguer le signifiant et le signifié.
Maîtriser les mots-clés de l’analyse lexicale : homonyme, synonyme, antonyme, dénotation, conno-
tation.
Savoir appliquer à un texte la notion de champ lexical.

Démarche
Au fil de l’analyse du texte, il conviendra de revenir sur les différents niveaux d’ana-
lyse des mots : de leur formation et de leur sens, donné dans le dictionnaire, on pas-
sera ensuite à leurs connotations ou à leur valeur symbolique.
Le texte proposé donne ainsi à réfléchir à la fois sur l’histoire du sens des mots, qui
peut varier d’une génération à l’autre, et sur la valeur sensible, affective, du vocabu-
laire utilisé dans la communication familiale ou sociale. Les mots de la langue, qui
servent en principe à communiquer, peuvent aussi séparer.

1. Classer et identifier les mots


a. passagers (l. 3) est ici employé comme substantif (nom commun). On peut le trou-
ver employé comme adjectif qualificatif (une crise passagère…).
b. débonnaire (l. 11) : excessivement complaisant, par faiblesse de tempérament. Mot
dérivé de bon (➙ de bonne aire = de bonne origine, de bonne naissance). Syn. : indul-
gent, tolérant, accommodant.

2. Repérer et interroger le sens des mots


a. bécane = bicyclette, vélo, puis récemment ordinateur. – mémoires = souvenir, puis
récemment stockage de données. – programmes = projet, objectif, puis récemment
logiciel. Les guillemets signalent le décalage entre deux sens des mots : un sens tra-
ditionnel, ancien, maîtrisé par la narratrice, et un sens moderne, plus récent, que ne
maîtrise pas la narratrice.
b. La narratrice met ici en évidence le pouvoir des mots dont le sens évolue, de géné-
ration en génération, avec le temps. À chaque génération correspond un sens parti-
culier des mots.

3. Comprendre les mots dans leur contexte.


a. PC = initiales anglaises de personal computer. – Mac = abréviation anglaise de Macin-
tosh, nom d’une série célèbre d’ordinateurs, d’après une variété de pommes (McIn-
La langue et le discours

tosh) qu’appréciait un employé de la firme Apple. – saint-julien = nom d’une com-


mune proche de Bordeaux qui a donné son nom à une appellation de vin de Médoc.
– chassagne-montrachet = nom d’une commune de Côte d’Or qui a donné son nom
à un vignoble de Bourgogne.
L’emploi de ces mots montre la différence de vocabulaire entre la narratrice et ses
enfants. Elle maîtrise les mots anciens correspondant à des vignobles de grande
qualité ; ses fils maîtrisent les mots plus récents correspondant aux outils familiers
PARTIE 1

de leur génération.
b. La narratrice apporte ici un jugement de valeur sur le décalage lexical qui l’oppose
à ses fils. Rebutant souligne son incapacité ou sa difficulté à entrer dans un vocabu-

CHAPITRE 1 Le mot : forme et sens 21


laire qui lui est étranger. Initiés renvoie à la réalité de l’accès au vocabulaire : un mot
n’est compris que parce qu’il a été appris, le vocabulaire étant l’objet d’un apprentis-
sage.

