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Université d’Oran 2

Faculté de Droit et des Sciences Politiques

THESE

Pour l’obtention du diplôme de Doctorat en Sciences


En Droit Privé

LES PROCEDURES NEGOCIEES EN DROIT DE LA CONCURRENCE

ETUDE COMPARATIVE

Présentée et soutenue publiquement par :

Toufik MOKEDDEM

Devant le jury composé de :

Nom et Prénom Grade Etablissement Président


Dalila ZENNAKI Professeur Université d’Oran 2 Rapporteur
Nom et Prénom Grade Etablissement Examinateur
Nom et Prénom Grade Etablissement Examinateur
Nom et Prénom Grade Etablissement Examinateur
Nom et Prénom Grade Etablissement Examinateur

Année 2016-2017
«LES PROCEDURES NEGOCIEES EN DROIT DE LA CONCURRENCE-ETUDE COMPARATIVE»

Résumé :

Les procédures négociées sont des outils juridiques propres au droit de la concurrence, alternatifs et accessoires aux
pouvoirs classiques de répression des pratiques anticoncurrentielles, et associant davantage les entreprises mises en cause, au
processus décisionnel du conseil et/ou de l’autorité de la concurrence.
En effet dans le cadre de la régulation, les autorités de la concurrence peuvent offrir leur mansuétude sous différentes formes en
échange de divers comportements coopératifs
Ces desdites procédures se présentent en quatre cas de figures : Clémence, engagements volontaires, non-contestation des griefs
et transaction, un tout qui ne fait que confirmer la particularité de ce droit qui est dès lors plus indépendant que jamais.
Entre bienfaits et méfaits, cette étude comparative repose sur la mise au point de ces procédures qui demeurent jusqu’ici inédites
en droit interne.
Mots clés : Clémence, engagements volontaires, non-contestation des griefs, transaction, concurrence, négociation,
régulation.

« NEGOCIATED PROCEDUCES IN COMPETITION LAW -A COMPARATIVE STUDY- »

Abstract :

Negotiated procedures are legal tools specific to competition law. These means are alternatives, as well as accessories,
to the traditional authorities of repression of anti-competitive practices, involving the offending companies in the decision
making process of the council of competition and / or of the competition authority. Indeed, within the framework of the
regulation, the competition authorities can offer their indulgence in different forms in exchange for various cooperative
behaviours.
These procedures take four main forms: leniency, voluntary commitments, non-contest of grievances and settlement, a whole
which confirms the particularity of this law and makes it more independent than ever.
This comparative study is based on the pros and cons of these procedures that still remain largely unexplored in the internal
law.

Key words : leniency, voluntary commitments, non-contest of grievances, settlement, competition, negotiation,
regulation.

" - ‫ دراﺳﺔ ﻣﻘﺎرﻧﺔ‬- ‫"اﻹﺟﺮاءات اﻟﺘﻔﺎوﺿﯿﺔ ﻓﻲ ﻗﺎﻧﻮن اﻟﻤﻨﺎﻓﺴﺔ‬


: ‫ﻣﻠﺨﺺ‬
‫ واﻟﺘﻲ ﺗﺸﺮك اﻟﻤﺆﺳﺴﺎت‬،‫ اﻟﺒﺪﯾﻠﺔ واﻟﻤﻜﻤﻠﺔ ﻟﻠﺴﻠﻄﺎت اﻟﺘﻘﻠﯿﺪﯾﺔ ﻟﺮدع اﻟﻤﻤﺎرﺳﺎت اﻟﻤﻨﺎﻓﯿﺔ ﻟﻠﻤﻨﺎﻓﺴﺔ‬،‫ ھﻲ ﺗﻠﻚ اﻟﻮﺳﺎﺋﻞ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ اﻟﺨﺎﺻﺔ ﺑﻘﺎﻧﻮن اﻟﻤﻨﺎﻓﺴﺔ‬،‫اﻹﺟﺮاءات اﻟﺘﻔﺎوﺿﯿﺔ‬
.‫ ﻓﻲ ﻋﻤﻠﯿﺔ ﺻﻨﻊ اﻟﻘﺮار اﻟﻤﺨﻮﻟﺔ ﻟﻤﺠﻠﺲ أو ﻟﺴﻠﻄﺔ اﻟﻤﻨﺎﻓﺴﺔ‬،‫اﻟﻤﻌﻨﯿﺔ‬

.‫ و ﯾﺘﺨﺬ ذﻟﻚ أﺷﻜﺎﻻ ﻣﺨﺘﻠﻔﺔ‬، ‫ ﯾﻤﻜﻦ ﻟﺴﻄﺎت اﻟﻤﻨﺎﻓﺴﺔ أن ﺗﺼﻔﺢ ﻋﻦ اﻟﻤﺆﺳﺴﺎت اﻟﻤﺘﻌﺎوﻧﺔ‬،‫و ﻓﻲ إطﺎر اﻟﻀﺒﻂ‬

‫ و ھﻲ ﺗﺆﻛﺪ ﺧﺼﻮﺻﯿﺔ ھﺬا اﻟﻘﺎﻧﻮن و ﺗﺠﻌﻠﮫ‬،‫ و اﻟﺘﺼﺎﻟﺢ‬،‫ ﻋﺪم اﻹﺣﺘﺠﺎج ﻋﻦ اﻟﻤﺂﺧﺬ‬،‫ اﻹﻟﺘﺰاﻣﺎت اﻟﻄﻮﻋﯿﺔ‬،‫ اﻟﺮأﻓﺔ‬:‫ ﻻ ﺗﺨﺮج ﻋﻦ أرﺑﻌﺔ ﺻﻮر‬، ‫إن اﻹﺟﺮاءات اﻟﺘﻔﺎوﺿﯿﺔ‬
. ‫أﻛﺜﺮ إﺳﺘﻘﻼﻟﯿﺔ ﻋﻤﺎ ﻓﺒﻞ‬

.‫ﺑﯿﻦ ﻣﺤﺎﺳﻦ و ﻣﺴﺎوئ ﺗﺮﻛﺰ ھﺬه اﻟﺪراﺳﺔ اﻟﻤﻘﺎرﻧﺔ ﻋﻠﻰ ﺣﺼﺮ ھﺬه اﻹﺟﺮاءات اﻟﺘﻲ ﻻ ﺗﺰال ﻏﯿﺮ ﻣﺘﺪاوﻟﺔ ﻓﻲ اﻟﻘﺎﻧﻮن اﻟﺪاﺧﻠﻲ‬

‫ اﻟﻀﺒﻂ‬،‫ اﻟﺘﻔﺎوض‬،‫ اﻟﻤﻨﺎﻓﺴﺔ‬، ‫ اﻟﺘﺼﺎﻟﺢ‬،‫ ﻋﺪم اﻹﺣﺘﺠﺎج ﻋﻦ اﻟﻤﺂﺧﺬ‬، ‫ اﻹﻟﺘﺰاﻣﺎت اﻟﻄﻮﻋﯿﺔ‬،‫اﻟﺮأﻓﺔ‬: ‫ﻣﻔﺘﺎﺣﯿﺔ‬ ‫ﻛﻠﻤﺎت‬
A ma mère,
A la mémoire de mon père.

I
Remerciements

Je remercie madame le professeur Dalila ZENNAKI, c’était à la fois un honneur et


un bonheur de travailler sous la direction de cette grande dame durant toutes ces années.

Je remercie également Monsieur le président et mesdames messieurs les membres


du jury d’avoir bien voulu évaluer ce travail.

Enfin j’adresse un remerciement tout particulier à ma femme, pour tout ce qu’elle


est et pour tout ce qu’elle fait pour moi…pour nous !

II
PRINCIPALES ABREVIATIONS

Aff. Affaire

Alg. Algérie, algérien…

ANC Autorité nationale de la concurrence

Art Article

BOC Bulletin officiel de la concurrence (algérien)

BOCC Bulletin officiel de la concurrence et de la


consommation (français)

c/ Contre

CA Cour d'appel (de Paris)

Cass.Com Cour de cassation, la chambre commerciale


(française)

CE Communauté européenne

CEDH Convention européenne des droits de l'homme

CEE Communauté économique européenne

CJCE Cour de justice des communautés européennes

coll. Collection

Comm.CE Commission européenne

Cons.conc Conseil de la concurrence (français)

Contrats,conc.Cons Contrats concurrence consummation

Déc Décision

ECN European Competition Network

éd. Edition

III
Fr France, français…

JORADP Journal officiel (de la république algérienne)

JOFR Journal officiel (de la république française)

JOCE Journal officiel des communautés européennes

LME Loi de modernisation de l'économie

n° Numéro

n. Note

Obs. Observations

P Page

pp. Pages

Préc. Précité

REC Réseau européen de la concurrence

Rec Recueil

s. Suivant (s)

Spéc Spécialement

TCE Traité instituant la communauté européenne

TPICE Tribunal de première instance des communautés


européennes

V. Voir

IV
INTRODUCTION

En partant du fameux adage : « Mieux vaut prévenir que guérir !», il est usuel d’avoir la
conviction qu’il n’y est point meilleure prévention contre toute sanction en matière de droit, que
celle de s’abstenir de commettre l’infraction y afférente.
Bien évidemment le droit de la concurrence -étant traditionnellement et naturellement
répressif- a vocation à lutter contre les comportements nuisibles à la concurrence notamment les
pratiques anticoncurrentielles.
Toutefois depuis quelques années, l’enceinte juridique de la concurrence manifeste une
mise en place d’autres moyens qui connaissent bel et bien un succès grandissant et ne cessent de
se développer en parallèle à la répression : Il s’agit des procédures négociées1.
Loin du concept courant en droit positif où la notion « procédure négociée » renvoie de
prime abord à cette procédure de passation des marchés publics, voire à cette négociation qui se
noue entre pouvoir adjudicateur et entreprise(s) candidate(s), et encore plus loin de la classique
négociation « commerciale » concernant ces relations entre agents économiques là où le principe
de la liberté contractuelle fait loi2.
Or les procédures dont il est question dans la présente étude, concernent plutôt ces outils
juridiques propres au droit de la concurrence, alternatifs et accessoires aux pouvoirs classiques de
répression des pratiques anticoncurrentielles, et associant davantage les entreprises au processus
décisionnel du conseil et/ou de l’autorité de la concurrence.
A cet égard, les autorités de concurrence peuvent offrir leur mansuétude sous différentes
formes en échange de divers comportements coopératifs3.

1
Concernant cette appellation V. Par exemple, D. Waelbroeck, Le développement en droit européen de la concurrence
de procédures négociées : que va-t-il rester aux juges ? Pour une justice efficiente en Europe, Gaz. Pal. 22 au 26 août
2008 ; S. Grandvuillemin, Les procédures négociées en droit français des pratiques anticoncurrentielles, JCP mai
2011, 1344. Il faut noter que tous les auteurs qui recourent à ce vocable tendent immédiatement à le nuancer,
soulignant l’inégalité du rapport de force entre les entreprises parties à la négociation et l’autorité de concurrence.
Toutefois il n’y a pas vraiment de consensus sur cette appellation notamment, le conseil de la concurrence français
qui préfère utiliser l’appellation de procédures alternatives ou complémentaire à la sanction dans son Rapport
d’activité pour 2005, Étude thématique. V. aussi E. David, L’incidence des procédures “alternatives” sur
l’établissement des pratiques anticoncurrentielles devant l’Autorité de la concurrence et la Commission européenne,
Concurrences no 1-2011, Art. no 33858, p. 67.
2
S’agissant plutôt de protéger les agents économiques et non pas la concurrence et ce dans le cadre des négociations
aboutissant à des contrats commerciaux et/ou à des pratiques commerciales, V. en ce sens, D. ZENNAKI « la
discrimination entre agents économiques en droit algérien », in Les contrats de distribution droit français, droit
algérien, droit communautaire , D.ZENNAKI et B. SAINTOURENS, Presses universitaires de Bordeaux, Pessac,
2011. pp.20-21.

3
J.-C. RODA, La clémence en droit de la concurrence. Etude comparative en droit américain et européen, préf. C.
PRIETO, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2008, § 103.

1
En effet ces procédures négociées se présentent en quatre cas de figures : clémence,
engagements volontaires, non-contestation des griefs et transaction, un tout qui ne fait que
confirmer la particularité de ce droit qui est dès lors plus indépendant que jamais.
En donnant lieu à l’adoption de ces procédures alternatives aux sanctions, on met en
évidence le rôle plus ou moins conciliateur de l’autorité de la concurrence auprès des entreprises
concernées voire celles mises en cause, puisqu’il ne s’agit plus de se défendre contre les
accusations, mais plutôt de négocier le meilleur traitement pour celles-ci, souvent au détriment des
plaignants et des coparticipants.

Dans ce contexte, l’autorité de la concurrence apparait comme une magistrature


économique4 qui se distingue par ses propres moyens à la fois quasi-juridictionnels et
conciliateurs : Puisque d’une part, le fait de pouvoir prononcer des sanctions, cet imperium lui
donne certainement ce caractère de « magistrature » et d’autre part, cette même magistrature est
créatrice de normes constituant un véritable droit négocié qui sera d’ailleurs la base de la régulation
concurrentielle.

Indéniablement cette autorité indépendante a longtemps été cantonnée à un rôle d’autorité


de sanction, intervenant principalement ex post. Bien qu’elle pouvait déjà agir sur les structures
économiques en s’appuyant sur son pouvoir d’injonction et à sa fonction consultative.

Néanmoins dans le cadre de la régulation, l’autorité de la concurrence avait déjà une


compétence spéciale à travers son collège et ses rapporteurs spécialisés, pouvant statuer
promptement grâce à la procédure des mesures conservatoires.

Cette même fonction de régulation nécessite surtout des outils flexibles, des interventions
plus souples, tels que des recommandations, des avis, le règlement des litiges, l’élaboration de
catalogues des bonnes pratiques ; elle associe davantage des acteurs du marché et privilégie la
discussion, la médiation, les compromis négociés.

Progressivement, les autorités de la concurrence se voient dotées de ces outils flexibles,


associant davantage les entreprises à leur processus décisionnel et ceci a assurément un impact sur
leur fonctionnement interne, l’éloignant ainsi du fonctionnement des juridictions et les contraintes
procédurales y afférentes.

4
V. en ce sens C.CHAMPAUD, L'idée d'une magistrature économique (Bilan de deux décennies), Justices n°1
Janvier/Juin 2005, p.74.

2
à travers cette étude, il est tenté de faire une mise au point sur les procédures négociées :
quels sont les pour et les contre d’une politique de concurrence adaptant des procédures négociées
en matière de traitement des pratiques anticoncurrentielles ?

Pour cette fin, il parait nécessaire de prendre en considération plusieurs facteurs qui ont
plus ou moins un rapport direct avec le droit algérien notamment ceux qui relèvent du manque
flagrant de la légifération de textes en la matière et encore du manque de la pratique du conseil de
la concurrence algérien.

C’est la raison pour laquelle nous avons choisi d’opter pour une étude comparative entre
droit interne, français et communautaire.

D’emblée, l’expression « pratiques anticoncurrentielles » pose déjà un souci


terminologique entre ces droits susmentionnés et le champ de cette étude5 : Puisque le législateur
algérien contrairement à ses homologues communautaire et français n’a pas adopté la moindre
distinction terminologique en ce sens, entre ce qui est restrictif à la concurrence et ce qui est
anticoncurrentiel.

En revanche, les pratiques restrictives de la concurrence au sens du droit français


représentent plutôt « le petit droit de la concurrence »6, évoquant souvent une certaine équivoque
quant à son admission comme un vrai droit de la concurrence7.

Pour éviter toute confusion terminologique, nous traiterons tout au long de cette étude le
concept des pratiques anticoncurrentielles qui relève du droit communautaire et /ou du droit

5
V. en ce sens, M. MENOUER, Droit de la concurrence, BERTI Editions, Alger, 2013, p.93.
6
Par opposition au droit antitrust qui est l'un des fondements du droit communautaire et qui représente en quelque
sorte « le grand droit de la concurrence » désignant essentiellement le droit des pratiques anticoncurrentielles(ententes
et abus de position dominante),le contrôle des concentrations ainsi que le contrôle des aides d'Etat,. La doctrine
française rattache au droit de la concurrence le droit des pratiques restrictives de la concurrence et le droit de la
concurrence déloyale, bâti essentiellement sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile. Ces derniers
sont parfois qualifiés de « petit droit de la concurrence ».
7
Sur les pratiques restrictives de la concurrence : "Pour de multiples raisons, il est possible de considérer que ce titre
IV (du code de commerce français) ne relève pas du droit de la concurrence au sens strict, mais d'un droit des relations
commerciales, où l'interventionnisme étatique a été considérablement renforcé en 1996 et plus encore en 2001."
L.IDOT, Les limites et le contrôle de la concurrence dans la perspective d'une harmonisation internationale, in : Revue
internationale de droit comparé.Vol.54.n°2, Avril-Juin2002. p.377.

3
français comme étant une partie des pratiques restrictives de la concurrence au sens du droit
algérien8.

C’est dans cet élan que nous avons voulu commencer par mettre au point le recours aux
procédures négociées dans le cadre de l’action administrative et/ou publique qui apparait si
avenant en droit des pratiques anticoncurrentielles, et qui est d’ailleurs devenu bel et bien une
tendance qui a fait ses preuves en termes de vertus attractives tant au regard des autorités de la
concurrence que des entreprises contrevenantes (Titre I).

Ensuite nous allons essayer de montrer et/ou de démontrer quelles seront les incidences de
cette tendance (Titre II) en soulevant les effets néfastes de ces desdites procédures sur la position
des victimes et les coparticipants des pratiques anticoncurrentielles, notamment l’interaction qui
se manifeste entre le renforcement de l’action privée en matière de réparation des préjudices
concurrentiels et l’efficacité de l’action publique vêtue proprement de ce type de procédures.

8
Dans ce sens il s’agit bien de ces pratiques prohibées définies aux articles 6 et suivants de la loi algérienne de la
concurrence : les ententes (l’art. 6), l’abus de position dominante (l’art.7), le monopole de distribution sur le marché
(l’art.10), l’abus de dépendance économique (l’art.11) et les prix abusivement bas (l’art.12).

4
TITRE I

LE RECOURS AUX PROCEDURES NEGOCIEES :

LA TENDANCE

Recourir aux procédures négociées est devenu indéniablement la tendance en matière de


de traitement des pratiques anticoncurrentielles. Cette tendance est légitimement argumentée par
les diverses vertus de ces procédures tant au regard des autorités de la concurrence que des
entreprises contrevenantes9 : Lesdites procédures illustrent a priori le principe « gagnant-
gagnant ».

A cet égard, il apparait primordial de soulever la valeur propre, voire la valeur ajoutée de
toutes ces desdites procédures et quelle serait alors la procédure la plus adaptable selon la
conjoncture propre à l’outrage au droit de la concurrence commis par l’entreprise mise en cause.

A travers ce titre seront exposés deux concepts fondamentaux qui ont un rapport direct
avec l’objet de cette étude : La mise en valeur des procédures négociées (chapitre 1) et leur mise
en concurrence (chapitre 2).

9
C. Grynfogel relève qu’elles sont “rentrées dans les mœurs”, Sanctions du droit communautaire de la concurrence,
Juris-Classeur, Comm. fasc. 287, nos 34 et s.

5
Chapitre 1. La mise en valeur des procédures négociées : L’aloi de la
négociation

Dans ce chapitre, il sera tenté de valoriser ces procédures, notamment toucher de plus près
l’alliage qui couvre chaque procédure, et ce notamment en fonction de la récompense obtenue
suite à l’adoption de telle ou telle procédure dite négociée.
Seront relevées aussi les questions sensibles, tels que la particularité de la procédure algérienne et
le concept de la négociation dans chaque procédure.

D’emblée, il est apparent que la motivation à la négociation, voire à la collaboration, varie


selon la récompense. Le contraire est aussi juste : Si le contrevenant se montre assez coopérant et
manifeste son dévouement en traitant avec l’autorité de la concurrence, il pourra se voir mieux
repensé par rapport à d’autres qui le se sont montrés moins.

Quoi qu’il en soit, l’aloi de la négociation dans le cadre de ces desdites procédures ne peut
aller au-delà de deux situations : des procédures négociées pouvant aboutir à une exonération totale
(section 1) et celles pouvant aboutir à une exonération partielle (section 2)

Section 1. Les procédures négociées pouvant aboutir à une exonération totale

Bien évidemment toute l’attractivité de ces procédures vient du fait de se voir bénéficiaire
d’une immunité totale de la sanction encourue rien qu’en négociant avec le conseil et /ou l’autorité
de la concurrence alors qu’on est contrevenant et en plus on plaide coupable, d’ailleurs c’est pour
cette raison notamment qu’elles sont devenues si avenantes.
En effet cette opportunité s’offre pour les contrevenants dans deux cas de figure : la clémence (§1)
et les engagements volontaires (§2).

§1. La Clémence

La procédure de clémence fait partie de ces procédures négociées, une partie maîtresse…et
comment !
Cette procédure traitant la négociation des sanctions encourues en cas d’infraction aux
règles du droit de la concurrence jusqu’à l’exonération totale.

6
Aussi étrange que cela puisse paraître, la « clémence » des autorités chargées de faire
respecter le droit de la concurrence peut aider à lutter contre les violations les plus graves et
flagrantes de la législation et/ou réglementation en vigueur en la matière.
En effet, la plupart des autorités de la concurrence ont adopté cette procédure, qui selon les
modèles, offrent l’immunité totale ou une réduction des amendes qui, sinon auraient été infligées
au participant à une entente illicite, en échange de la divulgation librement consentie, avant ou
pendant la phase d’enquête, d’éléments de preuves relatifs à l’entente présumée répondant à des
critères précis10.

La clémence correspond alors à la rémunération d’une entreprise (ou d’une personne


physique) avouant sa participation à un cartel avant ou pendant une investigation11.

Dès lors, il est usuel de parler de politique de carotte et du bâton, les programmes de
clémence étant caractérisés par la mansuétude au profit de ceux qui dénoncent la pratique illicite
et l’application de sanctions sévères vis-à-vis des personnes dénoncées.

Indéniablement, cette procédure connait un réel succès dans la plupart des systèmes dans
lesquels elle est introduite, La question se pose notamment sur la situation de la clémence comme
procédure négociée en droit algérien ?!
Nous allons étudier cette procédure en deux temps, le premier touchera à sa mise en œuvre
(A) et le second à son attractivité (B).

A. La mise en œuvre de la procédure

Il sera traité de l’application de la clémence encadrée par le droit de la concurrence, et ce à


travers sa situation tout d’abord là où ce type de procédures existe effectivement.
Il était nécessaire de passer par les droits français et communautaire(1) lesquels constituent
une partie maîtresse dans cette étude, ensuite de soulever le cas du droit algérien (2) là où cette
procédure fait a priori défaut.

10
Programme modèle du REC en matière de clémence, note de bas de page1, consultable sur le site internet
http://ec.europa.eu/competition/ecn/model_leniency_fr.pdf. Une quarantaine de pays dispose de programmes de
clémence répartis sur quatre continents.
11
A. VIAFLONT, « Engagements et clémence en droit de la concurrence », 2008, p. 1, consultable sur le site Internet
www.ssrn.com.

7
1. Champs d’application et déroulement de la procédure en droits
communautaire et français

Appliquée en droit communautaire depuis 199612 en s'inspirant de l'expérience


américaine13, avant d'être reformée en 200214, puis en 200615 et récemment en 201516, alors qu'en
France c'est la loi NRE (loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001) qui a mis
en évidence ses grandes lignes, figurant après codification dans les articles L. 464-2 et R. 464-5
du code de commerce français.
En s'accentuant sur la procédure aux regards des droits français et communautaire,
d’emblée son appellation reflète amplement et paradoxalement son effet de grâce, à titre liminaire,
le vocable «clémence » vise tant les exonérations totales de sanctions pécuniaires, que les
exonérations partielles ou réductions d’amendes.
On peut signaler quand même, que le terme « programme de clémence » a été employé
pour la première fois dans la communication de la commission de 2006 au point 6 17, par contre il
est régulièrement employé dans les décisions de la commission et même sur son site, bien
évidemment le terme français « programme de clémence » n’est qu’une traduction du terme
anglais « leniency program » employé déjà par la commission.
Cette procédure alternative se relate directement à la violation la plus grave des règles de
la concurrence, puisqu’elle concerne les ententes, injustifiables, prohibées, nuisant par nature au
libre jeu de la concurrence, dans la mesure où elles ont généralement pour objet ou pour effet -
entre autres- de fixer les prix de restreindre la production ou de cloisonner le marché.

12
La communication de la commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans
des affaires portant sur des ententes, JOCE C 207 du 18 Juil. 1996, p.4.
13
Appliquée aux Etats unis depuis 1978 après la création de la politique de clémence américaine (US Leniency
Program). Redéfinie et étendue en 1993 et en 2004.
14
La deuxième communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur
les ententes, JOCE C. 45 du 19 Fév.2002.
15
La troisième communication sur l'immunité d'amendes et la réduction d'amendes portant sur les ententes, JOCE C.
298 du 8 Déc.2006
16
La quatrième communication sur l'immunité d'amendes et la réduction d'amendes portant sur les ententes, JOCE C.
256 du 5 aout. 2015
17
« Outre qu’elles peuvent lui remettre des documents préexistants, les entreprises peuvent spontanément faire une
soumission à la commission de ce qu’elles savent d’une entente, aussi que de leur rôle dans cette entente, soumission
qu’est spécialement destinée à être faite dans le cadre de ce programme de clémence »

8
De ce fait : les ententes illicites en termes de pratiques anticoncurrentielles de la
concurrence18, représentant des actions concertées entre plusieurs entreprises et qui s’avèrent
difficiles à détecter, à réprimer et/ou à cerner par les autorités de concurrence engendrant surtout
d’importants coûts d’instruction.
Ce genre de pratiques touche assurément à l’économie au détriment de la collectivité.
La procédure de clémence fait irruption quand l’une des entreprises appartenant au cartel décide
de rompre le silence, en apportant des informations plus ou moins cruciales19 avec des preuves
concrètes et/ou utiles selon la propre appréciation des autorités de concurrence et ce pour leur
permettre de cibler au plus près les pratiques les plus dommageables et conclure à bien leurs
enquêtes voire leurs conquêtes.
Toutefois cette procédure de renommée grandissante offre une toute autre voie aux
entreprises impliquées dans ce type d’infractions, une voie qui permet d’éviter la sanction de plein
droit et jusqu’à l’exonération totale.
L’unique moyen pour y accéder c’est de participer volontairement à une sorte de course
dont le vainqueur est le premier à dénoncer.
En l'occurrence la récompense sera selon le cas, représentée comme une alternative par rapport à
l’immunité totale d’amende, ou alors accessoire par rapport à la réduction d’amende.
Cette procédure s’adapte exclusivement aux ententes où elle y trouve son assiette.
En effet les ententes prohibées sont considérées comme pratiques restrictives de la concurrence
en s’appuyant sur le législateur algérien, tandis que son homologue français adopte la division du
droit de la concurrence en deux branches distinguant surtout le droit des pratiques
anticoncurrentielles20 qui regroupe les ententes et les abus de position dominante ; du droit des
pratiques restrictives de la concurrence qui de son coté, regroupe les pratiques discriminatoires ou
de prix imposés, les refus de ventes, les ventes liées …etc.
Or les inquiétudes cristallisées par ces ententes se manifestent certainement par le
contentieux dont elles font l’objet : à la fois abondant, controversé, conquérant, exaspérant et j’en

18
Art 6 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée relative à la loi de la concurrence.
19
P. Lowe, La lutte contre les cartels et la politique de concurrence, Forum de concurrence, 28 avril 2006,
Concurrences no 3-2006, p. 2.
20
Art L. 420-1 du Code de commerce français.

9
passe et des meilleurs : un tout qui fait que l’intervention des autorités régulatrices inspire
nettement la défiance21
La complexité, la diversité et des fois l’informalité de ce type d'accords de volonté explicite
ou tacite entre entités dites entreprises22, pèse sûrement sur la perte de l’indépendance de leurs
comportements respectifs sur le marché, visant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal
de la concurrence.
Par ailleurs les ententes prohibées peuvent revêtir de certaines formes notamment :
Ententes horizontales telles que des pratiques concertées visant à exclure certaines entreprises d’un
marché ou à en limiter l’accès, les regroupements d’entreprises, les entreprises communes et les
ententes verticales.
À cet égard, le Conseil de la concurrence français a indiqué clairement dans un
communiqué de procédure en date du 11 avril 2006 sur le programme de clémence français que :
« Les infractions concernées sont, en principe, les ententes ou cartels entre entreprises consistant
notamment à fixer des prix, des quotas de production ou de vente et à répartir les marchés, y
compris lors d’appels d’offres, ou tout autre comportement anticoncurrentiel similaire entre
concurrents. Ces infractions relèvent toutes des prévisions de l’article L. 420-1 du Code de
commerce et, le cas échéant, de l’article 81 du traité CE. ».
La Clémence permet donc aux autorités nationales de concurrence de détecter, de faire
cesser et de réprimer plus facilement ces pratiques prohibées, en contrepartie les entreprises qui
prennent l’initiative de dénoncer et de coopérer auront au moins la garantie d’un traitement
favorable du dossier ouvert à leur encontre.

1. 1. La procédure de clémence en droit communautaire

Introduite par la communication de la commission concernant la non-imposition d'amendes


ou la réduction de leur montant dans des affaires portant sur des ententes 23, la procédure se voit
plus explicite par rapport au droit français.

21
Emmanuelle Claudel, Ententes anticoncurrentielles et droit des contrats, thèse pour le doctorat Université de Paris
X-Nanterre U.F.R. de Sciences juridiques, administratives et politiques, 1994, p.4.
22
Mustapha Menouer, intervention lors du séminaire national relatif aux « réseaux de distribution » du 24 Octobre
2011 organisé par le laboratoire Droit économique et environnement, Université d’Oran.
23
JOCE C 207 du 18 Juil. 1996, p.4.

