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Revue africaine de management - African management review

ISSN : 2509-0097
VOL.6 (2) 2021 (PP.104-125)
http://revues.imist.ma/?journal=RAM
DOI: https://doi.org/ 10.48424/IMIST.PRSM/ram-v6i2.25019

Les déterminants de l’endettement : une validation empirique des

théories financières sur un échantillon de PME innovantes au Bénin.

Judith B. GLIDJA, Ivan G. AWIGNAN

Faculté des Sciences Economique et de Gestion, Université d’Abomey- Calavi, Bénin

Résumé

L’objectif de cet article est de tester la pertinence des hypothèses de la théorie du compromis (TOT)
et de la théorie du financement hiérarchique (POT), visant à expliquer la structure financière des
grandes entreprises cotées dans les pays développés, appliquées aux choix de financement et à la
spécificité des PME innovantes dans les pays sous-développés. Il s’agit de vérifier empiriquement sur
un échantillon de 77 PME innovantes sur une période de trois ans laquelle des théories explique
l’endettement dans un contexte particulier de PME à haut risque au Bénin. Selon nos résultats, la théorie
du compromis est confirmée au regard de la relation entre l’endettement et les variables explicatives que
sont : la rentabilité, la garantie, la croissance, la structure du capital et l’innovation.
Mots clés : PME – Innovation – théorie du compromis – théorie du financement hiérarchique.

Abstract

The aim of this article is to test the relevance of the hypotheses of compromise theory (TOT) and
hierarchical financing theory (POT), aimed at explaining the financial structure of large listed
companies in developed countries, applied to financing choices and the specificity of innovation SMEs
in underdeveloped countries. The aim is to empirically verify a sample of 77 innovative SMEs over a
three-year period that explains theories of debt in a particular context of high-risk SMEs in Benin.
According to our results, the theory of compromise is confirmed in relation to the relationship between
debt and the explanatory variables that are: profitability, guarantee, growth, capital structure and
innovation.

Keywords: SME - Innovation - Compromise Theory - Hierarchical Financing Theory.

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1. Introduction

Dans la plupart des économies du monde, les PME sont considérées comme les
véritables vecteurs de la création d’emplois et de la croissance. Selon le rapport de
l’Organisation de Coopération et de Développement Economique, (OCDE, 2018) de la
conférence des ministres en charge des PME, elles représentent une priorité pour les
pays de l’OCDE.

En Afrique et plus particulièrement dans la région sub-saharienne, « le segment


des PME représente selon les Etats, entre 80% et 95% des entreprises recensées »
parmi lesquelles70 à 80% sont des micros et très petites entreprises (BCEAO, 2018).

En Afrique sub-saharienne, le segment des PME représente plus de 90 % de


l’ensemble des entreprises, parmi lesquelles 70 à 80 % sont des micros et très petites
entreprises. Pour Tadesse, 2009, elles sont la principale source d’emploi et de revenu
des africains, après l’agriculture de subsistance. Pour accélérer le développement de
leurs économies, les pays africains gagneraient donc à favoriser l’émergence et
soutenir la croissance de ces entreprises.

Au Bénin sur l’ensemble des entreprises recensées en 2009 par l’Institut


National des Statistiques et de l’Analyse Economique (INSAE) lors du dernier
recensement général des entreprises, environ 98% sont des PME (INSAE, 2009).
Malgré cet effectif pléthorique, sa contribution demeure relativement chétive. En effet,
les petites et moyennes entreprises béninoises font face, souvent avec difficulté, à la
concurrence internationale. Elles innovent peu, n’exportent pas suffisamment, et ne
développent pas toujours de stratégies conquérantes. Or, l’un des axes pour susciter
leur croissance est l’innovation (Kouame, 2012).
Avec la globalisation des échanges qui entraine une concurrence de plus en plus
impitoyable, une production à bas coûts, les PME doivent orienter leur action vers des
activités à forte intensité innovatrice afin de préserver leur part de marché et rester
compétitives.
Cependant, en dépit du rôle privilégié que les PME innovantes jouent au sein des
économies, elles retiennent peu ou pas l’attention des décideurs politiques et
économiques et affrontent presque unanimement des problèmes de financement depuis
la phase d’idées jusqu’à l’exploitation effective de leur activité. Ces entreprises
éprouvent des difficultés pour financer leurs projets d’investissement (Savignac et
Sevestre, 2007). Pour les PME innovantes, les difficultés de financement externe

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semblent être exacerbées par rapport aux non-innovantes (St-Pierre et Beaudoin,


