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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 23-010-A-15

23-010-A-15

Plaques bactériennes dentaires :


approche biochimique. Potentiels cariogène
et parodontopathogène
B Pellat
C Miller
D Guez
Résumé. – Le milieu buccal se caractérise par une très grande hétérogénéité, par la diversité des origines des
éléments qui le composent et par un dynamisme qui complique considérablement son étude. La composante
bactérienne de ce domaine ouvert sur l’extérieur et qui se comporte comme un sas vis-à-vis du milieu intérieur
joue un rôle déterminant dans l’écosystème buccal. La survie des bactéries repose sur leur capacité à adhérer
à un support, fût-il muqueux ou dentaire, ce qui les préserve d’une déglutition qui les entraînerait vers le
milieu gastrique très défavorable.
L’adhésion précoce aux surfaces dentaires est un processus complexe qui relève d’interactions avec certains
constituants salivaires, libres ou fixés à l’émail, et qui privilégie certaines bactéries peu ou faiblement
pathogènes aux dépens d’autres. Notre propos n’est pas de traiter l’aspect bactérien, mais d’appréhender les
mécanismes biologiques qui conditionnent l’adhésion et l’agglutination, et d’approcher certaines modalités
de pathogénie vis-à-vis de la dent et du parodonte.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : plaques bactériennes dentaires, biochimie, cariogenèse, physiopathologie parodontale,


adhésion, fermentation, gingipaïnes.

Adhésion microbienne H H O
H H O

ADSORPTION DE MATÉRIEL SALIVAIRE PRP ≈ N - C - C ≈ PRP


PRP ≈ N - C - C ≈ PRP
À L’HYDROXYAPATITE : PELLICULE ACQUISE EXOGÈNE
OU BIOFILM SALIVAIRE CH2
CH2
Un certain nombre de protéines salivaires se lient en quelques glutamine CH2
minutes à la surface de l’émail préalablement mis à nu, pour former CH2
la pellicule acquise exogène, que les biologistes qualifient aussi de C=O
C=O
« biofilm salivaire ». La cinétique d’adsorption adopte un profil NH2 transglutaminase + NH3
hyperbolique pour l’ a-amylase, les proline-rich-glycoproteins (PRG) N-H
et la cystatine A ; l’adsorption est plus rapide pour les proline-rich- + Liaison croisée CH2
protein (PRP) dans leurs formes courtes à 106 acides aminés (PRP3 NH2
et PRP4) que pour leurs formes longues (PRP1 et PRP2 de 150 acides CH2
aminés). L’anhydrase carbonique (CA) VI sécrétée (différente de la CH2
CA II qui ne sort pas du cytoplasme des cellules acineuses et qui est CH2
CH2
responsable de la production de bicarbonate salivaire) s’adsorbe à CH2
lysine
l’émail et enrichit la pellicule acquise exogène ; cette CA VI produit CH2
au sein du biofilm du bicarbonate qui amortit les chutes de pH de la stathérine ≈ N - C - C ≈ stathérine
CH2
plaque.
H H O
Le taux de CA VI salivaire semble varier considérablement selon les stathérine ≈ N - C - C ≈ stathérine
sujets et suivrait un rythme circadien, probablement régulé par le stathérine ou cystatine
H H O
système nerveux autonome [39].
Dès lors qu’elles s’adsorbent à l’émail, les protéines interagissent en 1 Création de liaisons croisées entre certaines protéines salivaires par une transglu-
établissant des liaisons croisées entre plusieurs d’entre elles. Cette taminase.
réaction repose sur une transglutaminase sécrétée par les glandes
salivaires (fig 1).
appartenant à une PRP acide, à une stathérine (une seule lysine et
Cette enzyme catalyse la formation de liaisons c-glutamyl-e-lysyl
entre une glutamine et une lysine de chaînes polypeptidiques une glutamine) et/ou à une cystatine (une seule lysine). Cette
transglutamination renforcerait donc la cohésion du biofilm [83].

On décrit aussi des complexes hétérotypiques entre les mucines de


Bernard Pellat : Professeur des Universités, praticien hospitalier, sciences biologiques.
Catherine Miller : Ancien assistant des hôpitaux universitaires, sciences biologiques, odontologie haut poids moléculaire (PM) de type MG1, et l’ a-amylase, les PRP,
conservatrice et endodontie. la stathérine et les histatines, complexes que l’on retrouve dans la
Dominique Guez : Ancien assistant des hôpitaux universitaires, parodontologie.
Faculté de chirurgie dentaire, université René Descartes Paris 5, 75005 Paris, France. pellicule.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Pellat B, Miller C et Guez D. Plaques bactériennes dentaires : approche biochimique. Potentiels cariogène et parodontopathogène. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et
Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Odontologie, 23-010-A-15, 2002, 12 p.
Plaques bactériennes dentaires : approche biochimique.
23-010-A-15 Odontologie
Potentiels cariogène et parodontopathogène

PAE
Débris α-amylase PRP Stathérine
bactériens

Dent

PAE
2 Interactions de type « proteine-protéine » entre bactéries et biofilm salivaire Débris α-amylase PRP Stathérine
(PRP : proline-rich-protein). bactériens

Dent
La protection contre la déminéralisation de l’émail de surface par
les acides suppose une maturation de plusieurs jours de la
pellicule [34]. 3 Coagrégations bactériennes (PRP : proline-rich-protein).
Certaines glycosyltransférases (GTF-C) dans leur forme soluble,
produites par les streptocoques cariogènes, ont été identifiées dans protéines riches en proline acides de 150 acides aminés (PRP1, PRP2
le biofilm salivaire et pourraient contribuer à l’adhésion bactérienne et PIF-S : parotid-isoelectric focusing-slow) fixées sur l’émail ont une
à la surface de l’émail. forte affinité pour les fimbriae de type 1 d’Actinomyces viscosus, alors
que les mêmes protéines en solution réagissent beaucoup moins
Ce film protéique (biofilm ou pellicule) joue un rôle déterminant
bien. Certaines bactéries synthétisent des neuraminidases
vis-à-vis de l’émail :
(Actinomyces naeslundii et Actonimyces viscosus) ou des protéases
– en assurant une perméabilité sélective qui retarde la diffusion des (Porphyromonas gingivalis) qui vont, par clivage, découvrir des sites
acides ; récepteurs épithéliaux ou du biofilm, et donc moduler l’adhérence
pour d’autres bactéries ou pour elles-mêmes. Toutefois, de
– en protégeant l’émail de la déminéralisation ;
nombreuses molécules salivaires restées en solution (en premier lieu
– en conférant un caractère lubrifiant aux surfaces dentaires ; les immunoglobulines Ig As) peuvent agglutiner des bactéries entre
– en limitant la croissance cristalline épitactique à partir de la salive elles, les soustrayant à une future adhérence.
supersaturée en ions calcium, à la surface de l’émail ;
– en modulant l’adsorption précoce de la flore orale ; COAGRÉGATION