10
La deuxième communication (sur l'immunité d'amendes et la réduction d'amendes portant
sur les ententes)24 a comblé certaines lacunes de la première notamment, les conditions nécessaires
à l'efficacité de la procédure sont d'une part une connaissance claire et prévisible des étapes de la
procédure et d'autre part une correspondance étroite entre le montant de la réduction d'amendes et
la coopération des entreprises.
Les conditions d'obtention d'une immunité totale ou partielle d'amendes sont clairement
définies : L'immunité totale est obtenue par le cumul de quatre (04) conditions réunies à savoir :
- Etre la première entreprise à apporter des informations sur une entente secrète pouvant donner
lieu à une enquête de la commission européenne ou à l'établissement d'une infraction.
- Apporter une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure.
- S'engager à arrêter toute participation à l'activité illégale présumée.
- Ne pas avoir forcé d'autres entreprises à participer à l'entente. Autrement dit, qu’elle n’ait pas la
qualité d’instigateur ou de meneur de l’entente.25
Or L'immunité partielle, qui n’est ouverte qu’aux entreprises qui n’auraient pas rempli les
conditions prévues pour l’immunité totale, cette voie-ci est obtenue par le cumul de deux (02)
conditions réunies à savoir,
- Fournir des preuves complémentaires et pertinentes ; la communication évoque "la valeur ajoutée
significative" ce qui donne lieu à une certaine interprétation.
- S'engager à arrêter toute participation à l'activité illégale présumée.
En appliquant la règle de "premier arrivé premier servi" tant à l'immunité totale que
partielle, la communication communautaire adopte un barème déterminant la réduction d'amendes
: lorsque les deux conditions sont réunies la réduction se manifeste par ordre de classement à savoir
la première entreprise à remplir les conditions ci-dessus énoncées, peut prétendre une réduction
comprise entre 30% et 50%, la deuxième entre 20% et 30% et la troisième une réduction maximale
de 20%.
En effet, concernant les étapes nécessaires à l’accomplissement de la procédure visant que
ce soit une immunité totale ou partielle, la communication de 2002 les a clairement précisées :
- La commission invite les entreprises à prendre contact avec la direction générale de la
concurrence de la commission européenne.

24
JOCE C 45 du 19 Fév.2002, p.3.
25
ARCELIN.L., Droit de la concurrence les pratiques anticoncurrentielles en droit interne et communautaire, Presses
universitaires de Rennes, 2009, p.158.

11
- L'entreprise si elle entre dans les conditions de l'immunité d'amendes devra aux choix, fournir
tous les éléments de preuves dont elle dispose ou une liste de preuves hypothétiques.
- La direction générale de la concurrence de la commission européenne accuse réception de la
demande d'immunité, ce qui permet de prendre date.
-Enfin la commission accorde par écrit à l'entreprise une immunité conditionnelle d'amendes.
Ces précisions adoptées par la communication de 2002 ont permis de proposer aux entreprises
intéressées une sécurité juridique accrue liée principalement à l'obtention de l'immunité et au
déroulement de la procédure.

Ensuite, c’était le tour de La Communication de la Commission sur l’immunité d’amendes


et la réduction de leur montant dans les affaires portent sur des ententes 2006/C 298/11, qui s’est
donnée de la peine pour clarifier encore la procédure, en se spécifiant surtout en matière de
transparence, et des renseignements qu’une entreprise candidate doit fournir à la Commission pour
bénéficier de l’immunité ou d’une réduction des amendes.
Mais surtout il est question de la protection des déclarations faites par ce genre
d’entreprises contre leur divulgation dans des actions civiles en dommages et intérêts.

Cette succession de communications communautaires a donné lieu à L'alignement des


programmes de clémence sur un seul modèle créant ainsi un mécanisme de «guichet unique» : Et
ce Afin de faciliter l'introduction de demandes de clémence par les entreprises impliquées dans
des ententes transfrontalières.

L’objectif était d’éviter que des entreprises ne se laissent décourager par des procédures
complexes et diverses.

La nouvelle communication de la Commission sur la clémence suit le programme modèle


du REC (Réseau Européen de Concurrence).

Même si les autorités américaines sont les pionnières en matière de Clémence, mais il faut
tout de même reconnaitre que certaines autorités de concurrence européennes ont su et/ou pu en
tirer profit en arrivant à adopter le programme modèle.

Celui-ci s’appuie sur certains points26 néanmoins fondamentaux : en abordant d’abord la


clarté des textes en la matière, tout en cernant la libre appréciation laissée aux autorités qui se

26
Jean-Christophe RODA, « Programme de clémence en droits interne et européen de la concurrence : états des lieux
et perspectives » ", Les Dossiers de la RIDE, Editions De Boeck Université, Bruxelles, 2011, pp.148-149.

12
veulent « publiquement » être clémentes, en passant par l’attractivité de la récompense afférente
au programme de clémence.
De ce fait les autorités européennes ont frappé juste, en criant l’immunité totale d’amende
à la première entreprise dénonciatrice, même s’agissant d’un cartel de langue durée ou d’un cas de
récidive27, ce qui rend le système adopté nettement efficace, sans négliger que le risque de sanction
doit être forcément élevé en employant les meilleurs moyens d’investigation28.
On peut facilement qualifier la création d’un programme modèle de clémence, comme le
croisement logique du droit communautaire et du droit français en matière de contrôle commun de
la procédure de clémence.
Les autorités de concurrence européennes réunies au sein du réseau européen de
concurrence (REC) ont adopté un programme modèle de clémence, concernant les cartels secrets
, et notamment les accords et/ou pratiques concertées entre deux ou plusieurs concurrents visant à
restreindre la concurrence en fixant des prix d'achat ou de vente, en attribuant des quotas de
production ou de vente ou en partageant des marchés notamment en matière de marchés publics ,
par des soumissions concertées .
En effet, en l’absence de cette cohérence, la clémence accordée par une autorité de
concurrence d’un Etat membre, ne garantira pas forcement l’entreprise d’autres condamnations
éventuelles prononcées par d’autres autorités de concurrence.
Le programme commun vise donc à éviter que les entreprises qui pourraient demander la
clémence ne seront dissuadées de le faire en raison des divergences entre les programmes de
clémence existant au sein du REC.
Ce programme établit alors le traitement auquel l’entreprise qui sollicite la clémence peut
s’attendre de la part de toute autorité membre du REC, une fois que tous les programmes seront
alignés sur le modèle.

27
Comm. CE, décision du 5 décembre 2007, caoutchouc chloroprène, http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2008:251:0011:0013:FR:PDF.
28
Voir le tableau des sanctions infligées par la Commission en matière de cartel,
http://ec.europa.eu/competition/cartels/statistics/statistics.pdf.

13
1. 2. La procédure de clémence en droit français

La particularité du programme français tient au fait qu'il trouve son origine dans les
dispositions législatives29, tandis que de nombreux autres Etats, l'introduction de la clémence
résulte de l'adoption par les autorités de lignes directrices ou de communications.
La loi a donc fixé en France le cadre général, il revient à l'autorité de la concurrence d'en
préciser le contenu.
La procédure bien qu'elle est déjà nommée, et a priori facile à saisir à travers les textes de
loi ainsi qu'aux communiqués de l'autorité de la concurrence, une autorité qui reste à la fois active30
et imposante.
En effet il suffit que l'entreprise qui participe (ou a participé) à une entente prohibée,
dénonce de son plein gré cette pratique.
Elle devra alors apporter des informations nouvelles, voire méconnaissables par l'autorité
de la concurrence.
En outre et en vertu des dispositions du communiqué de la procédure du 02 mars 2009,
cette dénonciation prend la forme d’une demande de clémence.
En dépit de cette demande formalisée, l’autorité de concurrence ne se contente pas d’un
simple dépôt d’une telle demande à son niveau, mais encore l’entreprise doit faire preuve de
coopération : Puisqu’elle est obligée de coopérer « à bien » tout au long de la période séparant ce
dépôt et la tenue de la séance du collège.
Et ce notamment en passant par les différentes étapes de la phase préliminaire d’enquête et
de la procédure d’instruction.
Cette coopération est définie par l’autorité de concurrence en tenant compte des
caractéristiques : véritable, totale, permanente et rapide.31
Peut-être la difficulté se manifeste au déroulement de la procédure : Il n'y a pas une forme
précise pour cette première étape la révélation de l'entente se fait par une demande de clémence
orale ou écrite adressée au rapporteur général, suivie par un avis de clémence déterminant les

29
Christophe LEMAIRE, "Les politiques de clémence en Europe", concurrences n°3, 2005, p. 19.
30
On peut soulever que L'Autorité de la concurrence française en ce qui concerne la révision du communiqué de
procédure de clémence du 27 février 2015 a lancé une consultation publique à cette occasion. Elle a invité les
entreprises et les professionnels du droit de la concurrence à lui faire part de leurs observations
avant le 20 mars 2015. Disponible sur : http://www.autoritedelaconcurrence.fr
31
Définition de la notion de coopération à l’occasion de la décision de l’autorité n°11-D-17 du 08 décembre 2011
concernant l’affaires des lessives.

14
conditions auxquelles est subordonnée l'exonération envisagée et qui se fait après la présentation
des observations du commissaire du gouvernement et de l'entreprise concernée.
Ensuite c'est au tour de l'étape de la transmission du même avis au ministre et à l'entreprise
concernée et ce dans la discrétion absolue puisque le principe de la confidentialité est pleinement
garanti.
Toute la procédure est affranchie du principe de contradictoire : Ainsi une entreprise
sanctionnée ne peut pas obtenir la communication du rapport d’instruction ou du procès-verbal de
la séance de l’autorité ayant adopté l’avis32.
Toutes fois il faut signaler que depuis septembre 2011 l'autorité de la concurrence s'est
dotée à l'instar de ses homologues néerlandaise et allemande, d'un conseiller clémence chargé
exclusivement de la procédure étant expert dans la matière, il renseigne les entreprises, participe
aux auditions des entreprises, apporte un appui technique aux rapporteurs en charge d'un dossier
de clémence, il coopère également avec les autres autorités de concurrence concernées par des
demandes multiples.
En effet le texte à valeur législative qui gère cette procédure est court et nettement peu
précis, puisqu'il n'évoque ni la quantité, ni la qualité des informations fournies par l'entreprise
concernée, ni encore les différentes phases de la procédure concernant tant les délais que les
conditions de lancement d'une enquête des autorités, de l'adoption de l'avis de clémence ou de la
décision au fond.

2. Le cas du droit algérien : L’autre procédure !

Il semble que le législateur algérien n'a vraiment pas pris part de la procédure de clémence
à travers son ordonnance 03-03 modifiée et complétée relative à la concurrence33.
Puisqu’il n'existe qu'un seul et unique article (l’article 60) qui fait référence aux traits d’une
procédure négociée adoptée, mais on n’y trouve pas les repères de cette procédure.
D’emblée en termes de récompense, cet article évoque toute l’attractivité d’une clémence
en stipulant surtout la réduction du montant de l’amende jusqu’à l’exonération totale, mais ce n’est
qu’illusion.

32
CA Paris, 24 Avr. 2007 : Contrats, conc, consom., 2007, comm. n°155, obs. G. Decocq.
33
L'ordonnance 03-03 relative à la concurrence, JORADP n°46 du 20 Sep. 2003 (modifiée et complétée par les lois
n° 08-12, JORADP n°36 du 02 Juil. 2008. Et n°10-05, JORADP n°46 du 18 Aout. 2010).

15
En effet, la récompense ne constitue nullement la procédure de clémence, elle n’en est que
pour son effet.
En tout cas, la procédure de clémence est une création propre au droit américain, traduite
en droit communautaire et reprise notamment par le droit français, et elle comporte des conditions
bien déterminées au détriment de la récompense.
Or les conditions spécifiques à cette procédure en question font défaut dans les dispositions
de l’article algérien susmentionné : Notamment celle de la demande formelle y afférente qui
s’effectue par l’entreprise concernée avant toute ouverture d’une enquête par le conseil de la
concurrence34.
De même en ce qui concerne l'accord d'association de l'Algérie avec l'Union Européenne35,
il ressort rien que de la lecture du chapitre 2 sous l’intitulé de "Concurrence et autres dispositions
économiques", la négligence absolue des procédures alternatives ou négociées y compris celle de
la clémence.
Il est à signaler que la direction de la concurrence du ministère du commerce algérien ne
partage pas vraiment cet avis : Puisque non seulement elle écarte les conditions spécifiques y
afférentes, en négligeant principalement que l’article 60 de l’ordonnance 03-03 modifiée et
complétée fait référence à la phase contentieuse donc l’instruction et bel et bien déclenchée, mais
encore elle admet l’adoption de la procédure de clémence sur la pratique de l’abus de position
dominante36, alors que la procédure -dans son intégralité- s’adapte exclusivement aux ententes
prohibées !!
En effet, les cartels constituent effectivement la seule pratique anticoncurrentielle (ou
restrictive de la concurrence en se référant au droit algérien) éligible à cette procédure.

34
Art 60 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée stipule clairement que l’instruction est déjà lancée par le
conseil de la concurrence et ne fait aucune allusion ni à le demande de clémence faite au préalable par l’entreprise
dénonciatrice, ni à l’avis de clémence émis par le conseil de la concurrence : « le conseil de la concurrence peut décider
de réduire le montant de l’amende ou ne pas prononcer d’amende contre les entreprises qui, au cours de l’instruction
de l’affaire les concernant, reconnaissent les infractions qui leurs sont reprochées, collaborent à l’accélération
de celle-ci et s’engagent à ne plus commettre d’infractions liées à l’application des dispositions de la présente
ordonnance … »
35
Accord méditerranéen établissant une association entre la république algérienne démocratique et populaire d'une
part et la communauté européenne et ses Etats membres d'autre part, Signé à Valence en Avril 2002, entré en vigueur
le 1er septembre 2005, disponible sur:
http://eeas.europa.eu/delegations/algeria/documents/eu_algeria/accord_association_new_fr.pdf
36
R. Boukroufa, « L’abus de position dominante en droit algérien de la concurrence, définition, analyse et approche
méthodologique », communication faite à l’occasion de l’atelier thématique du conseil de la concurrence-programme
d’appui à l’accord d’association P3A, Alger, 22 mai 2013.
Disponible sur : http://www.mincommerce.gov.dz/fichiers13/semi220513.pdf

16
On ne peut même pas évoquer le concept de l’abus de position dominante collective37 ou
conjointe38, quant aux accords liés à la détention d’une position dominante collective, puisque le
législateur algérien ne reconnait que la position dominante individuelle39, et de ce fait la procédure
est complètement inadaptée aux pratiques unilatérales d’une entreprise en position dominante40.
En revanche même si la doctrine française - sur le plan théorique - ouvre une brèche sur
cette hypothèse, Il est difficile, voire impossible qu’une entreprise soit en mesure de rapporter la
preuve de l’existence d’un abus de position dominante collective avant d’effectuer une enquête,
puisque de ce fait elle doit d’abord prouver l’existence d’une réelle position dominante collective,
ensuite prouver l’exploitation abusive de cette même position, ce qui rend -pratiquement- cette
hypothèse inconcevable41.
Toutefois si on se rapporte aux dispositions des communications communautaires
successives relatives à la procédure de clémence de 2002 et 2006, on mettra sans doute l’accent
sur la possibilité d’obtenir l’immunité espérée par les entreprises fautives même après le
déclenchement d’enquête.42
Et ce notamment dans le point 8 de la communication de 2006 où elle stipule que : « La
Commission exemptera une entreprise qui révèle sa participation à une entente présumée
affectant la Communauté de l'amende qui, à défaut, lui aurait été infligée si elle est la première à

37
V. en ce sens L.IDOT, Les limites et le contrôle de la concurrence dans la perspective d'une harmonisation
internationale, in Revue internationale de droit comparé. Vol.54.n°2, Avril-Juin2002. p.388. S. CRISTIN-
BELMONT, Essai sur la position dominante collective en droit communautaire, th. Lyon 3, Presses universitaires
Septentrion, 1999.
38
Selon certains auteurs, il existerait une nuance terminologique entre les deux notions : La position dominante
collective renvoie à une situation de groupe de sociétés tandis que la position dominante conjointe à celle détenue par
plusieurs entreprises sans liens financiers et politiques (J. B. BLAISE, « Une construction inachevée, le droit français
des ententes et positions dominantes », Etudes R. Roblot, LGDJ, 1984, p. 170) ; pour C. BOLZE, la position
dominante conjointe est liée à un comportement imposé (« Le marché commun face aux trusts », Etude comparative
sur les groupes de sociétés et le droit de la concurrence dans la CEE, publ. Univ. Nancy II, 1981, p. 184, n 338).
39
Art 3 dans son point ( C ) de l’ordonnance 03-03 relative à la concurrence, modifiée et complétée : « il est entendu
au sens de la présente ordonnance par … C) La position dominante : la position permettant à une entreprise de détenir,
sur le marché en cause, une position de puissance économique qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien
d’une concurrence effective, en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure
appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients ou de ses fournisseurs . »
40
Toufik MOKEDDEM, « Le traitement des pratiques restrictives de la concurrence –l’abus de position dominante
dans les télécommunications -. », mémoire de magistère, Faculté de droit, Université d’Oran, 2012. p. 225.
41
Olivier GUERSENT, Intervention lors d'un débat concernant "La pratique et les programmes de clémence et de
transaction", colloque sur "Clémence et transaction en matière de concurrence, premières expériences et interrogations
de la pratique", sous la présidence de Marco DARMON .Paris ,25/01/2005.p.60, disponible sur :

Disponible sur :http://www.creda.ccip.fr/colloques/pdf/2005-clemence-transaction/actes-clemence.pdf


42
Massimo MOTTA et Michele POLO, « Leniency programs and cartel prosecution », International Journal of
Industrial organization, n°21, 2003

17
fournir des renseignements et des éléments de preuve qui, de l'avis de la Commission, lui
permettront:
(a) d'effectuer une inspection ciblée en rapport avec l'entente présumée [3]; ou
(b) de constater une infraction à l'article 81 CE en rapport avec l'entente présumée. »
De même dans le point 08 de la communication de 2002 stipulant : « La Commission exemptera
une entreprise de toute amende qu'elle aurait à défaut dû acquitter :
a) lorsque l'entreprise est la première à fournir des éléments de preuve qui, de l'avis de la
Commission, sont de nature à lui permettre d'adopter une décision ordonnant des vérifications en
vertu de l'article 14, paragraphe 3, du règlement 17(2), concernant une entente présumée affectant
la Communauté, ou
b) lorsque l'entreprise est la première à fournir des éléments de preuve qui, de l'avis de la
Commission, sont de nature à lui permettre de constater une infraction à l'article 81 du traité
CE(3) en rapport avec une entente présumée affectant la Communauté. »
On peut toujours prôner que le point 08(b) fait déjà allusion à une ouverture d’une enquête
par rapport au point 08(a), à cet égard peut être on peut déduire que la commission rend possible
cette immunité si l’enquête -déjà ouverte- n’a pas permis d’établir une infraction à l’article 81.
Mais la pratique préfère et/ou veut que la dénonciation se fait avant l’enquête voire avant la phase
d’instruction, et là il s’agit bel et bien d’une enquête qui aboutira sans doute à constater l’infraction,
voire à mettre en œuvre une certaine vérification, par rapport à une enquête préliminaire « quasi-
judiciaire » déjà lancée par l’autorité.
Cette enquête reste tout de même assez perplexe vis-à-vis la constatation de cette infraction
présumée, et qui s’avère certainement une rude tâche pour l’autorité de la concurrence.
A cet égard on peut mettre la lumière sur le lien de causalité entre la dénonciation par le biais d’une
demande formelle d’immunité et le déclenchement d’une enquête proprement dite pour subvenir
aux besoins d’une procédure de clémence.
Or Le gel de l'exercice du conseil de la concurrence algérien depuis plus d’une décennie
(de 2003 à 2013) avait sûrement un impact négatif vis à vis l’insertion de cette procédure.
Et même si l'ordonnance relative à la concurrence algérienne s'est vue modifiée et complétée à
deux reprises en 2008 et 2010, la pratique presque inexistante d'un conseil de concurrence bel et
bien "absent" ne serait à même d'établir un contact direct avec les besoins d'un marché
concurrentiel proprement dit, voire sollicité.
Enfin il est tout de même utile de comprendre l’étendu d’une procédure négociée telle que
la clémence et son impact d’arriver à une enceinte concurrentielle saine.

18
Nous allons essayer d’élaborer ceci en deux points, le premier concerne la procédure et ses
travers, le second concerne plutôt l’histoire de cette procédure avenante.
Concernant le premier point de la procédure et ses travers : En effet en partant du risque de se voir
forcement susceptible à des graves sanctions incite les entreprises à se manifester et à demander à
bénéficier de clémence. Tout dépend alors de la nette promesse et sans équivoque de l’amnistie à
la première entreprise qui se manifeste.
À cet égard, le couple « sanction pécuniaire / clémence » s’articule naturellement, la
sévérité des sanctions rend plus attractive la possibilité d’en être exonéré en cas d’une dénonciation
d’un cartel.
Dans ce contexte il faut s’accentuer sur la coopération permanente de l’entreprise
informatrice au cours de l’enquête qui s’avère indispensable pour qu’elle puisse bénéficier de cette
clémence.
Aussi la garantie d’une stricte confidentialité pour protéger les informateurs et leurs
informations.
Une fois que tous ces éléments précédant sont réunis dans une même procédure dès lors on
peut prétendre à l’efficacité d’une telle procédure.
On peut en récapituler que la procédure applicable à l’examen d’une demande de clémence peut
schématiquement être répartie en trois temps : l’approche des autorités de concurrence,
l’instruction de la demande et l’adoption de l’avis de clémence.
Quant au second point qui concerne plutôt l’histoire de cette procédure : Bien évidemment,
Les programmes communautaires de clémence successifs témoignent d’une recherche croissante
d’efficacité.
De même en ce qui concerne le droit français et à l’instar des règles de fond, les règles de
mise en œuvre de la procédure de clémence ont d’abord été fixées par la loi, et ont ensuite été
précisées par la pratique décisionnelle de l’autorité de concurrence et le programme de clémence
clarifié par le communiqué de procédure de 2006 révisé en 2009 et récemment en 2015.
D’ailleurs en cherchant toujours l’efficacité d’une telle procédure selon les besoins d’un
marché français bel et bien sain, le législateur français a adopté le 06 aout 2016, une loi pour la
croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « la loi Macron »43, qui vient
simplifier encore cette procédure, en permettant à une entreprise dénonçant à l’autorité de la
concurrence un cartel à lequel elle a participé de bénéficier d’une exonération totale ou partielle

43
Loi n° 2015-990 du 6 aout 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°0181
du 7 aout 2015

19
de la sanction encourue, et ceci en statuant sans établissement préalable d’un rapport, à l’issue
simplement d’une audition du commissaire du gouvernement et de l’entreprise concernée44.
Enfin nous pouvons en conclure quand même l’origine de la non introduction et/ ou non
insertion de cette procédure en droit algérien malgré son importance primordiale en matière de
démantèlement des cartels, puisque tout simplement, une telle procédure s’impose logiquement
par la pratique qui ne cesse de développer au fur et à mesure de toute la conjoncture qui l’entoure.
Or ce qui n’est pas le cas du tout pour le conseil de la concurrence algérien qui est resté
statique pendant plus d’une décennie sans activité et qui cherche encore à s’imposer comme une
effective autorité indépendante.

B. L’attractivité de la procédure

Nous avons estimé que cette attractivité se répercute notamment sur deux points de droit :
son intérêt (1) et la situation de la négociation dedans (2).

1. L’intérêt de la procédure

Si le législateur peut parfois faire preuve de véritable bonté45, la clémence octroyée par les
autorités de concurrence en ce qui concerne les ententes prohibées, c’est en rien la marque de
quelconque bienveillance de leur part.
Peut-être en parlant de bonne foi, et dans le cadre d’une approche à la fois normative et
idéaliste on peut évoquer une certaine perplexité en s’interrogeant sur la dénonciation elle-même
: Comment une entreprise peut-elle être dissoute par le fait de dénoncer ses complices ?!
D’emblée, ce comportement n’est pas à l’honneur de celui qui le fait !… mais il faut
reconnaitre à travers les droits communautaire et français, qu’il ne s’agit pas de morale
« évangélique » dont il est question, bien au contraire, c’est l’adoption de la séparation nécessaire
entre ce qui relève de la science et ce qui relève de la morale46 qui est du jeu.

44
Art 218 de la loi Macron précitée, Art. 464-2 IV modifié du code de commerce français
45
G. Cornu, « La bonté du législateur », RTD civ. avr-juin 1991, p.283 et s.
46
H. Denis, Histoire de la pensée économique, PUF, Coll. Quadrige, 1999. p. 489.

20
D’ailleurs même en morale il y a une part de l’idéal qui est souhaitable sans être
obligatoire47.
La lutte contre ces ententes considérées par excellence nuisibles à l’intérêt général, au point
de les classer parmi les cancers économiques les plus fâcheux48, constitue en effet une des priorités
de l'autorité de la concurrence.
En effet faire partie d'une entente occulte permet de maintenir ou d'accroitre son pouvoir
de marché de manière artificielle, au lieu d'y parvenir grâce à ses mérites.
Et ce notamment en aboutissant invariablement à une hausse des prix au détriment des
consommateurs et plus largement la compétitivité de l’économie dans son ensemble.
Nous avons constaté que l’attractivité de toute cette procédure repose notamment sur l’intérêt d’y
est procédé, ceci varie selon le point de vue de l’autorité de la concurrence et / ou celui du
contrevenant :

1. 1. Du point de vue des autorités de la concurrence

Du côté des autorités de concurrence, les avantages sont nombreux. Dans un contexte de
raréfaction des ressources et d’asymétrie d’informations49, ces procédures permettent des
économies de procédure non négligeables.

Nous avons essayé de toucher aux vertus de cette procédure en distinguant dans la mesure
du possible, celles partagées avec les autres procédures négociées et celles qui lui sont spécifiques.

47
A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, Coll. Quadrige, p.690
48
Joël MONEGER, intervention lors du débat sur « Le contentieux de la concurrence, archétype du processus
d’harmonisation », http://www.creda.ccip.fr

49
V. Flochel : “(…) les autorités de concurrence sont soumises à trois contraintes fortes. D’une part, elles disposent
de ressources limitées qu’elles doivent allouer de la meilleure façon possible. D’autre part, les entreprises possèdent
des informations privées sur leur coût, sur les conditions de la demande et sur la façon dont elles pratiquent la
concurrence [et] il est coûteux pour l’autorité de concurrence de lui faire révéler ces informations. Par ailleurs, les
procédures contentieuses nécessitent des délais d’instruction qui dans certains cas peuvent être incompatibles avec
le rythme économique des entreprises. Enfin, dans le cas où une pratique anticoncurrentielle est prouvée, les
instruments et remèdes dont dispose une autorité de concurrence sont limités”, in De nouvelles pratiques pour les
autorités de concurrence : les programmes de clémence (in Politique de concurrence, Rapport de D. Encaoua et R.
Guesnerie pour le Conseil d’analyse économique, La documentation française, p. 247, 2006).

21
1. 1. 1. Les vertus partagées avec les autres procédures négociées

- La réduction de la charge probatoire 50 :

Parmi les vertus communes à toutes les procédures étudiées, on peut en premier lieu citer
le fait qu’elles permettent de réduire la charge probatoire qui pèse assurément sur les autorités de
concurrence.

C’est d’évidence pour les déclarations des demandeurs de clémence51, qui aboutissent à
quasiment apporter la preuve « sur un plateau »52, que les demandeurs soient de premier rang ou
de rangs inférieurs.

En effet si les déclarations du premier demandeur sont déterminantes, celles des autres
n’intéresseront l’autorité de concurrence que si elles apportent une “valeur ajoutée significative”
à celles qui les ont précédées53.

50
Pour une étude récente des outils de détection, leurs lacunes et les moyens de les améliorer, v. L. Idot, W. E. Kovacic,
C. Fonteijn, Détection des pratiques anticoncurrentielles : Faut-il réformer les outils existants ou introduire de
nouveaux outils ? Clémence, observation des marchés, récompenses financières… (New Frontiers of Antitrust, 21
février 2014, Paris), mai 2014, Concurrences no 2-2014, Art. no 66158.

51
En ce sens, v. J.-C. Roda, pour lequel “[l]’introduction des programmes de clémence en Europe a permis de
contourner la difficulté de preuve des ententes secrètes puisque celle-ci est désormais directement apportée par les
cartellistes”, in Programmes de clémence en droit interne de la concurrence. État des lieux et perspectives, Les
Dossiers de la RIDE 2011, pp. 139-154.

52
La force probante des déclarations faites est bien sûr à accueillir “avec précaution” (v. E. David, L’incidence des
procédures “alternatives” sur (…), article précité). La décision no 10-D-36 du 17 décembre 2010 de l’Autorité illustre
la possibilité de documents falsifiés. Les autorités de concurrence et leurs juges de contrôle considèrent cependant que
“le fait de demander à bénéficier de l’application [de la procédure de clémence] ne crée pas nécessairement une
incitation à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants de l’entente incriminée” (CA
Paris, 19 janvier 2010, Secteur du négoce de produits sidérurgiques). Des déclarations non sincères ou incomplètes
mettent par ailleurs “en danger la possibilité pour [le demandeur] de tirer pleinement bénéfice des dispositions sur la
clémence”. Les juridictions européennes partagent la même analyse : en ce sens, v. TPICE, 16 novembre 2006, aff.
T-120/04, Peroxydis Organicos SA.

53
C’est tantôt la portée géographique de l’entente qui est étendue, tantôt le champ matériel des pratiques, tantôt leur
durée. Chaque demandeur à la clémence contribue ainsi, par les éléments incriminants qu’il ajoute aux précédents, à
aggraver les charges qui pèsent sur la collectivité des cartellistes. Les autorités française et européenne s’accordent
cependant à ne pas faire supporter à l’auteur de ces révélations les conséquences de celles-ci (pt 26.3 de la
communication européenne du 8 décembre 2006 sur la clémence ; pt 22 du communiqué clémence français du 3 avril
2015).

22
La dénonciation ne suffit cependant pas à la preuve, et des perquisitions doivent toujours
être diligentées54.

Une partie de la doctrine souligne d’ailleurs que l’instruction des affaires de clémence
s’avère particulièrement lourde 55 et a justifié la création d’unités spécialisées au sein des autorités
de concurrence56.

- L’accélération des délais de traitement des affaires :

Toutes les procédures dites négociées, permettent en outre d’accélérer le traitement des
affaires, à des degrés divers.

