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Des députés communistes contre la finance pour la France en commun

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Les PME/TPE et le financement


de leur développement
pour l’emploi et l’efficacité
Frédéric Boccara

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté le 15 mars à la


majorité absolue (127 voix pour, 20 contre et 24 abstentions) un avis présenté par
Frédéric Boccara intitulé « Les PME/TPE et le financement de leur développement
pour l’emploi et l’efficacité ». Un avis du CESE établit un diagnostic et formule des
recommandations soumis au vote après élaboration collective : celles-ci ont ainsi reçu
l’appui de la majorité du CESE (15 groupes sur 17 dont les représentants des « vraies »
PME/TPE, l’artisanat et les professions libérales, toutes les organisations syndicales de
salariés, sauf la CFDT (abstention), etc. ; seul vote contre : le groupe des « entreprises »
représentant surtout les grandes entreprises et déclarant « les entreprises n’ont pas
de problème de financement » !). Ces recommandations sont donc le bien commun de
l’ensemble du CESE, troisième assemblée de la République. Elles peuvent être portées
au nom du CESE dans le pays, avec l’appui des différents membres et organisations qui
le composent. Les lecteurs d’Economie & Politique reconnaîtront des recommandations
qui s’inspirent largement, tout en s’en différenciant, d’idées qu’ils connaissent bien pour
les avoir lues dans ces colonnes. Démonstration est faite qu’elles peuvent rassembler
largement et de façon ouverte. Le texte intégral de l’avis est disponible à <http://www.
lecese.fr/travaux-publies/les-pmetpe-et-le-financement-de-leur-developpement-pour-
lemploi-et-leur-efficacite>.

les entreprises reste supérieure à ce sens où elles se situent « là où sont

L’
avis montre que le qu’offrent les banques ! les gens ». Mais leur articulation
financement ban- ‒ L’autocensure des PME/TPE avec les grandes entreprises et ETI
caire restera central pour demander du crédit est n’est pas claire et semble même
en France pour le importante : peut-être un quart de se détériorer, si on prend pour
développement des ces entreprises. témoin la dégradation des délais
PME/TPE. Deuxièmement, il de paiement entre entreprises « au
montre que malgré les statistiques ‒ Enfin, malgré un taux apparem- préjudice » des PME/TPE.
déployées par le lobby bancaire, le ment faible du crédit aux PME/
TPE (autour de 2 %) le poids des Il s’agirait de renouveler l’approche
crédit bancaire n’appuie ni suffi- richesses prélevées à l’occasion de l’investissement, face aux défis
samment, ni convenablement le des révolutions informationnelle
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du crédit et par les charges finan-


développement des PME/TPE, cières (intérêts, garanties, frais et écologique, dans le sens d’un
et qu’il n’est pas organisé pour se bancaires, impayés, provisions mixte de « dépenses de dévelop-
soucier de l’appui à leur efficacité financières, etc.) est très élevé : pement » comportant de plus en
ou à leur emploi : 27 % à 40 % des profits bruts des plus de dépenses pour les capa-
‒ Le flux de crédit aux PME/TPE PME/TPE. cités humaines et immatérielles
progresse à peu près au rythme du La faiblesse de moyens que les (formation, recherche, qualifi-
PIB (2,78 % en monnaie courante banques affectent à une orienta- cations etc.). Mais cela pousse à
contre 1,9 %) pour le PIB en mon- tion en faveur de l’appui à l’activité transformer le fonctionnement des
naie courante, ce qui est faible, ceci et aux projets des PME/TPE pose banques, du crédit et les critères
au moment même où le crédit aux problème, comme le montrent les selon lesquels il fonctionne.
grandes entreprises reprend vive- chiffres de nombre « conseillers L’emploi et la valeur ajoutée effi-
ment (+10,1 % en 2016). bancaires » aux PME/TPE mis en cace (c’est-à-dire économisant la
‒ Le refus de crédit reste un phé- lumière par le rapport. mise de fond en capitaux avancés)
nomène important. Les PME/TPE sont pourtant au devraient être privilégiés. Ils consti-
‒ La France est (avec la Grèce !) un cœur d’une certaine cohésion éco- tuent un confluent économique,
pays où la demande de crédit par nomique, sociale et territoriale, au social et culturel qui, en insistant
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sur une option de « développe- de développement, d’emploi et de gestion » aux dirigeant-e-s de
ment » et sur les enjeux nouveaux d’efficacité. PME/TPE.
des révolutions informationnels et ‒ Faciliter la transformation nu- ‒ Renforcer la culture et la forma-
écologiques, a permis de construire mérique efficace et l’investissement tion en gestion financière d’entre-
une majorité d’acteurs économique immatériel par des prêts de moyen prise des PME/TPE.
et sociaux qui ont voté cet avis, terme aux dépenses immatérielles
voire demain pour construire des sans caution personnelle et sans Relations interentreprises
majorités politiques. garantie, avec différé de rembour-
D’après l’avis, des fonds régio- sement à partir du « prêt croissance ‒ Responsabiliser les grands
naux de bonification du crédit TPE » de Bpifrance. groupes pour qu’ils assument les
devraient être mis en place pour frais de recouvrement de leurs
‒ Changer la dimension de Bpi- retards de paiement, en prévoyant,
faire levier sur le crédit bancaire france pour viser l’ensemble des au-delà des pénalités prévues, une
en impulsant les deux critères de TPE et promouvoir une autre clause optionnelle d’affacturage
« développement » l’emploi et la sélectivité du crédit. inversé dans tout contrat avec leurs
valeur ajoutée. fournisseurs PME/TPE.
BPI France devrait voir son rôle Améliorer la relation banques/ ‒ Envisager une diminution pro-
affirmé, amplifié et transformé PME-TPE gressive de 60 jours à 30 jours du
pour « une autre sélectivité du cré-
dit », en lien avec une articulation ‒ Limiter le recours par les banques délai légal maximal de paiement
nouvelle à explorer avec le reste aux garanties sur les biens person- interentreprises.
du système bancaire et financier nels des dirigeant-e-s de PME/
public ou mutualiste. TPE et promouvoir les garan- Europe et International
ties par des sociétés de caution Inciter la Banque centrale euro-
La question des critères du crédit mutuelle.
a été mise au centre des réorienta- péenne (BCE) à cibler ses refinan-
tions nécessaires. ‒ Pérenniser les missions de la cements aux banques de la Zone
Médiation du crédit et les élargir euro en faveur des PME/TPE
La BCE doit impulser une autre au conseil en amont des PME/ selon des critères d’emploi et de
orientation du crédit par son TPE. valeur ajoutée.
refinancement, ainsi que par une
utilisation de son Quantitative ‒ Renforcer la filière du métier de ‒ Mettre au cœur des négocia-
Easing en lien avec la BEI. conseil bancaire aux TPE. tions internationales de Bâle la
facilitation du crédit accordé aux
Des conférences financières régio- PME/TPE.
nales devraient être organisées Transparence et implication
sous l’égide des CESER (conseils régionale ‒ Financer la Banque européenne
économiques, sociaux et environ- ‒ Enrichir l’information publique d’investissement (BEI) par une
nementaux régionaux) et de leurs sur les crédits accordés aux PME/ partie du Quantitative Easing de
équivalents dans les Outre-mer. TPE et organiser des conférences la BCE pour atteindre l’objectif
Ils évalueraient les financements annuelles régionales et nationales, des 100 Mds€ dédiés aux PME/
et les investissements réalisés au avec les CESER et le CESE, sur TPE du Plan Juncker, d’ici 2020.
regard des emplois et de la valeur le suivi de ces crédits, des inves-
ajoutée créée. tissements qu’ils ont permis de PME en difficulté
Un certain nombre de recom- réaliser et leurs effets notamment ‒ Renforcer de façon significative
mandations spécifiques ont été sur l’emploi et la valeur ajoutée. la visibilité du Comité départe-
formulées sur le financement des mental d’examen des problèmes de
entreprises en difficulté (CODE- Fonds propres et épargne financement des entreprises (CO-
FI, conventions de revitalisation), ‒ Moduler à la baisse l’impôt sur DEFI) et renforcer ses moyens
sur les délais de paiements, sur le résultat des PME/TPE en cas financiers et humains.
les relations PME-groupes et sur d’affectation de celui-ci en fonds ‒ Faire du développement des
l’ESS (économie sociale et soli-
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propres à des fins d’investissements PME/TPE une des priorités du


