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Le modèle de Karasek et l'épuisement professionnel: Pour une approche contextualisée

Article · January 2010

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Didier Truchot
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Le modèle de Karasek et l’épuisement professionnel :
pour une approche contextualisée
Didier Truchot1

1. Introduction

Le modèle de Karasek (1979) domine aujourd’hui les recherches sur la


santé au travail. D’après Kristensen (1995), « il n’est pas exagéré de dire
que c’est le modèle le plus influent dans la recherche sur l’environnement
psycho-social au travail, le stress et la maladie (…) » (page 18). De leur
côté, Pelfrene, Clays, Moreau, Mak, Vlerick, Kornitzer et De Baker (2003)
estiment qu’il a servi de base conceptuelle commune à l’ensemble de
recherches le plus important dans le domaine du stress et des maladies
cardio-vasculaires. En France, il a été repris dans l’enquête nationale
SUMER (e.g., Niedhammer, Chastang, Levy, David, & Degioanni, 2007).

A l’origine, ce modèle a servi à tester les effets des conditions de travail


sur les maladies cardio-vasculaires et leurs précurseurs (tension artérielle,
etc.). Mais les chercheurs se sont aussi intéressés aux effets psychologiques
et comportementaux tels que la satisfaction au travail, l’absentéisme ou le
stress. Depuis quelques années, ce modèle est utilisé progressivement
comme base conceptuelle dans les recherches sur l’épuisement profes-
sionnel ou burnout, même si, en ce domaine, les travaux demeurent peu
nombreux. C’est à ces dernières recherches que nous consacrons l’essentiel
de ce chapitre. L’épuisement professionnel frappant un nombre important
d’individus (Truchot, 2004), en comprendre les causes représente un enjeu

1
Université de Franche-Comté, 30-32 rue Mégevand, 25030 Besançon Cedex
Laboratoire de Psychologie, EA 3188
didier.truchot@univ-fcomte.fr

1
majeur, tant en ce qui concerne les avancées théoriques que les implications
pratiques.

Paradoxalement, si le modèle de Karasek a joué un rôle heuristique


majeur, et continue à inspirer les recherches, ses propositions n’ont pas
toujours trouvé les soutiens empiriques attendus. Des critiques sévères lui
ont été adressées, notamment le fait qu’il soit simplificateur, et que les
relations entre ses principales variables ne sont pas suffisamment claires (de
Jonge & Kompier, 1997 ; Kristensen, 1996). Après une brève description du
construct de burnout, nous exposerons les variables et les hypothèses qui
sous-tendent le modèle de Karasek. Ensuite, nous présenterons une synthèse
rapide des principaux -manque de- résultats obtenus lorsque les auteurs ont
cherché à prédire le burnout. Après quoi, nous examinerons quelques-unes
des questions soulevées par ce modèle et aborderons un certain nombre de
pistes susceptibles d’améliorer sa valeur prédictive. Nous insisterons en
particulier sur la nécessité de développer une approche contextualisée.

2. Le burnout

Observé d’abord chez des professionnels engagés auprès d’autrui


(travailleurs sociaux, enseignants, infirmières, médecins, etc.), le burnout est
aujourd’hui considéré comme frappant l’ensemble des individus au travail,
qu’ils exercent ou non une profession d’aide ou de contact. Le construct de
burnout recouvre trois dimensions : l’épuisement émotionnel qui correspond
au sentiment d’être submergé par les exigences de son travail et vidé de ses
ressources. L’individu ne réalise plus le travail qu’il effectuait auparavant,
ressent frustration et tensions. Cette dimension est liée à des symptômes tels
qu’anxiété, stress, fatigue physique, insomnie, etc. (Perlman & Hartman,
1982). On considère que c’est par l’épuisement émotionnel que s’enclenche
le processus de burnout. La deuxième dimension est le cynisme ou la
dépersonnalisation2. Elle renvoie au développement d’attitudes imper-
sonnelles, détachées, cyniques, envers son travail, ses collègues ou les
personnes prises en charge. On estime, au vu des développements
théoriques et empiriques actuels, que cette attitude est une stratégie qui

2
Dans la définition du burnout, la dépersonnalisation n’a pas la signification habituellement
retenue en psychiatrie, i.e., un état ou l’individu ne se reconnaît pas lui-même comme
personne.

2
permet de faire face à l’épuisement émotionnel (Kahill, 1988 ; Schaufeli &
Enzmann, 1998). Les ressources personnelles n’étant plus suffisantes, la
mise à distance de ses collègues, de ses clients, de son organisation, rend
moins pressants, moins urgents, moins légitimes, leurs demandes. Avec un
accomplissement personnel (ou une efficacité professionnelle) réduit,
l’individu s'évalue négativement, ne s'attribue aucune capacité à faire
avancer les choses. Son estime de soi diminue, son sentiment d’auto-
efficacité décline (Cordes & Dougherty, 1993). Cette dimension est la
conséquence des deux premières : étant épuisé émotionnellement, n’ayant
plus d’intérêt pour son travail, l’accomplissement personnel est logiquement
au plus bas.

