Laicité

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La laïcité

DES REPÈRES POUR EN PARLER


ET L’ENSEIGNER
JULES FERRY

ÉCOLE
RELIGION

RÉPUBLIQUE

APPRÉHENDER AGIR

COMPRENDRE

FÊTE ÉDUCATION

CROYANCE
ENSEIGNEMENT

CULTE

www.univ-nantes.fr/espe/laicite
Éditorial

Q
u’est-ce que la laïcité ? Comment, dans un contexte scolaire, faire
observer la laïcité, comme cadre neutre respectueux de tous ?
Comment, dans le cadre de cours, aborder la laïcité comme
principe structurant de notre société, mais aussi comme sujet
qui provoque débats, parce qu’il est le résultat d’évolutions historiques ?
Ce volume, fruit d’un travail collectif de personnes engagées sur différents
terrains du champ éducatif, cherche à présenter des pistes de réflexion sous
une forme dynamique, autour d’une architecture synthétique.

• Une dynamique structurée selon trois types de repères pour penser et


agir avec des élèves.
• Une dynamique liant des textes courts, des développements plus
conséquents à lire en ligne, des compléments en vidéo, des adresses utiles
vers les textes institutionnels. Des pictogrammes signalent ces ressources
et ces liens.
• Une dynamique à créer en proposant aux étudiants, aux stagiaires et
aux formateurs de se saisir de ces textes.
• Une dynamique à amplifier en alimentant la page Laïcité (www.univ-
nantes/espe/laicite) avec de nouvelles ressources.

Ce numéro de la collection « Repères » pour la laïcité est le produit du


partenariat entre l’ESPE de l’académie de Nantes (Université de Nantes) et
l’Institut du Pluralisme religieux et de l’Athéisme, réseau pluridisciplinaire
(créé par la région Pays de la Loire).

Anne Vézier, Maître de conférences en histoire et didactique de l’histoire,


Référente Laïcité ESPE Académie de Nantes, Université de Nantes
John Tolan, Professeur d’histoire médiévale, Université de Nantes
Dominique Avon, Professeur d’histoire contemporaine, Université du Maine
Pagination
Sommaire

R E P È R E 1 : APPRÉHENDER LA LAÏCITÉ
1. La laïcité, une interrogation contemporaine dans des sociétés 6
différentes

2. Une inscription de la laïcité dans le temps : du régime de catholicité 12


au régime de laïcité

R E P È R E 2 : DES TENSIONS CONSTITUTIVES


DE LA LAÏCITÉ EN MILIEU SCOLAIRE
1. Blasphème et Laïcité 22
2. L’éducation ne peut être laïque sans être sociale 25
3. Laïcité - neutralité : le cas des signes et des tenues à l’École 28

R E P È R E 3 : METTRE LA LAÏCITÉ AU TRAVAIL


ET AGIR
1. Apprendre à distinguer savoirs et croyances, une condition pour faire 34
des sciences

2. Les lois de 1882 et de 1905 : textes de loi pour l’EMC ou objets d’étude 37
en classe d’histoire ?

3. Apprendre à lire de façon laïque des textes porteurs de faits religieux : 39


le cas de la Bible et du Coran à l’école de la République

4. L’enseignement d’un temps laïque, enseignement laïque du temps ? 41


Le problème du calendrier

5. Faire vivre la laïcité au lycée : travailler, réfléchir et vivre ensemble 44


Repère n° 1 :
APPRÉHENDER LA LAÏCITÉ

La laïcité, une interrogation contemporaine dans des sociétés


différentes..............................................................................p. 06
La laïcité, c’est quoi ?.....................................................p. 06
La laïcité, une particularité française ?.........................p. 09

Une inscription de la laïcité dans le temps : du régime de


catholicité au régime de laïcité ..............................................p.12
Un pluralisme religieux inégalitaire en France
jusqu’aux années 1880.....................................................p.12
La laïcité, une construction conflictuelle.........................p.15

Retrouvez sur www.univ-nantes/espe/laicite


Référence conseillée en ligne Article intégral accessible en ligne Vidéo à visionner en ligne

i Rendez-vous sur l’espace laïcité de l’ESPE


pour avoir + d’infos
Assumer que la laïcité est loin d’être une évidence et que des conceptions
différentes existent dans des sociétés différentes nous amène à
interroger dans une première partie un juriste, des politologues et des
historiens.

Des approches philosophiques seront abordées dans le Repère 2. Avec


des regards différents, les uns et les autres aideront les lecteurs et
lectrices à cerner des enjeux incontournables.

La laïcité s’inscrit aussi dans un temps long : l’histoire est une discipline
privilégiée pour saisir cette dynamique. Nous donnons ici les grands
repères, qui prennent tout leur sens rapportés à la situation historique,
développée dans le texte en ligne.

Cette seconde partie historique propose trois problématiques, chacune


étayée par des idées fortes et de courts développements qui invitent à
aller plus loin par la lecture de textes en ligne.
1.1

La laïcité :
une interrogation contemporaine
dans des sociétés différentes

LA LAÏCITÉ, C’EST QUOI ?

L
a laïcité constitue un cadre institutionnel et juridique de référence
dans la France du début du XXIe siècle. Elle est le résultat d’un
processus qu’il importe de remettre en perspective : une histoire
conflictuelle, parfois violemment, ce qui explique en partie les
différences d’accent qui prévalent encore aujourd’hui. Cette règle de
fonctionnement, fondée sur des droits accordés à des individus-citoyens et
non à des groupes, constitue un socle de la société française : apprendre
à chacun/chacune à devenir responsable de sa propre vie… ce qui est tout
le contraire de ces formules en usage dans certaines classes : « Je fais
mon métier d’élève » ; « Je n’existe qu’à travers un groupe ». Ayant été
largement admise en France, sans cesser d’être discutée, la laïcité reste
une interrogation, une attraction ou un repoussoir à l’extérieur : autant de
voix qui méritent, elles aussi, d’être entendues.

6 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
POUR UN JURISTE
CHRISTOPHE GUETTIER, UNIVERSITÉ DU MAINE

Le principe La laïcité garantit aux croyants et aux


de laïcité non-croyants le même droit à la liber-
figure au té d’expression de leurs convictions.
Des droits accordés à n o m b re Elle assure aussi bien le droit de chan-
des individus-citoyens d e s ger de religion que le droit d’adhérer à
droits et une religion. Elle garantit le libre exer-
libertés cice des cultes et la liberté de religion,
que la mais aussi la liberté vis-à-vis de la re-
Consti- ligion : personne ne peut être contraint
tution par le droit au respect de dogmes ou
garantit (Article 1er de la Constitution prescriptions religieuses. La laïcité
française du 4 octobre 1958 : « La suppose la séparation de l’Etat et des
France est une République indivisible, organisations religieuses. L’ordre poli-
laïque, démocratique et sociale. Elle tique est fondé sur la seule souverai-
assure l’égalité devant la loi de tous neté du peuple des citoyens, et l’Etat
les citoyens sans distinction d’origine, - qui ne reconnaît et ne salarie aucun
de race ou de religion. Elle respecte culte - ne se mêle pas du fonctionne-
toutes les croyances »). ment des organisations religieuses. De
Selon l’Observatoire de la laïcité (qui cette séparation se déduit la neutralité
assiste le Gouvernement dans son ac- de l’Etat, des collectivités et des ser-
tion visant au respect du principe de vices publics, non de ses usagers. La
laïcité en France), la laïcité repose sur République laïque assure ainsi l’égali-
trois principes : té des citoyens face au service public,
• la liberté de conscience et la liberté quelles que soient leurs convictions ou
de culte, croyances.
• la séparation des institutions pu-
bliques et des organisations reli- Référence conseillée en ligne :
gieuses, Observatoire de la laïcité
• l’égalité de tous devant la loi quelles
que soient leurs croyances ou leurs
convictions.

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 7
POUR UN POLITOLOGUE
ARNAULD LECLERC, UNIVERSITÉ DE NANTES

La laïcité • le libre examen et le débat contradic-


française toire y compris en matière religieuse.
est une
Une séparation concep- Ici l’autonomie traduit le principe
du politique et du tion sin- d’une séparation mais aussi d’une re-
religieux en France gulière connaissance entre les deux termes.
et ra- Sur cette base, les religions sont re-
dicale connues en Europe comme pouvant à
de la la fois alimenter l’espace public tout
démar- en respectant ses principes et prendre
cation du politique par rapport au reli- en charge des missions sociales ou
gieux. Dans les sociétés européennes, culturelles au sein de la société (Wil-
cette démarcation se traduit par le laime 2014). Par delà ce patrimoine
principe libéral d’autonomie du poli- commun, la laïcité française véhicule
tique et du religieux ce qui se traduit historiquement une démarcation re-
par un patrimoine commun de règles posant sur une logique de défiance
que sont : entre les deux termes. Dans ce cadre,
• la neutralité confessionnelle de l’idéal républicain tend à exclure par
l’Etat, principe les religions de l’espace pu-
• la reconnaissance de la liberté reli- blic, à leur dénier tout rôle social ou
gieuse, culturel tout en confinant les religions
• la reconnaissance de l’autonomie de dans l’espace privé voire dans l’espace
la conscience individuelle, de l’intimité.

POUR UN POLITOLOGUE ET PHILOSOPHE,


HAOUES SENIGUER, IEP, LYON

Avant d’être une loi ou un principe juri- que l’entretien d’une disposition conti-
dique, qui a fait son chemin en France nument critique à l’égard de la place
depuis le début du siècle dernier, en du religieux ou de la métaphysique
particulier à compter de 1905 préci- dans l’ordre social. Aussi, conçue
sément (mais son inspiration remonte comme un préalable à la démocratie
au moins aux Lumières), la laïcité a, et à son développement, la laïcité véhi-
d’abord et avant tout, à voir avec une cule plusieurs idées essentielles :
certaine conception des rapports entre • L’État et ses représentants n’ont
politique et religion dans la cité, ainsi pas à interférer avec les croyances
8 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
de leurs concitoyens qui sont libres ser leur corpus doctrinal spécifique au
d’épouser telle ou telle philosophie législateur.
de la vie, qu’elle soit religieuse ou La laïcité est également la neutralité
non, dès lors qu’ils ne mettent pas en des agents publics et non celle des in-
cause l’ordre public par des agisse- dividus dans l’espace public ou lorsque
ments contraires à celui-ci, tels que ceux-ci fréquentent des services pu-
les appels à la haine, entre autres au blics, sauf exceptions. La laïcité n’est
nom de la religion. pas par essence antireligieuse, mais
• Ceux d’entre les personnes ou octroie la possibilité d’épouser une
groupes qui se religion ou pas, voire de la quitter, et
réclament d’exercer une critique publique à l’en-
de la re- droit des usages qui en sont opérés.
L’héritage d’une
ligion
disposition critique
n’ont pas Référence conseillée en ligne :
à impo- Loi sur les signes religieux à l’école
à l’égard de la place
du religieux dans
l’espace social

LA LAÏCITÉ, UNE PARTICULARITÉ FRANÇAISE ?