La procédure de clémence de sa part, permet d’accélérer la phase d’enquête57, en ce qu’elle


permet aux autorités de concurrence de savoir où chercher et quoi chercher.

- L’aide au développement d’une culture de la concurrence :

Ces procédures ont encore une vertu commune. En ce que toutes associent l’entreprise au
processus décisionnel, à un stade variable, et qu’elles les incitent pour certaines à rechercher des
solutions efficaces, les procédures alternatives ou accessoires permettent le développement d’une
culture de la concurrence.

54
C’est pourquoi les autorités de concurrence acceptent de cumuler les procédures afin de rendre leur tâche plus facile.
En droit européen, la clémence se marie volontiers avec la transaction au bénéfice éventuel des mêmes parties. En
France, la porte s’est ouverte à un cumul entre la clémence et la non-contestation de griefs dans une même affaire et,
plus étroitement, au bénéfice d’une même partie lorsque le champ des pratiques dénoncées dans le cadre de la
démarche de clémence est plus étroit que le champ des griefs finalement retenus (v. Communiqué de procédure du 12
février 2012, pt 6, ainsi que l’affaire des commodités chimiques, no 13-D-12).
55
L. Idot, Les procédures de clémence en droit de la concurrence, in La clémence et le droit, J.-M. Jude (dir.),
Université du Havre, Economica, Paris, 2011, pp. 105-130.

56
Une unité anticartel a été créée en 2001 en droit européen et un conseiller clémence a été créé en France en 2011.

57
Ce trait s’accuse évidemment lorsque la clémence se double d’une procédure de transaction ou de non-contestation
de griefs.

23
1. 1. 2. Les vertus propres à la procédure de clémence

Cette procédure en particulier prime par rapport aux autres, notamment quant à sa vertu
d’outil de détection des cartels secrets.

En effet la clémence facilite la détection des cartels, ceux-ci étant généralement très bien
dissimulés58.

Malgré la vigueur des mécanismes d’investigation, la dénonciation peut s’avérer plus


efficace que les enquêtes59.

Il a ainsi été relevé que, depuis 2002, deux tiers des cartels punis par la Commission
européenne ont été détectés grâce aux programmes de clémence 60 et que le nombre de cartels
détectés et punis par an avait considérablement augmenté61.

En outre, cette procédure a comme autre avantage déterminant, c’est celui, de déstabiliser
les cartels en laissant planer le risque de la dénonciation. C’est pourquoi cet outil est qualifié de
“crucial”.

En effet, la clémence est principalement utilisée comme un instrument de détection et


d'investigation, tout en réduisant sensiblement le cout du traitement des affaires de cartels.
Et ce à travers cette rupture du silence tentée par l'une des entreprises impliquées en se
signalant clairement voire concrètement aux autorités compétentes.

58
V. OCDE 2001, Du recours à la clémence pour réprimer les ententes injustifiables : “(…) l’une des difficultés de la
lutte contre les ententes injustifiables est de lever la chape de silence qui les recouvre.”

59
A. Tercinet, Le laboratoire du droit processuel de la concurrence, RLC, 2012, 31, Perspectives. L’auteur souligne
le fait que les demandes de clémence “deviennent la première cause d’interruption des cartels sanctionnés”, les
plaintes officielles n’étant que cause de la fin de 2 % des cartels. La Commission souligne cependant qu’elle “continue
d’accorder une importance considérable [aux] enquêtes d’office” (Rapport pour 2008, pt 34).

60
J. L. Fourgoux, Revue des juristes de Science Po, été 2012, no 6, 45-51.

61
V. J.-C. Roda, qui relève que la Commission détecte actuellement six à huit cartels par an alors qu’elle n’en détectait
qu’un pendant les années 1980, in Programmes de clémence en droit interne de la concurrence. État des lieux et
perspectives, Les Dossiers de la RIDE 2011, pp. 139-154.

24
Outre cette fonction, La clémence apparait paradoxalement comme un instrument de
politique de répression efficace62, puisque cette coopération et/ou collaboration qui noue entre
l'entreprise fautive et l'autorité de la concurrence, aboutit à l'obtention de certains éléments
pertinents aux enquêteurs à fin de sanctionner plus sévèrement les membres de l'entente prohibée
qui sont dénoncés.
La politique de clémence peut être envisagée à partir de la théorie de la sanction optimale
de Gary Becker63.
L'efficacité d'une prohibition doit effectivement se juger en termes de punition des
délinquants, mais aussi et surtout de signal dissuasif pour des entreprises qui pourraient envisager
de se déguerpir aux risques liés à une pleine concurrence.
Or la finalité économique des politiques de clémence tient principalement au renforcement
de la probabilité de détection et de sanction des pratiques anticoncurrentielles : de ce fait
l'augmentation des sanctions ne peut être que faiblement dissuasive par rapport à l'incapacité des
autorités de concurrence à réunir les éléments probants pour établir l'existence effective d’une
pratique anticoncurrentielle,
Ceci ce mène les autorités de concurrence à s’ouvrir sur l'encouragement des tiers,
notamment les entreprises concernées à transmettre les informations permettant de réunir ces
éléments.
Une telle logique représente toute la devise d'un programme de clémence.
En effet un tel échange d'informations permet aux autorités de concurrence de disposer des
informations de nature à permettre un démantèlement rapide et sûr de l'accord collusif64.
Le phénomène de « course à la dénonciation » des membres des cartels pèsera sans doute
sur la stabilité intrinsèque des accords de ces cartels, et cette « entente » se voit disparaitre, plus
rapidement et sûrement65.

62
Jean Christophe RODA, "Programmes de clémence en droits interne et européen de la concurrence : Etat des lieux
et perspectives in les procédures négociées en droit de la concurrence", Les Dossiers de la RIDE, Editions De Boeck
Université, Bruxelles, 2011, p.139
63
G. Becker, "Crime and punishment: An economic approach", Journal of political Economy. Vol. 76, 1968, pp. 169-
217.
64
L. Flochel, "Den nouvelles pratiques des autorités de la concurrence : Les programmes de clémence", in D. Encaoua
et R.Guesnerie(dir.), Les politiques de la concurrence, Rapport du conseil d'analyse économique, Juillet 206, pp. 247-
255.
65
F. Party et P. Reis, "Perspectives juridiques et économiques sur les procédures négociées en droit de la concurrence"
Les Dossiers de la RIDE, Editions De Boeck Université, Bruxelles, 2011, pp. 27-29.

25
Enfin on peut arriver à une certaine logique concernant les participants au cartel qui n’ont
pas procédé à la dénonciation, la démarche –bien fondée- du dénonciateur provoque
incessamment une renonciation à contester les griefs de la part de tout ou partie des protagonistes
ce qui donnera lieu à d’autres procédures plus au moins négociées mais certainement hybrides à
savoir la non- contestation des griefs française (qui s’est fait appeler transaction après la loi Macron
du 06 aout 2015), et la transaction communautaire, en tout cas c’est ce que nous allons ressortir
dans ce qui suit.

1. 2. Du point de vue des entreprises contrevenantes

Les procédures étudiées sont volontiers présentées comme illustrant le principe “gagnant-
gagnant”. En effet, ces procédures responsabilisent les entreprises, leur permettent de mieux gérer
le risque de sanction et l’aléa procédural.
- Des acteurs responsabilisés :
Dans une procédure contentieuse classique, les entreprises sont passives et contraintes. Forcément
la sanction est subie et potentiellement mal acceptée. Or Les procédures alternatives ou
complémentaires ont cette particularité de modifier le statut des entreprises en les faisant participer
au mécanisme de redressement de l’illicite.

En effet dans une procédure de clémence, le contrevenant participe –volontiers- à sa propre


mise en cause.

- Des acteurs moins exposés au risque de sanction :

La procédure de clémence ne met pas l’entreprise à l’abri d’une condamnation. Bien au


contraire, elle sera déclarée coupable d’avoir participé à un cartel, donc à une des formes de
pratiques anticoncurrentielles les plus graves : Elle sera cependant récompensée de sa dénonciation
soit par l’octroi d’une totale immunité, si elle est la première à dénoncer et respecte les conditions
d’information et de coopération posées par les textes, soit par l’octroi d’une réduction de sanction,
si elle n’est pas la première à dénoncer, mais que ses déclarations apportent une valeur ajoutée

26
significative aux informations dont la Commission européenne ou l’Autorité de la concurrence
disposent déjà 66.

Cette réduction peut aller jusqu’à 50 % de la sanction encourue, ce qui n’est évidemment pas
négligeable 67…

- L’aléa procédural (partiellement) maîtrisé :

C’est évident pour celle qui dénonce dans le cadre de la procédure de clémence. D’une
part, elle ignore le bénéfice qu’elle peut exactement attendre de sa démarche au moment où elle
l’initie puisqu’elle ne sait pas si elle est la première dans la “course à la clémence”.
D’autre part, sa dénonciation peut avoir un coût financier (ses titres peuvent être dévalués en
Bourse), un coût commercial (elle s’expose à des représailles), et un coût juridique (elle s’expose
à des actions civiles ou pénales) 68…

2. La situation de la négociation

La place de la négociation dans la procédure de clémence est à priori limitée, puisque ça


relève de l'acceptation préalable de la demande formulée par l'entreprise impliquée et/ou concernée
et formalisée en avis de clémence selon le législateur français.

66
V. Selinsky et S. Cholet, Invoquer la clémence : un avantage stratégique pour les entreprises, RLDA, 2006, no 6,
Éclairage.

67
La communication européenne sur la clémence prévoit une réduction de sanction allant de 20 à 50 % selon l’ordre
d’arrivée. Le droit français se contentait jusqu’alors de prévoir une réduction maximum de 50 %, qui dépendait de
l’ordre d’arrivée et de la valeur des documents fournis. Le communiqué de procédure adopté le 3 avril 2015 (pt 21)
prévoit désormais que la première entreprise à fournir une valeur ajoutée significative bénéficiera d’une réduction
comprise entre 25 et 50 %, la deuxième entre 15 et 40 % et les autres d’une réduction maximale de 25 %. Les
fourchettes françaises se chevauchent donc. Les décisions ayant accordé le bénéfice de la clémence montrent une
tendance majoritaire à ce qu’une seule entreprise sollicite le bénéfice de la clémence et bénéficie alors d’une immunité
totale en présence d’une clémence de type I (déc. nos 06-D-09, 07-D-48, 08-D-12, 12-D-09, 14-D-20) ou d’une simple
réduction dans le cadre d’une clémence de type II (déc. no 08-D-32). Dans quatre cas seulement, un premier
dénonçant, ayant obtenu l’immunité, a été suivie d’autres entreprises. Les premiers cas avaient laissé penser que
l’Autorité française serait moins généreuse que son homologue européen vis-à-vis de demandeurs de rangs inférieurs,
avec des réductions comprises entre 15 à 25 % seulement de la sanction normalement encourue (déc. nos 11-D-17 et
13-D-12). Les plus récentes décisions obligent à infirmer cette intuition (déc. nos 14-D-19 et 15-D-03, qui sont allées
jusqu’à 50 % de réduction). La procédure française continue donc son alignement sur la procédure européenne.

68
Sur ces risques, v. F. Puel et L. François-Martin, Méthodologie d’une démarche de clémence, Forum de concurrence
européen, 28 avril 2006, Concurrences no3-2006, p. 9.

27
De ce fait la procédure en termes de négociation est plutôt rétrécie, puisqu'elle ne laisse
que peu de place à la négociation69.
En se référant au communiqué du 02 mars 2009 de l'autorité française de la concurrence, qui
s'appuie sur l'article L. 464-2 du code de commerce français, stipulant clairement que "…l'autorité
peut si les conditions précisées dans l'avis de clémence ont été respectées, accorder une
exonération de sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à l'établissement
de l'infraction" .
Cette disposition évoque l'ouverture d'une brèche à travers son opacité notamment,
l'utilisation du terme "peut" qui manifeste incessamment une certaine perplexité: puisque même si
l'entreprise en question honore son engagement par rapport à l'avis de clémence approuvé et/ou
accordé, l'autorité n'est pas obligée de faire de même ?!
La rédaction de ce texte ne laisse pas d'inquiéter, tant il parait que l'autorité de concurrence
conserve un pouvoir discrétionnaire voire un pouvoir d’appréciation entier, en dépit de ce que
l'entreprise aura pu au préalable négocier avec le rapporteur général ou la DGCCRF.
Mais en revanche l'accord même entre entreprise et autorité de concurrence, impose l'existence
préalable d'une négociation d'un point vue jurisprudentiel.70

Il n’y a pas vraiment un consensus doctrinal sur la définition de cette procédure comme
une procédure négociée, certains auteurs préfèrent utiliser d’autres notions notamment procédure
alternative ou accessoire ou alternative au pouvoir de sanction des autorités de concurrence,
puisque cette procédure ne fait pas l’objet d’un accord entre l’autorité de concurrence et l’auteur
de la pratique anticoncurrentielle, mais d’une simple décision de l’autorité administrative 71,
d’autres auteurs considèrent que l’octroi de la clémence constitue un contrat passé entre l’autorité
et les entreprises poursuivies72.

69
C. Lemaire, "Procédures de clémence et de non-contestation de griefs", Concurrences, 2010, n°2, pp.131-133.
70
CA Paris, Pole 5, chambre 5-7, arrêt, n°5, 19 Janvier 2010,
http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/ca08d32_siderurgie.pdf, sur la décision n°08-d-32 du 16 décembre 2008
du conseil de la concurrence,
Disponible sur : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/08d32.pdf.
71
v. à titre d’exemple, F. ARBAULT, « Procédures alternatives : les apports des nouveaux textes », Revue Lamy de
la concurrence, 2008, n°15, p. 152.
72
v. à titre d’exemple, F. LAINA , « L’intensification de la lutte contre les cartels : Quelques observations sur les
amendes et le fonctionnement du programme de clémence, FEC, 28 avril 200-, Bruxelles, Concurrences, n°3-2006 p.
6 ; A. PERROT, « Le modèle du contrat dans les nouvelles conceptions des régulations économiques » in Les
engagements dans les systèmes de régulations (sous dir. M. –A. FRISON-ROCHE), Dalloz/Sc. Po 2006, p. 157.

28
Or, nous estimons que la qualification de procédure alternative ou accessoire n’est pas
exclusive de la qualification de procédure négociée, du moment où les entreprises susceptibles
d’être sanctionnées et les autorités de concurrence font des concessions réciproques73.

En somme, nous souscrivons donc à définir et /ou à qualifier cette procédure étant
négociée, puisque cette définition a néanmoins le mérite de souligner l’intention qui anime les
parties à cette procédure. En effet des deux côtés il y a des concessions et des avantages.

§2. Les Engagements volontaires

La deuxième procédure, bien qu’elle ne soit pas aussi fameuse que la précédente,
puisqu’elle ne concerne pas les atteintes les plus graves à la concurrence, néanmoins cette
procédure a pu s’imposer indépendamment, et a pu être à son tour une tendance en matière de droit
de la concurrence.
L’engagement désigne l’obligation souscrite auprès d’une autorité 74, permettant de mettre
fin aux poursuites contre une entreprise suspectée d’avoir violé les règles concurrentielles.

Lorsque se pose un problème concurrentiel, l’autorité de concurrence peut décider –au lieu
d’ouvrir une procédure lourde et couteuse- d’abandonner les poursuites contre l’entreprise mise
en cause en échange de la souscription par celle-ci d’engagements propres à rétablir la
concurrence.

Fruit d’un accord ou d’une décision de l’autorité de concurrence, l’engagement de


l’entreprise mise en cause n’implique aucune admission de culpabilité de la part des auteurs de la
pratique suspecte. Les faits ne sont pas qualifiés non plus. En revanche le non-respect des
engagements est sanctionné à travers cette étude nous allons traiter cette procédure en soulevant
sa mise en œuvre (A) et à son attraction (B).

73
S. PIETRINI. « Le recours à la négociation en droit de la concurrence : l’exemple des programmes de clémence »
Revue Lamy de la concurrence, 2009, n°21, p. 153.
74
G. –A. SOFIANATOS, Injonctions et engagements en droit de la concurrence. Etude du droit communautaire,
français et grec, préf. C. LUCAS DE LEYSSAC, LGDJ, 2009, § 7. Sur cette procédure v. également L. IDOT, Droit
communautaire de la concurrence. Le nouveau système communautaire de la mise en œuvre des articles 81, 82, éd.
Bruylant, 2004, p. 127 ; E. CLAUDEL, « La montée en puissance de la procédure d’engagements », RTD com.,
avril/juin 2005, p. 272 ; T. PICOT, « La nouvelle procédure d’engagements prévue à l’article L. 464-2-1 C. com. »,
Revue Lamy de la concurrence, 2005, p. 142. Sur le modèle américain.

29
A. La mise en œuvre de la procédure

Le législateur algérien n’a pas vraiment pris part de cette procédure, puisqu’il n’admet que
des engagements concomitants dans le cadre d’une autre procédure négociée ; donc il fallait mettre
le point sur cette procédure en évoquant ses versions communautaire et française.

1. Champs d’application et déroulement de la procédure en droits


communautaire et français

C’est l’article 9 du règlement n°1/2003 qui a consacré la technique des engagements


volontaires en droit communautaire, quant au droit français, la procédure s’est introduite par
l’ordonnance du 4 novembre 2005, complétée par le décret n°2005/1668 du 27 décembre 2005,
ajoutant une nouvelle disposition de l’article 464-2 I du code de commerce français, suivi par un
communiqué du conseil de la concurrence du 8 avril 2008, concernant la procédure, qui sera
remplacé par un autre communiqué de la procédure daté du 2 mars 2009 en tenant compte de la
réforme institutionnelle opérée par la LME75.
Cette procédure mène les entreprises à s’engager à cesser le dommage causé à l’économie,
et dans la mesure du possible rétablir la situation de la concurrence telle qu’elle prévalait ex-ante.
A cet égard, les entreprises concernées donc celles qui ont commis une infraction touchant à la
concurrence, voire une pratique anticoncurrentielle (abus de position dominante ou entente
verticale), et après avoir été mises au courant de la saisine de l’autorité à leur sujet, elles vont
anticiper leur proposition de prendre des engagements pour rétablir la concurrence, et ce pour
pouvoir s’échapper des sanctions y afférentes.
Bien sûr tout dépend de la décision de l’autorité, concernant de rendre ces engagement
obligatoires.
Il faut signaler qu’en droit communautaire tout le mérite revient au règlement n°1/2003
entérinant la décision de la commission d’accepter ce type d’engagements par des amendes et
même des astreintes en cas de non-respect de ces engagements. Parce que même si la commission
acceptait cette pratique auparavant surtout en matières de concentration économiques et d’abus de
position dominante, mais l’informalité qui régnait laissait échapper les entreprises mises en cause
à défaut d’honorer leurs engagements.

75
C’est la Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de Modernisation de l'Economie

30
Or en droit communautaire, la jurisprudence a confirmé que « la particularité de la
procédure tenait à la dispense pour la commission de démontrer formellement la réalité de la
pratique76.

De même pour ce qui est du droit français adoptant le même principe, puisque la notion de
« préoccupations de concurrence » introduite par l’ordonnance du 13 novembre 2008, avait
comme objectif d’affirmer le caractère non-incriminant de la procédure d’engagements77, en
s’inspirant de la jurisprudence78.
D’emblée, le fait qu’il n’était guère question de qualification juridique des pratiques en
cause, manifeste de plein droit le renforcement de la sécurité juridique des entreprises utilisant
cette procédure.
En revanche, seul le non-respect des engagements qui intimiderait l’auteur de ces
engagements avec les sanctions y afférentes qui va certainement subir.

1.1. La procédure d’engagements en droit communautaire

Tout d’abord la commission envoie aux entreprises concernées une évaluation


préliminaire, identifiant les préoccupations de la concurrence, sans qualifier les faits.
La proposition d’engagements faite par l’entreprise concernée sera une suite logique à cette
première étape.
La commission analysera alors, si ces engagements sont assez satisfaisants, si c’est le cas
leur contenu sera publié au journal officiel de l’union européenne, cette publication comporte un
résumé de l’affaire en question et les points principaux des engagements.
Ensuite un délai d’au moins un mois sera ouvert pour les tierces entreprises concernées
pour qu’elles puissent présenter leurs observations.
Apres l’analyse de ces observations ainsi que le dossier au complet, la commission adoptera
sa décision rendant ces engagements obligatoires, s’ils sont de nature à satisfaire aux
préoccupations de concurrence préalablement exprimées dans son évaluation préliminaire, et
éventuellement fixer la durée à respecter dans la mise en œuvre de ces engagements, et quand il
n’y a plus d’agir , constater la clôture de la procédure.

76
TPICE, 11 juillet 2007, aff. T-170/06, Alrosa c/ Commission, pts 87 et 100 ; S. Grandvuillemin, « La procédure
d’engagements : états des lieux après le communiqué de procédure du 2 mars 2009 », JCP ( E ), 2009, n°22, p. 1542.
77
E. Claudel, « Réforme du droit français de la concurrence : le grand jeu ? », RTD com., 2009, p. 91.
78
Cass Com., 4 novembre 2008, pourvoi n°07-21.275, GIE les indépendants.
Disponible sur : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/cass06/d29_gie_independants.pdf.

31
Il faut signaler que les entreprises qui n’honorent pas leur engagements, subiront de plein
droit une sanction qui peut aller jusqu’à 10% du chiffre d’affaires total réalisé par l’entreprise et
même à une astreinte pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires journalier moyen par jour de
retard.

1.2. La procédure d’engagements en droit français

Tout comme en droit communautaire, la première étape consiste à une évaluation


préliminaire dont laquelle le rapporteur va préciser « en quoi les atteintes à la concurrence relevées
à ce stade de la procédure sont susceptibles de constituer une pratique prohibée », cette évaluation
sera envoyée à l’entreprise concernée, dès lors cette dernière pourra accéder à tout ce qui constitue
le dossier, pour qu’elle puisse faire sa proposition d’engagements, au sens où elle est en mesure
d’apporter -à travers ses engagements- une réponse aux préoccupations de concurrence identifiées
dans l’évaluation préliminaire.
Il est à signaler que ces engagements doivent remplir certains critères, notamment ils
doivent être pertinents, crédibles et vérifiables, tels que les modifications de clauses
concurrentielles79, l’octroi d’un accès à des informations nécessaires à l’activité des opérateurs
dans un secteur donné de l’économie80.
Apres la réception de la proposition d’engagements, elle sera communiquée aux parties
concernées donc l’auteur de la saisine et le commissaire du gouvernement.
Ensuite viendra l’étape de la publication du communiqué du rapporteur général,
comportant un résumé de l’affaire et l’offre d’engagements, tous les moyens sont bons pour faire
publier ce communiqué notamment le site internet propre à l’autorité de concurrence.
Cette communication permettra aux tiers intéressés de présenter leurs observations dans un
délai qui ne peut pas être inférieur à un mois à compter de sa publication (tout comme en droit
communautaire).
Et ces observations seront communiquées aux parties ainsi qu’au commissaire du gouvernement.

79
Décisions n° 07-D-30 et n° 07-D-17 du 10 mai 2007, relatives à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de
l’exploitation des films en salles de cinéma.
80
Décision n° 08-D-04, du 15 fév. 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de
la presse.

32
Cette étape constitue pour l’autorité « un test de marché »81 pour vérifier l’efficacité de la
prise de ces engagements vis-à-vis les préoccupations de concurrence exprimées lors de
l’évaluation préliminaire.
Enfin l’autorité de la concurrence adoptera sa décision rendant ces engagements
obligatoires et mettant fin à la procédure. Cependant, l’autorité détient quand même un pouvoir
d’appréciation, lui accordant de rompre la procédure, et reprendre la voie contentieuse à tout
moment.
Il faut signaler qu’en cas de non-respect des engagements, l’autorité peut prononcer des
astreintes qui ne peuvent excéder 5% du chiffre d’affaires journalier moyen par jour de retard.

2. Le cas du droit algérien : La mise à l’écart d’une procédure indépendante

Quant au droit algérien, il faut signaler que le législateur algérien à travers son unique texte
(l’article 60 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée), n’a pas pris part de cette procédure,
car les engagements dont il est question demeurent relatifs à une autre procédure négociée,
constituant ainsi –bien qu’obligatoire- une simple condition afférente à cette procédure.
Dès lors en remplissant certaines conditions notamment celle de l’engagement à ne plus
commettre d’infractions liées au droit algérien de la concurrence, l’exonération totale ou partielle
peut être attribuée au contrevenant par les soins du conseil de la concurrence.
En effet le législateur stipule que l’exonération est attribuée aux « entreprises qui, au cours
de l’instruction de l’affaire, les concernant, reconnaissent les infractions qui leur sont reprochées,
collaborent à l’accélération de celle-ci et s’engagent à ne plus commettre d’infractions … », ainsi
le vocable « et » implique incessamment la non-admission du législateur algérien de ces
engagements pris seuls comme procédure indépendante.
A cet égard, ces engagements ne peuvent en aucun cas constituer-indépendamment de toute
autre procédure -, une procédure propre au droit algérien.
S’agissant donc d’engagements concomitants, ils font assurément figure d’éléments d’appui d’une
toute autre procédure dite négociée.
C’est d’ailleurs ce qui nous pousse à penser que le législateur algérien a mis à l’écart cette
procédure.

81
ARCELIN.L., Droit de la concurrence les pratiques anticoncurrentielles en droit interne et communautaire, Presses
universitaires de Rennes, 2009, p.179.

33
Il est à signaler, que de tels engagements, même pris à titre d’appui font défaut de lignes
directrices émises par le législateur algérien.
En effet l’absence de textes règlementaires afférents au texte législatif algérien ainsi que
l’absence de la pratique du conseil algérien de la concurrence en la matière, notamment après avoir
été gelé durant plus d’une décennie, ont servi assurément à nourrir l’opacité de la procédure
négociée adoptée par le droit algérien.

B. L’attractivité de la procédure

Ce point sera traité en soulevant l’intérêt de cette procédure (1) et la situation de la


négociation dedans (2).

1. L’intérêt de la procédure

L’attractivité de cette procédure se manifeste notamment en deux positions celle de


l’autorité de la concurrence et celle de l’entreprise contrevenante.

1.1. Du point de vue des autorités de concurrence

Cette procédure épargne les autorités de concurrences d’amples efforts de différentes


natures, ce qui a fait son imposition indépendamment comme un moyen sûr de l’action publique
ou du «public enforcement».

En effet elle partage avec les autres procédures des vertus communes, mais elle a aussi ses propres
vertus.

34
1.1.1. Les vertus partagées avec les autres procédures négociées

- La réduction de la charge probatoire :

La procédure d’engagements allège encore plus nettement la charge probatoire : l’autorité


n’a plus à rapporter la preuve de l’infraction ; elle se contente d’émettre des “préoccupations de
concurrence”82 .

-L’accélération des délais de traitement des affaires :

Quant à la procédure d’engagements, elle est, en théorie 83 , la plus économe : elle permet
tout à la fois de raccourcir l’instruction – l’évaluation préliminaire étant singulièrement moins
nourrie qu’une notification de griefs –, de trouver rapidement des solutions aux problèmes
identifiés et, dans la plupart des cas, de faire l’économie des recours juridictionnels. La Cour de
justice de l’Union européenne a expressément reconnu que cette procédure était inspirée “par des
considérations d’économie de procédure”84 .

Les gains procéduraux réalisés permettent aux autorités de dégager du temps et des
ressources pour traiter plus d’affaires et se concentrer sur les cas graves 85.

- L’aide au développement d’une culture de la concurrence :

La procédure d’engagements est évidemment un bon exemple. Initiée aux problèmes que
ses comportements peuvent créer, l’entreprise est invitée à les résoudre. Elle doit rechercher elle-

82
La Cour de justice a confirmé cette dispense d’obligation de qualifier l’infraction et de la prouver dans l’affaire
Alrosa (CJUE, 29 juin 2010, aff. C-244/07P).

83
Si certaines affaires illustrent bien la possibilité de trouver une issue rapide au problème soulevé (v. affaire Visa,
aff. AT.39398, Commission, 26 février 2014 : http://ec.europa.eu/competition/ant... 9728_3.pdf.), d’autres constituent
un net contre-exemple. Ainsi en est-il de l’affaire Google, qui s’éternise, et devrait se poursuivre par un retour à une
procédure contentieuse classique. Sur cette affaire, v. F. Jenny, qui dénonce la “ʻterrible’ Google investigation”,
Global Competition Review (GCR), 9 February 2015, et les “Bad results on Google”, European Voice, 12 February
2015, p. 4.
84
CJUE, gr. ch., 29 juin 2010, aff. C-441/07P, Commission c/ Alrosa, pt 35.
85
En ce sens, O. Sautel, article précité, qui énonce, à propos de la procédure d’engagements, que “toute économie de
coût réalisée grâce à la procédure d’engagements et redéployé au service de la lutte contre les cartels constitue une
allocation efficiente des ressources de l’autorité de concurrence qui augmente le bien-être des consommateurs”.

35
même les voies adéquates, les modifications à apporter à ses contrats ou à ses relations avec ses
partenaires ou ses concurrents.

Une fois ses propositions formulées, elle est immédiatement confrontée aux réactions
qu’elles suscitent via les tests de marché qui vont être diligentés auprès des tiers par les autorités
de concurrence. L’entreprise est donc obligée de se penser comme une entité non pas isolée, mais
soumise à la contrainte du marché et aux attentes et critiques des autres opérateurs.

1.1.2. Les vertus propres à la procédure d’engagements

Il est à signaler que les engagements sont une source de remèdes efficaces aux problèmes
de concurrence identifiés : Ce trait est propre aux procédures qui supposent des prises
d’engagement de la part des opérateurs.

La procédure d’engagements ne peut qu’en représenter la meilleure illustration. Trois


avantages y sont principalement attachés.

D’une part, les remèdes proposés sont supposés efficaces86 . Ils ne seront en effet acceptés
que s’ils sont de nature à mettre un terme aux problèmes concurrentiels identifiés, sont crédibles
et vérifiables. Ils permettent en outre d’intervenir vite, notamment sur des marchés jeunes ou qui
évoluent rapidement87 .

Ils sont par ailleurs testés par le marché, les tiers ayant la possibilité d’y réagir et de
formuler des observations qui pourront éventuellement conduire à affiner les engagements pris.

