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Bull. Soc. Pathol. Exot.

(2019) 112:147-152
DOI 10.3166/bspe-2019-0087

ÉPIDÉMIOLOGIE / EPIDEMIOLOGY

Épidémiologie de la leishmaniose cutanée en Algérie à travers


la caractérisation moléculaire
Epidemiology of Cutaneous Leishmaniasis in Algeria through Molecular Characterization

F. Bachi · K. Icheboudene · A. Benzitouni · Z. Taharboucht · M. Zemmouri


Reçu le 16 avril 2019 ; accepté le 5 septembre 2019
© Société de pathologie exotique et Lavoisier SAS 2019

Résumé Trois entités nosoépidémiologiques distinctes de qui souligne l’intérêt de plus d’investigations pour mieux
leishmaniose cutanée (LC) coexistent en Algérie : la forme comprendre le cycle de transmission des différentes entités.
dite du nord, dite sporadique (LCN), la forme zoonotique
(LCZ) et la forme chronique (LCC). L’identification précise Mots clés Leishmaniose cutanée · Leishmania infantum ·
des espèces parasitaires impliquées dans chacune des formes Leishmania tropica · Leishmania major · Épidémiologie ·
permet de préciser la répartition géographique de chacune de Souches · Caractérisation moléculaire · Algérie · Maghreb ·
ces trois formes, de distinguer leurs aspects cliniques, Afrique du Nord
d’orienter les conduites thérapeutiques et d’adapter les pro-
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grammes de lutte. Quatre-vingt-dix-sept souches humaines