L
es sociétés évoquées ci-après sont marquées par la diversité,
notamment religieuse. Le cadre étatique qu’elles ont institué, et
la déclinaison des principes de liberté et d’égalité, sont plus ou
moins différents de ceux qui prévalent en France. Mais, comme
cette dernière, elles ont été - et restent pour certaines - confrontées à
la problématique suivante : en cas de conflit d’autorité, quelle est celle
qui doit trancher en dernier recours : la parole politique ou la parole
religieuse ? Des textes écrits par des historiens et un juriste, à lire en ligne,
reprennent quelques-unes de ces interrogations venues d’ailleurs. John
Tolan et Dominique Avon, co-directeurs de l’IPRA, ont écrit et coordonné ce
croisement de regards.

Texte intégral accessible en ligne :


La laïcité vue d’ailleurs
« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 9
FAUT-IL FINANCER LES CULTES ?

LA LAÏCITÉ VUE DES ETATS-UNIS LA LAÏCITÉ VUE DE L’ESPAGNE


« En France, l’Etat est propriétaire des En Espagne, deux points de vue poli-
bâtiments de culte construits avant tiques sont critiques envers la laïci-
1905, finance [en partie] l’éducation té française. « Une gauche pointe du
privée confessionnelle, finance direc- doigt le financement par l’Etat fran-
tement le culte (en Alsace et Moselle), çais d’écoles religieuses, essentiel-
intervient dans la structuration des lement catholiques, et l’inégalité de
institutions religieuses (constitution traitement des territoires du fait du
du Conseil français du culte musul- statut concordataire maintenu en Al-
man) et dans la formation des imams : sace-Moselle. Une droite distingue la
toutes ces particularités seraient « laïcité » et le « laïcisme » en met-
considérées aux USA comme inter- tant l’accent sur le caractère doulou-
dites par la séparation des Églises et reux de l’événement fondateur de 1905
de l’État. [...] pour les catholiques et les difficultés
Paradoxalement, la séparation entre rencontrées plus récemment par les
les Églises et l’État est bien plus mar- musulmans afin de s’inscrire dans le
quée aux USA qu’en France en même cadre français. »
temps que la religion occupe une place
importante dans l’espace politique. »

L’ÉTAT DOIT-IL ÊTRE RELIGIEUX ?

LA LAÏCITÉ VUE D’ISRAEL LA LAÏCITÉ VUE DU LIBAN


En Israël, « l’influence du système Au Liban, « après la période des
français était assez nette, sans être guerres qui ont ravagé le pays (1975-
explicite. Les critiques [à l’égard d’une 1990), [...] une partie de l’opinion a
proposition de Constitution laïque manifesté son souhait de promouvoir
en 2000] furent nombreuses, les uns la déconfessionnalisation de l’Etat.
voyant dans ce projet précipité un coup Mais ce courant s’est divisé sur le mo-
électoral, les autres une remise en dèle vers lequel tendre (celui porté
question fondamentale du caractère par les Etats-Unis ou celui porté par
« juif » de l’Etat. Le projet sombra, dans la France) et il est resté minoritaire. »
un contexte marqué par l’échec des
négociations israélo-palestiniennes
de Camp David. Un projet fut relancé
en 2003, porté par une commission
spéciale de la Knesset avec l’appui de
différents courants politiques se pré-
sentant comme non « religieux ». 12
ans plus tard, le statu quo prévaut. »
10 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
QUI DÉTERMINE LE RAPPORT DU RELIGIEUX ET DU POLITIQUE
DANS LA CITÉ ?

LA LAÏCITÉ VUE D’ITALIE LA LAÏCITÉ VUE DE BELGIQUE


Trois traits définissent la laïcité à La Belgique intègre dans la laïcité les
l’italienne. « La laïcité de l’Etat est courants de pensée au-delà des reli-
étroitement liée à la société civile et gions (« la laïcité organisée »). « Sur-
religieuse et reçoit de celle-ci son tout, contrairement à la France, elle a
contenu. [...] Laïcité ne signifie pas fait de la laïcité la marque de fabrique
seulement respecter toutes les opi- d’un segment convictionnel de la so-
nions et les croyances mais aussi ciété, plutôt que le bien commun de
collaborer avec les organisations qui l’ensemble de la Nation. »
agissent dans la société religieuse et
civile. Les religions ne sont pas égales Vidéo à visionner en ligne :
Laïcités européennes
aux yeux de l’Etat : elles sont des réa-
lités différentes et ces différences - si
elles sont compatibles avec les prin-
cipes de la démocratie - doivent être
prises en compte par le législateur. »

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 11
1.2

Une inscription de la laïcité dans le temps :


du régime de catholicité
au régime de laïcité

UN PLURALISME RELIGIEUX INÉGALITAIRE EN FRANCE JUSQU’AUX


ANNÉES 1880

L
es populations qui ont habité cet espace autour duquel s’est construit
la France n’ont jamais représenté un corps homogène. Néanmoins,
d’un point de vue religieux, entre la fin du IVe et la fin du XVIIIe siècle,
le christianisme a exercé un rôle structurant et prédominant. Les
responsables politiques et religieux ont géré la diversité non chrétienne en
l’ignorant, ou en la renvoyant à la marge. La diversité intra-chrétienne a,
quant à elle, été réprimée au nom du combat contre l’hérésie. Cet état de
fait a été modifié au XVIe siècle, au moment de l’éclatement de la Chrétienté
médiévale, quand un rameau du christianisme (donnant naissance au
protestantisme) s’est trouvé en position de revendiquer une reconnaissance
officielle, obtenue au terme de négociations et de guerres. L’Etat se renforça
autour de la personne du souverain, qui resta cependant fidèle à l’Eglise
catholique. La Révolution française introduisit une seconde rupture : les
sujets, devenus citoyens constitutifs d’une nation, affirmèrent être la source
du pouvoir ; par la voix de leurs représentants, ils renvoyèrent toute foi dans
le champ des convictions ou opinions individuelles.
Nous donnons ici quelques repères sur ces problématiques à partir d’extraits
des textes de John Tolan et de Dominique Avon.

Texte intégral accessible en ligne :


Une inscription de la laïcité dans le temps

12 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
LA PLACE DES JUIFS DANS LES SOCIÉTÉS EUROPÉENNES PRÉ-
MODERNES : UN STATUT PROTECTEUR MAIS STIGMATISANT

« En 392, l’empereur romain Théo- de violences contre des communautés


dose Ier fit du christianisme la religion juives, ni des expulsions. [...] Si droit
d’État et interdit les cultes païens canon et théologie augustinienne ac-
traditionnels. Mais les empereurs cordèrent une place, certes restreinte
romains des IVe et Ve siècles promul- et inférieure, aux juifs au sein de la
guèrent en même temps des lois qui Chrétienté médiévale, la raison d’Etat
accordèrent aux juifs un statut proté- en décida autrement dans de nom-
gé, bien que socialement inférieur à breux royaumes ou principautés au
celui des chrétiens. seuil entre le Moyen Age et la moder-
Cette tolérance des juifs dans la so- nité. »
ciété chrétienne, basée dans le droit
Référence conseillée en ligne :
romain et appuyée sur la théologie
15 siècles de cohabitation
d’Augustin, fut néanmoins bien fra-
Référence conseillée en ligne :
gile. Elle n’empêcha ni des éruptions
Relmin

DANS LA FRANCE DE L’ANCIEN RÉGIME, LE POUVOIR ROYAL


ENTRETIENT LA TENSION ENTRE MARGINALISATION ET
EXCLUSION POUR LES JUIFS ET LES PROTESTANTS

« Le royaume de France était un Etat guerres au nom de la religion se suc-


dans lequel la religion officielle était le cédèrent entre 1562 et 1598. L’édit de
catholicisme [...] Cependant, à partir Nantes fut, comme les précédents, un
du XIVe siècle le pouvoir royal acquit édit de pacification repoussant à plus
un pouvoir sur l’Eglise en France, [...] tard l’espoir d’une unité de la foi des
Dans ce cadre, la condition légale des sujets. La liberté de culte était accor-
communautés juives ne subit pas de dée aux protestants, mais sur des ter-
grands changements par rapport à la ritoires délimités et selon des règles
période médiévale, elle différait selon précises […]. L’édit de Fontainebleau
qu’un de leurs membres vivait à Bor- (1685), révoquant l’édit de Nantes,
deaux, à Paris ou à Strasbourg. contraignit les pasteurs à l’exil et obli-
Le XVIe siècle porta la rupture de la gea les huguenots à la conversion au
Christianitas (« Chrétienté »). Entre catholicisme (200 000 parvinrent à
1540 et 1560, des églises réformées fuir). Surmontant la phase de persé-
furent constituées dans le royaume [...] cutions antiprotestantes, des commu-
La tentative de concorde religieuse des nautés réformées se reconstituèrent
années 1560-1561 tourna court : huit dans la clandestinité, [...] »

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 13
LES RUPTURES RÉVOLUTIONNAIRES : AVEC L’ÉMERGENCE DU
CITOYEN ET DE LA NATION, CONSIDÉRER LA FOI RELIGIEUSE
COMME UN CHOIX INDIVIDUEL

« Le principe de toute souveraineté l’adoption de la Constitution […], le


était d’ordre divin. [...] Représentant fossé se creusa entre deux France,
¼ des membres aux Etats-Généraux, chaque camp tressant des arguments
le clergé rallia le Tiers-Etat en As- politiques et religieux. [...] Le soulève-
semblée nationale (4 juin 1789) et vota ment de Vendéens, au cours du prin-
majoritairement l’abolition des ordres, temps, marqua le début d’une guerre
l’égalité civile et la liberté juridique (4 civile à caractère religieux. Le culte
août) puis la Déclaration des droits de catholique cessa d’être public et ses
l’homme et du citoyen (26 août). [...] ministres perdirent toute rétribution.
Le décret sur la liberté des cultes […] Le divorce fut légalisé. Une déchris-
fut applaudi par les protestants et les tianisation active fut engagée [...] Les
juifs. cultes protestants et israélites étaient
Après l’échec de la fuite du roi […] et également très affaiblis. »

LE RÉGIME CONCORDATAIRE : UNE NOUVELLE TENTATIVE


D’INSTITUTIONNALISATION PAR LE POUVOIR POLITIQUE POUR
PACIFIER SON RAPPORT AVEC LE RELIGIEUX

« Le concordat résulta d’une longue ment du sacre de 1804, le conflit avec


négociation entre le Consulat et la Napoléon conduisit à son arrestation,
Papauté […]. Les partis reconnurent faisant rejouer la fracture religieuse
que la France était un Etat non-confes- de la société française. [Par contraste,
sionnel, le catholicisme y étant défini la] révolution de février 1848 fut saisie
comme « la religion de la majorité des comme une possibilité de réconcilia-
Français » mais sans rôle spécifique tion des deux France, dont le symbole
au sein de la puissance publique. […]. fut la bénédiction d’ « arbres de la li-
Le principe, déjà formulé durant la pé- berté », ce dont témoignait également
riode révolutionnaire, était le suivant : le préambule de la Constitution de la
tous les droits comme citoyens ; aucun IInde République : « En présence de
droit comme communauté. Dieu, et au nom du peuple français,
Si le pape Pie VII fut présent au mo- l’Assemblée nationale proclame… » »

