CHAPITRE 11 - Les Oligopoles Dans La Réalité Économique

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CHAPITRE 11 – Les oligopoles dans la réalité économique

Introduction :

Désormais il faut s’interroger sur la réalité même de tels comportements.


Ce chapitre ne concerne pas les oligopoles de petite taille, mais les entreprises avec de
grandes parts de marché.

Section 1 : Le fonctionnement des grandes entreprises privées dans la


réalité

Nous partons de l’idée que les stratégies jouées concernent une firme de taille conséquente
à la recherche de synergie pour s’imposer sur le marché.
Ce sont des organisations spécifiques qui vont leur permettre, par des effets de taille, par
des effets de gamme sur les produits, de s’imposer et de rivaliser avec la concurrence rude.
Des complémentarités fructueuses lors de regroupements d’entreprises existent bien
souvent, et d’autant plus que les capacités d’une firme peuvent procurer à une autre firme
des moyens supplémentaires et à un coût inférieur à l’alternative que constiturait simplement
le développement interne d’une firme qui refuserait toute concentration, rapprochement avec
une autre.
Ces rapprochements sont fréquents, on les observe souvent avec des complémentarité
géographiques, qui permettent d’économiser certaines dépenses pour les différents
partenaires, qui à ce moment-là sont représentatifs de leur propre marché alors qu’ils
constituent un grand groupe. Mais chaque partenaire a son marché géographique, mais le
fonctionnement global se fait à moindre coût car ils partagent les frais fixes, les frais de
R&D, de politiques commerciales… Donc un avantage à priori intrinsèque à ce
rapprochement et à ce développement qu’on appelle de synergie complémentaire.

Une deuxième forme de recherche d’efficacité peut être observée par les économies
d'échelle, c'est-à-dire produire en volume (Adam Smith) important qui inévitablement
comporte des avantages directs, notamment dans le domaine de la recherche
développement. Mais ces économies d’échelles avec la production de grands volumes,
génèrent aussi des résultats intéressants en terme de publicité, car la publicité à grande
échelle, pour l’ensemble des firmes du groupe, est partagée entre tous, et donc la
constitution des logos de publicité ne coûte pas plus cher sur un oligopole de taille moyenne,
ou un groupe oligopolistique de taille élevée. Donc des résultats de performance qui sont
intéressants.
Le plus fréquemment ces économies d'échelle se rencontrent dans les secteurs en phase de
maturité. En effet, leur mise en œuvre exige des investissements importants qui ne seront
pas menacés d’obsolescence car il y a une perspective d’avenir intéressante.
Donc le risque d’une évolution inattendue de la demande est à écarter, car on serait dans
une phase de maturité du produit, c'est-à-dire répondant à de réels besoins de la demande.

1.1) L’incidence des économies d’échelles sur la performance des oligopoles

Dans quels secteurs rencontre-t-on ce type de technologie ? = transports, pneumatiques.


On a vraiment cette volonté de rapprochement pour capter le marché et disposer d’une
capacité de production très élevée.

Quelles questions devons-nous nous poser ?


1) La première est quelle est l’incidence de tels rapprochements ? Est ce que les firmes
qui disposent des plus grosses parts de marché réalisent vraiment une performance
supérieure aux autres, sont-elles dominantes ? On pense déjà aux rapports de force
dominante-dominée de Stackelberg. Est-ce-que un regroupement avec des firmes
dominantes est envisageable, et sous quelle forme de contrainte ?

2) Est-ce que la performance de telles firmes peut se renforcer par un rapprochement


avec d’autres ? Est-ce-que réellement cela a un impact significatif sur leur efficacité ?

3) Comment un tel rapprochement entre des firmes de taille importante est-il perçu par
le marché ? Gagne-t-on la confiance des consommateurs ? Gagne-t-on également
des parts de marché supplémentaires ? Comment se positionner vis-à-vis de la
concurrence internationale ? Donc interrogation sur la façon dont la firme est perçue.