daire). productifs, porteurs d’emploi. dispositif des conventions de
‒ Orienter une partie des fonds revitalisation des territoires en lien
Les préconisations du et des réserves de l’assurance-vie avec l’emploi.
rapport des ménages, de l’épargne soli-
daire et de l’épargne salariale des Économie sociale et solidaire
Orienter le crédit bancaire vers entreprises vers le financement des (ESS)
les PME/TPE avec des critères PME/TPE. ‒ Étendre aux entités de l’ESS tous
précis les dispositifs relatifs au finance-
Appui à la gestion ment dont bénéficient les autres
‒ Faire levier sur le crédit ban-
caire avec des Fonds régionaux ‒ Valoriser la mission « conseil de PME/TPE.
de garantie, de bonification et gestion » aux dirigeant-e-s d’entre- ‒ Faire que 50 % d’une subvention
d’amorçage dédiés aux PME et prises par les expert-e-s comptables votée pour une association soient
TPE, abondés par l’État, pour et systématiser la proposition versés avant le 31 mars de l’année
favoriser l’investissement porteur d’un volet optionnel « conseil concernée.
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au plus près des habitant-e-s et impulsion de demande, tout en
par l’attractivité qu’elles donnent participant d’une transformation
Bonnes feuilles à un territoire. S’il est clair que efficace de l’offre. Ce rôle clé du
du rapport la création et le développement
de l’emploi, de la valeur ajoutée
financement et du crédit bancaire
ressort des différents rapports
et de l’activité économique réelle officiels consacrés à ces entreprises.
ne peuvent reposer sur cette seule C’est le constat issu des auditions
Introduction catégorie d’entreprises, d’ailleurs réalisées par le Conseil écono-
Dans un contexte de transfor- fort diverse, il est tout aussi clair mique, social et environnemental
mations du travail et des activités que l’emploi et une croissance (CESE) dans le cadre de cet avis.
économiques, de massification du saine ne pourront pas vraiment se C’est aussi ce qui ressort d’un
chômage et du sous-emploi, les développer si ces entreprises sont raisonnement économique fon-
petites et moyennes entreprises et freinées dans leur développement damental qui montre que le crédit
les très petites entreprises (PME/ et leur efficacité. n’est pas un pis-aller mais une
TPE) apparaissent comme un le- Cet enjeu majeur appelle une série nécessité incontournable. Pour
vier majeur pour créer des emplois de défis à relever, sachant que le produire, il faut des équipements
sur tout le territoire national. Elles présent avis porte sur le déve- ou machines, de la formation, de la
sont d’ailleurs au sommet de la loppement des PME/TPE – les recherche et innovation, de la pros-
confiance des Français-e-s (à hau- phases de la création, pour laquelle pection, des achats de matières,
teur de 81 %) avec les hôpitaux et beaucoup a été fait dans les quinze des bâtiments, etc. Mais, produire
l’armée, selon un récent sondage dernières années même si cela peut prend toujours un certain temps.
réalisé par OpinionWay pour toujours être amélioré, ou celles Avant de produire, il faut donc en
le compte du Cevipof. Dans le de la transmission, constituant amont financer ces dépenses par des
même temps, les banques ont un chacune un sujet en elle-même. avances monétaires – fonds exis-
rôle majeur d’appui économique Par ailleurs, la France souffre d’une tants ou crédits bancaires. Il s’agit
au développement des PME/TPE insuffisance de PME de grande ainsi de réhabiliter le rôle décisif
et de pivot de leur financement. taille, voire d’entreprises de taille du système de financement et d’un
Toutefois, selon la même enquête, intermédiaire (ETI). endettement maîtrisé pour appuyer
elles ne sont créditées que d’un le développement de l’emploi et de
indice de confiance de 30 %. […] Premier défi, le rôle des banques l’activité des PME/TPE. Au tout
Articuler financement et dévelop- et du crédit. Les statistiques ban- premier rang, le crédit bancaire
pement des PME/TPE pour le caires sur les montants globaux qui, en France, joue et continuera à
bien commun – à savoir l’emploi font apparaître un flux de finance- jouer dans les années à venir un rôle
et la valeur ajoutée dans l’efficacité ment et de crédit bancaire impor- de premier plan pour l’immense
– est crucial. Cela demande une tant vers les entreprises, y compris
ambition à la fois économique, les PME. Pourtant, un certain
sociale et culturelle. Il faut sortir nombre de remontées d’entreprises
d’une certaine méfiance qui, à ne corroborent pas cette situation.
tort ou à raison, nuit à la relation En effet, même un faible pour-
entre PME/TPE et système ban- centage de refus concerne méca-
caire et financier. L’orientation niquement plusieurs centaines de
pour l’emploi et la valeur ajoutée milliers d’entreprises. En outre, ni
efficace peuvent devenir pro- la croissance, ni l’investissement,
gressivement le souci commun, ni l’emploi ne sont vraiment au
rendez-vous. Or, l’objet de cet avis
bénéficiant mutuellement à tous.
est précisément de permettre que Au-delà des
Ceci est d’autant plus nécessaire
dans les conditions profondément le financement favorise l’emploi, agrégats nationaux,
la valeur ajoutée et l’efficacité. Il
nouvelles des révolutions techno-
s’agit de réconcilier des statistiques le rôle des PME/
logiques et écologiques en cours.
bancaires et ce ressenti. Sait-on TPE est pivot dans
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Les PME/TPE représentent près rapprocher financement allant