14 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
LES CULTES SOUS LE IIND EMPIRE : UNE TENTATIVE DE
RÉGULATION PAR L’INÉGALITÉ

« Après le coup d’Etat (décembre 1851) l’empereur décida, par le Séna-


et la restauration de l’Empire (dé- tus-consulte du 14 juillet 1865, de
cembre 1852), Napoléon III adopta une donner un statut spécifique aux po-
politique qui visait à se concilier les fi- pulations vivant dans les trois dépar-
dèles des différents cultes, et d’abord tements algériens, deux catégories
les catholiques. Il encouragea l’appli- étant désignées par une appartenance
cation de la loi Falloux (mars 1850) qui confessionnelle : l’indigène musulman
autorisait la liberté d’enseignement est Français ; néanmoins il continuera
au niveau secondaire [...]. à être régi par la loi musulmane. […] »
De l’autre côté de la Méditerranée,

LA LAÏCITÉ, UNE CONSTRUCTION CONFLICTUELLE

C
e choix de règle de société trouva une application un siècle plus
tard dans la création d’une école publique, laïque, gratuite, puis
dans la séparation de l’Etat et des cultes. Le principe clef fut celui
de « liberté de conscience » et non de « liberté religieuse » : il est
individuel et il reconnaît la possibilité de la non-croyance. La difficulté fut et
reste le fait que, par définition, l’Etat laïque ne peut pas dire théoriquement
ce qu’est une « religion ». Il l’a fait, dans et hors du cadre colonial, en
reconnaissant des statuts spéciaux sur certains territoires. Il continue de
le faire, de manière pratique, par exemple en reconnaissant telle ou telle
aumônerie dans l’armée ou dans les prisons. Cette tension illustre l’écart
entre un horizon et une réalité sociétale, écart dans lequel s’insèrent des
enjeux politiques et culturels. Elle existe également dans des Etats non
laïques : au Canada, une religion ne peut être officiellement reconnue que
si elle dispose d’une certaine durée d’existence et d’un certain nombre de
fidèles.
Texte intégral accessible en ligne :
Une inscription de la laïcité dans le temps

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 15
LOIS SCOLAIRES (ANNÉES 1880) : LE PRODUIT D’UNE TENSION
ENTRE UNE VOLONTÉ POLITIQUE ET LA RÉALITÉ SOCIALE ET
RELIGIEUSE

« A l’heure où l’Empire s’effondrait et les écoles publiques ; l’autre exigea


où la République était proclamée (4 que les instituteurs aient un brevet
septembre 1870), 9 Français sur 10 se de capacité pour enseigner dans les
déclaraient catholiques. […] Le sys- écoles élémentaires. La loi du 28 mars
tème éducatif fut l’enjeu prioritaire 1882 rendit l’instruction obligatoire et
de la politique de laïcisation. La loi l’école publique laïque, pour les gar-
du 9 août 1879 établit des écoles nor- çons comme pour les filles de 6 à 13
males primaires afin de former des ans. Le jeudi fut libéré pour laisser
instituteurs laïcs destinés à rempla- aux parents la possibilité de donner
cer le clergé enseignant. Les décrets une instruction religieuse à leurs en-
de mars 1880 conduisirent à la disso- fants en dehors des locaux scolaires.
lution de la Compagnie de Jésus en Pendant une génération, cependant,
France, à l’expulsion des jésuites et de le contenu de la morale fut lié à la ré-
plus de 5 000 religieux. férence à Dieu dans de nombreuses
Deux lois furent adoptées le 16 juin écoles publiques et dans les manuels.
1881 : l’une fixa le principe de la gra- [...]. »
tuité de l’enseignement primaire dans

FACE À LA DIVERSITÉ RELIGIEUSE DANS LES COLONIES, LE


DÉCRET CRÉMIEUX ET LE CODE DE L’INDIGÉNAT RÉINTERROGENT
LE CADRE LAÏQUE

« […] Sous le nouveau régime et du fait des individus d’origine musulmane


de la pression des colons, même les qui, n’ayant point été admis au droit de
« indigènes » qui renonçaient à la « loi cité, avaient nécessairement conser-
musulmane », en se convertissant au vé leur statut personnel musulman,
catholicisme ou au protestantisme par sans qu’il y ait lieu de distinguer s’ils
exemple, n’obtenaient pas les droits appartenaient ou non au culte maho-
pléniers de la citoyenneté. En 1903, métan. » Ce régime séparant les
la cour d’appel d’Alger statua que le « citoyens français » et les « sujets
terme « musulman » n’avait « pas un français » fut étendu, avec des spéci-
sens purement confessionnel, mais fications, dans d’autres colonies fran-
qu’il désignait au contraire l’ensemble çaises après 1887. »

16 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
LOI DE SÉPARATION ET LOIS ANTI-CONGRÉGANISTES (ANNÉES
1900) : UN COMPROMIS LIBÉRAL ET UN RAPPORT DE FORCES

« [...] l’affaire Dreyfus […] fit rejouer nissaient au ministère de la Guerre


le clivage des deux France. La loi sur des informations sur les convictions
les associations du 1er juillet 1901 fut personnelles des officiers. […] Parmi
aussi un acte par lequel le gouver- les différents textes en débat dans le
nement de Waldeck-Rousseau se do- camp républicain, c’est une version li-
tait de moyens pour lutter contre les bérale qui fut déposée en février 1905
congrégations religieuses. Trois ans [...]. Elle mettait un terme au régime
plus tard, une seconde loi les visa plus concordataire en vigueur depuis plus
directement et fut à l’origine de l’exil d’un siècle. Elle garantissait l’égalité
de 30 000 congréganistes. […]. Les dif- civile et juridique des citoyens et po-
férents projets de loi envisageant une sait comme principe fondateur la « li-
séparation entre l’Etat et les cultes berté de conscience » -non la liberté
furent élaborés dans ce climat conflic- de religion- ce qui autorisait le « libre
tuel, encore aggravé par l’ « affaire des exercice des cultes » et la possibilité
fiches » : des loges maçonniques four- de ne pas en avoir. [...]. »

SOUBRESAUTS DU CONFLIT LIÉ À LA SÉPARATION ET AU STATU


QUO (1925-1945)

« [...] au moment de la victoire procla- publique et de fonctions électives ;


mée en 1918, il ne paraissait plus envi- accès limité par numerus clausus à
sageable de revenir à un affrontement l’université ainsi qu’à plusieurs profes-
entre cléricaux et anticléricaux. [...] sions libérales. En mai 1942, un décret
[Mais] La défaite militaire de mai-juin institua le port obligatoire de l’étoile
1940 face à l’Allemagne nazie et l’ef- jaune pour les Français de confession
fondrement de la IIIe République modi- israélite. Plus de 75 000 Français juifs
fièrent le rapport de « l’Etat français » périrent dans des camps de concen-
aux cultes. En octobre, le régime de tration ou d’extermination, avec l’aide
Vichy adopta un statut discriminatoire des autorités françaises […]. »
pour les juifs : exclusion de la fonction

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 17
UNE PÉRIODE DOMINÉE PAR LA « GUERRE SCOLAIRE » (1945-
1984/1993) : L’ÉDUCATION CONCENTRE LES TENSIONS ENTRE LE
POLITIQUE ET LE RELIGIEUX

« Dans le champ scolaire, du fait de de l’Etat en fonction de la nature du


l’absence de consensus, le statu quo contrat : « simple » ou « d’associa-
prévalut à la Libération. [...] En 1959, tion ». […] Le contentieux entre l’Etat
le ministre de l’Education nationale et l’enseignement catholique fut par-
par intérim, Michel Debré, fut à l’ori- tiellement réglé en juin 1992 et janvier
gine d’une loi autorisant un nouveau 1993 par les accords entre le ministre
type de relation entre établissements de l’Education nationale Jack Lang et
de l’enseignement libre et Etat : le le secrétaire général de l’enseigne-
principe consistait en une aide pu- ment catholique Max Cloupet, recon-
blique sous condition de « respect naissant à ce réseau sa contribution
total de la liberté de conscience » et « au service public de l’éducation ».
d’un contrôle plus ou moins renforcé […]. »

LAÏCITÉ ET « SIGNES RELIGIEUX » (1989-2015) : UN EFFET DE


CONTEXTE QUI RENVOIE LA LAÏCITÉ VERS L’INDIVIDU

« Au sein de l’Union européenne, la furent échangés : neutralité vs prosé-


France de la fin du XXe siècle se dis- lytisme ; liberté de chacun-e vs égali-
tinguait par deux particularités : c’est té entre garçons et filles ; contenu de
l’Etat qui fixait la séparation la plus l’enseignement ; code vestimentaire
stricte entre les services publics et le en sport etc. Les inégalités sociales
religieux ; c’est une des sociétés qui, et les enjeux mémoriels, notamment
selon les enquêtes d’opinion, res- ceux concernant la période coloniale,
tait majoritairement chrétienne tout accrurent les tensions. [...] une loi fut
en comptant à la fois le plus grand votée au printemps 2004, « encadrant,
nombre d’athées, mais aussi le plus en application du principe de laïcité,
grand nombre de membres de confes- le port de signes ou de tenues mani-
sions non chrétiennes, tels que le ju- festant une appartenance religieuse
daïsme, l’islam et le bouddhisme. dans les écoles, collèges et lycées pu-
La question de la laïcité se posa de blics » Près d’une décennie plus tard,
manière renouvelée lorsque, en 1989, en lien avec la loi d’orientation et de
un proviseur interdit l’entrée du lycée programmation pour la refondation de
à deux filles de confession musulmane l’Ecole de la République, fut fixée une
ayant décidé de porter un signe ves- « Charte de la laïcité à l’Ecole ». […] »
timentaire religieux sur la tête. Sui-
virent quinze années de polémiques au
cours desquelles nombre d’arguments
18 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
Référence conseillée en ligne : Référence conseillée en ligne :
Frise chronologique Charte de la laïcité

Référence conseillée en ligne :


Texte de loi : principe de laïcité

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 19
Repère n° 2 :
DES TENSIONS CONSTITUTIVES DE
LA LAÏCITÉ EN MILIEU SCOLAIRE

Blasphème et Laïcité ..........................................................p.22

L’éducation ne peut être laïque sans être sociale ..............p. 25

Laïcité - neutralité : le cas des signes et des tenues


à l’École ..................................................................................p.28

Retrouvez sur www.univ-nantes/espe/laicite


Référence conseillée en ligne Article intégral accessible en ligne Vidéo à visionner en ligne

i Rendez-vous sur l’espace laïcité de l’ESPE


pour avoir + d’infos
Dans le cadre d’une exploration des liens du principe de laïcité et des
valeurs, pointés dans la 1ère partie, trois approches philosophiques
proposent de les mettre en tension à travers des situations prototypiques
qui aident à penser la complexité du principe de laïcité en application :
le cas du blasphème ; la question de l’articulation entre laïcité et social,
telle qu’elle s’exprime à propos des inégalités ; les signes religieux.