ont fait l’objet d’une caractérisation moléculaire par une Abstract Three distinct noso-epidemiological cutaneous
PCR-ITS1, suivie d’un séquençage de cet espace intergé- leishmaniasis (LC) entities coexist in Algeria: the so-called
nique. Nos résultats confirment l’endémicité des trois for- sporadic form of the North (LCN), the zoonotic form (LCZ)
mes. La LCN, causée par Leishmania infantum (17 isolats/ and the chronic form (LCC). The precise identification of the
97, soit 17,52 %), est limitée au nord du pays principalement parasitic species involved in each of the forms makes it pos-
(16 isolats/17). Sa répartition géographique est stable et sible to specify the geographical distribution of each of the
superposable à celle de la leishmaniose viscérale. La LCZ, forms raised, to distinguish their clinical aspects, to guide
due à Leishmania major (70 souches/97, soit 72,16 %), reste the therapeutic behaviors and to adapt the control programs.
la forme dominante au niveau des zones arides et semi-arides Ninety-seven (97) human strains from 97 cases of LC were
(47 souches/70) avec une progression vers le nord (20 sou- subjected to molecular characterization by PCR-ITS1 follo-
ches/70). Cette forme connaît une extension géographique wed by sequencing of this inter-gene space. Our results
en dehors de ses foyers historiques et progresse vers les confirm the endemicity of the three forms. The LCN, caused
Hauts Plateaux et les régions steppiques du pays. Le fait by L. infantum (17 isolates/97 i.e. 17.52%) is limited to the
remarquable est l’identification de Leishmania tropica pour North of the country mainly (16 isolates/17). Its geographical
la première fois au centre nord et nord-ouest de l’Algérie, distribution is superimposable to that of visceral leishmaniasis
chez des patients algériens n’ayant jamais quitté le territoire with an extension more and more reported in previously unaf-
national. L’observation de L. tropica au centre nord et nord- fected areas, such as the regions of Tlemcen and Oran in the
ouest du pays, où coexistent L. infantum et L. major, suggère West, Setif, Annaba and Collo in the East. The LCZ, due to
des modifications de l’épidémiologie de la LC en Algérie, ce L. major (70 strains/97 i.e. 72.16%), remains the dominant
form in the arid and semi-arid zones (47 strains/70) with a
progression towards the North (20/70 strains). Indeed, long
confined to the Sahara, it shows a geographical extension
F. Bachi (*) · K. Icheboudene · A. Benzitouni · Z. Taharboucht · outside its historic homes of Biskra and Abadla. This form
M. Zemmouri
Laboratoire de biologie parasitaire, institut Pasteur d’Algérie,
is progressing dangerously towards the highlands and the
route du Petit-Staoueli, Dely-Brahim, Alger 16000, Algérie steppe regions of the country. The most interesting fact was
e-mail : fbachi2002@yahoo.fr the identification of L. tropica for the first time in North-
Central and North-West Algeria in Algerian patients who
F. Bachi
had never left the national territory. Out of the 10 strains of
Département de médecine, faculté de médecine d’Alger,
université d’Alger, 2, rue Didouche-Mourad, L. tropica identified, 8 belonged to patients of Syrian origin
Alger Centre 16000, Algérie and 2 to Algerian patients. L. tropica was reported for the first
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time in 2008 in 6 patients living in Constantine (North-East l’institut Pasteur d’Algérie dont le recrutement est composé
Algeria) and in 2017, still in the North-East of the country, in de patients d’hôpitaux publics et de cliniques privées, les
Annaba. The observation of L. tropica in the North and Nor- principales spécialités médicales concernées étant la pédia-
theast center of the country, where L. infantum and L. major trie, la dermatologie et les maladies infectieuses, et originai-
coexist, suggests changes in the epidemiology of cutaneous res des différentes wilayas du pays.
leishmaniasis in Algeria, which highlights the interest of more La collecte des isolats s’est étalée sur une période de cinq
investigations to better understand the transmission cycle of ans, allant de janvier 2012 à décembre 2016.