999). L’accès aux fonds externes est contraignant pour les PME innovantes en
raison de plusieurs difficultés. Tout d’abord, le problème d’asymétrie d’information
qui existe entre une entreprise et ses bailleurs de fonds potentiels se pose avec encore
plus d’acuité dès lors que l’on s’intéresse au financement de l’innovation. Ensuite,
l’incertitude quant à la rentabilité de l’innovation, le besoin de confidentialité du projet
et le risque d’échec pouvant entraîner un défaut de paiement ou une défaillance de la
firme amplifient, en effet, l’asymétrie. L’importance de la composante immatérielle en
Recherche et Développement (R&D) dans les investissements innovants renforce
encore le risque lié à ces projets dans la mesure où celle-ci ne participe généralement
pas à la valeur de l’entreprise en cas de liquidation. De fait, les banques sont réticentes
à financer de tels investissements par des crédits.
D'après la littérature existante, nous constatons une panoplie d'études menées dans
les pays développés sur les éléments qui déterminent le niveau d'endettement des
grandes entreprises au regard de deux théories concurrentes. Cependant, nous notons
un manque d’engouement pour les travaux relatifs aux déterminants de l’endettement
des PME innovantes dans les pays sous-développés. Si les deux théories financières
arrivent à expliquer la structure financière des grandes entreprises cotées des pays
développés, nous mettons l’accent sur les PME innovantes dans un pays sous-
développés. Notre étude s’inscrit dans ce contexte théorique et empirique afin
d’examiner les principaux déterminants du taux d’endettement des PME. L’analyse
d’un échantillon de 77 PME béninoises innovantes observées sur une période de trois
années (2016-2018) nous permet d’appréhender laquelle des deux théories a un
pouvoir explicatif du financement des PME au Bénin. Nous répondons aux questions
suivantes : les théories financières, essentiellement destinées aux grandes entreprises
cotées dans les pays développés, expliquent-elles les choix de financement des PME
innovantes au Bénin ? Ces entreprises privilégient-elles un taux d’endettement optimal
ou bien une hiérarchie des sources de financement ?
Cet article est structuré en quatre parties essentielles : la première circonscrit le
cadre théorique de l’étude, la deuxième présente le cadre méthodologique, la
troisième, la présentation des résultats et enfin la discussion.
2. Cadre théorique
2.2. Innovation
L’objet ici est la clarification du concept d’innovation qui est utilisé dans la
suite de ce travail. Si l’innovation dans toutes ses formes est au cœur de la dynamique

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économique moderne, son analyse doit distinguer les différents objets sur lesquels elle
peut porter. Cette distinction est importante dans l’analyse des facteurs qui
déterminent leur financement.

2.2.1. Définitions de l’innovation


Il reste encore difficile de définir précisément l’innovation. Les définitions
existantes de l’innovation sont nombreuses et dépendent de l’approche retenue. Sous
un angle managérial, elle est vue comme un acte continu et délibéré s’inscrivant dans
la stratégie compétitive de l’entreprise. En d’autres termes, il s’agit d’un processus à
long terme nécessitant un pilotage. Selon l’approche marketing, l’activité
d’innovation est à l’origine d’un extrant nouveau à destination du marché. Pour le
Manuel d’Oslo (OCDE, 2005) l’innovation est « la mise en œuvre d’un produit (bien
ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle
méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les
pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures
». Le caractère polysémique du concept d’innovation est à la source de confusions
liées à son usage. Dans le cadre de cette étude nous retenons la dernière définition qui
est celle du manuel édité par l’OCDE.
2.2.2. les caractéristiques des entreprises innovantes

Les PME innovantes sont caractérisées par une rentabilité incertaine, un système
d’information asymétrique, un niveau de risque élevé dû à un très faible niveau de
garanties matérielles.

2.3. Les deux théories fondamentales de la structure du capital

La question du financement des entreprises, a toujours suscité réflexion et


controverse au sein de la communauté scientifique. L’objet de cette section est de
présenter les deux courants théoriques qui expliquent le comportement financier des
grandes entreprises. Il s’agit pour nous de souligner la variété des approches
conduisant à des hypothèses divergentes. Plus précisément nous passons en revue les
deux théories représentatives, à savoir : la théorie du financement par compromis,
autrement dite « Trade Off Theory (TOT) » et la théorie du financement hiérarchique,
dite aussi « Pecking Order Theory (POT) ». La première met l’accent sur les taxes, les
coûts de faillite et d’agence alors que la seconde sur l’existence de l’asymétrie de
l’information.

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2.3.1. La Théorie de Trade Off (TOT)

Pour la TOT, l’analyse de la structure financière est basée sur le ratio du coût
d’opportunité entre les ressources internes et externes à l’entreprise. Il s’agit donc d’un
arbitrage en terme d’avantages et inconvénients de deux principales sources de
financement en prenant en compte les diverses incidences qui prédéterminent cet
arbitrage, entre autre : la fiscalité, les coûts de défaillance ou ceux de mandat, etc.
c’est en fait le prolongement du modèle de (Modigliani et Miller, 1958) prônant la
neutralité de la structure financière des entreprises. Plusieurs auteurs se sont penchés
sur la question relative à la problématique de la théorie de la TOT, en l’occurrence de
(Jensen et Meckling, 1976), de (Harris et Raviv, 1990). Leurs travaux laissent entendre
que si les entreprises sont rentables, elles devraient préférer la dette pour bénéficier de
la déductibilité des intérêts financiers. En outre, si la rentabilité passée est un bon
indicateur pour la rentabilité future, les entreprises rentables seront moins soumises au
rationnement et aux autres contraintes financières.

2.3.2. La Théorie du Pecking Order (POT)

A l’inverse des théories de la TOT, celles de la POT privilégient l’élaboration d’une


règle de comportement générale sur la détermination d’un montant optimal
d’endettement de l’entreprise. Cette règle de comportement se traduit par l’existence
d’une hiérarchie des sources de financement établie principalement selon les
hypothèses d’asymétrie d’information, laquelle hiérarchie intègre également des
éléments décisionnels relatifs à l’objectif principal poursuivi par le dirigeant
d’entreprise et qui sont particulièrement pertinents dans un cadre d’analyse dédié aux
PME (Mohamed, 2009).