Trois valeurs, liberté, égalité, neutralité, sont donc articulées avec le


principe de laïcité pour saisir cette complexité. Les références sont à
lire en fin du livret.
2.1

Blasphème
et Laïcité

MICHEL FABRE, Professeur émérite en philosophie,


Université de Nantes

DISTINGUER LE DROIT, LA MORALE ET LA PRUDENCE S’AVÈRE


FONDAMENTAL POUR COMPRENDRE L’ESPRIT DE LA LAÏCITÉ DANS
UNE SOCIÉTÉ PLURIELLE

Longtemps synonyme d’injure en les religions. Partons des caricatures


général, la notion de blasphème de Mahomet, de la tuerie à Charlie
ne concerne aujourd’hui que les Hebdo en janvier 2015 et du slogan
moqueries, voire les critiques envers « Je suis Charlie ».

COMMENT NE PAS ÊTRE CHARLIE ?

Si on exclut les sympathisants djiha- d) Celle de l’antiraciste : « je reconnais


distes, il y a plusieurs manières de re- le droit au blasphème, mais je refuse
fuser d’être Charlie. de mettre sur le piédestal un journal
a) Celle du religieux indigné : « je islamophobe ».
pense qu’il faudrait limiter la liberté Notons d’abord que seule la réponse
d’expression et que le blasphème de- (a) contrevient à la laïcité. En France,
vrait être interdit ». depuis la révolution, le blasphème
b) Celle du moraliste : « je reconnais n’est plus un délit. La loi de 1905 ré-
le droit au blasphème, mais je pense affirme la liberté de conscience (et
qu’il est immoral de se moquer des donc d’expression) en même temps
religions ». que celle des cultes et sépare l’État et
c) Celle du prudent : « je reconnais le la religion. Cette liberté d’expression
droit au blasphème, mais il faut être n’est limitée en droit que par l’injure
responsable et penser aux consé- aux personnes et l’appel à la violence
quences ». ou à la discrimination. C’est pourquoi

22 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
le tribunal condamne Dieudonné et société de la tutelle religieuse) de la
son « Je suis Charlie Coulibaly » pour laïcisation (le volontarisme politique
éloge du terrorisme, mais non Charlie qui impose la séparation de l’État et de
Hebdo pour ses caricatures de Maho- la religion). Dans beaucoup de pays, en
met. Ceci dit, la laïcité ne m’oblige ni à particulier protestants, c’est la sécu-
louer le blasphème, ni bien sûr à blas- larisation qui a entraîné la laïcisation.
phémer. Elle m’interdit seulement de En France, l’hégémonie de l’Église
l’interdire, même si j’estime qu’il est catholique était telle que la sépara-
moralement condamnable (b) ou im- tion a dû être imposée politiquement.
prudent (c) ou islamophobe (d). C’est pourquoi la laïcité française se
Distinguer le droit, la morale et la pru- donne sur un mode plus républicain
dence s’avère fondamental pour com- que démocratique. La démocratie ne
prendre l’esprit de la laïcité dans une renvoie qu’à la liberté d’opinion dans
société plurielle. un régime de tolérance, la République
Bien des pays laïques condamnent le implique la conquête d’une liberté de
blasphème. Pour comprendre la spé- pensée, d’une émancipation des pré-
cificité française, il faut distinguer la jugés, d’où le rôle fondamental de
sécularisation (l’émancipation de la l’École (Kintzler, 2014).

LA LAÏCITÉ AU PLURIEL

La loi de 1905 a réglé la question sur autres. Ceci d’autant plus que c’est à
le plan juridique puisque la laïcité est présent l’islam (et non le catholicisme)
inscrite dans la constitution, mais qui fait problème, dans un contexte
elle nous laisse un héritage idéologi- géopolitique tourmenté et dans une
quement conflictuel. Si la plupart des crise de civilisation marquée par la fin
Français sont désormais laïques et des idéologies et le déclin des institu-
le proclament haut et fort, la laïcité tions.
des uns n’est pas tout à fait celle des

Gallicanisme Liberté de
Laïcisation Communautarisme
Laïcisation de la société conscience

(In) égalité de droit

Laïcité ouverte Catho-laïcité

Le triangle de la laïcité, éclaté (inspiré de Bauberot, 2004)

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 23
L’accentuation de la laïcisation au La laïcité ouverte (venue d’un chris-
détriment de la liberté des religions tianisme plus hospitalier) revendique
mène au gallicanisme (le contrôle des un droit égal des religions à l’expres-
cultes) et à la laïcisation de la société sion publique, tout en se félicitant de
(la religion réduite à l’espace intime). la neutralité de l’État en matière reli-
La liberté de conscience sans laïci- gieuse.
sation mène au communautarisme Dans la prolifération des laïcités, les
qui rive l’individu à ses appartenances équilibres de la loi de 1905 se voient
ethniques ou religieuses alors que la compromis. On comprend alors l’enjeu
République ne reconnaît que des indi- du blasphème dans la tension entre li-
vidus supposés autonomes. berté et séparation des pouvoirs. Célé-
L’égalité (ou l’inégalité) de droit des bré du point de vue de la laïcisation et
cultes pose la question des rapports de la liberté d’expression, il heurte le
entre laïcité et culture. On ne peut dé- communautarisme et la laïcité ouverte
tacher la laïcité à la française d’une qui n’y voient qu’intolérance et discri-
histoire et d’une culture spécifiques, mination, tout en posant problème du
mais la tentation est de les identifier point de vue de la catho-laïcité si elle
en réduisant d’ailleurs cette histoire et n’assume pas la culture et l’histoire
cette culture à l’une de leurs dimen- de France dans sa totalité, y compris
sions (par exemple au christianisme) dans sa tradition critique et satirique.
quitte à négliger leurs sources gré- Dans le monde problématique qui
co-latines. Ainsi pour la catho-laïci- est le nôtre, la laïcité ne saurait donc
té, l’imprégnation de la société par le être enseignée sans être probléma-
catholicisme (calendrier, fêtes, tradi- tisée. À cause des idées reçues qui
tions…) n’est pas considérée comme en masquent le sens (Kahn, 2005), et
religieuse alors que les modes de vie également à cause des multiples in-
islamiques (nourriture, habits…) sont terprétations qu’elle prend désormais
vus comme une tentative d’imposer la (Bauberot, 2015).
charia.
Texte intégral accessible en ligne :
Laïcité et liberté

24 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
2.2

L’éducation
ne peut être laïque
sans être sociale

LOÏC CLAVIER, Maître de conférences en Sciences de l’Éducation,


Directeur de l’ESPE Académie de Nantes

LA LAÏCITÉ, UN PILIER DE LA DÉMOCRATIE QUI SE CULTIVE DANS


L’ACCÈS DE TOUS AU SAVOIR

L’article premier de la Constitution torité en matière religieuse, du privi-


indique que « la France est une Ré- lège en matière politique et du Capi-
publique indivisible, laïque, démo- tal en matière économique ». Cette
cratique et sociale ». La laïcité n’est position est la plus radicale. La loi de
en conséquence pas un élément qui 1905 trouvera le chemin d’une sépa-
devrait être mis singulièrement en ration entre l’Église et l’État qui ga-
avant par rapport aux valeurs fon- rantira, au nom de la liberté, le droit
datrices de la République française. de culte dans la sphère privée.
Jaurès en 1904 dans La Dépêche Lorsque la question religieuse res-
affirme que la République ne peut surgit à notre époque au sein de
être laïque sans être sociale. La l’école se pose à nouveau la ques-
même année à un congrès interna- tion de l’articulation entre laïcité et
tional à Rome, Ferdinand Buisson social. Ainsi, Jean Baubérot (Blog
évoque la méthode de construction Médiapart, 29/02/2012) souligne en
de la démocratie du point de vue de reprenant les termes de la commis-
son institution. Il atteste que les di- sion Stasi que « la laïcité n’a de sens
mensions laïque, démocratique et et de légitimité que si l’égalité des
sociale visent à libérer la personne chances est assurée en tous points
humaine du « pouvoir abusif de l’au- du territoire ».

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 25
LAÏCITÉ, SAVOIR ET JUSTICE SOCIALE À L’ÉCOLE SONT LIÉS

Le rapport de l’Inspecteur Général de tion en ligne sur le site de la ligue de


l’Éducation Nationale Jean Paul De- l’enseignement montre que « dans les
lahaye (2015) « Grande Pauvreté et quartiers ghettoïsés, les valeurs de
réussite scolaire » montre combien la République apparaissent trop sou-
l’école a un rôle à jouer dans la prise vent aux habitants plus comme des
en compte des élèves les plus exposés incantations que comme des réalités
pour leur permettre de réussir scolai- vécues ».
rement. Ce dernier dans une publica-

INCARNER LES VALEURS DE LA RÉPUBLIQUE PAR LA JUSTICE


SOCIALE

Il convient de s’interroger sur la cohé- l’enseignement) nous avertit : « Mal-


rence entre la défense des valeurs de gré l’engagement des personnels, il y a
la République et la mise en œuvre de une fracture scolaire comme il y a une
ces mêmes valeurs au sein de notre fracture sociale, fracture attestée par
institution éducative. L’équipe ESCOL la permanence de l’effet des inégalités
(Bernard Charlot, Élisabeth Bautier, sociales sur les destins scolaires ». Il
Jean-Yves Rochex) s’efforce de com- pointe de ce fait un élément impor-
prendre comment se construisent les tant, à savoir la confusion entre « le
inégalités scolaires, malgré l’engage- vivre ensemble » et « scolariser en-
ment des enseignants. À ce propos, semble ». Comment faire adhérer aux
reprenant les conclusions de cette valeurs de la République si le « scola-
équipe, Vincent Peillon, alors ministre riser ensemble » ne constitue pas le
de l’Éducation nationale s’adressant point d’appui du « vivre ensemble » ?
aux directeurs d’ESPE en février 2014, Autrement dit, comment les jeunes
indiquait que l’école échouait à réduire des collèges qui éprouvent un profond
l’écart entre les élèves de milieu fa- sentiment d’injustice quant à leur par-
vorisé et les autres. Pire, elle contri- cours scolaire peuvent-ils adhérer à
bue parfois à l’accroître. Ainsi, les des valeurs dont ils ne perçoivent que
enquêtes PISA montrent que l’école les devoirs et non pas les droits ? Fran-
rencontre des difficultés à organiser çois Dubet, dans un ouvrage de 1996 (À
une mixité sociale porteuse d’une l’école. Sociologie de l’expérience sco-
meilleure réussite scolaire. laire, Seuil) montre que les vaincus du
Ascenseur social et carrière scolaire : système sont orientés malgré eux vers
quand le poids des inégalités ne rend des filières qu’ils n’ont pas choisies.
plus audible les valeurs de la Répu- De surcroît, ils ont le devoir d’y réussir.
blique.
Jean Paul Delahaye (site de la Ligue de

26 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
LE « VIVRE ENSEMBLE » NE PEUT REMPLACER LE « SCOLARISER
ENSEMBLE »

Le danger est donc que le « vivre en- pas les raisons de la reproduction
semble » remplace le « scolariser des inégalités à l’école. En d’autres
ensemble », que la civilité remplace termes, cette confusion visant à paci-
l’éducation par les savoirs. Les injus- fier l’espace scolaire s’établirait au dé-
tices scolaires seraient alors recou- triment de la construction éthique de
vertes par la laïcité. Dès lors, une mo- l’élève en faisant l’impasse sur l’exer-
rale, qui relève de ce qui est « bien » cice de la raison et l’apprentissage des
(ici la morale laïque) viendrait recou- savoirs. L’école produirait des sujets et
vrir la réussite scolaire (ce qui relève non plus des citoyens libres et égaux,
du « juste », car objet de la loi de re- laissant se scléroser le projet huma-
fondation de l’école) en n’interrogeant niste et social de la République.