La recherche d’économies d'échelle avec un rapprochement entre plusieurs firmes, exerce


un effet de taille puisque ce sont les firmes dominantes qui conservent la part essentielle du
marché et représentent une réelle performance supérieure à la moyenne des autres firmes.
Donc la difficulté est de savoir comment le poids lourd du système peut envisager une
concentration avec d’autres sans que son image d’excellence n’en soit affectée.
Exemple : On sait que dans le pneumatique, Michelin a une performance acquise, à la fois
en qualité, en capacité de production, et en parts de marché. Mais on sait également que
des concurrents comme Bridgestone ou Goodyear, disposent d’une marge d’exploitation
supérieure de 4 à 5 points à celle de Pirelli ou Continentale. Donc faut-il que Michelin se
concentre avec Continentale, ou doit-il se rapprocher du concurrent qui dispose du marché
le plus large Goodyear, sous quelles formes ces rapprochements peuvent-ils se faire ?
Naturellement quand on regarde la répartition des parts de marché, du CA de ces grands
groupes, ça motive la recherche d’économies d’échelles des plus grands pour s’imposer sur
le marché.
Donc la stratégie à jouer n’est pas évidente, elle doit être posée et ce n’est pas facile pour
un groupe de savoir s’il doit accentuer sa concentration avec des firmes plus faibles (Pirelli)
ou tenter un rapprochement un concurrent de même taille qui dispose d’une certaine avance
et qui peut être finalement autant bénéfique que défavorable à l’avenir de l’oligopole. Il y a
donc une incertitude qui est caractéristique dans la théorie de l’oligopole et notamment pour
les concentrations oligopolistiques.

En définitive les avantages liés à la taille du groupe, à la taille du marché, incitent de toute
façon à conquérir des parts de marché supplémentaires pour s’imposer, ce qui donc impose
de s’accorder une place privilégiée au sein du secteur, ce qui inévitablement motive à
rechercher des financements externes, et donc accroître la croissance externe du groupe, et
là naturellement le facteur risque prend le relais parce qu'on a vu avec Shepsle et Weingast,
la participation de plusieurs actionnaires fragilise naturellement la direction du groupe et les
stratégies jouées, mais également l’appel à des groupes externes peuvent fragiliser la
stratégie jouée par la firme, pour le moment, à priori dominante.
1.2) Les conséquences de ces stratégies sur la performance financière des
groupes

Illustration :
On est dans le secteur du pneumatique et on a des groupes de taille importante qui ont des
comportements stratégiques. On prend le cas de deux firmes Bridgestone et Michelin.
Ces deux entreprises oligopolistiques ont fait des acquisitions d’envergure, c'est-à-dire pour
étendre leur taille et accélérer l’accès à leur parts de marché. Et ces acquisitions
d’envergure ont fortement redressé leurs marges, ce sont donc des stratégies gagnantes.
En effet, ça leur a permis de retrouver leur niveau de rentabilité antérieur à la crise à chaque
fois qu’elle l’ont tenté.
Donc par des stratégies offensives jouant sur la taille du groupe, donc par des financements
complémentaires, par des appels à la croissance externe, ces groupes oligopolistiques ont
renforcé leur rentabilité en augmentant fortement leur marge sur les produits réalisés et
vendus.
Donc ces concentrations industrielles ont été heureuses et profitables, cela confirme que
l’appel à la croissance externe peut donc être une solution importante au moment où des
firmes de grande taille sont menacées soit par la crise soit par la conjoncture, soit par les
comportements des agents.

On peut fournir une seconde illustration. On avait des comportements intéressants du côté
de Michelin et Continentale dans les années 90. Ces deux constructeurs européens avaient
des performances très proches, puis l’écart s’est creusé. La marge de Michelin a progressé
et était environ de 6% de son CA, et celle de Continentale de 2%, donc un écart inquiétant
qui nécessite une analyse.
L’avantage de Michelin s’est confirmé dès le début des années 90.
En réalité l’entreprise française a confirmé son avance par ses stratégies industrielles qui
ont été tentées, elle a fait un certains nombres de FUSA, qui lui ont été très profitables et lui
ont permis un décollage industriel qui a consolidé sa performance au point de se détacher
très nettement de son concurrent Continentale.
Continentale n’a pas fait ce choix stratégique d’appel à la croissance externe, donc l’écart
s’est accentué tout au cours des années 90 entre les deux firmes.
C’est le reflet que l’organisation bien pensée de Michelin lui a été profitable, et lui a permis
d’accumuler une avance qu’elle conserve aujourd’hui.