La théorie de financement hiérarchique, développée par (Majluf et Myers, 1984) est


comme dit tantôt, la conséquence de l’asymétrie d’information qui existe entre les
acteurs internes (propriétaire, dirigeant) et les acteurs externes (bailleurs de fonds) à
l’entreprise. Les dirigeants adoptent une politique financière qui a pour but de
minimiser les coûts associés et ils préfèrent le financement interne au financement
externe. Selon cette théorie, le dirigeant doit respecter la hiérarchie suivante :
l’autofinancement, la dette non risquée, la dette risquée et enfin les obligations.

2.3.3. Quelques conclusions des travaux empiriques sur les théories POT et la TOT
Un grand nombre d’études a eu la vocation de déterminer, parmi les théories que
nous venons de présenter, celles qui expliquent au mieux le choix de financement

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réalisé par les entreprises. Si nous nous basons sur les résultats des études ci-dessous,
nous observons un désaccord au sein de la communauté scientifique.

Tableau N° 1 : les études empiriques à l’endroit des deux théories financières


(Rajan et Le niveau de l’endettement serait affecté par certaines caractéristiques des
entreprises comme par exemple la profitabilité, la taille, les options de
zingales, 1995) ;
croissance, la valeur de liquidation des actifs, cela conformément aux
(Abimbola, 002) prédictions de la TOT.

(Fama et French, Les auteurs concluent à l’existence d’une relation négative entre la
2002)
profitabilité et l’endettement, ce qui tend à valider la POT et à invalider la
TOT.

Cependant, il semble que la POT ne s’applique pas aux petites entreprises


à haut potentiel de croissance ; celles-ci se financent essentiellement par
émission d’action et ce malgré leur faible ratio d’endettement.
(Agca et Mozumdar, La problématique régissant la validation de la POT naît des différences de
2004)
pratiques financières entre les petites entreprises et les grandes entreprises.

Effectivement la POT ne s’applique que rarement au sein des petites


entreprises étant donné leur faible capacité d’endettement. Ces entreprises
sont, dès lors, forcées de recourir à l’émission de capital pour pouvoir se
financer.

Cette constatation apporte un autre éclairage au fait que les petites


entreprises à haut potentiel de croissance se financent presque
exclusivement par émission d’action et ce malgré le faible niveau
d’endettement (voir Fama et French, 2002).

Agca et Mozumdar expliquent ce phénomène via le recours à la notion de


capacité d’endettement. Ces petites entreprises en forte croissance ont
recours au marché des capitaux car elles ne peuvent pas faire autrement,
leur capacité d’endettement étant très faible. Par conséquent, il existe bel et
bien un ordre hiérarchique de financement même au sein de ce type
particulier d’entreprise.

Par contre, la POT permet de mieux expliquer les choix de financement


des grandes entreprises et des entreprises au sein desquelles il existe une
notation dela dette.

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Source : extraits des études sur les conclusions de la POT et de la TOT, d’après (Colot et
Croquet,2007) cité par (Benabdelmoula, 2017)

2.4. Les déterminants de l’endettement au regard des théories financières


L’ensemble des travaux précédemment évoqués inspire en partie les hypothèses
retenues dans notre étude dont nous présentons la grille. La variable expliquée est le
taux d’endettement de l’entreprise qui est mesuré par l’importance des dettes (court
terme et moyen long terme) par rapport aux fonds propres.
Les variables explicatives sont choisies de façon à tenir compte des particularités
financières des PME innovantes. Nous avons retenu des indicateurs prenant en
considération simultanément des contraintes d’accès aux ressources et des effets
directement liés à l’asymétrie d’information et aux conflits d’agence : la rentabilité, la
garantie, la croissance, la structure de propriété et l’innovation.
2.4.1. la rentabilité

Suivant Myers (2001), la rentabilité passée et présente joue un rôle dans la


détermination de la structure du capital. L'impact de la rentabilité sur le niveau
d'endettement fait l'objet d'une controverse théorique entre les différents auteurs qui se
sont intéressés au sujet. Selon (Majluf et Myers, 1984) dans la POT (Pecking Order
Theory), les entreprises utilisent d'abord l'autofinancement, puis la dette et en dernier
lieu l'émission d'action pour financer leurs investissements conformément à la théorie
du financement hiérarchique. Toutes choses égales par ailleurs, les firmes plus
rentables ont alors plus d'autofinancement d'où une relation négative entre la
rentabilité et l'endettement. Cette description est validée par l'étude sur les pays
membres du G7 de (Rajan et Zingales, 1995). (Harris et Raviv, 1990) affirment,
conformément aux prédictions de la POT, que l’endettement est une fonction
décroissante de la rentabilité. (Fathi et Gailly, 2004), dans le cadre d’une enquête sur
des PME innovantes, obtiennent également une relation négative entre rentabilité et
endettement, les entreprises les plus rentables remplaçant progressivement la dette par
le financement interne ou à défaut, par des « recours non financiers » tels que les
crédits commerciaux et les dettes sociales. Toutefois, ces résultats apparaissent en
contradiction avec une prédiction des théories du signal et celle du Trade-off Theory
(TOT) selon lesquelles un degré élevé de la rentabilité est un élément favorable de
l’endettement. La relation entre l'endettement et la rentabilité devrait être positive. Une
entreprise rentable aura une préférence pour la dette car les intérêts sont déductibles de

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son résultat fiscal. Par ailleurs, si la rentabilité passée est une bonne approximation de
la rentabilité future, une entreprise très rentable aura une probabilité plus forte de
rembourser ses dettes (Myers, 2001). La théorie statique prédit donc une relation

positive entre l'endettement et la rentabilité. Cette prédiction constitue la grande


contradiction du modèle de Trade-off.

