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Cours Proc. Pén.
Cours Proc. Pén.
La procédure pénale est définie par Faustin Hélie dans son ouvrage : de la procédure
criminelle en général, comme : « l’ensemble des formes qui constituent la justice criminelle et
règlent son action. Le but de la loi pénale est de donner une sanction au droit; le but de la
procédure est d’en assurer la complète manifestation. »1
On peut définir la procédure pénale comme la description des interventions des
autorités étatiques (polices et juges) depuis la plainte, la dénonciation ou la constatation d’une
infraction jusqu’à une éventuelle décision définitive.
La procédure pénale réglemente ce qu’on appelle « le procès pénal », et elle élabore,
elle présente l’ensemble des règles relatives à la découverte d’une infraction, du responsable
de cette infraction, à sa poursuite, à son jugement et à l’exécution des peines.
1
Faustin (H.), Chapitre préliminaire de son « traité de l’instruction criminelle », 2e éd. Paris, 1866, T.I, p. 3.
Par ailleurs, dans un procès privé, les parties ont la maîtrise totale de leurs droits en ce
sens qu’elles peuvent renoncer, transiger ou même se désister.
En revanche, dans un procès pénal, les autorités publiques ont la charge de rechercher
les infractions et de mettre en mouvement l’action publique. Le ministère public en tant que
représentant de la société, même s’il est titulaire du droit de mettre en mouvement l’action
publique, n’en est pas propriétaire pour autant. En ce sens, il ne peut pas y renoncer, transiger,
se désister sauf cas exceptionnels2. C'est la manifestation du principe d’autorité ou d’initiative
publique et le principe d’indisponibilité.
Ensuite, dans un procès civil, le ministère public donne son avis sur la bonne
application de la loi, il peut être dans certains cas énumérés par la loi comme partie principale
au procès civil, mais il peut être aussi dans d'autres cas, une partie seulement jointe à ce
procès. Alors qu’au pénal, il en demande au juge l’application, c'est une partie principale au
procès.
En outre, la théorie de la preuve est différente en matière répressive. En effet, les
problèmes de preuve sont plus épineux en procédure pénale qu’en procédure civile. D’abord,
parce qu’en matière civile, la preuve est souvent préétablie. Ainsi, en matière d’actes
juridiques, le contrat est établi par écrit. Or une infraction est un fait juridique. De là, il n’y a
aucune preuve préconstituée, mais seulement des indices.
Le juge aura donc un rôle plus important dans la recherche des preuves en matière
pénale qu’en matière civile.
Enfin, en cas de gain de cause dans un procès civil, il revient au plaideur gagnant de
faire mettre la décision de justice à exécution, ce qui n’est pas le cas dans un procès pénal où
la charge de l’exécution de la décision judiciaire revient au ministère public.
La plupart des définitions du droit pénal proposées par la doctrine sont très larges.
Ainsi, le droit pénal est défini comme « l’ensemble des règles juridiques qui organisent la
réaction de l’Etat vis-à-vis des infractions et des délinquants » ou « comme le droit de la
réaction sociale qu’elle engendre ».
Ces définitions incluent dans le domaine du droit pénal à la fois les règles de droit
pénal de fond et les règles de procédure pénale. Mais l’expression « droit pénal » ne recouvre
pas les règles procédurales. L’expression « droit pénal » recouvre les règles de fond.
Dans ce sens plus étroit, le droit pénal peut être défini comme « l’ensemble des règles
ayant pour objet de déterminer les actes antisociaux, de désigner les personnes pouvant en
être déclarées responsables et de fixer les peines qui leur sont applicables ». Plus brièvement
encore, le droit pénal peut être défini comme « l’ensemble des règles ayant pour objet la
détermination des infractions. » Les dispositions fondamentales applicables en la matière sont
contenues dans le code pénal.
Mais il importe de relever le rapport entre les deux disciplines. En effet, l’une des
particularités majeures du droit pénal est que sa mise en œuvre suppose nécessairement une
intervention judiciaire. Dans son aspect sanctionnateur, lorsqu’il conduit au prononcé d’une
peine ou d’une mesure, le droit pénal n’existe pas sans procédure pénale. Cela signifie qu’en
principe, aucune peine ne peut être prononcée sans qu’il y ait eu un jugement définitif.
2
L’article 41 C.P.P. prévoit cependant que « la partie lésée ou le prévenu peut, avant la mise en mouvement de
l’action publique et lorsqu’il s’agit d’une infraction punie d’une peine d’emprisonnement égale ou inférieure à
deux ans ou d’une amende dont le maximum ne dépasse pas 5000 dhs, demander au procureur du Roi d’établir
un procès-verbal mentionnant la transaction conclue entre eux. ».
La procédure pénale, c’est une particularité de la matière pénale, est donc
indispensable au droit pénal. Sans procédure pénale, le droit pénal n’aurait aucun intérêt.
Concernant la procédure civile, le droit civil peut s’en passer. Ainsi, si un mariage se déroule
sans difficulté, si un contrat entre un acheteur et un vendeur est parfaitement respecté, aucun
de deux protagonistes n’ira voir le juge. Or pour la matière pénale, le droit pénal a
impérativement besoin, pour exister, pour avoir un intérêt, de la procédure pénale, d’une mise
en œuvre et donc d’une intervention de l’appareil répressif et éventuellement d’une sanction
par un juge.
La loi pénale est ainsi pour une large part ce que les magistrats en font. Ainsi, le
ministère public dispose du pouvoir d’apprécier l’opportunité des poursuites lorsqu’un acte
contraire à la loi pénale a été commis. Lors du jugement de l’affaire, la juridiction répressive
se livre à une appréciation de la réalité des faits et examine s’ils sont qualifiables pénalement.
Puis elle détermine librement la peine applicable, dans les limites du maximum fixé par la loi,
en tenant compte de la gravité et des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son
auteur.
La procédure pénale repose beaucoup sur la question des preuves. Les autorités
étatiques ont un rôle actif dans la recherche des preuves. Dans une première phase, la police,
dans une deuxième phase, les juges, plus particulièrement, le juge d’instruction. La justice
pénale a un rôle inquisiteur. Ils ont toutes deux des pouvoirs de contrainte. La procédure
pénale est une procédure à haut risque pour les droits de l’individu.
La matière pénale obéit à un régime des preuves particulier. En effet, les particularités
touchent d’abord la charge de la preuve, ensuite, les modes de preuves et enfin la valeur
probante.
Il existe en principe deux systèmes de preuves. D’une part, la preuve légale, c’est-à-
dire que le juge devrait condamner à chaque fois qu’une preuve ayant une force probante
déterminée par la loi a été administrée. D’autre part, l’intime conviction du juge. C’est ce
dernier système qui est appliquée au Maroc et selon lequel, le juge condamne ou acquitte
suivant qu’il est ou non convaincu de la culpabilité sans être tenu à aucune justification de la
force probante des preuves qu’il détient.