– en offrant un support pour les fluorures, le calcium et les Au fur et à mesure de la croissance de la plaque, seules les bactéries
phosphates qui pourront être rendus disponibles lors de la pouvant survivre en anaérobiose partielle, voire totale, vont pouvoir
reminéralisation amélaire. rester au contact des tissus dentaires minéralisés. Il s’agit alors
principalement pour la plaque supragingivale de Streptococcus
sanguis et des streptocoques du groupe mutans. L’analyse
INTERACTIONS MOLÉCULAIRES ENTRE ADHÉSINES sérologique des polysaccharides des parois des streptocoques du
ET RÉCEPTEURS groupe mutans a permis de caractériser différents sérotypes
Les bactéries sont transportées passivement vers la surface dentaire (Streptococcus mutans, rattus, cricetus, sobrinus, downei, ferus,
par la salive. Arrivées à proximité de la dent, les bactéries, chargées macacae) [49] ; les polysaccharides dits de sérotype (glucose,
négativement, adhèrent réversiblement à la pellicule acquise rhamnose, galactose...), peuvent participer à des liaisons spécifiques
exogène, elle-même chargée négativement par interaction de forces de type « lectine » avec des ligands d’origine salivaire de la pellicule
électrostatiques répulsives et de forces de van der Waals attractives. acquise exogène. De même, on peut observer des agrégations de
L’adhésion irréversible des premières bactéries (Streptococcus bactéries de même espèce ou d’espèces différentes (fig 3).
sanguis, gordonii, oralis et mitis ; Actinomyces viscosus) sur la pellicule En plus de ces liaisons spécifiques, des liaisons à faible affinité sont
acquise exogène se fait par des interactions spécifiques de type décrites : les ponts calciques et les interactions hydrophobes. L’ion
« protéine-protéine » (fig 2). Des adhésines se trouvent à la surface Ca2+ peut relier deux constituants, bactérien et salivaire, de même
des bactéries ; ce sont des structures fibrillaires protéiques charge négative. Les acides lipoteichoïques, constituants majeurs de
polymériques creuses encore appelées fimbriae ou pili (de 0,5 à 2 µm la paroi des bactéries à Gram positif, sont des polymères de glycérol
de long, de 2 à 7 nm de diamètre, de 15 à 20 kDa). Les fimbriae de (ou de ribitol) généralement assemblés par des ponts
type 1 sont responsables de l’adhésion microbienne sur la pellicule phosphodiesters. La fonction alcool encore libre de certains glycérols
acquise exogène (ou biofilm salivaire) via des ligands constitués par peut recevoir une D-alanine ou un glucose. On trouve à l’extrémité
certaines glycoprotéines et mucines salivaires [ 11 ] , des de la chaîne un glycolipide de type polyglycosyl-diglycéride qui
oligosaccharides de membranes de cellules épithéliales, ou encore peut se fondre dans l’édifice phosphoglycolipidique membranaire
par l’amylase salivaire pour Streptococcus gordonii [59]. Les fimbriae bactérien ; les chaînes d’acides lipoteichoïques se prolongent vers
de type 2 (par exemple, ceux de Actinomyces viscosus ou naeslundii) l’extérieur, traversant les mailles du peptidoglycanne, et peuvent
semblent plutôt former des liaisons de type « lectine » (liaison entre alors se comporter comme des antigènes. De par leurs propriétés
un résidu glucidique et une protéine), soit avec d’autres bactéries anioniques et hydrophobes, ils peuvent réagir avec les radicaux
(coagrégation avec des streptocoques, en particulier du groupe hydroxyles des molécules appartenant à la pellicule acquise
mutans), soit avec les cellules épithéliales. exogène, voire directement avec l’hydroxyapatite [60].
Il est important de souligner que la même molécule salivaire peut Les streptocoques du genre mutans ne possèdent pas de fimbriae,
ne pas avoir le même comportement vis-à-vis d’une adhésine mais leurs parois révèlent de nombreuses adhésines. Deux d’entre
bactérienne selon qu’elle est en « solution » ou adsorbée à l’émail. elles sont impliquées dans les processus d’adhésion initiale :
Une protéine fixée à de l’hydroxyapatite subit une modification l’antigène I/II (ou antigène P1, ou B, ou IF, ou PAc, ayant un PM de
conformationnelle qui expose une séquence qui était préalablement 185 à 190 kDa) codé par le gène spaP, que l’on retrouve aussi chez
cachée et qui révèle une affinité pour une adhésine bactérienne : ce Streptococcus sanguis et chez Escherichia coli [21, 40], et l’adhésine 74 K
nouveau site de fixation s’appelle un cryptitope [22]. Par exemple, les SR (74 kDa) présente chez tous les sérotypes de Streptococcus

2
Plaques bactériennes dentaires : approche biochimique.
Odontologie 23-010-A-15
Potentiels cariogène et parodontopathogène

6
CH2OH
5 Structure du saccharose.
GBP 1
GBP H
5 O H HOCH2 O H
GBP GBP H
4 1(α) 2 5
OH H O H HO
GBP HO CH2OH
3 2 3 4 6
GBP H OH OH H
GBP
Glucose Fructose
GBP

ß (2 6)
6 6 6
O CH2 O O CH2 O O CH2 O O
5 2 5 2 5 2
PAE 4 3 CH2OH CH2 CH2OH
Débris α-amylase PRP Stathérine
1 1 1

bactériens O
6 6 6 6
CH2 CH2 CH2 CH2 ß (2 1)
O O O O O O O O
Dent
Dent 5 2 5 2 5 2 5 2
4 3 CH2OH CH2OH CH2OH CH2OH
1 1 1 1

Récepteurs PAE
ß (2 6)
Récepteurs bactériens
Fimbriae type I 6 Structure générale d’un lévane.
Fimbriae type II
Polymères extracellulaires insolubles
Polymères extracellulaires solubles
Métabolisme des bactéries cariogènes
GBP = glucan-binding-protein
Les bactéries cariogènes de la plaque génèrent principalement
l’énergie qui leur est nécessaire par hydrolyse des glucides
4 Rôle du GBP dans l’adhésion « saccharose-dépendante ».
PAE : pellicule acquise exogène ; PRP : « proline-rich protein ».
provenant de l’alimentation de l’hôte. Ces glucides sont transportés
par la salive et diffusent à travers la plaque vers les bactéries proches
des tissus dentaires minéralisés (émail ou cément-dentine). C’est le
mutans [54, 55]. Ces protéines de surface des bactéries du groupe des cas du saccharose, principal glucide de l’alimentation, qui pénètre à
mutans sont en mesure d’interagir avec un certain nombre de 90 % dans le corps bactérien ou va être métabolisé à hauteur de 10 %
glycoprotéines d’origine salivaire mais sont particulièrement affines dans l’espace péribactérien (exopolysaccharides). Dans ce cas, le
pour certaines PRP (PRP acides Dbs [Dbs : double band slow]) et la saccharose est pris en charge par la fructosyltransférase (FTF) ou
pièce sécrétoire de l’IgAs (pour l’adhésine 74 K-SR). Il apparaît par l’une des GTF.
qu’une concentration importante de PRP Dbs et d’IgAs dans la
salive, et donc dans la pellicule, serait corrélée à une forte
susceptibilité de l’hôte à la maladie carieuse. Au contraire, un BIOSYNTHÈSE DES EXOPOLYSACCHARIDES
phénotype salivaire riche en PRP1 et PRP2 favorise l’adhésion Certaines bactéries ont le pouvoir d’assurer, à partir du saccharose,
d’Actinomyces naeslundii et est moins cariogène [67]. l’assemblage de polymères glucidiques à l’extérieur du corps
Streptococcus gordonii possède plusieurs types d’adhésines lui bactérien. Ceci répond à un besoin de stockage des bactéries, lié à
permettant, pour certaines (adhésine AbpA de 20 kDa et adhésine l’alternance de périodes d’apport massif de glucides et de périodes
de 82 kDa) de se lier à l’amylase salivaire incorporée à la pellicule, de pénurie. Ces réactions de polymérisation extracellulaire
et pour d’autres de se fixer aux PRP acides et aux IgAs [59]. supposent un équipement enzymatique adapté et un apport
énergétique. Les polymérisations extracellulaires sont le fait de
plusieurs types de bactéries, principalement des streptocoques et des
ADHÉSION « SACCHAROSE-DÉPENDANTE » Actinomyces (Streptococcus du groupe mutans, gordonii, Actinomyces
Ces différentes modalités d’adhérence ont permis une colonisation naeslundii, viscosus) [6, 61, 81] et la capacité des bactéries à assembler
initiale des surfaces dentaires, puis l’agrégation et la coagrégation des polymères extracellulaires est liée à leur pouvoir cariogène.
des bactéries entre elles. Cette plaque jeune abrite déjà, grâce aux Plusieurs enzymes ont été identifiées : des FTF et des GTF (le
interactions bactériennes évoquées, des bactéries capables de nombre et les propriétés des GTF varient selon les espèces de
transformer le saccharose en polymères extracellulaires solubles streptocoques oraux) sont synthétisées de manière constitutive et
(streptocoques du groupe mutans, salivarius, Actinomyces naeslundii) sont retrouvées en surface ou en périphérie [4] des bactéries. Le seul
ou insolubles (streptocoques du groupe mutans). Or, de nombreuses substrat acceptable par ces enzymes est le saccharose (fig 5),
souches de Streptococcus mutans, Streptococcus sobrinus, disaccharide de fructose et glucose dont la liaison contient une
d’Actinomyces synthétisent diverses sortes de glucan-binding-proteins énergie potentielle de - 29 kJ/mol, récupérable pour la réaction de
(GBP). Ces GBP comprennent les GTF de la paroi (non libres) qui recondensation en exopolysaccharide.
produisent des glycannes (cf infra), mais aussi les fixent après avoir La FTF est une enzyme bifonctionnelle qui catalyse le transfert du
été amputées de leur site catalytique par protéolyse [51], et des résidu fructose du saccharose ; il se forme, grâce à l’énergie
protéines dites pseudolectines dépourvues de propriétés récupérée sur la liaison osidique du saccharose, un polymère de
enzymatiques et qui reconnaissent les séquences a(1---> 6)- structure dendritique avec 85 % de résidus fructosyl engagés dans
glycannes. Ainsi, les exopolysaccharides produits par les GTF une chaîne de type b(2---> 6)-D-fructane et 15 % dans des
libres [73] ou des parois peuvent servir de sites de liaison (fig 4) pour ramifications reliées à la chaîne principale par des liaisons b(2--->
l’adhérence sélective de bactéries porteuses de GBP [64]. 1)-D-fructane. Le tout donne une structure globulaire [65] appelée
Ces interactions glycanniques « saccharose-dépendante » contribuent lévane (fig 6) ayant une structure pseudo-inuline. Ces polymères
à consolider la plaque, à la rendre plus dense, et donc à mettre les sont solubles ; ils ne sont donc pas impliqués dans l’adhésion mais
bactéries les plus proches de la surface dentaire en état constituent un stockage extracellulaire de fructose pour les périodes
d’anaérobiose, tout en limitant la sortie des acides produits in situ, de disette. Le résidu glucose rejeté peut être métabolisé dans le corps
accroissant le potentiel cariogène de cette plaque. L’inhibition in bactérien. La FTF de Streptococcus salivarius est associée à la
vitro des GTF par des ions métalliques divalents (Fe2+) réduit le membrane bactérienne alors que, pour les autres bactéries, l’enzyme
caractère cariogène d’une plaque [16]. est sécrétée dans la masse de la plaque.