Notre première hypothèse vise à tester la théorie du financement hiérarchique et


suivant les études empiriques de (Fathi et Gailly, 2004), selon lesquelles les
entreprises innovantes préférèrent s’autofinancer que de s’endetter.

H1: la rentabilité de l'entreprise influence négativement le niveau


d'endettement des PME innovantes conformément à la théorie POT.

2.4.2. Les garanties


Comme nous l’avons vu précédemment, l’asymétrie d’information est relativement
amplifiée dans le cas d’une PME innovante. L’une des solutions les plus courantes et
souvent utilisée pour modérer l’impact de l’asymétrie informationnelle est la mise en
place de garanties (OCDE, 2018).
La composition de l’actif est un facteur non négligeable pouvant permettre
d’expliquer les niveaux d’endettement, et notamment la présence d’actifs tangibles
offrant à l’entreprise de meilleures garanties et « sécurisant » ainsi la dette. En cela,
les actifs tangibles devraient majoritairement être utilisés pour garantir les dettes à
long terme, la durée du prêt pouvant être associée à la durée de vie de l’actif utilisé
comme garantie (Myers, 1977). Empiriquement, cette affirmation implique une
corrélation statistique négative entre le levier et les dépenses R&D. Cette corrélation
négative est souvent justifiée par la nature « intangible
» et « spécifique » de l’actif qui ne se prête pas à servir de garantie, (Gailly et Fathy,
2004). Notre deuxième hypothèse (H2) vise donc à tester la théorie du compromis
(TOT) ; elle est formulée ainsi :

H2 : L’endettement est expliqué positivement par la garantie dont dispose les


PME conformément à la théorie TOT.

2.4.3. La croissance
Plusieurs études sur les PME innovantes ont souligné l’importance de cette
variable, (Chevallier et Miloudi, 2014) ; (Adair et Adaskou, 2014). Ils constatent une
influence positive du taux de croissance de l’entreprise sur l’endettement. Ils
expliquent ce résultat par le fait que les entreprises à forte croissance ont de plus en
plus recours au financement externe. Cela est d’autant plus vrai que la croissance peut
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être source d’asphyxie financière si elle n’est pas financièrement assurée. Selon les
tenants de la Pecking Order Theory, les firmes en croissance utiliseront davantage la
ette car l’augmentation de capital n’est utilisée qu’en dernier recours.

(Franck et Goyal, 2003) parviennent toutefois à des conclusions opposées ainsi


que Myers (1977) considère que les coûts d’agence sont d’autant plus importants que
les opportunités de croissance augmentent, ce qui diminue le financement par dettes.
En effet, les opportunités de croissance engendrent un problème de flexibilité dans le
choix des investissements.

Notre troisième hypothèse (H3) vise donc à tester les prédictions de la théorie du
financement hiérarchique (POT) et est formulée ainsi :

H3: la croissance des PME influence positivement le niveau 'endettement


conformément à la théorie POT

2.4.4. La structure de propriété


La propension à l'usage des fonds internes ou externes diffère selon que
l’entreprise est du type familial ou non. Dans une telle perspective, une PME familiale
en vertu de la conservation de son autonomie aura un capital composé presque
exclusivement des fonds internes alors que le recours à l'endettement serait envisagé
pour l'autre. Dans ces entreprises familiales, les membres préfèrent très souvent
sauvegarder l’indépendance financière de l’entité afin d’en conserver le contrôle
(Colot et Croquet, 2007). Il existe une relation entre le degré de concentration du
capital et le niveau d’endettement des entreprises.

Dans le cadre des PME, les dirigeants propriétaires sont très réticents quant à
l’ouverture de leur capital à d’autres personnes étrangères en raison du caractère
familial de ces entreprises et du souci de préserver l’autonomie financière en matière
de gestion et de décision (Colot et Croquet, 2007). Nous restons dans cette même
logique et testons les conclusions de la théorie du financement hiérarchique qu’un
manager, propriétaire de l’entreprise qu’il dirige, préfère l’autofinancement à
l’endettement et l’endettement à l’ouverture du capital à de nouveaux investisseurs.

H4: la structure de propriété influence négativement le niveau d'endettement


des PME innovantes conformément à la théorie POT
2.4.5. L’innovation et l’endettement

Dans le cadre de l’impact de l’investissement innovant, plusieurs études


empiriques sur les déterminants de la structure financière des entreprises ont montré

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une relation négative entre l’innovation et le financement externe. En effet, le coût de


la détresse financière augmente avec le risque prévu forçant les gestionnaires à réduire
la dette dans leur structure financière (Gaud et al, 2002) ; (Feudjo et al. 2012)
observent une relation négative entre l’innovation des PME et le financement
externe dans leurs études sur les déterminants de la structure du capital, pour ces
auteurs les entreprises préfèrent utiliser leurs fonds propres confirmant ainsi les
prédictions des théories du financement hiérarchique. Dans le même ordre d’idées,
(Bekolo et al, 2009) conclut que la qualité de l’offre bancaire à l’endroit des PME
innovantes peut être un obstacle à la réalisation des innovations de ces entreprises.