EXERCICES
Exercice 1
– nicotine ➙ Jean Nicot (1530-1604), introducteur du tabac en France.
– ampère ➙ André-Marie Ampère (1775-1836), physicien français.
– béchamel ➙ Louis de Béchameil (1630-1703), maître d’hôtel de Louis XIV.
– montgolfière ➙ Joseph (1740-1810) et Étienne (1745-1799) Montgolfier, industriels et
inventeurs français.
– guillotine ➙ Joseph Ignace Guillotin (1738-1814), médecin et homme politique français.
– mausolée ➙ Mausole, gouverneur d’une province d’Asie Mineure au ive siècle av. J.-C.
– rustine ➙ Louis Rustin (1880-1954), inventeur français.
– poubelle ➙ Eugène Poubelle (1831-1907), préfet de la Seine.
– limoger ➙ Limoges, où furent envoyés de nombreux officiers jugés incompétents
par le général Joffre, au début de la Première Guerre mondiale.
– macadam ➙ John Loudon McAdam (1756-1836), ingénieur écossais.
Ces mots sont formés sur des noms propres.
Exercice 2
– compatir : éprouver un sentiment de compassion, s’apitoyer, s’attendrir (du préfixe
latin cum-, en français com- : « avec »).
– abjurer : abandonner solennellement (du préfixe latin ab-, « loin de »).
improbable : qui a peu de chance de se produire (du préfixe privatif in- qui donne un
sens négatif).
– hypermarché : magasin de très grande surface (du préfixe grec hyper-, « au-dessus »).
– métadonnée : donnée servant à décrire une autre donnée (du préfixe grec méta-
indiquant l’autoréférence).
– médisance : action de médire de quelqu’un, propos malveillants (du préfixe mes-,
ou mé- : qui dit la dégradation).
– anachronique : qui n’est pas conforme à la chronologie (du préfixe grec ana-, « en
haut, en remontant, pêle-mêle »).
– hypocalorique : qui comporte peu de calories (du préfixe grec hypo-, « en dessous »).
– parapharmacie : ensemble des produits sans usage thérapeutique que l’on peut
trouver en pharmacie (du préfixe grec para-, « contraire à », ou « à côté de » dans le
vocabulaire biologique et médical).
– périscolaire : se dit d’une activité qui complète l’éducation de l’élève (du préfixe
grec péri-, « autour de »).
Exercice 3
– mélomane : qui aime la musique (du suffixe grec –mane : « qui a la passion de »).
– anthropomorphe : qui a forme humaine (du suffixe grec –morphe : « qui a la forme de »).
– économie : administration des richesses (du suffixe grec –nomie : « art de mesurer »).
– anthropophage : qui mange les hommes (du suffixe grec –phage : « qui mange »).
– claustrophobe : qui a peur des espaces confinés (du suffixe grec –phobe : « qui a
peur de »).
– mégalopole : très grande agglomération (du suffixe grec –pole : « ville »).
– télescope : instrument destiné à l’observation des objets éloignés (du suffixe grec
–scope : « qui voit »).
– technophile : qui aime la technique (du suffixe grec –phile : « qui aime »).

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– myopathe : atteint de myopathie, maladie des muscles (du suffixe grec –pathe :
« qui souffre »).
– patronyme : nom de famille issu du père (du suffixe grec –nyme : « le nom »).
Exercice 4
Mots synonymes de chaussure.
– bottine : petite botte.
– charentaise : pantoufle de feutre fourrée.
– sabot : chaussure paysanne faite d’une pièce de bois.
– brodequin : chaussure montante de marche, lacée au-dessus du pied.
– rangers : chaussures militaires.
– mocassin : chaussure basse, sans attache.
– soulier : chaussure épaisse qui couvre bien le pied.
– croquenot : gros soulier (fam.).
– ballerine : chaussure de femme rappelant un chausson de danse.
– poulaine : chaussure à l’extrémité allongée en pointe à la mode aux xive et xve siècles.
Exercice 5
– chrono (le temps) : chronophage ; anachronisme.
– graphe (l’écriture) : orthographe ; graphologie.
– phile (qui aime) : philosophie ; francophile.
– biblio (le livre) : uniquement préfixe : bibliothèque, bibliophile.
– ortho (droit) : uniquement préfixe : orthophonie, orthographe.
– logie (discours, étude, science) : logorrhée ; sociologie.
– phobe (qui n’aime pas) : uniquement suffixe : hydrophobe, xénophobe.
– chroma (la couleur) : chromatographie ; polychrome.
– morph (la forme) : morphologie ; amorphe.
– thermo (la température) : thermodynamique ; hypothermie.
Exercice 6
– amérindien : Indien d’Amérique.
– autobus : omnibus automobile.
– informatique : traitement automatique de l’information.
– carambar : barre de caramel.
– docufiction : genre cinématographique qui mélange le film documentaire et la fiction.
– évapotranspiration : quantité d’eau transférée vers l’atmosphère par l’évaporation
au niveau du sol et par la transpiration des plantes.
– hélitreuillage : treuillage à bord d’un hélicoptère.
– infographie : art de modifier les images par application de l’informatique.
– photocopillage : usage abusif de la photocopie contrevenant au droit d’auteur.
– potimarron : courge au goût de châtaigne voisine du potiron.
Exercice 7
– précoce : ant. tardif. Les gelées tardives causèrent des dégâts au milieu du printemps.
La langue et le discours

