Vous êtes sur la page 1sur 4

Introduction : La citation d'André Gorz, extraite de son ouvrage "Métamorphoses du

travail" publié en 1988, soulève l'idée selon laquelle notre appartenance à la sphère
publique, notre existence sociale et notre identité sont principalement déterminées
par le travail rémunéré, en particulier le travail salarié. Selon Gorz, c'est à travers le
travail que nous nous insérons dans un réseau de relations et d'échanges, où nous
nous comparons aux autres et obtenons des droits sur eux en échange de nos
devoirs envers eux. Cette affirmation interroge le rôle du travail rémunéré dans la
construction de notre identité et de notre place dans la société. Nous pouvons donc
nous demander : Dans quelle mesure le travail rémunéré, détermine-t-il notre
appartenance à la sphère publique, notre existence sociale et notre identité, tout en
suscitant des contradictions et des limites qui remettent en question cette affirmation
? Nous parlerons dans un premier temps du travail rémunéré comme fondement de
l’existence sociale, puis nous verrons l’insertion dans un réseau de relations et
d’échanges, et enfin nous discuterons des limites et des contradictions du travail
rémunéré. Pour explorer cette question, nous mobiliserons les œuvres "Les
Géorgiques" de Virgile,"Par-dessus-bord" de Michel Vinaver et "La condition
ouvrière" de Simone Weil. Dans cette discussion, nous analyserons les différentes
perspectives de ces auteurs sur le travail rémunéré et son influence sur l'existence
sociale et l'identité.

I. Le travail rémunéré comme fondement de l'existence sociale

A. Le travail salarié et l'appartenance à la sphère publique

Dans l'œuvre "Les Géorgiques" de Virgile, l'auteur aborde la relation entre l'homme
et la terre cultivée. Virgile met en évidence le rôle essentiel du travail agricole dans la
construction de la civilisation et de la société. Il décrit le travail des agriculteurs
comme un acte sacré qui permet de maintenir l'ordre social et d'assurer la prospérité
collective. Ainsi, le travail rémunéré, représenté ici par le travail agricole, est perçu
comme une condition nécessaire à l'appartenance à la sphère publique et à la
construction d'une société équilibrée.

En revanche, dans "Par-dessus-bord" de Michel Vinaver,le travail salarié est présenté


sous un angle plus critique. L'auteur souligne les mécanismes d'exploitation et
d'aliénation inhérents à l'organisation capitaliste du travail. Les personnages sont
confrontés à la précarité, à l'absence de reconnaissance et à la perte de sens de leur
activité professionnelle. Ainsi, Vinaver remet en question l'idée selon laquelle le travail
salarié assure automatiquement l'appartenance à la sphère publique, mettant en
lumière les dysfonctionnements du système économique.

B. L'acquisition d'une identité sociale à travers le travail rémunéré


Dans "La condition ouvrière" de Simone Weil, l'auteure explore les conditions de
travail dans les usines françaises des années 1930. Weil insiste sur le lien étroit entre
l'identité sociale et le travail rémunéré. Les ouvriers trouvent souvent leur identité et
leur place dans la société à travers leur appartenance à une profession spécifique.
Cependant, Weil souligne également la déshumanisation du travail industriel, qui
réduit les travailleurs à de simples exécutants dépourvus de reconnaissance et de
dignité. Ainsi, bien que le travail rémunéré puisse conférer une identité sociale, il peut
aussi conduire à une perte d'humanité et à une réduction de l'individu à son rôle
professionnel.

En conclusion, les œuvres "Les Géorgiques" de Virgile, "Par-dessus-bord" de Michel


Vinaver et "La condition ouvrière" de Simone Weil apportent des perspectives
contrastées sur le lien entre le travail rémunéré, l'appartenance à la sphère publique,
l'existence sociale et l'identité. Alors que Virgile présente le travail comme un élément
fondateur de la société, Vinaver et Weil soulignent les aspects problématiques du
travail salarié, tels que l'exploitation, l'aliénation et la perte de sens. Ces différentes
approches soulèvent des interrogations sur la nature même du travail rémunéré et
appellent à une réflexion approfondie sur les conditions et les conséquences de notre
engagement dans le monde du travail.

II. L'insertion dans un réseau de relations et d'échanges

A. Les relations interpersonnelles et la mesure de soi aux autres

Dans "Les Géorgiques" de Virgile, le travail agricole est également présenté comme
un moyen de tisser des liens sociaux et d'entretenir des relations interpersonnelles.
Les agriculteurs se regroupent, partagent leurs connaissances et s'entraident
mutuellement dans leurs activités agricoles. Ainsi, le travail rémunéré devient un
vecteur de solidarité et de cohésion sociale, permettant aux individus de se mesurer
aux autres et de trouver leur place dans la communauté.