Par contre plusieurs autres auteurs concluent à une relation positive entre la
capacité à innover et le financement externe. En effet, les firmes ayant un niveau
relativement important de croissance, donc un accroissement de leur besoin de
financement externe, auront tendance à avoir recours au financement externe pour
soutenir cette croissance. Ces entreprises sont considérées être plus rentables et
bénéficient de la confiance des bailleurs de fonds. Selon (Carpentier et Suret, 2000), et
dans le cadre de la TOT, le financement de l’innovation dépasse la capacité
d’autofinancement et génère de l’endettement. Dans ce sens, (Planès et al. 2002)
arrivent au même résultat, ils constatent que le niveau d'endettement des PME
innovantes est supérieur à celui des entreprises non innovantes. De même, (Hadriche
et al. 2014) aboutissent à la conclusion selon laquelle, pour les PME ne faisant pas de
la R&D, l’endettement est significativement lié à l’innovation, mais avec un
coefficient positif.

En somme, les avis du financement sur l’innovation sont très partagés. Dans le
cadre de cette étude nous retenons l’hypothèse suivante conformément aux prédictions
du financement hiérarchique :

Hypothèse H5 : Le niveau d’endettement des PME béninoises innovantes


influencenégativement leur capacité à innover conformément à la théorie POT.

3. cadre méthodologique de l’étude


Nous nous pencherons successivement sur la procédure de collecte des
données, la construction du modèle théorique de la recherche et la mesure des
variables, et la présentation des outils statistiques d’analyse des données.
3.1. Choix de l’échantillon et méthodes de collecte des données
Notre échantillon est composé de 77 PME innovantes enregistrées dans la base de

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données de l’Agence Béninoise de Valorisation des Résultats de Recherche et de


l’Innovation Technologique (ABeVRIT) dont on a la preuve qu’elles tiennent une
comptabilité et investissent dans les activités d’innovation. Ces entreprises opèrent
dans plusieurs branches d’activités, quel que soit le statut juridique. Elles sont
localisées dans les villes de Cotonou, de Bohicon et de Parakou où la majorité des
entreprises du pays y sont concentrées (selon le dernier rapport de l’INSAE sur le
recensement général des entreprises de 2009).
En ce qui concerne la collecte des données nécessitées par la conduite de la
présente étude, nous avons exploité la base de données de l’Abrevit sur la période
2016-2018.
La collecte s’est faite sur la base d’un questionnaire administré à l’échantillon
d’entreprises. La méthode de collecte est l’entretien directif et est adressé aux
responsables hiérarchiques des entreprises qui s’occupent de la prise des décisions
stratégiques notamment les Directeurs Généraux, les Responsables des départements
R&D ; les chargés de la prospection, marketing et du développement ; les
Responsables financiers ou leurs assistants.
3.2. Modèle théorique de l’étude et mesure des variables
3.2.1. Modèle théorique
Rappelons que ce travail de recherche a pour objectif de mettre en évidence
la théorie financière qui explique mieux le choix de financement des PME innovantes
au Bénin. Ainsi, l’examen de la littérature a donc permis d’établir le lien entre les
facteurs de contrainte et l’endettement. On le voit si bien ; notre étude s’inscrit dans
une posture épistémologique positiviste étant donné que nous souhaitons confronter
des postulats théoriques à la réalité du terrain. La double approche qualitative et
quantitative semble appropriée dans le cadre de cette étude Il s’agit donc de tester
empiriquement les postulats théoriques extraits de la revue de la littérature présentée
précédemment. Les exigences d’une telle approche impliquent entre autres la
construction d’un modèle théorique de recherche à partir de la littérature sur la
structure financière.

Le modèle permet de tester l’effet des facteurs de contingence structurelle de


l’entreprise (la rentabilité, la garantie, la croissance, la structure de propriété et
l’innovation) sur l’endettement de l’entreprise. Il se présente comme suit :

ENDT = βo + β1RENT + β2 GARA + β3 CROI + β4 PROP + β5 INNO ± ε

3.2.2. Mesure des variables


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Les mesures utilisées dans cette étude ont été inspirées de plusieurs auteurs
comme indiqué dans le tableau ci-après :

Tableau N°2 : Synthèse des variables du modèle

Effets Acronyme/ Type de Auteurs de


Types de Mesure des
variables mesurés variables mesure référence
Intitulé
Métrique Rahj (2016)
Variable Dettes totales /Fonds
Endettement ENDT Propre (Wamba et Molou,
Dépendante 2017)
(Colot et
Croquet,2007
Mesurée par le rapport Rahj, (2016)
Rentabilité RENT entre le résultat net de Métrique
l'exercice et le total
actif.
Immobilisations (Hadriche et Zouari,
Garantie GARA corporelles / actif 2014) ;
Variables Métrique
indépendantes total Gailly et Fathi (2004)
(CAn - CAn-1) /CAn-1 (Gailly2004) et Fathi,
Croissance CROI Métrique
Prend la valeur 1 si la
Type de PROP PME est du type familial (Degryse et al, 2012)
propriété et 2si non. Binaire