de la moitié de l’emploi et de la ri- aux entreprises, création d’emplois les territoires tant
chesse produite par les entreprises. et valeur ajoutée créée ? Qu’en par le maillage fin
Leur contribution à l’emploi et est-il de l’appui du système de
à la croissance est donc décisive. financement au développement du tissu productif
Elle n’est cependant pas exclusive
de la nécessaire contribution des
des PME/TPE et à l’emploi : est-il et d’activités
effectif et efficace, et dans quelle
autres entreprises, avec lesquelles mesure sommes-nous capables de économiques que
elles peuvent avoir en outre des
relations commerciales, produc-
l’évaluer ? par leur présence
Les enquêtes européennes et natio-
tives, voire de sous-traitance ou nales soulignent certes que le pro- au plus près des
de filialisation.
Au-delà des agrégats nationaux, le
blème d’insuffisance de demande habitant-e-s et
est ressenti en premier mais le
rôle des PME/TPE est pivot dans financement constitue un levier par l’attractivité
les territoires tant par le maillage décisif pour appuyer le dévelop- qu’elles donnent à
fin du tissu productif et d’activités pement des PME/TPE. Il pourrait
économiques que par leur présence d’ailleurs contribuer à donner une un territoire.
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majorité de ces entreprises. Au- les PME et les TPE qui irriguent […]
delà, c’est un défi culturel et ins- ces territoires. Mais il existe aussi
titutionnel profond qui est devant des fractures économiques entre Le crédit bancaire :
nous : orienter l’activité bancaire et d’une part, les grand-e-s donneur- au-delà des statistiques,
la finance vers l’appui à l’activité euse-s d’ordre – souvent des firmes un ressenti du terrain
réelle efficace, porteuse d’emploi multinationales ou des groupes de Les statistiques montrent un
et de valeur ajoutée. Un défi que la grande distribution disposant de crédit bancaire en augmentation
plusieurs rapports du CESE ont moyens considérables – et d’autre pour les PME/TPE, mais déjà
1. Les SCI sont
pointé et que nous développerons part, le reste des entreprises. Il faut en ralentissement depuis la deu-
assez diverses
par des préconisations précises tout faire pour favoriser les coopé- mais, en poids
adaptées aux PME/TPE, quel que rations entre toutes les entreprises xième partie de l’année 2016. de capital, ce
soit leur statut juridique. en faveur de l’emploi et de la valeur Sur un an, de décembre 2015 sont essen-
ajoutée, tout faire pour conforter les à décembre 2016, la croissance tiellement les
Deuxième défi, la nouveauté. La de l’encours de 2,7 % est com- SCI de grands
révolution informationnelle place PME/TPE dans le financement de parable à ce qu’on observe pour groupes qui
nos économies face à de nouveaux leur développement territorialisé. À les ETI (+2,7 %), mais se situe pèsent.
enjeux : la nécessaire transfor- l’heure où notre pays peut se cou- bien en deçà de celle notée pour
mation numérique de toutes les vrir de mini-centres de production les grandes entreprises (+10,2 %)
entreprises, le changement des à la demande dans le contexte de la ainsi que pour les sociétés civiles
critères d’évaluation pour leur fi- phase numérique de la révolution immobilières (SCI1, +7,9 %), tout
nancement, le besoin d’une vision informationnelle, c’est se donner ceci pour une croissance du PIB de
renouvelée de l’investissement et les meilleures chances de crédibi- 1,9 % en valeur pour l’année 2016
de l’efficacité – car les dépenses de liser le rééquilibrage territorial de (1,1 % en volume). On observe
développement des entreprises se la France. aussi une baisse du taux du crédit
limitent de moins en moins à des *** pratiqué auprès de ces entreprises.
investissements matériels – mais Toutefois, certain-e-s chef-fe-s
aussi l’évolution du financement Les PME/TPE, y compris les
lui-même. entités de l’économie sociale et d’entreprise exposent un ressenti
solidaire (ESS), constituent une différent et rapportent une cer-
Troisième défi, alors que l’inves- population très diverse de plus taine tension et des difficultés
tissement des PME/TPE est en de 3 millions d’entreprises. Elles notables. Si 30 % des dirigeant-e-s
recul depuis la crise de 2008 (selon sont définies comme suit : les de TPE ayant demandé un crédit
la Banque de France), celui de la petites et moyennes entreprises de trésorerie ne l’ont pas obtenu
capacité de rebond en lien avec (PME) sont des entreprises qui en totalité ou en grande partie,
une transformation de l’offre pro- d’une part occupent moins de 250 selon la Banque de France, cela
ductive, industrielle et de services, personnes, d’autre part ont un représente tout de même près de
pour être en capacité de répondre à chiffre d’affaires annuel n’excédant 100 000 personnes. Le vécu de
une reprise de la demande – inté- pas 50 millions d’euros ou un total nombreux chef-fe-s d’entreprises
rieure et extérieure – voire pour de bilan n’excédant pas 43 millions est fortement marqué par une idée
impulser cette demande, en conju- d’euros. Au sein des PME, les très qu’exprime l’adage « on ne prête
guant durabilité écologique avec petites entreprises (TPE) sont des qu’aux riches ». Et la représenta-
efficacité sociale et économique. entreprises qui d’une part occupent tion du rôle d’une banque est tra-
Quatrième défi, les fractures ter- moins de 10 personnes, d’autre part versée de visions contradictoires,
ritoriales entre les métropoles et ont un chiffre d’affaires annuel ou souvent par les mêmes personnes :
des territoires, ruraux comme péri- un total de bilan n’excédant pas à la fois celle d’une institution qui
urbains. Or ce sont précisément 2 millions d’euros. cherche à faire de l’argent avec