the different entities. Durant cette période, 822 patients ont été adressés pour
confirmation diagnostique d’une LC, pour chacun d’eux une
Keywords Cutaneous leishmaniasis · Leishmania infantum · fiche de renseignements a été remplie portant l’identité du
Leishmania tropica · Leishmania major · Epidemiology · patient, son origine géographique et la notion de séjour en
Strains · Molecular characterization · Algeria · Maghreb · zone d’endémie et les caractéristiques cliniques des lésions :
Northern Africa aspect, nombre, siège et durée d’évolution.
Nous avons réalisé pour chaque patient un prélèvement
de sérosités cutanées par grattage. Les produits de raclage
Introduction ont fait l’objet d’une confection de frottis colorés par le
May-Grünwald Giemsa (MGG) et d’une mise en culture
Les leishmanioses cutanées sont connues de longue date sur milieu NNN pour l’isolement des souches [36].
pour sévir en Algérie. À ce jour, trois entités nosoépidémio- L’examen des prélèvements a révélé 127 positifs, 127 iso-
logiques distinctes sont décrites : la leishmaniose cutanée lats, sur le total de 822, soit 15,4 %, dont 97 souches ont fait
zoonotique, autrefois dénommée « clou de Biskra » (LCZ), l’objet d’une caractérisation moléculaire.
décrite par Hamel en 1860 [27] ; la leishmaniose cutanée La caractérisation moléculaire a été faite par une PCR-
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sporadique, dite du Nord (LCN), décrite initialement sous ITS1 suivie d’un séquençage de cet espace intergénique.
le nom de « clou de Mila » par Sergent et Gueidon L’extraction de l’ADN total des souches de Leishmania s’est
en 1923 [43] et la forme dite chronique (LCC) due à Leish- faite par le Kit QIAGEN Tissue.
mania tropica (syn L. killicki) [28]. L’amplification a concerné l’espace intergénique ITS1,
Longtemps limitées à des étages bioclimatiques différents, utilisé pour la caractérisation moléculaire des espèces de
ces différentes formes étendent leurs aires respectives de dis- Leishmania. Les produits PCR après purification ont été
tribution depuis quelques années et deviennent même intri- séquencés par Chromas Pro V1.34. Les produits de séquen-
quées. La LCZ, jadis cantonnée aux deux foyers historiques çage ont été comparés avec les séquences de Leishmania
de Biskra et d’Abadlla, progresse vers les Hauts Plateaux et déjà connues, disponibles dans GenBank.
les régions steppiques du pays, alors que la LCN, dont l’aire
de répartition géographique est confondue avec celle de la
leishmaniose viscérale, s’étend vers l’est et vers l’ouest. La Résultats
forme chronique à L. tropica (syn L. killicki) est moins répan-
due, et seuls quelques cas ont été signalés [28,32,33]. Quatre-vingt-dix-sept souches cutanées de Leishmania ont
Du point de vue épidémiologique, les trois espèces se été identifiées. La caractérisation moléculaire a permis
distinguent par leurs vecteurs [28–31], par leurs réservoirs d’identifier trois complexes : Leishmania major, Leishma-
[7,8,13,28,29] et par la clinique qu’elles provoquent [9,42]. nia infantum et L. tropica avec 70, 17 et 10 souches dans
Devant ce polymorphisme épidémiologique et clinique, chacun des complexes respectivement (Tableau 1).
l’identification des espèces en cause devient indispensable La répartition des espèces identifiées selon leur origine géo-
pour comprendre la dynamique de transmission de chacune graphique est représentée dans le tableau 2 et sur la figure 1.
des formes, leurs distributions géographiques et optimiser
ainsi les approches épidémiologiques et de contrôle.
Tableau 1 Résultats du séquençage des 97 isolats / Sequencing
Dans ce contexte, nous avons souhaité réaliser la caracté-
results of 97 isolates
risation moléculaire des souches humaines de Leishmania
présentes en Algérie. Résultats Nombre % %
du séquençage de souches de similitudes
L. major 70 72,16 99–100
Patients et méthodes L. infantum 17 17,52 99–100
L. tropica 10 10,30 98–100
L’isolement des souches a été réalisé dans le cadre de l’acti-
Total 97 100
vité diagnostique du laboratoire de biologie parasitaire de
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Tableau 2 Répartition des souches selon leur origine / Distribution of strains according to their origin