1- La procédure accusatoire
2 - La procédure inquisitoire
Dans cette procédure, le juge est un fonctionnaire public permanent, imposé aux
parties. Il déclenche le procès pénal et peut se saisir d’office. Il joue un rôle souverain et actif
dans la mesure où il ne va pas se contenter des éléments de preuve que vont lui apporter les
parties au procès, mais va procéder lui-même à en rechercher d’autres pour forger sa propre
conviction.
En effet, c’est le juge qui décide d’ouvrir un dossier, qui conduit l’instruction
de l’affaire, qui dirige le déroulement des débats, puis qui prononce la sanction. Cette
procédure présente alors le risque de partialité.
La procédure est écrite, un procès-verbal est donc établi reprenant tous les
épisodes de l’affaire ; elle est non contradictoire, en ce sens que l’accusé à un rôle passif ; et
enfin, elle est secrète.
Le système a l’avantage de permettre une répression rapide. Mais
l’inconvénient réside dans le fait que celui-ci sacrifie les intérêts de la défense, et fait courir
le risque d’entraver le cours de la justice, du fait du monopole de l’accusation détenu par le
magistrat.
Les éléments de cette procédure subsistent de nos jours mais ses traits sont
largement atténués pour garantir les droits de la défense.
3 - La procédure mixte
On peut distinguer les sources internes (A) et les sources internationales (B).
1) La constitution
2) La loi
Le Maroc a vécu entre 1913 et 1953, avant d’arriver à rassembler les lois dans
un code, dans l’arbitraire et le vide textuel car les juridictions makhzen compétentes en
matière pénale et dans les procès entre marocains, n’appliquaient aucune réglementation. Le
code d’instruction criminelle français de 1808 et introduit au Maroc en 1913 ne concernait
que les instances pénales opposant des étrangers ou des étrangers et des marocains.
En 1953, ce code fut généralisé à tous ceux qui résidaient au Maroc dans la
zone française.
Malgré ses légères modifications et son caractère nouveau, ce texte ne servait
pas les intérêts du Maroc. En effet, derrière l’apparence légaliste « il constituait un instrument
de répression politico-pénale »3. Il permettait de transférer les justiciables des juridictions
makhzen aux tribunaux français qui étaient mieux préparés et formés pour réagir contre les
« actes de terrorisme perpétrés par les associations de malfaiteurs » qui étaient les opérations
et les groupes de résistance4.
Au lendemain de l’indépendance, le caractère purement juridique apparaît pour
la première fois dans l’application de ce texte en procédure pénale. Si l’observation de ce
3
ALAMI MACHICHI (M.D.), procédure pénale, éd. les presses de l’imprimerie KAMAR, Casablanca,
n°2/1982, p. 14.
4
Op. cit.
code a été maintenue pendant quelques années, la volonté de le remplacer par un autre texte
n’a jamais disparu. Au fond, ce texte était trop vieux et trop dépassé dans son pays d’origine
même. Le 10 février 1959, le législateur marocain a promulgué un code de procédure pénale
unifié5.
Dans la note de présentation de ce code, il est cité que : « seule une procédure
qui présume l’innocence des inculpés, fixe des limites infranchissables aux arrestations et
détentions, garantit l’inviolabilité du domicile … assure la liberté de la défense, qui, en un
mot, protège les citoyens contre les erreurs et les abus commis au nom de la société, est digne
d’un pays libre ».
Le dahir du 18 septembre 1962 a modifié le code de 1959. Ce code constituait
une législation nouvelle, mais il reprenait la majorité des règles de la codification française de
1958.
Ce dahir avait limité sensiblement les garanties de la liberté individuelle. Il en a
ainsi de la garde à vue dont la durée a été doublée, qui pouvait se prolonger pendant une
douzaine de jours, dans le cadre des infractions de droit commun.
S’agissant des atteintes à la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat, il était
loisible au procureur du Roi ou au juge d’instruction de renouveler les délais autant de fois
qu’ils le jugeaient nécessaire6. Il en est de même de la détention préventive dont les délais ont
été allongés ou même doublés. Elle n’est plus considérée, comme c’était le cas du code de
procédure pénale de 1959, comme une mesure exceptionnelle. L’appel interjeté par le
ministère public a un effet suspensif de jugement d’acquittement, d’absolution ou de
condamnation avec sursis. Le prévenu, comme c’était le cas avant, se voit refuser la mise en
liberté.
Concernant le Dahir du 28 septembre 1974 « l’énumération des principales
mesures arrêtées trahi le souci d’accélérer le déroulement des procédures, au détriment des
droits de la défense et des garanties d’une bonne justice »7. Alors quels sont les apports du
dahir précité ?
Il s’agit principalement :
• suppression des juridictions d’instruction en première instance ;
• même au niveau des cours d’appel, l’instruction est réservée à une
catégorie d’infractions criminelles ;
• avec la procédure du crime flagrant, c’est le procureur général qui peut
dans certains cas mener l’instruction et saisir directement la juridiction de
jugement ;
• le dahir de 1974 a supprimé la chambre des mises en accusation qui
constitue le deuxième degré d’instruction. Elle est remplacée par la chambre
correctionnelle de la Cour d’appel qui est appelée à jouer un rôle plus limité ;
• la réforme de 1974 a mis fin au tribunal criminel et au système du jury
en matière criminelle. Ses fonctions relèvent désormais d’une chambre de la Cour
d’appel – la chambre criminelle- composée exclusivement de magistrats
professionnels au nombre de cinq.
La période actuelle est marquée par l’avènement du code de 3 octobre 20028.
Cette réforme est justifiée par la nécessité de mettre le droit marocain en conformité avec les
5
Ministère de la justice : code de procédure pénale, Dahir du 1erchaabane 1378 (10 février 1959). Rabat,
imprimerie officielle, 1959.
6
Mohammed-Jalal ESSAID, le procès équitable dans le Code de procédure pénale de 2002, publié par la
fondation Mohammed-Jalal ESSAID pour la réforme du droit et le développement socio-économique, p. 15.
7
Précité, p. 16.
8
Dahir n° 1.02.255 du 25 rajab 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 22.01.
pactes et conventions internationaux ratifiés par le Royaume. Mais elle est aussi justifiée par
une vérité historique, comme il relève le professeur Mohammed-Jalal Essaid, pour qui
« durant la dernière décennie de son règne, le Roi défunt Hassan II avait voulu réellement
changer l’image du pays, effacer les séquelles du passé et faire du Maroc, en droit comme
dans la pratique, un modèle de démocratie (…) »9.
« Le souci d’assurer les conditions du procès équitable, du respect des droits des
individus et la sauvegarde de leur liberté d’une part, et la préservation de l’intérêt général et
de l’ordre public d’autre part, constitue le pivot central de la révision du Code de procédure
pénale de 1959 et du dahir relatif aux mesures transitoires promulguées en 1974 »10.