Le burnout est une sérieuse menace pour le professionnel : il est associé à


une fatigue chronique, à une altération de l’auto-efficacité, à des sentiments
dysphoriques, à des conduites addictives, mais aussi à des problèmes
physiques tels que cholestérolémie élevée, diabète de type2, inflammations
articulaires. Le burnout étend également ses effets à l’entourage. Il
provoque des conflits interpersonnels, que ce soit au niveau professionnel
ou familial. Associé à un déclin de la productivité, à un désinvestissement, à
une élévation de l’absentéisme et du turnover, il représente également un
coût économique élevé (cf., pour revues, Rascle & Bruchon-Schweitzer,
2006 ; Truchot, 2004 ). Le burnout s’inscrit donc pleinement au cœur de la
problématique des risques psycho-sociaux au travail. Si l’on ignore sa
prévalence exacte en France, les données indiquent qu’aux Pays-Bas, 4 à
7% de la population au travail est frappée par un burnout élevé (Schaufeli &
Enzman,1998). Hallsten (2005), auprès d’un échantillon représentatif de la
population suédoise estime ce même pourcentage à 7.4%. D’ailleurs, en
Suède, le burnout est un diagnostic médical. Ahola, Honkonen, Isometsä,
Kalimo, Nykyri, Aromaa et Lönnqvist, (2006) rapportent que 2.4% de la
population finnoise a un burnout élevé et 25.2% un burnout moyen. De leur
côté, Kristensen et al., (2005) arrivent au chiffre de 10% pour la population
danoise. Etant donné les conséquences de ce syndrome, il est donc clair que
nous sommes face à un véritable problème de santé publique.

3. Le modèle de Karasek : bref historique et définition

Jusqu’à la fin des années 70, une grande variété de facteurs psycho-
sociaux, relevant de notions diverses, ont été étudiés en lien avec la santé :
surcharge de travail, contraintes de temps, responsabilités, ambiguïté ou
3
conflit de rôle, faibles perspectives de promotion, insécurité de l’emploi,
pauvres relations sociales au travail, absence de participation dans les prises
de décision, etc. (e.g., Cooper & Marshall, 1976, 1978). Mais jusqu’à
l’apparition du modèle de Karasek, la littérature sur le sujet est restée très
dispersée. Ce modèle aura une fonction intégratrice. Ceci explique sans
doute en partie son succès. Il combine en fait des résultats issus de deux
courants de recherche majeurs au cours des années 60. D’une part, les
recherches considérant les effets des pressions au travail sur la santé (French
& Kahn, 1962 ; Kahn, Wolfe, Quinn, Snoeck, & Rosenthal, 1964 ; Katz &
Kahn, 1966). D’autre part, les travaux sur le « job redesign » qui
s’intéressaient à l’impact du contrôle ou de l’autonomie sur la performance
au travail (Hackman & Lawler, 1971 ; Hackman & Oldham, 1976).

3.1 Les variables du modèle.

Ce modèle dit « de la tension au travail », nommé encore « modèle


exigences-contrôle », conceptualise donc les effets du travail sur la santé à
partir de deux variables essentielles, les exigences (job demands) et la
latitude décisionnelle. Ces variables sont considérées du point de vue de
leurs effets principaux, de leurs effets additifs et d’interaction.

3.1.1. Les exigences

La notion d’exigences est apparue dans les recherches sur le stress


professionnel au cours des années soixante-dix. Karasek (1979, page 291)
les définit comme « les stresseurs psychologiques impliqués dans la
réalisation de la charge de travail, les stresseurs liés aux tâches inattendues
et les stresseurs provenant des conflits personnels au travail ». Elles
englobent les charges corrélatives à la réalisation des activités ; devoir
travailler vite, faire face à des tâches complexes, imprévues, être confronté à
un conflit de rôle3, etc. Cependant, pour Karasek, loin d’être a priori
néfastes, les exigences professionnelles placent l’individu dans un état
motivationnel de stress. Mais si aucune action n’est possible, notamment à

3
Le conflit de rôle apparaît quand le travail est en opposition avec les valeurs de l’individu,
ou suppose de réaliser des tâches incompatibles entre elles, c'est à dire quand la réalisation
de l’une rend difficile, voire impossible, la réalisation de l’autre (Kahn et al., 1964 ; Katz
& Kahn, 1966)

4
cause d’une faible latitude décisionnelle, la tension non libérée aura des
effets négatifs sur la santé : l’accumulation de stress résiduel engendrera des
symptômes physiologiques et psychologiques. Mais si l’individu possède un
degré élevé de contrôle lorsqu’il est confronté aux exigences de son
environnement de travail, alors, il canalisera son énergie de manière active
et limitera les tensions.

3.1.2. La latitude décisionnelle ou le contrôle.

La deuxième dimension du modèle est donc le contrôle, nommé encore la


latitude décisionnelle. Elle renvoie à la fois à l’autonomie décisionnelle, i.e.,
dans quelle mesure l’individu peut prendre des décisions de façon
autonome, et à l’utilisation des compétences, i.e., dans quelle mesure
l’individu peut utiliser ses compétences. Comme nous l’avons déjà vu plus
haut, d’après Karasek le stress au travail et ses effets sur la santé physique et
mentale ne résultent pas « d’un simple aspect de l’environnement de travail,
mais des effets conjoints des exigences de la situation de travail et de
l’étendue de la liberté de prise de décision disponible pour le travailleur
faisant face à ces exigences ». (Karasek, 1979, page 52).
Pour présenter son modèle, Karasek dichotomise les deux variables
exigences et contrôle. Leur croisement donne le diagramme bien connu qui
résulte en 4 situations types de travail. (cf., figure 1).