Prend la valeur 1 si la (Hadriche et


PME est innovante au Binaire Zouari,2014)
Capacité INNO cours de la période 2016-
d’Innovation Mongo, (2013)
2018, et 0 dans le cas
inverse. Khouri, (2010)
Source : notre réalisation
3.2.3. Outils statistiques d’analyse des données
Trois outils statistiques sont mobilisés dans le cadre de la présente étude : d’abord,
les tris à plat pour les analyses descriptives qui permettent une première lecture
intéressante des résultats mais, ne présentent pas un véritable intérêt en termes
d’analyse ; ensuite les tests de corrélation et enfin, l’estimation des modèles par la
technique de régression en panel. Cette méthode est recommandée lorsque les
données collectées par l’entreprise sont pluriannuelles. Ces résultats sont obtenus avec
le logiciel STATA 13 et concernent les données collectées auprès de différentes
sources.
4. Résultats
Nous présentons en premier lieu les résultats de la statistique descriptive et en
second lieu les résultats des analyses explicatives.
4.1. Statistiques descriptives
Nous présentons ici les caractéristiques des PME se rapportant à la situation
géographique, au statut juridique, au secteur et au type d’activités, à la propriété du
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capital, le niveau d’étude du dirigeant, les types d’innovation et l’endettement des


PME.
Les entreprises innovantes sont en général des unités de production de moyenne
taille. Cette situation est davantage perceptible au niveau de la forme juridique puisque
l’écrasante majorité (68%) des entreprises recensées relève du statut juridique société
avec une prépondérance de SARL (55%) suivi des entreprises individuelles (28%).
Contrairement aux entreprises non innovantes, les PME innovantes exercent en
majorité dans le secteur secondaire, 58% (industries agro-alimentaires,
pharmaceutiques, la mécanique, l’électronique et les énergies renouvelables) contre
29% dans le secteur primaire et 13 % dans le secteur des services. Les dirigeants de
PME innovantes ont un niveau d’étude supérieur. Ils sont pour la plupart des
ingénieurs de niveau BAC+5 ayant une forte expérience professionnelle. Les
informations relatives à la propriété du capital montrent que 19 % des PME enquêtées
sont du type associatif, coopératif ou managérial ayant un conseil d’administration
composé de différents membres contre 81 % du type privé ou familial où le conseil
d’administration est réduit au propriétaire dirigeant et les membres de la famille dont
le but est d’avoir le contrôle sur la société afin de protéger le caractère discrétionnaire
de l’innovation.

Nous avons dans cette étude, relevé les quatre formes d’innovation définies par
l’OCDE (2005) dans le manuel d’Oslo. La première forme d’innovation réalisée au
Bénin est l’innovation de produit (72%). La deuxième forme d’innovation est celle
marketing (24%). La troisième forme est celle organisationnelle (4%). L’innovation de
procédé est quasi- inexistante.

Selon les différentes sources de financement analysées, il en ressort en premier


lieu que les contraintes de garantie sont souvent citées comme le principal obstacle à
l'obtention d'un financement par 95% des PME innovantes. Les mêmes résultats sont
obtenus sur les PME non innovantes (Amadou, 2016) et (Thi Hong Van Pham,
2010). En second lieu, la rentabilité du projet qui conditionne l’accès à l’endettement
de l’entreprise, les banques ont dû exiger à près de 82 % des PME enquêtées de
prouver la rentabilité de leur projet.

Pour l’ensemble des PME sélectionnées, le taux d’endettement total s’établit à


28%. Les dettes à long terme représentent en moyenne 8% ; tandis que celles à court
terme représentent 20% du total passif. Les PME innovantes au Bénin recourent à
plusieurs modes de financement ; mais certains modes de financement sont
116
J. B. GLIDJA et I.G. AWIGNAN-REVUE AFRICAINE DE MANAGEMENT- VOL.6 (2) 2021 (PP.104-125)

massivement sollicités et de façon récurrente. Les PME innovantes se financent en


premier lieu par les fonds propres constitués essentiellement de l’épargne personnelle,
de la tontine, des dons provenant des amis et de la famille et des bénéfices réalisés sur
les activités antérieures. En second lieu par la dette de court terme provenant d’une
part des institutions de l’Etat, des proches du dirigeant et du système bancaire à
hauteur de 20% alors que les dettes de long et moyen termes ne représentent que 8%.
Ce niveau d’endettement à long et moyen termes des PME reste relativement faible
par rapport aux exigences du financement de l’innovation.

4.2. Résultats des analyses économétriques


4.2.1. Analyse de la multi-colinéarité des variables indépendantes
L’existence d’une colinéarité entre les variables indépendantes peut perturber les
estimations des paramètres du modèle. Ainsi, avant de réaliser les régressions, il est
indispensable d’étudier, les corrélations entre les variables indépendantes et de tester
le problème de colinéarité.

Le tableau suivant présente les résultats de test de multi-colinéarités entre les


variablesindépendantes du modèle de notre étude.

Tableau N° 3 : Test de multi-colinéarité des variables indépendantes

Endettement rentabilité garantie croissance structure


innovation
Endettement 1.0000
Rentabilité 0.7900 1.0000
Garantie -0.6473 -0.8357 1.0000
Croissance -0.5389 0.4883 -0.6410 1.0000
Structure de -0.6610 0.7413 -0.8114 0.5656 1.0000
Innovation 0.6624 0.6220 -0.3776 0.7562 -0.8330 1.0000
Source : extrait du logiciel Stata 13

Nous constatons que les variables sont faiblement corrélées. En effet, tous les
coefficients de corrélation de Pearson entre les variables indépendantes sont
sensiblement inférieurs à 0,8 ; limite à partir de laquelle le phénomène de colinéarité
devient de plus en plus prononcé. En fait, nous avons retenu, comme Kennedy (1985)1,
une valeur critique de 0,8. Par conséquent, le problème de colinéarité entre les
variables indépendantes ne se pose pas. Nos variables peuvent donc se prêtées sans

1
D’après Kennedy, (1985), ce coefficient doit être inférieur à 0,8 et est significativement différent de
zéro. Dansce cas, on peut confirmer l’absence de colinéarité.