SCOLARISER ENSEMBLE, C’EST BÂTIR UN COLLÈGE ÉGALITAIRE

Jean Paul Delahaye met en garde sur cadre des apprentissages des élèves,
les difficultés de l’institution à consti- équilibrer droits et devoirs, éviter
tuer un collège égalitaire. Reprenant l’humiliation des plus faibles et mon-
la réflexion de Bourdieu concernant la trer qu’elle est capable de produire la
domination d’une classe sociale par réussite de tous. C’est à ce prix que
une autre, il regrette que « chaque fois certains élèves ne se détourneront
que l’on veut élargir la base sociale pas des valeurs de la République,
de la réussite on soit immédiatement parce qu’elles feront sens au sein de
accusé de nivellement par le bas par l’école. La laïcité si elle est articulée
ceux qui veulent garder les positions à la justice sociale au sein de l’école
acquises par leur classe sociale ». contribuera à éviter que des idéologies
L’école doit en conséquence saisir l’op- religieuses croissent sur le terreau du
portunité de la réforme pour, dans le repli identitaire et social.

Texte intégral accessible en ligne : Référence conseillée en ligne :


Laïcité et égalité Comme la République, la laïcité de 1905
est sociale
Référence conseillée en ligne : Référence conseillée en ligne :
La libre pensée laïque, démocratique et La Charte de la laïcité à l’école, un outil
sociale pédagogique

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 27
2.3

Laïcité - neutralité
le cas des signes et des tenues à l’École

CÉLINE CHAUVIGNÉ, Maître de conférences en Sciences de l’Éducation,


ESPE Académie de Nantes

UNE INTERPRÉTATION FRANÇAISE DE LA LAÏCITÉ

Si l’actualité sociale et politique (at- toriquement, des repères nous ont été
tentats, immigration,…) a ravivé les donnés depuis la IIIème République.
questions identitaires, elles n’ont ja- Dès 1905, c’est par la voie juridique
mais cessé d’exister et de s’affirmer que la laïcité entendue comme sé-
depuis les années quatre-vingts dans paration de l’Église et de l’État entre
« une France […], vieille terre d’immi- dans l’École et pose les jalons d’une
gration qui s’ignore » (Schnapper). conception en ce sens très française
Face à ces évènements et devant l’ab- d’une laïcité qui vient se confondre
sence grandissante de repères com- avec celle de neutrali té sans être pour
muns chez les élèves, l’École et les autant affichée en ces termes. Elle
valeurs requièrent aujourd’hui une demeure à cette époque libérale per-
mobilisation inédite de la part des mettant ainsi la liberté de conscience
pouvoirs publics nourrie par la crainte (liberté de pensée, d’opinion) et de
de l’opinion publique mais aussi par cultes à condition que l’ordre public
des acteurs institutionnels démunis soit respecté.
(enseignants, conseillers principaux Cependant, 1989 marque un pre-
d’éducation, chefs d’établissement). mier tournant avec une histoire qui
En effet, comment envisager la dis- déchaine les passions : l’affaire des
cussion autour des appartenances, foulards de Creil actant le refus d’un
des cultures et des identités ? Com- chef d’établissement d’accepter l’ac-
ment distinguer croyances, opinions cueil de jeunes filles voilées. Pour
et connaissances rationnelles qui autant, l’État à l’époque maintient sa
s’imposent à tous ? Jusqu’où peut-on position de distinguer sur le plan juri-
débattre de ces questions vives ? dique d’un côté les usagers de l’École
Ce contexte pose, de fait, la question et leurs comportements et de l’autre
de la liberté d’expression et le mode l’École comme cadre institutionnel
de laïcité à promouvoir même si his- neutre. Mais les contextes politiques

28 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
nationaux et géopolitiques des années vile, l’École, quant à elle, par ses lois
2000 et la multiplication d’un affichage d’orientation (2005, 2013) recentrait
identitaire chez les élèves (port de ses références sur la transmission des
signes distinctifs, tenues vestimen- valeurs républicaines « rappelées par
taires pouvant remettre en cause la l’affichage de la Déclaration des droits
sécurité des élèves dans certains en- de l’homme et du citoyen et symboli-
seignements comme le foulard) ont sées par l’apposition du drapeau et
poussé la France à légiférer pour la de la devise de la République sur les
première fois dans l’histoire des pays façades de chacune des écoles et de
occidentaux sur le port de signes chacun des établissements scolaires
ostensibles (2004) étendant ainsi la publics. » (loi d’orientation, 2013).
neutralité à l’espace scolaire public et Neutralité absolue, disparition de
à ses usagers. signes ostensibles sur un plan privé
« L’École a pour mission de trans- mais liberté de conscience préservée,
mettre les valeurs de la République résurgence des symboles de la Ré-
parmi lesquelles l’égale dignité de publique et renforcement d’une iden-
tous les êtres humains, l’égalité entre tité républicaine… les lois oscillent
les hommes et les femmes et la liber- ici entre plusieurs paradoxes que
té de chacun y compris dans le choix les acteurs de terrain, enseignants,
de son mode de vie […]. chefs d’établissement, conseillers
L’État est le protecteur de l’exercice principaux d’éducation et institutions
individuel et collectif de la liberté de doivent gérer au quotidien.
conscience. La neutralité du service Alors faut-il aborder la laïcité de ma-
public est à cet égard un gage d’égali- nière stricte comme un principe de
té et de respect de l’identité de chacun. droit politique qui articule liberté de
En préservant les écoles, les collèges conscience, égalité des citoyens et vi-
et les lycées publics […] la loi garantit sée du bien commun comme ciment
la liberté de conscience de chacun. […] de la République (Peña-Ruiz, Kintzler,
Aux termes du premier alinéa de l’ar- Finkielkraut) ou faut-il la considé-
ticle L. 141-5-1 du code de l’éducation, rer comme une valeur universelle
« dans les écoles, les collèges et les c’est-à-dire ouverte, inclusive (Bau-
lycées publics, le port de signes ou bérot), d’accommodement (Liogier,
tenues par lesquels les élèves mani- Wieworka) permettant l’expression
festent ostensiblement une apparte- des libertés fondamentales, la coexis-
nance religieuse est interdit […] » » tence de la diversité reconnue et un
L’école devient dès lors un espace où esprit critique ?
la laïcité ignore (la République ne re-
connait aucun culte) et à la fois res-
pecte (la République assure la liberté
de conscience) le fait religieux. Si ces
derniers temps, la loi sur les signes a
plutôt touché la société civile avec la
loi dite de la Burqa en 2010 dans une
tentative de laïcisation de la société ci-
« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 29
LAÏCITÉ - NEUTRALITÉ : PAS SI SIMPLE…

Comment traiter cette question de la liberté de conscience ?


neutralité à travers les signes ou les La charte de la laïcité (2013) stipule
tenues ? Comment apprécier les si- que la laïcité « protège de tout prosé-
tuations quand la loi interdit les signes lytisme et de toute pression qui les (les
ostensibles et déclare ne pas remettre : élèves) empêcheraient de faire leurs
« en cause le droit des élèves de por- propres choix » (art.6). Cette question
ter des signes religieux discrets » et du prosélytisme n’est pas nouvelle.
n’interdit pas des « accessoires et les Elle rappelle ici comme en 1937 sous
tenues qui sont portés communément Jean Zay que la neutralité ne concerne
par des élèves en dehors de toute si- pas uniquement le confessionnel mais
gnification religieuse. » (II.2.1 loi 2004), aussi l’idéologie et toute forme de pro-
et dans le même temps, permet une pagande.

LA CONSTRUCTION D’UNE POSTURE DE NEUTRALITÉ GARANTE


DE LA LAÏCITÉ EST DIFFICILE. ELLE SUPPOSE UNE PÉDAGOGIE
SPÉCIFIQUE

Néanmoins, l’interprétation de la dis- férence et précise ce qui est interdit ou


crétion des signes ou encore celle des permis dans les relations interindivi-
tenues qui permettent de contourner duelles. Il permet de protéger les par-
la loi n’est pas si simple. Que dire des ties en présence et facilite la coexis-
vêtements recouvrants un peu longs tence des groupes dans le but d’un
qui noircissent les pages des journaux vivre ensemble. Dans cette approche,
ces derniers temps, du port du Keffieh la laïcité revêt une neutralité stricte,
ou celui d’un t-shirt à l’effigie du Che séparant la sphère privée de la sphère
alors qu’aujourd’hui certains élèves publique dans le respect de chacun et
n’en mesurent pas le message et la la protection de tous.
portée ? Comment prendre la mesure • La valeur laïcité c’est-à-dire com-
et expliquer aux élèves les apprécia- prise comme une valeur positive
tions possibles, c’est bien là la ques- d’émancipation et non pas comme une
tion ! Comment dissocier un signe contrainte qui viendrait limiter les li-
ostentatoire d’un signe discret ? bertés individuelles. Par son caractère
Il faut pourvoir distinguer et prendre axiologique, elle permettrait de déve-
en considération deux éléments dans lopper un commun partagé par tous,
l’approche de la laïcité par les signes « une valeur qui permet la construc-
et les tenues. tion de toutes les autres » (Kintzter).
• Le principe de laïcité c’est-à-dire la Mais édicter des règles ou proclamer
règle et la norme qui s’imposent et qui des valeurs ne suffit pas pour éman-
ne sont pas dérogeables. Il sert de ré- ciper et responsabiliser les élèves, il

30 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
faut pouvoir se confronter à l’autre, Texte intégral accessible en ligne :
apprendre, vivre et faire ensemble au Laïcité et neutralité
moyen d’une pédagogie de la laïcité
(Bidar).

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 31
Repère n° 3 :
METTRE LA LAÏCITÉ AU TRAVAIL ET
AGIR

Apprendre à distinguer savoirs et croyances, une condition pour


faire des sciences .....................................................................p.34

Les lois de 1882 et de 1905 : textes de loi pour l’EMC ou objets


d’étude en classe d’histoire ? ...................................................p.37

Apprendre à lire de façon laïque des textes porteurs de faits


religieux : le cas de la Bible et du Coran à l’école de
la République ............................................................................p.39

L’enseignement d’un temps laïque, enseignement laïque du


temps ? Le problème du calendrier ..........................................p.41

Faire vivre la laïcité au lycée : travailler, réfléchir et vivre


ensemble ..................................................................................p.44

Retrouvez sur www.univ-nantes/espe/laicite


Référence conseillée en ligne Article intégral accessible en ligne Vidéo à visionner en ligne

i Rendez-vous sur l’espace laïcité de l’ESPE


pour avoir + d’infos
Cette troisième partie montre comment des enseignants et des
éducateurs peuvent prendre en charge des enseignements ou des
projets relatifs à la laïcité.

