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Rétrospectives sur l’Histoire et la construction de la fiscalité à

Madagascar
Période Précoloniale ( XVIIIème siècle-1896)
Pour Madagascar les prémisses d’un système fiscal ordonné et charpenté se dessinaient à la
fin du XVIIIème siècle avec l’apparition du « zaran-ketra » initié par le Roi
Andrianampoinimerina lors de l’unification de l’Imerina1. Le « hetra » consistait à prélever
une partie de la production rizicole des parcelles cultivées du Betsimitatatra « le tapa-bary »
pour le donner au souverain car la « La Terre appartient au Roi ».Ce précepte évolua et avait
pour objet sur le fond de couvrir les besoins du Royaume en infrastructure (exemple :
construction des fefiloha ), l’entretien des troupes ou encore l’importation des armes et sur la
forme obliger chaque sujet à contribuer aux développement économiques de la société à
hauteur de leurs capacités respectives.

L’impôt se subdivisa en 2 classes bien distinctes , : les impôts en numéraires comme le « vola
amidy basy » supporté par ceux qui possédaient des esclaves , le « variraiventy
isan’aina » une capitations de 1/720 Ariary que tous les sujets libres doivent verser lors du
« Fandroana »2, le « fahafolombary » (1/10 de la production rizicole ) imposé par Radama I
en plus du tapa-bary pour mener les campagnes militaires et d’un autre côté les impôts en
nature comme « le fanompoana » (littéralement ‘ le service’ ou impôt du travail ) pour
effectuer des travaux au profit des collectivités locales. Les impôts en nature ont constitué le
principal des ressources usés par l’Etat précolonial étant donné que l’économie était
faiblement monétarisée3 et fortement centralisée.

Cette époque jettera les bases primitives de la relation Etat-contribuable dans l’idée que
l’assujettie prête allégeance à l’Etat en se soumettant aux obligations fiscales et qu’en
contrepartie l’Etat devait garantir certains droits et libertés immuables à l’individu. Cependant
finance publique et finance personnelle des oligarques resteront entre mêlées malgré les
tentatives de standardisations à l’européenne amorcées à partir de 1863 qui se soldera par la
création d’une ébauche du ministère des finances vers 1880 4. Sous cet angle la fiscalité en
Imerina partageait certaines caractéristiques prononcées avec l’Ancien Régime.

Période Coloniale (1896-1960)


Au lendemain de la conquête Française, devant à l’impossibilité d’imposer les dispositions
voulus, les autorités Françaises décidèrent de maintenir l’ancien système fiscal hérité du
Royaume Merina5 avant de transiter vers un régime fiscal personnalisé en 1901 par la
suppression des prestations6. L’inauguration de ce nouveau régime caractérisé par la

1
Tantara ny andriana eto Madagascar tak.728
2
Samul F Sanchez Chap 4 : De l’Etat Royal à l’Etat Colonial p.86 - 88
3
J.C Hérbert Le système monétaire malgache des temps anciens p.194
4
Archives Nationales de Madagascar, Archives Royales, série EE, « momba ny vola »
5
Guy Jacob : Gallieni et « l’impôt moralisateur » à Madagascar.Théorie, pratiques et conséquences p.432
6
Madagascar et dépendances : Arrêté du 31 décembre 1900
prépondérance des recettes de la capitation qui passe d’une fourchette de 2,5 F – 5 F à une
plage de 10F à 30F marque le début de la doctrine de l’impôt moralisateur du Général
Galliéni. La pensée derrière cet impôt sur l’indigénat selon Galliéni était que : ‘L’impôt ne
doit pas seulement être une source de revenus , un élément de progrès pour les œuvres dont il
permet la création, mais encore une école de travail’ 7 . Ainsi la capitation élevée semble aux
contribuables être une obligation économique et sociale plutôt qu’une nécessité fiscale.

Les autres impôts hérités de l’ancien système Merina comme l’impôt sur les rizières et les
bovins furent augmentés et transposés dans les régions les plus productrices. Cependant cela
s’avère contre-productif, en effet certains agriculteurs comme à Fianarantsoa n’hésitait pas à
raser leurs rizières pour éviter d’être soumis à une lourde imposition et dans le Sud on parle
de véritable hécatombe où les cheptels sont massacrés par centaines pour minimiser la base
imposable8.Ce phénomène assimilable à la courbe de Laffer9 poussera le gouvernement
colonial à repenser le taux pratiqué plusieurs fois sur les diverses matières imposables en
fonction de la culture et de l’économie de chaque province 10.

Le code de l’indigénat concrétisant le droit colonial français contenait toutes les règles
relatives à la justice administrative y compris fiscale11 fit office de code général des impôts
faute de textes spécifiques. Durant la colonisation, Madagascar aura une fiscalité multiforme
à la fois pesante et complexe résultant du droit coutumier de l’ancien régime Merina et des
pratiques codifiées de la fiscalité française.

Période postcoloniale (1960-1985)


Le retour de l'indépendance en 1960 fait revenir la question de la souveraineté concernant les
politiques économiques que l’Etat doit aligner . La continuité sera plébiscitée durant la Ière
République pour accélérer la métamorphose de l’économie sans léser aucun intérêt , sans
révolution et usant de tous les moyens publics et privés12 . Dans cette optique, la fiscalité
malgache continuera à être calquée sur la fiscalité française .