Zones Espèces
L. infantum L. major L. tropica Total
Zones de LCN 16/94,11 % 20/29,85 % 2 38
Zones de LCZ 1/5,88 % 47/67,14 % 0 48
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Fig. 1 Distribution géographique des cas de leishmaniose cutanée due à L. infantum, L. major et L. tropica / Geographical distribution
of cutaneous leishmaniasis cases due to L. infantum, L. major and L. tropica
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Sur les 70 souches de L. major, 47/67, soit 67,14 % prove- leishmanies selon leur origine ou leur aspect clinique étant
naient de zones arides et semi-arides connues pour être zones problématique d’autant plus que plusieurs espèces de Leish-
d’endémie de cette forme zoonotique et 20/67, soit 29,85 % mania coexistent dans des régions endémiques.
d’entre elles avaient une répartition au nord du pays. Pour En Algérie, dans l’extrême sud saharien, à Tamanrasset,
les trois souches restantes, l’origine était indéterminée. dans le Hoggar et dans le Tassili N’Ajjar (extrême sud-est du
Parmi les 17 souches de L. infantum, 16 isolats, soit 94,11 %, pays), la LC a été également décrite depuis plus de 70 ans
présentaient une répartition superposable à celle de la forme [23,25] en même temps que des cas de leishmaniose viscé-
viscérale, c’est-à-dire les zones humides et subhumides au rale [24]. C’est ce qui expliquerait la présence de L. infantum
nord du pays à l’exception de la dernière souche, isolée d’un dans notre série, souche isolée d’un patient originaire de
patient originaire de Tamanrasset (sud algérien). Tamanrasset, mais le nombre très faible d’isolats de ses loca-
Le fait le plus intéressant était l’identification de lités ne nous permet pas de tirer de conclusion.
L. tropica pour la première fois au centre nord et nord- Contrairement à la LCN, la répartition géographique de la
ouest de l’Algérie chez des patients algériens n’ayant jamais LCZ affecte de manière endémoépidémique les régions pré-
quitté le territoire national. Sur les dix souches de L. tropica sahariennes arides et semi-arides.
identifiées, huit appartenaient à des patients d’origine La caractérisation de 70 isolats de L. major, 70/97, soit
syrienne et deux à des patients algériens. 72,16 %, provenant de plusieurs régions du pays, confirme
la prédominance de la LCZ en Algérie ainsi que son exten-
sion vers le nord.
Discussion
En effet, sur les 70 isolats de L. major, 20/67, soit 29,85 %
(trois isolats sont d’origine indéterminée) provenaient des
La caractérisation moléculaire de 97 isolats algériens de
wilayas du nord du pays.
Leishmania confirme l’existence en Algérie de L. infantum,
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de L. major et de L. tropica. Cette coexistence des trois espè- La LCZ à L. major, un vrai problème de santé publique,
ces est également présente en Tunisie [2,11] en Libye [4] et connaît une extension géographique en dehors de ses foyers
au Maroc [39]. historiques : Biskra et Abadla. Cette forme progresse vers les
L’Algérie, par sa situation géographique caractérisée par Hauts Plateaux et les régions steppiques du pays, où deux
plusieurs étages bioclimatiques [44] et par sa forte popula- grandes épidémies ont éclaté, faisant près de 8 000 cas à
tion rurale, présente un terrain favorable à l’émergence de M’sila entre 1982 et 1983 et 700 cas à Ksar-Chellala
plusieurs formes cliniques de la maladie. en 1985 [6,8]. Depuis, plusieurs autres foyers sont apparus,
dont celui d’El M’hir, situé sur le versant nord des chaînes
La LCN sévit de façon sporadique, mais de plus en plus
montagneuses des zones arides [17].
fréquente ces dernières années. Elle se répartit en semis tout
le long du littoral et du Tell algériens et sa distribution géo- Ainsi, la barrière géographique formée par l’Atlas tellien,
graphique se confond avec celles de la leishmaniose viscé- qui séparait la forme cutanée du nord à L. infantum et la LCZ
rale et de la leishmaniose canine. L’extension de cette forme du sud à L. major, a été franchie avec une avancée rapide de
est de plus en plus souvent signalée dans les régions jusque- cette dernière vers le nord du pays.
là indemnes, telles que les régions de Tlemcen et d’Oran à Par ailleurs, Mansouri et al. ont identifié dans la région
l’Ouest [16], de Sétif, Annaba et Collo à l’Est. Les plus gros d’Annaba (nord-est de l’Algérie) des isolats de L. infantum
foyers sont ceux de Tizi-Ouzou, de Bouira, de Bejaia, de et de L. major en sympatrie [33], ce qui confirme l’extension
Boumerdes, de Constantine, de Jijel, de Mila et de Ténès de ce dernier vers le nord au niveau des zones humides et
avec 200 nouveaux cas par an [28]. subhumides.
Dans notre série, sur les 97 souches, L. infantum est iden- Cette situation est similaire en Tunisie, mais avec une
tifiée 17 fois, soit 17,52 % d’isolats provenant des wilayas prédominance de L. major dans le Nord tunisien [18] alors
du nord du pays. qu’au Maroc, les cas dus à L. infantum sont rares au nord où
L. infantum se confirme dans notre étude comme étant coexiste et prédomine L. tropica avec des flambées épidémi-
l’agent le plus fréquemment en cause dans le nord du pays, ques [41].
avec 94,11 % (16/17 isolats) des souches isolées. Le déplacement du front de la maladie vers le nord serait
Le prolongement de la répartition de la LC à L. infantum favorisé par le phénomène de désertification des zones step-
va jusqu’au nord des pays voisins, la Tunisie [3], le Maroc piques constaté depuis plus d’une vingtaine d’années, ce qui
[41] et la Libye bien qu’elle soit très peu documentée dans ce aurait contraint les populations de rongeurs à se déplacer
dernier [34]. vers des zones plus humides. Plusieurs auteurs ont insisté
Cependant, la prédominance de la LCN au niveau de la sur l’impact des modifications environnementales et des
frange nord du pays ne doit en aucun cas justifier l’attribution changements climatiques sur l’évolution de la maladie ou