Leurs contributions apportent des repères autour de trois dimensions


de l’intervention en milieu scolaire, didactique, pédagogique et
éducative. Loin d’être exhaustifs, les textes courts de cette partie
sont complétés par deux écrits en ligne. L’espace laïcité de l’ESPE
s’enrichira de ressources à venir.
3.1

Apprendre à distinguer savoirs et croyances,


une condition pour faire des sciences

L
es sciences de la vie et de la Terre, comme toutes les sciences,
sont laïques, en ce sens qu’elles refusent de faire dépendre leurs
explications de causes ad hoc, non soumises à des contraintes
rationnelles explicites et ne pouvant pas être mises à l’épreuve.
Cependant, les programmes incitent de plus en plus à les penser autour de
questions aux résonnances sociétales, ce qui les expose à des risques de
« dédisciplinarisation » et de « délaïcisation » que nous allons illustrer ici
avec deux exemples.

DENISE ORANGE RAVACHOL, Professeur des universités en didactique des


sciences de la vie et de la Terre, Université Lille 3

LES RECONSTITUTIONS SCIENTIFIQUES, DONC LAÏQUES, DE


L’HISTOIRE DE LA TERRE ET DES VIVANTS : DÉPASSER LES
SOLUTIONS AD HOC, DÉMIURGIQUES OU CATASTROPHIQUES

Les SVT cherchent à expliquer le fonc- magma ; en s’affrontant en certains


tionnement de la Terre et des vivants lieux, elles provoqueraient la surrec-
et à reconstituer leur histoire. Tout un tion de reliefs ; et avec ces explica-
chacun peut s’emparer de tels pro- tions primaires, voici les risques vol-
blèmes et les résoudre par une his- caniques et sismiques qui sont mis en
toire ad hoc. Ainsi par exemple : avant (voir quelques films catastrophe
• les éruptions volcaniques ou la for- à succès)
mation d’une chaîne de montagnes • la chute d’une grosse météorite
sont aisément rapportées à des his- aurait provoqué la disparition des
toires de « plaques tectoniques » : « Dinosaures », et par voie de consé-
elles joueraient comme des clapets quence, permis aux Mammifères, dont
laissant sporadiquement remonter du l’Homme, de se développer. On n’est

34 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
pas dans le miracle mais au moins sistent sur la formation de l’esprit cri-
dans un événement bienvenu. tique des élèves et la pratique de rai-
Bruner (1991) écrit que « Lorsque vous sonnements scientifiques rationnels
rencontrez une exception à l’ordinaire, pour construire une explication cohé-
et que vous demandez à quelqu’un rente de l’état, du fonctionnement et
d’expliquer ce qui arrive, la réponse de l’histoire du monde. Il est pour cela
consistera presque toujours en une particulièrement important que ceux-
histoire qui propose une raison ». Les ci s’approprient des savoirs mais aussi
scientifiques n’échappent pas à cela les garde-fous qui distinguent les sa-
mais, au contraire du sens commun : voirs scientifiques des mythes de tout
• d’une part, par la mise en jeu de poil, en les rendant capables de se re-
garde-fous rationnels (le principe présenter l’état des problèmes et des
d’actualisme par exemple) et par des discussions en cours (Popper, 1991)
échanges critiques, ils tentent de et en leur permettant de décrypter
s’affranchir de ces petites histoires les discours, les méthodes, les argu-
lourdes d’un catastrophisme immé- ments des conceptions créationnistes
diat, riches en temps long « ma- ou de l’Intelligent design qui, dans leur
gique » (la durée serait totipotente), approche des problèmes historiques,
truffées d’événements ad hoc ; mettent en péril la laïcité. L’anthropi-
• d’autre part, ils s’obligent à ne pas sation des programmes de SVT, leur
avoir recours à des explications faisant centration sur l’espèce et les sociétés
intervenir un démiurge ou inféodées à humaines ne doivent pas conduire à
un concepteur ou à un dessein orga- privilégier les histoires faciles à en-
nisateur suprême (intelligent design), tendre au détriment des conditions
explications qui, en rendant tout pos- d’existence de savoirs scientifiques
sible, empêchent tout travail critique. exigeants.
Les programmes d’enseignement in-

Texte intégral accessible en ligne :


Sciences et catastrophisme

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 35
CAROLE VOISIN, Formatrice et doctorante en sciences
de la vie et de la Terre, ESPE Académie de Caen

ÉDUQUER À L’ENVIRONNEMENT : OUI MAIS COMMENT ?

Comment former sans conformer ? danger disait Astolfi (1992), est que
Nous proposerons un court exemple dans ce genre de cas (et nous pour-
pour illustrer les pièges d’une édu- rions donner de nombreux exemples),
cation à l’environnement trop propo- on fait une sorte de « canada dry ». On
sitionnelle. Dans ce contexte, et par ne contribue ni à une véritable éduca-
différence avec le passage ci-dessus, tion citoyenne ni à des apprentissages
nous nous situons dans l’étude de scientifiques.
concepts discutés socialement et/ou Quelques perspectives sont donc à
scientifiquement. prendre en considération si l’on veut
A l’issue d’une séquence sur la sensibi- éviter certains pièges (relativisme,
lisation à l’environnement, une classe positivisme, dédisciplinarisation et
fait une sortie dans la campagne. A un conformisme) et contribuer à la
moment, un adulte, qui mangeait une construction d’une réflexion critique
pomme, jette le trognon dans un four- vers une authentique éducation à l’en-
ré. Vous imaginez la consternation des vironnement. Dans notre exemple, ce
élèves : n’est pas la transmission de règles qui
- « Madame, on n’a pas le droit de jeter pose problème, mais le fait que cet en-
des déchets par terre ! seignement puisse se faire sans :
- Ah bon et pourquoi ? • examen des raisons (Fabre, 2014)
- On n’a pas le droit de jeter des choses ou élucidation des idéologies (Rumel-
par terre, c’est pas bien ». hard, 2010) ;
Si l’on examine cela d’un point de vue • mise au travail d’un contexte problé-
scientifique, il n’y a pas vraiment d’ob- matique à l’origine de l’instauration de
jection à jeter un trognon de pomme ces règles (qui nécessite une réflexion
dans un fourré. Nous pouvons imagi- sur les savoirs en jeu) ;
ner que le recours aux savoirs (ici la • travail sur différents points de vues
distinction entre la décomposition de ou regards (pour un contrepoids cri-
déchets d’origine organique ou non tique, Fabre & Fleury, 2006).
par exemple) aurait permis aux élèves
de fournir un autre argumentaire. Le Texte intégral accessible en ligne :
Eduquer à l’environnement

Texte complémentaire en ligne :


Le cas des sciences physiques
Philippe BRIAUD

36 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
3.2

Les lois de 1882 et de 1905


textes de loi pour l’EMC
ou objets d’étude en classe d’histoire ?

SYLVAIN DOUSSOT, Maître de conférences en didactique


de l’histoire, ESPE Académie de Nantes

EN HISTOIRE, LA LAÏCITÉ PEUT ÊTRE UN OBJET D’ÉTUDE


DISCIPLINAIRE QUI ARTICULE LA CONNAISSANCE DU PASSÉ ET
LES PROBLÈMES POLITIQUES DU PRÉSENT

Parmi les lois fondatrices de la Ré- doivent de ce fait être appréhendées


publique française et de la laïcité, les dans leur dimension contraignante
lois de 1881-1882 sur l’École et la loi actuelle. Du point de vue de la forma-
de séparation des Églises et de l’État tion historique, elles deviennent ob-
de 1905 constituent des références jet d’analyse et de contextualisation,
présentes dans les débats politiques c’est-à-dire d’historicisation, ce qui
et dans les programmes d’histoire tend à mettre à distance, voire à en re-
(dans les programmes de 2016 du lativiser la dimension civique.
primaire et du secondaire, en CM2 Cette situation peut aussi bien
(1882) et en 3ème (1882 et 1905), dans constituer un risque d’incohérence
les programmes de lycée en classe et d’inconfort pour les élèves et les
de Première (1882 et 1905)). Ces deux professeurs, qu’une opportunité de
dimensions, politique et historique, se travailler à l’articulation des pro-
retrouvent dans les classes, souvent blèmes de connaissance du passé et
par l’intermédiaire du même ensei- des problèmes politiques du présent,
gnant d’histoire-géographie, à travers ce qui constitue sans doute un enjeu
l’enseignement moral et civique, et central de l’utilité sociale de l’appren-
l’enseignement de l’histoire. Pourtant, tissage historique.
leur articulation scolaire ne va pas de Les débats publics sur ces lois mani-
soi. Du point de vue de la formation festent les multiples possibilités d’ins-
du citoyen, ces lois sont importantes trumentalisation du passé qui visent
en termes de droit, d’institutions pu- à argumenter des prises de positions
bliques et de pratiques sociales, et qui vont du désir de les radicaliser et

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 37
à leur abandon. Dans ces débats, le téchisme… et les sites internet par
passé de ces lois et leurs contextes exemple).
de construction et de mise en œuvre Dans une telle configuration insti-
(concurrence institutionnelle de tutionnelle (enseignement moral et
l’Église catholique, etc.), constituent civique, et enseignement historique)
bien souvent des « faits » qui servent et épistémologique (enjeu critique
à renforcer une opinion. En ce sens, de l’enseignement de l’histoire), ces
la compréhension critique de ces dé- deux lois pourraient faire l’objet d’une
bats réclame autant une analyse des double mise en jeu scolaire. D’abord
faits actuels que des débats passés selon une compréhension immédiate
dont ces lois sont des traces (Bau- des élèves, qui mêlerait représenta-
bérot 2004) : par exemple, la place tions sur le passé (les débuts de la
de l’Église catholique vers 1900 dans IIIème République) et représentations
l’éducation et d’autres secteurs de la sur le présent (la place des religions
société n’a pas beaucoup à voir avec dans la société et l’espace public). Ces
celle des autorités musulmanes au- opinions, et les débats qu’elles pour-
jourd’hui. La formation historique sco- raient soutenir, mêleraient alors clas-
laire vise précisément à partir des ar- siquement des faits (actuels et pas-
gumentations de ce type pour en faire sés) et des idées explicatives dans des
la critique. Celle-ci repose sur l’étude argumentations. Dans un deuxième
des liens entre les faits et les traces du temps, ce débat lui-même pourrait
passé utilisées. La démarche critique constituer l’objet du travail de la classe
de l’historien, transposée à la mesure d’histoire en relation avec la démarche
de l’école, doit permettre d’évaluer critique. Les faits et les idées explica-
le bien fondé des explications et des tives seraient décortiqués et confron-
faits. Elle s’intéresse davantage à la tés à des connaissances et des traces
relation des récits aux traces du passé du passé susceptibles d’en faire émer-
qu’à celle des récits et des faits. Ques- ger les conditions de possibilité.
tionner les interprétations actuelles Dans un tel schéma, l’urgence pra-
signifie pour elle qu’il faut interpréter tique de l’argumentation politique du
les traces du passé en fonction des débat d’opinion serait mise en pers-
questions posées. Par exemple, si l’on pective par le temps séparé de la
questionne les rôles différenciés de classe d’histoire, propre à enseigner
l’Église catholique d’alors et de l’Islam les démarches d’analyse critique des
d’aujourd’hui, il deviendra nécessaire argumentations échangées dans le
de chercher des traces témoignant débat.
de ces différences (les écoles, le ca-
Texte intégral accessible en ligne :
Laïcité, objet d’histoire