Principales caractéristiques des PME/TPE


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Source : Insee Références, édition 2016, p. 79. Chiffres relatifs à l’année 2013, dernière année disponible.
* : Micro-entrepreneur est la nouvelle désignation de l’auto-entrepreneur.
ETP : équivalent temps plein.
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l’argent (« votre argent m’inté- Il convient cependant de prendre Comparaison entre offre et
resse ») mais aussi celle d’une en compte trois éléments. En demande de crédit 2. Ceci sans
institution d’appui au dévelop- premier lieu, le nombre de refus
pement de l’économie, tout en sur les dossiers déposés n’est pas Les statistiques sur les refus de tenir compte
crédit par les banques font partie d’éventuels
préservant la sécurité des dépôts, négligeable et concerne un grand biais sta-
et en même temps une institution nombre d’entreprises, une fois d’une approche plus large cher-
tistiques :
dont on attend qu’elle fasse bien rapporté au nombre de PME et chant à comparer offre de crédit présence de
« travailler » son propre argent, en de TPE concernées (plusieurs di- (par les banques) et demande par holdings et de
lui apportant un rendement élevé. zaines de milliers de PME et entre les entreprises. Il peut y avoir en filiales de plus
Il faut bien voir que les excès de 700 000 et 1 million de TPE). En effet un crédit abondant mais in- grands groupes
financiarisation et de spéculation deuxième lieu, la proportion de suffisant par rapport à la demande parmi les TPE
ayant abouti à la crise financière refus est significativement plus ou inversement. et les PME,
La Banque centrale européenne seuil d’enre-
de 2008 n’ont pas vraiment fait élevée pour les TPE que pour gistrement
reculer ce type de représentation, les PME notamment pour les (BCE) conduit depuis 2009 une
des crédits à
d’autant qu’ils n’ont jamais vrai- demandes de crédits de trésorerie enquête semestrielle sur l’accès au 25 000 euros
ment cessé. De même, les profits qui représentent près d’une PME financement par les entreprises alors que,
importants réalisés à nouveau ces sur cinq et une TPE sur trois. En (SAFE, pour Survey on Access to d’après l’Insee,
dernières années par les banques troisième lieu, il existe un phé- Finance by Enterprises), qui inter- la médiane
confortent cette idée. nomène d’autocensure sur lequel roge une proportion significative de l’investis-
[…] nous reviendrons. et représentative de PME/TPE de sement d’une
TPE se situe à
5 000 euros.
Flux et encours de crédit
Au sein des crédits à l’investisse-
ment, ce sont les crédits à l’immo-
bilier qui croissent tandis que le
flux de crédits à l’équipement et Financement des entreprises : quelques distinctions
aux machines n’augmente pas
véritablement (cf. graphique). En
effet, les statistiques de crédits à Il est possible de distinguer les sources de financement selon leur nature économique
l’investissement comprennent ou leur origine. En outre, elles ont des logiques de fonctionnement différentes.
l’équipement matériel et l’immo- Selon leur nature économique, les sources de financement sont le crédit et l’épargne.
bilier. Ce dernier n’est porteur Le crédit constitue une avance, c’est-à-dire des fonds créés à cette occasion, tandis
ni de la même efficacité ni de la que l’épargne est constituée de fonds passés existants. Du point de vue macro-éco-
même production que l’équipe- nomique, le crédit est une anticipation de création de richesses (de valeur ajoutée) et
ment. Il est aussi marqué dans cer- demandera, pour être remboursé, que les richesses soient effectivement produites au
tains endroits par le niveau élevé fur et à mesure. L’épargne est prélevée sur les fonds existants. Elle s’inscrit dans la
du prix de l’immobilier pouvant, limite de ces fonds existants accumulés. Ces notions sont importantes lorsqu’on parlera
par là même, contribuer à obérer du besoin en fonds de roulement (BFR).
le financement de l’investisse-
ment en équipements matériels Selon leur origine, les fonds d’une entreprise peuvent être distingués entre fonds
et en machines. Cela se retrouve propres, apportés ou laissés en réserve par les propriétaires de la société, qui est géné-
aussi dans le fait que les activités ralement l’entité juridique porteuse de l’entreprise, et fonds empruntés par cette même
immobilières représentent plus entité juridique. Les fonds propres de l’entreprise comprennent le cas échéant le capital
du quart de l’encours des crédits social apporté à l’entreprise par ses propriétaires et les bénéfices mis en réserve au fil
mobilisés par les PME (105 Mds€ du temps. Pour les PME/TPE, il est pertinent de distinguer parmi les détenteur-rice-s de
sur 385 Mds€, soit 27 %)2. Ces fonds propres les dirigeant-e-s, qui sont le plus souvent également propriétaires, des
chiffres convergent avec le constat autres propriétaires qui ne souhaitent pas diriger l’entreprise mais vont attendre une
de l’OFCE selon lequel « l’inves- rémunération, soit par un flux régulier de revenus, soit, au moment de leur « sortie »
tissement des entreprises semble de l’entreprise, par la revente de leurs parts.
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trop orienté vers l’immobilier du La logique qui sous-tend ces différents fonds dépend largement de la nature de
fait de prix élevés et non vers la
montée en gamme » (Policy Brief, l’institution apporteuse avec laquelle l’entreprise est en relation. Le financement peut
novembre 2016). être apporté (i) par des individus (soit directement, soit à travers des associations
professionnelles ou autres, soit à travers des plates-formes de crowdfunding), (ii) par
[…] des banques et autres institutions financières, (iii) par les marchés financiers, utilisés
Taux d’acceptation et de refus en général par les grandes entreprises, sous forme de titres négociables (c’est-à-dire
que l’on peut acheter, vendre et revendre). La valeur d’un titre négociable évolue au gré
du crédit
du marché : titres de propriété (actions) ou titres de dette (obligations). Cette valeur
Second type de statistiques sur fluctuante sur le marché va être la base de calcul de la rémunération attendue. En outre,
le crédit bancaire, celles relatives sauf présence dans les instances de gouvernance de l’entreprise, il n’existe pas de rela-
aux refus de crédit. Elles font tion directe entre les propriétaires des fonds et l’entreprise autre que la participation à
apparaître un faible taux de refus l’assemblée générale des actionnaires. Il peut s’intercaler des intermédiaires entre les
par les banques avec toutefois une propriétaires et l’entreprise, dont tout particulièrement les fonds d’investissements. Le
difficulté qui se concentre sur fonctionnement sur la base d’un prêt est différent. Une fois le prêt contracté, le coût
les crédits de trésorerie aux TPE
(31 % de refus). du prêt est en général connu et prévisible, notamment dans la relation bancaire. Une
relation s’établit entre l’apporteur de fonds, le prêteur (banque ou autre), et l’entreprise
pendant la durée du prêt.
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la Zone euro. L’enquête, dont les tion à moyen terme). Beaucoup vés ou pour des montants plus
résultats sont publiés par la BCE, d’auditions ont pointé l’ampleur faibles que ceux souhaités (35 %,
fait apparaître pour la France un de ce phénomène, notamment au +2 points), qu’elle demande des
progrès de l’accès au crédit pour préjudice des dirigeant-e-s de TPE, garanties supplémentaires (33 %,
les PME fin 2016. Pour l’offre de et l’urgente nécessité d’y remédier. +2 points) ou qu’elle réduit des
découverts bancaires, on n’observe Sur le premier aspect, à savoir crédits ou des facilités de compte
pas d’amélioration et le niveau est l’autocensure consciente par les courant (30 %, -2 points) ».
bas (seule la Grèce enregistre un chef-fe-s d’entreprise, on dispose
niveau très mauvais). L’enquête de quelques statistiques. Ainsi, une Taux et coût du crédit
propose enfin un indicateur syn- enquête menée en septembre 2016 L’accès au crédit ne suffit pas à
thétique de l’écart entre demande pour la SIAGI, société de caution caractériser la situation des PME/
et offre de crédit. Pour les PME/ mutuelle des TPE, s’intéresse aux TPE au regard du crédit bancaire.
TPE françaises, cet écart s’est raisons de ceux qui n’ont pas sol- Le coût du crédit est un élément
réduit fin 2016 mais il reste défa- licité un prêt : 43 % d’entre eux très important. Les enquêtes de la
vorable et la France est, avec la évoquent différents freins « trop Banque de France montrent que,
Grèce, le seul pays de la Zone euro de garanties demandées, leur inex- vu des banques, le taux du crédit a
où la demande de financements se périence en matière de crédit, un diminué. Il se situe plus bas que la
trouve supérieure à l’offre. investissement non finançable par plupart des pays de la Zone euro,
un prêt, l’anticipation d’un refus, hors autres éléments de taux glo-
Autocensure des entreprises la lourdeur administrative pour bal du crédit (coût de la garantie,
La demande de crédit par les monter le dossier ». Par ailleurs, notamment), mais ceci sans tenir
PME/TPE ne prend en compte près de 15 % des dirigeant-e-s de compte des différences d’inflation
que la demande exprimée aux TPE disent « ne pas faire appel (1 point de plus en Allemagne).
banques par les entreprises elles- au crédit par principe », selon Les statistiques montrent cepen-
mêmes, hors autocensure. On ne la Banque de France. Une autre dant qu’un écart de taux d’envi-
va pas voir le banquier parce qu’on source est le baromètre KPMG- ron 1 point persiste entre les
pense qu’il va refuser un crédit (la CGPME selon lequel 25 % des entreprises selon leur taille. À cet
banque peut en avoir déjà refusé, dirigeant-e-s de PME indiquent écart, il faut en outre ajouter les
le banquier a alerté sur le sujet et la en septembre 2016 se restreindre autres coûts du crédit, notamment
situation s’est dégradée) ou que ce dans leurs demandes de finan- celui de la prise de garantie. Dans
type de besoin n’est pas finançable, cement en raison des difficultés les Outre-mer, d’après l’Institut
par exemple, un besoin de finan- d’accès au crédit. De la même en- d’émission des départements
cement des stocks ou un besoin quête, il ressort que 64 % des chef- d’outre-mer (IEDOM) et l’Institut
de formation. L’autocensure peut fe-s d’entreprise interrogé-e-s ont d’émission d’outre-mer (IEOM),
aussi découler du refus par le-la « l’expérience récente d’au moins les taux d’intérêt sont encore un
chef-fe d’entreprise de se déve- une mesure de durcissement par sa point au-dessus de ceux observés
lopper, de perdre le contrôle de ou ses banque(s) », pourcentage en dans la métropole.
son entreprise ou de s’endetter (la diminution mais qui reste élevé ; et
culture dominante étant qu’il ne un tiers des chef-fe-s d’entreprise En outre, les taux sont plus élevés
faudrait pas avoir de dettes, alors déclare que sa banque « finance pour les PME indépendantes,
que c’est souvent la meilleure solu- son entreprise avec des frais éle- beaucoup plus faibles pour les
grandes entreprises et les holdings,
et se situent à un niveau inter-
Flux de crédit aux TPE médiaire pour les PME filiales de
groupes. Cette situation prévaut
également dans les Outre-mer.
Au-delà de la différence du taux
de crédit à moyen et long terme
qui, tout en étant défavorable
Economie et politique/ mars-avril 2017/752-753