Deux hypothèses principales découlent du modèle :


(1) L’hypothèse « tension » prévoit que la combinaison d’exigences
élevées et d’un faible contrôle accroît les tensions physiques et
psychologiques. Ceci correspond aux « High strain jobs », aux situations de
tension élevée. A l’inverse, la combinaison de faibles exigences associées à
un contrôle élevé engendre des situations « détendues », caractérisées par
une faible tension.
(2) L’hypothèse « activité » prévoit que la combinaison d’exigences
élevées et d’un contrôle élevé produira des situations « d’emploi actif »,
caractérisées par bien être et apprentissage. Les emplois ‘actifs’ représentent
un challenge et encouragent à exercer ses talents, à développer ses
compétences qui, en dehors de cette situation, resteraient inexploitées.
D’après Karasek, ces situations d’activité favorisent les conduites
d’apprentissage et le développement d’un locus de contrôle interne. De
plus, elles stimulent des stratégies de coping plus diversifiées.

5
Figure 1. Le modèle « exigences – contrôle ». D’après Karasek (1979).

Karasek insiste particulièrement sur les effets socialisants ou


désocialisants du travail. En effet, d’après lui, les comportements et les
attitudes induits par l’activité professionnelle se généralisent en dehors du
travail. Par exemple, les comportements motivés par les situations d’activité
(cf., figure 1) s’étendront en dehors du travail, en particulier à des domaines
qui impliquent un degré élevé de coopération et d’exercice du jugement.
Karasek (1981) trouve effectivement un lien entre les emplois actifs et des
variables comme l’activité politique ou les loisirs actifs (leisure and
political behavior)4.

A l’inverse, les situations combinant des exigences faibles et un contrôle


faible engendrent des emplois ‘passifs’ : les individus y rencontrent peu de
challenges. Ils deviennent progressivement moins impliqués et leurs
capacités à résoudre les problèmes diminuent. Pour Karasek (1981, page
90), « on peut difficilement attendre des travailleurs rendus passifs par la
restriction des opportunités de décision et par le manque de challenge au

4
Toutefois, les emplois actifs étant souvent confondus avec la classe sociale, il est difficile
de prétendre que ce sont eux, en tant que tels, qui engendrent des loisirs actifs.

6
travail qu’ils prennent des initiatives et contribuent de façon créative à
l’organisation ». Pour lui, ces situations produiront même des sentiments de
dépression et d’apathie similaires à l’impuissance acquise (Seligman, 1975).
Découvrant progressivement qu’il n’a pas de contrôle sur la situation,
l’individu apprend à ne plus rien entreprendre. Par ailleurs, d’après Karasek,
la passivité n’est pas compensée par des occupations actives en dehors du
travail. Au contraire, elle s’étendra à la sphère des loisirs et des activités
sociales.

3.1.3. Le soutien social

Mais l’exercice du contrôle ou des compétences n’est pas le seul moyen


de faire face aux exigences. Le soutien social est une autre ressource
éventuellement disponible. Ainsi, Karasek, Triantis et Chaudhry (1982)
suggèrent que les employés bien insérés dans un groupe de travail
combinent leurs ressources pour faire face aux stresseurs (Par conséquent,
au niveau du groupe le niveau de stress de chacun tendra vers la moyenne
du groupe). Si le soutien est disponible dans l’organisation, les individus ont
moins besoin d’énergie adaptative pour faire face aux exigences élevées
dans les situations de faible contrôle (Payne & Fletcher, 1983). Le soutien
doit avoir un effet modérateur sur les tensions ressenties dans les situations
stressantes, par exemple en aidant à redéfinir le problème et à trouver une
solution (Cohen & Wills, 1985). Contrôle et soutien pourraient avoir une
action conjointe pour modérer la relation entre stresseurs et tension
ressentie.

Le modèle exigences-contrôle a ainsi été étendu par Johnson (1986), un


élève de Karasek, pour intégrer cette nouvelle dimension qui différencie les
situations d’isolement, avec peu d’opportunités d’interactions sociales, et les
situations d’intégration qui impliquent une interaction entre collègues. Il est
devenu le modèle « exigences-contrôle-soutien ». (Jod-Demands-Control-
Support Model) (Johnson & Hall, 1988). Les recherches inspirées par le
modèle « exigences-contrôle-soutien », à l’instar de celles inspirées par le
modèle initial « exigences-contrôle » ont été guidées par deux hypothèses
principales: l’hypothèse « isolement-tension » stipule que les situations de
travail caractérisées par des exigences élevées, un faible contrôle et un faible
support sont les plus nuisibles à la santé. L’hypothèse « tampon » prédit que
le contrôle et le support social modèrent les effets négatifs que des
exigences élevées peuvent avoir sur la santé.
7
4. Le burnout dans la perspective du modèle de Karasek