Texte complémentaire en ligne :


Laïcité et pluralité des dieux
Fatima OUACHOUR

38 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
3.3

Apprendre à lire de façon laïque des textes


porteurs de faits religieux : le cas de la
Bible et du Coran à l’école de la République

ANNE-RAYMONDE DE BEAUDRAP, Maître de conférences


en lettres, ESPE Académie de Nantes

L’ÉTUDE LAÏQUE DES TEXTES RELIGIEUX SUPPOSE QUELQUES


PRINCIPES DIDACTIQUES ET PÉDAGOGIQUES

Depuis le rapport de R. Debray en plines sont particulièrement concer-


2002, la France a fait le choix d’ensei- nées par cet enseignement : l’histoire
gner les faits religieux à l’école dans (en premier) et le français. Des textes
le cadre des différentes disciplines et d’inspiration religieuse y sont donc
non en instituant une discipline nou- étudiés et c’est le cas en particulier de
velle comme un cours d’histoire des la Bible et du Coran.
religions par exemple. Deux disci-

LA BIBLE ET LE CORAN DANS LES PROGRAMMES EN VIGUEUR

Depuis 1996, les deux œuvres sont compétences (2005), et tout derniè-
mentionnées dans les programmes en rement dans les instructions de 2015,
histoire et en français pour les classes applicables en 2016..
de sixième en ce qui concerne la Bible, En ce qui concerne les autres niveaux
en cinquième pour le Coran (en parti- d’enseignement, on peut trouver
culier en histoire). Ces textes doivent quelques extraits de la Bible ou du Co-
être lus dans le cadre d’une collabo- ran plus particulièrement dans le cy-
ration entre le professeur d’histoire cle 2 (CE2) dans le cadre des questions
et celui de français. L’indication d’un relatives à l’Antiquité ou à la naissance
travail conjoint est reprise dans les du Christianisme. Le programme
programmes de 2008, dans le Socle d’histoire en seconde de lycée général
commun des connaissances et des ou certains objets d’étude en français
« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 39
peuvent aussi amener les enseignants
à faire étudier des textes bibliques ou
coraniques par leurs élèves.

LIRE DES TEXTES D’ORIGINE RELIGIEUSE DANS UNE PERSPECTIVE


LAÏQUE

Le rapport de Régis Debray définit jourd’hui. Ce double ancrage est le seul


plusieurs principes à respecter dans moyen pour faire respecter les faits
un travail de ces textes à l’école. religieux dans un contexte laïque. R.
• « Le but n’est pas de remettre « Dieu Debray résume cette double approche
à l’école » mais de prolonger l’itiné- en disant : « Dire le contexte historique
raire humain à voies multiples […] sans la spiritualité qui l’anime, c’est
qu’on appelle aussi culture… ». En courir le risque de dévitaliser. Dire, à
effet, ces textes doivent être étudiés à l’inverse, la sagesse sans le contexte
l’école, à l’instar de toutes les autres social qui l’a produite, c’est courir le
oeuvres car ils font partie du patri- risque de mystifier ». Voici un exemple
moine culturel indispensable pour les de cette double lecture interprétative
élèves. Ils ne sont pas des objets ta- pris dans un manuel de français (Les
bous pour leur origine religieuse dans couleurs du Français, Hachette, Istra
la mesure où ils sont, pour l’école, des 2009). Il s’agit d’un extrait du livre de
éléments de culture. l’Exode (Ex 20, 3-17) où Moïse reçoit
• Le second élément à respecter est de Yahvé les 10 commandements.
la nécessité de les contextualiser. Les questions sont regroupées en 3
Comme ils sont sous la forme d’ex- rubriques : « un texte injonctif », « un
traits, ces textes nécessitent une code de lois religieuses », « un code
présentation circonstanciée pour les de lois sociales ». Un travail oral suit
mettre en lien avec l’œuvre à laquelle la lecture de l’extrait : « Classez les
ils appartiennent. Souvent aussi, ils commandements selon l’importance
contiennent des éléments culturels que vous leur donnez et discutez-en
inconnus des élèves, éléments qui avec vos camarades. Vous veillerez à
doivent donc être explicités (par des respecter les croyances de chacun. »
notes par exemple).
• Le troisième principe concerne la Texte intégral accessible en ligne :
double lecture interprétative. Alors Principes de lecture
qu’ils doivent être accessibles à tous
les élèves quelle que soit leur appar-
tenance religieuse ou non, ces textes
sont aussi à mettre en relation avec
des pratiques religieuses non seule-
ment du passé mais aussi vécues au-

40 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
3.4

L’enseignement d’un temps laïque,


enseignement laïque du temps ?
Le problème du calendrier

OLIVIER BLOND-RZEWUSKI, Formateur, ESPE Académie de Nantes


et JACEK RZEWUSKI, Ancien instituteur, Philosophe

TRAVAILLER ET ÉTUDIER LE CALENDRIER POUR ENVISAGER UN


ENSEIGNEMENT LAÏQUE DU TEMPS

Dès la maternelle l’esprit des enfants dicale laïcisation du temps » a été


baigne dans « l’universalité tempo- tentée par la Convention et le Comité
relle » modelée par le calendrier gré- d’Instruction Publique quand, en 1793,
gorien. Forgé à l’époque d’une société 1/ ils substituent la fondation de la Ré-
imprégnée de christianisme, et quand publique à la naissance du Christ ; 2/
bien même serait-il d’origine païenne remplacent la semaine hebdomaire
et romaine, ce calendrier reste jusqu’à par la semaine décadaire et rationa-
aujourd’hui porteur des signes de lisent la distribution des douze mois ;
la dévotion religieuse dominante à 3/ instaurent de nouvelles références
l’époque du pape Grégoire XIII (1582) et « laïques » inspirées de la nature, de
imprime au temps qui passe l’onction l’agriculture, de « l’économie rurale »
du sacré. On peut parler, pour se limi- pour « chasser cette foule de cano-
ter à ce niveau, d’une « imprégnation nisés » (Fabre d’Eglantine). Tentative
catholique du temps ». analogue reprise par Auguste Comte
Devant cette puissance de la reli- (1849), puis par la Société des Nations
gion qui s’insinue partout dans l’es- (1927) et par l’ONU (1954).
pace-temps social et historique, le L’échec (historique) de cette voie pose
professeur peut-il « enseigner un la question du principe de laïcité. La
temps laïque » ? laïcité doit-elle se donner pour mission
Enseigner un temps laïque… Serait-ce de gommer l’Histoire – puisqu’elle est
alors gommer tous ces vestiges re- « religieuse » -, de la reprendre à zéro
ligieux de nos calendriers pour leur et d’éliminer tout ce qui fait obstacle à
substituer des références non reli- son projet ?
gieuses, voire athées ? Cette « ra- La laïcité se conjugue toujours au

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 41
pluriel et instaurer un dialogue in- dologique proposée à ses élèves par
terculturel conditionne la qualité du l’enseignant : d’où vient le calendrier
vivre ensemble, au service d’une ci- grégorien ? Comment est-il né ? Pour-
toyenneté d’adhésion. Aussi ne pour- quoi ce calendrier est-il imprégné de
rait-on pas plutôt initier un « éveil aux sacré ? Un triptyque soumis à la raison
temps » comme existe un « éveil aux pourrait guider l’enseignant : assumer
langues » ? le passé, intégrer le présent, préparer
L’éveil aux temps pourrait prendre la l’avenir.
forme d’une prise de distance métho-

ASSUMER L’HÉRITAGE

Établir des comparaisons avec des ca- de tenter une hypothèse sur ce qui
lendriers anciens et des calendriers constitue « l’essence du calendrier »,
actuels mais exotiques pour nous sa fonction à travers les âges et les
(maïa, indien, hébraïque, chinois, mu- sociétés.
sulman…) ; en tirer des constantes afin

PORTER UN REGARD « DISTANCIÉ » SUR NOTRE CALENDRIER


ACTUELLEMENT EN VIGUEUR

• en interrogeant les repères tempo- ciale actuelle (à condition de dépasser


rels qu’il offre : la dimension sacrée la problématique des saints) : Moshe
rémanente des fêtes religieuses et (Moïse), Ibrahim (Abraham), Youssef
leur sécularisation ; les jours chômés (Joseph)… figurent dans le calendrier
pour célébrer les fêtes laïques ; en vigueur ; mais de nombreux pré-
• en s’étonnant que certains grands noms sont absents.
événements de l’année n’y figurent Cette mise en cause du caractère ab-
pas : la Fête du Yom Kippour (12 oc- solu de la forme actuelle du calendrier
tobre 2016) la plus importante fête en vigueur doit permettre la mise en
juive ; l’Aïd el-Kébir, fête du Sacrifice éveil des jeunes esprits et favoriser
(12 septembre 2016), et l’Aïd el-Fitr, leur émancipation de l’emprise de
fin du Ramadan (6 ou 7 juillet 2016), l’héritage culturel à dominante reli-
deux jours importants pour les musul- gieuse chrétienne.
mans ; le nouvel an chinois, etc ; Le dialogue entre sphère privée (la fa-
• en recherchant l’origine de la pré- mille) et sphère publique (l’école) se
sence de certains prénoms sur le ca- révèlera indispensable, en expliquant
lendrier « culturel » et en suggérant qu’aux yeux du législateur ce n’est plus
qu’il ne reflète donc pas la réalité so- comme jours religieux mais comme

42 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
jours accordés à tous, croyants catho- parmi d’autres, avec son histoire, ses
liques, croyants d’autres religions et déclinaisons, ses différentes connota-
non croyants, que sont instaurés les tions…
jours fériés ; que Noël est un repère

PRÉPARER UN CALENDRIER DE L’AVENIR AVEC LES ÉLÈVES

Subvertir le calendrier officiel en se inventer le nom accolé à chaque jour ;


l’appropriant pour y intégrer nos re- inscrire la fête locale au même niveau
pères : ceux de la commune, de l’école, que les autres fêtes du calendrier ; fa-
de la classe, de chaque élève… Par briquer le calendrier en y intégrant les
exemple, à mi-chemin entre l’agenda événements de l’histoire qui nous ont
particulier et le calendrier national, marqués ou qui nous concernent...

POUR CONCLURE

En découvrant les « autres calen- pères leur sont imposés d’en haut par
driers », en portant un regard critique un calendrier normatif et semblant
sur notre calendrier actuellement en tout aussi absolu qu’universel et éter-
vigueur, en créant un calendrier re- nel. Ainsi, au final, plutôt que de cher-
flétant les activités et préoccupations cher à enseigner un temps laïque, il
locales, les enfants s’émancipent de s’agit d’envisager un enseignement
la tutelle d’un temps sacré où les re- laïque du temps.