Étant membre du zone franc13, au début de l’ère républicaine ,Madagascar adopta une
politique budgétaire rigoureuse associée aux méthodes de recouvrements draconiennes
hérités de la colonisation qui se traduisit par une assez bonne performance en matière de
pression fiscale tournant autour de 11,13% du PIB pendant la première décennie14 .À partir
de 1972 , on constate une dégradation progressive de cet indicateur. La cause serait la crise

7
Rapport à l’union coloniale (décembre 1904) , cité dans les Lettres de Madagascar
8
Guy Jacob : Galliéni et « l’impôt moralisateur » à Madagascar.Théorie, pratiques et conséquences p.451
9
Barilari André, « La courbe de Laffer. Habile storytelling ou vérité scientifique ? », Gestion & Finances
Publiques, 2019
10
Guy Jacob : Galliéni et « l’impôt moralisateur » à Madagascar.Théorie, pratiques et conséquences p.438
11
Jean Fremigacci : Le Code de l’indigénat à Madagascar (1901-1946). 2ème partie : le code sur le terrain p.238
12
Véron Jean-Bernard, « Mireille Razafindrakoto, François Roubaud, Jean-Michel Wachsberger. L’Énigme et le Paradoxe.
Économie politique de Madagascar », Afrique contemporaine, 2017/3-4 (N° 263-264), p. 61-63
[1]

13
La Zone franc est ancienne. Sa création remonte à la fin des années trente, à la veille de la Seconde guerre
mondiale. L’expression « Zone franc » apparaît pour la première fois en 1939 par les décrets du 28 août, et des
1er et 9 septembre 1939
14
ANDRIAMIRADO Fara : Politique fiscale à Madagascar : Rupture et continuité p.40
politique de 1972 et les bouleversements dans la gestion des finances publiques .On peut citer
la suppression de la capitation , le recours à l'endettement à terme pour financer les
investissements d'Etat , les nationalisations , l'émission d'obligation pour couvrir les déficits
publics , la révision des accords de coopérations avec la France. La fiscalité a été très vite
délaissée au profit de l'endettement pour se financer . Les effets d'évictions tant minimiser se
repércutèrent sur le secteur privé et le niveau de vie de la population .Il en a résulté un
resserrement des contraintes obligeant Madagascar à signer des accords avec le Fond
monétaire international (FMI) au début des années 1980 et à mettre en place, après l'économie
de l'endettement, une politique d'ajustement par le bas.Libéralisation complète des prix ,
rationalisation des dépenses publiques et viabilisation de la politique d'endettement sont les
aspirations auxquels les partenaires techniques et financiers occidentaux s'y attèlent avec
l'Etat .Dès lors , la fiscalité reprit progressivement sa place de manivelle péremptoire de la
finance publique.

De 1975 à 1997 les questions douanières et fiscales étaient du ressort de la « Direction


Générale des Régies Financières » et disposait de 3 services autonomes en matière de
fiscalité : service des contributions directes, service des contributions indirectes et services de
l’enregistrement et du timbre avant d’être fusionnés en une seule entité inspirée de la modèle
française : la Direction Générale des Impôts15.

La Fiscalité contemporaine ( Depuis 1985 )


Depuis le premier programme d’ajustement structurel imposé par le FMI , l’Etat malgache n’a
de cesse d'entamer les réformes jugées impérieuses pour améliorer la gouvernance et
prodiguer une image de transparence.Du réforme de l’impôt sur les bénéfices en 1987 à la
rédaction du premier CGI en 1998 a complètement changé de dimensions .Les grands
changements avaient pour finalité pallier les difficultés et contradictions d’un système devenu
trop complexe.16 Malgré les grandes réformes , les recettes fiscales ne parviennent toujours
pas à compenser les dépenses publiques17 .

Aujourd’hui , Le système fiscal malgache est fondé sur un schéma déclaratif qui laisse au
contribuable les soins de déclarer leur chiffre d’affaires, revenu ou bénéfice imposable, mais
aussi de calculer ou liquider les impôts et taxes dus et de les verser au centre fiscal compétent.
Madagascar dispose d’un système évolué d’imposition, à savoir l’impôt sur le revenu, l’impôt
sur la dépense, l’impôt sur le capital ou patrimoine.Les impôts, droits et taxes dus par toute
entreprise, personne physique ou morale, sont régis par le CGI bien que des lois spécifiques
s’impose pour certains secteurs comme le textile ou les grands investissements miniers.

15
http://www.impots.mg/fr/1-historique
16
RAKOTONDRAZAFY Holinirina Nadia : Réformes fiscales à Madagascar p.44
17
Madagascar enregistre un déficit budgétaire de 6,3% en 2020
Symbole de son système fiscal moderne , Madagascar a ratifié jusqu’ici 4 conventions fiscales
internationales dont 2 déjà en vigueur : La France18 , Maurice19 , Maroc20 , Canada21.

18
La France et Madagascar ont signé, le 22 juillet 1983, une convention en matière de fiscalité publiée au
Journal officiel du 11 décembre 1984.

19
Convention signée le 30 août 1994, entrée en vigueur le 1er février 1996
20
Décision n°03-HCC/D1 du 10 janvier 2018 concernant la loi n°2017-031
21
Décision n°04-HCC/D1 du 10 janvier 2018 concernant la loi n°2017-032

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