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La Rochefoucauld, Maximes : Introduction

La Rochefoucauld dans le mvt de l'Histoire

Oeuvre élaborée dans un petit groupe d'amis, modifiée pas à pas en f° des réactions,
remaniée pdt 13 ans : « chef d'oeuvre d'une société ». Né en 1613, grande famille (duc), époque
militante et optimiste jusqu'à 30 ans, puis ruine de sa classe, de son idéologie, de sa vie. Œuvre
propose la solution d'une « honnêteté » adéquate à son temps.

L'exaltation de l'homme (jusqu'en 1643)

1. Dynamisme d'une période de construction : retour d'une confiance exacerbée entre 1624 et
1642 (politique : Richelieu ; pensée : Gassendi et Descartes ; religion : Contre-Réforme ; vie
sociale : honnêteté...). LR = génération de Corneille : il vit les exaltations de cette époque.
Amateur de guerre, amour, intrigue = romanesque.
2. Vogue du néostoïcisme : solution proposée : maîtrise de soi dans la soumission à l'ordre
naturel et social et aux aléas de la vie (#Montaigne, mais aussi les moralistes Du Vair et
Charron, ainsi que Honoré d'Urfé, Camus, Malherbe...). Humanisme naturaliste lié au
rationalisme libertin : influence décline chez les auteurs spirituels mais se maintient chez les
moralistes laïcs. Société se plaît à l'analyse psychologique et morale (= Sénèque).
3. Domination de l'humanisme chrétien : contradiction entre humanisme et théocentrisme.
Christiannisme oscille entre les 2 pôles : élan mystique (1593-1608) puis optimisme
humaniste (1er XVIIè) : chrétien serait le perfectionnement de l'H naturel et social.
4. Humanisme héroïque : exaltation temporelle de l'H, chez Descartes et Corneille.
5. Du bon usage des passions : néostoïcisme d'après 1610 veulent tirer parti de leur énergie, en
maintenant sur elles la souveraineté de la raison (Descartes et Corneille mais aussi d'Urfé).
6. Notre principe : la générosité. Notion alors promue d'un principe génétique de vigueur et de
valeur, supériorité innée, exclusive et inaliénable du noble de naissance.

La dépréciation de l'homme (à partir de 1643)