86
Dans sa décision no 04-D-65 du 30 novembre 2004, le Conseil de la concurrence considérait que sanctions et
engagements sont deux outils qui “répondent au même objectif de rétablissement et de maintien pour l’avenir d’une
situation normale de concurrence : dans un premier cas, des sanctions significatives dissuadent l’entreprise
d’éventuellement réitérer et, dans le second, les engagements préfigurent une modification substantielle et crédible
des comportements de l’entreprise et l’abandon de ses pratiques anticoncurrentielles”.

87
V. J. Almunia, Remedies, commitments and settlements in antitrust, Speech, 8 mars 2013 : “(…) in certain
industries—such as high-tech and fast moving markets—it’s important that competition is restored quickly and
effectively” (http://europa.eu/rapid/press-releas...). Le Commissaire à la concurrence citait pour exemples le marché
du livre numérique (case AT.39847 – E-books) ou les engagements souscrits par IBM sur le marché de la maintenance
des grands systèmes le 14 décembre 2011.

36
D’autre part, les remèdes proposés, parce qu’ils sont l’œuvre – même un peu contrainte – des
entreprises, ont de bonnes chances d’être exécutés, qui plus est avec vélocité et une certaine bonne
volonté88 .

Enfin, ils peuvent être adaptés en cas de changement de situation. Selon l’Autorité
française, ces engagements ont donc “un avantage comparatif par rapport aux sanctions”89 .

Par ailleurs, la procédure française de non-contestation des griefs/transaction (que nous


allons étudier ultérieurement) pouvait également s’accompagner d’une prise d’engagements de la
part des entreprises, en contrepartie d’un taux de réduction de la sanction supplémentaire.

Les engagements susceptibles d’être pris ne sont pas de nature radicalement différente de
ceux qui caractérisent précisément la procédure d’engagements, même si les exigences les
entourant sont moins strictes au sens où il n’est pas requis qu’ils mettent un terme au trouble
concurrentiel90 .

L’Autorité française n’hésite pas à saluer certains d’entre eux, tels que ceux proposés dans
la décision Volailles du 5 mai 201591 consistant à créer une interprofession dans le secteur avicole.
L’engagement a été jugé à ce point précieux qu’il a justifié que l’Autorité “[s’écarte] des méthodes
de détermination et réduction de sanction décrites respectivement dans le communiqué sanctions
et le communiqué sur la non-contestation des griefs”.

88
Les entreprises savent désormais que le non-respect des engagements qu’elles ont souscrits les expose à
d’importantes sanctions. V. p. ex. Commission, 6 mars 2013, qui impose une amende de 561 millions d’euros à
Microsoft pour ne pas avoir respecté les engagements souscrits en 2009.

89
V. l’intervention du président Lasserre à la conférence organisée par la revue Concurrences le 15 juin 2015, New
Frontiers of Antitrust, lors de la table ronde consacrée au thème Commitment decisions: Tool of choice or poison for
antitrust enforcement? article précité.

90
Dans son arrêt du 23 février 2010 rendu sur recours contre la décision no 09-D-06 (Expedia), la cour d’appel de
Paris écrit que “le Conseil n’était pas tenu (…) de constater que les engagements souscrits par la SNCF donnent
toutes les garanties d’une concurrence pleine et effective, ni de constater que [ces] engagements (...) répondent à
toutes les préoccupations de concurrence susceptibles de naître de l’affaire soumise à examen de la cour pour le
passé comme pour l’avenir (...) ni enfin d’exiger que les engagements soient de nature à mettre un terme définitif aux
pratiques illicites”.

91
Déc. no 15-D-08 du 5 mai 2015, commercialisation de la viande de volaille.

37
Les engagements, qu’ils s’inscrivent dans l’une ou l’autre de ces procédures, sont
clairement tournés vers le futur92 . Ils ne remédient pas aux troubles qui ont pu naître, mais
proposent des remèdes pour l’avenir : des clauses contractuelles sont modifiées ou abandonnées,
des droits de propriété intellectuelle déverrouillés, des créneaux aériens libérés, des secteurs
professionnels réorganisés, etc.

C’est la volonté de disposer d’une procédure accélérée et plus souple qu’une procédure
traditionnelle en matière de constatation d’infraction.
Et encore l’obtention d’une cessation de plein gré de l’entreprise concernée des pratiques ayant
suscité des préoccupations de concurrence.
Et donc cette procédure -à travers les engagements y afférents- permet de répondre aux
préoccupations de concurrence identifiées dans le cadre de l’enquête, de façon prompte et sure,
tout en économisant de plus amples efforts et/ou moyens pour les affaires les plus complexes.
On peut conclure que cette procédure s’estime avantageuse en matière d’accélération
procédurale et de faire terme à l’affaire en question avant toute appréciation et/ou qualification
définitive des faits.

1.2. Du point de vue des entreprises contrevenantes

Cette procédure se présente aussi comme illustrant le principe “gagnant-gagnant”.


Puisqu’elle responsabilise les entreprises, et leur permette de mieux gérer le risque de sanction.

- Des acteurs responsabilisés :

Comme toutes les procédures négociées, la procédure d’engagements a cette particularité


de modifier le statut des entreprises en les faisant participer au mécanisme de redressement de
l’illicite. En recherchant des remèdes.

En effet La recherche de remèdes est évidemment l’hypothèse la plus responsabilisante, la


plus formatrice pour l’entreprise. C’est particulièrement le cas lorsqu’elle met en place un

92
V. la présentation des différentes procédures sur le site Europa : “(…) a settlement decision simply requires a ʻcease
and desist’ of past behaviour, whereas commitments decision requires commitment to future behaviour”.

38
programme de conformité. Ainsi que l’énonce l’Autorité française, “ces programmes sont
l’illustration tangible de stratégies de gouvernance volontaristes”93 .

Par ailleurs, lorsqu’une entreprise prend des engagements, que ce soit dans la procédure
d’engagements ou dans le cadre de la procédure française de non-contestation de
griefs/transaction, elle doit respecter la parole donnée et les exécuter scrupuleusement. Toute
défaillance est sanctionnée, que ce soit en droit européen94 ou en droit français95 .

- Des acteurs moins exposés au risque de sanction :

La procédure d’engagements est particulièrement avantageuse. Si cette procédure est


menée jusqu’à son terme et que les engagements proposés sont considérés comme suffisants,
crédibles et vérifiables, ils seront acceptés et la procédure sera clôturée, sans qu’aucun constat
d’infraction soit effectué96 . L’entreprise qui s’engage n’est non seulement pas sanctionnée – et
cela est sans conteste une des clés du succès de cette procédure 97 –, mais elle n’est même pas
déclarée coupable.
Cela est bon pour son image et cela la préserve pour partie des procédures civiles qui
pourraient être diligentées par la suite98 . Par ailleurs, si l’entreprise qui s’engage se livre
ultérieurement à des pratiques anticoncurrentielles et est condamnée, elle ne sera pas considérée
comme récidiviste.

93
Pt 9 du document-cadre du 10 février 2012 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence.
94
Pour exemple, affaire Deltafina, dans laquelle le Tribunal a validé le pouvoir de sanctionner une mauvaise
coopération de la part du demandeur de clémence (aff. T -12/06, arrêt du 9 septembre 2011).
95
V. not. Aut. conc., 28 mai 2012, déc. no 13-D-12, Commodités chimiques, ou no 11-D-17 du 8 déc. 2011, Lessives.
96
Ces traits ont été rappelés à plusieurs reprises. Récemment, v. l’affaire Cogent, CA Paris, 19 décembre 2013, RG
no 2012/19484, confirmé par Cass. com., 12 mai 2015, pourvoi no 14-10.792, qui considère que la décision acceptant
des engagements ne constate ni le caractère anticoncurrentiel d’une pratique, ni la conformité à la concurrence des
pratiques n’ayant pas fait l’objet de préoccupations de concurrence.

97
Sur cet avantage et son caractère déterminant, v. J.-F. Bellis, EU commitment decisions : What makes them so
attractive? Unclassified, DAF/COMP/WD(2016)53, 7 juin 2016.

Disponible sur : https://one.oecd.org/document/DAF/COMP/WD(2016)53/en/pdf

98
Si un opérateur ou un consommateur s’estime en effet victime des pratiques ayant fait l’objet d’une évaluation
préliminaire et qu’il demande réparation, il ne pourra s’appuyer sur la seule décision administrative ayant accepté les
engagements pour étayer la démonstration de la faute dont il se plaint.

39
B. La situation de la négociation

Avant d’aborder les pratiques anticoncurrentielles, il est utile de mettre un accent sur les
concentrations économiques, dont les autorités de concurrence, doivent anticiper l’évolution des
marchés concernés par l’opération notifiée, d’une façon à ce que les engagements soient
proportionnels aux doutes anticoncurrentiels soulevés.
Le recours aux engagements rentre dans le cadre du contrôle prospectif des concentrations.
Cependant, les interdictions des concentrations ne sont en réalité qu’exceptionnelles 99, ce qui
impose la faiblesse voire l’inexistence des négociations en la matière.
Quoi qu’il en soit, les engagements traités à ce niveau et malgré leurs différentes et/ou
diverses formes se regroupent-communautairement parlons- en deux catégories : les engagements
structurels, qui sont plus sollicités 100, il est question de transfert de droits de propriété, où quatre
types d’activités peuvent être céder à savoir (une activité qui était déjà indépendante et viable, une
activité qui doit être scindée et intégrée dans la structure de l’acquéreur, un ensemble qui combine
les actifs de plus d’une partie et une licence exclusive à long terme avec durée illimitée ou jusqu’à
expiration d’un brevet).
Et les engagements comportementaux : où il ne s’agit plus de transferts mais de contraintes
sur les droits de propriété, la commission les énumère comme suit (l’accès aux tiers des
infrastructures, l’accès à une technologie via les licences obligatoires ou accès à des droits de
propriété intellectuelle, et enfin l’arrêt d’accords exclusifs verticaux).
En revanche Les aspects de négociation se manifestent en matières de pratiques
anticoncurrentielles -entrant dans notre étude-, en effet concernant le droit français il y a toujours
cette marge de négociation qui nait entre l’entreprise concernée et le rapporteur général, de même
au niveau du collège de l’autorité permettant ainsi la modification des engagements négociés avec
le rapporteur.
Bien évidemment cette négociation a pour premier but de rendre ces engagements à la fois
pertinents, crédibles, vérifiables et proportionnés par rapport aux préoccupations de concurrence
initiales (déjà exprimées clairement dans l’évaluation préliminaire).

99
P. Bougette, « Négociations d’engagements en matière de concentrations : une perspective d’économiste » in les
dossiers de la RIDE, ed De Boeck et Larcier s.a., 2011. pp. 112-114.
100
A titre d’exemple, si l’on s’intéresse aux types d’engagements requis sur la période 1990-2005 par la commission
européenne, sur 187 engagements conclus, 142 avaient modifié la structure du marché en question. Source: P.
Bougette et S. Turolla ? “ Market Structures, Political Surroundings, and Merger Remedies: An Empirical
Investigation of the EC’Decisions”, European Journal of Law and Economics; vol. 25, 2008, n°2, pp. 125-150.

40
Cependant le fait que l’autorité de concurrence peut –et au détriment de toute préalable
négociation- refuser de rendre ces engagements obligatoires, confirmant ainsi le caractère
unilatéral de la décision par celle-ci.
Il faut signaler tout de même qu’il y a une nette transformation voire, une amélioration de
la position de l’autorité de concurrence concernant cette même procédure, puisque la décision
d’engagements avant de se revêtir du caractère unilatéral, elle était considérait comme « une sorte
de contrat librement consenti entre l’autorité et l’entreprise poursuivie »101, et c’est ce qui a été
confirmé en jurisprudence102.
On peut conclure que la présence effective d’aspects négociés dans cette procédure, tant
qu’en droit communautaire que français, n’oblitère pas le caractère unilatéral de la décision
d’engagements y afférente.

Section 2. Les procédures négociées pouvant aboutir à une exonération partielle

Plusieurs autorités de concurrence disposent de procédures de transaction, à cet égard il est


à signaler qu’il y a deux types de transaction : la transaction française (Ou la non-contestation des
griefs) (§1) et la transaction communautaire (§2) et l’une n’exclue pas l’autre.

Dans le cadre de ces procédures, l’entreprise participant à une pratique anticoncurrentielle


coopère à la procédure administrative se déroulant devant l’autorité de concurrence en échange
d’une réduction de la sanction.

A cette fin, l’entreprise peut, selon les cas, soit de ne pas contester les griefs ou les faits
retenus à son encontre, soit d’avouer sa responsabilité.

L’objectif, n’est pas celui de détecter ou d’apporter des éléments probatoires de nouvelles
pratiques anticoncurrentielles, mais de réduire les couts d’instruction d’un dossier.

En Europe, il n’existe pas de convergence entre la procédure communautaire et française.

101
Rapport annuel du conseil de la concurrence 2005, Paris, la documentation française, p. 139.
102
TPICE, 11 juil 2007, 4ème chambre élargie, aff.T-170/06, Alrosa c/ Commission, pt87, http://
eurlex.europa.eu/LexUriServ/ LexUriServ.do ?uri=CELEX :62006A0170 :EN :HTML.

41
Or, il existe une série de mécanismes allant de la simple non-contestation des griefs sans
reconnaissance de responsabilité en droit français103 , à l’admission de la responsabilité en droit
communautaire104.

Nous allons étudier ces procédures en suivant le même plan de celui des procédures
précédentes, notamment en soulevant la particularité de la procédure algérienne.

§ 1. La Non-Contestation des griefs

Indéniablement, en matière de traitement des pratiques anticoncurrentielles via une des


procédures négociées, le droit communautaire domine largement le droit français, mais celui-ci
manifeste parfois son indépendance, notamment par la création et l’adoption de sa propre
procédure négociée. C’est la non-contestation des griefs, récemment nommée transaction, une
transaction qui reste tout de même française.
Cette procédure serait présentée en deux temps, en premier, sa mise en œuvre (A) et en
second, son attractivité (B).

A. La mise en œuvre de la procédure

A travers ce titre, et en suivant presque le même plan emprunté pour valoriser les
procédures précédentes et leur mise en œuvre, nous allons essayer de mettre au point le champ
d’application de cette procédure en s’accentuant sur son origine française (1), et soulever la
particularité de la procédure algérienne (2).

1. Champs d’application et déroulement de la procédure

D’emblée son origine est française ; C’est la loi NRE105, qui a mis en place cette procédure,
figurant après codification dans l’article L.464-2 III du code de commerce français.

103
D. BOSCO, « Précisions sur la fixation des amendes dans les procédures négociées », Contrats Conc. Cons., 2008,
n°7, p. 29.
104
C. LEMAIRE, « Analyse juridique », in La transaction, Séminaire DGTPE-Concurrence, 20 décembre 2007,
Revue Lamy droit de la concurrence, 2008, n°15, p. 180 et spéc. p. 181 et s.
105
C’est la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques, publiée au Journal Officiel le 15 mai 2001, et appelée plus
communément, la loi NRE, elle a pour objectif de réduire les effets néfastes des dysfonctionnements internes et de la

42
La procédure s’est vue remanier par l’adoption de l’ordonnance du 13 novembre 2008, dès
lors les engagements liés à la non-contestation des griefs ne sont que facultatifs.
Le communiqué du 10 février 2012 a soulevé la pratique antérieure et les conditions d’application.
Or, la procédure de non-contestation des griefs, devenue procédure de transaction depuis
la « loi Macron »106 du 6 aout 2015, reste une spécificité française107.
Comme son appellation l’indique, si l’entreprise ou l’organisme ne conteste pas les griefs
qui lui sont notifiés, dans la phase d’instruction devant l’autorité de la concurrence, donc il s’agit
d’une renonciation de contester les griefs dans la phase contentieuse : puisque la procédure se
déroule principalement après l’envoi des griefs. Alors l’autorité en tenant compte de cette initiative
peut réduire le montant de l’amende encourue.
Or si l’entreprise s’engage à modifier son comportement à l’avenir, l’autorité prendra
encore en considération cette toute autre initiative séparément, et peut alors réduire à nouveau le
montant de la sanction.
Quant au domaine de la procédure française il comporte les pratiques anticoncurrentielles :
accords anticoncurrentiels et abus de position dominante.
Il est à signaler en vertu du communiqué de 2012108, que l’entreprise contrevenante doit
renoncer à contester la réalité des pratiques en cause, ce qui doit porter à la fois sur les faits
constitutifs de ces pratiques, sur leur objet, et leurs effets anticoncurrentiels, sur leurs
caractéristiques, sur leur durée et sur les modalités de participation de l’intéressé aux pratiques.
En outre, l’autorité considère que la renonciation à contester les griefs se répercute sur la
validité de la notification des griefs, ainsi qu’aux règles relatives à la compétence de l’autorité et
à la procédure aboutissant à cette notification.
Toutefois il est bel et bien admissible de contester les éléments de calcul de la sanction.
Quant aux engagements susceptibles d’être pris par les entreprises contrevenantes, on peut citer
notamment, la mise en place de programmes dits de conformité : par lesquels « des entreprises ou

mondialisation. Fondée sur une exigence de transparence de l'information, cette loi instaure que les sociétés françaises
cotées doivent présenter, dans le rapport de gestion annuel, parallèlement à leurs informations comptables et
financières des données sur les conséquences environnementales et sociales de leurs activités. La loi NRE, est entrée
en vigueur par un décret en date du 20 février 2002 et s’applique depuis le 1 er janvier 2003 pour les exercices ouverts
à partir du 1er janvier 2002.

106
Loi no 2015-990 du 6 aout 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi
Macron », JO du 7 aout 2015 p. 13537.
107
V. B. Lassere, la non-contestation des griefs en droit français de la concurrence : Bilan et perspectives d’un outil
pionnier, revue Concurrences no 2-2008, art no 17870, pp. 93-100.
108
Points 15 et 16.

43
des organismes expriment leur attachement à certaines règles ainsi qu’aux valeurs et aux objectifs
qui les fondent, et prennent un ensemble d’initiatives concrètes destinées à respecter une culture
de respect des normes »109.
A titre de comparaison entre la transaction communautaire (que nous allons étudier après)
et la transaction française, celle-ci même en empruntant l’appellation de la première en vertu de la
loi Macron, mais elle n’en a pas repris la technique, puisque l’ancienne procédure reste en principe
fidèle à ses principes à savoir, La non- contestation des griefs française dite transaction ressemble
à une sorte de « plaider coupable »110 et non pas à un aveu comme celui de la transaction
communautaire.
En outre, la procédure française est applicable sur l’ensemble des pratiques
anticoncurrentielles alors que la procédure communautaire n’est applicable que sur les ententes.
Quant aux différences essentielles entre l’ancienne procédure de non-contestation des
griefs (française) et la nouvelle procédure de transaction (française) se manifestent sur le fait que
les parties négocieront avec le rapporteur non plus sur la base d’un pourcentage de réduction
d’amendes, mais sur un chiffre en valeur absolue, ce qui donne plus de prévisibilité à la procédure
et sur le fait que le plafond de la sanction n’est plus réduit de moitié.
Or, il est à signaler qu’en adoptant la Macron111 et à la demande de l’autorité de
concurrence le législateur français a aménagé l’ancienne procédure de non-contestation des griefs,
pour tenter d’en faire une procédure de transaction à l’image de celle prévue par le droit de l’Union
européenne, qui est plus attractive.
En effet, Le législateur français en cherchant toujours l’efficacité de sa propre procédure,
il a voulu se rattraper notamment en ce qui concerne l’opacité de ce que peut offrir cette procédure
quant au montant de l’allègement des sanctions pécuniaires dont les contrevenants pourront
bénéficier en renonçant à contester la réalité des griefs qui leur sont notifiés.

Puisqu’il était simplement prévu que "le montant maximum de la sanction encourue sera
réduit de moitié"112, ce qui interdit en pratique aux entreprises de savoir avec exactitude quelle
sera la sanction effectivement infligée compte tenu du mode de calcul des sanctions pécuniaires.

109
Point 8 du document cadre du 10 février 2012 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence.
110
ARCELIN.L., Droit de la concurrence les pratiques anticoncurrentielles en droit interne et communautaire, Presses
universitaires de Rennes, 2009, p.190.
111
V. spécialement l’art. 218 de la loi Macron précitée.
112
Art. L. 464-2, III C. com.fr, avant l’adoption de la loi Macron

44
Ce manque de prévisibilité est donc corrigé par la possibilité donnée au rapporteur général
de soumettre à l'entreprise concernée "une proposition de transaction fixant le montant minimal et
le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée". Le terme de transaction peut encore
paraître impropre dans la mesure où aucune négociation sur le plafond proposé n'est possible ;
l'entreprise peut tout au plus refuser la transaction si ce montant lui paraît trop élevé. Si l'entreprise
accepte la transaction, l'Autorité de la concurrence prononcera une sanction pécuniaire dans la
limite maximale proposée et acceptée113.

- Le déroulement de la procédure :

L’entreprise mise en cause voulant se couvrir par cette procédure prend l’initiative
d’aborder le rapporteur général par voie de demande et ce le plutôt possible dans un délai de 02
mois à compter de la réception de la notification des griefs.
En l’occurrence sa demande peut comporter une proposition d’engagement.
Le rapporteur général n’est pas tenu de donner une suite favorable à cette demande puis qu’il en
détient le pouvoir d’appréciation de plein droit.
C’est donc selon la propre estime du rapporteur général, que ce dernier peut nouer des
discutions avec les parties concernées.
Et tout de même il reste libre d’y mettre fin à tout moment.
De son côté l’entreprise mise en cause peut à tout moment jusqu’à la signature du procès-
verbal -relatif à l’adoption confirmée de la procédure- avec le rapporteur général, renoncer à
poursuivre la procédure.
A cet égard et au cas où l’entreprise renonce à poursuivre la procédure, les documents et
les pièces échangés entre elle et le rapporteur général, peuvent être versés par les services
d’instruction au dossier soumis au collège.
La signature du procès-verbal : l’accord entre l’entreprise concernée d’une part et le
rapporteur général d’une autre part, se traduit par un procès-verbal signé par les deux parties.
Celui-ci contient par obligation, la déclaration de non-contestation des griefs, le cas échéant, le
texte du dernier état des engagements proposés par la première partie, tout en indiquant les
propositions faites par le rapporteur général concernant la réduction de la sanction pécuniaire, qui
seront présentées au collège.

113
Art. L. 464-2, III modifié C. com.fr, après l’adoption de la loi Macron

45
Il faut signaler que le rapporteur général indique à l’entreprise concernée qu’il va proposer
à l’autorité, en tenant compte de la renonciation de contester les griefs, de réduire la sanction à
10%, comme récompense au gain procédural, et dans le cas échéant une proposition de réduction
supplémentaire comprise entre 5% et 15% par rapport à la prise d’engagements de modifier son
comportement à l’avenir.
Donc, les entreprises ne contestant pas les griefs et présentant des engagements peuvent
bénéficier d’un plafond de réduction d’amende de 25٪
La valorisation des engagements dépend de la nature des pratiques en cause, la nature des
engagements et leur complémentarité, et enfin l’objectif poursuivi par les engagements, leur
aptitude à assurer le fonctionnement concurrentiel du marché et/ou secteur en cause et la possibilité
d’en vérifier la mise en œuvre.
La procédure aboutit à la prononciation d’une décision déterminant la sanction réduite prise
par le collège, qui se réfère aux termes du III de l’article L. 464-2 du code de commerce, le montant
maximum de la sanction pécuniaire est réduit de moitié, en cas de mise en œuvre de la procédure
de non-contestation des griefs, par rapport au montant maximum normalement applicable. Il
résulte de cette disposition, lue en combinaison avec le I du même article, que la sanction
pécuniaire ne peut excéder 1,5 million d’euros dans le cas où le bénéficiaire de la procédure est un
organisme, et 5 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des
exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en
œuvre dans le cas où il s’agit d’une entreprise.114
En ce qui concerne la prise d’engagements, le collège tache de vérifier s’ils sont
substantiels, crédibles et vérifiables, et c’est selon son appréciation qu’il va prendre la décision
d’écarter ces engagements et renvoi l’affaire à l’instruction, sinon il peut proposer une certaine
amélioration à ces mêmes engagements avant de les rendre obligatoires et donc accorder la
sanction pécuniaire accordée par le rapporteur général.

114
Le communiqué du 10 février 2012, stipule dans ses points 46, 47 que lorsque l’Autorité se prononce à l’issue de
la procédure simplifiée prévue à l’article L. 463-3 du code de commerce, le montant de la sanction ne peut dépasser
750 000 euros.
Et aussi qu’Après avoir déterminé la sanction pécuniaire applicable à l’organisme ou à l’entreprise en cause, l’Autorité
vérifie que son montant n’excède pas le montant maximum applicable. Si elle excède ce dernier, elle est ramenée à ce
chiffre.

46
2. Le cas du droit algérien : La particularité de la procédure algérienne

Il est clair que le législateur algérien, à travers son unique texte- l’article 60 de l’ordonnance
03-03 modifiée et complétée-, fait allusion à la procédure de non-contestation des griefs (donc la
transaction française), en énumérant les conditions qui lui sont spécifiques, notamment en stipulant
la phase contentieuse115.
Néanmoins, il est à signaler que dans un premier temps, toute la procédure se repose sur la
reconnaissance des parties concernées des infractions qui leur sont reprochées, ensuite compléter
cette reconnaissance par une collaboration avec le conseil de la concurrence pour montrer et/ou
démontrer leur bonne foi, en plus de la prise d’engagements concomitants à ne plus commettre de
telles infractions dans l’avenir.
Dès lors, on ne peut qu’admettre que le législateur algérien a pris part de la procédure
française de non-contestation des griefs, voire celle de l’avant entrée en vigueur de l’ordonnance
du 13 novembre 2008 stricto sensu, puisque les engagements liés à la non-contestation des griefs
étaient obligatoires et non pas facultatifs.
Cette supposition s’appuie notamment sur la chronologie des deux procédures, algérienne
et française : le législateur algérien s’est procuré une procédure négociée via l’ordonnance 03-03
modifiée et complétée datant du 19 juillet 2003, alors que son homologue français a adopté la
sienne en 15 mai 2001via la loi NRE, ce qui donne l’originalité à la procédure française.
Toutefois, le texte législatif algérien reste opaque, en l’absence d’autres textes
règlementaires relatifs à son application, et encore le gel de l’exercice du conseil de la concurrence
pendant plus d’une décennie -de 2003 à 2013-, n’a fait que confirmer cette opacité : une opacité
qui touche la forme de cette reconnaissance puisque celle-ci reste indéfinie et encore le processus
de toute cette procédure alternative qui est jusque ici inconnu.
Cependant le texte législatif algérien soulève clairement la reconnaissance des parties
mises en cause, ce qui laisse toujours la porte entrouverte sur l’adoption de la procédure de
transaction communautaire (que nous allons étudier après) : puisque la non- contestation des griefs
française n’impose nullement la reconnaissance des infractions par les entreprises mises en cause,
voire cette « reconnaissance » n’est que tacite dans cette procédure.
Dès lors on peut conclure que le législateur algérien adopte la liaison des deux procédures
pour en faire qu’une seule.

115
L’art 60 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée, stipule « …au cours de l’instruction de l’affaire les
concernant… »

47
Ce qui nous ramène au point de départ, concernant l’opacité de l’article 60 de l’ordonnance 03-03
modifiée et complétée : en absence de textes réglementaires éclaircissant l’application de ses
dispositions, de même en absence de l’exercice effectif du conseil de la concurrence.
Et encore en absence de la jurisprudence de la cour d’appel d’Alger en la matière, alors
qu’en France en dehors de ce qui précède, on procède à la consultation publique pour collecter les
observations des praticiens et/ou universitaires pour aller de l’avant dans la mise en œuvre de ce
genre de procédures.
En revanche le texte algérien s’avère certainement plus attractif que le texte français quant
à la récompense de l’entreprise qui opte pour cette procédure, puisque la procédure algérienne peut
aboutir à une immunité totale, par rapport à la procédure française qui se contente d’une réduction
maximum de 25% en présence d’engagements concomitants.
Or il faut tout de même faire le point sur le concept de la procédure algérienne, si on se
focalise sur les dispositions du texte législatif algérien : il est plutôt question de réduction
d’amende qui peut aller jusqu’à l’exonération totale en présence d’un ensemble d’éléments voire
de facteurs bien déterminés à savoir, la reconnaissance de l’infraction, la collaboration à
l’accélération de la procédure lors de l’instruction et l’engagement à ne plus commettre
d’éventuelles infractions : donc il est clair qu’il s’agit bien de réunir ces éléments pour pouvoir
bénéficier, voire revendiquer l’exonération (totale ou partielle) à titre de récompense,
Alors, d’un côté le cumul de ces éléments est exigé, d’autre part on trouve pas dans ce texte
un réel renvoi à une procédure autre que la procédure normale et /ou ordinaire : certes la
récompense est bel et bien stipulée en présence des éléments susmentionnés , sauf que cette
récompense reste une décision propre au conseil de la concurrence ; une décision qui passe par la
procédure normale tout comme les autres décisions prononçant des sanctions contre les
contrevenants contestants les griefs .
En effet l’article 62 bis 1 de la loi relative à la concurrence stipule clairement que « les
sanctions prévues par les dispositions des articles 56 à 62 de la présente ordonnance sont
prononcées par le conseil de la concurrence sur la base des critères ayant trait notamment la
gravité de la pratique incriminée, au préjudice causé à l’économie, aux bénéfices cumulés par les
contrevenants, au niveau de collaboration des entreprises incriminées avec le conseil de la
concurrence pendant l’instruction de l’affaire et à l’importance de la position sur le marché de
l’entreprise mise en cause. », ce qui confirme notre réflexion concernant l’indifférence du conseil
de la concurrence, voire du législateur algérien quant au processus de l’action administrative ou
publique au niveau du conseil que ce soit en contestant les griefs par les contrevenants ou pas :
puisque l’exonération totale ou partielle de la sanction -obtenue après reconnaissance de

48
culpabilité et collaboration -passe par le même processus décisionnel ordinaire prononçant une
peine sans réduction au sens des articles 56, 57 et suivants de l’ordonnance 03-03 modifiée et
complétée.