– naturel : ant. artificiel. Ce lac de montagne artificiel a été créé lors de la construc-
tion du barrage hydro-électrique.
– prohiber : ant. autoriser. La consommation de cannabis est autorisée dans quelques
pays dont le Canada.
– belliqueux : ant. pacifiste. Son comportement pacifiste a permis de dénouer bien
des crises.
– valide : ant. infirme. Ce vieillard infirme ne peut désormais plus marcher.
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– estimable : ant. méprisable. Son attitude méprisable ne permit pas à ce chef d’État
de se faire aimer de son peuple.
– ignorant : ant. instruit. Les élèves désormais instruits par leurs lectures purent avoir

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un regard critique sur la situation.
– hostile : ant. bienveillant. Son regard bienveillant mettait chacun de ses interlocu-
teurs en confiance.
– dissimuler : ant. dévoiler. Le témoin dévoila aux jurés tout ce qu’il avait effective-
ment vu ce soir-là.
Exercice 8
– abjurer : abandonner solennellement sa religion, son opinion.
– adjurer : s’adresser à quelqu’un d’une manière pressante pour le supplier.
– affection : sentiment tendre qui attache à quelqu’un.
– affectation : manque de sincérité et de naturel.
– affliger : attrister profondément.
– infliger : faire subir quelque chose à quelqu’un.
– arborisation : dessin présentant des ramifications.
– herborisation : promenade ou excursion faite en vue de recueillir des plantes.
– notable : qui est digne d’être remarqué.
– notoire : qui est connu par un grande nombre de personnes.
Exercice 9
a. Dans le cadre de cet exercice, on pourra s’appuyer sur des lectures de poèmes
d’Eluard par de grands acteurs (Guillaume Gallienne, Jacques Bonnaffé…) que l’on dif-
fusera et que l’on pourra comparer.
b. On valorisera le choix de mots originaux (autres que ceux du texte d’Eluard) ainsi
que le nombre et la qualité des arguments.
Exercice 10
Le premier slogan publicitaire joue sur les paronymes faim et fin. Il s’agit ici d’évoquer
avec malice la sensation de faim des fins d’après-midi pour donner envie de goûter à
cette friandise. Le deuxième slogan publicitaire joue sur les paronymes pois et poids.
Il souligne la légèreté du produit proposé, que le consommateur est invité à choi-
sir sans réfléchir, sans se poser de questions : les petits pois enlèvent ainsi un poids
des épaules de celui qui se demande quel plat cuisiner… Le troisième slogan publici-
taire joue sur les paronymes lécher et laisser. Plutôt que de laisser de côté ces bis-
cuits, l’affiche invite à les lécher, insistant ainsi sur la sensation causée par la tex-
ture chocolatée…
La publicité joue ainsi habilement sur le détournement d’énoncés connus ou figés
(fin d’après-midi, à prendre ou à laisser…), que le paronyme permet de déconstruire et
de reconstruire en leur donnant un nouveau sens, non sans humour. Ainsi la publi-
cité substitue-t-elle un mot à un autre, détournant des syntagmes a priori figés, que
l’on n’imaginait pas pouvoir changer ! L’efficacité de tels slogans réside dans le prin-
cipe de substitution des mots, ici effectué finement : un mot en remplace un autre,
mais dans un contexte jugé stable : le consommateur fait aisément le lien entre le
slogan et la formule figée, formule connue de tous, qui fait autorité, qui appartient à
un savoir commun. Les chercheurs parlent dans ce cas de l’efficacité psycholinguis-
tique d’un tel procédé : l’expression figée reste derrière le slogan, les deux formules
cohabitant dans la mémoire du consommateur.
Exercice 11
Propositions :
– Pour des centres de pots d’échappement (Midas, Speedy…) : « Si vous vous échap-
pez au soleil, prenez soin de votre pot ! »
– Pour des parapluies (Isotoner…) : « Qui peut le plus pleut le moins ! »
– Pour des restaurants de fruits de mer (Léon de Bruxelles…) : « Attention, affluence :
pensez à réserver, il y a moule tous les soirs ! »
Etc.