On peut également s'intéresser à Bridgestone qui est donc une entreprise japonaise, qui a
eu la volonté très marquée au milieu des années 90 de redresser sensiblement sa
profitabilité, et donc de consolider ses marges, qu’elle a doubler en moins de 5 ans, les
faisant passer de 2% à 4%. Donc pari réussi, jouant directement sur la gestion des coûts et
c’est aujourd’hui la même volonté avec le choix de licencier et de fermer l’usine du nord en
France au profit d'installation extérieure moins coûteuse, pour consolider la stabilité du
groupe. On comprend dans ce cas que des retards sur les marges deviennent très vite un
enjeu, et le résultat, la garantie de succès n’est pas automatique mais dépend de la finesse
des stratégies jouées, car Continentale et Michelin avaient des marges semblables mais se
sont distancées suite à la bonne orientation stratégique de Michelin relativement à
Continentale. Donc la caractéristique première de la stratégie jouée est qu’elle peut
compromettre l’avenir du groupe oligopolistique quand le choix stratégique n’est pas
opérationnel, donc le risque est élevé.

1.3) Les conséquences des stratégies sur la valorisation boursière

Nous pouvons considérer la valeur boursière des firmes car on s’intéresse aux
comportements stratégiques d’entreprises de taille importante.
Lorsque l’on fait appel à des fonds extérieurs, de croissance externe, on envisage des
investissements, des politiques de produits, des politiques industrielles, non pas sur fond
propre mais par appel au capital extérieur. Il est évident qu’une contrepartie existe. De
quelle contrepartie s’agit-il ?
En tant qu’actionnaire j’accepte de financer le groupe oligopolistique et j'obtiens en
contrepartie des actions, mais naturellement j’exige implicitement que la valeur de ces
actions soient bien côtées, soit bien connues, c’est à dire reflètent la performance de
l’entreprise que j’ai soutenue, que j’ai financé.
Qu’en est-il dans la réalité ?
Ce qu’on appelle ​l’hypothèse d'efficience d’un marché​ est que finalement tous les
marchés doivent capitaliser les flux de trésorerie futurs d’une entreprise à fin de faire
correspondre une valeur boursière présente à l'entreprise retenue. Donc la frontière
l’hypothèse d’efficience est quelle est la valeur de l’entreprise qui a été financée.
Donc il ne s’agit pas de laisser les financements obtenus de côté, il faut les valoriser, et
cette valorisation apparaît par la valeur boursière du groupe.

Exemple : Michelin a besoin d’investissements importants, cherche des rapprochements


sous forme d’acquisition ou de fusion, il faut les financer, il fait donc un appel à la croissance
externe, j'acquière personnellement des actions Michelin, je participe donc au financement
du groupe, j’attend donc en retour que la valeur des titres que j’obtiens qui sont la
contrepartie du financement que j’ai donné, ne fasse que prospérer. Plus la cotation
boursière du groupe est forte, plus la performance de ce groupe est confirmée, plus les
stratégies jouées sont efficaces, donc plus mon financement est opérationnel et profitable
pour moi-même. Donc il ne faut pas que les flux de trésorerie ne profitent pas à l'entreprise
et notamment à la cotation boursière de la firme.
Ceci est notamment observé pour une fusion dont les retombées se font en termes de Cash
Flow, c'est-à-dire de distribution de revenu, des Cash Flow additionnels qui démontre à
l’actionnaire qu’il a eu raison de financer ce groupe.
Donc la valeur nette de l’opération garantie à ce moment là que je suis un gagnant, que
l’opération financière est profitable, non seulement au groupe que j’ai soutenu, mais
également à moi-même en tant que détenteur d’une partie du capital boursier de l’oligopole.
Donc une relation qui a un retentissement boursier intéressant.