aux PME/TPE, reste bas, il faut


noter pour ces dernières le recours
beaucoup plus fréquent aux auto-
risations de découvert dont le taux
est, lui, très élevé.
Le taux d’intérêt moyen des crédits
pratiqués aux PME est de 1,79 %
en France en novembre 2016, soit
en nominal 0,5 point en dessous de
la moyenne de la Zone euro. Mais
si l’on tient compte de l’inflation,
plus faible de 0,3 point en France,
le taux d’intérêt réel en France
se situe seulement 0,2 point au-
dessous de la moyenne de la Zone
Source : Banque de France. euro (par rapport à l’Allemagne,
Crédits nouveaux aux micro-entreprises. Indice 100 = premier trimestre 2013. le taux d’intérêt nominal se situe
Des députés communistes contre la finance pour la France en commun

35
0,7 point en dessous, pour une les prêts n’est ni identifié, ni suivi. dans le cadre de la révolution
inflation 0,9 point en dessous, soit Du reste, les critères comptables numérique et informationnelle.
un taux réel supérieur de 0,2 point et quantitatifs des décisions des […]
en France ; avec l’Italie, la situation banques portent sur l’évaluation
est légèrement inversée puisque le et le suivi de la rentabilité des Renouveler l’approche
taux d’inflation y est plus faible entreprises, ou leur solvabilité,
de 0,2 point). Les écarts entre plus que sur leur efficacité globale. de l’investissement
taux nominaux pratiqués envers Le rapport Villeroy de Galhau face au défi de la
les PME/TPE entre la France et sur l’investissement des entre- révolution numérique,
la Zone euro ou l’Allemagne sont prises, remis en septembre 2015 informationnelle et
donc peu significatifs, car ils sont au Premier ministre, craint jus- écologique
en grande partie compensés par tement une « perte d’efficacité Le rapport Villeroy de Galhau met
des écarts différentiels d’inflation de l’investissement qui nourrit l’accent sur « la tendance préoc-
entre les pays. l’hypothèse du mal-investisse- cupante ces dernières années à la
En outre, le taux n’est qu’un élé- ment ». L’efficacité (voir encadré baisse du taux d’investissement des
ment de l’impact d’un crédit sur « Efficacité et rentabilité »), qui PME ». Ses deux premières recom-
une entreprise en termes de coût. renvoie à l’ensemble de la valeur mandations sont : améliorer l’accès
Il faut prendre en compte deux ajoutée, est cependant présente de des TPE au crédit, notamment de
autres éléments : les autres coûts façon implicite lorsqu’une banque trésorerie ; développer le finance-
liés au crédit, notamment la prise implantée dans un territoire donné ment long du BFR. Il souligne
de garantie, et le poids de ce coût s’appuie sur des éléments complé- que la France accuse un « déficit
dans les prélèvements opérés sur mentaires pour prêter à une entre- de robotisation » dans l’industrie
les bénéfices de l’entreprise. prise en se préoccupant de tout le manufacturière (allant de 8 %
Pour cela, il faut se tourner vers revenu qu’elle va générer. Celui-ci dans l’industrie automobile à
les entreprises elles-mêmes pour va se retrouver aussi bien dans les 69 % dans la fabrication de pro-
mesurer le poids de leurs charges comptes des fournisseur-e-s de duits électriques et électroniques),
financières rapportées à leurs résul- l’entreprise que dans ceux de ses ceci sans distinguer les PME/
tats. Celles-ci incluent en outre salarié-e-s, qui constituent autant TPE. Il relève que l’intensité de
les frais de découverts bancaires, de dépôts bancaires des salarié-e-s l’investissement en équipements
les différents frais de commission, ou des fournisseur-e-s venant ainsi des technologies de l’information
de tenue de compte, etc. Il appa- sécuriser l’activité de la banque et et de la communication (TIC) est
raît alors un important poids des ses propres crédits. plus faible en France que dans le
charges financières pour les PME/ Ainsi, malgré une croissance de reste de la Zone euro et qu’il n’a
TPE (entre 27 et 40 %). Une nou- l’offre de crédits bancaires et les pas retrouvé son niveau antérieur
velle fois, ce coût est sensiblement améliorations fortes depuis le pic à la crise. Il pointe aussi un « vieil-
différent selon la taille des entre- de difficultés lié à la crise finan- lissement de l’appareil productif »,
prises, en défaveur des plus petites. cière de 2008, le crédit demeure appréhendé par l’augmentation de
Il est important de noter que les trop orienté vers l’immobilier, des l’âge moyen du capital depuis la
effets des prêts sur l’emploi et la difficultés persistent pour les prises crise de 2008.
valeur ajoutée dans les territoires de garantie, les crédits de tréso- Tous ces éléments pèsent bien sûr
ou sur l’efficacité des entreprises rerie aux TPE et sur deux points sur l’efficacité de mise en œuvre
concernées, ne sont pas connus. précis : le financement du BFR et de la combinaison productive,
Les différentes auditions nous ont celui des dépenses immatérielles avec des effets négatifs tout aussi
en effet amené à constater que (formation, numérisation, R & bien pour le revenu dégagé pour
l’effet des dépenses financées par D, organisation…), notamment le développement des entreprises
que pour les salaires. Ils pèsent
aussi sur le potentiel d’innovation
de l’économie française et donc sur
la montée en gamme au service de
Economie et politique/mars-avril 2017/752-753

la performance globale et d’une


compétitivité qui ne serait plus
basée exclusivement sur les coûts.
Ils influent donc sur la capacité de
rebond de l’économie française à
s’appuyer sur une reprise écono-
mique même faible et à diminuer
son déficit commercial. Dans le
même temps, les entretiens ont
mis en évidence le besoin d’ap-
puyer la transition numérique de
l’ensemble des PME/TPE. Après
les efforts faits en direction des
Source : Insee, Esane, 2014. PME technologiques et des start-
Charges financières = intérêts des emprunts + autres charges financières (commissions, etc.). up, c’est l’ensemble des PME/TPE
Profits bruts = excédent brut d’exploitation (EBE) + Produits financiers. qui doivent s’adapter, confirme
par exemple le délégué général
Les dossiers d'économie et Politique