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Exercice 12
a. Champ lexical du pain et de la nourriture : pain (l. 1), four (l. 7), façonnée (l. 8), mie
(l. 14), rassit (l. 17), friable (l. 19), notre bouche (l. 21), consommation (l. 21-22). Champ lexi-
cal du relief : surface (l. 1), panoramique (l. 2), les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des
Andes (l. 4-5), vallées, crêtes, ondulations, crevasses (l. 8-9). Champ lexical de l’architec-
ture : plans (l. 9), dalles (l. 10), sous-sol (l. 13). Champ lexical de la végétation : éponges
(l. 14), feuilles ou fleurs (l. 14-15), fanent et se rétrécissent (l. 17), se détachent (l. 17-18).
b. Les champs lexicaux du relief, de l’architecture et de la végétation sont tous trois
inattendus. Grâce à eux, le pain prend ici les dimensions de l’univers. Son associa-
tion avec les mondes minéral et végétal, et avec les constructions artificielles des
hommes, fait de lui un principe organisateur du monde. Ponge joue ici avec les dif-
férentes représentations du pain, et avec les multiples références qui lui sont asso-
ciées.
Exercice 13
1 Jeu entre sens propre (le nez long et fin de Cléopâtre) et sens figuré (avoir dans
le nez, fam. = ne pas apprécier).
2 Jeu sur les différents signifiés du mot détente (appuyer sur la détente = tirer ;
détente = amélioration, relâchement).
3 Attention ici : pas d’homophonie dans les deux premiers vers (mère / amère ;
habile / ma bile), mais simple contrepèterie (permutation de sons d’un vers à l’autre).
Au vers 3, jeu d’homophonie et ses verres / est sévère. Au vers 4, jeu sur le sens propre
et le sens figuré de pieds : membres inférieurs, vaisselle, ou encore élément de ver-
sification latine si l’on joue alors sur l’homonymie verres / vers…
4 Jeu sur l’homonymie Caen / quand.
5 Jeu entre sens propre (éclairé) et sens figuré (l’essentiel de) du mot clair.
6 Anagramme. Jeu sur le signifiant (le mot MARIE peut être recomposé en AIMER)
et le signifié (Marie semble ainsi comporter en elle-même le sémantisme de l’amour).
Exercice 14
a. Retour des mots : mère, père, fils (champ lexical de la famille) ; tricot, tricote, fils
(champ lexical du vêtement) ; guerre ; affaires.
b. et c. Le retour fréquent en fin de vers du même son présent dans guerre (v. 2), mère
(v. 3), père (v. 4), affaires (v. 5) et cimetière (v. 19) permet de relier le champ lexical de la
famille aux domaines du commerce et de la guerre. On notera l’entremêlement des
mots qui reviennent régulièrement : guerre (v. 2, 7, 13, 14, 21 et 22) ; mère et père (v. 3,
4, 9, 15 et 20) ; affaires (v. 5, 8, 13, 17, 23). Cet entremêlement lexical mime l’action de
tricoter, qui consiste à tisser ensemble différents fils récurrents. Le poète dénonce
par là l’idéologie bourgeoise qui « naturalise » les liens politiques et historiques entre
l’économie capitaliste et la guerre. La monotonie de la vie familiale reproduit le carac-
tère répétitif d’un système social aliénant.
Pour aller plus loin. Ces procédés de répétitions et de ressemblances achèvent de
La langue et le discours

faire du texte un tissu (selon l’étymologie latine texere = tisser). On pourra en outre
inviter les élèves à rechercher l’étymologie de tricoter, en ancien français « battre avec
des bâtons » : là encore, le motif du tricot rejoint celui de la violence et de la guerre.
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