4.1. Les effets simples

Jusqu’à présent le burnout a été relativement peu étudié à partir du


modèle de Karasek. Toutefois, les données disponibles suggèrent que les
trois variables du modèle ont des effets distincts sur chacune des dimensions
du burnout. En général, les résultats montrent que les exigences sont
associées à l’épuisement émotionnel. Ce lien a été observé auprès
d’infirmières de soins intensifs (De Rijk, Le Blanc & Schaufeli, 1998),
d’employés d’hôpitaux et de cliniques (Landsbergis, 1988), et auprès
d’échantillons composés par exemple d’infirmières et d’aides infirmières
(nurse’aides) (De Jonge et al., 1996), de médecins et d’infirmières (Escribà-
Agüir & Pérez-Hoyos, 2007), ou de professionnels de l’aide variés tels que
des travailleurs sociaux, des thérapeutes, des psychologues, etc. (Rafferty et
al., 2001). Généralement, le lien entre les exigences et l’épuisement
émotionnel est plus fort qu’avec les deux autres dimensions du burnout. De
fait, en ce qui concerne la dépersonnalisation et l’accomplis-sement
personnel, les effets sont beaucoup moins probants. Par exemple, parmi les
études citées ci-dessus, Rafferty et al., (2001), De Rijk et al., (1998), ou De
Jonge et al., (1996) ne trouvent aucune association. Ceci s’explique en
partie par le fait que l’épuisement émotionnel est la dimension du burnout la
plus sensible à la présence des facteurs de risque (Schaufeli & Enzman,
1998).

En ce qui concerne le contrôle, son effet sur l’épuisement émotionnel est


moins bien établi. Il varie d’une étude à l’autre. Dans la recherche de
Landsbergis (1988) les employés d’hôpitaux et de cliniques qui ont une
faible latitude décisionnelle (c’est à dire autonomie décisionnelle et
utilisation des compétences) ont un épuisement émotionnel plus élevé. Dans
l’étude de Escribà-Agüir et Pérez-Hoyos, (2007) menée dans des services de
soins intensifs, le manque de contrôle est associé à un épuisement
émotionnel élevé seulement chez les médecins et non chez les infirmières.
Il est probable que les caractéristiques du travail des médecins impliquent
un plus grand besoin de contrôle comparativement aux infirmières qui
évoluent dans un environnement de plus en plus protocolisé (Spector, 1999).
Toutefois, quand les impacts de l’autonomie décisionnelle et de l’utilisation
des compétences sont testés séparément, les résultats sont contrastés. Si
Rafferty et al., (2001), trouvent une influence d’une faible utilisation des
8
compétences, Taris, Schreurs et Schaufeli, (1999) ne trouvent pas de lien
entre l’utilisation des compétences et l’épuisement émotionnel. Quant à
l’autonomie (decision authority), Taris et al., (1999) trouvent qu’elle est
associée à l’épuisement émotionnel. Mais ce résultat n’est répliqué ni dans
l’étude de Rafferty et al., (2001), ni dans celle de de Rijk et al., (1998). Et
dans ces recherches, l’effet du contrôle sur les deux autres dimensions du
burnout n’est pas toujours vérifié, notamment quand il est défini comme
autonomie décisionnelle. Dans la recherche européenne EUROTEACH,
portant sur 2796 enseignants, répartis dans 13 pays, le contrôle est associé
principalement à l’accomplissement personnel (Verhoeven, Maes, Kraaij &
Joekes, 2003).
Les résultats empiriques montrent également des effets mitigés avec la
variable « soutien social ». Mais celle-ci est moins souvent prise en compte
par les chercheurs. Dans la recherche de Escribà-Agüir et Pérez-Hoyos,
(2007) auprès de médecins et d’infirmières espagnoles, l’absence de soutien
social du supérieur influence l’épuisement émotionnel des deux groupes. En
revanche, l’absence de soutien des collègues influence l’épuisement
émotionnel des médecins mais pas des infirmières. Dans l’enquête
EUROTEACH, le soutien est associé à un plus faible épuisement
émotionnel, mais principalement chez les femmes.