Naturellement il faut comprendre comment cette garantie peut être apportée. En théorie on
le comprend aisément, mais en pratique ? Si Michelin n’a pas fait la bonne stratégie, sa
valeur boursière ne va pas décoller, donc ça veut dire que j’ai pris un risque en la finançant
et que je n’ai pas la certitude de pouvoir compenser ce risque.
Donc en pratique il faut évaluer de façon minutieuse le rendement normal des titres
détenues mais non pas à court terme, mais sur le long terme pour permettre aux stratégies
jouées de prouver leur efficacité dans le temps, mais également pour permettre aux
fluctuations conjoncturelles du marché d’être amorties et donc de ne pas cacher la véritable
réalité boursière du groupe. Donc ce n’est pas quelque chose d’automatique, mais il faut
éviter la prise de risque le plus possible pour garantir un financement profitable.

Illustrons ce problème de valeur boursière par des cas pratiques intéressants :


● On a eu dans les années 90, une opposition, une guerre commerciale, entre deux
entreprises du pneumatiques : Bridgeston et Pirelli, qui s'arrachaient le contrôle de
Firestone. On a eu la confirmation de la réussite de Bridgestone sur Pirelli car ils ont
acquis l’entreprise Firestone par cession, ceci pour 1 milliard de dollars. La réaction a
été juste favorable, à peine favorable, donc elle n’a pas été perçue comme
stratégiquement profitable dominante. L’action de Bridgestone a progressé mais très
légèrement, elle est passée de 1300 à 1350 yens, dans la séance même de
l’annonce de la cession de Firestone à Bridgestone. 10 jours avant et après
l'annonce, on a une différence. La hausse 10 jours après est de +13.5% on a donc
une surperformance (ceci toute chose égale par ailleurs). Si on tient compte
uniquement de l’impact de la cession de firestone à bridgestone, on peut considérer
que la stratégie jouée par Bridgestone a permit seulement une hausse de 4% sur sa
valeur boursière (donc 9% qui tient aux caractéristiques propres du marché et de la
conjoncture). Donc le résultat est seulement assez favorable. Mais ce n’est pas une
mauvaise stratégie car on gagne en valeur, mais ce n’est pas très probablement
l’anticipation qu’ont réalisée ceux qui ont acquis des parts sous forme d’action de
Bridgestone lors de la cession. Ils attendaient certainement un progression de la
valeur boursière de Bridgestone de l’ordre d’au moins 20%. Il faut donc être prudent
quant à la façon dont peuvent être perçues ces stratégies d’acquisition par cession
d’entreprise même pour un groupe bien implanté sur ce marché oligopolistique.

