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Les rendements décroissants, croissants et la

productivité de facteurs
Paul Perarnau-Marie Petit

L’augmentation des rendements et de la productivité de facteurs


(particulièrement du facteur travail) par les entreprises est un levier de
croissance pour celles-ci puisqu’elle accroit la création de richesse. Ceci se
traduit à l’échelle macroéconomique par la croissance du PIB/PNB de l’Etat
signifiant donc potentiellement une élévation du niveau de vie des habitants. Il
conviendra donc de comprendre plus précisément quels sont les différents
types de rendements et productivités, pour percevoir les enjeux sous-jacents à
chacun d’eux, microéconomiquement (l’entreprise) et macroéconomiquement
(l’Etat).

A / La productivité des facteurs


Productivité : Rapport entre une quantité produite (output) et les moyens
mis en œuvre pour l’obtenir (input). Elle mesure ainsi l’efficacité des
facteurs de production et l’efficacité de leur combinaison.

Facteurs de production : Les classiques distinguaient les facteurs primaires


(le travail et la terre), du facteur dérivé (le capital). Pour les Marxistes, le
travail est seul véritable facteur (« force productive »). Les néo-
classiques prennent principalement en considération le travail et le capital,
la terre étant un facteur naturel que certains incorpore au capital.

 Typologie des productivités de facteurs

Productivité du travail : Rapport entre un volume de production réalisé et la


quantité de travail employé (en heures ou en effectifs)

La Comptabilité Nationale préfère l’emploi d’un ratio réduisant la


production à la valeur ajoutée, pour ne pas inclure une consommation
intermédiaire produite par un tiers. Elle parle de productivité apparente du
travail, « apparente » signifiant que le facteur travail fonctionne en
combinaison avec du capital (des machines par exemple).

Productivité apparente du travail = Valeur Ajoutée/Effectifs


employés

Productivité du capital : Rapport entre un volume de production obtenu


pendant une période donnée et le volume de capital utilisé.

Pareillement, la Comptabilité Nationale parle de productivité apparente


du capital, ou d’efficacité du capital.
Productivité apparente du capital = Valeur Ajoutée/ Capital fixe
productif

Productivité globale des facteurs (ou efficacité générale) : Dans la


mesure où c’est la combinaison des facteurs qui permet de faire évoluer le
ratio, celle-ci peut être mise en équation pour traduire le rapport entre le
volume de production et l’ensemble des dépenses relatives aux facteurs de
production : les consommations intermédiaires (CI), le travail (main-d’œuvre
N) et capital (consommation de capital ou amortissements CK).

Productivité globale des facteurs = Production/(N+CK+CI)

 Objectif : le gain de productivité, crées lorsque le rapport entre le


volume produit (output) et les moyens mis en œuvre pour ce faire
(input) augmente. Ceci donne lieu à un débat plus que centenaire sur la
répartition de ce gain et le partage des richesses induites.

 Limite : la synonymie « productivité » - « efficacité » est inexacte. En


effet, en cas de ralentissement économique, la productivité du capital
diminue uniquement parce qu’à efficacité technique inchangée,
l’équipement est moins employé. Plus encore, la productivité de facteurs
liés à l’usage d’une ressource limitée (cycle de régénération) n’est plus
efficace dès lors qu’elle n’est pas homogène à la régénération de la
ressource (pêche, pétrole…) Cela démontre que ces indicateurs
n’internalisent pas les externalités.

B / Les rendements décroissants et croissants


Rendements : Relation entre les variations des quantités produites (output)
et les variations des facteurs nécessaires pour les produire (input). Il existe
deux types de rendements : factoriels et d’échelle.

 Rendements factoriels

Rendements factoriels : Relient la production à une combinaison de


facteurs dont un fixe.

Historique :
 Adam Smith estime que la productivité d'une entreprise augmente
grâce à la division du travail et en déduit la loi des rendements
croissants.
 Ricardo démontre la possibilité d’une décroissance de la productivité
grâce au fameux exemple des terres agricoles, (sont d’abord cultivées
les terres les plus fertiles, puis celles de moins en moins productives)
c'est la loi des rendements décroissants (énoncée pour la première fois
par Turgot en 1768. Ainsi, si des quantités successives, croissantes et
homogènes d’un facteur variable (ex : le travail) sont combinés à une
quantité donnée de facteurs fixes (ex : la terre) alors il arrivera un
moment où la productivité marginale (production d’une unité
supplémentaire) finit par décroitre.
 Marshall cherche ensuite à
comprendre le rapport entre ces deux
lois. Une entreprise tend à accroitre
sa productivité en améliorant
l’organisation mais est confrontée à
des problèmes physiques. Les
rendements sont donc d’abord
croissants puis décroissants c'est la
loi des rendements non
proportionnels.