4.2. Effets additifs ou effets d’interaction ?

Si les variables du modèle influencent à des degrés divers le burnout,


qu’en est-il de leur combinaison ? En particulier, savoir si elles produisent
un effet additif ou un effet modérateur a des implications pratiques
importantes. En effet, un effet additif implique que pour réduire le stress ou
le burnout, il faut diminuer les exigences et accroître le contrôle (et le
soutien). Mais si ces deux variables entrent en interaction, le contrôle
modérant les effets des exigences, alors, pour diminuer le stress, il faut
accroître le contrôle (le soutien) et il est possible de maintenir un niveau
élevé d’exigences. (cf., encadré 1, pour en savoir plus sur les effets additifs
vs. modérateurs). Toutefois, la notion d’interaction n’a jamais été clairement
définie. Ainsi, lorsque Karasek et al., (1981, page 694), affirment que le
risque de maladie ne provient pas « d’un agrégat (aggregated list) de
‘stresseurs’ mais de l’interaction de deux types de caractéristiques du
travail », la nature précise de cette interaction reste, encore aujourd’hui,
relativement vague. Dans certains cas, les auteurs considèrent que le
contrôle a un effet modérateur. Dans ce cas, une latitude décisionnelle
9
élevée modère les effets de l’augmentation des exigences sur la santé et
parallèlement, les effets négatifs des exigences n’apparaîtront que dans les
situations où le contrôle est faible. Dans d’autres cas, on considère que les
exigences et la latitude de décision sont en quelque sorte en synergie, c'est à
dire qu’une faible latitude décisionnelle associée à des exigences élevées
auront chacune des effets négatifs sur la santé mais que la combinaison des
deux augmentera les risques au-delà de l’effet additif. En fait, Karasek
(1989) élude la question en affirmant que, du point de vue des remédiations,
les implications pratiques du modèle demeurent en grande partie les mêmes
si l’on observe deux effets linéaires, pour les exigences et le contrôle. Il
ajoute que la vérification d’une interaction multiplicative n’est pas la
question principale. Pour lui, « l’interaction » essentielle revendiquée par le
modèle est que deux catégories différentes d’effets, à savoir les problèmes
de santé (hypothèse tension) et l’activité (hypothèse activité), sont prédites
conjointement. (Karasek, 1989, p. 143). Toutefois, on peut regretter que cet
usage quelque peu intempestif du terme « interaction » engendre de la
confusion. Les encadrés 1 et 2 précisent ce point.
Quoiqu’il en soit, les recherches de terrain ont tenté de vérifier
l’interaction statistique entre exigences et contrôle, plus rarement avec le
soutien. Si l’on prend comme critère la santé au travail en général, ou le
burnout en particulier, les résultats sont peu concluants. Certes, certains
résultats confirment la présence d’un effet modérateur. Par exemple,
Lansbergis (1988) montre, auprès de 289 employés d’hôpitaux et de
cliniques que le burnout est significativement plus élevé dans les emplois
qui combinent des exigences élevées et un faible contrôle. Ce résultat reste
vrai après contrôle de l’âge, du genre, du niveau de formation, du statut
marital, des heures hebdomadaires travaillées et du type de travail.
Cependant l’interaction dépend de l’analyse statistique utilisée. Elle se
vérifie avec des MANOVA, mais pas avec des analyses de régression. En
utilisant un modèle d’analyse structurale, De Jonge, Janssen et van
Breukelen (1996) confirment l’interaction exigences- contrôle sur
épuisement émotionnel auprès de 249 infirmières et aides infirmières : des
hauts niveaux de contrôle atténuent l’augmentation de l’épuisement
émotionnel dûe aux exigences. Mais ces résultats sont assez peu répliqués.
Ainsi, de Jonge (1995), auprès de 1489 infirmières d’hôpitaux et de
cliniques ne trouve pas l’interaction attendue sur le burnout. De leur côté,
Melamed, Kushnir et Meir (1991) ont étudié les effets des exigences, du
contrôle et du support social sur le burnout de 267 travailleuses sociales.

10
11
Les effets additifs des 3 variables sont avérés: les plus bas niveaux de
burnout sont observés dans les conditions de faibles demandes, contrôle
élevé et support social élevé. L’inverse est observé dans les conditions de
demandes élevées, faible contrôle et faible support. Mais les auteurs ne
rapportent pas d’effets modérateurs. Dans la recherche de Rafferty, Friend
et Landsbergis, (2001), les analyses ne révèlent aucune interaction entre
exigences et contrôle, que cette dernière variable soit mesurée à partir de sa
composante « utilisation des compétences » ou de sa composante
« autonomie décisionnelle ». Plus récemment, McClenahan, Giles et Mallet
(2007) dans une recherche auprès de 161 maîtres de conférences
britanniques, et Escribà-Agüir et Pérez-Hoyos, (2007) auprès de services
d’urgence espagnoles ne vérifient pas non plus d’effets d’interaction.

5. Les critiques adressées au modèle

Cette difficulté à vérifier les interactions a été attribuée à plusieurs


facteurs. Certains auteurs évoquent des artefacts méthodologiques par
exemple le fait que sont généralement testés des effets linéaires alors que les
relations entre les exigences, le contrôle, le soutien d’une part et les effets
sur la santé d’autre part seraient en réalité non pas linéaires, mais
curvilinéaires (de Jonge & Kompier, 1997). Le lecteur peut se référer à
l’encadré 2 pour en savoir plus sur ce type de relations.
D’autres auteurs évoquent les différences interindividuelles, notamment
les facteurs ou les profils de personnalité. De fait, ceux-ci influencent
l’évaluation de la situation, c'est-à-dire, ici, des exigences, du contrôle et du
soutien. Ils peuvent aussi déterminer l’ajustement de l’individu, les
stratégies de faire face qu’il mobilisera face à la situation (Parkes, 1991).
Ainsi le locus de contrôle (LOC) a-t-il été évoqué comme une
caractéristique susceptible d’interagir avec les variables du modèle de
Karasek. Schématiquement, certaines personnes croient que ce qui leur
arrive (maladie, échec ou réussite, etc.) est dû à leurs capacités, leurs efforts,
leur volonté, etc., c'est-à-dire autant de causes liées à elles mêmes. Ces
personnes ont un LOC interne. D’autres, au contraire attribuent ce qui leur
arrive à des causes qui leur sont externes, comme, par exemple, la chance, le
destin, etc. Ces personnes ont un LOC externe.