117
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risque à une analyse de la régression.


Par ailleurs, compte tenu de la dimension transversale et temporelle des données,
nous avons opté pour une régression en panel. Cette méthode nécessite un choix entre
le modèle à effets fixes ou un modèle à effets aléatoires. Ce choix est éclairé par le test
de spécification d’Hausman. D’après le résultat de ce test, il ressort que la probabilité
de ce test est inférieure à 10% ; ce qui signifie qu’il existe une différence entre le
modèle à effets fixes de celui à effets aléatoires. Dans le cadre de cette étude, les
modèles à effets fixes est le mieux adapté.

Le tableau ci-dessous présente la synthèse des résultats du test de Hausman.

Tableau N° 4 : Résultat du test de Hausman

Modèle à effets fixes VS effets aléatoires Chi2(5) P-value

Modèle 24.01 0.0002

Source : Réalisé par nous à partir des estimations économétriques

4.2.2. Coefficient de régression entre les variables

Tableau N° 5 : coefficient de régression

Standardized OIM
[95%
Structural Coef. Std. Err. t P>t
Conf.Interval]
Endettement <-
Rentabilité .2602116 .0993895 2.62 . 0.009 .0654117 .4550115
Garantie .052409 .120233 3.44 0.003 1832434 .2880614
Structure de
.2829612 .0989546 2.86 0.004 .0890137 .4769087
propriété
innovation .1031849 .1051835 2.98 0.003 -.1029709 .3093407
Croissance -.0169175 .1208266 -2.14 0.009 -.2537333 .2198983

_cons -.8423572 .5575014 -3.51 0.002 -1.93504 .2503254


Var (e. endettement) .8429923 .0726129 .7120388 .99803
Source : extrait du logiciel Stata 13
5. Discussion des résultats
5.1. Validité des hypothèses

Hypothèse H1: D’après les tenants de la théorie du financement hiérarchique


(Majluf et Myers, 1984), un degré de rentabilité élevé influence négativement le
118
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recours à l’endettement de l’entreprise. A la lecture du tableau N°5 la rentabilité est


positivement corrélée avec l’endettement (coefficient de régression = 0,260) et
statistiquement significative (t = 2,62) au seuil de 5% (p=0,009). Ce résultat ne
confirme pas la prédiction théorique de la POT et confirme les prédictions de la
théorie du compromis selon laquelle l’endettement est une fonction croissante de la
rentabilité et corrobore la thèse des auteurs tels que (Fama et French, 2002) ; (Franck
et Goyal, 2003) selon laquelle la théorie du financement hiérarchique s’applique
rarement dans les PME. Nous supposons que ce résultat est justifiable dans le contexte
des PME innovantes du moment que ces entreprises sont pour la plupart sous-
capitalisées et ont des besoins d’investissement de plus en plus croissants. Le facteur
rentabilité constitue un déterminant pertinent à l’accès à l’endettement dans les PME
innovantes au Bénin. Ces résultats sont confirmés par (Fathi et Gailly, 2004) sur un
échantillon d’entreprises innovantes. L’hypothèse H1 est donc rejetée.

Hypothèse H2 : Les résultats économétriques montrent que le lien entre


endettement et la garantie est positif (coefficient de régression = 0,052) et significatif
(t = 3,44) au seuil de 0,05 (p=0,003). La garantie influence positivement et
significativement l’endettement des PME innovantes. Ce lien positif observé entre
l’endettement et les garanties confirme donc les prédictions de la théorie du compromis
(TOT). En raison de l’importance des coûts de défaillance et des coûts d’agence
associés aux prêts à destination des PME, les bailleurs de fonds exigent des garanties
comme critère de sélection obligatoire pour l’octroi de prêt. Notre résultat concorde
avec ceux de (Ziane, 2004). L’hypothèse H2 est confirmée.

Hypothèse H3 : La relation théorique est présumée positive entre la forte


croissance du chiffre d’affaires des entreprises et l’accès aux crédits. Il mesure le degré
d’asymétrie d’information et les conflits d’agence qui existent entre les dirigeants de
l’entreprise et les bailleurs de fonds. Cette thèse n’est pas vérifiée car le lien entre
endettement et la croissance est négatif (coefficient de régression = -0.017) et
significativement (t = 2,14) au seuil de 0,05 (p=0,009). Ce lien négatif et significatif
confirme la théorie de (Jensen et Meckling, 1976) selon laquelle dans un contexte
d’information imparfaite matérialisant un niveau de risque élevé et ayant un potentiel
de croissance sont donc considérées comme risquées et ont du mal à convaincre leurs
bailleurs de fonds de leur accorder des crédits. Ce résultat infirme les prédictions de la
théorie de financement hiérarchique (POT) et confirme celle de la TOT. Le lien
négatif entre les opportunités de croissance et le niveau d’endettement est également
validé dans les conclusions empiriques de Chibani, Henchiri et Degos, 2016) sur un
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échantillon de PME familiales. L’hypothèse H3 est rejetée.