3
Plaques bactériennes dentaires : approche biochimique.
23-010-A-15 Odontologie
Potentiels cariogène et parodontopathogène

7 Structure générale d’un dextrane.

Glucose
Milieu
O

6
péricellulaire
CH2
Glycolyse
O

1 OSE-Ph
O

6 H-Pr-P EI PEP
CH2
OSE EII
(EIII)
O

1
α(1 6) Pyruvate
H-Pr EI-P
O

6
CH2
O

1
Cytoplasme bactérien
O

6
9 Système phosphotransférase de transport membranaire.
CH2 PEP : phospho-énol-pyruvate ; H-Pr : heat stable protein.
O

le cas contraire, une dégradation de ces polysaccharides prend le


relais. Des activités de type glycannase (ou dextranase) ont été mises
O

6 6 6 en évidence [37] à partir de nombreuses espèces bactériennes


CH2OH CH2 CH2OH
(Bacteroides, Lactobacillus, Cytophaga, Fusobacterium, Actinomyces), et
O O O
1 1 1
en particulier de souches productrices du substrat glycannique
O O (Streptococcus mutans, Streptococcus sobrinus, Streptococcus downei).
3 3
Certaines de ces dextranases extracellulaires semblent pouvoir se lier
α(1 3) aux glycannes, alors que les formes intracellulaires n’expriment
aucun domaine de liaison glycannique [62].
6
CH2OH
TRANSPORT TRANSMEMBRANAIRE DES SUCRES
O

1
Les sucres issus de l’alimentation et dont ont besoin les bactéries
O

6
CH2OH
6
CH2 pour se développer doivent pénétrer à l’intérieur du corps bactérien
α(1 6) et supposent donc des systèmes de transport transmembranaire. La
O

1 synthèse de ces systèmes est susceptible d’être induite ou réprimée,


α(1 6)
O

6 6
ce qui permet une adaptation des bactéries au milieu. Les
CH2 CH2
mécanismes de transport connus sont au nombre de trois pour les
glucides, source majeure de carbone pour les cellules procaryotes : il
O

1
s’agit du système phosphotransférase (PTS), du système force
O

6
CH2OH 6
CH2 6
CH2OH 6
CH2OH 6
CH2 6
CH2OH 6
CH2OH
motrice par protons (FMP) et du système métabolisme multisucres
O O O O O O O (Msm) pour les streptocoques du groupe mutans.
1 1 1 1 1 1 1
O O O O O O O O
3 3 3 3 3 3 3
¶ Système phosphotransférase
α(1 3)
Le système PTS est le mécanisme le plus important et le plus
8 Structure générale d’un mutane. spécifique d’entrée de glucides dans les bactéries orales
Il existe quatre groupes de GTF selon qu’elles produisent un acidogènes [ 7 4 ] . Il a été identifié principalement chez les
polymère soluble ou insoluble et selon leur besoin d’une amorce de streptocoques, les lactobacilles et les actinomycès. Son activité est
dextrane pour fonctionner. Les GTF S (S comme soluble) catalysent régulée par les conditions environnementales ; son efficacité est
le transfert d’unités glycosyl détachées du saccharose (énergie de optimale à pH neutre, lorsque l’apport en glucides est limité et
liaison = AG0 = - 17 kJ/mol) pour édifier un polymère soluble fait lorsque la croissance bactérienne est faible. Il est constitutif pour
de chaînes a(1---> 6)-D-glucane [27]. Les GTF I (I comme insoluble) certains glucides, comme le saccharose, le glucose, le fructose ou
catalysent la formation de liaisons a(1---> 3) donnant des polymères encore le mannose, et induit pour le transport du lactose ou des
insolubles impliqués dans l’adhésion [14]. Ces enzymes travaillent pentoses (sorbitol, mannitol) (fig 9). Un complexe protéique
conjointement, mais avec une intensité respective variable selon les transmembranaire EII, spécifique d’un glucide (glucose, fructose,
bactéries. Si l’activité GTF S domine, le polymère formé est donc lactose, glucitol, mannose, mannitol, galacticol, N-acétyl-
très peu ramifié (essentiellement des liaisons a(1---> 6) et quelques glucosamine...), et deux ou trois protéines solubles dans le
branchements en a(1---> 3)) et soluble ; il s’agit alors de dextrane cytoplasme (EI et HPr [heat-stable protein], et parfois EIII) assurent le
(fig 7). Si les ramifications de type a(1---> 3) sont fréquentes, le transfert d’un phosphate depuis une molécule donneuse, le
polymère devient insoluble ; c’est un mutane (fig 8), qui est phospho-énol-pyruvate, vers la molécule de glucide importée qui
particulièrement adhérent et serait responsable de la rétention de devient un ose-phosphate.
plaque sur les faces proximales et dans les sillons anfractueux.
¶ Système force motrice par protons
Les différentes GTF (PM de 45 à 2000 kDa) sont synthétisées pour
l’essentiel par les streptocoques (mutans, sobrinus, salivarius) et les À forte concentration de glucides, le système PTS est réprimé. Le
actinomycès. Plusieurs gènes (gtfB, gtfC et gtfC) codant ces diverses transport des sucres est alors pris en charge par le système FMP. Ce
enzymes ont été séquencés [23]. Une forme de GTF extracellulaire a système (fig 10) repose sur la théorie dite chémo-osmotique. Un
été isolée de la matrice de plaque bactérienne dentaire [73]. gradient de protons peut être entretenu chez les bactéries anaérobies
La biosynthèse de polysaccharides, tant intra- qu’extracellulaires, se par un processus d’expulsion des protons grâce à une pompe
fait lorsque l’approvisionnement en glucides est satisfaisant ; dans H+/ATPase et par un efflux de lactate et H+ [28] résultant de la

4
Plaques bactériennes dentaires : approche biochimique.
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Potentiels cariogène et parodontopathogène

H+
10 Système force motrice Glucose
Glucose par protons (FMP) de
transport transmembra-
naire.
ADP

AT
+

Pa
Pi Glucose

se
FMP

H+ ATP Glycolyse LDH

Glucose H+ CH3-CH2OH CH3-CO-COOH CH3-CHOH-COOH


Éthanol Acide lactique

Glycolyse
CO2 Acide succinique CO2

2 lactates + 2 H+

ATP
CH3-CH2OH CH3-COOH
Acide propionique Acide acétique

2 lactates + 2 H+
11 Fermentations bactériennes.
LDH : lacticodéshydrogénase.