● De la même manière, au début des années 90, une offre publique a été lancée par
Pirelli qui était alors alliée pour la circonstance à Michelin. Quelle a été l’incidence de
ce lancement d’offre publique ? Une chute immédiate des cours de Bridgestone de
2.8% dans la journée même. 10 jours après cette date, la baisse est renforcée, la
valeur du cours de Bridgestone baisse de 5.7%.
Donc ça veut dire que finalement la concurrence naît par l’offre publique de Pirelli
alliée de Michelin, la concurrence est tout de suite perçue par les acteurs du marché,
et la perspective de l'alliance Pirelli-Michelin, met une fin aux projets de
développement supplémentaires Bridgestone. Donc les acteurs du marché anticipent
des difficultés à venir pour Bridgestone. Ce n’est donc pas l’effet d’annonce, mais
l’anticipation des comportements qui est défavorable au concurrent du groupe
Pirelli-Michelin.
Plus que la perspective d’un échec, les opérateurs ont anticipé un réajustement de
l’offre japonaise, et en provoquant la chute des cours ils vont l’instituer, l’obliger.
Donc ce type de comportements montre que finalement les comportements, les
effets d’annonce ont aussi un impact direct sur le jeu des stratégies. Par exemple
pour le cours de Pirelli, on peut dire que l’offensive italienne a été bénéfique puisque
son titre s’est valorisé de 20%, donc l’offre publique lui a été extrêmement profitable,
on a donc anticipé des synergies importantes de la combinaison des deux firmes
Michelin-Pirelli. C’est perçu très favorablement, donc c’est la raison pour laquelle
lorsqu'il devient réel que Bridgestone peut être en concurrence ça l’affaiblit
inévitablement, et l'action de Pirelli est couronnée d’un succès.
Quels enseignements pouvons-nous tirer de telles illustrations ?
● Finalement les stratégies d’offensive sont le plus souvent favorables, se transforme
donc en gain, pas toujours très élevée pour la valeur des firmes, mais leur permet
d’accroître leurs parts de marché.
● On observe aussi que les opérateurs indiquent finalement qu’ils anticipent facilement
les synergies importantes lorsque des firmes se rapprochent. Donc els synergies de
combinaison de deux firmes sont globalement très bien perçues, anticipées par les
opérateurs, ce sont comme des signaux pour eux. Ainsi lorsqu’il est évident qu’une
entreprise dans une opération stratégique va l’emporter, le cours du titre du
concurrent inévitablement s’effondre, donc il y a un signal fort qui est transmis.
● Le transfert du contrôle est finalement indispensable pour valider un potentiel de gain
synergétique. Sans transferts de contrôle, l’anticipation ne peut se faire
favorablement car l’acteur du marché évalue le risque, se couvre, et e joue pas son
rôle de banquier du groupe industriel qui fait appel à la croissance externe. Donc des
enjeux qui sont extrêmement importants.
A ce titre, quand un groupe subit un échec, il peut tenter d’autres opérations, et c’est
leur mode de fonctionnement. On a donc des groupes qui sont sans cesse à la
recherche de FUSA pour compenser leur manque d'activité, leur perte, ou pour
consolider leur avance. On peut citer l’initiative de Pirelli qui a souvent tenté de se
ressaisir de stratégies mal jouées, notamment en reprenant les activités
pneumatiques du groupe concurrent américain Armstrong. Donc face à quelques
difficultés la recherche d’une compensation. Face à l’insuffisance de marge on a vu :
premièrement la volonté d’une offre publique avec l’association à Michelin, ou
deuxièmement la tentative d’acquisition du côté américain avec l’acquisition de
Armstrong. Quel a été la conséquence ? = forte appréciation du titre de plus de 35%,
ceci dans la journée de l’acquisition.
Donc il y a une très forte sensibilité des acteurs du marché, au jeu stratégique tenté
par les grands groupes, donc ils sont surveillés et les modes de financement lors de
leurs appels de fonds à la croissance externe ne sont pas automatiquement garants
de revalorisation boursière. Les anticipations ont un impact fondamental sur la
revalorisation des groupes.

1.4) Les effets de ces stratégies sur longue période

Nous savons que l’oligopole stratégique a tout intérêt à produire en grand volume pour avoir
des économies d'échelle. Les firmes qui ont augmenté sensiblement leurs parts de marché
grâce à des opérations de croissance externe, ont réussi à la différence des autres, et ont
ainsi fait progresser leurs marges d'exploitation. Donc un signal très fort pour leur avenir et
donc une réaction boursière automatique et favorable. Donc ces acquisitions ont été
plébiscitées suite à l’appel au financement externe par les acteurs du marché. Il en résulte
un excès de rendements pour ces groupes, mais le problème est de savoir pour combien de
temps. Est-ce que ça va durer ou est-ce juste un effet d'annonce au moment de l’acquisition
avec une perspective de gain mais quant est-il réellement du marché ?