Conséquences :
 Quand le rendement est croissant, la
firme a intérêt à utiliser une plus grande quantité de facteurs variables
car elle augmente sa production. L'entreprise n'a jamais intérêt à rester
dans la zone de rendements croissants: elle se situe donc généralement
dans la zone de rendements décroissants. A l’inverse, soucieuse de ne
pas dégrader ses rendements elle doit déterminer un équilibre et, en
fonction de sa stratégie, faire jouer d’autres variables comme le prix.

 Si un facteur de production existe en quantité limitée, la croissance


économique mesurée par l’augmentation du produit par tête, s’arrête
fatalement sous l’effet de la loi des rendements décroissants. Dans ce
cas, la croissance économique est un cheminement vers un état
stationnaire.

 Rendements d’échelles

Rendements d’échelle : Relient la production à une combinaison de facteurs


variant simultanément. Mathématiquement, cela signifie que le degré
d’homogénéité d’une fonction Q = f (K, N) -avec K le capital et N le travail -
se mesure à partir de l’expression suivante pour m > 0 :

- homogénéité de degré = 1 ou rendements constants f (mK,


mN)= m . f (K, N)
 L’ouput augmente dans la même proportion que les inputs

- homogénéité de degré < 1 ou rendements décroissants f (mK,


mN)< m . f (K, N)
 L’output augmente dans une moindre proportion que l’input. Il y a
déséconomie d’échelle.

- homogénéité de degré > 1 ou rendements croissants f (mK,


mN)> m . f (K, N)
 L’output augmente dans une proportion plus grande que les inputs. Il y a
économie d’échelle.

Historique :
 L’idée d’Adam Smith selon laquelle plus l’organisation est divisée les
tâches, plus sa productivité augmente, ainsi que celle d’Allyn Young
estimant que la division du travail impose de recourir aux machines se
vérifie toujours dans nos économies contemporaines. En effet, pour la
plupart des industries, plus l’entreprise est grande, plus sa productivité
est importante. Ceci est largement confirmé par l’analyse de l’OCDE ci-
dessous.

Normalised labour productivity in manufacturing as a percentage of


total average, breakdown by size-class of enterprise, 2005, OCDE

 Alfred Marshall (1920) va encore plus loin en distinguant les


économies internes, qui dépendent de leur capacité à optimiser leur
gestion grâce à leur taille notamment, et les économies externes qui
« dépendent principalement du volume global de la production dans
l’ensemble du monde civilisé ».
 Les analyses de Miguel Reguero (1957) démontrent l’existence d’effets
d’expériences (pour certains types d’entreprise) aboutissant à des
rendements croissants : à chaque fois que l’output cumulé double,
l’input nécessaire baisse entre 10 et 30%.

Observations :
 Une entreprise peut très bien être à rendements factoriels décroissants
et à rendements d’échelle croissants. Le cas est aisément observable
dans les sociétés ayant une activité d’extraction et de transformation
(agriculture, pétrole, uranium…).
 La quête aux rendements croissants ou aux moindres rendements
décroissants pour les grandes entreprises se traduit ainsi bien souvent
par la recherche de croissance (interne/externe). Ainsi, un phénomène
de concentration (verticale, horizontale) est perceptible, amplifié par
la globalisation actuelle (FNT-Firmes transnationales, découplage
territorial des fonctions de l’entreprise).
C / Contexte global : la concurrence des rendements
et de la productivité des facteurs
 L’entrepreneur Schumpetérien

Joseph Schumpeter : Théorie de l’évolution économique, 1912 :


Chez Schumpeter, pour survivre, l’entrepreneur cherche à se prévenir
de la loi des rendements décroissants par l’innovation. En effet, dans un
système capitaliste, la menace constante de disparition de l’entrepreneur à
cause de la concurrence pousse ce dernier à trouver de nouvelles occasions
de profits et introduisent ainsi des « déséquilibres créateurs » du fait de leur
innovation : nouveaux produits, nouveaux procédés de fabrication,
substitution de ressources, nouvelles méthodes de gestion des entreprises…
augmentant la productivité et/ou l’efficacité de l’entreprise.
Ces déséquilibres créateurs ont pour conséquences d’évincer les
entreprises obsolètes au profit de nouvelles, ce qui par récurrence augmente
la compétitivité (les innovations apparaissent en grappes) et stimule les
tendances oligo-monopolistiques.