glycolyse. Le glucose et d’autres oses sont introduits dans le corps générant un N+AD oxydé. Le lactate formé se combine à des protons
bactérien par une perméase (protéine de transport), contre un intracellulaires et diffuse hors de la bactérie sous la forme d’acide
gradient de concentration défavorable, en même temps qu’un proton lactique par un processus de diffusion électroneutre. En effet,
qui, lui, migre vers l’espace intracellulaire rendu hypotonique sous l’activité de la pompe à protons ATP-dépendante (cf supra) permet
l’effet de la pompe extrusive H+/ATPase. Ce système fonctionne de créer un gradient favorable à la sortie passive des protons hors
également à pH acide et lors des périodes de forte croissance de la bactérie et d’éviter ainsi l’accumulation de lactate dans le
bactérienne. cytoplasme bactérien. L’acide lactique libéré est un acide fort qui
déminéralise les tissus dentaires ; les streptocoques du groupe
¶ Système de transport métabolisme multisucres (Msm) mutans, Streptococcus sobrinus et les lactobacilles sont les bactéries
les plus cariogènes, en produisant et libérant le plus de lactate [41]. Si
En plus du système PTS, beaucoup de streptocoques du groupe les apports en glucides sont limités, ou chez certaines espèces
mutans possèdent un autre moyen d’entrée des glucides dans le mutantes dépourvues de LDH, la fermentation du pyruvate peut se
corps bactérien, le système Msm. Ce système est analogue au faire par la voie de la pyruvate-formate-lyase, générant du formate
système PTS mais est capable de faire rentrer dans le corps bactérien, et de l’acétate (acides faibles) ainsi que de l’éthanol [82]. Cette voie
en plus des oses communs, des sucres plus rares comme le est également utilisée par Actinomyces naeslundii en présence de
mélibiose, le raffinose et les isomaltoses. Le rôle exact de ce système bicarbonate [70]. Le métabolisme des autres bactéries génère de
de transport dans l’écosystème bactérien est mal connu, mais il l’acétate, du butyrate, du propionate et du formate. Les lactobacilles
semblerait être impliqué dans le transport intracellulaire des résidus hétérofermentatifs suivent la voie de la phosphocétolase et génèrent
de dégradation des polymères extracellulaires solubles lors de de l’acide lactique, de l’acide acétique et du gaz carbonique (CO2).
périodes de disette. Tous ces acides sont responsables de la déminéralisation de l’émail
pouvant conduire progressivement à la lésion carieuse. C’est
DEVENIR DES GLUCIDES DANS LE CORPS BACTÉRIEN
cependant l’acide lactique, retrouvé en quantité importante dans la
plaque lors des périodes d’apport massif de sucres par
Quand le glucide a atteint l’espace intracellulaire, soit il est mis en l’alimentation, qui a un réel pouvoir pour déminéraliser la surface
réserve sous forme de glycogène (courtes chaînes de glycopyranose dentaire. Dans les périodes de disettes sucrées, comme par exemple
assemblées par des liaisons a(1---> 4) ramifiées en a(1---> 6)), soit il la période postnocturne, ce sont des acides faibles à effet
est immédiatement métabolisé. Si les conditions sont aérobies, la déminéralisant modéré que l’on retrouve majoritairement dans la
glycolyse est suivie d’une chaîne respiratoire ; si l’oxygène fait plaque.
défaut et que la bactérie sait s’adapter à cette situation (anaérobie Même si la plupart des bactéries de la plaque sont capables de
strict ou facultatif), l’hydrolyse du glucide s’achève par fermenter les sucres en acides faibles, peu sont capables de survivre
fermentation. au stress engendré par des conditions de pH bas (Actinomyces
Dès qu’une bactérie est séparée de la surface de la plaque par naeslundii, Streptococcus sanguis). Ce n’est pas le cas des
d’autres bactéries, elle est condamnée à vivre en état d’anaérobiose streptocoques du groupe mutans et des lactobacilles, capables de
plus ou moins marquée, si son équipement enzymatique le lui générer non seulement un acide fort, l’acide lactique, mais aussi de
permet. L’anaérobiose interdit la poursuite de la voie de la glycolyse parfaitement tolérer un environnement très acide. Cette tolérance
au-delà du pyruvate (fig 11). En effet, les étapes de la glycolyse (ou est liée à la capacité de ces bactéries à maintenir un pH
voie d’Embden-Meyerhof) sont indépendantes de l’oxygène entre intracellulaire alcalin par augmentation de l’activité glycolytique,
glucose et pyruvate ; en revanche, la décarboxylation du pyruvate augmentation de l’entrée d’oses dans le corps bactérien, répression
en acétylcoenzyme A est dite oxydative ; elle requiert de manière du système PTS, augmentation de l’activité de la pompe extrusive
impérative de l’oxygène. En l’absence d’oxygène, la bactérie ne peut H+/ATPase, mise en place d’un métabolisme homofermentatif
poursuivre le catabolisme du glucose que selon un processus de (production d’acide lactique uniquement), synthèse de protéines de
fermentation. réponse au stress.
La nature de la fermentation dépend de l’espèce bactérienne. En cas Certaines bactéries de la plaque bactérienne dentaire, comme
d’apport important en glucides, les streptocoques, les lactobacilles Veillonella ou Neisseria, sont capables de dégrader le lactate en le
et les actinomycès prolongent la glycolyse par la réduction du convertissant en acides faibles ou volatils ; cette propriété pourrait
pyruvate en lactate, grâce à une lacticodéshydrogénase (LDH) en expliquer certaines différences de pathogénicité observées.

5
Plaques bactériennes dentaires : approche biochimique.
23-010-A-15 Odontologie
Potentiels cariogène et parodontopathogène

13 Principaux effets de
l’ion F- sur le métabolisme
FMP H+ bactérien.
Glucose FMP : système force mo-
trice par protons ; PEP :

H
Milieu Cytoplasme bactérien

+ /A
phospho-énol-pyruvate ;
péricellulaire H+

TP a
PTS : système phospho-
Glucose(P) transférase ; ATPase : adé-

se
Effet antienzymatique nosine triphosphatase.
F-
Glycolyse
F- + H+ HF HF H+ + F- F-

EII 2-Ph-glycérate
Effet antimétabolique
PTS
Enolase F-

PEP
pH acide pH > 7

Pyruvate

Lactate + H+
12 Mode de pénétration des fluorures dans la cellule bactérienne.

La réplication d’une bactérie suppose une intense synthèse d’acides Lactate + H+


nucléiques, et donc de pentoses ; en aérobiose, cette formation de
pentoses se fait par la voie oxydative du 6-P-gluconate (G-6-P-
déshydrogénase) et, en anaérobiose, elle suit la voie non oxydative en ions F- (fig 12). C’est en fait le gradient de pH entre le milieu
de la transcétolase/transaldolase (Streptococcus mutans et salivarius, extracellulaire et le milieu intracellulaire qui régule le flux fluoruré ;
dépourvus de G-6-P-déshydrogénase, utilisent cette voie). plus ce gradient est important, plus la pénétration des fluorures est
facilitée. Streptococcus mutans, qui génère un fort gradient de pH,
APPORT AZOTÉ est de 20 à 40 fois plus sensible aux fluorures que le lactobacille qui,
lui, maintient un gradient assez bas. On estime que la teneur en
L’apport en azote est aussi important que l’approvisionnement en fluorure intracellulaire est de l’ordre de 0,3 à 2,6 µmol/mg de poids
carbone ; il autorise la synthèse des acides aminés nécessaires aux frais de biomasse [20].
bactéries. La source essentielle d’azote pour les bactéries buccales
est l’urée du fluide oral (de 0,5 à 4,5 mmol/L), résidus sériques La dissociation intracellulaire de HF libère l’ion H+ qui tend à faire
provenant du fluide gingival. Certaines bactéries (Streptococcus baisser le pH intracellulaire, ce qui diminue le gradient de pH avec
salivarius, Staphylococcus haemolyticus, Staphylococcus epidermis, l’extérieur et contrarie le métabolisme bactérien, limitant donc son
Streptococcus bovis, Actinomyces viscosus, Actinomyces naeslundii) potentiel de croissance. Les ions fluorures, eux, vont se répartir entre
expriment une activité uréase [63, 66] qui génère deux molécules une fraction ionisable faiblement liée et une fraction fortement liée,
d’ammoniac (NH3) et un CO2 à partir de l’urée (CO(NH3)2) ; soit difficilement dissociable ; les ions F- libres ne représentent que 1 %
l’ammoniac reste ainsi dans la plaque et tend à alcaliniser le milieu, environ du total.
soit il est incorporé, et par l’ a-céto-glutarate donne du glutamate, La principale cible intracellulaire des fluorures (fig 13) est l’énolase,
puis de la glutamine. Le glutamate peut lui-même interagir avec le une métalloenzyme responsable de la conversion du 2-P-glycérate
pyruvate pour produire de l’alanine. On remarquera les en phospho-énol-pyruvate dans la voie de la glycolyse. L’inhibition
interdépendances entre le métabolisme glucidique et celui de l’azote. de l’énolase conduit à une interruption de la glycolyse, avec
accumulation de 2-P-glycérate, une perturbation du système de
transport de glucides PTS puisqu’il est alimenté en phosphate par le
FLUORURES ET MÉTABOLISME BACTÉRIEN phospho-énol-pyruvate (produit non formé dans ce contexte) ; ces
L’usage régulier de fluorures sous forme topique s’est révélé être la deux blocages perturbent le métabolisme énergétique de la bactérie
mesure prophylactique la plus efficace pour faire baisser l’incidence et limitent la production d’acides par le processus de fermentation à
de la maladie carieuse [56]. Lorsque les apports topiques de fluorures partir du pyruvate.
sont réguliers (eau de boisson fluorurée, sel fluoruré, dentifrice et D’autre part, la pompe extrusive H+/ATPase est directement inhibée
bain de bouche fluorurés), la plaque dentaire se charge en ions par l’ion fluorure, ce qui, là encore, va perturber le métabolisme
fluorures et devient un véritable réservoir. Ces ions, aisément bactérien, en empêchant une remontée du pH dans le cytoplasme et
disponibles, peuvent précipiter sous forme de cristaux de en bloquant le système de transport par FMP [68]. On peut donc
fluorohydroxyapatite sur le tissu dentaire immature et ainsi admettre que l’effet majeur des fluorures sur les bactéries orales est
diminuer sa susceptibilité à la déminéralisation. Ils peuvent une réduction de leur tolérance acide.
également précipiter sous forme d’une fine couche de fluorures de La biosynthèse de glycogène intracellulaire n’est pas directement
calcium sur les surfaces dentaires déminéralisées ou non, constituant affectée par les ions fluorures, mais la limitation de l’apport en
un réservoir immédiatement disponible lors des chutes de pH [53]. glucose exogène et le déficit induit en ATP peuvent réduire la
L’un des effets bénéfiques des fluorures repose sur les interactions glycogénogenèse intracellulaire. L’effet des fluorures sur la synthèse
que ces derniers ont avec le métabolisme glucidique bactérien [48, 75]. des exopolysaccharides par les exoenzymes de type GTF et FTF est
Ceci suppose une entrée de l’ion fluorure à l’intérieur du corps controversé à ce jour, les uns observant une inhibition de la
bactérien [28]. Lors de chutes de pH au sein de la plaque, la sensibilité formation des dextranes insolubles, les autres ne constatant aucune
des bactéries aux fluorures est accrue. Plus le pH extracellulaire est modification du processus ; il est probable que le rôle des ions F- sur
bas, plus les ions fluorures se trouvent sous la forme HF (acide la biosynthèse extracellulaire soit masqué par l’accumulation des
fluorhydrique), et plus facilement ils pénètrent dans la cellule, dans glucides dans la matrice de la plaque due au blocage de leur
laquelle, retrouvant un pH proche de la neutralité, ils se redissocient pénétration par les ions fluorures.