De cette affirmation, il découle que la matière pénale, est une belle matière, en
ce qu’elle est la matière où on a une opposition entre le droit à la sécurité et le droit à la
sûreté. Cela signifie qu’il y a d’un côté, le droit à la sécurité, c’est la nécessité d’assurer la
poursuite et le jugement des coupables, il faut donc une justice efficace. D’un autre côté, il
faut éviter qu’un individu ne soit poursuivi à tort, ne soit condamné à tort. Il faut ainsi
concilier la sécurité : l’efficacité de la justice et la sûreté : la protection des libertés
individuelles.
Concernant la sûreté tout d’abord, et la sauvegarde des libertés individuelles,
elle est protégée au titre notamment de l’article 7 de la déclaration des droits de l’homme et
des citoyens du 26 août de 1789 (D.D.H.C.), qui marque l’apogée de l’idéologie de la
révolution française, et au titre de l’article 3 de la déclaration universelle des droits de
l’homme du 10 décembre 1948 (D.U.D.H.), adoptée par l’Assemblée Générale des Nations
Unies, et l’article 23 de la constitution marocaine de 2011. Elle est présentée comme un droit
imprescriptible de l’homme par l’article 2 de la D.D.H.C.
On retrouve ce droit à la sûreté au sein de l’article 5 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme (C.E.S.D.H.), adoptée par le conseil de
l’Europe, qui envisage ce droit à la sûreté et qui laisse la place à certaines exceptions pour
lesquelles l’Etat a le droit de porter atteinte à la liberté de tout un chacun.
En effet, cet article présente des hypothèses limitatives du droit à la sûreté :
• suite à une condamnation, en cas d’arrestation ;
• pour présenter l’individu à un magistrat ;
• détention possible d’un mineur en vue de son éducation ;
• détention d’une personne possible s’il est susceptible de propager une
maladie contagieuse ;
• privation de liberté envisageable pour empêcher une personne de
pénétrer irrégulièrement sur le territoire ou dans le cadre d’une procédure
d’expulsion.
Cette liste est limitative, elle a été rappelée par la Cour européenne des droits
de l’homme dans une décision Engel et autres c/Pays-Bas en 197611. En outre, il faut que cette
privation de liberté respecte les voies légales qui sont posées par la loi pour donner corps à ces
principes figurant au sein de l’article 5 C.E.S.D.H.
9
Op. cit. p. 20.
10
Préambule de la loi 22.10 relative à la procédure pénale.
11
AFFAIRE ENGEL ET AUTRES c. PAYS-BAS. Requête no 5100/71; 5101/71; 5102/71; 5354/72; 5370/72.
Selon ce droit à la sûreté, pas d’arrestation, pas de détention, pas de peines
arbitraires. De ce fait là, le législateur à propos du droit pénal, doit donc être mesuré dans le
nombre d’infractions qu’il crée. Il doit être précis dans la définition de ces comportements.
Dans le cas de la procédure pénale, il faut assurer le respect des droits de la
défense. C’est d’autant plus important ce respect, c’est que une condamnation prononcée par
un juge aura beaucoup plus d’importance, beaucoup plus de valeur dès lors qu’elle est
exempte de critique quant au respect des droits de la défense. Dès lors que la procédure est
régulière, que l’individu a pu à armes égales avec l’accusation pleinement se défendre, s’il est
condamné au final, on ne peut pas ou on peut moins critiquer les décisions.
De l’autre côté, il y a le droit à la sécurité, c’est la protection de l’ordre social.
Une première utilisation emblématique de ce droit à la sécurité, on en trouve trace dans
l’article 12 D.D.H.C. Elle affirme que la garantie des droits de l’homme et des citoyens
nécessite une force publique. De ce fait là, le droit à la sécurité, le législateur doit incriminer
certains comportements pour protéger la société, et doit prévoir des mécanismes permettant de
répondre à la commission d’une infraction.
La société commande une répression efficace, certaine des infractions, le
système judiciaire doit donc être performant. Mais cela doit être mis en balance avec le
respect de la sûreté, et des prérogatives individuelles de la personne mise en cause. Ce droit
est protégé par l’article 21 de la Constitution marocaine de 2011.
3- Le règlement
A – Le défendeur
B - Le demandeur
2) Principe de la publicité
La publicité des débats figurent également dans les instruments des droits de
l’homme pour éviter une justice secrète.
La publicité des débats à l’audience est en effet une garantie pour le justiciable
et pour le juge. Le premier est assuré que la vérité ne sera pas étouffée par une juridiction
aveugle ou partiale, le second voit son œuvre gagner en autorité morale. Aussi le code de
procédure pénale a fait de la publicité une formalité substantielle des procédures d’audience,
dont le respect doit être mentionné à peine de nullité dans les jugements.
La publicité est assurée à la fois par la présence du public aux débats et par la
possibilité de publier le compte-rendu des débats. Or elle est parfois limitée, en application de
principes supérieurs de moralité et de bienséance, qui permettent d’écarter de l’audience
certaines personnes ou même la totalité du public.
Le président de la juridiction répressive peut, d’un côté, interdire l’accès de la
salle d’audience aux mineurs ou à certains d’entre eux.
De l’autre côté, il arrive qu’un ou plusieurs individus troublent la bonne tenue
de l’audience par leur attitude, leur manque de respect envers la justice, leur tapage ou même
les infractions qu’ils commettent. Le président de la juridiction peut les faire expulser ; et s’ils
résistent ou causent du tumulte, la juridiction peut les placer sous mandat de dépôt et les
frapper de deux mois à deux ans d’emprisonnement. Si, au trouble d’audience, s’ajoute une
infraction (par exemple des outrages à magistrat), celle-ci peut être jugée dans les conditions
de compétence indiquées précédemment.
En outre, l’accès du public à la salle d’audience peut être interdit par le huis
clos, total ou partiel, prononcé par décision motivée, quand l’ordre public ou les bonnes
mœurs risquent de souffrir d’une publicité complète.
Le huis clos a soulevé en pratique de nombreuses difficultés. Son prononcé
appartient à la juridiction elle-même. L’opportunité de la mesure est laissée à l’appréciation
souveraine des magistrats, et ne dépend, en principe, ni du consentement ni de l’avis de
l’individu poursuivi, qui ne peut ni s’y opposer, ni la critiquer. Toutefois, dans les affaires de
viol (simple ou aggravé) ou d’attentat à la pudeur de nature criminelle, le huis clos est « de
droit » si la victime, constituée partie civile, le réclame. Dans les autres cas, c’est-à-dire
lorsque la victime n’a pas réclamé elle-même le huis clos, celui-ci ne peut être ordonné que si
elle ne s’y oppose pas.