B. L’attractivité de la procédure

L’attractivité de cette procédure sera traitée en soulevant également deux facteurs, son
intérêt (1) et la situation de la négociation dedans (2)

1. L’intérêt de la procédure

La raison principale de l’attractivité de cette procédure se synthétise dans la contrepartie


attendue, que ce soit du côté de l’autorité de la concurrence ou du côté du contrevenant.

1.1. Du point de vue de l’autorité de concurrence

Comme toutes les autres procédures dites négociées, la non-contestation des griefs
s’associe avec ses semblables en ayant des vertus plus ou moins communes.

- La réduction de la charge probatoire :

Cette procédure a pour première vertu de promouvoir un règlement plus rapide des litiges
concurrentiels nuisant à la concurrence, et ainsi remédier le plus rapidement possible aux pertes
de bien-être liées à certaines situations de marchés.

La procédure de non-contestation de griefs facilite également la preuve, mais dans une moindre
mesure, la notification des griefs supposant nécessairement une enquête approfondie permettant
de l’alimenter.

Elle fait néanmoins l’économie du débat concernant les éléments constitutifs de


l’infraction.

49
Bien plus, la non-contestation suffit à établir l’existence de l’infraction au regard des
contestataires116 .

Le remplacement de cette procédure par la procédure de transaction issue de la loi Macron ne


devrait pas modifier ce trait117 .

- L’accélération des délais de traitement des affaires :

La procédure de non-contestation de grief – désormais transaction – permet, nous venons d’y


faire allusion, d’économiser la seconde phase du contradictoire, en ce qu’elle dispense de
l’établissement du rapport.

La renonciation à une procédure contradictoire servira sans doute l’autorité de concurrence à


dégager des ressources pour approfondir ses investigations dans des affaires plus complexes.
Or l’autorité de la concurrence n’établira sa décision en la matière sauf si toutes les entreprises
concernées s’engagent unanimement dans une telle procédure, ce qui donne l’’éventualité de deux
décisions différentes concernant la même affaire, si jamais l’une des entreprises conteste les griefs,
réduisant à néant les perspectives d’économies.
De même concernant le recours à l’appel par l’une des entreprises, l’autorité de
concurrence répliquera alors aux arguments présentés, ce qui annulera ex-post le gain procédural
initial.

116
CA Paris, 29 janv. 2008, Le Goff Confort ; Cass. com., 29 mars 2011, Travail temporaire (Manpower).

117
A l’occasion d’une conférence organisée par l’APDC sur le thème « La loi Macron et le droit de la concurrence »
(Paris 24 septembre 2015), le Président Lasserre a cependant laisser entendre que la situation des entreprises ayant
fait le choix de transiger serait disjointe des autres.

50
Par ailleurs, le contradictoire sera centré uniquement sur les éléments de calcul de la
sanction. Sauf procédure hybride, le temps y consacré sera donc plus court.

- L’aide au développement d’une culture de la concurrence :

La procédure de non-contestation de griefs est également exemplaire lorsqu’elle s’accompagne


de la mise en place d’un programme de conformité. C’est en effet toute l’entreprise, de ses
dirigeants à ses plus petits acteurs, qui va être initiée aux règles concurrentielles, aux
comportements à éviter ou à adopter. Une pédagogie de la concurrence va se développer à travers
des livrets, des séances de formation, d’e-learning, etc.

L’entreprise peut en outre diligenter un audit concurrence en son sein ; elle devient sa propre
inspectrice et son propre gendarme si une déficience est constatée puisque celle-ci devra être suivie
de sanctions professionnelles.

1.2. Du point de vue des entreprises contrevenantes

- Des acteurs responsabilisés :

Dans une procédure contentieuse classique, les entreprises sont passives et contraintes. La
sanction est subie et potentiellement mal acceptée. La non-contestation des griefs comme
procédure négociée voire une procédure alternative ou complémentaire a cette particularité de
modifier le statut des entreprises en les faisant participer au mécanisme de redressement de
l’illicite. Elles participent en effet à leur condamnation, qu’elles tentent d’infléchir (transaction
française et européenne118 ), cette procédure a vocation aussi à rechercher des remèdes à travers
les engagements qu’elle porte.
D’emblée la recherche de remèdes est évidemment l’hypothèse la plus responsabilisante,
la plus formatrice pour l’entreprise. C’est particulièrement le cas lorsqu’elle met en place un
programme de conformité. Ainsi que l’énonce l’Autorité française, “ces programmes sont
l’illustration tangible de stratégies de gouvernance volontaristes” 119.

118
Les propos de la Commission méritent d’être cités. Présentant la procédure de transaction sur son site, elle écrit :
“The philosophy behind settlement is that the Commission services need to obtain a ʻcommon understanding’ with all
settling parties on the facts and the scope of the Commission’s potential objections in a case.”

119
Pt 9 du document-cadre du 10 février 2012 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence.

51
En outre, lorsqu’une entreprise prend des engagements, que ce soit dans la procédure
d’engagements (comme nous l’avons déjà vu) ou même dans le cadre de la procédure française de
non-contestation de griefs/transaction, le cas échéant elle doit respecter la parole donnée et les
exécuter scrupuleusement donc elle s’assujettit –de plein gré- à une forme de loyauté.
Or, toute défaillance est sanctionnée, que ce soit en droit européen 120 ou en droit français121
par contre en droit algérien il n’y a aucune stipulation ou même un renvoi à un texte stipulant une
quelconque sanction en cas de passer outre à ses engagements dans la procédure négociée
algérienne.

- Des acteurs moins exposés au risque de sanction :

Bien évidemment, la procédure algérienne prime sur la procédure française en matière de


récompense puisque elle va au-delà d’une réduction d’amende, si on négocie à bien avec le conseil
de la concurrence en vertu du fameux article 60 de la loi de concurrence algérienne, notamment
en reconnaissant les griefs, puisque le droit algérien énonce plutôt la reconnaissance des griefs et
non pas seulement leur non-contestation, la récompense serait suprême donc l’exonération totale,
sinon et selon la propre appréciation du conseil de la concurrence, la récompense peut être
seulement une réduction : cette réduction d’amende n’est pas définie en droit algérien, ce qui
prouve à nouveau l’absence de la pratique du conseil, puisqu’il n’as même pas fait l’effort de
légiférer un communiqué relatif à la procédure pour combler les lacunes en la matière : on peut en
conclure que le contrevenant algérien est veinard puisqu’il n’est pas sanctionné s’il honore pas ses
engagements concomitants.

Or, l’entreprise qui choisirait en France de ne pas contester les griefs articulés contre elle
bénéficiera, si elle joue correctement le jeu, d’une réduction de sanction de 10 %, qui est considérée
comme la contrepartie à la facilité procédurale qu’elle procure à l’Autorité122 . Si elle prend des
engagements en sus, dont nous avons vu qu’ils étaient désormais facultatifs, elle pourra bénéficier
d’une réduction de sanction supplémentaire de 15 %, ce qui peut permettre en tout de réduire de
25 % la sanction normalement encourue. On ignore si la procédure de transaction introduite par la

120
Pour exemple, affaire Deltafina, dans laquelle le Tribunal a validé le pouvoir de sanctionner une mauvaise
coopération de la part du demandeur de clémence (aff. T-12/06, arrêt du 9 septembre 2011).

121
V. not. Aut. conc., 28 mai 2012, déc. no 13-D-12, Commodités chimiques, ou no 11-D-17 du 8 déc. 2011, Lessives.

122
Pt 34 du communiqué de procédure du 10 février 2012.

52
loi Macron remettra en cause ces allègements123 , mais l’on sait déjà qu’elle supprime un autre
avantage qui était jusqu’alors attaché à la procédure de non-contestation des griefs : celui de
réduire de moitié le plafond de la sanction encourue.

2. La situation de la négociation

La procédure française à travers l’article L. 464-2 III du code de commerce, évoque une
possibilité de proposition de réduction de la sanction encourue.
Donc ça reste une faculté pour le rapporteur général : cette faculté est soumise à son appréciation,
pour ce qui est de proposer un taux de réduction au cas par cas.
Cependant, il est à noter que même en présence des facteurs suivants : (la renonciation à
contester la réalité de l’ensemble des pratiques en cause, la qualification juridique des faits et leur
imputabilité, la régularité de la procédure ayant abouti à la notification des griefs et la compétence
de l’autorité), le collège de l’autorité de la concurrence n’est nullement lié par la proposition de
réduction d’amende émise par le rapporteur général.
Le collège peut s’engager à renvoyer l’affaire à l’instruction, au cas où il envisage de s’écarter de
cette proposition.
Bien évidemment l’entreprise concernée par cette procédure et bel et bien loin d’être en
position égale à celle de l’autorité -notamment son collège- au détriment de toute négociation déjà
établie avec le rapporteur général.
En outre le collège cerne la procédure en s’assurant que celle-ci s’applique à bien, voire
que le rapporteur n’a pas commis d’erreurs que ce soit dans l’application et/ou le cas échéant
l’appréciation des engagements proposés. Jusqu’en 2008 la non-contestation des griefs était
couplée à des engagements que les entreprises devraient honorer pour bénéficier de la dite
réduction de la sanction qui peut s’étaler jusqu’à la moitié, donc la négociation était tout autour du
contenu des engagements et la réduction d’amende avant d’aborder la phase de décision de
l’autorité.

123
Ils sont en effet issus de la pratique décisionnelle et du communiqué de procédure du 10 février 2012, antérieurs à
la loi Macron. Lors d’une conférence en date du 1er juin 2015, l’Autorité a fait savoir qu’elle codifiera dans un
nouveau communiqué de procédure la méthode qui émergera de la pratique à venir (in Face aux autorités de
concurrence, négocier ou se défendre ? Intérêts et risques des engagements, synthèse de la conférence accessible à
l’adresse suivante : http://www.concurrences.com/Photos/...).

53
Et ce n’est qu’après l’ordonnance du 13 novembre 2008, que la prise d’engagements
devienne facultative, ce qui ôte l’aspect négocié de cette procédure dans le cas où l’entreprise
concernée écarte toute idée de prise d’éventuels engagements, et le taux de réduction sera limité à
10% réduisant d’autant la marge de négociation.
On peut conclure que la marge de négociation varie selon la prise d’engagements ou pas.
Il faut signaler que la procédure algérienne se distingue notamment par les engagements qui
demeurent obligatoires par rapport au caractère facultatif des engagements en procédure française.
Et le droit algérien fait à nouveau la différence en évoquant la possibilité d’une réduction
qui peut aller jusqu’à l’exonération totale, mais le principe reste le même.
Cependant il faut tout de même et encore une fois souligner la souveraineté du conseil de la
concurrence, puisque même si les conditions spécifiques à la procédure sont réunies, il n’en
prendra que la décision qui lui convient de plein droit et au détriment de toute préalable
négociation, puisque le texte est plus qu’expressif en stipulant « le conseil de la concurrence peut
décider de réduire le montant de l’amende ou ne pas prononcer d’amende… »
En effet le vocable « peut » en termes de droit laisse la porte grande ouverte au pouvoir
d’appréciation du conseil de la concurrence.
Et encore dans le texte législatif algérien il n’y a absolument aucun renvoi voire aucune
allusion à une négociation entre le conseil et l’entreprise qui plaide coupable.

§ 2. La Transaction

Cette procédure partage également le même penchant avec les autres procédures
précédentes, néanmoins elle dispose d’une particularité la distinguant des autres, nous allons
l’étudier à travers sa mise en œuvre (A) et son attractivité (B).

A. La mise en œuvre de la procédure

Bien qu’elle trouve son origine dans la procédure française de non-contestation des griefs,
mais la commission européenne a plus ou moins su et/ou pu –théoriquement- l’imposer
indépendamment.

54
1. Champs d’application et déroulement de la procédure

Inspirée de la non-contestation des griefs ou la transaction française, La transaction


envisagée par la commission européenne remonte à la publication d’un projet de communication
y afférent en vue de l’adoption de décisions en vertu des articles 7 et 27 du règlement n°1/2003 124
du conseil dans les affaires d’entente.
Or, l’introduction formelle de la procédure de transaction était par le règlement du 30 juin
2008125, suivi par la communication du 2 juillet 2008126 portant la description détaillée de la
procédure applicable.
La transaction est qualifiée d’un aveu, elle intervenait à la demande de l’entreprise avant
toute notification des griefs dans le même contexte d’une procédure de clémence.
En effet la demande porte la reconnaissance absolue de l’infraction par l’entreprise concernée,
ainsi que les principaux faits y afférents, notamment leur qualification juridique et la durée de sa
participation à l’infraction.
Toutefois, la procédure prend la forme écrite et elle n’a d’intérêt que si toutes les parties
acceptent de négocier et/ou transiger : il est à signaler que la principale réserve soulignée par la
doctrine , concernait les droits de la défense quelque peu négligés dans le projet : entre autres
l’article 6-1 de la CEDH, le principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement était
totalement outragé, puisque seule la commission avait la maitrise de la procédure écartant tout
recours au juge.
Or le projet a été légèrement modifié, les textes relatifs à la procédure se composaient du
règlement n°662/2008 du 30 juin 2008, modifiant le règlement n°773/2004 en ce qui concerne les
procédures de transaction engagées dans les affaires d’entente et d’une communication du 02
juillet 2008 relative au procédures de transaction engagées en vue de l’adoption de décisions en
vertu des articles 7 et 23 du règlement n°1/2003 du conseil dans les affaires d’ententes, deux textes
entrés en vigueur le 02 juillet 2008127.

124
Règlement (CE) n° 1 /2003 du conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence
prévues aux articles 81 et 82 du traité. JOUE L1 du 4 janvier 2003.
125
Règlement CE n° 622/2008 de la commission du 30 juin 2008 modifiant le règlement CE n° 733/2004 en ce qui
concerne les procédures de transaction engagées dans les affaires d’ententes, JOUE L173/3 du 1 er juillet 2008
126
Communication de la commission du 2 juillet 2008 relative aux procédures de transaction engagées en vue de
l’adoption de décisions en vertu des articles 7 et 23 du règlement CE n° 1/2003 du conseil dans les affaires d’ententes,
JOUE C 167/1 du 2 juillet 2008
Disponible sur http :// www.concurrence.public.lu/legislation/europeenne/concurrence/communication_167_01.pdf.
127
E. Barbier De la Serre, « Le dispositif communautaire en matière de transaction. », RLC n° 17/2008, p. 95.
P. Arhel, « La Commission européenne se dote d’un système de transaction », JCP E2008, 352.

55
Il est à signaler que la procédure de transaction dans sa version communautaire, ne
s’applique qu’aux ententes anticoncurrentielles

Le déroulement de la procédure :

Ouverture de la procédure : l’identification des entreprises susceptibles d’être infligées par


une amende reste la phase initiale, à cet égard, il faut signaler que la commission possède déjà des
éléments consistants pour mettre en cause ces entreprises, donc elle est déjà en position de force
en ayant l’initiative d’envoyer une lettre proposant l’ouverture de la discussion pour un règlement
transactionnel du cas.
Quant à l’ouverture de la procédure ça ce fait à tout moment, mais la date limite c’est la
date de la communication des griefs, et c’est suite à la décision de la commission, qu’un délai d’au
moins deux semaines est donné aux parties, pour qu’elles puissent déclarer par écrit leur intention
de prendre part à des discussions menant à une probable transaction afin de présenter
ultérieurement des propositions de transaction. Il faut signaler qu’un représentant commun est
désigné en présence d’un groupe de sociétés. Ce qui tend à démontrer que les autorités considèrent
le groupe comme une entreprise unique128.
Discussions : après la formalisation d’une demande d’ouverture de procédure de
transaction par les parties concernées, la commission peut décider de poursuivre la procédure par
des contacts bilatéraux,
Toutefois la commission impose son imminence lors de ces présumées discussions,
notamment le moment de la communication des informations et / ou des preuves.
Or la communication de ces informations permettra aux parties d’être informées des
éléments essentiels y afférents : tels que les faits allégués, leur qualification, la gravité et la durée
de l’entente alléguée, l’attribution des responsabilités, une estimation des fourchettes d’amendes
probables, ainsi que les éléments de preuves utilisées à l’appui des griefs éventuels.
C’est ensuite que les parties pourront poser-les pour et les contre- en connaissance de cause pour
en décider de conclure une transaction.
En attendant, les entreprises concernées ont tout de même le droit d’accéder aux documents
non confidentiels figurant dans le dossier, en tout cas elles ont 15 jours ouvrables aux moins pour
présenter une proposition de transaction.
Une proposition de transaction doit contenir les données suivantes :

128
L. Arcelin, Le droit de la concurrence Les pratiques anticoncurrentielles en droit interne et communautaire, PUR,
2009, p. 170.

56
- Une reconnaissance en termes clairs et sans équivoque, par les parties de leur responsabilité
dans l’infraction, formalisée par un résumé qui couvre l’objet de l’infraction, son
éventuelle mise en œuvre, les principaux faits et leur qualification juridique, le rôle de
chaque partie, la durée de leur participation
- Une indication du montant maximum des amendes que les parties s’entendent à se voir
infliger par la Commission et qu’elles accepteraient dans le cadre d’une procédure de
transaction.
- La confirmation par les parties de leur information sur les griefs envisagés par la
commission, et quelles ont fait connaitre leur point de vue à cette dernière.
- La confirmation par les parties qu’elles n’envisagent pas de demander l’accès au dossier,
ou à etre entendus de nouveau lors d’une audience orale, à moins que la communication
des griefs ne reflète pas leur proposition de transaction.
- L’accord des parties de recevoir la communication des griefs et la décision finale prise en
vertu des articles 7 et 23 du règlement n°1/2003 dans une langue officielle convenue de la
communauté européenne. La prise en considération des propositions de transaction, se
manifeste par la commission lors de la communication des griefs là où est fixé un montant
de l’amende qui ne dépasse pas le maximum indiqué dans les propositions
Or la communication des griefs se fait obligatoirement par écrit si elle reflète les propositions
des parties en revanche celles-ci doivent y répondre dans un délai fixé par la commission d’au
moins 02 semaines, en confirmant leur volonté de poursuivre la procédure de transaction.
Cependant si la communication néglige le contenu de la proposition de transaction, les aveux et
ou les éléments reconnus par les parties dans la proposition seront considérés comme retirés et ne
seront plus retenus contre eux par la commission.
Par conséquent les parties concernées ne seront plus liées par leurs propositions de transaction,
elles peuvent donc demander un délai pour préparer leur défense à nouveau, et en l’occurrence la
possibilité d’accéder au dossier, et de demander une audition.
Décision de la commission : c’est suite à la confirmation des parties de leur engagement de
parvenir à une transaction, que la commission adopte une décision finale, après consultation du
comité consultatif. Toutefois la commission conserve le droit d’adopter une position finale qui
s’écarte de sa position initiale exprimée lors de la communication des griefs entérinant les
propositions de transaction, soit eu égard à l’avis rendu par le comité consultatif, soit pour d’autres
considérations pertinentes liées à l’autonomie décisionnelle de la commission en la matière.
Dès lors une nouvelle notification des parties s’impose, afin que ces dernières puissent exercer
leur droit de défense conformément aux règles générales de procédure applicable.

57
Or la récompense consiste à une réduction de 10% du mentant de l’amende à infliger après
application du plafond de 10%.
A titre récapitulatif, on peut cerner cette procédure en trois phases : la phase préparatoire : où
la commission établie une certaine évaluation de la comptabilité de l’affaire avec la procédure de
transaction tout en sondant l’intérêt des parties concernées, en suite c’est au tour de l’ouverture de
la procédure, avec demande d’expression d’intérêt ;
La phase de discussion : à travers des réunions formelles et techniques avec communications des
preuves clés, et position commune formalisée dans une proposition de transaction émanant de
l’entreprise concernée ;
Enfin la phase de formalisation : concrétisée par une communication de griefs reprenant la
proposition et confirmation des parties. Et décision formelle simplifiée adoptant la réduction
forfaitaire de 10%.

2. Le cas du droit algérien : Une procédure ambiguë

Le législateur algérien à travers son unique article, à savoir l’article 60 de la loi relative à
la concurrence, stipule clairement que si les entreprises mises en cause « reconnaissent les
infractions qui leurs sont reprochées, collaborent à l’accélération de celle-ci et s’engagent à ne
plus commettre d’infractions » elles seront récompensées que ce soit par une réduction du montant
de l’amende encourue ou par une exonération totale de celle-ci.
D’emblée, on est presque renvoyé à la procédure de transaction dans sa version
communautaire, puisque en dehors de la collaboration et les engagements pris par les
contrevenants, les dispositions de cet article portent la reconnaissance des infractions.
Or, on ne peut nullement détourner la qualification de cette reconnaissance : il s’agit bel et
bien d’un aveu de culpabilité.
Ce qui reflète une certaine adoption de la procédure de transaction communautaire.
En revanche, il faut tout de même signaler quelques points de différence quant à la mise en œuvre
de la procédure, puisque le législateur algérien -contrairement à son homologue européen- aborde
la phase de l’instruction, voire la phase contentieuse, alors que la procédure de transaction
communautaire se manifeste dans la phase précontentieuse du moment que la proposition dans
cette dernière se fait avant la communication des griefs.

58
En outre le domaine d’application de cette procédure communautaire c’est les ententes,
quant au droit algérien il n’y a absolument pas de désignation, ce qui laisse la porte grande ouverte
à toutes les infractions qui portent atteinte à la concurrence.
Et encore, l’obligation des engagements concomitants différencie à son tour la procédure
algérienne.
Toutefois la récompense en droit algérien peut s’étaler jusqu’à l’exonération totale, alors
qu’en droit communautaire elle est limitée en une réduction, on peut ajouter que la procédure
communautaire concerne plutôt les cartels alors qu’en droit algérien ça concerne tous types
d’infraction qui portent atteinte aux règles concurrentielles.
A cet égard, l’évidente perplexité de l’adoption de la procédure de transaction par le droit
algérien, s’impose relativement à l’opacité de l’article 60 suscité.
C’est la raison pour laquelle il s’avère indispensable de détailler et/ou d’expliquer les dispositions
de cet article par voie réglementaire aux moins en l’absence de l’exercice du conseil de la
concurrence algérien.
Cependant, l’énumération des points en commun et les points de différence des deux
procédures en l’occurrence dans le droit communautaire et le droit algérien, mène clairement à
modérer toute présumée idée sur l’adoption du droit algérien d’une procédure de transaction
proprement dite.

3. Le cas du droit français : La mise à l’ écart de la procédure communautaire

Bien qu’elles ont dorénavant la même appellation, mais la loi Macron n’a pas unifié les
deux transactions communautaire et française en une seule procédure.
Dans ce contexte, il est à signaler que le droit français ne croit pas en cette procédure, même si
certains trouvent -à tort- une certaine ressemblance entre cette procédure et la procédure de non
contestation de griefs française : la liaison obligatoire entre la non-contestation des griefs et
engagements permettait avant 2008, de distinguer la procédure de non-contestation des griefs
française de la procédure de transaction communautaire, dans la mesure où la procédure
communautaire ne suppose pas des engagements concomitants.
Cependant on peut différencier les deux procédures, notamment par le fait que la
transaction ne vise que les ententes alors que la non-contestation des griefs concerne aussi bien
des ententes que des abus de position dominante, ou encore la transaction peut être initiée avant

59
même l’envoi de la notification des griefs ce qui l’éloigne d’une procédure de non-contestation
des griefs.
Surement l’introduction un peu tardive de cette procédure en droit communautaire l’a mise
en observation par quelques états membres de l’union européenne, notamment la France.
Ou alors cette procédure ne s’est réellement pas imposée, présentant assez peu d’attraits pour les
entreprises, éloignant toute pression sur le législateur français.
A cet égard on peut signaler que peut être l’infériorité du taux de réduction de la transaction
(10% maximum) met en évidence la volonté de la commission d’éviter une quelconque mise en
concurrence de la procédure de transaction avec la procédure de clémence129.

B. L’attractivité de la procédure

Dans le même contexte suivi dans les procédures précédentes, nous allons soulever
l’attractivité de cette procédure dans deux points : son intérêt (1) et la négociation qu’elle porte (2)

1. L’intérêt de la procédure

La transaction par rapport à son intérêt, se manifeste sur deux points de vue celui de
l’autorité de la concurrence et celui de l’entreprise contrevenante.

1.1. Du point de vue des autorités de concurrence

- La réduction de la charge probatoire 130 :

la transaction européenne repose sur une reconnaissance de culpabilité, elle simplifie la charge
probatoire sans l’exclure totalement : la commission a le devoir de montrer aux entreprises qu’elle

129
F. Party et P. Reis, "Perspectives juridiques et économiques sur les procédures négociées en droit de la concurrence"
Les Dossiers de la RIDE, Editions De Boeck Université, Bruxelles, 2011, p. 32

130
Pour une étude récente des outils de détection, leurs lacunes et les moyens de les améliorer, v. L. Idot, W. E.
Kovacic, C. Fonteijn, Détection des pratiques anticoncurrentielles : Faut-il réformer les outils existants ou introduire
de nouveaux outils ? Clémence, observation des marchés, récompenses financières… (New Frontiers of Antitrust, 21
février 2014, Paris), mai 2014, Concurrences no 2-2014, Art. no 66158.

60
dispose d’éléments assez consistants pour lui permettre d’entrer en voie de condamnation131, elle
donc loin de remplir une fonction d’outil d’investigation132.

-L’accélération des délais de traitement des affaires :

La procédure européenne de transaction exacerbe ces traits puisque les entreprises


renoncent à toute défense133 .
Il est dit que “la perte d’utilité répressive (limitée à 10 % du montant de l’amende) est
compensée par un gain d’utilité administrative”134 , et ce gain est énorme.
Sont en effet économisés les coûts de traduction, d’accès au dossier, d’auditions, etc.
L’affaire des détergents domestiques de 2012 en constitue une bonne illustration : il n’a
fallu à la Commission “que 10 mois entre la première réunion tenue en vue de parvenir à une
transaction et l’adoption de la décision” infligeant une amende de 315,2 millions d’euros aux
lessiviers135 .
L’objectif assumé de cette procédure est bien de réduire la durée de traitement des affaires.

131
V. La présentation de la procédure sur le site Europa : « A settlement is not the same as a plea bargain. The
commission has to show the parties that it has sufficient evidence to bring a final decision, and must send a Statement
of Objections ».
132
Emmanuelle Claudel, « Procedures négociées accessoires ou alternatives à la sanction en droit de la concurrence :
raison garder ! », novembre 2015, Revue Concurrences n° 04-2015, art n° 75896, pp. 61-83.
133
La Commission présente ainsi la procédure de transaction sur son site: “The Commission benefits from a shorter,
quicker administrative process, allowing for more efficient use of staff in the cartel department, and a reduced number
of appeals to the court”. Elle ajoute: “(…) settlement is a tool that aims to simplify, speed up and shorten the procedure
leading to the adoption of a formal decision, thus saving human resources in the cartel department.”

134
V. D. M. B. Gérard, Les procédures négociées en droit de la concurrence in La flexibilité des sanctions, XXIes
journées juridiques Jean Dabin, Bruylant 2013, pp. 559-579, spéc. p. 573.

135
Document de travail des services de la Commission en date du 30 mai 2012 accompagnant le rapport de la
Commission sur la politique de la concurrence 2011 DTS(2012) 141 final, p. 15.

61
1. 2. Du point de vue des entreprises contrevenantes

L’avantage attendu de la procédure européenne de transaction est quant à lui plus modeste,
puisque les entreprises qui y ont recours ont uniformément droit à une réduction d’amende de 10
% 136.

Les pratiques examinées étant des cartels, et les sanctions encourues s’élevant à plusieurs
centaines de millions d’euros, une réduction de cet ordre peut être néanmoins incitative en valeur
absolue.

Il faut par ailleurs garder à l’esprit que la procédure de transaction a été conçue comme un
instrument accompagnant une démarche de clémence137 : les avantages pécuniaires se cumulent
donc.

Le droit communautaire se veut arriver à un gain procédural, puisque la procédure est


simplifiée et accélérée, ce qui dégage des ressources pour d’autres affaires plus complexes, et
permettant aussi de diffuser une culture de respect du droit de la concurrence auprès des entreprises
concernées.
D’emblée, on peut constater que la procédure de transaction est introduite pour compléter
la procédure de clémence, pour les entreprises qui n’ont pas bénéficié d’une clémence ou qui
bénéficient d’une clémence de second rang et qui reconnaissent les faits.

2. La situation de la négociation

Il est clair que le terme de « transaction » reflète cette négociation qui aboutit à un contrat
établit après une négociation.
Juridiquement parlons le terme transaction en droit commun algérien, renvoi à cet
arrangement entre deux partie ou plus en positions égales, ayant par obligation « la capacité de

136
Ce tarif “s’explique par la volonté de maintenir une incitation des entreprises à recourir à la procédure de
clémence, notamment de second rang, de préférence à la transaction, l’une n’étant pas exclusive de l’autre”, C.
Grynfogel, Sanctions du droit communautaire de la concurrence, Juris-Classeur, Comm. fasc. 287, no 53.

137
À notre connaissance, il n’existe qu’un cas de transaction “sèche”, c’est-à-dire n’accompagnant pas une démarche
de clémence (déc. du 5 mars 2014, Bourses de l’électricité).

62
disposer à titre onéreux des droits faisant l’objet de la transaction »138, cette transaction n’est
qu’ « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une
contestation à naitre, et ce aux moyens de concessions réciproques. »139
A cet égard il est clair que le concept de transaction en droit commun algérien diffère par
rapport à celui de la commission, puisqu’on peut jamais prôner que le gendarme et le voleur sont
du même rang, la logique exige que l’autorité de la concurrence soit toujours en position de force,
dès lors le concept du droit commun algérien est d’emblée écarté de toute définition liée à cette
procédure dite négociée.
Or il est à signaler quand même, que le terme « transaction » n’est en réalité qu’une
traduction -à tort- du terme anglais « direct settlement ». La traduction adéquate selon une partie
de la doctrine serait plutôt « règlement direct »140.
Quoi qu’il en soit, la négociation est presque absente en cette procédure dite négociée,
donc le terme de « transaction » n’est sans doute pas le plus approprié dans la mesure où il n’y a
pas de négociation de la part de la commission.