Hypothèse H4 : La relation théorique est présumée négative entre la structure de


propriétéet l’endettement.
Selon la théorie du financement hiérarchique les entreprises familiales dans le souci
de maintenir le contrôle de l’entreprise font moins recours à l’endettement. Cette
hypothèse n’est pas vérifiée dans le cas des PME innovantes car le lien entre
endettement et la structure de propriété est positif (coefficient de régression = 0,28) et
significatif (t = 2,86) l’endettement au seuil de 0,05 (p=0,004). Donc la structure de
propriété influence positivement et significativement l’endettement des PME. Malgré
leur structure constituée de 81% de PME familiales, on note une relation significative
et positive entre la structure de propriété et l’accès aux crédits. Ceci pourrait être dû au
besoin de financement très élevé des entreprises innovantes ce qui les contraint à une
recherche permanente de financement. Ces résultats sont contraires à ceux de (Colot et
Croquet, 2007), qui en intégrant la variable structure de propriété ont montré que si le
dirigeant de la PME passait du statut de non- actionnaire au statut d’actionnaire, le
ratio d’endettement baissait significativement. L’hypothèse H4 est donc rejetée.

Hypothèse H5 : Plusieurs études notamment celle développée par (Majluf et Myers


,1984) à travers la théorie du financement hiérarchique, soutienne l’idée selon laquelle,
les entreprises innovantes ont intérêt à limiter la part de la dette dans leur structure de
capital et à augmenter de ce fait le financement par capitaux propres. Conformément
aux résultats de (BCEAO, 2018) les petites entreprises éprouvent des difficultés
majeures dans l’accès au financement externe, et choisissent le financement interne,
facile à accéder et moins coûteux que les dettes. Les résultats de notre analyse sont
contraires à ces prédictions théoriques et empiriques. La dette est positivement et
significativement reliée à l’innovation dans les entreprises béninoises (coefficient de
régression = 0,103) et significativement (t = 2,98) au seuil de 0,05 (p= 0,003). Ce
résultat corrobore les études réalisées par (Carpentier et Suret, 2000), et dans le cadre
de la TOT, le financement de l’innovation dépasse la capacité d’autofinancement et
génère de l’endettement. Dans ce sens, il existe une relation positive entre le
financement externe et la capacité des PME à innover. De même, (Hadriche et al.
2014) aboutissent à la même conclusion selon laquelle, pour les PME innovantes ne
faisant pas de la R&D, l’endettement est significativement et positivement lié à
l’innovation. L’hypothèse 5 est rejetée.
5.2. Synthèse de la validité des deux théories
A l’instar de (Fama et French, 2002, cité par Colot et Croquet) et (Dufour et Molay,
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2010) nous soutenons à travers cette étude que la théorie POT ne s’applique pas aux
petites entreprises à haut potentiel de croissance. L’ensemble des résultats de
régressions nous conduit à considérer que le pouvoir explicatif d’une approche en
termes de ratio d’endettement cible (théorie du compromis) se révèle davantage
explicative des comportements d’endettement dans les PME innovantes dans un pays à
revenu faible qu’une approche fondée sur le financement hiérarchique.
Les résultats sont consignés dans le tableau ci-dessous :

Tableau N° 6 : Relations empiriques obtenues

Relation théorique et théories Relation empirique et


Hypothèses
de référence théories validées

H1 : « La relation entre l’endettementet


Négative (-) et valide la POT Positive (+) et valide la
la rentabilité est négative. » TOT

H2 : « La relation entre
l’endettement et les actifs
tangibles de la PME Positive (+) et valide la TOT Positive (+) et valide la
TOT
innovante est positive ».
H3 : « la relation entre la croissance
Positive (+) et valide la POT Négative (-) et valide la
des PME innovantes et l’endettement
TOT
est positive »
H4 : « la relation entre la structure de
propriété et l’endettement des PME Négative (-) et valide la POT Positive (+) et valide la
innovantes est négative » TOT

H5: « la relation entre l’innovation et négative (-) et valide la POT Positive (+) et valide la
l’endettement est négative » TOT

Source : nous même à partir de la revue de littérature

Conclusion
Nous avons tenté d’expliquer les déterminants du taux d’endettement des PME
innovantes au Bénin sur un échantillon de 77 PME observées sur une période de trois
ans. Notre objectif était de tester la pertinence des hypothèses de la théorie du
compromis (TOT) et de la théorie du financement hiérarchique (POT), visant à
expliquer la structure financière des grandes entreprises cotées, appliquées aux choix
de financement et à la spécificité financière des PME innovantes au Bénin. Nous
notons que la théorie du compromis (TOT) explique mieux les déterminants de la
structure financière des PME innovantes dans un contexte de pays pauvre où la plupart
des entreprises sont sous-capitalisées et sont rationnés au financement externe. Toutes
les hypothèses ont été validées par la théorie du compromis. Par ailleurs, les variables
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telles que la garantie, la rentabilité, la structure de propriété et l’innovation ont un lien


positif sur le taux d’endettement des PME innovantes.
Cette étude comporte des limites brièvement recensées ci-après qui suggèrent des
prolongements de cette recherche. On peut citer : la rareté des études scientifiques
liées au financement des entreprises innovantes en Afrique et plus particulièrement au
Bénin, l’utilisation dans notre modèle d’un nombre limité de théories financières
pouvant expliquer la décision d’endettement des PME. De même, la variable
innovation a été mesurée de façon approximative en binaire compte tenu du manque
de précisions sur les dépenses en innovation dans les états financiers des PME. De
plus, il sera judicieux de travailler sur un champ temporel élargi qui permettra
d’expliquer plus clairement les déterminants de l’endettement en général.

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