En ce qui concerne sa portée, le huis clos peut viser toutes personnes étrangères
au procès, ou admettre la présence de certaines d’entre elles. Il peut, en outre, être limité à une
partie des débats ou les couvrir entièrement. Mais on admet, en pratique, que rien n’empêche
12
Afin de garantir l’impartialité des magistrats, la loi prévoit certaines incapacités de juger, par exemple en cas
de lien de parenté entre plusieurs magistrats d’une même juridiction, ou entre un magistrat et un avocat ou une
partie. Il existe en outre une procédure de récusation permettant aux parties de mettre en cause la partialité
suspectée d’un juge.
qu’avant la fin des débats, on revienne à la publicité complète, même si le huis clos avait été
ordonné pour toute la durée de l’audience. Pendant le huis clos, la procédure se poursuit
comme à l’ordinaire, ce qui autorise l’accomplissement de tous les actes qui auraient pu être
faits à l’audience publique.
o
13
C.E.D.H., 16 janvier 1970, Requête n 2689/65.
ministère public. Ce dernier va demander l’application de la loi, mais pas forcément une
condamnation. Dès lors qu’il poursuit l’individu devant le tribunal, il attend une application
de la loi, une sanction. Du coup, ça nous a fait un procès à deux parties, et de ce fait là, le
principe d’égalité des armes peut être davantage discutable. C’est toute la question de savoir
quelle place doit-on octroyer à la victime dans le cadre du procès pénal et toute la difficulté à
trouver la place la plus juste pour cette victime au sein du procès pénal, car elle n’est pas
partie principale.
Les deux parties principales sont l’accusation, à savoir le ministère public qui
représente la société, et la personne mise en cause qu’on soupçonne d’avoir commis une
infraction. Mais on comprend qu’elle a un rôle à jouer parce que la victime, c’est elle qui a
subit les actes de violence, c’est elle qui a perdu un proche dans un homicide volontaire.
5- Le principe du contradictoire
14
Ratifié le 8 novembre 1979 (art. 9, al. 8).
7) se trouve incapable de justifier la source de ses revenus, considérant son niveau de
vie alors qu'il vit avec une personne se livrant habituellement à la prostitution ou à la
débauche ou entretenant des relations suspectes avec une ou plusieurs personnes se livrant à
la prostitution ou à la débauche ».
C’est à la personne qui se trouve dans cette situation, qu’elle ne peut pas
justifier ses revenus de faire tomber la présomption d’avoir commis cette infraction.
L’exercice de ces diverses facultés doit être effectif, ce qui implique, par
exemple, que le mis en cause puisse communiquer dans une langue comprise, si besoin par le
recours à un interprète.
Enfin, le fait que le prévenu ait la parole en dernier constitue une ultime mais
significative illustration du principe du respect des droits de la défense.
Titre 1 – L’enquête policière
L’enquête menée par la police judiciaire, a connu une évolution dans l’histoire
du droit marocain15.
Ainsi, sous le protectorat, les actes visant à constater les infractions pénales et
à rechercher les éléments de preuve et les auteurs d’infractions, sont régis par une
réglementation divergente selon les juridictions compétentes, françaises ou du Makhzen.
Devant les juridictions françaises, l’article 13 du dahir de procédure criminelle
complété par le dahir du 27 avril 1920, a repris les dispositions du Code français d’instruction
criminelle et de la loi du 8 décembre 1897 sur l’instruction préalable en matière de crimes et
délits. Ces textes sont applicables devant les juridictions françaises de l’Empire chérifien, en
ce qu’elles n’ont rien de contraire audit dahir16.
De ce fait, les mêmes principes directeurs du procès pénal en métropole sont
appliqués au Royaume : l’instruction est confiée au juge d’instruction, tandis que la poursuite
est confiée au ministère public. A l’exception des cas de flagrant délit, l’enquête n’était pas
explicitement confiée à la police judiciaire. L’article 2 C.P.C. précise que « l’officier de
police judiciaire qui constate une contravention en transmet le procès-verbal à l’officier du
ministère public près le tribunal de paix de la circonscription ou au juge de paix pour toute
suite de droit ».
Cependant, la difficulté était de savoir les autorités compétentes à exercer les
pouvoirs de la police judiciaire. En raison de l’insuffisance de l’organisation empruntée de la
métropole, la qualité d’officier de police judiciaire a dû être étendue dès 1913 à « certains
magistrats et à de nombreux fonctionnaires, civils ou militaires, dans leurs circonscriptions
respectives »17.
15
EL BAKIR Mohammed, hal.archives-ouvertes.fr.
16
CAILLE (J.), organisation judiciaire et procédure marocaines, L.G.D.J., Paris, 1948, p. 317 .
17
Les officiers du ministère public près les tribunaux de paix ; les commandants ou chefs de région ; les
commandants ou chefs de poste ; les chefs soit d’une brigade ou d’un poste de gendarmerie, soit d’un corps
remplissant les fonctions de la gendarmerie ; les contrôleurs civils ou leurs adjoints des affaires indigènes ; le
directeur des services de la sécurité publique, les contrôleurs généraux de police, les inspecteurs-chefs
principaux et inspecteurs de police ; les officiers commandant un port et leurs adjoints ; les officiers du service
de renseignement ; les chefs des services municipaux et leurs adjoints ; les chefs de la police mobile ; les
inspecteurs de la sûreté régionale ; les inspecteurs-adjoints du contrôle du chemin de fer pour la constatation des
crimes, délits et contraventions commis dans l’enceinte des chemins de fer et de leurs dépendances ; et
l’inspecteur principal, chef de la répression des fraudes, les inspecteurs principaux et les inspecteurs de la
répression des fraudes, dans l’exercice de leurs fonctions, sur tout le territoire de la zone française de l’empire.
V. CAILLE (J.), précité, p. 165.
18
ZIRARI-DEVIF Michèle, la formation du système pénal marocain, thèse, Nice, 1989, p. 206 et s.
public et veille à la bonne administration de la justice. Il décide au pénal de l’ouverture des
informations ou des classements des plaintes, exerce l’action publique et peut poursuivre
d’office ».
La police judiciaire dans le sens moderne n’existait pas.
Le début du protectorat a connu la création d’un corps de police structuré et
assez spécialisé. La gendarmerie était organisée par le décret du 25 novembre et le dahir du 2
décembre 1927. Son rôle est d’aider les deux justices makhzen et française. Or l’organisation
judiciaire du Maghzen lui attribue plus de pouvoirs, car elle avait la qualité de police
judiciaire. Elle était placée sous l’autorité du procureur général près la Cour de Rabat. La
police et la gendarmerie pouvaient ainsi conduire des enquêtes en toutes matières. Elles sont
tenues de matérialiser toutes les opérations et tous les actes en relation avec la construction de
la procédure dans des procès-verbaux.