On peut constater ce point de vue à travers le point 2 du règlement que la commission « ne


négocie pas la question de l’existence d’une infraction à la législation communautaire ni la
sanction à y appliquer ».
En outre, la transaction dont il est question n’est pas cette technique contractuelle visée par
le droit civile, impliquant des obligations bilatérales, voire des concessions réciproques, et encore
il n’y a aucune négociation en ce sens entre l’entreprise contrevenante et la commission, puisque
la commission est déjà en position de force, chose qui lui permet d’imposer ses propres règles.
En effet la commission est en position d’adresser une communication des griefs sur la base
des preuves en sa possession, alors que l’entreprise contrevenante n’a qu’à reconnaitre son
implication et accepter l’application de la procédure.141
Quant à la mise en œuvre de la procédure, la commission ne négocie ni les sanctions, ni
l’utilisation des preuves142, mais en revanche elle s’engage à recomposer selon sa propre

138
Art. 460 du code civil algérien
139
Art. 459 du code civil algérien.
140
G. Jazottes, «La Commission se dote d’une procédure simplifiée pour l’application de l’interdiction des ententes :
la procédure dite de transaction », RTD Com., 2009, p. 230.
141
M. L. Tierno Centella et E. Cuziat, op. cit.
142
Frederic Marty et Patrice Reis, « Perspectives juridiques et économiques sur les procédures négociées en droit de
la concurrence », in Les procédures négociées en droit de la concurrence, les dossiers de la RIDE, dossier n°4,
Deboeck, Bruxelles, 2011, p. 24

63
appréciation, une forme de coopération de l’entreprise contrevenante dans l’accélération de la
procédure, en accordant une réduction du montant de l’amende pouvant aller jusqu’à 10%.

64
Chapitre 2. La mise en concurrence des procédures négociées : Le choix de la
négociation

Nous allons essayer à travers ce chapitre de suivre la logique du choix de la meilleure


procédure négociée parmi les quatre proposées et/ou offertes en droit de la concurrence, et
comment l’entreprise contrevenante adopte sa propre stratégie selon les circonstances de sa
contravention et notamment soulever le point de la possibilité de cumuler entre ces procédures
alternatives et/ou complémentaires

Section 1. Les stratégies des entreprises contrevenantes : Le processus de la


négociation

Nous avons trouvé que les stratégies des entreprises contrevenantes en adoptant telle ou
telle procédure négociée, varient a priori selon la notification des griefs : donc avant la notification
des griefs on est en phase précontentieuse c’est-à-dire avant le déclanchement de toute procédure,
alors qu’après cette notification on est alors en pleine instruction voire en phase contentieuse.
En effet dans le même contexte nous allons étudier d’abord les stratégies des entreprises
contrevenantes dans la phase précontentieuse (§1), ensuite leurs stratégies dans la phase
contentieuse (§2).

§1. Les stratégies des entreprises dans la phase précontentieuse

Cette phase ne concerne pas la procédure négociée adoptée par le législateur algérien, du
moment où celle-ci est concernée plutôt par la phase contentieuse ; c’est la raison pour laquelle on
va se focaliser sur la clémence tant au communautaire que française.
Comme on l’a déjà précisé , la procédure de clémence a été traité notamment en matière
de dispositif dans le communiqué de l’autorité de concurrence française du 2 mars 2009 inspiré
du programme modèle de la commission européenne du 29 septembre 2006, donc la première
entreprise qui prend l’initiative de dénoncer le cartel -en remplissant les conditions afférentes à la
procédure-, peut bénéficier d’immunité totale.
Cependant il faut signaler qu’on ne s’engage pas si facilement dans une telle procédure.

65
A. Critères de choix de la clémence (premier rang)

Chaque entreprise a sûrement ses propres arguments et/ou raisons pour s’assujettir à
l’autorité de concurrence à travers une demande de clémence.
Mais généralement c’est la survenance d’un élément déclencheur qui pousse l’entreprise à prendre
une décision de procéder à une demande de clémence143.
On peut s’accentuer quand même sur quelques cas qui mènent l’entreprise à se dénoncer
voire à dénoncer les pratiques prohibées auxquelles elle a participé, notamment le cas d’une société
prenant le contrôle d’une autre dont elle découvre qu’elle a participé à un cartel : la dénoncer ne
peut être que bénéfique pour elle en vue de l’arrêt des comportements déviants et l’immunité
d’amende.
Cependant la possibilité de recourir aux actions indemnitaires reste ouverte, ce qui soulève
surement le problème de la divulgation des documents probatoires en l’absence d’une
détermination de la procédure de « discovery » établi par les droits communautaire et français.
On peut citer aussi le cas où l’entreprise dénonciatrice estime qu’elle a davantage intérêt à briser
la concertation qui prend du recul qu’à y rester.
Ou alors le cas de l’influence des circonstances extérieures à titre d’exemples : les menaces
directes faites par un salarié licencié, et encore le déclenchement de certaines enquêtes concernant
le droit antitrust telle qu’une enquête sur les pratiques restrictives de la concurrence aboutissant à
des pratiques anticoncurrentielles.
On peut conclure que la décision est relative au risque réel de se faire prendre, voire d’être
impliquée dans une procédure qui finira sans doute à se voir infliger à des amendes d’ampleur.
Donc pour l’entreprise qui veut prendre l’inactive de la dénonciation, c’est plutôt une question de
poser les pour et les contre, voir à comparer les divers types de risques à l’avantage que représente
l’immunité totale.
Bien évidemment les risques dont il est question varient selon la probabilité de se faire
prendre en vue de la découverte des pratiques prohibées, la majoration d’amende encourue et les
représailles des autres membres du cartel : au cas où ce dernier comporte des acteurs de marché

143
Anne KRENZER, « Articulation avec une transaction ou une demande de non-contestation des griefs », in
comment gérer une demande de clémence, Concurrence N°3-2012 /Pratiques, p. 264.

66
situés à des stades différents du processus économique, notamment des distributeurs dont l’un
d’entre eux et à la fois distributeur et producteur144.
Pour autant la procédure de clémence offre certaines garanties propres à elle et qui
s’avèrent plus attractives à opter pour une telle procédure notamment, le système du
« Marqueur » : Il faut signaler que cette mesure en vertu des points 14 et 15 de la communication
communautaire de 2006, est considérée comme une garantie pour l’octroi d’une immunité,
s’agissant d’une alternative à la demande formelle d’une clémence : puisque l’entreprise concernée
donne « un signe de vie » par la fourniture de quelques informations et/ou cordonnées limitées
notamment , son nom, son adresse, les participants à l’entente, produit(s), territoire(s) affecté(s),
durée et nature de l’entente.
Néanmoins c’est une mesure sûre, qui permet de protéger et/ou préserver la place de celle-
ci dans l’ordre de l’arrivée des demandes formelles et/ou semblables, juste le temps de rassembler
toutes les informations que la commission qualifierait ultérieurement d’intéressantes voire
nécessaires pour confirmer l’infraction.
Bien évidemment c’est la commission qui décide de ce délai de fourniture.
Il est à noter quand même que ces informations seront obligatoirement présentées
définitivement dans ce délai et non pas d’une façon hypothétique.
D’amblée, le système du marqueur est d’une efficacité à double tranchant puisqu’il peut à
la fois ralentir la rapidité de la procédure pour répondre à l’exigence d’exhaustivité et de qualité
des informations fournies, et permettre à l’entreprise de conserver sa place dans l’ordre des
demandes, ce qui rend ce système encore plus attractif.

B. Difficultés de mise en œuvre

Avant de prendre l’initiative, il est clair que l’entreprise va contacter -informellement-


l’autorité de concurrence, généralement ça se fait par le biais d’un avocat : celui-ci étant
assermenté, il est lié au secret professionnel.
Cependant le rang peut poser problème, si plusieurs entreprises prennent la même initiative, dans
ce cas des « marqueurs » permettent de constater l’odore chronologique dans lequel les entreprises
dénonciatrices se sont présentées.

144
Commission européenne, communiqué de presse IP/10/776 du 22 juin 2010, « Antitrust : Commission Sends
Statement of Objections to Suspects Participants in Window Mounting Cartel ».

67
Or les conditions de coopération avec l’autorité de la concurrence peuvent aussi soulever certaines
difficultés.
- Difficultés liées à la cessation de la participation à l’entente présumée : la procédure de
clémence impose la cessation de la pratique sans délai et/ou au plus tard à compter de la
communication de l’avis de clémence, sauf report particulier par l’autorité.
En revanche, concernant le droit français, ce cas de figure peut déclencher la responsabilité
pour rupture brutale des relations commerciales établies, et ce en vertu de l’article 442-6-
5°, le cas échéant le cocontractant peut demander-en référé- au juge, la continuation pour
éviter le préjudice imminent, dans ce cas la dénonciation est mise en cause puisqu’elle est
à l’origine de cette situation.
Ce qui mène à négocier une solution conciliant les exigences de la clémence et du droit des
contrats145.
- Difficultés liées au maintien de la confidentialité de la demande pour la préservation de
l’efficacité des mesures de l’enquête : dans un temps normal, la dénonciation aboutit aux
perquisitions, le fait de dénoncer épargne souvent l’entreprise dénonciatrice de se voir subir
et/ou supporter des visites domiciliaires à son niveau, par rapport aux autres membres du
cartel.
Le problème se pose si ces derniers ne sont pas nombreux, la réalisation de telle mesure -
souvent sous la demande du dénonciateur- peut mener à faire disparaitre les preuves et en
revanche à des représailles.
- Difficultés liées à la coopération véritable, totale, permanente et rapide tout au long de la
procédure : la procédure de clémence à travers ses éléments de base notamment la
fourniture de tous les renseignements et/ou documents de preuves indispensables, ainsi que
l’audition des représentants légaux et les salariés (actuels et anciens) de l’entreprise
dénonciatrice.
A cet égard bien que la dénonciation reste une décision prise par les dirigeants, mais le
personnel salarié n’est nullement obligé de s’y soumettre. La préservation des éléments de
preuve, voire la collecte des éléments de preuve qui ont été systématiquement détruits,
présente une rude tâche.

145
J. B. Drummen, « Les modes alternatifs de règlement des conflits en droit de la concurrence », JCP €, 2009, n°
18/19, p.27.

68
A cet égard il est important de mettre en place les moyens adéquats au sein de ’entreprise,
une coopération étroite doit être assurée entre les différentes personnes concernées, tout en mettant
l’accent sur le rôle de l’avocat pour réussir la procédure.

Il faut signaler qu’un programme de « compliance »146 demeure un moyen efficace en la


matière, notamment concernant la conscience des salariés que chacun d’eux peut être un
dénonciateur potentiel, leur engagement personnel est généralement requis et formalisé dans un
document indiquant que tout manquement délibéré aux règles de la concurrence peut être considéré
comme une faute lourde147.

§2. Les stratégies des entreprises dans la phase contentieuse

C’est dans cette phase qu’on peut évoquer le cas de la procédure dite négociée adoptée par
le droit algérien : a priori la procédure algérienne de non-contestation des griefs, se manifeste dès
la notification des griefs, l’entreprise contrevenante réagit notamment selon quelques détails près
qui recouvrent ces griefs : alors c’est comme au niveau des juridictions, ce n’est que rare qu’on
plaide coupable, néanmoins l’entreprise contrevenante aura au moins la faculté d’opter pour la
négociation.
Quoi qu’il en soit, dans la phase contentieuse, la meilleure façon d’éviter la sanction, c’est
d’anticiper la proposition d’engagements en matière d’antitrust pour faire arrêter la poursuite
déclenchée.
Il faut rappeler que notamment en droit français, les entreprises ne peuvent recourir à ce
genre d’engagements sauf s’il s’agit de pratiques verticales ou unilatérales de comportements
d’entreprises dominantes, sous réserve que ça ne concerne pas des comportements ayant déjà
donné lieu à de fermes interdictions en vue de leur nocivité.
Donc toute idée de procéder à des engagements liés aux participations à un cartel, ou d’abus
de position dominante qui ont causé déjà d’importants dommages à l’économie, est écartée
d’avance.

146
Les programmes de « compliance » sont également mis en place par les entreprises qui ne sont pas les premières à
jouer le jeu de la clémence, ex. en France : Décision n°08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises
en œuvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques.
http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/08d32.pdf.
147
V. Selinsky, « Procédures négociées et stratégies des entreprises » in les dossiers de la RIDE, ed De Boeck et
Larcier s.a., 2011. p.71

69
Ce qui impose la sanction y afférente, l’entreprise peut alors procéder à une clémence de
second rang, ou à la non-contestation des griefs, ou à la transaction.

A. La cessation de la procédure normale

Pour y parvenir, il faut faire une proposition d’engagements, en effet la procédure


d’engagements vise à stopper la procédure et/ou poursuite déclenchée.
A cet égard il est utile de rappeler que cette procédure existe en Europe depuis longtemps, la
commission européenne en justifiait la pratique par une interprétation extensive du règlement n°
17/193 d’application des articles 85 et 86 du traité148, mais l’insécurité juridique qui régnait à
l’époque149.
L’arrivée du règlement n° 1/2003 comme on l’a déjà précisé a posé un cadre juridique
notamment dans son article 9, qui a inspiré le législateur français à travers les articles L.464-2 et
l’article R.464-2 du code de commerce français.
Donc le principe est resté simple « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès »,
et l’arrangement renvoi de prime abord à une procédure à l’amiable, et du plein gré de l’entreprise
concernée, ce qui réduit l’intervention ultérieure du juge.
Il faut signaler tout de même que les engagements dont il est question sont proportionnés
aux déviations anticoncurrentielles, tout en prenant en considération la modestie de ces dernières
en termes de gravité.
Cependant il faut souligner qu’une telle proportionnalité s’avère difficile à cerner et/ou à
mesurer, ce qui manifeste une certaine perplexité lors de la négociation avec l’autorité dotée du
pouvoir de sanction.
L’entreprise se sacrifie en s’engagent dans une telle procédure, puisqu’elle ne dispose pas
de tous les éléments y afférents150, avant l’évaluation préliminaire, ce n’est qu’après cette phase
que toutes les parties ont accès au dossier –au complet- .
Le lancement dans une telle voie exige d’abord la conviction de l’entreprise que ses
propositions vont initialement être approuvées par le collège : dès lors la négociation va se faire

148
Conseil CEE, reglement n° 17 : premier reglement d’application des articles 85 et 86 du traité (JO n° 13, du 21
fevrier 1962, p. 204).
149
La plupart des cas etaient reglés de faon informelle, une decision formelle n’intervenant que dans un cas sur trente
selon la commission, JOCE 1983, C 118/23.
150
Sauf si la procédure ait commencé par une demande de mesures conservatoires.

70
en deux temps151, la première discussion concernant la possibilité d’engagements, se fait avec le
rapporteur qui se met en rapport avec le collège (le caractère non répressif de cette phase n’impose
pas la séparation des fonctions d’instruction et du collège152), donc l’entreprise se met en garde,
pour d’éventuelle négociation avec le collège pour compléter ce qui a été conclu avec le
rapporteur : alors la possibilité que l’autorité demande des engagements supplémentaires est
toujours ouverte avant même de rendre les premiers obligatoires.
C’est la raison pour laquelle ça risque de rompre la négociation aboutissant à l’adoption
de la procédure normale.
Néanmoins On peut mettre l’accent sur les avantages espérés par l’entreprise :
- Eviter la médiatisation du dossier et aussi la qualification des faits liés à la pratique, pour
ne pas être exposée au risque de réitération en cas de poursuite ultérieure ; mais il faut
signaler quand même qu’en France il y a une certaine publicité assurée à travers le « test
de marché », en mettant en ligne les propositions.
- Diminuer et/ou éviter le risque d’être condamnée à la réparation du préjudice, voire à des
dommages-intérêts dans d’éventuelles actions indemnitaires futures : d’où l’utilité de faire
sa proposition d’engagements « en temps réel » : avant la notification des griefs en
France, et avant une décision définitive qualificative en Europe ; mais là aussi il faut
signaler qu’on peut guère procéder à des engagements en France quand il est question
d’ententes horizontales.
- Ajuster son comportement selon ses propres appréciassions.
- Assujettir l’engagement en fonction de son propre intérêt : en minimisant son implication
dans la mesure corrective proposée, on distingue alors les engagements comportementaux
–qui sont les plus choisis par les entreprises153- et les engagements structurels.
- Se concentrer sur le futur au détriment du passé.
- Mettre fin au contentieux dans les conditions les plus satisfaisantes ; mais il faut
reconnaitre que la négociation liée à la procédure se fait sous contrainte de traiter avec
l’autorité dotée d’un pouvoir de sanction.

151
V. Selinsky, « Procédures négociées et stratégies des entreprises » in les dossiers de la RIDE, ed De Boeck et
Larcier s.a., 2011. p.76
152
CA Paris, 1er juin 2010, Canal 9 ; la procédure négociée fait exception en matière de séparation des fonctions
d’instruction et du collège..
Disponible sur :http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/ca3_gie-independants_juin10,pdf
153
Comm. CE, décision du 16 décembre 2009 relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de
l’article 54 de l’accord EEE, aff. COMP/C.3/39.530, Microsoft (vente liée).
Disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2009:FULL:FR:PDF.

71
B. L’obtention d’une réduction d’amende avec ou sans mesures correctives

Il s’agit plutôt des procédures de non-contestation des griefs, transaction, opposant la


clémence de second rang.
En effet, devant une confirmation de l’infraction des règles de la concurrence, la porte reste
entrouverte à l’allégement de l’amende.
Bien évidemment l’entreprise concernée peut la pousser et entrer en procédant à une non-
contestation des griefs ou une clémence de second rang154.
Cependant il faut reconnaitre que les autorités de concurrence ne se laissent pas faire
gratuitement, voire la négociation des sanctions par l’autorité de concurrence émane de ses propres
intérêts, notamment en matières de gain procédural en vue de l’adoption d’une procédure de non-
contestation de griefs ; et de facilitation de réunir des preuves en vue de l’adoption d’une clémence
de second rang.
En principe les entreprises pour qu’elles puissent se lancer dans telle ou telle procédure,
vont poser le pour et le contre : bien sur la culpabilité de l’entreprise est établie, même si la non-
contestation des griefs ne se traduit pas par un aveu ou une reconnaissance, chose qui peut faire
toute la différence en matière d’éventuelles actions indemnitaires.
Il faut signaler aussi qu’il s’agit bien de graves pratiques, entrainant d’importants
dommages à l’économie, c’est la raison pour laquelle, les entreprises concernées négocient leurs
sanctions, ce qui explique l’évidence des sanctions qui sont déjà certaines.
Cependant il est utile de rappeler que cette procédure concerne plutôt un domaine rétréci,
celui des ententes par rapport à la non-contestation des griefs qui englobe toutes les pratiques
prohibées.
La différence des taux de réduction ne peut nullement passer inaperçue à savoir la réduction
d’amende espérée par le demandeur d’une clémence de second rang est de 50 % maximum de
l’amende encourue dans un temps normal et ce d’après le programme modèle de l’union
européenne dans son point 11, et le communiqué de procédure français dans son point 20, alors
que le cas d’une non-contestation des griefs s’avère plus intéressant puisqu’il est question de
réduire le plafond légal à la moitié donc ça passe de 10% du chiffre d’affaire de l’entreprise à 5 %
de celui-ci, en plus des engagements qui peuvent être rajoutés – ces derniers ne sont pas testés
donc moins efficaces pour les victimes-

154
Il s’agit d’une dénonciation qui se fait tardivement, puisque l’autorité de concurrence dispose déjà des éléments
par le premier dénonciateur sinon par d’autres voies, n’empêche que son auteur sera tout de même récompensé par un
allégement d’amende.

72
En outre, La clémence de second rang peut se combiner avec la non-contestation des
griefs155, cette combinaison constitue-t-elle un multiplicateur des deux possibilités de réduction,
ou au contraire un chevauchement de ces procédures ?156 La non-contestation des griefs « sécurise
» le dossier pour les protagonistes et limite les risques actuels et ultérieurs en cas d’action
indemnitaire, puisqu’elle ne constitue « ni un aveu ni une reconnaissance de responsabilité »157.
Mais il faut reconnaitre que la présence d’engagements concomitants rend cette procédure
plus intervenante en matière de récompense, Alors bien au contraire, la clémence de 2nd rang de
sa part, demande une plus grande implication notamment une démonstration que les éléments de
preuve apportés présentent une « valeur ajoutée significative », une reconnaissance de culpabilité,
une coopération permanente tout au long de la procédure et n’est pas très bien rémunérée par
comparaison.

Section 2. L’articulation des procédures négociées

Dans cette section nous avons tenté de traiter deux points qui sont d’une importance non-
négligeable dans notre étude, le concept d’articulation dont il est question fait allusion d’une part,
à l’articulation entre procédures négociées : donc il y a certaines procédures qui peuvent se
combiner avec d’autres procédures tout en restant dans la même finalité de préserver et /ou sauver
la concurrence, donc il s’agit là de l’articulation entre procédures négociées (§2)
D’autre part il s’agit d’une toute autre articulation que les procédures négociées couvrent,
c’est celle des informations : comment on procède à l’avènement des informations dans telle ou
telle procédure, voire comment on peut articuler ces informations dans telle ou telle procédure, on
soulève donc l’articulation en procédures négociées (§1)

155
Décision n° 07-D-48 du 18 décembre 2007, aff. Des déménageurs,
http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/07d48.pdf ; décision n° 08 D 32 du 16 décembre 2008, aff. du cartel
des aciers, précitée ; CA Paris, 19 janvier 2010, précité. 80 Procédures négociées et stratégies des entreprises

156
J. Philippe (dir.), chronique de jurisprudence, Gaz. Pal., 5 juin 2010, n° 156, p. 14.

157
CA Paris, 29 janvier 2008, aff. des chauffagistes, recours contre la décision n° 06-D-03 bis rendue le 9 mars 2006,
http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/ca06d03_chauffagistes.pdf. On joue sur les mots, car une victime
souhaitant engager une action indemnitaire se prévaudra de la décision qui qualifi e bel et bien une pratique
anticoncurrentielle.

73
§1. L’articulation en procédures négociées

Il s’agit plutôt de l’articulation des contributions des entreprises contrevenantes, voire


l’avènement des informations qu’elles puissent fournir en telle ou telle procédure dite négociée.
D’emblée, la clémence comme procédure négociée intervienne bien en amont par rapport aux
autres procédures, la décision lui concernant est prise par l’entreprise intéressée et intéressante,
suite à un arbitrage privé qui démarche l’autorité de concurrence : bien évidemment faire partie
d’un cartel secret voire d’une entente prohibée épargne l’entreprise le partage des marchés, ce qui
renvoie entre autres avantages à en profiter au maximum des prix plus élevés, mais le risque d’être
découvert avec tout ce qui implique joue toujours les troubles fêtes, soit d’une demande de
clémence émanant d’un tiers, soit par les propres moyens des autorités de concurrence.
D’emblée une décision de se dénoncer voire de dénoncer une entente prohibée, fait
surement perdre les avantages indus tirés d’une telle pratique, en revanche elle exonère cette même
entreprise de toute amende prévue.
Concernant les engagements pris devant l’autorité, leur situation diffère par rapport à la
première procédure : notamment parce qu’ils interviennent tardivement, après une notification
indiquant les préoccupations de la concurrence, mais avant toute qualification des fait y afférents.
Bien évidemment, l’instruction et ou l’investigation de l’affaire en question est déjà enclenchée,
et l’autorité de concurrence –en connaissance de cause- ne fait qu’inciter l’entreprise concernée de
réagir dans les plus brefs délais.
Alors que la non-contestation des griefs n’intervienne qu’en dernier ressort, puisque les
griefs sont bel et bien notifiés : à noter tout de même que la renonciation à la contestation des griefs
peut être avec des engagements.
Le déroulement temporel-en la forme- imposé dans la mise en œuvre de chaque procédure
négociée est d’une importance imminente, notamment en vue de son accompagnement d’une
modification, voire amélioration des informations détenues par chaque partie et par l’autorité de
concurrence.
Et ce à l’occasion d’un traitement effectif de l’une des pratiques prohibées en matière de
concurrence, et dans les meilleures conditions possibles.
A cet égard : en amont, l’autorité ne sait rien, alors que l’entreprise sait tout, c’est la raison
pour laquelle cette procédure reconnait un succès grandissant : donc tout dépond et de loin de la
très forte incitation que l’entreprise intègre à son arbitrage privé.

74
Ensuite c’est l’ère des préoccupations de la concurrence, où l’instruction est en cours, est
pas encore close, alors l’autorité de concurrence adopte la divulgation d’une partie des
informations qu’elle possède et de sa vision ex ante du dossier qui est déjà à sa portée : en
procédant à la communication de certaines grandes lignes de ses investigations futures.
Enfin ce n’est qu’au moment où l’instruction est close, et les griefs sont notifiés aux
concernés qu’il est question de procéder à la non-contestation des griefs.
La notification des griefs implique l’indication des éléments de preuve en possession des
services d’instruction de l’autorité de concurrence, les parties mises en cause auront dès lors la
certitude qu’elles seront punies, sans pour autant savoir quel jugement est porté par le collège sur
le dossier en question.
En bref entrer dans une procédure de non-contestation de griefs c’est se sacrifier-sans
revenir en arrière- en échange d’une diminution des sanctions.
On peut conclure qu’un tel déroulement temporel adhère à un dévoilement progressif des
informations détenues par les parties et par l’autorité de concurrence, pour arriver à la cohérence
avec les incitations des entreprises d’opter pour telle ou telle procédure, en suivant une certaine
logique.
D’emblée, l’incitation est forcément liée à la hiérarchie des réductions d’amendes : la
clémence (qui s’applique sur les cartels), les engagements (qui s’appliquent sur les pratiques
unilatérales) pouvant aboutir à l’immunité totale de la sanction, à titre de récompense pour l’apport
d’information et l’arrêt des pratiques dommageables.
Quant à la clémence de second rang, apportant aussi des éléments de fond au dossier plus ou moins
« familier » pour l’autorité de concurrence, et pouvant aboutir à une réduction de 50٪ de l’amende
ce qui est pas mal du tout.
Alors que la non-contestation des griefs qui s’applique sur les ententes et les pratiques
unilatérales, Ne fait irruption qu’en dernier ressort en tentant de sécuriser les griefs enfin de
parcours sans apporter de solution de fond158.
D’ailleurs c’est peut-être la raison pour laquelle, la réduction qu’elle soulève ne peut être
qu’inferieure par rapport aux autres procédures.
Il faut signaler que l’autorité française de la concurrence prenne en considération l’importance des
engagements en cette procédure, s’ils sont plus significatifs la réfaction sera sans aucun doute
intéressante sans pour autant exagérer.

158
A. Perrot, « La mise en œuvre des procédures négociées : Aspects économiques et pratiques de l’autorité de la
concurrence» in les dossiers de la RIDE, éd. De Boeck et Larcier s.a., 2011. p.55.

75
A cet égard il est à noter que cette procédure est toujours loin d’être attractive par rapport
à une clémence de second rang, bien que cette dernière se fasse tardivement.
Et ce pour aller de l’avant en matière de détection de certaines pratiques à la fois secrètes
et complexes à travers la collecte des éléments confirmatifs159

§2. L’articulation entre procédures négociées

Il est plutôt question d’articulation entre deux procédures négociées ou plus devant le
conseil et/ou autorité de concurrence : La question sur la possibilité de cette articulation est bel et
bien envisageable.
A cet égard il est toujours utile de mesurer la nature et le poids de l’affaire c'est-à-dire la
gravité de la pratique et l’importance du dommage causé à l’économie, qui restent tout de même
des critères qui imposeront sans doute le choix de telle ou telle procédure.
D’amblée , l’idée de réunir une procédure de clémence -qui a tendance à traiter les cartels
qui sont bel et bien considérés comme les plus graves infractions à la concurrence- et une autre
procédure d’engagements , ne se pose même pas.
Cependant, le cumul « clémence/non-contestation » des griefs n’est en rien exclusif, du
moment où une entreprise peut se voir refuser une demande de clémence, alors - pour sauver ce
qu’elle peut sauver- elle se lance dans une procédure de non-contestation de griefs, mais le cas
échéant le problème se posera quant à la possibilité que d’autres parties ont déjà demandé une
clémence qui aboutit à une réduction d’amende, puisque l’équité entre toutes les parties fera
incessamment défaut !!
A cet égard on ne peut pas comparer l’apport effectué par les demandeurs de clémence
pour arriver à la constatation et/ou la confirmation de l’infraction par rapport à une simple
renonciation à contester les griefs où tout l’effort est déjà établit à bien par l’autorité de
concurrence.
Or on peut évoquer la possibilité du cumul des réductions d’amende en rassemblant les
deux procédures dès lors que l’autorité estime qu’elle permet de simplifier et accélérer
l’instruction.
Il est tout de même important de retenir que normalement la non-contestation des griefs ne
peut être prise en complément de la clémence que dans certains cas exceptionnels et selon

159
F. Zivy, « La procédure de non-contestation de griefs en droit français de la concurrence : chronique d’un retour
en force », Revue juridique de l’économie publique, mars 2008.

76
l’appréciation du rapporteur général, il ne s’agit guère d’un droit pour les entreprises, mais d’une
discrétion du rapporteur général propre à des situations particulaires, notamment celle d’un champ
des griefs significativement différent de l’infraction révélée par le demandeur de clémence 160.
Par ailleurs, une procédure de transaction pourra compléter pleinement une procédure de
clémence, pour les entreprises qui n’ont pas bénéficié d’une clémence ou qui bénéficient d’une
clémence de second rang et qui reconnaissent les faits.

160
Anne KRENZER, « Articulation avec une transaction ou une demande de non-contestation des griefs », in
comment gérer une demande de clémence, Concurrence N°3-2012 /Pratiques, p. 265.

77
TITRE II

LES INCIDENCES DE LA TENDANCE

Dans cette deuxième partie, serait élaboré le revers de ces procédures qui sont devenues la
tendance en droit de la concurrence, leur côté sombre et /ou désagréable, autrement dit, il serait
tenté de soulever les séquelles de cette politique de concurrence jusque-là inédite dans le droit
algérien.
Pour cette fin nous allons commencer par les méfaits de ces procédures dont nous allons
aborder les inconvénients généraux de ces procédures sur différents plans (Chapitre 1), ensuite
nous allons soulever les effets particuliers de ces procédures sur le cheminement des actions
privées en réparation du préjudice concurrentiel (Chapitre 2).