12
Face à une situation menaçante, les internes adopteront, par définition,
des conduites actives puisqu’ils jugent que ce qui leur arrive dépend d’eux-
mêmes. En revanche, les externes qui pensent que la situation ne dépend pas
de leur pouvoir, seront moins motivés à agir. Ceux qui ont un LOC interne
ont généralement une meilleure santé. Il a donc été avancé que le contrôle
ne bénéficierait qu’à ceux qui ont un LOC interne (e.g., Daniels & Guppy,
1994) et que l’effet modérateur du contrôle ne serait effectif que pour ceux-
ci. Toutefois, en ce domaine, les résultats ne sont pas toujours cohérents,
certaines études ne trouvant au contraire un effet d’interaction qu’avec ceux
qui ont un LOC externe (e.g., Parkes, 1991). Par ailleurs souvenons-nous
que Karasek suppose que les conditions de travail peuvent elles mêmes

13
influencer le LOC, puisqu’il affirme que les emplois actifs engendrent un
LOC interne. Dans ce cas, le LOC se confond potentiellement avec les
variables du modèle.

Ajoutons que les recherches basées sur le modèle de Karasek ne


distinguent pas entre deux facteurs importants : le contrôle perçu et le désir
de contrôle. Or le bien être au travail dépend aussi de cette dernière variable.
De fait, l’absence d’autonomie n’affecte pas ceux qui ont un faible besoin
de contrôle (Gaziel, 1989). Chez les infirmières, le besoin d’autonomie a un
effet modérateur sur l’épuisement émotionnel uniquement chez celles qui
ont un besoin élevé de contrôle (de Jonge et al., 1994).

Le pattern comportemental de type A, identifié par deux cardiologues


états-uniens, Friedman et Rosenman (1959), pourrait expliquer lui aussi les
résultats contradictoires ou le manque de résultats souvent constatés. Les
individus « de type A » se caractérisent par un engagement professionnel
nourri, se fixent des objectifs élevés. Ils se caractérisent par un sens de
l’urgence, une forte appétence pour la compétition. Ils ont parallèlement une
tendance à être agressifs, hostiles, tendance accompagnée par une
conscience élevée de la concurrence et de la compétition. Percevoir un
manque de contrôle représentera évidemment pour eux une source de
frustration. De là découle l’hypothèse que les prédictions de Karasek
seraient davantage vérifiées chez les individus de type A. Mais ici aussi les
résultats sont contradictoires. Par exemple Kushnir et Melamed, (1991) dans
une recherche auprès de 3562 opérateurs israéliens répartis dans 21 usines
montrent que les individus de type A ne sont pas plus stressés dans les
situations de faibles exigences ou de faible contrôle, ce qui est contraire aux
prédictions fondées sur l’idée que ces individus recherchent le challenge et
la contrôlabilité. Cependant l’hypothèse que les effets combinés des
tensions élevées et du faible contrôle produit de la tension est vérifiée
uniquement chez les individus de type A.

Une autre série de critique, que nous examinerons plus en détails,


suggère que les recherches doivent être conçues pour être adaptées à des
échantillons professionnels homogènes, ce qui est contraire au credo de
Karasek. Ces mêmes critiques demandent de tenir compte, par conséquent,
des sources de tension, de contrôle et de soutien spécifiques à une
profession et non celles qui sont générales, transversales à des professions
variées.

14
6 Groupes homogènes vs. groupes hétérogènes

La plupart des recherches basées sur le modèle de Karasek montrent que


les effets d’interaction entre les 3 variables exigences, contrôle et soutien
sont moins observés auprès de groupes professionnels homogènes qu’auprès
d’échantillons hétérogènes, incluant des emplois multiples, comme c’est le
cas par exemple dans les recherches épidémiologiques. Dans les recherches
portant sur des groupes homogènes, on vérifie le plus souvent uniquement
les effets simples, i.e., des exigences et/ou du contrôle, du soutien pris
séparément.

Karasek insiste sur l’aspect représentatif des échantillons étudiés comme


étant une caractéristique méthodologique améliorant la qualité des résultats.
Autrement dit, il est nécessaire d’inclure dans la même recherche des
professions variées. En introduisant une variation que l’on n’aurait pas dans
un échantillon homogène, on peut ainsi mesurer comment les différences
d’exposition aux sources d’exigences, de contrôle, de soutien, font varier la
santé des individus. Il est alors évidemment nécessaire d’utiliser un
instrument de mesure unique qui s’adapte à l’ensemble des professions.
Ainsi, bien des études s’appuient sur une mesure générique des exigences,
du contrôle et du soutien, mesure destinée à s’adapter à l’ensemble des
professions. C’est le cas du Job Content Questionnaire adapté en français
par Brisson, Blanchette et Guimont (1998). La version française de ce
questionnaire utilisée dans l’enquête SUMER 2003 est présentée en annexe.