L’arrêté résidentiel du 17 avril 1917 portant réglementation de la police mobile
lui confiait les missions de seconder l’autorité judiciaire dans la recherche et la répression des
délits de droit commun, de rechercher les malfaiteurs professionnels et de centraliser tous les
renseignements les concernant, de réprimer la fraude dans la vente des marchandises et les
fabrications des denrées alimentaires et des produits agricoles, d’assurer la police des voies de
communication, de centraliser et de diffuser, par la voie d’une publication dénommée
« bulletin de la police générale », les mandats de justice décernés contre les malfaiteurs en
fuite.
La police de sûreté, organisée par le dahir du 1 er mars 1924, était chargée, à
côté de ses attributions purement administratives, de prévenir les attentats, constater les
crimes et délits, rechercher les auteurs et exécuter les mandats de justice.
Le code de procédure pénale de 195919 contenait des dispositions suffisamment
claires, calquées sur le modèle de la procédure pénale française. Il prévoyait une enquête
préalable à la saisine du juge qui peut se dérouler en deux modes, préliminaire ou de
flagrance. Il en confie la charge à des officiers dont il précise les qualités et qui l’exercent
sous la direction du procureur du Roi ou le procureur général du Roi et le contrôle de la
chambre correctionnelle de la Cour d’appel.
Enquête de police judiciaire, ce sont les investigations menées par les officiers
de police judiciaire avec l’assistance des agents de police judiciaire, pour constater les
infractions à la loi pénale, rassembler les preuves et rechercher les auteurs.
§. 1 - Les catégories
§. 2 - Les pouvoirs
Selon l’article 20, code procédure pénale20, ont qualité d’officiers de police
judiciaire :
• le directeur général de la sûreté nationale, les préfets de police, les
contrôleurs généraux de police, les commissaires de police, les officiers de police ;
• les officiers et gradés de la Gendarmerie Royale ainsi que les
gendarmes commandant une brigade ou un poste de Gendarmerie Royale, pendant
la durée de ce commandement ;
• les pachas et caïds ;
• le directeur général de la direction de la surveillance du territoire, les
préfets de police, les contrôleurs généraux de police, les commissaires de police,
les officiers de police de cette direction concernant les infractions visées à l’article
108 de ce code.
(…) ».
Cette qualité peut être octroyée aux inspecteurs de la sûreté nationale ayant une
ancienneté d’au moins trois ans de service mais il faut un arrêté conjoint des ministres de la
justice et de l’intérieur ; aux gendarmes ayant effectué le même temps de service avec un arrêt
du ministre de la justice.
Leur compétence d’attribution s’étend à la constatation des infractions, le
rassemblement des preuves et des indices et la recherche des délinquants. Ils reçoivent
également les plaintes et les dénonciations, effectuent les enquêtes préliminaires.
En cas de flagrant délit, ils peuvent effectuer les actes nécessaires au bon
déroulement de l’enquête et informer, sans délai, le procureur.
Modifié et complété par l’article 2 de la loi n° 35-11 promulguée par le Dahir n° 1.11.169 du 17/10/2011.
20
Selon l’article 460 du C.P.P., un officier de police judiciaire est en charge des
mineurs. Il s’agit d’une police spécialisée en la matière conformément aux dispositions de
l’article 40.3 de la C.I.D.E.
Cette police judiciaire est tenue d’un certain nombre d’obligations.
Il s’agit de garder le mineur auquel est imputée l’infraction dans un endroit spécialement
aménagé à cet effet pour une durée ne dépassant pas celle de la garde à vue.
A) Catégories
B) Fonctions
1) Dahir du 10 octobre 1917 portant sur les agents supérieurs des eaux
et forêts
Les ingénieurs et agents des eaux et forêts recherchent et constatent par procès-
verbal les délits et contraventions qui portent atteinte aux propriétés forestières et rurales. Ils
peuvent requérir l’appui de la force publique.
Ces agents peuvent conduire devant un officier de police judiciaire tout
individu surpris en flagrant délit, et saisir les objets enlevés des propriétés dont ils ont la
garde. Mais ils ne peuvent pas effectuer seuls une perquisition, pénétrer dans les maisons,
placé quelqu’un en garde à vue. Il leur faut la présence d’un officier de police judiciaire, qui
ne peut pas se refuser à les accompagner et qui signe le procès-verbal de l’opération à laquelle
il a assisté.
Toutes ces investigations obéissent à des règles précises. Si les deux situations
sont le plus souvent régies par des dispositions similaires, elles sont également couvertes par
des règles spécifiques, destinées à donner plus de garanties aux droits de l’individu qui fait
l’objet de l’enquête préliminaire.
Le principe de la présomption d’innocence joue pleinement dans le cadre de
l’enquête préliminaire, à la différence de l’enquête de flagrance où la présomption
d’innocence continue certes à protéger l’accusé ou le suspect, mais se voit largement atténuée
sous l’effet des circonstances qui entourent le crime ou le délit flagrant21.
21
Commentaire du C.P.P., publication de « l’association de l’information légale et judiciaire ». 2ème éd., n° 2,
2004, p. 139 et 140. Cité par la fondation Mohammed-Jallal ESSAID, op. cit. P. 63.
montrer, il n’y a pas un moment à perdre, le moindre retard ferait disparaître le coupable et
les traces du crime »22.
Il faut ajouter à ce critère deux conditions : l’actualité et la gravité, car le
législateur marocain a limité l’enquête de flagrance aux infractions les plus graves : les crimes
et uniquement les délits passibles d’une peine d’emprisonnement. Pour s’en convaincre,
l’article 70 C.P.P. écarte les contraventions et les délits punis d’une simple peine d’amende.
22
Jean Louis DEL BAYLE, la police : approche socio politique, éd. Montcherstien, 1992, p. 111.
1) Crime ou délit concrètement flagrant
Il est à noter que l’actualité n’est pas toujours évidente selon qu’on a affaire à
un crime ou un délit. Selon une étude intéressante de Miloudi Hamdouchi sur une période de
10 ans (1982-1992), l’actualité du crime ne se rencontre qu’une fois sur 1000 ; le crime étant
presque toujours pensé, calculé, même dans les hypothèses où les victimes étant presque
toujours indéterminées. Le criminel prépare son plan de retrait avant la commission du crime,
même indéfini, de façon à dérouter les enquêteurs24.
L’actualité n’est en fait réelle qu’en matière de délit parce que, généralement,
le délit est indéterminé et peut se constituer sans plan préétabli, sauf lorsqu’il s’agit
d’infractions économiques ou de mœurs. Les gens ne sortent pas dans les lieux publics avec
l’intention de se battre. Mais tout endroit de concentration favorise le développement d’une
forme de criminalité, notamment l’escroquerie, le trafic d’influence, l’émission de chèques
sans provision, le vol à la tire, le racolage, etc.25
Dans un temps très voisin de l’action, il n’est pas en effet nécessaire que l’acte
se manifeste encore publiquement ; la simple proximité de temps suffit. Ainsi :
- la personne est poursuivie par la clameur publique ;
- ou la personne est en possession d’objets, ou présente des traces ou
indices faisant présumer qu’elle a participé à l’infraction.