6
Plaques bactériennes dentaires : approche biochimique.
Odontologie 23-010-A-15
Potentiels cariogène et parodontopathogène
température observée dans des sites actifs (39 °C) comparée à des
14 Cycle futile du xylitol.
sites sains (en moyenne 36,8 °C) va modifier la composition
bactérienne au profit de pathogènes parodontaux.
OSE L’alcalinisation du sillon gingivodentaire accompagnant la réponse
Xylitol inflammatoire (conséquence de la protéolyse avec production
d’ammoniac lors de la désamination des acides aminés), va
Glycolyse perturber la composition du microbiote résident, et favoriser la
Xyl-5P croissance et l’activité enzymatique de souches pathogènes comme
Porphyromonas gingivalis [49].
PEP
ADHÉSION BACTÉRIENNE
EII H-Pr-P E1 P Quelle que soit la muqueuse-cible (buccale, gastro-intestinale,
génitale ou urinaire...), la fixation de nombreuses bactéries viables
aux cellules épithéliales ou aux mucines qui recouvrent ces surfaces
Pyruvate est une étape essentielle de toute colonisation bactérienne. Celles-ci
se fixent aux tissus par de multiples interactions adhésives. De
nombreux colonisateurs expriment à leur surface, souvent sous
forme d’organelles spécialisées, des adhésines qui reconnaissent et
Glucose
se fixent à des récepteurs exprimés à la surface des cellules ou à des
Fructose
composants de la matrice extracellulaire (collagènes, élastine,
fibronectine, fibrinogène, laminine, chondroïtine-sulfate
protéoglycanne et héparane-sulfate protéoglycanne). Ces interactions
spécifiques, entre adhésines bactériennes et ligands présents sur les
In vitro, l’incorporation du glycérol au sein de la molécule d’acide cellules de l’hôte, permettent aux bactéries de se fixer fermement
lipoteichoïque en cours de formation semble perturbée, en présence aux muqueuses, et de ce fait résistent à la dislocation par les forces
de fluorures, chez Streptococcus mutans [10]. De même, certaines hydrodynamiques qui s’exercent sur ces surfaces [2].
enzymes, comme les pyrophosphatases, les phosphorylases, les
Ainsi, le fluide gingival, qui traverse l’épithélium de jonction et qui
phosphatases acides, peuvent être inhibées par les fluorures. La
envahit le sillon gingivodentaire, contrarie la colonisation
catalase est aussi partiellement inhibée par l’ion F-, d’autant plus
bactérienne. Ce flux, qui augmente lors d’une réaction
que le pH est bas [75].
inflammatoire, va emporter les micro-organismes qui ne sont pas
fermement attachés à une surface. La paroi dentaire du sillon
SUCRES DE SUBSTITUTION ET MÉTABOLISME gingivodentaire est colonisée par des bactéries à Gram positif
BACTÉRIEN appartenant principalement aux genres Streptococcus et Actinomyces.
Certains sucres de substitution comme le xylitol semblent avoir la De nombreux pathogènes parodontaux, comme Prevotella,
capacité d’interférer avec le métabolisme bactérien et, ainsi, d’en Porphyromonas, Fusobacterium, peuvent se fixer sur ces bactéries par
contrarier la croissance [5]. Le xylitol est un polyol principalement des mécanismes de coagrégation [49]. De la même façon, les bactéries
utilisé pour édulcorer les confiseries non cariogènes ou certains anaérobies à pigmentations noires peuvent se maintenir dans ce
médicaments. Consommant l’énergie de la bactérie, le xylitol pénètre milieu en raison de leur capacité de se fixer aux cellules épithéliales.
dans son cytoplasme en utilisant la protéine transmembranaire EII Les adhésines peuvent être structurellement similaires, tout en
du système PTS, spécifique du fructose. Il est alors transformé en présentant des spécificités quant à leur ligand. Elles peuvent
xylitol-5-phosphate par les enzymes bactériennes, mais la bactérie également être structurellement et chimiquement différentes. Trois
est incapable de continuer le catabolisme de ce métabolite qui types de reconnaissance existent entre les bactéries et les cellules
s’accumule dans son cytoplasme. C’est le cycle futile du xylitol épithéliales ou la matrice extracellulaire, les interactions protéines-
(fig 14). L’accumulation de xylitol-5-phosphate dans la bactérie protéines, lipides-protéines ou protéines-glucides (lectines). Un
inhibe sa consommation de sucres métabolisables et donc sa grand nombre d’adhésines sont glucides-spécifiques et de ce fait
croissance [46, 47, 76, 77]. considérées comme des lectines qui fixent les bactéries sur les
glucides complémentaires de glycoprotéines ou de glycolipides
présents à la surface des cellules épithéliales, voire d’autres cellules
Aspects biochimiques de la plaque de l’hôte ou bactéries, ou encore de composants de la matrice
extracellulaire. Ces lectines peuvent se présenter sous la forme de
sous-gingivale pili bactériens, de capsules ou de composants de la membrane
externe de bactéries à Gram négatif [2]. Il semblerait, en effet, que les
Le sillon gingivodentaire représente un habitat microbien particulier lipo-oligosaccharides et les lipopolysaccharides de la membrane
en raison d’une part de la configuration du site (anaérobiose externe des bactéries à Gram négatif participent à l’adhésion de ces
relative), et d’autre part de l’influence du fluide gingival qui le micro-organismes [35] . Parmi les facteurs de défense innés, la
traverse en permanence. La plaque sous-gingivale, du fait de la lactoferrine, qui interagit avec la membrane externe des bactéries à
spécificité du milieu, présente des aspects biochimiques souvent Gram négatif, bloquerait l’adhésion d’Actinobacillus actinomycetem-
différents de la plaque supragingivale. Cette niche écologique est comitans et de Prevotella intermedia aux fibroblastes et aux cellules
colonisée par des micro-organismes adaptés au milieu qui épithéliales [3].
constituent un microbiote indigène et concourent au maintien de Tous les micro-organismes que l’on rencontre dans la plaque sous-
l’homéostasie. Il fonctionne comme une défense « écologique » en gingivale n’ont pas les mêmes capacités d’adhésion au substrat et il
restreignant la croissance, voire en détruisant, des micro-organismes existe des différences au sein d’une même espèce. Ainsi, les
indigènes ou exogènes qui sont entrés dans leur habitat. Ce différentes souches de Porphyromonas gingivalis et d’Actinobacillus
microbiote est toléré par le système immunitaire avec lequel se sont actinomycetemcomitans présentent de grandes disparités quant à leur
établies des interactions. capacité à se fixer à la surface des cellules épithéliales [19, 58, 80]. Ces
La modification de certains facteurs, tels que la température, le différences d’adhérence ont été attribuées à des variations de leur
potentiel redox ou le pH, ont des répercussions sur la composition caractère de surface [18, 19, 79]. En particulier, les fimbriae, constitués
bactérienne. Les conditions environnementales qui se développent de sous-unités protéiques de 43 kDa (fimbrilline), seraient des
au cours d’une gingivite peuvent favoriser la croissance d’espèces facteurs importants dans les interactions initiales entre un micro-
impliquées dans les parodontites. Ainsi, l’augmentation de organisme comme Porphyromonas gingivalis et les cellules ou la