36
du Pôle de compétitivité Cap en plus en moyens immatériels : se tourner vers une autre concep-
Digital auditionné. C’est aussi ce formation, recherche, logiciels, tion car, en prêtant pour un inves-
que souligne le Conseil national conception et même maintenance. tissement matériel, une banque
du numérique dans son avis de Joël Fourny, dirigeant d’une TPE prend un risque contre lequel elle
mars 2017 Croissance connectée, les industrielle, auditionné, explique peut se prémunir en prenant une
PME contre-attaquent. que pour qu’un investissement garantie sur la valeur de revente de
Ces transformations technolo- dans un nouvel équipement – au l’équipement matériel, ce qu’elle
giques touchent de façon transver- demeurant indispensable pour ne peut pas faire avec l’immaté-
sale l’ensemble des activités et des suivre la baisse des coûts de la riel. La transition écologique
entreprises. Or, elles demandent concurrence et rester compétitif pose en partie des défis de même
une logique nouvelle, avec les – soit efficace, il est indispensable nature que la révolution informa-
informations au cœur de cette de l’accompagner d’une forma- tionnelle, au sens où elle néces-
mutation technologique. On tend tion sur 2 à 3 mois de plusieurs site de penser une composante
à remplacer certaines activités du salarié-e-s, d’un achat de logiciel, immatérielle très importante dans
cerveau humain par des machines de l’abonnement à un service des dépenses de développement
ou des automates, maniant l’infor- de maintenance, de dépenses « globales », tout particulièrement
mation, la transformant et la d’études et de conception, etc. les dépenses de conception et de
transmettant, au lieu de remplacer Cet ensemble représente 30 % formation (mise aux normes, par
la main maniant l’outil par des à 50 % du coût de l’investisse- exemple). Elle nécessite donc elle
machines-outils. La logique de ment total. Son financement est aussi, impérativement, de penser
financement est alors différente : en revanche délicat dès lors qu’il ce financement.
les dépenses de développement s’agit de dépenses immatérielles La question des garanties et des
des entreprises ne consistent plus (y compris le maintien des salaires prises de sûreté repose actuelle-
seulement en des moyens matériels des ouvrier-ère-s/technicien-ne-s ment sur une garantie publique,
– les machines – mais aussi de plus durant leur formation) qu’il faut ou mutualisée, telle celles données
avancer. Les banques financent par les institutions publiques (Ré-
difficilement, comme on l’a vu, les gions tout particulièrement), par
dépenses immatérielles. Pour un-e Bpifrance ou par des organismes
artisan ou un-e commerçant-e, la de garantie mutuelle, comme la
transition numérique peut signi- SIAGI ou la SOCAMA. Cepen-
fier simplement la mise en place dant, le volume total des garanties
d’un site internet, correctement s’avère insuffisant. Par ailleurs, 3. Au lieu par
articulé à son activité, qui néces- exemple de
la logique du financement et de prendre un
site aussi une avance monétaire la garantie des investissements
pour des dépenses où l’immatériel risque de 2 %
immatériels est de nature diffé- de perte sur
domine. « Les investissements rente : se prémunir grâce à une chaque entre-
changent de nature » relève ainsi
On tend à le rapport Villeroy de Galhau. En
croissance possible de l’ensemble prise, et donc
des entreprises3. Cela revient à pour simplifier
remplacer effet, il s’agit plutôt de penser un mettre en avant l’ensemble des d’appliquer
« mix » de dépenses, en allant vers
certaines activités des dépenses de développement
revenus qui vont se diffuser dans le un coût du
tissu économique, la valeur ajoutée crédit de 2 %
du cerveau comprenant de plus en plus de disponible pour les territoires et les à chaque
dépenses immatérielles, et pas populations, ce qui ne rentre pas entreprise,
humain par des seulement des investissements dans la logique traditionnelle des accepter que,
machines ou au sens strict. L’absence de ces banques. Cela pose la question sur 100 projets,
dépenses rend parfois impos- d’autres critères d’évaluation des
2 échouent, en
des automates, sible la poursuite de l’activité ou entreprises et des projets ainsi
anticipant que
son renouvellement au niveau la réussite des
maniant des exigences de la concurrence.
que celle d’un autre type de crédit 98 fera plus
l’information, la impulsé par des organismes à que compenser
Economie et politique/ mars-avril 2017/752-753

De façon plus pernicieuse, leur vocation publique et sociale ou cette perte


transformant et la absence peut aussi, sans empêcher mutualiste : ces organismes publics par la valeur
l’investissement matériel, peser et semi-publics ne doivent pas être ajoutée qu’ils
transmettant, au sur son efficacité et alimenter des suivistes des banques dans leur génèrent.
lieu de remplacer cercles vicieux. sélectivité mais rechercher plutôt
Au regard de l’emploi, il est impor- les voies d’une autre sélectivité,
la main maniant tant de relever que la question de plus efficace, du crédit. […]
l’outil par des la transformation numérique ne
se pose pas dans les mêmes termes
machines-outils. dans les PME que dans les TPE :
Améliorer la relation
La logique de dans ces dernières, compte tenu du
entre les dirigeant-e-s de
faible nombre d’emplois, la crainte
financement est d’une diminution de l’emploi est PME/TPE et les banques
alors différente. bien moindre. […]
Or, on a bien vu que le finance- En pratique, les banques semblent
ment de l’immatériel est difficile. faire moins d’analyse de risque
Par nature, il appelle les banques à de crédit, voire laissent le soin
Des députés communistes contre la finance pour la France en commun