L’expression « dans un temps très voisin de l’action » est suffisamment
restrictive pour limiter la durée à quelques heures. Mais, certains juristes marocains ont estimé
que la notion de flagrance peut se prolonger pendant des mois, voire pendant quelques années.
Or le code de procédure pénale français est très précis que le texte marocain car
il a limité dans son article 53 la durée de l’enquête de flagrance à 8 jours.
Selon la formule jurisprudentielle, il faut des « indices apparents d’un
comportement délictueux ».26Ex. arme visible dans la boîte à gants disloquée d’un véhicule
accidenté ; sortie précipitée d’un salarié employé clandestinement dans l’établissement. La
chambre criminelle française a estimé que les indices devaient révéler l’existence d’une
23
André Vitu et Roger Merle, traité de droit criminel : procédure pénale, CUJAS, Paris, 1979, p. 286.
24
Miloudi Hamdouchi, le régime juridique de l’enquête policière, Coll. Manuels et travaux universitaires, 1 ère éd.
1999, p. 83.
25
Op. cit.
26
Crim. 30 mai 1980 : Bull. crim., n° 165.
infraction, ce qui est restrictif : la sortie précipitée n’est pas une infraction en soi, aussi le fait
de s’enfuir à la vue des policiers, et le fait de placer des documents dans un sac.
De même, n’est pas un indice apparent un coup de téléphone dénonçant l’usage
de drogue, sauf si la dénonciation est confortée par des vérifications.
On constate une tendance à admettre plus largement l’existence de la
flagrance : ex. avis donné par une victime, ou un coauteur, ou par un tiers, révélation
anonyme corroborée par d’autres indices.
Le dernier alinéa de l’art. 56 C.P.P. fait état d’une situation qui peut se révéler
très différente de l’infraction concrètement flagrante. Ce texte vise l’hypothèse où une
infraction se commet à l’intérieur d’un domicile dont le chef requiert le procureur du Roi ou
un O.P.J. pour la constater. Ce cas diffère de l’appel au secours qui implique l’exigence
d’assister une personne en péril.
Le problème du délai devient inconcevable car le crime peut avoir lieu au cours
d’une absence plus ou moins longue du chef de maison.
Est régulière la procédure dans laquelle deux A.P.J., alertés par la personne
indiquant que la porte d’une maison voisine est ouverte dans tout l’après-midi, sans
manifestation de présence humaine, pénètrent sur les lieux pour une mission d’assistance,
constatent la présence de haschich, informent un O.P.J. qui, agissant en enquête de flagrance
perquisitionne ; il suffit de la connaissance par l’O.P.J. d’indices apparents d’un
comportement délictueux.
B) La perquisition
La perquisition d’un domicile est la deuxième mesure accordée par la loi à la police
judiciaire en matière de flagrance.
27
Il faut remarquer que l’article 57 C.P.P., qui fait obligation à l’O.P.J. d’informer le procureur du Roi, ne fait
pas partie des dispositions qui, selon l’article 63 C.P.P., sont prescrites à peine de nullité. Mohammed-Jalllal
ESSAID, précité, p. 66.
Pour protéger le repos nocturne, l’article 62 C.P.P. trace les limites suivantes :
les perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant six heures et
après vingt et une heures.
Des exceptions sont prévues : la demande du chef de maison, réclamation
venant de l’intérieur, lieux pratiquant habituellement une activité nocturne. De plus, le texte
précise que « les opérations commencées à une heure légale peuvent se poursuivre sans
désemparer ».
Des textes spéciaux peuvent autoriser les O.P.J. à procéder à des perquisitions
en dehors des heures fixées par la loi. Ainsi, l’article 4 du code de justice militaire du 26
juillet 1971, l’article 4 du Dahir du 21 mai 1974 sur la répression du trafic de drogue, et
l’article 62, alinéa 3 C.P.P., relatif à l’infraction terroriste, les perquisitions peuvent avoir lieu
avant six heures du matin et après neuf heures du soir, mais il faut une autorisation écrite du
ministère public.
Mais la législation marocaine comporte aussi des dispositions favorables aux
droits de la défense, inspirées des instruments internationaux des droits de l’homme ratifiés
par le Maroc.
Ainsi, les perquisitions opérées dans les locaux professionnels d’une personne
liée par le secret professionnel ne sont autorisées qu’à certaines conditions. L’O.P.J. doit
aviser le procureur du Roi et prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect du
secret professionnel.
Lorsque la perquisition doit être opérée dans un cabinet d’avocat, l’art. 59,
alinéa 4 C.P.P. prévoit une double garantie : elle ne peut être effectuée que par un magistrat
du ministère public, en présence du bâtonnier de l’ordre des avocats ou de son représentant.
L’art. 60, al. 2 C.P.P. prévoit une situation découlant à la fois de la tradition
musulmane et du droit international. Il s’agit de la fouille corporelle des personnes de sexe
féminin, ne peut être effectuée que par une femme désignée par l’O.P.J.
C) Audition
L’article 60, al. 3, C.P.P. confère à l’O.P.J. des pouvoirs importants. En effet,
ce dernier peut appeler et entendre toutes les personnes susceptibles de fournir des
renseignements sur les faits ou sur les documents saisis. En cas de refus, il dispose désormais
d’un pouvoir redoutable : il peut les contraindre à comparaître après autorisation du ministère
public.
§. 3 - La garde à vue
A) Définition
28
Ministère de la justice, Traité de procédure pénale (en arabe), Editions de l'association de publication de
l'information juridique et judicaire, 2ème éd., T.I. Rabat, 2004, p. 122.
29
C. cass. arr. n° 475, 25/01/2001.
30
Loi n° 2011-392.
procédure, loin de toute marge de choix ou de recours à un quelconque pouvoir
discrétionnaire »31.
L’efficacité des enquêtes suppose donc en général, le maintien à disposition de
toute personne entre les mains des enquêteurs. Il semble que c’est la solution adéquate, mais
dangereuse pour les libertés individuelles, afin d’éviter la disparition des preuves, et aussi la
fuite des auteurs soupçonnés d’avoir commis une infraction. Mais il faut éviter la garde à vue
de « confort », c’est-à-dire que l’O.P.J. recourt à cette mesure juste pour avoir l’intéressé sous
ses mains s’il a besoin de l’interroger, elle doit donc être justifiée.
31
Khamlich Ahmed, traité de procédure pénale (en arabe), t. I imprimerie Almaârif Aljadija, Rabat, 1999, p. 295.