78
Chapitre 1. Les méfaits des procédures négociées

Nous avons voulu à travers ce chapitre montrer et/ou démontrer que nonobstant tous les
indiscutables bienfaits de ces procédures négociées, celles-ci portent aussi des vices plus ou moins
cachés, que ce soit sur le plan du fond de droit (section 1) et/ou sur le plan procédural (section 2)

Section 1. Sur le plan du fond du droit : Les laissés pour compte

Sur ce plan, nous allons essayer de soulever la situation des parties oubliées voire
marginalisées dans le contexte des procédures négociées.

En effet pour qu’il y est un litige quelconque il faut d’abord qu’il y est des parties afférentes
à ce litige voire des parties formant ce litige.

On parle souvent des contrevenants comme de vraies vedettes en matière de procédures


négociées, mais on a vocation à oublier les victimes des contraventions couvertes par ces
procédures ou encore les autres contrevenants qui ont cumulé les péchés par le fait de ne pas
participer à ces procédures, et qu’on ne peut que les qualifier de parents pauvres face à ces
procédures dites négociées.

En effet, un litige oppose en principe un plaignant et un ou des défendeurs, lesquels sont


souvent unis par une communauté minimale d’intérêts.

Mais il est à rappeler tout de même que le conseil de la concurrence et/ou autorité de la
concurrence, détienne le pouvoir d’auto saisine161.

Le recours à des procédures négociées modifie plus ou moins ce schéma procédural : D’une
part, le plaignant, c’est-à-dire la victime potentielle, tend à s’effacer, ou à être effacé (§1) alors
même que des acteurs inédits se glissent parfois dans la procédure162 .

161
Art 44 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée.

162
Les concurrents, clients, fournisseurs, etc., peuvent par exemple intervenir dans le cadre du test de marché qui
émaille la procédure d’engagements. V. L. Boy : “les concurrents des entreprises concernées par les poursuites

79
D’autre part, une procédure négociée peut créer d’autres oppositions partiellement inédites,
à savoir entre les défendeurs eux-mêmes, dans la mesure où ils auraient fait le choix de stratégies
procédurales différentes (§2). C’est le cas dans l’hypothèse de procédures hybrides163.

§1. La victime marginalisée 164

Quand on évoque le concept de procédures négociées, ça renvoi de prime abord à cette


prétendue négociation qui se noue –volontairement- entre le gendarme et le voleur, autrement dit
par l’autorité de la concurrence et le contrevenant , l’originalité d’une telle relation voire d’un tel
droit plus ou moins négocié, a tendance à effacer une autre partie qui est dans un temps normal à
l’origine de l’adoption d’ une telle ou telle procédure dite négociée
et encore pour son profit et comment !! Puisque cette partie est tout simplement la victime, peut-
être on posera incessamment la question victime de qui ou de quoi, de l’infraction ou de la
procédure négociée ?

En effet la victime n’est pas épargnée par les procédures négociées, notamment par la
procédure d’engagements : puisque le plaignant est loin d’être en bonne position en cette
procédure, encore loin d’être en procédure de force, d’ailleurs il n’en figure que secondaire de
cette procédure.

Même si le contentieux a été engagé par une plainte, dans le cadre par exemple d’une
demande de mesures conservatoires, le plaignant deviendra165 une figure secondaire si des
engagements sont proposés166.

apparaissent de plus en plus dans les coulisses où se joue la scène principale”, in Les procédures négociées en droit
de la concurrence : quid de l’ordre concurrentiel ? in Les Dossiers de la RIDE 2011, p. 10.

163
Pour une étude de l’incidence des cas hybrides sur le standard de preuve de la concertation, v. E. David, L’incidence
des procédures alternatives (...), article précité.

164
Certains auteurs considèrent que “les procédures négociées induisent potentiellement un risque de déni de justice
pour les victimes de pratiques anticoncurrentielles en cause” (F. Marty et P. Reis, article précité, p. 42).

165
En application de l’article 7 du règlement no 773/2004 du 7 avril 2004 relatif à la mise en œuvre des articles 81 et
82 (modifié par règlement (UE) 2015/1348 du 3 août 2015), la pratique de la Commission européenne peut sembler
plus respectueuse de l’intérêt des plaignants. L’insatisfaction manifestée lors du test de marché peut emporter le rejet
des engagements proposés. Ce fut le cas récemment dans l’affaire Google (http://www.theguardian.com/technolo...
european-commission-reopens-google-antitrust-investigation-after-political-storm-over-proposed-settlement).

166
En ce sens, v. l’avocat général N. Wahl, pour lequel “European Commission risks marginalizing courts and
antitrust victims by reaching too many settlements with companies suspected of abusing their market clout (…)”,

80
La négociation qui s’instaure s’opère très largement entre le rapporteur et l’entreprise qui
s’engage au détriment de la partie saisissante.

En effet celle-ci ne participe guère à l’élaboration et à la discussion sur les engagements.

Or la victime ou le plaignant se contente de faire valoir ses arguments en tant que partie concernée,
dans le cadre de la réponse au test de marché167 ou dans le cadre des auditions qui auront lieu s’il
y est associé.

Mais, même alors, la possibilité qui lui est reconnue de faire valoir ses arguments est
extrêmement limitée, puisque canalisée par les engagements proposés : le plaignant peut réagir à
ces engagements, les commenter, mais ne peut réintroduire à cette occasion une discussion sur la
base des griefs qui n’ont pas donné lieu à l’énoncé de préoccupations de concurrence.

En outre, Il ne peut non plus “s’opposer au choix de l’Autorité d’abandonner la procédure


contentieuse au profit des engagements” 168.

Il est à rappeler que les engagements phagocytent le contradictoire et cantonnent les


discussions avec les “tiers”169, plaignant inclus.

La cour d’appel de Paris a d’ailleurs clairement posé que la procédure d’engagements


s’inscrit “dans le cadre bien déterminé d’une procédure souple et rapide qui vise, non point à
emporter l’adhésion du plaignant dont les demandes pourraient excéder ce qui est strictement
nécessaire au règlement des préoccupations de concurrence, mais uniquement à apporter une
réponse satisfaisante de l’autorité publique à ces dernières”170.

rapporté par W. P. J. Wils, article précité. Certains auteurs ne s’en offusquent pas : pour D. Waelbroeck, “une telle
possibilité de régler les litiges à l’amiable (...) exige nécessairement une certaine souplesse incompatible avec des
procédures plus lourdes impliquant le plaignant tout au long de la discussion ʻà armes égales’ avec la partie
incriminée”, in Le développement en Europe des solutions négociées. Que va-t-il rester aux juges ? Table ronde, Gaz.
Pal. 26 août 2008, no 239, pp. 3 et s. article précité.

167
Ces observations, si elles sont jugées pertinentes, peuvent d’ailleurs conduire l’autorité de concurrence à inviter
l’entreprise à l’origine des préoccupations de concurrence à compléter les engagements pris.

168
V. Selinsky, Procédures négociées et stratégies des entreprises, article précité, p. 66.

169
Au sens de personnes non demanderesses d’une procédure alternative.

170
Arrêt du 6 octobre 2009 (no 2006/18379, sur la décision no 06-D-29 du Conseil de la concurrence). V. aussi l’arrêt
du 24 mai 2013 sur le recours formé contre la décision no 12-D-18, pt 26 : “(…) l’Autorité est saisie in rem et n’est

81
C’est la raison pour laquelle, le recours 171 constitue pour le plaignant la meilleure issue
pour se manifester.

Là encore cependant, il est à craindre que les engagements constituent le seul point
d’ancrage de la discussion. La cour d’appel a récemment précisé que “les parties plaignantes ne
peuvent, sauf erreur manifeste, remettre en cause devant la Cour d’appel les appréciations de la
Décision selon lesquelles certains faits dénoncés ne suscitent pas (…) de préoccupation de
concurrence” 172.

On ne s’étonnera donc pas qu’un constat puisse être dressé à l’étude de la pratique
décisionnelle française : les quelques recours qui ont jusqu’ici été formés dans le cadre des
procédures d’engagement l’ont tous été par les entreprises qui avaient saisi le Conseil de la
concurrence ou l’Autorité d’une plainte. On en déduit que les entreprises qui s’engagent sont, au
moins en apparence, satisfaites de l’issue de la procédure173, tandis que les plaignants peuvent ne
pas l’être174.

Ces derniers peuvent être déçus alors même, par hypothèse, que des engagements ont été
proposés et acceptés en réponse aux préoccupations exprimées par l’Autorité, que les observations
des tiers – plaignants inclus – ont été entendues lors du test de marché et donc alors même qu’une
réponse est supposée avoir été donnée aux problèmes concurrentiels identifiés.

pas liée par les demandes et les qualifications des saisissantes. La décision de mettre en œuvre, ou non, la procédure
d’engagements n’est donc en aucun cas la décision des parties et, notamment, de la partie saisissante.”

171
Cass. com., 4 novembre 2008, no 07-21.275 : la Cour considère comme recevable le recours du saisissant à
l’encontre d’une décision d’engagement dont il n’était pas satisfait.

172
CA Paris, 19 décembre 2013, RG no 2012/19484, affaire Cogent, précitée, confirmée par Cass. com., 12 mai 2015,
pourvoi no 14-10.792.

173
Une autre explication est possible : la partie qui a proposé des engagements peut ensuite difficilement remettre en
cause les choix qu’elle a effectués, au risque de se contredire.

174
Il va de soi que les plaignants peuvent également être satisfaits des engagements pris. La société EuroCommerce a
par exemple marqué sa satisfaction a l’égard des engagements pris par Visa dans l’affaire européenne des commissions
interbancaires (http://www.eurocommerce.eu/media/69... release_-_visa_concessions_on_card_fees_-
_a_step_in_the_right_direction.pdf). Il en était sans doute de même dans le cas des engagements pris dans la décision
française no 13-D-17 du 20 septembre 2013 relative à des pratiques de MasterCard relevées dans le secteur des cartes
de paiement.

82
Cette insatisfaction transparaît lorsque l’on rapproche les taux de recours contre les
décisions françaises acceptant des engagements et les taux de recours contre les décisions de rejet
de plainte ou de non-lieu sur les dix dernières années.

On pourrait s’attendre à un différentiel très marqué entre les deux configurations puisque
d’un côté le plaignant n’obtient rien alors que de l’autre il “obtient” la satisfaction d’une décision
positive assortie d’engagements. Or, la réalité contentieuse est plus nuancée.

La procédure de transaction communautaire de son côté élimine carrément la victime : Le


plaignant, figure inconnue de la procédure européenne de transaction, c’est la Commission qui est
à l’origine de la procédure et en est maître175.

La victime, absente du procès, a peu de chances de réapparaître ultérieurement. Les


décisions publiées dans le cadre d’une transaction sont en effet d’une extrême concision.

En effet, cela s’explique bien sûr par le souci d’épargner les ressources de la Commission,
mais une autre explication peut exister : la concision serait un facteur incitatif à la transaction en
mettant l’entreprise qui transige dans une situation relativement confortable en cas d’action civile
ultérieure.

Et encore, les victimes du cartel sanctionné via une procédure de clémence pourront certes
s’appuyer sur la reconnaissance de culpabilité des entreprises – et ce point n’est certes pas
négligeable – mais elles ne trouveront pas d’autres points d’appui dans la décision, faute de
contenu analytique quant aux infractions.

175
Cela est largement le cas dans toutes les procédures (sur ce point, v. Trib. UE, 11 juillet 2013, Diamanthandel A.
Spira BVBAn, aff. jtes T-108/07 et T-354/08 : “Il ressort de la jurisprudence que la procédure ouverte à la suite d’une
plainte ne constitue pas une procédure contradictoire entre les entreprises intéressées, mais une procédure engagée
par la Commission, à la suite d’une demande, dans l’exercice de sa mission de veiller au respect des règles de
concurrence. Il s’ensuit que les entreprises contre lesquelles la procédure est engagée et celles qui ont introduit une
plainte ne se trouvent pas dans la même situation procédurale et que ces dernières ne peuvent pas se prévaloir des
droits de la défense. En revanche, ces plaignants doivent être mis en mesure de sauvegarder leurs intérêts légitimes
dans le cadre de la procédure engagée par la Commission et ainsi être étroitement associés à ladite procédure, même
si les droits procéduraux des plaignants ne sont pas aussi étendus que les droits de la défense des entreprises contre
lesquelles la Commission dirige son enquête”, pt 59), mais ce trait s’accuse singulièrement dans la procédure de
transaction. La communication sur la transaction du 2 juillet 2008 prévoit par exemple au pt 7 que “[l]es parties à la
procédure ne peuvent dévoiler à aucun tiers d’un ressort quelconque la teneur des discussions ou des documents
auxquels ils ont eu accès en vue de la transaction”et au pt 35 que “[l]es autres parties, telles que les plaignants, n’ont
pas accès aux propositions de transaction”. On notera que c’est la seule disposition de la communication qui fait
allusion au plaignant, et celle-ci lui dénie un droit.

83
L’OCDE l’exprime clairement : envisageant le risque d’actions privées, l’Organisation
reconnaît qu’un facteur essentiel est “la nécessité que la décision finale de la Commission rendue
à l’issue de la procédure de règlement soit une ʻdécision succincte’ contenant largement moins
d’informations qu’une décision détaillée. La communication des griefs sera également très brève
et contiendra de ce fait moins d’informations ayant valeur contraignante pour les tribunaux
nationaux” 176.

Il est à rappeler, d’ailleurs que la directive du 26 novembre 2014 rend les déclarations des
entreprises ayant pris part à une transaction inaccessible au juge dans l’hypothèse d’une action
civile. Il en est de même pour les déclarations obtenues dans le cadre d’une démarche de
clémence177.

Ce point illustre la primauté de l’action publique sur l’action privée, la mise en avant des
procédures négociées ou accessoires au détriment des actions de droit commun, malgré
l’encouragement fait à celles-ci.

§2. Les autres défendeurs fragilisés : L’hypothèse des procédures hybrides

Quant à la situation des défendeurs qui feraient plutôt le choix de ne pas recourir à une de
ces procédures, force est de reconnaître qu’ils seront évidemment fragilisés par le choix procédural
de celui ou de ceux qui y recourent (hypothèse des procédures hybrides).

- Le cas de la procédure française de non-contestation des griefs/transaction :

La procédure française de non-contestation des griefs a donné une bonne illustration de


cette fragilisation, à travers un arrêt bien connu rendu le 29 mars 2011 par la Cour de cassation
dans l’affaire Manpower (Secteur du travail temporaire)178. La société Manpower avait fait le

176
OCDE, 2008, document précité, p. 132.

177
La communication sur l’immunité d’amende du 8 décembre 2006 a d’ailleurs été récemment modifiée en ce sens
(Communication de la Commission du 5 août 2015, JOUE no C. 256/1, précitée). Un nouveau pt 35 bis énonce
désormais que “la Commission ne transmettra à aucun moment des déclarations d’entreprises en vue d’obtenir la
clémence à des juridictions nationales aux fins de leur utilisation dans des actions en dommages et intérêts pour
violation des dispositions du traité”.

178
Cass. com., 29 mars 2011, pourvoi nos 10-12.913 et 10-13.686.

84
choix de contester les pratiques ayant fait l’objet de la notification des griefs et fait valoir que “le
choix d’une entreprise poursuivie pour entente de ne pas contester les griefs ne vaut pas aveu de
l’entente”. Elle reprochait dès lors à la cour d’appel de Paris d’avoir violé la loi en “décidant que
la concertation entre les entreprises qui n’ont pas contesté les griefs était acquise, et que le Conseil
avait seulement à établir la participation des sociétés Manpower à ladite concertation”.

La Cour de cassation lui répondit que, les autres sociétés n’ayant “pas contesté les griefs
qui leur étaient notifiés et n’avaient ainsi remis en cause ni la matérialité des faits, ni leur
qualification juridique au regard du droit de la concurrence, ni leur imputabilité, c’est à bon droit
que la cour d’appel a jugé que le Conseil avait justement décidé qu’en conséquence seule la
question de la participation des sociétés Manpower aux pratiques anticoncurrentielles reprochées
devait être discutée”.

L’analyse est évidemment très sévère pour les défendeurs rétifs à la négociation, puisque
ceux-ci ne pourront plus discuter l’existence même de l’infraction. C’est pourquoi il peut être
tentant, ayant appris qu’une des entreprises renonçait à contester les griefs, de se greffer sur la
non-contestation au motif que toute défense paraît désormais vaine.

Pourtant, la moitié des décisions ayant mobilisé en France la procédure de non-contestation


de griefs est constituée de décisions hybrides, ce qui peut sembler paradoxal.

D’emblée, ce chiffre peut s’expliquer que les défendeurs dans une procédure ne sont pas
nécessairement au courant des stratégies procédurales des autres : certains peuvent avoir fait le
choix de contester les griefs dans l’ignorance d’un choix contraire effectué par d’autres.

Il est à signaler qu’en 2014, aucune décision de non-contestation des griefs n’a même fait
l’objet d’hybridation179 : toutes les entreprises ont renoncé à se défendre au fond.

- Le cas de la procédure algérienne :

179
Emmanuelle Claudel, Procédures négociées, accessoires ou alternatives à la sanction en droit de la concurrence :
Raison garder !, novembre 2015, Revue Concurrences N° 4-2015, Art. N° 75896, pp. 61-83

85
Nous pensons que le cas algérien ne peut sortir de la couverture de la procédure française,
quand une entreprise contrevenante décide de négocier avec le conseil de la concurrence, en
reconnaissant expressément sa culpabilité, ça va peser incessamment sur les autres défendeurs qui
n’admettent pas leur culpabilité :

Peut-être la procédure algérienne se distingue par la garantie du principe du contradictoire, par


rapport à la procédure française, puisque dans le cadre d’une procédure algérienne, le conseil de
la concurrence n’admet pas une forme particulière du traitement du litige portant l’infraction, il
s’agit juste d’une réduction d’amende qui peut aller jusqu’à l’exonération totale après l’assurance
préalable d’une négociation remplissant à bien les conditions stipulées dans l’article 60 de la loi
de la concurrence :

Autrement dit même avec l’obtention d’une récompense (exonération partielle ou totale) il n’y
a pas un processus particulier du traitement de l’infraction dans le cadre d’une procédure négociée
algérienne, car c’est le même processus qui relève d’une procédure ordinaire.

- Le cas de la procédure de clémence

La procédure de clémence est également défavorable aux entreprises qui ne seraient pas
entrées dans une démarche de dénonciation, ou n’y seraient entrées que tardivement.

Il y a une partie de la doctrine qui trouve que “(…) l’existence d’aveux complets par une partie à
l’entente dénoncée rend très difficile la contestation des faits par les autres entreprises
participantes. Il en résulte que la plupart des recours devant le tribunal de Première instance ont
désormais pour objet, soit le montant des amendes, soit des questions de procédure telles que
l’identité des destinataires de la décision 180.”

On comprend dès lors que, sur les dix cas ayant abouti en France à des décisions de
clémence, la démarche du dénonciateur ait provoqué une renonciation à contester les griefs de la
part de tout ou partie des autres protagonistes dans 80 % des cas.

180
C. Grynfogel, article au Juris-Classeur, précité, no 76. La dernière remarque de l’auteur renforce le constat de la
perte de substance de la matière, qui se propage aux juridictions de recours. cf. infra nos 51 et s.

86
On comprend aussi que la presque totalité des décisions européennes rendues à la suite
d’une démarche de clémence s’accompagne désormais de transactions et que ces transactions ne
sont qu’exceptionnellement hybrides.

- la procédure d’engagements :

La procédure d’engagements constitue l’archétype de la procédure négociée. Elle est


considérée comme très précieuse par les autorités de concurrence.

Son principe n’est pas en cause, mais on peut discuter de ses modalités d’application.

En effet, la procédure d’engagements tend à être utilisée par les autorités de concurrence
en dehors de ce qui devrait être, ses frontières naturelles et nécessaires, à savoir des pratiques
clairement (mais non gravement) anticoncurrentielles, encore en vigueur et susceptibles d’être
résolues plus rapidement par une voie négociée que contrainte, ou qui, plus généralement, se
prêtent bien à des remèdes librement consentis.

Or, la procédure d’engagements, si elle respecte quelquefois ces frontières, tend à être
mobilisée dans des zones où le principe même du caractère illicite des pratiques examinées mérite
d’être débattu, ce que l’on appelle quelquefois les “zones grises” du droit de la concurrence181. Si
les autorités de concurrence justifient cela par la difficulté à apprécier l’efficacité des mesures
d’interdiction et d’injonction182, il demeure qu’elles font l’économie de ce débat nécessaire183.

181
V. le rapport annuel de 2005, spéc. p. 151, qui énonce qu’il est opportun de recourir à la procédure d’engagements
dans les cas suivants : i) la nécessité d’agir en urgence et (ii) l’existence de domaines dans lesquels la pratique
décisionnelle des autorités de concurrence est moins solidement établie. Il est ajouté ceci : “La mise en œuvre de cette
procédure peut s’avérer opportune dans les cas où la ligne de partage entre un comportement conforme aux usages
commerciaux et un comportement clairement anticoncurrentiel est ténue”. Cette position nous paraît regrettable. Dans
le même sens, C. Prieto et D. Bosco, pour lesquels l’expérience révèle “un recours excessif des cas de négociation,
notamment dans des situations où la réalité de l’atteinte à la concurrence aurait mérité une analyse approfondie”, in
Droit européen de la concurrence, Bruylant 2013, no 1565, p. 1208.

182
En ce sens, B. Lasserre, pour lequel la “procédure d’engagements permet (...) de clarifier les conditions de
fonctionnement d’un marché pour l’avenir. Ceci est d’autant plus vrai que, dans beaucoup de cas, les pratiques
relèvent d’une zone grise. Dans de telles situations, les remèdes à appliquer ne vont pas de soi, ce qui rend très
incertaine l’efficacité des mesures d’interdiction, de sanction ou d’injonction. Au contraire, la négociation
d’engagements permet de faire émerger des solutions crédibles qui auront sur le marché l’efficacité attendue”, in
Face aux autorités de concurrence, négocier ou se défendre ? (…), conférence précitée du 1er juin 2015.

183
Pour certains auteurs, ce débat semble vain, car “rien n’oblige les entreprises à se lancer dans la voie des
engagements” (L. Idot, Les engagements, in Corriger, équilibrer, orienter (...), article précité). L’argument mérite
d’être entendu, mais nous semble moins porteur si l’on quitte le territoire étroit de l’intérêt de l’entreprise.

87
Le droit perd en exemplarité et prend le risque d’une moindre acceptabilité.

Il est quelquefois exprimé que le recours à cette procédure évite à l’autorité de concurrence
“de s’exposer aux controverses souvent causées par ses décisions en matière d’abus et de
bénéficier d’un outil efficace au service d’objectifs de politique économique dépassant le cadre
strict du droit de la concurrence (ex. énergie)” 184.

La frontière entre droit des pratiques anticoncurrentielles et droit de la régulation en sort


troublée185.

En outre, la littérature économique soulève fréquemment en droit de la concurrence le


risque d’erreurs de type I ou de type II susceptibles d’être commises, afin de calculer le coût
qu’elles représentent pour la collectivité :

On parle d’erreur de type I lorsqu’une pratique est condamnée à tort (elle était en réalité
pro-concurrentielle) et d’erreur de type II lorsqu’une pratique anticoncurrentielle n’est pas
condamnée. À l’évidence, la procédure d’engagements renforce ce type d’erreurs.

L’erreur de type I consistera ici non pas à sanctionner ce qui n’aurait pas dû l’être, mais à
accepter des engagements dans des hypothèses où l’illicite est douteux186.

184
D. M. B. Gérard, article précité, p. 569. V. aussi F. Jenny, qui considère que le recours aux engagements permet
d’éluder le débat sur le recours à une approche plus économique dans le cadre des abus de domination, in Worst
Decision of the EU Court of Justice : The Alrosa Judgment in Context and the Future of Commitment Decisions,
article précité.

185
En ce sens, F. Marty, Une régulation du secteur de l’énergie au travers des procédures d’engagements ? Réflexions
sur le contentieux concurrentiel européen, Revue de l’Institut d’économie publique, nos 26-27, 2011/1-2, pp. 93-128.

186
Ce risque est moindre en droit européen lorsque les engagements sont proposés post notification des griefs, ce que
la Commission accepte, mais qui correspond mal à l’esprit de la procédure.

88
Les entreprises sont amenées à prendre des engagements éventuellement lourds et
contraignants ou alors à renoncer à des stipulations contractuelles187, alors que cette contrainte
pouvait – dans des cas que l’on espère marginaux 188 – être inutile189.

Or, une contrainte inutile a un coût pour l’entreprise, qui, s’il n’est pas justifié, se traduit
en un coût pour la collectivité dans son entier.

Il ne faut par ailleurs pas négliger l’effet de standardisation qu’une décision incluant une
erreur de type I peut produire, les entreprises tierces pouvant considérer comme acquis le caractère
illicite (même si celui-ci n’est pas formellement énoncé) de certaines clauses ou pratiques ayant
fait l’objet de préoccupations de concurrence.

Elles peuvent alors être tentées de modifier spontanément certains contrats, amplifiant le
coût précédemment dénoncé.

187
L’affaire de l’iPhone est révélatrice de ce risque. Ayant été contraintes dans un cadre conservatoire à suspendre les
exclusivités qui les liaient (déc. no08-MC-01 du 17 décembre 2008), les sociétés Orange et Apple ont fait le choix de
prendre des engagements consistant à renoncer à ces exclusivités pour une durée de quatre ans. Or, l’arrêt de la cour
d’appel de Paris qui avait approuvé la décision du Conseil de la concurrence a été cassé par la Cour de cassation le 16
février 2010 (no 09-11.968).

188
On peut certes penser que l’entreprise refusera de s’engager si elle n’a pas elle-même le sentiment de l’illicéité de
sa pratique, ou à tout le moins un doute sur sa licéité. Ainsi que le souligne O. Sautel, “l’arbitrage des firmes quant à
l’opportunité d’une procédure d’engagement constitue un garde-fou aux erreurs de type I” (La pertinence d’une
procédure d’engagement en matière de contentieux : une analyse économique et son application au cas de l’iPhone,
in Les Dossiers de la RIDE 2011, pp. 83-109). L’auteur relève néanmoins que, dans certains contextes, tels que celui
consécutif à une procédure conservatoire, ce type d’arbitrage peut être biaisé. Mme Selinsky explique également ce
qui peut conduire une entreprise à s’engager alors même qu’elle serait convaincue de la licéité de sa pratique “ou de
son caractère inoffensif” : elle peut notamment chercher à “desserrer l’étau autour d’elle”, article précité, p. 74. Par
ailleurs, le caractère très succinct des évaluations préliminaires peut priver la partie qui s’engage de la possibilité de
réellement apprécier le caractère approprié de ses propositions (en ce sens, D. Waelbroeck, Le développement des
procédures négociées (...), article précité).

189
Ce risque a été pris en compte par le cabinet Microeconomix, qui le nuance et le confirme tout à la fois. Selon O.
Sautel, “La modélisation proposée démontre que les firmes qui savent que leur pratique est proconcurrentielle ne sont
pas incitées à déposer des engagements si elles anticipent un taux d’erreur faible de l’autorité. Dans certaines
circonstances cependant, comme l’illustre le cas des engagements déposés par les sociétés Apple et Orange France,
ce garde-fou ne fonctionne pas. Lorsque les pratiques sont déjà arrêtées du fait de mesures conservatoires préalables,
et lorsque l’une des parties a un intérêt opportuniste à la fin de la pratique, le risque est plus grand qu’une entreprise
accepte de déposer des engagements même la pratique visée est proconcurrentielle. L’efficacité des procédures
d’engagement dans ce contexte diminue. Il apparait ainsi que certaines pratiques (e.g., les accord[s] verticaux) et
certains contextes (e.g., l’existence d’une décision de mesures conservatoires) sont de nature à limiter les bénéfices
sociaux attendus d’une procédure d’engagements” (La pertinence d’une procédure d’engagement en matière de
contentieux (...), article précité).

89
Certains auteurs craignent également des réactions en chaîne lorsque l’Autorité fait en
outre référence à ses propres décisions d’engagement antérieures pour justifier certaines solutions.

Dans le même contexte, il y a une partie de la doctrine trouve que quelques fois le conseil
“fait œuvre prétorienne en se référant à des décisions d’engagements antérieures qui pourtant ne
sont pas censées établir des règles de droit. Cette perméabilité du droit positif aux décisions
d’engagements est d’autant plus notable que le Conseil a invoqué dans des procédures
ʻordinaires’ des solutions énoncées dans des décisions d’engagements.

Or, les procédures d’engagements ne doivent pas être destinées à clarifier les solutions,
mais seulement à mettre fin dans les meilleurs délais à des pratiques potentiellement
anticoncurrentielles” 190.

Par ailleurs, un autre type d’erreur, qui s’apparente aux erreurs de type I, peut être relevé. On pense
ici aux engagements excessifs, c’est-à-dire excédant la mesure du nécessaire pour mettre un terme
à la préoccupation de concurrence.

En droit européen, le principe de proportionnalité ne fait pas échec à ce risque et une


décision de la Commission ayant validé des engagements excessifs n’encourt pas la censure191.

Quant à l’erreur de type II , consistera à l’inverse à accepter des engagements qui ne sont
pas adéquats en raison d’une information imparfaite subie par l’autorité régulatrice 192 ou à
autoriser ce qui aurait dû être interdit ou encore à ne pas ériger en préoccupation de concurrence
certains griefs formulés par le plaignant alors qu’ils étaient dignes d’intérêt.

190
Voir E. David, L’incidence des procédures “alternatives” (...), article précité, pt 71.

191
CJUE, gr. ch., 29 juin 2010, aff. C-441/07P, Commission c/ Alrosa. Cette jurisprudence fait l’objet de vives
critiques, à raison selon nous : v. F. Jenny, Worst Decision of the EU Court of Justice : The Alrosa Judgment in
Context and the Future of Commitment Decisions, Fordham International Law Journal, vol. 38 :701, pp. 701-770.
Contra, J.-F. Bellis, EU commitment decisions: What makes them so attractive? article précité. En France, l’Autorité
considère en revanche que les engagements allant au-delà de la réponse aux préoccupations de concurrence ne sont
pas contraignants ; ils sont néanmoins actés (communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en
matière de concurrence, pt 39).