Mais une mesure globale des caractéristiques du travail ne permet pas de


prendre en compte les stresseurs spécifiques à un emploi ou à un contexte de
travail particulier. Eloignée du contenu concret de l’activité des personnes
interrogées, elle risque d’inclure des sources de tensions non pertinentes
pour l’emploi étudié et inversement d’exclure des stresseurs spécifiques
pertinents. En fait, l’utilisation d’échantillons représentatifs conduit à ne
pas tenir compte des spécificités professionnelles. Et en réalité, si ce critère
de représentativité est certainement indispensable à prendre en compte dans
les recherches descriptives, par exemple les sondages, il n’a pas
d’importance quand ce sont les relations causales qui sont étudiées. Dans ce
cas, ce qui importe, c’est l’exposition des participants à la variation de la
cause.

Autrement dit, la question est de savoir si pour étudier les mécanismes


qui lient stresseurs et tension, il faut rechercher ce qui créé de la variance
15
entre les professions, ou s’il faut au contraire s’intéresser à ce qui au sein
d’une profession, agit comme un stresseur particulier dont la perception
varie en fonction des individus, des équipes de travail, des entreprises. Dans
ce dernier cas, on peut prendre en compte un plus grand nombre de
variables plus spécifiques à une profession. Le grand avantage est que si
l’on trouve de la variabilité au niveau d’une caractéristique de travail et au
sein d’un groupe professionnel donné, alors, on sait que c’est sur cette
caractéristique qu’il faut agir pour prévenir ou diminuer le burnout. Etudier
une seule profession plutôt qu’une variété d’occupations permet de mieux
cibler les stresseurs spécifiques et donc de proposer des interventions mieux
adaptées, et plus effectives (McClenahan, Giles, & Mallett, 2007). A titre
d’exemple, Dwyer et Ganster (1991), chez des ouvriers, distinguent entre les
exigences psychologiques, telles que la précision ou la vigilance, et les
exigences physiques comme l’exercice musculaire ou la confrontation aux
dangers. Dans les professions d’aide, Soderfeld, Soderfeld, Muntaner,
O’Campo, Warg et Ohlson (1996) proposent de distinguer les exigences
liées à la charge de travail, les exigences émotionnelles, les conflits de rôle
et l’ambiguïté de rôle.

De même, avec une mesure globale du contrôle et du soutien on prend le


risque de ne pas saisir les formes et les sources de contrôle et de soutien qui
s’adaptent aux exigences et modèrent leurs effets. En d’autres termes, il
n’est pas certain que l’on mesure le contrôle qui permet d’atténuer les effets
des exigences sur le burnout d’une profession particulière. Le contrôle
pourrait aussi avoir des effets différents selon le stresseur considéré (Sargent
& Terry, 1998). Il serait plus important quand il s’agit du rythme, de
l’organisation et de la planification du travail et moins important par
exemple quand il s’agit de décision concernant l’entreprise ou l’institution.
Ceci peut expliquer pourquoi on trouve rarement les effets d’interaction.
Ainsi, Wall, Jackson, Mullarkey et Parker (1996) n’observent pas d’effet
modérateur avec une mesure globale du contrôle mais en obtiennent un
lorsqu’ils utilisent une mesure spécifique. Comme le suggèrent Van der
Doef et Maes (1999, p. 109) inclure « des mesures spécifiques des
exigences, du contrôle et du support pourrait améliorer le pouvoir explicatif
et prédictif du modèle ». D’après ces auteurs, la conceptualisation des
exigences, du contrôle et du support est un facteur déterminant. Il est donc
nécessaire de partir du contexte de travail particulier à un groupe
professionnel donné. Par ailleurs, en étudiant une occupation spécifique, les
résultats sont beaucoup plus utilisables par l’organisation pour mettre en

16
place des mesures de prévention ou de remédiation. Celles-ci peuvent être
conçues « sur mesure » et par conséquent plus effectives.
Plusieurs recherches récentes ont cherché à introduire des mesures
spécifiques au sein du modèle de Karasek. (e.g., Soderfeld et al., 1996 ;
Wall et al., 1996 ; De Jonge, Mulder, & Nijhuis, 1999 ; McClenahan, Giles
& Mallett, 2007). C’est le cas par exemple de Peeters et Leblanc (2001) qui
ont mené une recherche auprès de 816 professionnels de soins exerçant en
oncologie. Ils ont différencié trois catégories d’exigences, (quantitatives,
émotionnelles et organisationnelles) et testé les effets de trois sources
distinctes de soutien : les collègues, les supérieurs, la famille. Leurs résultats
montrent qu’il y a un ajustement particulier entre les sources de soutien et
les catégories d’exigences. De fait, le soutien de la famille contribue à
modérer la dépersonnalisation quand les exigences quantitatives sont
élevées et le soutien des collègues modère la dépersonnalisation quand les
exigences émotionnelles sont élevées.