1°) L’autorisation préalable du parquet
Comme il est dit précédemment, les textes régissant la garde à vue manquent
de précision quant aux personnes concernées par cette mesure. Dans l’attente d’une réforme
du législateur, le bon sens nous amène à dire que l’O.P.J. ne doit avoir droit à placer un
individu en garde à vue que lorsque il y a des indices ou des raisons plausibles de soupçonner
cet individu. Si cela fait défaut, cette mesure risque d’être dénuée de fondement, c’est-à-dire
arbitraire réprimée au titre de l’art. 225 du code pénal. Elle risque aussi de porter atteinte à la
présomption d’innocence. La règle est d’une importance capitale car elle est prévue au titre de
l’article 21 de la constitution qui dispose que « Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou
condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi.
La détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus
grande gravité et exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères (…)
La présomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis. Toute
personne détenue jouit de droits fondamentaux et de conditions de détention humaines (…) ».
La question est de savoir quels sont ces indices ou ces raisons plausibles
permettant de mettre une personne en garde à vue. Deux hypothèses peuvent constituer le
fondement de cette mesure.
D’un côté, la garde à vue ne peut concerner que l’individu ayant un rapport
avec l’infraction. Le bon déroulement de l’enquête exige la mise en garde à vue de la
personne, à savoir la recherche des moyens de preuves, et l’identification des auteurs de
l’infraction. Ainsi, tout individu ayant la moindre relation avec l’infraction, pouvant apporter
une contribution quelconque aux recherches, ou tout simplement tout suspect, peut être placé
en garde à vue.
De l’autre côté, pour protéger les libertés individuelles, la garde à vue ne peut
être décidée que lorsque la personne ne présente pas de garanties suffisantes pour rester à la
disposition de l’O.P.J. qui mène une enquête, mais cela ne peut se concevoir que dans le cas
des délits, car il serait plus difficile de laisser en liberté une personne soupçonnée d’un
homicide volontaire.
Cependant, dans l’état actuel du texte, les libertés individuelles semblent être
menacées par la mesure de la garde à vue. La condition de nécessité prévue par les articles 66
et 80 C.P.P. est ambigüe, car c’est l’O.P.J. qui apprécie au final si la garde à vue est
nécessaire ou non, mais selon quels critères ? Certes, le contrôle opéré par le procureur du Roi
ou le procureur général du Roi et la chambre correctionnelle de la Cour d’appel semble être
une garantie. Mais dans la pratique la seule protection du droit à la sûreté semble être la
conscience de ces officiers quant à la gravité de la mesure de la garde à vue et quant au
respect des instruments internationaux des droits de l’homme.
b) Information de la famille
La famille de la personne gardée à vue doit être informée par tout moyen et
mention de cet acte doit figurer sur le P-V.
Avant la loi du 22-01 de 2002, ce droit n’était pas reconnu au gardé à vue. La
réforme a permis donc l’intervention d’un avocat lors d’une mesure de garde à vue.
Quel est son rôle ? A-t-il des prérogatives équivalentes à celles dont il
bénéficie au cours de l’instruction : présences aux auditions, interrogatoires, connaissance du
dossier ?
L’art. 66 C.P.P. fait du contact d’un avocat un droit de l’individu gardé à vue
qui en bénéficie quelle que soit la nature de l’infraction en cause, « cette assistance permet
d’étendre, timidement, les bases du procès équitable dès l’enquête de flagrance »32mais il a
limité ce droit quant au moment de son exercice. Cet article énonce que : « la personne placée
en garde à vue peut, en cas de prolongation de celle-ci, demander à l’O.P.J. à s’entretenir
avec un avocat … », et ajoute : « l’avocat désigné peut également communiquer avec la
personne placée en garde-à-vue ».
Cependant, deux exceptions sont apportées à ce régime général, la première
relative aux mineurs pour qui la lecture de l’article 460 C.P.P. permet de déduire qu’aucun
moment de l’intervention n’a été fixé, ce qui signifie que les mineurs ont le droit de
s’entretenir avec un avocat dès le début de la rétention.
La deuxième exception consistait à décaler le moment de l’intervention lorsque
l’enquête porte sur les infractions terroristes et certaines infractions énumérées par l’article
108 C.P.P. Dans ces cas, l’intervention ne doit pas dépasser 48 heures à partir de la première
prolongation qui est d’une durée de 96 heures.
La question qui se pose est dès lors de savoir la nature de l’intervention de
l’avocat au cours de la garde à vue.
Les pouvoirs de l’avocat à ce stade sont limités. En premier lieu, ils sont
limités dans le temps, puisque le client ne peut s’entretenir avec son avocat que dès la
première heure de la prolongation de la garde-à-vue pour une durée qui ne dépasse pas 30
minutes, sous le contrôle de l’O.P.J. et dans des conditions qui garantissent la confidentialité
de cet entretien (art. 66, al. 5 C.P.P.).
En second lieu, l’avocat n’a le droit ni d’avoir accès au dossier de la personne
gardée à vue, ni informé de la date présumée de l’infraction reprochée ni de sa nature, ni
d’assister aux interrogatoires, ni d’être informé des résultats de l’enquête qui a été réalisée. A
cet effet, sa mission se résume à vérifier les conditions dans lesquelles se déroulent la garde à
vue, et il se base uniquement sur les dires de la personne mise en cause.
De ce fait, il est difficile de parler d’une véritable défense comme celle qui
existe pendant l’instruction où l’avocat est appelé à assister à l’interrogatoire de l’accusé et a
le droit à un accès direct au dossier de celui-ci.
C’est dire que cette assistance se limite à un dialogue entre le conseil et son
client, l’avocat ne pouvant participer aux différentes opérations effectuées par la police
judiciaire, en particulier aux interrogatoires et aux confrontations.
Il n’en demeure pas moins que les attributions reconnues à l’avocat sont moins
négligeables :
32
Mohammed-Jallal ESSAID, op. cit. P. 70.
• dès le départ, il peut produire des documents ou des observations écrites
à la police judiciaire ou au ministère public en vue de les joindre au procès-verbal ;
• progressivement, les prérogatives reconnues à l’avocat vont s’élargir au
moment de l’interrogatoire mené par le ministère public. Le conseil désigné ou
choisi peut assister à cet interrogatoire et demander que son client soit soumis à un
examen médical ;
• l’avocat peut même demander au ministère public la mise en liberté du
suspect, en contrepartie d’une caution pécuniaire ou personnelle (art. 73, al. 2
C.P.P.) ;
• l’O.P.J. est tenu d’informer, par tous les moyens, la famille de la
personne gardée à vue, dès qu’il décide de placer cette dernière en garde à vue et
de le signaler dans le procès-verbal (art. 67, al. 4) ;
• enfin, l’intervention directe ou indirecte du parquet, vise à protéger la
liberté individuelle, contre les abus éventuels de la police judiciaire. Ce contrôle se
poursuivra au niveau de l’exécution de la garde à vue. En effet, le registre des
déclarations doit être mis à la disposition du ministère public (art. 68 C.P.P.). Il
suffit d’énumérer quelques énonciations de ce registre pour se rendre compte qu’il
s’agit d’assurer le respect de la présomption d’innocence et des pactes
internationaux : point de départ de la garde à vue, durée des interrogatoires, temps
de repos, état de santé ;
• l’efficacité de ces dispositions dépendra de l’observation d’une
obligation mise à la charge du procureur du Roi (art. 45 C.P.P.). Il doit en effet
visiter les locaux ménagés pour l’exécution de la garde à vue au moins deux fois
par mois.