Donc comment le groupe financièrement va évoluer sur le long terme, comment sa valeur
boursière peut-elle évoluer ?
On a dans l’immédiat des effets d’annonce d’acquisition et de fusion des résultats
extrêmement positifs le plus souvent, mais quant est-il durablement ? Il faut donc regarder
comment évolue la cotation boursière de ces firmes stratégiques sur le long terme.
On a parfois des contradictions par rapport au résultat attendu. Le résultat attendu est que
comme on vient de voir que la fusion ou acquisition est le plus souvent profitable au
groupe,génère des synergies favorables, on devrait donc avoir une valeur boursière qui en
profite sur du long terme. Or cette garantie n’est pas automatique.

Pour l'illustrer, retenons le cas des deux producteurs de pneumatiques Bridgestone et


Michelin.
Ces deux firmes sont particulièrement actives dans le domaine des acquisitions. Leur
marché en a directement profité par un effet de taille, d’économies d'échelle. En
conséquence, leurs valeurs boursières immédiates se sont envolées. En revanche, on a une
absence de changement de taille et donc d’échelle chez Goodyear et Continentale. Donc
ces entreprises s’enregistrent pas de performance positive sur le long terme.
Pas d’acquisitions, pas de fusions, pas de modifications de leurs valeurs boursières. On a
même l’effet négatif observé pour l’action Continentale, une forte perte de l’ordre de 30% au
moment où les autres font des acquisitions et tirent du profit de cette action stratégique.
Donc par l’évolution à long terme du cours des actions, on peut rendre compte du bilan
industriel et des stratégies oligopolistiques qui sont jouées. Mais il faut relativiser car les
fusions ne sont pas toujours gagnantes mais sont le plus souvent profitables à l’oligopole. La
performance observée sur le plan de l’organisation industrielle tient d'avantages
probablement de circonstance particulières au groupe, on peut considérer puisque la
garantie de revalorisation boursière n’est pas automatique.
Donc en général on a la confirmation d’un intérêt des fusions et des acquisitions à long
terme, mais ce n’est pas automatique donc il faut nuancer.

Ce qu’on peut observer sur ce marché de pneumatique, est que si on compare les résultats
du producteur japonais Bridgestone à ses autres concurrents japonais, sur le même marché
japonais, ses performances sont nettement plus soutenues. Donc même s’il ne tire pas
totalement profit de ses stratégies de croissance externe sur le marché européen, il en tire
un net avantage de consolidation sur son propre marché japonais.
Donc des confirmations que les concentrations industrielles par fusion ou acquisition, les
rapprochements avec les firmes de grande taille, permettent de produire en gros volume,
garantissent de meilleur performances avec l'extension des parts de marché, c’est
pratiquement toujours le cas, mais la garantie de revalorisation financière doit être plus
nuancée. Elle est très souvent présente mais tout va dépendre de la façon dont les acteurs
du marché vont l'anticiper et la plébisciter. Donc toutes ces opérations ont un impact
fructueux globalement mais à nuancer au cas par cas.

En bilan de cette section 1, on peut affirmer que le fonctionnement des grandes entreprises
privées sur un marché oligopolistique est très largement conditionné par les performances
de la croissance externe des oligopoles. Si la croissance externe est profitable, l’oligopole
s’impose et progresse. Si la croissance externe par fusion ou acquisition se passe
difficilement l’oligopole est freiné et peut être plus facilement remis en question, remis en
cause comme par exemple pour Continental.
Section 2 : Le fonctionnement des grandes entreprises publiques et cartel
dans la réalité

Ces grandes firmes, qui s’imposent sur le marché, ne fonctionnent pas exclusivement
comme un oligopole quelconque ou monopole discutable. En effet, le plus souvent, c’est un
cartel avec une ​concentration et des parts de marché élevées​.

Or il est incontestable que ces cartels peuvent ​poser problème quant à leurs pratiques
tarifaires​. En effet, la théorie économique montre ​l’influence de la structure du marché
sur la stabilité des cartels​. La concentration du secteur est liée à un accroissement de vie
du cartel. ​Plus l’oligopole est de taille élevée, plus sa concentration est forte et plus sa
résistance est effective et il a de l’impact sur le marché.