1. De la crise à l'assujettissement : construction de l'ordre politique entrée en conflit avec l'élan


intellectuel et religieux (Galilée, autocensure de Descartes, arrestation de Saint-Cyan...).
Affirmation de la monarchie absolue réduit les pouvoirs intermédiaires : crise latente éclate
à la mort de Louis XIII et de Richelieu (1642-1643). Régence à Mazarin : dépit de LR :
amertume critique. Pdt la Fronde, LR ami des Importants (ennemis de Mazarin). Mais
double-jeu des seigneurs qui traitent avec M en faisant semblant de le chasser : abaissement
de la noblesse. Vertu devient soumission et devoir (même dans le voc de Corneille). LR = un
de principaux animateurs de la guerre civile, qu'il termine ruiné, malade, blessé, abandonné.
Autorisé à revenir à la cour en 1659 seulement. Brave et fidèle jusqu'au sacrifice mais sans
conviction profonde. Commence à écrire en 1649 : Apologie pour justifier son revirement.
Dans ses Mémoires, il se présente comme « l'incarnation même de l'idéalisme
chevaleresque » entouré d'une « légion de médiocres ».
2. L'antihumanisme : 1640 : Jansénius publie l'Augustinus, et expose l'antihumanisme de saint
Augustin. Jansénisme condamné par la Sorbonne, Rome, le roi. Mais vision pessimiste
domine la littérature de la 2nde moitié du siècle ; Pascal, LR, Bayle, La Bruyère, Racine,
Mme de Lafayette, La Fontaine, Molière, Boileau... Port-Royal vu comme le haut lieu de
l'esprit, de la vertu, de la liberté. Sceptiques considèrent que « la fortune et l'humeur
gouvernent le monde ». Littérature héroïque dérape : Corneille passe de l'exaltation de l'Etat
et des passions vertueuses à la dénonciation du machiavélisme (La Mort de Pompée,
Héraclius...).
3. La critique du stoïcisme : antihumanisme augustinien s'en prend à l'idée de vertus purement
humaines, ainsi qu'au stoïcisme : réduction des fausses vertus (dont LR se fera une
spécialité). Influence du stoïcisme demeure encore conséquente, Epictète encore utilisé.
4. L'homme en proie aux passions : discours se modifie : passions ne sont pas une énergie mais
une manifestation de l'amour-propre (mauvaises). Divertissement, concupiscence, rage
d'illusion et de folie, les passions sont condamnées par Pascakn Racine, Lafayette...
5. Notre nouveau principe : l'amour-propre ou égocentrisme intéressé : notion de générosité
s'effondre avec la crise, remplacé par principe de l'amour-propre (égocentrisme intéressé,
opposé à l'altruisme). Profit devient préférable à la gloire : « L'intérêt, maître de la cour ».
Pascal, LR, Corneille, Molière, Racine, LF donnent la mm image de l'H contemporain,
égocentrique et tyrannique.
6. Les raisons de ce changement : crise ruineuse de la noblesse d'épée, guerre civile, ascencion
des spéculateurs : triomphe de l'absolutisme et de l'argent, de la faveur et du profit : âge de
Tartuffe. Passage du féodalisme au libéralisme.

Quelles solutions pour la nouvelle condition humaine ?

1. Conscience critique et sublimation stylistique : Scarron, Cyrano, Corneille ont commencé la


représentation critique/parodie satirique de l'H et du système nouveaux ; Pascal, LR en
systématisent l'analyse ; Molière, Boileau, Furetière, LF et Bossuet poursuivent la
satire/critique. Tâche : démasquer les fausses apparences. Écrivains détournent aussi la
maîtrise mondaine des signifiants pour sublimer le malaise dans la beauté du style qui le
dénonce.
2. Une solution de compromis : l'honnêteté. Sujet du Misanthrope : compromis qu'exige la vie
sociale entre affirmation de soi et adaptation aux autres. Après la Fronde, honnête homme =
modèle qui remplace le héros : remède à l'égocentrisme insociable de l'amour-propre.
Ménagement des apparences dont Pascal dénonce l'insuffisance.
3. Vers le libéralisme, fondé sur la fécondité des motivations intéressées : dès 1690s, idées de
LR largement admises et dépassées (amour-propre et intérêt valorisés dans la perspective du
libéralisme). Dialectique des intérêts particuliers, loin de détruire l'ordre social, en est le
ressort. Milieu XVIIè, Hobbes puis Spinoza théorisent le système libéral, où la poursuite des
intérêts particuliers produit la satisfaction générale.

La place des Réflexions et Maximes dans l'histoire des formes littéraires

Classicisme = 1660-80s. À partir de 1658, prémices d'une nvelle littérature, favorisée par
mécénat de Fouquet. Provinciales de Pascal (1656-57), Apologie (1658). LF : Adonis (1658) et Le
Songe de Vaux (1659)... Perspective modifiée : de l'affirmation de soi à l'analyse. Nvelle littérature
= rationalité, sobriété, moralisme, sublimation esthétique et spirituelle. Tendance critique. LR
démasque les prétentions humanistes et l'amour-propre, propose le compromis de l'honnêteté et la
compensation d'une sublimation esthétique : représentatif de son temps, également par son style :
brièveté et diversité. Heure aux portraits, réflexions, pensées, maximes, lettres, entretiens, fables...