Cette présentation permet de se poser la question sur les conséquences de
l’inobservation des règles qui entourent la garde à vue.
Le code de procédure pénale ne dit mot sur la question, et la jurisprudence est
hésitante. Mais un arrêt de la Cour suprême donne un peu d’éclairage à ce brouillard. En effet,
dans son arrêt du 14 juin 1972, la haute juridiction a estimé que les dispositions sur la garde à
vue ne seraient pas prescrites à peine de nullité, à une exception près, si l’inobservation d’une
règle avait entaché la manifestation de la vérité d’un vice de fond33.
Cette solution est, à notre sens, insuffisante pour protéger les droits de l’individu placé
en garde à vue et pour donner corps à ces règles garantissant ces droits. En effet, il faut
envisager un mécanisme qui oblige l’O.P.J. d’observer les mentions prescrites par la loi, et
qui consiste essentiellement dans la nullité de la procédure et les procès-verbaux. Cette
protection demeure vide de sens, si elle ne revêt pas un caractère obligatoire, et cela ne peut se
concevoir sans sanction.
Cette opinion est partagée par le professeur Mohammed-Jallal ESSAID pour qui : « la
propriété individuelle est mieux protégée contre les abus éventuels de la police judiciaire que
la liberté des personnes poursuivies »34. En effet, les dispositions qui réglementent les
perquisitions et les visites domiciliaires sont prescrites, selon l’article 63 C.P.P., à peine de
nullité.
33
Cour suprême, 14 juin 1972, dossier n° 39047 – Cour suprême 25 mars 1986, Rev. Jurisp. Et Droit, n° 138, p.
279.
34
Op. cit. p. 74.
d) L’absence de l’intervention du médecin au cours de la garde à vue
Le législateur impose que soit établi l’ensemble des actes accomplis par
l’O.P.J. pendant le placement d’une personne en garde-à-vue par deux moyens essentiels : le
registre et le P-V. L’a. 66, al. 11 C.P.P. dispose qu’ : « un registre, côté et paraphé par le
Procureur du Roi, doit être tenu dans tous les locaux susceptibles d’accueillir des personnes
placées en garde-à-vue ». Il y sera fait mention de l’identité de la personne retenue, des
motifs de sa garde-à-vue, l’heure du départ et de la fin de celle-ci, le temps des
interrogatoires, les moments de repos, l’état physique et de santé de la personne et la
nourriture qui lui a été offerte (al. 13).
La règle est qu’il est mis fin à la garde à vue soit par la fin du délai légal, soit
par une décision de l’O.P.J. ou du ministère public avant l’écoulement total du délai légal en
raison de la disparition du besoin qui la justifiait.
En principe, la présentation d’une personne au ministère public doit mettre fin
à sa garde à vue. Lorsque le procureur du Roi procède à l’interrogatoire d’un suspect, il ne
possède à l’issue de celui-ci que deux options : libérer la personne ou faire en sorte qu’elle
reste retenue à la disposition de la justice, en présentant un réquisitoire aux fins d’information
assorti d’une requête de mise en détention préventive ou en ordonnant un dépôt jusqu’à ce
qu’il soit déféré devant le tribunal (art. 47, et 74 C.P.P.).
35
CEDH, 2e sect., 17 janv. 2012, Fidanci c. Turquie, n° 17730/07.
L’enquête préliminaire ou de droit commun, est une procédure moins
rigoureuse que l’enquête de flagrant délit, mais elle ne procure à son auteur que des pouvoirs
limités.
Ce type d’enquête tient une place importante dans l’exercice des fonctions de
la police judiciaire. Elle est de pratique quotidienne et constitue le moyen d’information le
plus courant de celle-ci.
Bien que restreintes, les possibilités offertes par cette procédure sont
suffisantes pour faire aboutir les investigations dans de nombreuses affaires.
§. 1 – Les acteurs
Toutes les opérations, effectuées dans le cadre de cette enquête, sont dirigée
par le procureur du Roi ou le procureur général du Roi chacun en ce qui le concerne.
Il s’agit principalement des cas où l’O.P.J. ou l’A.P.J. :
• transport sur les lieux ;
• procède aux constatations ;
• effectue des perquisitions et saisies ;
• procède à l’audition des témoins et des personnes paraissant avoir
participé à l’infraction et avise le procureur du Roi dès qu’une personne est identifiée
suite à des indices tangibles ;
• conduit devant le procureur du Roi toute personne contre laquelle
existent des indices graves et concordants de nature à motiver sa mise en examen.
3) Constatations
4) Perquisitions et saisies
5) Auditions
36
Sauf celles protégées par un secret prévu par la loi.
Le témoin (ou la personne soupçonnée convoquée par un O.P.J.) est tenue de
comparaître, à défaut, il peut y être contraint par le procureur du Roi.
Si le témoin ou la personne soupçonnée fait sa déclaration et répond aux
questions de l’enquêteur, il doit lire lui-même sa déclaration et la signer, après avoir fait
consigner, s’il y a lieu, ses observations.
Les heures de début et de fin de chaque audition doivent être mentionnées au
procès-verbal. Les personnes, à l’encontre desquelles il n’existe pas d’indices faisant penser
qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction, ne peuvent pas être retenues au-
delà du temps strictement nécessaire à leur audition.
Cette enquête est toujours menée par un O.P.J. Mais à la différence des deux
enquêtes précédentes : préliminaire et de flagrance, l’enquête sur commission rogatoire, une
instruction préparatoire est ouverte par un juge d’instruction qui ne peut tout faire lui-même
parce que parfois, il est éloigné de l’infraction, donc il va par commission rogatoire ordonner
à un O.P.J. ou un autre juge d’instruction, qui est plus prêt de l’action d’effectuer telle ou telle
démarche pour recueillir tel ou tel élément de preuve.
Il ne s’agit pas d’une délégation générale, le juge d’instruction ne peut
déléguer, d’une manière générale, tout son enquête, il reste à la tête de celle-ci, mais il peut
demander à la police d’accomplir certains actes parce qu’il est trop éloigné
géographiquement, parce qu’il n’a pas le temps, il a d’autres investigations à mener de son
côté.
Il est à noter que l’enquête sur commission rogatoire n’est pas contrôlé par le
procureur du Roi, mais par le juge d’instruction puisqu’une information est ouverte.