37
à d’autres acteur-trice-s de le moyenne de 5 ans. La dotation de
faire ; tels la SIAGI qui a proposé ces fonds régionaux se ferait par un
depuis peu une pré-garantie pour Fonds national, géré par Bpifrance
les dirigeant-e-s de PME/TPE, avec les organisations profession-
intervenant à l’initiative de ces nelles patronales et de salarié-e-s. Efficacité et rentabilité
derniers en amont de la demande La dotation pourrait provenir du
de crédit à la banque pour faciliter budget général de l’État ou de
l’acceptation du crédit bancaire ; fonds européens. On confond souvent efficacité et rentabilité du
ou tels les réseaux associatifs de Pour certains membres du CESE, capital. La rentabilité concerne le seul profit
financement des créateur-trice-s cette dotation pourrait provenir alors que l’efficacité vise l’ensemble de la
et des repreneur-e-s d’entreprises d’une partie du budget actuel valeur ajoutée. Dans les deux cas, on compare
(ADIE, France Active, Initiative consacré aux exonérations de cela à la dépense en capital avancé. Ainsi,
France et le Réseau entreprendre, cotisations sociales ou au CICE. l’efficacité évalue la mise en œuvre des moyens
notamment). Or, le cœur du Le même montant bénéficierait de production, en rapportant toute la valeur
rôle social et économique des ainsi aux entreprises, mais sous une ajoutée au capital mis en œuvre. Elle est appe-
banques est précisément de faire autre forme et dans des conditions lée parfois productivité apparente du capital.
cette analyse du risque de crédit différentes. La rentabilité rapporte une partie de la valeur
avec une approche personnali- ajoutée, le profit, à ce même capital avancé.
sée et globale vis-à-vis du-de la Pour d’autres membres du CESE,
le sujet de cette saisine n’étant pas Rechercher l’efficacité ne s’oppose pas à une
dirigeant-e de TPE. Force est de certaine rentabilité mais c’est une approche
reconnaître que la priorité affichée l’évaluation de certaines mesures
gouvernementales (exonération plus large. Améliorer l’efficacité permet de
par certains réseaux bancaires sur
le développement local et l’identité de cotisations sociales ou CICE), dégager plus de produit pour l’ensemble des
territoriale mérite d’être crédibili- le financement du fonds pourrait parties prenantes de l’entreprise, y compris
sée sur ce volet incontournable de être effectué par le budget de l’état pour les dépenses publiques et sociales
l’analyse du crédit, notamment sans que le CESE n’interfère sur dans les territoires. L’efficacité est au cœur
en déployant sur le terrain une le choix des postes budgétaires de la notion de « performance globale » de
véritable filière de conseiller-ère-s concernés. l’entreprise.
professionnel. le. s à la hauteur des […] La révolution technologique informationnelle
enjeux et alimentée par la voie de donne une importance nouvelle à la notion
l’alternance sans préjudice pour Réaffirmer le rôle de BPI- d’efficacité et aux critères qui l’accompagnent
les contrats à durée indéterminée Finance, cibler davantage car elle permet de viser conjointement le pro-
existants. les TPE grès des dépenses immatérielles et humaines
[…] Bpifrance, détenu à parts égales de qualification qui sont en large part incluses
Il importe ainsi d’agir en levier par l’État et la Caisse des dépôts, dans la partie de la valeur ajoutée qui va au-
sur les banques en orientant le est, depuis 2012, la banque pu- delà du profit.
sens de leur action pour appuyer blique d’investissement qui ac-
le développement des PME/TPE, compagne les entreprises aux côtés
y compris les entités employeuses des banques, pour le financement
de l’ESS, qui programment un de leur bas et haut de bilan.
développement de l’entreprise en […]
lien avec un progrès de la valeur Sur le volet du financement, Bpi-
ajoutée ou de l’emploi, pour des france s’est installée dans le paysage
emprunts à taux abaissés et avec mais demeure un acteur de taille Bpifrance depuis 2015. Le volume
des garanties raisonnables. Des limitée sur le crédit aux PME/ des prêts bancaires ainsi garantis
Fonds régionaux viendraient boni- TPE, avec 3,6 % de l’encours total par Bpifrance est de 8,4 Mds€ en
fier (jusqu’au taux zéro) ou garantir des crédits bancaires en 2015. Les 2016, dont 2 Mds€ en délégation 4. « Pour ce
des prêts bancaires à l’investisse- prêts de Bpifrance ne sont en prin- complète de décision aux banques. faire Bpifrance
ment matériel et immatériel selon cipe attribués qu’en cofinancement Dans ce cas, Bpifrance s’en remet intervient systé-
Economie et politique/mars-avril 2017/752-753

donc aux banques existantes pour matiquement


des critères précis – l’emploi et la de prêts bancaires associés, dans la en co-investis-
valeur ajoutée. La bonification du majorité des cas à hauteur de « un la sélection des dossiers. Elle vient
pour l’essentiel sécuriser ces dos- sement et de
prêt, comme de la garantie, devrait pour un ». La position de Bpi- façon minori-
tenir compte des projections pré- france influe positivement l’étude siers en apportant sa garantie et
taire, deux exi-
sentées par l’entreprise en termes du dossier par les banques. Son en portant une part importante gences qui ne
de développement, d’emploi ou de effet de levier est reconnu, même du risque. Elle agit ainsi plus par se retrouvent
valeur ajoutée. L’effet de levier per- si les banques gardent la maîtrise atténuation des critères de sélec- pas dans la
met une action publique porteuse de la décision finale d’accorder ou tivité existants dans les banques loi. Il semble
de sens et moins dispendieuse, non leurs concours. La décision qu’en promouvant une logique cependant
tout en laissant les banques faire des banques est de facto prépondé- différente d’efficacité4. paradoxal que
le travail qu’elles connaissent : avec rante pour l’octroi du crédit global, Les attentes des dirigeant-e-s de Bpifrance ait
PME/TPE restent fortes vis-à-vis pour objectif
un taux du marché autour de 2 %, ce qui peut amener en cas de refus premier de
un montant de 5 à 10 Mds€ per- à ne pas régler le financement de Bpifrance et appellent un chan-
combler les
mettrait de bonifier et de garantir de l’ensemble du projet. Dans le gement d’envergure pour pallier failles de
autour de 50 à 100 Mds€ d’inves- même esprit, jusqu’à 200 000 € certaines failles de marché. Bpi- marché, en
tissement matériel et immatériel de garantie, les banques disposent france devrait s’adresser à toutes
par an pour des prêts d’une durée d’une délégation de garantie de les TPE et promouvoir une autre
Les dossiers d'économie et Politique

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sélectivité du crédit : en accrois- Le refinancement du crédit ban- prêts en indiquant ceux qui vont
sant ses ressources, par dotation, caire est le levier principal lié au être financés aux meilleures condi-
par appel au refinancement de financement des PME/TPE. Il tions. Ainsi, les banques vont avoir
la BCE ; en supprimant les seuils procède comme suit : la BCE prête intérêt à en détenir davantage.
qu’elle applique, en nombre de des euros aux différentes banques C’est ainsi que la BCE a cherché
salarié-e-s, pour les entreprises et, en contrepartie, elle prend en à mieux cibler cette politique avec
susceptibles de bénéficier de ses pension des garanties qui sont le TLTRO, car le LTRO ne sem-
intervenant où
prêts ; en étant dotée d’une capa- constituées des prêts effectués par blait pas avoir d’effet suffisant sur
les acteurs pri- cité propre de sélection des dossiers la banque aux entreprises (formel- le crédit bancaire aux entreprises.
vés ne sont pas et d’évaluation socio-économique lement, ces prêts prennent alors la Ce ciblage (targetting) a consisté à
présents, mais (combien d’emplois et de valeur forme de titres non négociables). ajouter deux types de conditions
qu’elle doive ajoutée, en amont comme en Le taux auquel elle prête ces euros aux banques : faire suffisamment
dans le même aval des projets) ; en améliorant la aux banques pour les refinancer de crédit aux entreprises et faire
temps systéma- présence et le rôle des différentes est son taux « d’intervention », croître ce crédit. Mais il n’y a pas de
tiquement agir parties prenantes à sa gouvernance, le refi. On s’attend à ce qu’il soit conditions spécifiques sur le crédit
en co-inves- notamment en incluant leur pré- répercuté par elles dans le coût du accordé aux PME/TPE.
tissement ou sence au conseil d’administration, crédit qu’elles offrent aux entre-
en co-finance-
qui s’intéresse par exemple aux prises. Aujourd’hui, à la suite des Cependant, aucun boulever-
ment avec ces
critères des prêts, et pas seulement deux programmes, le LTRO (long sement du comportement des
mêmes acteurs
term refinancing operation), mis banques n’a été observé à la suite
privés. », in au conseil d’orientation. Bpifrance de ces programmes. Et d’ailleurs,
intervient la plupart du temps en place en 2011, puis le TLTRO
Rapport d’infor-
(pour targeted-LTRO), lui-même concernant les PME, le numéro 2
mation n° 3097 en aval des choix des banques, du directoire de la BCE, Benoît
à partir de dossiers sélectionnés mis en place en deux temps (2014
du 30 sep-
puis 2016), l’échéance de ces prêts Cœuré, s’est publiquement inquié-
tembre 2015 par celles-ci. À titre d’exemple, té à différentes reprises du fait que
de l’Assemblée la mise en place d’un mécanisme de la BCE aux banques est ainsi
passée à 4 ans alors qu’elle était le crédit n’était pas allé assez vers
nationale sur de pré-garantie chez Bpifrance, à traditionnellement de quelques les PME (« le crédit repart dans la
la Banque l’instar de la bonne pratique de la
publique jours. Le taux dit « principal » de Zone euro mais essentiellement
SIAGI, permettrait de faire levier ces prises en pension est progres- pour les grandes entreprises, pas
d’investisse-
ment Bpifrance,
sur les banques, en instruisant les sivement descendu jusqu’à devenir assez pour les PME » 5).
présenté par
dossiers en amont des banques légèrement négatif (-0,40 %). Peut-on s’en étonner alors qu’au-
M. Grand- et de promouvoir ainsi une autre cun critère n’incite à une sélecti-
sélectivité. Le refinancement du crédit ban-
guillaume et
caire par la Banque centrale consti- vité en faveur du refinancement
Mme Louwagie. […] tue un instrument puissant et de certains prêts ? À la vérité, les
Cela contribue conditions exigées sont celles
à un certain
La BCE agit principalement par souple d’action sur les banques
suivisme des deux leviers principaux : les achats et d’orientation de leur crédit. Il d’une qualité financière du type
banques pri- de titres et le refinancement du guide les conditions de coût du de celle évaluée par des agences de
vées. crédit bancaire. crédit et favorise aussi certains notation (AAA, etc.). Elle a même
5. La Croix,
10 juin 2015.
Economie et politique/ mars-avril 2017/752-753
Des députés communistes contre la finance pour la France en commun

