Explication linéaire 3 : JUSTE LA FIN DU MONDE

TIRADE D’ANTOINE. II,3

 Explication linéaire 3 : JUSTE LA FIN DU MONDE
TIRADE D’ANTOINE. II,3
INTRODUCTION

Avant tout, ce texte est tiré d’une pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce intitulée Juste la fin
du monde écrite en 1990. Cet extrait que je vais analyser est une tirade d’Antoine le frère du
protagoniste Louis. Nous sommes à la fin de la pièce et Antoine exprime toute sa pensée et ses
émotions en faisant tomber son masque, certes, mais également celui de Louis. la révélation ne
vient pas de Louis mais de son frère qui livre ses pensées secrètes.
Je vais vous lire l’extrait.

LECTURE

PROBLÉMATIQUE
En quoi cette longue tirade permet-elle à Antoine de faire tomber les masques et de
questionner le pouvoir de la parole?

ORGANISATION DU TEXTE
Pour répondre à cette problématique nous allons analyser le texte de façon linéaire.

Ligne 1 à 28 : Le manque d’amour injustifié de Louis

Ligne 29 à 54 : Le pouvoir manipulateur de la parole
Ligne 55 à ligne 73 : Les masques tombent : La lucidité d’Antoine sur Louis et sur lui-même

DEVELOPPEMENT
Mouvement 1 : Le manque d’amour injustifié de Louis
CITATIONS PROCEDE ANALYSE
« tu dis », « je Inversion de la POUR COMMENCER Cette tirade d’Antoine repose sur un paradoxe et
t’entends », « je parole une inversion des rôles et de la parole : Antoine qui a toujours écouté ou
t’entends dire ça » plutôt « entendu » la parole de son frère se met à « dire ».
« qu’on ne t’aime pas, Polyptote ENSUITE Antoine insiste sur cette idée comme pour montrer la
qu’on ne t’aimait pas, dimension répétitive de la plainte de Louis. Il décline ainsi l’affirmation
que personne, jamais ne pour accentuer ce désamour intemporel et universel. Ce polyptote qui
t’aima » s’achève avec une négation renforcée « personne, jamais ne » met en
valeur la lamentation pathétique de Louis.
« C’est de cela que tu DE PLUS Cette parole rapportée de Louis relève de l’ironie tragique.
souffres » Antoine pense que Louis est prêt à se cacher encore derrière ce supposé
manque d’amour pour justifier sa souffrance alors que le spectateur
sait qu’au moment où ils parlent Louis souffre d’un mal incontestable.
« je pense » Verbe penser Cette répétition du verbe « penser » souligne encore une fois à quel point
il s’agit d’une scène de révélation : Antoine, pour la première fois exprime
ce qu’il « pense » alors que, comme il l’a expliqué, il a passé sa vie à «
entendre ».
« tu ne pourrais le nier si POUR FINIR Ce qui est intéressant avec ce passage c’est que de manière
tu voulais te souvenir indirecte Antoine fait le portrait de son frère et nous révèle comment il le
avec moi perçoit : un être qui se lamente et qui fait preuve de mauvaise foi, ne
voulant admettre ou reconnaître ses propres paroles
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TRANSITION :
Antoine contrairement à Louis va s’exprimer grâce à la parole. Il transmet au lecteur le sois-disant
manque d’amour qu’à pu ressentir Louis depuis le début de sa vie. On peut voir que la parole peut-
être un outil manipulateur

Mouvement 2 : Le pouvoir manipulateur de la parole

CITATIONS PROCEDE ANALYSE
« peut-être, tu n’avais Répétition de TOUT D’ABORD On assiste au changement d’avis du personnage qui se
pas tort » peut-être, laisse convaincre. Le « peut-être » met en valeur ce basculement,
l’intrusion du doute dans son esprit
« en effet » Connecteur ENSUITE Finalement ce « peut-être » se transforme en « en effet » : la
logique pensée a évolué, le doute s’est modifié en certitude. Nous voyons ainsi
l’impact d’une parole sur la réflexion d’Antoine
« tu me persuadais », Champ exical ICI Louis est présenté comme le principal acteur de ce revirement de
« j’étais convaincu » del’argument pensée : la parole est au centre d’une manipulation mentale.
ation
pas te le dire » « ne Répétition de EGALEMENT La parole est encore au centre de la crise. La source du
pas te le dire assez » « dire » problème ne serait pas l’amour des proches de Louis mais leur incapacité à
exprimer leur sentiment. La crise de la famille trouverait son origine dans
une crise du langage et une impossibilité à communiquer qui se retrouve
dans les multiples répétitions d’Antoine dans cette tirade.
« malheur soi-disant » POUR FINIR Néanmoins, Antoine lutte contre ce sentiment, contre cette
manipulation en revenant à son intuition initiale : le malheur de Louis est
feint, il n’est pas réel, il est « soi-disant ». On revient donc à cette idée que
la parole est mensongère.

TRANSITION :
Ainsi, la parole est bien utilisée pour manipuler car nous ignorons si Antoine exagère dans ses
propos. De plus en se dévoilant, il devient plus lucide sur sa propre personne ainsi que sur celle de
Louis comme nous allons le voir maintenant.

Mouvement 3 : Les masques tombent : La lucidité d’Antoine sur Louis et sur lui-même
CITATIONS PROCEDE ANALYSE
« Rien en toi n’est Répétition PREMIEREMENT Cette description ne correspond pas à l’image que le
jamais atteint » Présent de spectateur a de Louis puisque nous nous avons eu accès à ses pensées
vérité intimes grâce aux monologues ; nous savons sa souffrance, sa détresse.
générale Louis a donc peut-être réussi, en partie, l’objectif qu’il s’était fixé : faire
croire à ses proches qu’il était maître de lui-même !
« Tu n’as pas mal/ Si Présent de AINSI Cette citation ne peut que faire écho chez le spectateur dans la
tu avais mal, tu ne le vérité mesure où effectivement Louis n’est pas parvenu à mettre des mots sur
dirais pas » générale son malheur. La parole ne servirait que de masque mais ne permettrait pas
d’exprimer une vérité.
« ton malheur n’est qu’une Encore une fois, Antoine met en valeur combien la parole sert de bouclier
façon de répondre », « ne à Louis. Paradoxalement, la parole sert à ne pas exprimer, elle sert à
pas les laisser entrer » cacher, à parer, à feindre et non à dire !
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« je te plains » « pitié », «
peur » « inquiétude »
« colère »
« j’espère qu’il ne t’arrive
rien de mal »
Champ DE PLUS Antoine a donc fait tomber le masque de Louis mais il fait
lexical aussi tomber son masque. Indirectement, il a déjà exprimé son amour
des émotions pour son frère mais à présent c’est un flot d’émotions qui sont révélées
Ironie FINALEMENT La dernière phrase de l’extrait achève de montrer la
tragique lucidité d’Antoine qui se doute certainement que Louis a un problème du
fait de son « inquiétude ». Néanmoins cette phrase exprime une forte
ironie tragique étant donné que le spectateur sait que Louis est condamné.

CONCLUSION
En ce sens, sa tirade est une réussite dans la mesure où Antoine a réussi à se livrer, à
s’exprimer. Louis qui ne cesse de fuir et de se cacher reste enfermé dans le silence et c’est cela
la vraie tragédie. Cette tirade donne au spectateur une nouvelle image de Louis mais aussi
d’Antoine qui jusqu’à présent était perçu comme un individu profondément agressif,
désagréable, insensible.