Texte intégral accessible en ligne :


Enseigner le temps

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 43
3.5

Faire vivre la laïcité au lycée :


travailler, réfléchir
et vivre ensemble

CATHERINE GAY-BOISSON, Proviseur du Lycée Jean Moulin, Angers

DES PROJETS ET DES RÉALISATIONS COLLECTIVES DANS LES


ÉTABLISSEMENTS POUR FAIRE VIVRE L’ÉDUCATION À LA LAÏCITÉ

« Par leurs réflexions et leurs activités, • Travail sur le concept de laïcité, en


les élèves contribuent à faire vivre la cours d’Education Morale et Civique
laïcité au sein de leur établissement », (EMC), à partir tout d’abord des repré-
article 15 de la Charte affichée dans sentations des élèves, puis en analy-
tous les établissements scolaires. sant la Charte de la laïcité, et enfin en
Bien avant les attentas de 2015, la faisant écrire et présenter un SLAM
nécessité existait de conduire dans aux élèves sur les notions qui leur
les établissements scolaires une ré- tiennent le plus à cœur (lycée Fernand
flexion, des échanges, sur les ques- Renaudeau, Cholet, classes de Se-
tions qui touchent, au-delà du « vivre conde). Ce SLAM est présenté à l’en-
ensemble », la capacité des élèves semble du lycée et visible sur le site
et des adultes des communautés e-lyco du lycée.
scolaires à « réfléchir, travailler et • Les professeurs principaux font tra-
vivre ensemble » alors même que les vailler les classes de Première, durant
histoires, les origines, les vies des une heure de vie de classe, en faisant
un(e)s et des autres sont différentes, analyser et expliciter chaque article de
alors même que tous ne pensent pas la Charte de la laïcité par un binôme
et ne croient pas les mêmes choses. ou trinôme d’élèves. Puis l’ensemble
Voici quelques exemples de situa- de la classe échange sur chaque ar-
tions et projets éducatifs et/ou pé- ticle. Les élèves eux-mêmes vont en-
dagogiques menés durant l’année suite conduire ce travail par équipes,
2015/2016 dans des lycées de l’aca- dans les classes de seconde (lycée
démie pour une laïcité vivante et pas Emmanuel Mounier, Angers).
seulement « affichée » : • Avec l’aide de leurs professeurs

44 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
d’EMC, les élèves organisent eux- facilitateurs par les acteurs, aussi bien
mêmes une table ronde (logistique, élèves qu’enseignants et CPE :
prises de contact, communication, • L’aspect multi-disciplinaire des tra-
animation etc) avec des intervenants vaux conduits en classe et le travail
extérieurs au lycée (préalablement de préparation commun en amont,
rencontrés et interviewés) et des de CPE ou de professeurs de plu-
élèves du lycée sur les notions de laï- sieurs matières, à partir des conte-
cité et les conditions qui permettent nus propres à chaque discipline et
ou font obstacle au « vivre ensemble » des compétences transversales dans
au lycée (lycée Auguste et Jean Renoir, toutes les disciplines.
Angers). • La production et la valorisation de
• Pour que soit affichée la devise ré- productions des élèves, au-delà de
publicaine au fronton de leur lycée l’espace de la classe.
comme le stipule la loi, un groupe de • La réflexion conduite avec les élèves
lycéens du Conseil de la Vie Lycéenne sur les actions et travaux qui per-
(CVL) propose au Conseil d’Adminis- mettent la mise en œuvre concrète
tration puis réalise, un GRAPH géant à des notions de respect, de tolérance
l’entrée du lycée (sur le mur du garage ainsi que les valeurs de la République.
à vélos, de plus de vingt mètres) : « Li- • La responsabilisation effective des
berté Egalité Fraternité ». A l’occasion élèves dans l’organisation de certains
de l’inauguration, un débat sur l’enga- des temps du projet.
gement des lycéens est organisé par
le CVL (lycée Jean Moulin, Angers). Texte intégral accessible en ligne :
• À la suite d’un travail mené par plu- L’éducation à la laïcité
sieurs professeurs de disciplines dif-
férentes avec des classes de termi-
nale sur la liberté de la presse (suite
aux attentats contre Charlie Hebdo),
les élèves de l’atelier d’arts plastiques
réalisent notamment une robe de
Marianne (sculpture de trois mètres
de hauteur cousue de journaux) pour
symboliser la liberté de la presse (ly-
cée Chevrollier, Angers).
Ces exemples, plus spécialement cen-
trés sur la laïcité, ne sont que cinq cas
parmi de nombreuses actions ou pro-
jets éducatifs de plus grande ampleur
parfois, qui sont menés dans la plu-
part des lycées (lutte contre les discri-
minations, contre le harcèlement, en-
seignement laïque de faits religieux…).
Leur réalisation a été conduite avec
des points communs qui ont été jugés
« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 45
Références citées

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46 « La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA
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Willaime, J.-P. (2004). Europe et religions. Les enjeux du XXIe siècle. Paris : Fayard.

Lois et circulaires :

Loi de 1886 sur la laïcisation du personnel enseignant http://www.senat.fr/eve-


nement/archives/D42/

Loi de 1905 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORF-


TEXT000000508749

Circulaire N°2004-084 Du 18-5-2004 JO du 22-5-2004 Respect de la laïcité


Port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les
écoles, collèges et lycées publics

Loi. n° 2005-380 du 23-4-2005. JO du 24-4-2005 : Loi d’orientation et de pro-


gramme pour l’avenir de l’école

Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la re-


fondation de l’école de la République

La charte de la laïcité http://www.education.gouv.fr/cid95865/la-laicite-a-l-


ecole.html

Ressources complémentaires :

Eduscol : http://eduscol.education.fr/pid33120/enseignement-moral-civique.
htm

Des suggestions bibliographiques sont également disponibles sur la page « Laï-


cité » de l’ESPE Académie de Nantes (via les articles en version intégrale), sur
le site de l’IPRA (http://ipra.eu/fr/) et de l’IESR (http://www.iesr.ephe.sorbonne.
fr/index4026.html)

« La laïcité, des repères pour en parler et l’enseigner » - ESPE Académie de Nantes, IPRA 47
Diplôme inter-Universitaire (D.I.U)

RELIGIONS & ATHÉISME


EN CONTEXTE DE LAÏCITÉ
Nouveau

DIPLÔME UNIVERSITAIRE DÉLIVRÉ CONJOINTEMENT PAR :

L’UNIVERSITÉ DU MAINE
ET L’UNIVERSITÉ DE NANTES
EN LIEN AVEC L’IPRA,
L’INSTITUT DU PLURALISME RELIGIEUX
ET DE L’ATHEISME

En contexte de laïcité, aucun culte n’est à priori reconnu ou privilégié


En
parcontexte de laïcité,
l’Etat, mais tous aucun
ont droitculteden’est à priori
cité. Cettereconnu ou privilégié
situation par
particulière,
l’Etat, mais tous ont droit de cité. Cette situation particulière,
récente du point de vue de l’histoire et associée à un mouvement de récente du
point
sécularisation, a parfois conduit les acteurs politiques, économiquesa
de vue de l’histoire et associée à un mouvement de sécularisation,
parfois conduit
et culturels les acteurs
à ignorer politiques,
les faits économiques
religieux comme faits etde
culturels
sociétéà en
ignorer
tant
les faits
que tel. religieux comme faits de société en tant que tel.
Le DIUDIU «Religions
«Religions et et athéisme
athéisme en en contexte
contextede delaïcité»,
laïcité»,vise
viseààapporter
apporter
un
unsolide bagage
solide
Diplôme etinter-universitaire
bagage des outils
et des informatifs,
outils conceptuels
informatifs,et méthodologiques
conceptuels et
sur le pluralisme religieux.
méthodologiques sur le pluralisme religieux.
IlIl metRELIGIONS & ATHÉISME
met en réseau
professionnels
réseau un
professionnelsde
unpanel
panelde
deterrain.
terrain.
despécialistes
spécialistes: chercheurs,
Il s’agit
Il s’agit d’une
d’une
: chercheurs,enseignants,
formation
formation unique
enseignants,
unique dans
dans le le
grand
ouest EN
qui CONTEXTE
répond à des impératifs DE LAÏCITÉ
sociaux
grand ouest qui répond à des impératifs sociaux majeurs. majeurs.

PUBLIC VISÉ
Ce diplôme s’adresse principalement à
Ce diplôme s’adresse
un public principalement
de formation à un issu
continue, public
de formation continue, issu des milieux
des milieux associatifs, du culte, de la associatifs, * Programm
& calendrier
du culte, de la publique
fonction fonction publique (enseignement,
(enseignement, milieu
milieu carcéral,
carcéral, territoriale,
territoriale, maisons dede retraites...)
www.univ-nantes.fr/diu-religions-atheisme-laicite
maisons retraites...)
d’administrations et des entreprises.
d’administations et des entreprises.
Autour de cette formation l’IPRA fédère une
Autour de cette formation l’IPRA
vingtaine
fédère une vingtaine d’enseignants-juristes, etc.) et de
d’enseignants-chercheurs (historiens,
professionnels de terrain
chercheurs (milieux
(historiens, carcéral,
juristes, etc.)hospitalier,
et de associatifs)
professionnels de terrain (milieux carcéral, LE PROGRAMME
hospitalier, associatifs) est organisé sous la forme de 7 uni
dont 5 en enseignement à distance

TARIFS PARCOURS COMPLET


Mentions légales

***

Édité par la MAIF en juin 2016


200 avenue Salvador Allende - CS 90000
79038 Niort Cedex 9
www.maif.fr

Réalisé par l’ESPE Académie de Nantes


23 rue du Recteur-Schmitt - BP 92235
44322 Nantes Cedex 3
Tel : 02 53 59 23 00

Dépôt légal 2016

***

Directeur de publication :
Loïc CLAVIER, Directeur de l’ESPE Académie de Nantes

Responsable de l’édition des textes :


Anne VÉZIER, Maître de conférences en histoire et didactique de l’histoire - ESPE
Académie de Nantes

Comité de rédaction :
Dominique AVON, Olivier BLOND-RZEWUSKI, Philippe BRIAUD, Céline
CHAUVIGNÉ, Loïc CLAVIER, Anne-Raymonde DE BEAUDRAP, Sylvain DOUSSOT,
Michel FABRE, Silvio FERRARI, Catherine GAY-BOISSON, Christophe GUETTIER,
Bruno LEBOUVIER, Arnauld LECLERC, Denise ORANGE RAVACHOL, Fatima
OUACHOUR, Jacek RZEWUSKI, Jean-Philippe SCHREIBER, Haoues SENIGUER,
John TOLAN, Carole VOISIN

Maquette et mise en page :


Sandra OLIVIER, Fanny THORBECKE

Illustration : Fotolia

Remerciements :
Muriel BLACHERE, Françoise LAGACHE, Fabienne MENARD
ESPE DE L’ACADÉMIE DE NANTES
23 rue du Recteur-Schmitt
BP 92235
44322 Nantes Cedex 3
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