Comment fonctionne un cartel dans une telle logique ?


La collusion est plus facile dans des secteurs concernés par la forte concentration, la
stratégie développée est homogène​, toutes ces firmes vont vouloir atteindre le même
objectif.
La concentration et la part de marché ​cumulée des firmes du cartel sous donc
déterminante quant au résultat pour le cartel dans son ensemble mais vous aussi
conditionnent fortement les comportements.

Il y a un risque ici évident car la concentration pose problème et agit directement sur la taille
du marché retenu par le cartel. ​L’autorité de la concurrence veut lutter contre ces cartels
dominants pour ​éviter une hausse des prix défavorable aux consommateurs. Mais ces
cartels ont une ​stratégie d’apparence d’une sous concentration : ne pas montrer
l’homogénéité de leur stratégie (impression d’attention à la concurrence de l’entrant potentiel
même si implicitement des accords sont passés entre eux).

A) les secteurs concernés par les cartels posant problème

Ces ​secteurs exposés à une forte concentration des parts de marché​ sont :
● la métallurgie (produits minéraux)
● la fabrication des matériels d’équipements
● l’industrie du papier, carton, plastique...
● le textile construction
● l’industrie chimique
● les produits alimentaires, boissons, tabacs

Ces cartels agissent mais sont prudents, ils alignent leur stratégie afin de ne pas être
dénoncés par l’autorité de la concurrence et convaincre qu’ils ne remettent pas en cause le
rôle économique du prix. En effet, ils ​n’agissent pas directement au niveau du prix donc
ne sont pas dommageables. Ils ​agissent sur la concentration​, ce qui est rusé car ​plus ils
sont concentrés plus ils sont maîtres du prix.

Quel est l’impact de ces cartels sur le niveau des prix ? Différentes études.
1) Sur 13 cartels étudiés on observe que l’augmentation des prix en moyenne par
rapport à un secteur en concurrence normal est de 21% (stratégie gagnante).
2) Sur 12 cartels internationaux, l’augmentation de prix est de 49% (prix majoré du fait
de l’instauration de cartels internationaux).
3) Sur 22 cartel internationaux, l'augmentation du prix était de 43%.
4) L’OCDE a fait des études sur des cartels nationaux et a observé une augmentation
du prix de 15-20%.
On a donc inévitablement une observation : le cartel, par la taille grandissante du marché,
du fait même de la concentration, dispose alors d’un ​pouvoir d’outils en termes de
fixation des prix.

La concentration permet d’agir sur la part de marché et d’autre part sur sa taille ainsi que sur
le niveau de prix pratiqué.

B) Les stratégies des cartels (concentration, taille de marché et politique


de prix)

Nature de ces cartels : en fonction d’un caractère géographique.


● Cartels nationaux (intervenant dans un seul pays de l’UE, concerne une
administration centrale) : efficacité limitée car petite taille.
● Cartels européens (touchant minimum 2 pays de l’UE) : taille plus grande mais
touche un marché relativement modéré car l’extension à deux pays relativise la
notion de taille.
● Cartel global (affectant l’UE et au moins un autre continent) : la somme de ces
cartel représente les cartels internationaux.

Au-delà de la question de la taille, on se préoccupe de ​l’impact du cartel au niveau du


surplus du consommateur.
Cette remise en cause dépend de la ​durée de vie du cartel​ :
● Si le cartel se ​maintient durablement​, le ​surplus du consommateur en est
affecté​.
● Si la durée de vie du cartel est ​éphémère ​sous l’effet des politiques de ​contrôle
antitrust,​ le ​surplus du consommateur n’en est pas affecté​.

C) Risque de démantèlement des cartels (durée de vie moyenne des


cartels)

Les cartels sont fortement ​instables ce qui instaure un problème dans la durée d’existence
et leur ​fiabilité​. Ils agissent dans la rapidité afin de ​remporter à court terme du profit étant
donné qu’ils sont vite menacés par les contrôles.