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Plaques bactériennes dentaires : approche biochimique.
23-010-A-15 Odontologie
Potentiels cariogène et parodontopathogène
matrice extracellulaire de l’hôte [84]. Les souches mutantes de MÉTABOLISME BACTÉRIEN
Porphyromonas gingivalis qui présentent de nombreux fimbriae à leur La différence dans la source des nutriments endogènes (fluide
surface sont très adhérentes aux cellules épithéliales, tandis que gingival versus salive) est également une des raisons de la spécificité
celles qui en présentent un nombre réduit sont peu adhérentes, les des espèces bactériennes rencontrées. Beaucoup de micro-
pili étant alors souvent courts [71]. organismes de la plaque sous-gingivale ne tirent pas l’énergie
Des mutations au niveau du gène fimA codant la fimbrilline ont des nécessaire à leur croissance du métabolisme des glucides, mais sont
répercussions sur l’adhésion de Porphyromonas gingivalis [26, 80]. protéolytiques et dépendent de leur capacité à utiliser les nutriments
apportés par le fluide gingival. Outre des composants de la défense
de l’hôte (IgA, IgG, IgM, complément...), celui-ci contient de
RÔLES DES PROTÉASES BACTÉRIENNES
l’albumine et autres protéines ou glycoprotéines, mais également,
La plupart des protéines de surface sont synthétisées sous forme de lors de l’inflammation, des molécules contenant de l’hème
précurseurs à haut PM qui, au cours de leur transformation, vont (transferrine, hémopexine, hémoglobine, haptoglobine). Le fer, un
subir des clivages spécifiques. Les enzymes responsables de ces cofacteur essentiel pour les bactéries anaérobies pigmentées en noir,
clivages ne sont pas clairement identifiées. Cependant, les activités est obtenu par la dégradation de ces molécules contenant de
protéolytiques d’une classe de cystéine-protéinases produites par l’hème [49]. C’est pourquoi un certain nombre de micro-organismes
Porphyromonas gingivalis et nommées Arg-gingipaïne (Rgp) et Lys- que l’on retrouve dans la plaque sous-gingivale possèdent des
gingipaïne (Kgp) (sur la base de leur spécificité quant au clivage des activités hémagglutiniques et hémolytiques.
peptides au niveau des résidus arginine ou lysine) semblent Les bactéries interagissent souvent de façon synergique pour
intervenir dans ces processus. Deux gènes codent les Rgp (rgpA et dégrader les molécules provenant du fluide gingival et obtenir les
rgpB) tandis que les Kgp dépendent d’un seul locus (kgp) [57]. Une peptides et acides aminés nécessaires à leur croissance. Ainsi, le
réduction de l’activité Rgp associée à une mutation chez certaines métabolisme de quelques bactéries pigmentées en noir dépend de la
souches de Porphyromonas gingivalis affecte l’expression de synthèse de vitamine K par d’autres bactéries du sillon
structures cellulaires de surface comme les fimbriae ou des vésicules, gingivodentaire. Un modèle de ces coopérations, véritable « chaîne
atténuant du même coup la capacité de fixation de ces micro- alimentaire », a été proposé avec la dégradation de glycoprotéines
organismes aux cellules épithéliales, aux bactéries à Gram positif in vitro, dans des conditions reflétant celles du sillon
aussi bien qu’aux protéines de la matrice extracellulaire [71]. Certaines gingivodentaire [49]. Dans un premier temps, les copules glucidiques
souches mutantes (pour le gène rgpA) sont même totalement sont détachées par des micro-organismes exprimant des activités
dépourvues de fimbriae et ce défaut semble être en relation avec glycosidase (Streptococcus oralis, différentes espèces de Prevotella...).
une réduction de l’expression des sous-unités protéiques Suit l’hydrolyse de la chaîne protéique par des bactéries anaérobies
fimbrillaires FimA [ 7 2 ] . Les Rgp interviendraient de façon comme Prevotella intermedia, Prevotella oralis, Fusobacterium
prépondérante dans la transformation et la translocation des nucleatum ; quelques fermentations d’acides aminés sont observées
précurseurs de la fimbrilline, et d’une protéine de surface de 75 kDa tandis que les chaînes glucidiques sont métabolisées par différentes
qui participe également aux interactions bactéries-hôte [52] . La souches de Veillonella. Enfin, les protéines sont dégradées
fimbrilline et la protéine de 75 kDa restent à l’état de précurseurs progressivement tandis que la fermentation des acides aminés
chez des mutants Rgp-nuls (mutations concomitantes sur les gènes s’intensifie. À ce stade final, parmi les espèces prédominantes, on
rgpA et rgpB), alors que chez des mutants Kgp-nuls les précurseurs trouve Peptostreptococcus micro.
de ces deux protéines sont transformés en leur forme mature,
Après dégradation des protéines, les peptides peuvent être
suggérant que Kgp n’intervient pas dans ces processus [38]. Les Rgp
transportés à l’intérieur des bactéries où ils sont ensuite clivés par
interviennent dans leur propre transformation comme dans celle de
des peptidases intracellulaires. Ainsi, Porphyromonas gingivalis, par
la fimbrilline, de Kgp et de la protéine de surface de 75 kDa, ce qui
ses protéinases associées à la membrane ou sécrétées, dégrade les
leur confère un rôle important dans les mécanismes d’adhésion [52].
protéines en petits peptides qu’il internalise avant de les
Cependant, si les pili bactériens ont été clairement identifiés comme métaboliser [25]. Les mécanismes qui contrôlent l’expression des
d’importants médiateurs de ces interactions, il existe des différentes enzymes dans les conditions environnementales du sillon
mécanismes d’adhésion fimbriae-indépendants, dont certains gingivodentaire ne sont pas encore clairement établis. Cependant,
peuvent être également sous le contrôle de protéases. Certains dans l’exemple de Porphyromonas gingivalis, il semblerait que la
domaines adhésines des gingipaïnes ont la capacité d’adhérer aux disponibilité en peptides régule chez ce micro-organisme
cellules épithéliales. Si les deux isoenzymes Rgp possèdent des l’expression de certaines de ces protéases à un niveau
domaines propeptidiques et catalytiques, seul RgpA possède une transcriptionnel. Ainsi, la transcription du gène tpr codant la
terminaison carboxyle reconnue comme un domaine adhésine- protéase Tpr, une enzyme associée à la membrane dont l’activité
hémagglutinique [ 8 ] . Kgp présente également des domaines protéolytique est activée par des conditions réductrices, augmente
catalytiques et adhésine-hémagglutiniques, ces derniers présentant lorsque le milieu contient peu de peptides [45]. L’adjonction au milieu
d’importantes homologies avec les domaines adhésine- de peptides, surtout s’ils contiennent de la phénylalanine, diminue
hémagglutiniques de RgpA. Pour Chen et al [8], l’adhésion pourrait fortement l’expression de ce gène. De la même façon, l’expression
être contrôlée par les domaines adhésines des gingipaïnes localisés de certaines protéases peut être conditionnée par la disponibilité
à la surface de la membrane externe ou dans des vésicules d’hémine au niveau du sillon gingivodentaire. De l’existence ou non
membranaires et cette adhésion serait modulée par les domaines de saignement, Porphyromonas gingivalis peut se trouver dans un
catalytiques de RgpA et B. Ces derniers peuvent être complexés de milieu riche ou appauvri en fer. Or, l’expression de la RgpA, une
façon non covalente aux domaines adhésine-hémagglutiniques ou des principales protéases de cette bactérie, serait induite par une
exister sous forme de protéines solubles. déplétion en fer et réduite si cet élément devient disponible [72].
Les protéases libérées par Porphyromonas gingivalis se comportent
comme des médiateurs susceptibles d’induire l’expression de
molécules d’adhésion à la surface des cellules épithéliales PATHOGÉNICITÉ DE LA PLAQUE SOUS-GINGIVALE
(intercellular adhesion molecule [ICAM] 1, vascular adhesion molecule
VCAM-1, very late antigen VLA-4) et les fimbriae utiliseraient ces ¶ Inactivation des défenses de l’hôte
molécules pour se fixer sur les cellules épithéliales [78]. Les mécanismes moléculaires et cellulaires qui conduisent à la
Cependant, puisque la majorité des souches de Porphyromonas colonisation de l’épithélium de jonction participent au pouvoir
gingivalis semble produire des Rgp et des Kgp [57], l’implication de pathogène de la plaque sous-gingivale. Ces mécanismes sont des
ces protéases dans la virulence de telle ou telle souche pourrait être facteurs importants de la colonisation bactérienne car ils déterminent
en rapport avec des différences de leur régulation et/ou de leur les sites de colonisation et la densité bactérienne sur ces sites.
expression. Néanmoins, ils sont insuffisants pour induire une infection. D’autres