 Intérêt de l’Etat : inciter l’entrepreneur Schumpetérien

Macroéconomique, pour assurer la croissance, les politiques


économiques visent à stimuler ces entrepreneurs pour qu’ils innovent sur le
territoire national. Ceci passe par une fiscalité ne pénalisant pas les
comportements des agents économiques, voire les incitants (zone franche,
aides à la création d’entreprise); un soutien financier (OSEO, CDC), la
construction de pôles (technopôles, biopôles…). A l’échelle européenne, cela
existe également au travers de la stratégie de Lisbonne.
Plus la productivité des facteurs dans un domaine donné pour un pays
est importantes, plus celui-ci polarisera l’intérêt des entrepreneurs étrangers.
Ainsi, les analyses de productivité de facteurs faites par l’OCDE montrent
que :

Growth in GDP per hour worked Average annual growth in percentage, 1995-
2000 and 2001-2006
 Productivité =Efficacité

Pour ce que cette équation soit vérifiée, il est nécessaire que la


productivité des facteurs atteinte puisse être vérifiée dans le temps. Pour ce
faire, il est nécessaire que l’entreprise internalise les externalités, de sorte
que les conséquences induites de son action aujourd’hui ne lui soit pas
préjudiciables demain. Or J.M. Keynes et biens d’autres soulignent depuis
longtemps la préférence pour le présent des agents économiques.
C’est pourquoi bien que les rendements factoriels dans le secteur des
énergies fossiles soient décroissants et ne cessent de l’être à l’avenir, il est
difficile pour les agents économiques (les entreprises, les consommateurs), de
s’en passer. Pareillement, le débat fait rage au sein de la communauté
scientifique pour savoir si la production d’OGM d’une part conduit vraiment à
l’augmentation des rendements et d’autre part ne nuit pas à « l’efficacité »
sanitaire.
La force de la concurrence internationale au travers des certains
dumpings (social, fiscal, environnemental) atteste d’intérêts divergents en la
matière : la résolution de l’équation a un coût (moindre croissance au moins
temporairement, et donc, moindre élévation des niveaux de vie), et la notion
d’efficacité n’est pas le même sens d’un pays à l’autre (quand pour les pays les
moins avancés il s’agit d’atteindre les conditions de l’autosuffisance
alimentaire, pour les pays développés, il s’agit de pérenniser des niveaux de
vie confortables)

Ainsi, l’augmentation des rendements passant par la croissance de


productivité des facteurs est une préoccupation majeure des agents
économiques, micro et macroéconomiquement. En effet, les gains de
productivité permettent la croissance des rendements (factoriel et/ou
d’échelle) et donc celle des richesses générées. Ces notions ne doivent
cependant pas être détachées de celle du temps, puisque la finitude de
certains facteurs de production est à l’origine pour une large par de la
décroissance des rendements, et que donc la productivité dans le temps est
fonction du respect de l’homogénéité entre l’usage des facteurs et leur temps
de renouvellement.

Sources :
- Dictionnaire d’économie et de sciences sociales, C.-D. Echaudemaison,
Nathan, 2003
- http://junon.univ-cezanne.fr/bornier/prod/node7.html
- www.lyc-arsonval-brive.ac-limoges.fr/jp-simonnet/spip.php?article195
- http://oberon.sourceoecd.org/vl=979554/cl=27/nw=1/rpsv/factbook/
- http://www.lyc-arsonval-brive.ac-limoges.fr/jp-simonnet/spip.php?
article516&debut_articles_rubrique=10#pagination_articles_rubrique
- http://www.ac-
versailles.fr/pedagogi/ses/CPGE/Travaux/CollesCorot/CF6.htm

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