de toute LC dans ces zones à L. infantum. L’identification des son émergence dans certains foyers [5,14,19,22].
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L’espèce Meriones shawi, réservoir confirmé de L. major L’observation de L. tropica au centre-nord et au nord-
est commune dans le Tell, où la céréaliculture est largement ouest du pays, où coexistent L. infantum et L. major, suggère
pratiquée. Elle cohabite au niveau des Hauts Plateaux avec des modifications de l’épidémiologie de la LC en Algérie, ce
Psammomys obesus. qui souligne l’intérêt de plus d’investigations pour mieux
Une autre hypothèse à cette extension serait la pullulation comprendre le cycle de transmission des différentes entités.
des vecteurs, suite à des changements survenus dans leurs
écosystèmes [45]. Dedet et al. arrivèrent à la même conclu-
Conclusion
sion dans leurs travaux sur les phlébotomes d’Algérie : Phle-
botomus papatasi se déploie préférentiellement dans les En Algérie, les leishmanioses demeurent un problème de
zones steppiques et au nord Sahara, mais se rencontre égale- santé publique. Tous les acteurs impliqués dans les différen-
ment dans le Tell et les Hauts Plateaux [20]. tes entités nosologiques ne sont pas encore complètement
La coexistence de L. major et de L. infantum dans les élucidés et ne cessent de changer.
mêmes régions plaide pour la caractérisation moléculaire Nos résultats confirment le bouleversement épidémiolo-
des souches de Leishmania. D’autant plus que l’évolution gique que connaît cette zoonose depuis une vingtaine d’an-
clinique et, par conséquent, la prise en charge des cas ne nées avec l’apparition de nouveaux foyers à L. major, la
seraient pas équivalentes au cours des deux formes cliniques progression vers le nord et son urbanisation.
en question [12,15]. La répartition géographique de L. infantum reste jusque-là
En effet, les lésions de la LCZ cicatrisent spontanément en stable, présente au nord, au niveau des aires de distribution
six à huit mois, alors que celles de la LCN nécessitent sou- de la leishmaniose viscérale.
vent un traitement afin d’accélérer le processus de cicatrisa- Quant à L. tropica (syn L. killicki), responsable de la
tion qui ne se fait spontanément qu’au-delà d’un an [9]. LCC, longtemps suspectée sur des indices épidémiolo-
Quant aux lésions de la LCC dues à L. tropica (syn giques, sa présence est confirmée en Algérie.
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L. killicki), comme leur nom l’indique, elles peuvent persister La caractérisation moléculaire des souches de Leishmania,
pendant des années [41]. aussi bien de patients que du vecteur et du réservoir, permet
Un fait marquant était l’identification dans notre série de d’actualiser la situation épidémiologique des leishmanioses et
L. tropica, 10/97 souches, soit 10,30 %, dont deux souches de cerner le fonctionnement des différents foyers.
appartenaient à deux patients algériens sans notion de séjour
en zones d’endémie à L. tropica. C’est le premier rapport Remerciements Nos vifs remerciements vont au Dr Chris-
décrivant l’apparition de cette espèce dans cette partie tophe Ravel, MD, PhD du CHU de Montpellier, département
du pays, à savoir Tablat (wilaya de Médéa, nord-ouest) et de parasitologie-mycologie, Centre national de référence sur
Boufarik (wilaya de Blida, centre-nord), où coexistent la leishmaniose (CNRL) et au Pr Patrick Bastien, chef du
L. infantum et L. major. Nos deux patients présentaient une laboratoire de parasitologie-mycologie du CHU de Montpel-
même lésion unique sèche au niveau du visage, évoluant lier et directeur du CNRL pour avoir accepté de confirmer la
depuis sept mois pour l’un et 14 mois pour l’autre. caractérisation de nos souches de L. tropica.
Les huit souches restantes de L. tropica identifiées appar-
Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
tenaient à des patients syriens vivant en Algérie mais ayant
d’intérêts.
séjourné dans leur pays natal où la LC à L. tropica est endé-
mique et pose un réel problème de santé publique [21,26].
L. tropica (syn L. killicki), responsable de la LCC au Magh- Références
reb, fut décrite pour la première fois par Rioux et al. en 1980
dans la province de Tataouine (sud-est Tunisie) [40]. Outre la 1. Ajaoud M, Es-sette N, Hamdi S, et al (2013) Detection and mole-
Tunisie, ce taxon était décrit en Libye [4], au Maroc avec une cular typing of Leishmania tropica from Phlebotomus sergenti
and lesions of cutaneous leishmaniasis in an emerging focus of
incidence de loin supérieure à celle de la Tunisie et de la Libye Morocco. Parasit Vectors 6:217. doi: 10.1186/1756-3305-6-217
[1,37,38] et récemment en Algérie [10,28,32,33,35]. 2. Aoun K, Amri F, Chouihi E, et al (2008) Épidémiologie de Leish-
En Algérie, L. tropica a été identifiée la première fois à mania (L.) infantum, L. major et L. killicki en Tunisie : résultats
Constantine (nord-est Algérie) [35]. Par la suite, elle fut et analyse de l’identification de 226 isolats humains et canins et
revue de la littérature. Bull Soc Pathol Exot 101:323–8 [http://
décrite à Ghardaia, foyer de LCZ (sud d’Algérie), suite à www.pathexo.fr/documents/articles-bull/T101-4-3201.pdf]
une épidémie survenue en 2005 faisant 2 040 cas [28]. C’est 3. Aoun K, Bouratbine A, Harrat Z, et al (2000) Données épidémio-
également la première description en Algérie de LC à logiques et parasitologiques concernant la leishmaniose cutanée
L. tropica (syn L. killicki) en sympatrie avec L. major [28]. sporadique du nord tunisien. Bull Soc Pathol Exot 93:101–3
[http://www.pathexo.fr/documents/articles-bull/T93-2-2128.pdf]
Plus récemment, d’autres descriptions ont concerné d’au- 4. Aoun K, Bousslimi N, Haouas N, et al (2006) First report of
tres localités, à savoir : Annaba (nord-est d’Algérie) et Had- Leishmania (L.) killicki Rioux, Lanotte & Pratlong, 1986 in
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