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Plaques bactériennes dentaires : approche biochimique.
Odontologie 23-010-A-15
Potentiels cariogène et parodontopathogène
distance dans les tissus parodontaux où ils transforment une
À proximité de la plaque sous-gingivale, les isoforme d’IL8 produite par les cellules non immunitaires (cellules
protéases associées à des vésicules membranaires
épithéliales, fibroblastes, kératinocytes) en une isoforme ayant une
neutralisent le gradient chimiotactique
activité chimiotactique plus importante pour les granulocytes
Porphyromonas neutrophiles. En contraste, les gingipaïnes associées à des vésicules
gingivalis
membranaires ont une capacité limitée à diffuser et peuvent détruire
le gradient chimiotactique par une inactivation rapide d’IL8, et ainsi
maintenir à distance les leucocytes polynucléaires neutrophiles. La
capacité à bloquer la migration des granulocytes neutrophiles peut
Porphyromonas Gradient chimiotactique pour les
gingivalis avoir des effets dévastateurs sur les tissus parodontaux.
granulocytes neutrophiles (interleukine)
Parallèlement à la dégradation d’IL8, il semble que Porphyromonas
gingivalis ait la capacité de « paralyser » localement la production
Porphyromonas de chémokines, l’hôte ne parvenant alors plus à détecter et à
gingivalis
localiser ce micro-organisme. Ainsi, l’invasion de cellules épithéliales
gingivales par Porphyromonas gingivalis inhibe totalement la
production par ces cellules d’IL8, en réponse à des stimuli
À distance de la plaque sous-gingivale,
les protéases solubles ont une action inflammatoires [13].
pro-inflammatoire ( promotion du chimio-
tactisme des granulocytes neutrophiles ) ¶ Dégradation tissulaire
Surface
dentaire À côté des mécanismes qui leur permettent d’obtenir les nutriments
Barrière
épithéliale
à partir du fluide gingival, de nombreuses bactéries sous-gingivales
sont également capables de dégrader des protéines de structure et
15 Mécanisme potentiel par lequel les gingipaïnes sécrétées par Porphyromonas gin- des glycoprotéines des tissus parodontaux environnants en
givalis neutralisent le gradient chimiotactique d’IL8 à son profit (d’après Mikolajczyk-
produisant des enzymes comme la chondroïtine sulfatase, la
Pawkinska et al, 1998).
hyaluronidase et autres collagénases. La stabilité du tissu gingival,
du ligament parodontal et de l’os alvéolaire dépend de l’intégrité
évènements critiques déclenchés par le couplage spécifique des épithéliums de jonction et du sillon, relativement imperméables
d’adhésines bactériennes avec leurs récepteurs spécifiques sur les aux bactéries, aux fragments et aux produits bactériens. La
cellules épithéliales sont nécessaires pour que les bactéries persistance de la plaque dentaire dans le sillon gingivodentaire
s’établissent avec succès sur la surface épithéliale et pénètrent dans conduit souvent à une réaction inflammatoire qui se traduit par un
l’organisme. Parmi ces évènements, l’occupation des récepteurs élargissement des espaces intercellulaires dans l’épithélium de
membranaires des cellules épithéliales peut induire une transduction jonction, une accélération de l’extravasation de fluide gingival et une
transmembranaire du signal et provoquer la libération de cytokines augmentation du nombre de neutrophiles libérés dans le sillon. La
(interleukine [IL] 1a, IL1b, IL6, IL8) [69]. Ce processus n’est pas limité barrière épithéliale devient plus perméable aux complexes
aux cellules épithéliales ; il touche aussi les cellules inflammatoires moléculaires bactériens (endotoxines, antigènes, protéases...) qui
(macrophages, polynucléaires, lymphocytes, mastocytes) [2]. Une initient une cascade de réponses inflammatoires. L’altération de la
libération excessive de ces cytokines pro-inflammatoires peut avoir barrière épithéliale est probablement due à une dégradation
des effets délétères sur les défenses de l’hôte. enzymatique directe de la matrice intercellulaire et des complexes
Dans des conditions de santé parodontale, il y a une absence relative de jonction suivie d’un détachement des cellules [19]. La dégradation
de protéases bactériennes dans le sillon gingivodentaire. Avec de cadhérines, glycoprotéines d’adhérence cellulaire Ca 2+ -
l’accumulation de la plaque sous-gingivale, l’environnement devient dépendantes intervenant dans l’adhésion cellule-cellule, par des
protéolytique aux dépens des tissus environnants et la plaque peut protéases bactériennes affecte l’intégrité des tissus et facilite leur
prospérer en raison des hautes concentrations de peptides et invasion [8]. De plus, à la suite de modifications intracellulaires
d’acides aminés [21]. Les protéases bactériennes produites par les affectant l’actine et autres protéines du cytosquelette, un
anaérobies à Gram négatif sont d’importants facteurs de virulence rétrécissement des cellules et une réduction de l’expression de
en raison de leurs multiples effets. Elles ont la capacité de dégrader protéines de jonction contribueraient à la rupture de la barrière
les Ig et d’atténuer les activités antibactériennes des épithéliale. Cette rupture peut également trouver son origine dans
polynucléaires [1], d’inactiver les cytokines et leurs récepteurs, de la perturbation des communications entre le cytosquelette et les
dégrader les tissus de l’hôte, d’activer des proenzymes de l’hôte, éléments extracellulaires [19]. Les effets cytotoxiques principaux des
d’augmenter la perméabilité vasculaire... gingipaïnes sécrétées par Porphyromonas gingivalis vis-à-vis des
Des enzymes protéolytiques sécrétées par des bactéries comme fibroblastes et des cellules épithéliales se traduisent par une
Porphyromonas gingivalis peuvent être à l’origine d’une perturbation désintégration des différentes organisations cellulaires (altérations
de certaines cytokines et ainsi contribuer à la persistance d’une morphologiques des cellules et détachement les unes des autres et
réaction inflammatoire avec le cortège de destructions tissulaires qui de la surface sous-jacente) consécutive à une dégradation de la
s’ensuit. Outre le fait qu’elles peuvent dégrader l’IL1b, l’IL6 et le matrice intercellulaire [36]. Par dégradation directe des protéines
tumor necrosis factor a, les gingipaïnes pourraient perturber le intercellulaires et destruction des connexions, les gingipaïnes
recrutement des neutrophiles au travers des mécanismes augmentent la perméabilité tissulaire (fig 16).
protéolytiques et l’activation d’IL8 (fig 15). En effet, dans les tissus Dans des conditions physiologiques, certaines hydrolyses de
parodontaux sains, face au sillon gingivodentaire, il existe un protéines extracellulaires sont considérées comme des mécanismes
gradient chimiotactique d’IL8 pour diriger les leucocytes importants et communs de régulation de la fonction cellulaire. Ces
polynucléaires neutrophiles vers les sites de colonisation transformations de la surface cellulaire joueraient un rôle dans la
bactérienne. Les interactions entre les bactéries indigènes et la migration cellulaire, la cicatrisation et le remaniement tissulaire. De
défense innée de l’hôte sont à l’origine d’une expression réduite de plus, un certain nombre de molécules biologiquement actives
médiateurs de l’inflammation qui assure une surveillance cellulaire (cytokines et leurs récepteurs, facteurs de croissance et leurs
basale. Les gingipaïnes, qui existent sous forme soluble ou associées récepteurs, molécules d’adhésion...) sont libérées à partir de la
à la membrane externe des vésicules, protégeraient les bactéries de surface cellulaire après un clivage protéolytique. Dans des
l’activité des leucocytes polynucléaires neutrophiles en conditions normales, des enzymes appartenant à la famille des
compartimentant des réactions pro- et anti-inflammatoires métalloprotéinases (MMP) qui contiennent un domaine désintégrine
respectivement à distance et à proximité de la plaque sous- (ADAM [A Desintegrine And Metalloprotease]) contrôlent ces
gingivale [50]. Les protéases solubles sont capables de diffuser à mécanismes. Par ailleurs, il existe une autre voie qui active de