Dans une recherche récente menée auprès d’infirmières en cancérologie


(Truchot & Borteyrou, 2009), nous sommes partis d’un travail de terrain
pour déterminer d’abord les catégories de stresseurs, de contrôle et de
soutien spécifiques au contexte professionnel. Un de nos objectifs était de
montrer que des variables spécifiques au contexte ajoutent à la prédiction du
modèle de Karasek Nous avons réalisé cette recherche en deux temps. Dans
un premier temps, des analyses préliminaires nous ont permis d’identifier
les sources de stress, de contrôle et de soutien spécifiques au travail des
infirmières en cancérologie. Pour identifier ces sources, 3 focus groups
impliquant 4 à 6 infirmières ont été réalisés. L’analyse nous a permis
d’établir une série de 32 sources d’exigences, de contrôle et de soutien.
Nous avons inclus ces 32 sources dans un questionnaire, comprenant, entre
autres, une mesure de l’épuisement émotionnel et de la dépersonnalisation
ainsi que des questions d’identification socio-démographique. Un groupe
homogène de 144 infirmières oncologues a participé à l’étude. Une analyse
factorielle a permis d’identifier 4 facteurs (et non 3, comme c’est
habituellement le cas) expliquant 40.28% de la variance totale et qui
présentent des caractéristiques psychométriques satisfaisantes : exigences
organisationnelles, exigences des patients, soutien social et contrôle.
L’obtention du facteur « Exigences des patients » est une particularité de
notre recherche car les exigences relationnelles ne constituent pas un facteur
distinct dans le modèle de Karasek.

17
Nos données confirment les effets simples prédits par le modèle. Les
exigences organisationnelles sont liées positivement à l’épuisement
émotionnel et à la dépersonnalisation. Il en est de même des exigences des
patients, ce qui souligne l’intérêt de prendre en compte les sources de
tension et les modalités de ressources spécifiques à un contexte de travail.
De plus, les ressources que représentent le contrôle et le soutien sont
associées à un faible épuisement émotionnel. Cependant, seul le contrôle est
associé à la dépersonnalisation.

Par ailleurs, nous observons des effets modérateurs, qui plus est,
spécifiques aux sources de stresseurs. Ainsi, le soutien social (mais pas le
contrôle) a un effet modérateur sur l’épuisement émotionnel quand les
exigences organisationnelles s’élèvent. En revanche, le contrôle (mais pas le
soutien) tend à modérer les effets des exigences des patients sur la
dépersonnalisation.

Ces résultats soulignent donc l’intérêt de prendre en compte les sources


de tension et les modalités de ressources spécifiques à un contexte de
travail.

7. Conclusion

Le modèle de Karasek domine actuellement les recherches sur la santé au


travail. En 1996, Kristensen, écrivait : « Seulement 15 années après [son]
introduction, la somme des études utilisant ce modèle est tellement
écrasante qu’une revue de questions serait une tâche colossale ». Depuis, la
somme des publications est allée croissante. Paradoxalement, ce modèle a
été largement critiqué, et avec raison, dans la mesure ou ses prédictions sont
loin d’être avérées. En particulier une des hypothèses centrales du modèle,
qui prédit que le contrôle ou la latitude de décision modère les effets
potentiellement négatifs du stress est rarement vérifiée. De plus, le modèle a
été jugé trop simpliste dans la mesure où le contrôle et le soutien ne sont pas
les seules ressources disponibles.

Au cours de ce chapitre, à partir d’un des effets majeurs du travail sur la


santé, à savoir l’épuisement professionnel ou burnout, nous avons exposé un
certain nombre de pistes susceptibles d’améliorer la valeur prédictive du
modèle. Celui-ci doit être encore aujourd’hui envisagé d’un point de vue
prospectif. Les chercheurs devraient explorer des variations possibles du
18
modèle et inclure d’autres dimensions même si elles ne font pas
formellement partie de la conception initiale de Karasek.

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24
Annexe
Questionnaire de Karasek
dans la version utilisée pour l’enquête SUMER 2003
Pour chaque question, les personnes interrogées répondent en utilisant le
format suivant :
Pas du tout d’accord ; Pas d’accord ; D’accord ; Tout à fait d’accord.

1. Dans mon travail, je dois apprendre des choses nouvelles


2. Dans mon travail, j’effectue des tâches répétitives
3. Mon travail me demande d’être créatif
4. Mon travail me permet souvent de prendre des décisions moi-même
5. Mon travail demande un haut niveau de compétence
6. Dans ma tâche, j’ai très peu de liberté pour décider comment je fais mon
travail
7. Dans mon travail, j’ai des activités variées
8. J’ai la possibilité d’influencer le déroulement de mon travail
9. J’ai l’occasion de développer mes compétences professionnelles
10. Mon travail demande de travailler très vite
11. Mon travail demande de travailler intensément
12. On me demande d’effectuer une quantité de travail excessive
13. Je dispose du temps nécessaire pour exécuter correctement mon travail
14. Je reçois des ordres contradictoires de la part d’autres personnes
15. Mon travail nécessite de longues périodes de concentration intense
16. Mes tâches sont souvent interrompues avant d’être achevées, nécessitant
de les reprendre plus tard
17. Mon travail est très « bousculé »
18. Attendre le travail de collègues ou d’autres départements ralentit
souvent mon propre travail
19. Mon supérieur se sent concerné par le bien être de ses subordonnés
20. Mon supérieur prête attention à ce que je dis
21. Mon supérieur m’aide à mener ma tâche à bien
22. Mon supérieur réussit facilement à faire collaborer ses subordonnés
23. Les collègues avec qui je travaille sont des gens professionnellement
compétents
24. Les collègues avec qui je travaille me manifestent de l’intérêt
25. Les collègues avec qui je travaille sont amicaux
26. Les collègues avec qui je travaille m’aident à mener les tâches à bien

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