Analyse et originalité d'une œuvre

1. Problème de l'auteur : Réflexions diverses pas publiées (7 éditées en 1731, totalité en 1863).
5 éditions des Maximes = anonymes (pratique courante à l'époque), mais tout le monde
connaissait l'auteur. Formulation impersonnelle (loi du genre), mais œuvre personnelle,
enracinée dans son expérience : lucidité critique et brio stylistique.
2. Problème du titre : 1659-62, LR parle de sentences, puis 1663-64 de maximes. Titre des 5
éditions : Réflexions ou sentences et maximes morales ; titre usuel apparu très tôt, contraire
à l'intention de LR. Maximes sonne mieux mais sens fondamentaliste et connotations de
dogmatisme moral contraires à l'esprit de l'oeuvre. Titre de Réflexions = le + pertinent et le
mieux autorisé.
3. Les états successifs des Réflexions ou Sentences et Maximes morales : élaboration
commence en hiver 57-58. intention : détromper ceux qui croient à la vérité des vertus.
1663 : œuvre prête. Avant de l'imprimer, LR organise une discrète enquête d'opinion
(dizaine de copies). Réactions : certains sont choqués, d'autres apprécient « une satire très
forte et très ingénieuse de la corruption de la nature par le péché originel, de l'amour-propre
et de l'orgueil ». 1ère édition : pragmatique maxime initiale de 1663 recule à la 191è place,
l'amour-propre s'emparant des 4 premières places. Pas de solution proposée car ce serait
ruiner l'ouverture littéraire et réflexive de ses sentences. 2nde édition : allège l'Avis au
lecteur supprime le Discours de la Chapelle-Bessé, ajoute 44 maximes, en supprime 60 et en
raccourcit d'autres. + d'atténuations. Édition la mieux composée. Maximes posthumes =
réflexions que LR n'a pas publiées (en réalité, il aurait pu les publier mais ne l'a pas voulu).
4. Les Réflexions diverses : 19 textes + développés, variations sur des thèmes curieux,
considérations historiques, réflexions psychologiques, esquisse d'un art de vivre... toutes
postérieures à 1665. Plusieurs de ces développements proposent des solutions.
5. Entre critique augustinienne et libertine, élitisme aristocratique et art de vivre : le sens de ces
œuvres : œuvre de LR = personnelle, mais ni portrait du peintre, ni galerie de portraits à
clefs ; synthèse culturelle originale. Vision syncrétique, implicite, peu soucieuse de
cohérence. Adresse à un public mondain. Ensemble éclectique, sans plan. J. Lafond
distingue 3 grands moments ; J. Truchet repère des séries thématiques : amour-propre,
passions, orgueil, amour, amitié, esprit et jugement, tromperie, vie en société, louanges,
mérite, constance/inconstance, vices, crimes et maladies de l'âme, valeur militaire,
reconnaissance et ingratitude, élévation. Emprunts à saint Augustin, mais honnête homme
doit éviter le dogmatisme, d'où libres interprétations de l'oeuvre. Ne pas confondre position
de l'auteur et convictions de l'homme. Contrepied de Machiavel : l'un prend pour critère le
succès, la fin qui justifie les moyens, lautre dénonce nos motivations intéressées.
Pessimisme critique des Maximes, mais LR admire l'habileté de l'amour-propre, autant qu'il
le condamne. Côté positif de LR se rattache à son élitisme aristocratique. Propose un art de
vivre : solution positive où s'allient adéquation et authenticité.

Le style de La Rochefoucauld

70% des Maximes sont des énoncés simples, 10% des parallélismes, 20% des énoncés
complexes. Bcp de définitions restrictives : « ne... que » réduit l'illusion à la triste vérité : phrase
déséquilibrée, descendante, décevante dans son élan interrompu. Logique différente de la
dialectique pascalienne. Maxime sacralise mm lorsqu'elle démystifie. Pas d'esthétisme gratuit chez
LR, mais de l'éloquence, des courts-circuits poétiques, des images piquantes, une sobre maîtrise,
une harmonie.

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