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Plaques bactériennes dentaires : approche biochimique.
23-010-A-15 Odontologie
Potentiels cariogène et parodontopathogène
¶ Protéinases et facteurs de coagulation
Fixation aux Altération des Entretien de la réponse
tissus de l'hôte défenses de l'hôte inflammatoire et Les protéases bactériennes et notamment les gingipaïnes produites
participation indirecte aux
destructions tissulaires par Porphyromonas gingivalis, outre leur rôle direct dans la
( stimulation de la résorption dégradation tissulaire et leur participation à l’entretien de la réaction
Action des ostéoclastique par des mécanismes inflammatoire, interviennent dans une activation incontrôlée de
protéinases sur des dépendants des prostaglandines
certains facteurs de la coagulation. Cette activation affecterait
récepteurs
membranaires localement l’homéostasie, mais pourrait également être un lien entre
(Pars) Libération de médiateurs les maladies parodontales et certaines maladies cardiovasculaires de
de l'inflammation :
Fimbriae Protéinases cytokines, prostaglandines type ischémique. Certains pathogènes parodontaux sont capables
adhésines leucotoxines d’envahir in vitro des cellules endothéliales humaines d’artères
coronaires [17] et Porphyromonas gingivalis a été localisé par
Plaque Activation de la
immunodétection au sein de plaques d’athéromes carotidiennes [9].
bactérienne Cellule Certaines gingipaïnes sont connues pour avoir des propriétés
réponse inflammatoire
phagocytaire hémagglutiniques. Les Rgp de Porphyromonas gingivalis seraient les
plus puissants activateurs d’origine bactérienne de la prothrombine
Cytotoxines Chondroïtine humaine [31] . La RgpA présente une activité prothrombinase
sulfatase, supérieure à la RgpB, qui peut être liée à un domaine adhésine-
hyaluronidase,
Action des protéases collagénase hémagglutinique sur la molécule de RgpA. Ce domaine participerait
sur les inhibiteurs des gingipaïnes… Enzymes à la fixation de la prothrombine à la RgpA, orientant favorablement
endoprotéinases
(TIMPS)
lysosomiales la proenzyme pour la protéolyse nécessaire à sa transformation en
radicaux libres a-thrombine. La thrombine ainsi produite va transformer le
Lipopolysaccharides… fibrinogène en fibrine. Ainsi, comme certaines endotoxines
bactériennes, les Rgp sont capables d’induire la production de
Résorption osseuse Dommages tissulaires fibrine, tandis qu’une autre protéinase, la Kgp, peut dégrader
directement le fibrinogène, réduisant sa capacité à former un
16 Mécanismes par l’intermédiaire desquels la plaque sous-gingivale exerce sa pa- caillot [32]. Une libération locale incontrôlée d’a-thrombine par clivage
thogénicité (modifié d’après March et Martin, 1999). direct de la prothrombine par les Rgp a des effets significatifs sur les
tissus parodontaux. En effet, en plus de son rôle dans la coagulation,
la thrombine augmente la perméabilité vasculaire et possède des
nombreuses cellules par l’intermédiaire d’une protéolyse limitée de propriétés chimiotactiques vis-à-vis des leucocytes, elle induit la
récepteurs à la surface des cellules : les protease-activated receptors libération de prostaglandines et d’IL1 à des niveaux élevés et elle
(PAR) [12]. Bien que ces deux voies soient étroitement contrôlées, au stimule la résorption ostéoclastique par des mécanismes
cours d’une infection, ces protéines de surface et ces récepteurs prostaglandines-dépendants [31].
peuvent devenir la cible de protéases bactériennes, induisant une
activation incontrôlée des cellules de l’hôte à l’origine d’effets Les Rgp et surtout les RgpA, sous réserve qu’elles passent dans la
délétères. Ainsi, des Rgp sécrétées par Porphyromonas gingivalis en circulation, peuvent également activer la protéine C localement sur
clivant des PAR à la surface des plaquettes induisent une leur site de libération mais également au niveau sytémique.
augmentation du calcium intracellulaire et provoquent une L’activation de la protéine C par les RgpA va inhiber la coagulation
agrégation plaquettaire [44]. Aujourd’hui, quatre types de PAR ont été tout en réduisant les taux plasmatiques disponibles de cet inhibiteur
identifiés et les cellules épithéliales de gencive humaine expriment à physiologique de la coagulation [29]. Les protéinases et notamment
leur surface les trois premiers types (PAR1, PAR2, PAR3) [43]. La les Rgp, par leur activation du facteur X [33] et de la protéine C,
RgpB sécrétée par Porphyromonas gingivalis active PAR1 et PAR2. pourraient ainsi contribuer au développement d’une coagulation
Cette activation induit un signal intracellulaire (augmentation de intravasculaire disséminée [29].
Ca2+) qui provoque la sécrétion d’IL6 qui est une cytokine pro-
inflammatoire [43]. Les fibroblastes gingivaux expriment PAR1 et leur
activation stimule également la sécrétion d’IL6 [30]. Ces protéases
peuvent également prendre pour substrat PAR2 exprimé à la surface
Conclusion
des polynucléaires neutrophiles [42]. Une activation incontrôlée des
PAR peut probablement contribuer à une dérégulation de la réponse Les récents développements de la recherche en biologie de la plaque
inflammatoire locale au bénéfice de la population microbienne. bactérienne dentaire permettent de porter un regard nouveau sur son
Ainsi, certaines fonctions cellulaires peuvent être manipulées par des potentiel pathogénique et sur des perspectives thérapeutiques. La
protéases bactériennes, et ce d’autant plus qu’à côté des PAR il existe première condition repose sur l’adhésion bactérienne aux surfaces
d’autres récepteurs de surface (C5a, E-cadhérine, a5b1-intégrine...) sensibles, en l’espèce les dents et l’épithélium du sillon gingivodentaire.
qui sont autant de substrats pour des gingipaïnes [44]. La rapide adsorption des protéines salivaires à la surface amélaire,
Les MMP participent à la maintenance et au remaniement des tissus constituant le biofilm salivaire ou pellicule acquise exogène, n’interdit
parodontaux. Ces endoprotéinases produites par les fibroblastes, les pas la fixation des premières bactéries, mais en contrôle finement la
macrophages... ont la capacité de dégrader des composants de la nature, ne retenant que quelques espèces peu voire non pathogènes. De
matrice extracellulaire (collagène, fibronectine, laminine...) et sont plus, il apparaît que cette pellicule, au-delà de son rôle de membrane
sous le contrôle des inhibiteurs tissulaires des métalloprotéinases semi-perméable vis-à-vis de substances agressives pour la dent, abrite
(TIMP). Ainsi s’établit un équilibre entre dégradation et réparation, en son sein des éléments défenseurs actifs et apporte des garanties de
équilibre qui peut être rompu par des protéases bactériennes. régénération rapide de l’émail éventuellement lésé. Néanmoins, le
L’action synergique de différentes protéases de surface de processus d’adhésion bactérien repose aussi sur la présence d’organelles
Porphyromonas gingivalis peut provoquer la dégradation et ou d’éléments particuliers des parois des germes, qu’il y a lieu de bien
l’inactivation de TIMP1, un inhibiteur de MMP, et favoriser la connaître pour apprécier les modalités de la formation de la plaque.
destruction tissulaire [24]. Des protéinases libérées par des bactéries Si la bactériologie nous éclaire sur les populations susceptibles de
pathogènes comme Porphyromonas gingivalis pourraient induire la coloniser cet espace restreint mais si fragile, la biochimie et la biologie
libération de MMP par les cellules épithéliales et les fibroblastes, ces cellulaire nous fournissent des éléments de compréhension des
cellules prenant un phénotype associé à une dégradation du mécanismes physiopathologiques qui prévalent dans la zone. L’étude du
collagène [15]. métabolisme des glucides par les bactéries permet d’appréhender les

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Odontologie 23-010-A-15
Potentiels cariogène et parodontopathogène
différentes phases qui conduisent au processus de déminéralisation des produits par l’hôte, que par des actions sur les tissus parodontaux
structures dentaires. D’autres bactéries se caractérisent par l’expression eux-mêmes.
d’enzymes, et plus particulièrement de protéases ; l’identification de Chacun de ces mécanismes ouvre des voies de recherche de stratégies
leurs substrats respectifs est en cours et permet déjà de révéler des thérapeutiques hautement spécifiques, et donc susceptibles de ne
modalités pathogéniques nouvelles, tant par le contrôle des médiateurs développer que peu d’effets indésirables.

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