Étude européenne : Impact du contrôle sur l’espérance de vie du cartel.


On dénonce souvent de façon exagérée le rôle ambigu des cartels mais dans la réalité il
semble moins perturbé l’équilibre du marché. Les cartels sont certes instable mais
n’agissent pas de façon systématique contre les intérêts des consommateurs.

Sur 111 cartels condamnés par la commission européenne, la ​durée de vie moyenne ​d’un
cartel est comprise entre ​7,1 et 7,4 ans​, la ​médiane entre 5,5 et 6 ans et ​l’écart type entre
5,2 et 5,4​. Cette analyse empirique relativise les aprioris négatifs des cartels. Le cartel le
plus court a duré trois mois sur les viandes bovines tandis que le cartel le plus long sur les
produits organiques a fonctionné pendant plus de 20 ans.
Il faut des règles car il y a une grande ​distinction et variabilité​. La commission européenne
nuance son propos et considère qu’une ​infraction de courte ou moyenne durée
(inférieures à 5 ans) doit être moins pénalisée que sur celles du long terme​. Elle
accepte donc une légitimité du cartel.

Les cartels les plus courts touchent essentiellement l’industrie alimentaire tandis que les
cartels les plus longs touchent l’industrie chimique de base. La dimension sectorielle est
donc non négligeable.
La durée de vie des cartels est instable et variable mais la plupart ont entre 5-10 ans donc
ils arrivent à s’imposer sur le marché par leur capacité et en prenant le risque par les
avantages possibles.
● 40 cartels durée de vie inférieure à 5 ans sur 111
● 50 cartels entre 5 à 10 ans de durée de vie
● 11 cartels entre 10 et 15 ans
● 11 cartels supérieurs à 15 ans

Pourquoi ne durent-ils pas étant donné qu’ils arrivent à s’imposer et à déjouer


longtemps les autorités de contrôles ? Pourquoi les autorités de contrôle
n’arrive-t-elle pas à déjouer ces cartels dès leur démarrage ?

Ceci est dû aux ​stratégies qui peuvent être déstabilisantes et destructrices​.

● Certains cartels disparaissent par ​tricherie (dénonciation, le suiveur veut le rôle de


meneur, accords non respectés avec des désaccords entre participants, une frange
grandissante est née par l’arrivée de concurrent potentiel redoutable, arrivée de
nouveaux acteurs différenciés, effet de choc d’offre ou demande externe lié à un
changement de comportement ou de crise sanitaire...). Pour toutes ces raisons le
cartel est immédiatement contrôlé et après démantelé.
● Un cartel peut aussi prendre fin de ​façon naturelle si les membres anticipent
l’ouverture imminente ou probable d’un contrôle​. La date de dissolution du cartel
ne correspond pas forcément à la date de détection d’un risque de l’entrée sur le
marché ou d’un risque de contrôle ou encore de menaces de concurrence par
différenciation.
Facteurs de dissolution des cartels​ selon une étude :
- 42% facteur de contrôle des commissions
- 32% de plaintes des partenaires, clients ou concurrents
- 14% de programmes de clémences
- causes spontanées

Le risque provoqué par le cartel est moindre que celui qu’on imagine puisque la menace
d’un contrôle éventuel est toujours possible.

Pourquoi après dissolution, certains cartels se réforment au point d’en maîtriser


totalement et illégalement le marché ?
Il y a de nombreux ​cas de récidives​. Ceci montre que les amendes et punitions après
contrôle, même s’ils agissent, n’ont ​pas un pouvoir absolu​. Ce taux de récidive n’est pas
marginal, il est de ​24 % pour les cartels condamnés par la commission​.

Taux de récidive par secteur : plus de la moitié des cartels opérant dans l’industrie de la
fabrication de machines et d’équipement et un tiers des cartels de ​l’industrie chimique​,
compte au moins une firme récidiviste.

Même en cas de contrôle, les entreprises peuvent reformer les cartels. Ceci est dû aux
nombreux avantages vu auparavant qu’apporte de telles collusions.

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