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assoupli ses critères en abaissant le der le refinancement de dépenses Par ailleurs la BCE, par sa décision
seuil d’acceptation de la cote A- à de type spéculatif, d’exportations du 16 novembre 2011 (décision
la cote BBB-. Cela renforce une de capitaux, dans la mesure no- n° BCE-2011-20), a autorisé les
sélectivité fondée sur le risque et tamment où ces dépenses détrui- banques centrales nationales à
non sur la taille ou sur l’effet éco- raient de l’emploi ou du potentiel choisir elles-mêmes, avec leurs
nomique (emploi, valeur ajoutée, productif. propres critères, les titres repré-
investissements immatériels, etc.). Denis Durand, cadre à la Banque sentatifs de crédit qu’elles jugent
En outre, bien que le maintien de France et ancien membre du à même de proposer au refinance-
de ce mécanisme a été confirmé CESE, a montré dans son audition ment par l’euro-système (la BCE,
et sa portée étendue à toutes les la possibilité et l’intérêt que pour- pour simplifier).
banques centrales nationales de raient avoir des critères incitatifs En tout état de cause et tirant les
la Zone euro, l’application d’un fondés sur la valeur ajoutée ou sur leçons du TLTRO – sans ciblage
plancher de 500 000 € aux crédits l’emploi, sous la forme de taux à ce jour vers les PME/TPE – la
pris en pension exclut de fait la bonifiés de refinancement associés BCE pourrait, au sein même des
majorité des PME/TPE. Se pose à ce type de critères. traités existants, refinancer les
donc la question d’une réflexion De façon complémentaire, l’éco- crédits des banques aux PME/
européenne sur le rôle donné à nomiste Alain Grandjean a insisté TPE à taux d’autant plus abaissé
la BCE en matière économique, lors de son audition sur le besoin que les crédits refinancés pro-
notamment sur la sélectivité de de combiner incitation et dissua- grammeraient et réaliseraient plus
ses actions de soutien. L’audition sion. Pour lui « Pratiquer un taux d’emploi et de valeur ajoutée. Les
d’un représentant de la BCE, plus bas pour favoriser certains crédits finançant les opérations
Philippe Moutot, a confirmé la crédits nécessite d’appliquer un financières spéculatives ne seraient
pertinence d’une réflexion en ce taux plus élevé que le taux normal pas refinancés ou alors à un taux
sens expliquant en substance que pour des crédits plus spéculatifs ou très élevé. Pour cela, dans un pre-
la question d’une autre sélectivité ayant des effets plus risqués pour mier temps, la Banque de France
est effectivement une question qui la croissance globale. Sinon, on utiliserait la latitude qui est offerte
commence à se poser. risque d’avoir encore beaucoup de par la BCE aux banques centrales
Il faut bien distinguer ce qui relève crédits non souhaités et seulement nationales depuis novembre 2011,
de critères précis, quantitatifs, un peu plus de crédits nouveaux. d’utiliser ses propres critères pour
permettant d’orienter le com- Favoriser la croissance globale de la sélectionner les crédits apportés
portement des banques en faveur valeur ajoutée, et pas seulement la aux opérations de refinancement.
d’une stabilité financière globale, solvabilité individuelle, sécuriserait Le CESE recommande d’inciter
de ce qui serait hors du champ de de façon indirecte le crédit dont la la Banque centrale européenne
la politique monétaire en tant que base de sécurisation est au fond la (BCE) à cibler ses refinance-
telle et pourrait relever plutôt de la valeur ajoutée. » ments aux banques de la Zone
politique industrielle. Il est à noter que la Banque de euro en faveur des PME/TPE
Il est en effet du ressort de la poli- France, et le système français, selon des critères d’emploi et de
tique monétaire et de sa mission sont d’ores et déjà bien outillés valeur ajoutée.
de stabilité financière globale, de pour aller dans ce sens. En effet, […] 
préservation de la valeur de la celle-ci gère une base d’entreprises
monnaie, et du bien commun (FIBEN) et cote un grand nombre
qu’elle constitue, de s’assurer d’entre elles à partir de cette base.
que le crédit, et donc l’émission Un effectif de 2 000 salarié-ée-s est
monétaire effectuée à cette occa- dévolu à cette activité en son sein.
sion, débouchent bien sur une Elle dispose d’un réseau de cor-
création effective de richesse. Ainsi respondant-e-s TPE qu’elle vient
de mettre en place en septembre
le remboursement et la maîtrise de dernier dans chaque département.
l’inflation en seraient facilités. Il en Aussi bien Philippe Moutot que
Economie et politique/mars-avril 2017/752-753

va de même du développement du Denis Durand ont souligné ce


potentiel de croissance et de déve- bon positionnement de la France,
loppement économique. voire son caractère exemplaire qui
Il s’agirait ainsi de promouvoir mériterait d’être généralisé dans
des critères précis : à la création l’ensemble des pays de la Zone
de richesses correspond la valeur euro, et plus largement de l’UE.
ajoutée ; à l’efficacité correspond Une des explications à la mise en
la meilleure relation possible entre place du seuil de 500 000 euros,
investissement et valeur ajoutée ; excluant de fait la plupart des
et au potentiel de croissance cor- TPE et beaucoup de PME, vien-
respondent des types de dépenses drait du fait que les autres pays
particuliers – les qualifications, les auraient plaidé qu’il leur était
investissements immatériels, etc. impossible d’apporter les titres
On peut y ajouter l’emploi qui est représentatifs de « petits » mon-
au cœur de l’investissement imma- tants de crédit au refinancement,
tériel. Inversement, il convient de faute de capacités d’analyse et
s’interroger sur le besoin de dissua- d’expertise propres.

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