En revanche, dans "Par-dessus-bord", les relations professionnelles sont souvent


marquées par la compétition et les rapports de pouvoir. Les employés se voient
contraints de se mesurer les uns aux autres, de se surpasser pour obtenir une
promotion ou une reconnaissance. Cette dynamique de compétition peut engendrer
des tensions et une dégradation des relations interpersonnelles, remettant en
question l'idée selon laquelle le travail rémunéré favorise systématiquement des
interactions positives et égalitaires. Ex : Discours de Benoît sur l'état de l'entreprise : «
ceux d'entre nous qui n'adopteront pas la cadence eh bien ils resteront sur le quai »

Lubin critique les employés qui dans la concurrence perdent toute fraternité et sont prêts à
tuer « leur propre mère si ça pouvait servir leur carrière »
B. Les droits et devoirs dans les relations professionnelles

Simone Weil, dans "La condition ouvrière", met en évidence les déséquilibres de
pouvoir existant dans les relations de travail. Les travailleurs sont souvent confrontés
à des devoirs rigoureux envers leurs employeurs, mais leurs droits sont souvent
limités et peu protégés. Weil souligne la nécessité d'établir un équilibre entre les
droits et les devoirs dans les relations professionnelles afin d'assurer une justice
sociale.

Dans "Par-dessus-bord" de Michel Vinaver, les employés sont soumis à des pressions
constantes pour atteindre des objectifs de productivité, mettant en évidence la
prédominance des devoirs envers l'entreprise et la hiérarchie. Les droits des travailleurs sont
souvent relégués au second plan, ce qui peut entraîner des injustices et des frustrations. Ex :
Lubin : « C'est vrai que je passe plus de temps avec vous qu'avec ma femme »

En conclusion, les œuvres "Les Géorgiques" de Virgile, "Par-dessus-bord" de Michel


Vinaver et "La condition ouvrière" de Simone Weil apportent des perspectives
différentes sur l'insertion dans un réseau de relations et d'échanges au sein du travail
rémunéré. Alors que Virgile met l'accent sur la solidarité et les liens sociaux
engendrés par le travail, Vinaver et Weil soulignent les tensions, les inégalités et les
déséquilibres de pouvoir qui peuvent découler des relations professionnelles. Cette
diversité de perspectives soulève des questions sur la nature des interactions au sein
du travail rémunéré et sur la nécessité d'établir des relations équitables et
respectueuses dans le milieu professionnel.

III. Les limites et les contradictions du travail rémunéré

A. L'aliénation et l'exploitation dans le travail salarié

Dans "Par-dessus-bord" de Michel Vinaver, l'œuvre met en évidence


l'aliénation inhérente au travail salarié. Les personnages se retrouvent souvent
déconnectés de leur travail, effectuant des tâches monotones et répétitives qui
ne correspondent pas à leurs aspirations profondes. Cette aliénation conduit à
une perte de sens et à une déshumanisation, où les individus se sentent
réduits à de simples rouages dans la machine économique. Vinaver critique
ainsi la dimension aliénante du travail salarié, remettant en question l'idée
selon laquelle il constitue la source principale de notre existence sociale.

Simone Weil, dans "La condition ouvrière", souligne également l'exploitation


qui peut découler du travail rémunéré. Les ouvriers sont souvent soumis à des
conditions de travail difficiles, à des horaires contraignants et à des
rémunérations insuffisantes. Weil dénonce cette exploitation et appelle à une
meilleure reconnaissance des droits des travailleurs, ainsi qu'à une remise en
question du système économique qui perpétue ces inégalités.

B. Les exclusions et les inégalités générées par le travail rémunéré

Dans "La condition ouvrière", Simone Weil met en lumière les exclusions et les
inégalités sociales qui peuvent découler du travail rémunéré. Certains individus
sont marginalisés et privés de l'accès à un emploi décent, ce qui compromet
leur appartenance à la sphère publique et leur existence sociale. Weil souligne
ainsi les limites du travail rémunéré en tant que fondement de notre identité et
de notre place dans la société, mettant en évidence les inégalités structurelles
qui en découlent.

En conclusion, les œuvres "Par-dessus-bord" de Michel Vinaver et "La condition


ouvrière" de Simone Weil soulignent les limites et les contradictions du travail
rémunéré. L'aliénation, l'exploitation, les exclusions et les inégalités qui peuvent
découler du travail salarié remettent en question sa capacité à garantir une existence
sociale épanouissante et une identité pleinement réalisée. Ces critiques appellent à
une réflexion approfondie sur les failles du système économique et sur la nécessité
de repenser les conditions de travail pour construire une société plus juste et
équitable.

Conclusion : La citation d'André Gorz met en lumière l'importance du travail


rémunéré, en particulier du travail salarié, dans notre appartenance à la sphère
publique, l'acquisition d'une identité sociale et notre insertion dans un réseau de
relations et d'échanges. Cependant, les œuvres "Les Géorgiques" de Virgile, "Par-
dessus-bord" de Michel Vinaver et "La condition ouvrière" de Simone Weil nous
permettent de nuancer cette affirmation en soulignant les limites et les contradictions
du travail rémunéré. L'aliénation, l'exploitation, les exclusions et les inégalités
générées par le travail salarié remettent en question son rôle fondamental dans la
construction de notre existence sociale et de notre identité. Ainsi, cette discussion
invite à réfléchir sur les multiples facettes du travail rémunéré et sur les alternatives
possibles pour une société plus équitable et épanouissante.

Vous aimerez peut-être aussi