192
En ce sens, v. F. Marty et P. Reis, article précité. Un auteur fait également valoir que les entreprises peuvent être
tentées d’exploiter la dissymétrie d’informations en omettant de préciser que l’engagement pris “sera en réalité
indolore et peu efficace” en espérant que l’Autorité ne le sait pas (P. Hubert, L’exécution des engagements souscrits
par les entreprises, Séminaire Procédure et concurrence organisée par la revue Concurrences le 9 avril 2014, accessible
sur le site de la revue). Le test de marché auquel se livrent les autorités de concurrence a pour fonction de réduire cette
asymétrie d’informations, mais il ne la supprime évidemment pas.

90
Là encore, les entreprises tierces peuvent, sur la foi de décisions d’engagements rejetant
pour partie certains griefs, considérer certaines pratiques comme clairement licites alors qu’elles
posent en réalité problème.

On pourrait aussi considérer qu’accepter des engagements de la part d’une entreprise qui
aurait mérité d’être sanctionnée en raison de la gravité de ses actes constitue une erreur de type
II 193.

Il faut néanmoins rappeler que la procédure d’engagements est fermée dans l’hypothèse de cartels,
ce qui met les hypothèses les plus graves à l’abri de ce type d’erreurs.

Et encore, une décision acceptant des engagements encourt un autre risque, qui ne doit cependant
pas être exagéré : celui d’être en porte-à-faux avec des décisions rendues au fond et mieux
argumentées :

Elles peuvent alors paraître en contradiction avec des solutions bien admises, permettant le
développement d’une forme de pratique décisionnelle parallèle194, on dirait même, d’“un corps
alternatif de jurisprudence couvert d’un voile mystérieux” 195. On peut en effet se demander
pourquoi des pratiques assez proches peuvent faire l’objet de réponses différenciées196.

Ces différents inconvénients ne prêtent pas à conséquence lorsque les pratiques observées
ne posent aucune difficulté, soit parce qu’elles sont à l’évidence licites (et dans ce cas l’inattention
que leur porte l’autorité n’est guère discutable), soit lorsqu’elles sont évidemment illicites (et dans

193
C. Grynfogel considère par exemple que la Commission a accepté les engagements de la société Rambus alors que
“l’atteinte à l’ordre public économique générée par le comportement de cet opérateur – dont on notera qu’il est en
position dominante – est telle qu’elle paraît devoir directement conduire au prononcé de sanctions pécuniaires et
exclure, par là même, le recours à la procédure d’engagement” (Sanctions du droit communautaire de la concurrence,
fasc. précité).

194
En ce sens, D. Waelbroeck, qui, d’une façon un peu provocatrice, considère que la Commission européenne utilise
les procédures négociées “pour développer une politique parallèle de concurrence qui échappe entièrement au
contrôle du juge et aux garanties minimales auxquelles notre État de droit reste attaché” (Le développement en
Europe des procédures négociées : engagements, clémence, non-contestation des griefs. Que va-t-il rester aux juges ?
article précité).

195
I. Van Bael, Comment on the EEC Commission’s Antitrust Settlement Practice: The Short-circuiting of Regulation
17? (1984) 8 World Competition, Issue 3, pp. 67-71.

196
F. Marty et P. Reis, article précité, ont par exemple mis en relief les décisions Coca Cola (Commission 22 juin
2005) et Intel (Commission 13 mai 2009), qui ont fait l’objet de traitements très différents. L’Autorité française insiste
parfois sur le caractère alternatif des décisions sanctionnatrices et des décisions d’engagement.

91
ce cas leur caractérisation en préoccupation de concurrence sans développements nourris ne l’est
guère davantage197).

Ce sera par exemple le cas lorsque des décisions antérieures, rendues dans un cadre
contentieux classique, ont préalablement et clairement fixé les règles.

En revanche, la réduction du débat contradictoire à une portion congrue ne nous semble


pas admissible en présence de pratiques inédites ou posant une réelle difficulté d’appréciation, ou
encore accompagnées d’un enjeu fort198.

Elle est également inadmissible lorsque la pratique décisionnelle aboutit, en présence de


situations proches, à des traitements différenciés.

On peut d’ailleurs s’interroger dans ce cas sur le traitement discriminatoire réservé aux
entreprises et regretter l’imprévisibilité de la réaction administrative.

A cet égard, nous pensons que les autorités de concurrence (la commission et l’autorité
française) font défaut de publication de textes explicitant les critères d’éligibilité à la procédure
d’engagements, par rapport à leurs publications concernant le déroulement de cette procédure.

197
Ceci ne devant pas empêcher que la pratique décisionnelle puisse évoluer si cela apparaît nécessaire. Dans ce cas,
le recours trop systématique à la procédure d’engagements, en ce qu’elle pourrait avoir de répétitif et générateur d’une
pratique décisionnelle figée, serait de nature à empêcher cette évolution.

198
V. l’intéressante analyse de D. Tayar, à laquelle nous souscrivons pleinement : “L’histoire récente des dossiers
d’abus de position dominante montre que des éléments essentiels de doctrine ont été clarifiés à l’issue de procédures
longues, permettant un examen approfondi des pratiques en cause, de leur environnement factuel et de leurs effets,
dans le cadre d’un débat contradictoire incluant éventuellement un appel devant les juridictions compétentes. Il serait
dommage que le raccourcissement des procédures se fasse au détriment d’une nécessaire évolution de la doctrine, le
risque étant que l’application systématique de la jurisprudence passée l’emporte sur une analyse approfondie de
chaque cas selon ses mérites propres. Le droit mais également l’économie en pâtiraient : est-ce que les travaux
académiques sur le groupage ou les marchés bifaces auraient été aussi riches s’ils n’étaient pas venus opportunément
nourrir le débat dans les affaires de concurrence très médiatisées ?” (D. Tayar, Le “paquet transaction” de la
Commission européenne : Le point de vue du praticien, in Les procédures négociées en droit de la concurrence,
Concurrences no 2-2008, p. 17 et spéc. no 10, p. 22).

92
Section 2. Sur le plan procédural : La limitation des droits des entreprises mises
en cause

En matière de traitement des contentieux concurrentiels relatifs aux pratiques


anticoncurrentielles devant les autorités de concurrence, nonobstant tous les efforts de celles-ci, il
n’y avait pas vraiment un réel consensus affèrent aux pleines garanties d’un procès équitable
assurées dans le cadre des procédures ordinaires voire classiques 199.
Or, l’avènement et le développement des procédures négociées comme outil de «public
enforcement» ont pesé encore sur les droits procéduraux des entreprises, tendant non à les refouler,
car ceux-ci ne sont pas absents200, mais à les cantonner.
De ce fait nous avons essayé de traiter deux faits générateurs y concourent : ces procédures
font glisser le contentieux du terrain de la répression vers celui de la régulation, lequel échappe
aux règles du procès équitable (§1) ; par ailleurs ces procédures se teintent de consensualisme,
justifiant un contrôle juridictionnel de moindre ampleur (§2).

§1. Les méfaits de la régulation sur la limitation des garanties d’un procès
équitable

En matière de procédures négociées, nous avons pu constater que la procédure algérienne


ne s’accorde ni en nombre, ni en genre avec celles des droits français et communautaire : si en
nombre l’évidence se manifeste notamment par la récompense afférente à la non-contestation des
griefs qui peut aller jusqu’à l’exonération totale de la sanction encourue, alors qu’en genre :
En dehors du terme « négociées » qui peut plus ou moins être alloué aux procédures
algériennes, française et communautaire, la question se pose sur notamment la nature des décisions
relatives à ces procédures négociées.

199
V. en ce sens à titre d’exemple, Michel PEDAMON, Droit commercial (commerçants et fonds de commerce,
concurrence et contrats de commerce),2ème éd, Dalloz, Paris. 2000. p.452 ; Renée GALENE, Le droit de concurrence
appliqué aux pratiques anticoncurrentielles, Litec, Paris, 1995. p.361 ; Marie-Chantal BOUTARD LABARDE, Guy
CANIVET, Droit français de la concurrence, LGDJ, 1994. p. 195.

200
Dans l’arrêt du 4 novembre 2008 rendu dans l’affaire Canal 9, la Cour de cassation a considéré que les entreprises
plaignantes ou les entreprises en cause ont un accès intégral au dossier de la procédure (pourvoi no 07-21275, GIE
Les Indépendants). Par ailleurs, le droit des entreprises à former un recours n’a jamais été remis formellement en
cause.

93
En effet les décisions relatives aux procédures négociées françaises et/ou communautaires
entrent bel et bien dans le cadre d’une régulation assumée voire, assurée par des autorités de
concurrence (le cas échéant l’autorité de concurrence française et la commission), alors que la
procédure négociée algérienne n’en est en rien :

Puisque me une réduction au sens du droit algérien n’est qu’une sanction qui passe par le
processus d’une procédure normale aboutissant à la répression201 : ce qui nous renvoi
incessamment à admettre que les garanties d’un procès équitable sont plus ou moins assurées dans
le cadre d’une procédure négociée algérienne que dans le cadre de l’une des procédures négociées
française et/ communautaire.

Toutefois, si on sort du concept algérien de la procédure négociée, le glissement de la


matière vers la régulation est parfaitement assumé par les autorités de contrôle.

Ainsi le président de l’Autorité française écrit-il que cette autorité, qui intervenait
traditionnellement ex post dans une perspective sanctionnatrice, a désormais “une fonction de
régulation (…) associant davantage les entreprises à son processus décisionnel” et ceci éloigne
l’autorité “du fonctionnement d’une juridiction et des contraintes procédurales y afférentes” 202.
La cour d’appel de Paris lui a emboîté le pas, affirmant, à propos de la procédure d’engagements,
qu’“il s’agit d’un outil de pure régulation et non d’une procédure de sanction” 203.

Or, la Cour européenne des droits de l’homme considère qu’une législation ne prévoyant
pas de sanction mais uniquement des pouvoirs qui “appartiennent au champ de la régulation” ne

201
Puisque l’art 62 bis ne différencie pas les sanctions que ce soit après négociation, donc dans le cadre d’une
procédure dite négociée, ou dans celui d’une procédure ordinaire, en stipulant que « les sanctions prévues par les
dispositions des articles 56 à 62 de la présente ordonnance sont prononcées par le conseil de la concurrence, sur la
base de critères ayant trait notamment à la gravité de la pratique incriminée, au préjudice causé à l’économie, aux
bénéfices cumulés par les contrevenants, au niveau de collaboration des entreprises incriminées avec le conseil de la
concurrence pendant l’instruction de l’affaire et à l’importance de la position sur le marché de l’entreprise mise en
cause. »

202
B. Lasserre, Propos introductifs, Gaz. Pal., 2005, p. 3199, spéc. p. 3200. V. aussi, S. Pietrini, Le recours à la
négociation en droit de la concurrence : l’exemple des programmes de clémence, RLC, 2009, 21, et C. Cook,
Commitment Decisions: The Law and Practice under Article 9, World Competition 2006/2, p. 209.

203
CA Paris 6 octobre 2009, GIE Les Indépendants.

94
relève pas des dispositions de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme204.

Cette analyse a permis à la cour d’appel de Paris d’affirmer que, dans le cadre de la
procédure d’engagements, le principe d’égalité des armes avait un “autre relief” que dans les
procédures de sanction classiques.
D’autres faiblesses procédurales peuvent encore être notées concernant les procédures
“négociées” en général. Nous les étudierons succinctement.

A. Un contradictoire amoindri

La procédure d’engagements autorise un contradictoire moins complet que celui


normalement exercé, nous l’avons dit, en ce qu’il est limité dans son champ (la discussion
s’ordonnant essentiellement autour des engagements proposés) et dans sa durée puisque cette
procédure dispense en France de l’élaboration d’un rapport.

Dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs devenue transaction, le


principe du contradictoire ne peut s’exercer qu’à propos des éléments permettant le calcul de la
sanction concernant les entreprises ayant opté pour la renonciation, et qu’à propos de leur
participation à l’infraction concernant les autres. Il ne s’exerce par ailleurs qu’à l’occasion de la
notification des griefs.

Quant à la procédure de transaction européenne, elle sonne le glas du contradictoire


puisqu’elle repose sur une reconnaissance expresse de culpabilité205.

Par ailleurs, les entreprises doivent “confirmer” qu’elles “ont été suffisamment informées
sur les griefs que la Commission envisage de leur adresser et qu’elles ont eu suffisamment
l’occasion de faire connaître leur point de vue à la Commission” 206.

204
CEDH (déc.), 3 juin 2004, Neste e.a. c/ Fédération de Russie, no 69042/01, citée par le rapport le annuel du Conseil
de la concurrence 2005, pp. 146 et s. La Cour se fonde notamment sur le fait que la loi russe qui était en cause a pour
but la prévention des perturbations de concurrence et le rétablissement des conditions de concurrence, et non la
punition des contrevenants. Pour un commentaire de cet arrêt, v. E. Barbier de La Serre, Appartenance de dispositions
de droit de la concurrence à la “matière pénale” au sens de l’article 6 de la CEDH, RLC, 2004/1.

205
Pt 20 a) de la communication du 2 juillet 2008.

206
Pt 20 c) de la communication du 2 juillet 2008.

95
La procédure de clémence semble paradoxalement moins attentatoire au principe, en tous
les cas concernant les entreprises ne s’y étant pas jointes, lesquelles gardent en théorie toute
latitude pour se défendre.
On imagine néanmoins cette défense singulièrement plus complexe en présence d’une
dénonciation207, d’où la mobilisation fréquente des procédures de transaction et de non-
contestation de griefs. L’entreprise qui dénonce en revanche, qu’elle soit de premier rang ou de
rang inférieur, renonce tout simplement à exercer ses droits.
Bien plus, elle s’auto-incrimine, sans violer le principe posé par le célèbre arrêt Orkem 208
puisqu’elle n’est pas contrainte d’apporter son témoignage.
Rappelons en outre que la procédure de clémence ne donnera désormais lieu qu’à un tour
de contradictoire en droit français209.

B. Un accès au dossier restreint

La procédure de transaction 210 prive véritablement les entreprises qui y recourent d’un
accès véritable à leur dossier, et ce point a été fréquemment dénoncé à l’occasion de la consultation
publique ayant précédé l’adoption de la communication du 2 juillet 2008211.
À aucun moment la Commission ne communique en effet aux entreprises le dossier sur
lequel elle fonde ses charges. La communication de 2008 212 se contente d’énoncer que des
“informations seront communiquées en temps voulu, au fur et à mesure de l’avancement des
discussions en vue de parvenir à une transaction” 213.

207
Supra, no 39.

208
CJCE, 18 octobre 1989, Rec. p. 3283.
209
V. la procédure de transaction telle qu’introduite par la loi Macron du 6 juillet 2015, précitée

210
E. Paroche relève que la procédure d’engagements limite également l’accès au dossier puisque les entreprises se
prononcent seulement sur la foi de préoccupations de concurrence exprimées par l’autorité de concurrence (sauf si les
engagements interviennent post notification de griefs, comme l’autorise le droit européen), in Le règlement négocié
en droit de la concurrence : avancée ou recul des droits fondamentaux des entreprises ? RDAE 2013/4, p. 743.

211
En tous les cas par les contributeurs français, cette procédure ayant soulevé moins de contestations dans les autres
États.

212
Récemment modifiée, cf. supra.

213
Pt 15.

96
Bien plus, la Commission subordonne le bénéfice de la transaction au fait que les
entreprises confirment qu’elles “n’envisagent pas de demander l’accès au dossier ou à être
entendues de nouveau, lors d’une audition orale” 214.
Les commentateurs expriment en général leurs plus extrêmes réserves 215 et doutent de la
compatibilité de la procédure avec les droits fondamentaux216.

§2. Les méfaits de la négociation sur la limitation du contrôle juridictionnel

Il est question ici du concept de la négociation alloué à ces procédures alternatives, si on se focalise
sur le terme « négociation », ce n’est nullement un synonyme du terme « chantage » :
Autrement dit les autorités de concurrence bien qu’elles ont à la fois le pouvoir de la régulation et
celui de la répression, mais elles n’ont guère le pouvoir d’imposer aux entreprises contrevenantes
de négocier avec elles, celles-ci sont absolument libres de choisir la procédure ordinaire voire
classique, mais c’est à leurs risques et périls.

En effet, les entreprises sont libres de recourir ou non à l’une ou l’autre des procédures
désormais mises à leur disposition217. Elles sont libres de dénoncer, libres de contester ou non les
griefs ou de reconnaître leur culpabilité, libres de prendre des engagements, et même de prendre
des engagements excédant la mesure de l’illicite.

214
Pt 20 d) de la communication du 2 juillet 2010.

215
Pour exemple, V. Ledoux, et J.-C. Roda, Adoption par la Commission européenne d’une procédure de “transaction”
en matière d’ententes, Contrats, conc., consom. août 2008, étude 10. V. aussi E. David, Les droits procéduraux des
entreprises devant la Commission européenne en matière de cartels : Les débats sont-ils clos ? Concurrences no 1-
2014, Art. no 62586.

216
Pour exemple, C. Grynfogel, fasc. précité, no 63.

217
CJCE, 14 juillet 2005, C-57/02 P, Acerinox, pt 89, et CJCE, 14 juillet 2005, ThyssenKrupp, aff. jtes C-65 et 73/02
P, pts 52-53, pour laquelle “la reconnaissance de l’infraction reprochée revêt un caractère purement volontaire de la
part de l’entreprise concernée”. V. égal. CEDH, 20 juin 2002, Borghi c/ Italie, requête no 54767/00, pour laquelle :
“le requérant a, de son plein gré, renoncé à tous ses moyens de pourvoi (...). Il est vrai que le choix du requérant (...)
visait à obtenir un avantage sur le plan de la sanction qui aurait été infligée, à savoir l’application de la peine que
l’accusé avait négociée avec le procureur général près la Cour de cassation. Cependant, aux yeux de la Cour, la
possibilité d’obtenir d’éventuels bénéfices ne saurait entacher la liberté d’une personne accusée de renoncer à tout
moyen d’appel ou de pourvoi (...). Le choix du requérant [doit] être considéré comme libre et volontaire”. Précisions
que le litige était ici de nature pénale.

97
Ces choix et renoncements sont le fruit du processus coopératif218. Il demeure que ce
volontarisme, cette liberté, que d’aucuns s’accordent à trouver pour partie factice compte tenu de
l’alternative qui leur est offerte et du déséquilibre potentiel des forces en présence219, a un prix,
que l’on peut trouver excessif.

D’une part, le contrôle juridictionnel aura moins souvent l’occasion de s’exercer :


L’entreprise ayant volontairement adhéré à un mécanisme alternatif ou accessoire est
naturellement peu encline à remettre en cause son issue : les recours juridictionnels sont plus rares
(A). D’autre part, à supposer le juge de contrôle saisi, celui-ci tend à brider l’ampleur du contrôle
qu’il exerce au motif du caractère consensuel de ces procédures (B).

A. La marginalisation du contrôle juridictionnel

Le fait que les procédures négociées sont devenues la tendance en matière de «public
enforcement», ça a pesait sans doute sur le recours au juge, puisque celui-ci n’est devenue
qu’occasionnel.

En effet le consensualisme qui est à l’origine du fondement de ces procédures négociées a


laissé le contrôle juridictionnel « inadapté » 220

218
V. M. Mezaguer, Les procédures transactionnelles en droit antitrust de l’Union européenne, thèse Bruylant 2015,
précitée, qui considère que “le renoncement est donc intimement lié à la volonté des justiciables et de ce fait (...) à la
volonté coopérative”, p. 337.

219
Pour exemples, G. Muguet-Poullennec, pour laquelle : “(...) dès lors que la Commission dispose d’une grande
marge d’appréciation pour constater des infractions et prononcer des amendes, l’alternative à la proposition
d’engagements, c’est-à-dire l’imposition d’amende, est-elle toujours abandonnée de façon volontaire ?”, in La
procédure d’engagements en droit de l’Union, à la recherche d’un juste équilibre entre efficacité administrative et
protection des entreprises, RLC, 2010-25. Dans le même sens, D. M. B. Gérard, pour lequel il existe “une pression
devenue quasi irrésistible sur les entreprises afin d’avoir recours aux différentes procédures négociées pour régler
leurs différends concurrentiels” et qui considère qu’il n’existe, en particulier au niveau européen, pas d’alternative
aux procédures négociées (article précité, p. 575). Mme V. Selinsky parle quant à elle de “contrats d’adhésion
intervenant entre des partenaires de force inégale”, Procédures négociées et stratégies des entreprises, in Les Dossiers
de la RIDE 2011, pp. 59-81. Contra, E. Paroche, article précité, pour lequel “les entreprises qui estiment être en
mesure de réfuter les accusations de la Commission semblent continuer de privilégier la procédure contentieuse
ordinaire aux procédures négociées”.

220
D. M. B. Gérard, Sanctions flexibles et droit économique (article précité) : “(...) le droit de la concurrence [est] en
continuelle recherche à la fois d’un consensus méthodologique stable et d’un équilibre renouvelé entre un arsenal
répressif plus étendu et un contrôle juridictionnel qui apparaît de plus en plus inadapté” (p. 559). M. Mezaguer parle
quant à lui d’un contrôle “désorienté”, Les procédures transactionnelles en droit antitrust de l’Union européenne,
article précité, p. 352.

98
Cette marginalisation du recours au juge se constate tout d’abord dans le cadre de la
procédure d’engagements. Depuis son introduction en droit français, cette procédure rencontre un
incontestable succès puisque rien qu’en 2015, 56 décisions ont été rendues sur le fondement de
l’article L. 464-2, I du code de commerce221.

Or, si un recours juridictionnel contre ces décisions est recevable, y compris par des tiers222,
seule une infime minorité d’entre elles a fait l’objet d’un contrôle. En effet, seuls huit recours ont
été formés contre ces décisions si l’on inclut les décisions rendues en 2015223, soit un taux de
recours moyen d’environ 14 % 224.

Il est intéressant de comparer ce taux au taux de recours contre les décisions rendues
globalement par l’Autorité sur la même période. Si nos calculs sont exacts, sur la totalité des 397
décisions rendues entre janvier 2005 et août 2015, 133 recours ont été formés, soit un taux de
recours de 34 %. Bien plus, si l’on s’intéresse aux décisions rendues hors procédure
d’engagements, on obtient un taux de recours de 38 %, et ce taux passe à 59 % concernant les
décisions infligeant des sanctions pécuniaires.

C’est donc un incontestable constat de rareté des recours juridictionnels qui peut être dressé
dans le cadre de la procédure d’engagements si on la compare aux autres procédures225.

221
Ordonnance no 2004/1173 du 4 novembre 2004. Statistiques arrêtées au 31 août 2015. Depuis, une 57e décision
d’engagement a été adoptée (décision no 15-D-14 du 10 septembre 2015, Produits de grande consommation en outre-
mer).

222
V. affaire Alrosa, précitée, notes 46, 57, et 159. La société Alrosa, concurrente directe de la société De Beers et
principale victime des engagements pris par celle-ci, ne s’est vu reconnaître que le statut de “tiers intéressé” par la
Cour (pts 90 et 91 de l’arrêt).

223
Les recours jusqu’alors exercés et ayant abouti ont permis de préciser certains points importants, tels par exemple
que la spécificité de la procédure d’engagements ne suppose aucun acte d’accusation (CA Paris 6 novembre 2007 et
6 octobre 2009, Cass. com., 4 novembre 2008), le fait que la décision d’engagement n’intervient pas pour satisfaire la
demande d’une partie mais pour préserver l’ordre public économique (CA Paris, 16 octobre 2007, 6 octobre 2009 et
1er juin 2010), mais que la partie est en droit de faire un recours contre la décision (CA Paris, 16 octobre 2007,
Bijourama, et CA Paris, 6 novembre 2007, Canal 9) et qu’elle dispose d’un droit d’accès aux éléments du dossier sur
lesquels s’est fondé le rapporteur (Cass. com., 4 novembre 2008 et 2 février 2010 – 2 arrêts – ; CA Paris 6 octobre
2006 et 1er juin 2010).

224
13 % au 31 décembre 2014.

225
Nous avons vu par ailleurs que ces recours ne sont pas formés par les entreprises qui s’engagent, mais plutôt par
les plaignants dont les revendications ne sont pas satisfaites (v. supra no 35) ou, plus rarement, par un tiers maltraité
par les engagements souscrits (v. supra l’affaire Alrosa, affaire précitée 188 et infra pt 59).

99
Cela ne surprend pas. Cette procédure est en effet l’archétype des procédures dites
“négociées”. L’issue du litige repose à l’évidence sur une participation active des entreprises dont
les pratiques sont examinées, via les engagements qu’elles proposent et sur la base desquels la
discussion intervient.

Dans ce contexte, il “est difficile pour les parties de contester une décision avec laquelle
elles ont marqué leur accord” 226.

Par ailleurs, l’acceptation de ces engagements aboutit à un non-lieu à poursuivre, ce qui est
évidemment favorable aux entreprises “inquiétées”. L’esprit de la procédure postule donc que
celles-ci ne forment pas de recours227.

Cette rareté des recours juridictionnels, pour compréhensible qu’elle soit, interpelle. À la
moindre qualité substantielle des décisions d’engagements s’ajoute une grande discrétion du juge
de contrôle.

Quant à la procédure européenne de transaction, de son côté, elle renforce encore ce trait.

En effet une partie de la doctrine a trouvé peut être la bonne formule en énonçant que “(…) la
décision de transaction peut faire l’objet d’un appel même si, en pratique, celui-ci est fort limité
puisque les entreprises à la transaction ont confirmé le respect des droits de la défense, reconnu
l’infraction, renoncé à l’accès au dossier et accepté la fourchette de l’amende. Les parties ne

226
D. Waelbroeck, Le développement en Europe des solutions négociées (...), article précité. L’auteur rappelle par
ailleurs qu’il existe un principe jurisprudentiel d’“estoppel” qui empêche une partie de revenir sur un point admis par
elle (p. 14).

227
Les termes d’une étude thématique du Conseil de la concurrence consacrée aux “Sanctions, injonctions,
engagements, transaction et clémence : les instruments de la mise en œuvre du droit de la concurrence” en 2005
méritent d’être reproduits. Le Conseil écrivait : “Sans doute, l’incorporation de ces décisions dans les décisions
susceptibles de recours est-elle fortuite et résulte-t-elle d’un oubli du législateur. La philosophie de cette procédure
est, en effet, d’échapper aux voies de recours, puisqu’il s’agit, non d’une décision au fond, mais d’une sorte de contrat
librement consenti entre l’autorité de poursuite et l’entreprise poursuivie. Aucun recours n’a, à ce jour, été déposé
contre les décisions du Conseil acceptant les engagements. On voit mal quel serait l’intérêt à agir des parties, puisque,
s’agissant des entreprises à l’encontre desquelles pèsent des préoccupations de concurrence, elles ont elles-mêmes
proposé les engagements et, s’agissant des entreprises plaignantes, leur point de vue est recueilli en cours de
procédure” (p. 154). Notons que la possibilité pour la partie plaignante de former un recours contre la décision
acceptant les engagements a cependant été confirmée par les juridictions de contrôle (v. supra Cass. com., 4 novembre
2008) et que l’Autorité a depuis abandonné la thèse de la nature contractuelle de la procédure (v. communiqué de
procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence, pt 42).

100
peuvent donc faire appel que si la Commission n’a pas, dans sa décision finale, respecté les termes
de la transaction228.”

Un recours est concevable dans le cadre d’une procédure hybride, et a d’ailleurs été formé,
mais le cas est unique229.

La procédure de non-contestation de griefs donc la transaction française, est également


riche d’enseignements, lesquels sont toutefois plus nuancés. Il apparaît que, lorsque toutes les
entreprises parties à la procédure renoncent à contester les griefs, les recours, longtemps
inexistants, tendent à se développer230.

En cas de procédures hybrides (ce qui correspond à la moitié des affaires traitées), on
constate que les recours sont très fréquents (près de 80 % des cas), mais que les entreprises qui ont
renoncé à contester les griefs ont longtemps tendu à se désolidariser des autres 231 ; cela est moins
vrai aujourd’hui. L’avenir dira si la loi Macron, qui tend à donner plus de prévisibilité aux parties
quant au quantum de la réduction susceptible d’être obtenue232, inversera cette tendance.

Par ailleurs et surtout, lorsqu’un recours existe, il ne peut porter que sur les éléments de
calcul de la sanction233.

228
V. aussi W. Wils, The use of settlements in public antitrust enforcement (…), article précité, qui considère que les
différents renoncements des entreprises “affect their possibilities for successful judicial review”, Concurrences no 3-
2008, Art. no 34939.

229
Arrêt du 20 mai 2015 (aff. T-456/10, Timab Industries et CFPR/Commission CFPR), arrêt précité, note 31 et 148.

230
Aucun recours n’avait été formé dans une telle configuration de 2003 à 2008. Un recours fut pour la première fois
formé en 2009, et l’hypothèse devint alors plus fréquente (avec notamment trois cas sur quatre en 2014). Sur cette
question, v. le rapport français présenté devant l’OCDE en 2009 (v. Experience with Direct Settlements in Cartels
Cases : “(…) les entreprises n’ont en principe pas d’intérêt à former des recours en appel contre les décisions de non
contestation. Cet avantage est loin d’être négligeable en considération des pouvoirs de la cour d’appel de CA Paris,
qui est en mesure d’effectuer un réexamen complet des décisions du Conseil ». D’une façon générale, on constate
depuis 2012 que des recours sont systématiquement exercés, quels que soient la configuration du contentieux et le
type de décision adopté.

231
Au sens où elles renoncent pour leur part à former un recours.

232
Les parties négocieront en effet désormais non sur la base d’une fourchette de réduction, mais sur un chiffre exprimé
en valeur absolue.

233
Pour un rappel de cette règle, v. CA Paris 10 octobre 2013, RG no 2012/07909 (sur déc. no12-D-10, affaire des
croquettes). p. 38. La cour relève que, sous couvert de contester les éléments de la sanction, les entreprises tendent à
remettre en cause la réalité des pratiques, “ce qu’elles ne sont pourtant pas désormais recevables à faire”. V aussi
infra no 60.

101
Cette raréfaction et ce cantonnement des recours juridictionnels doivent-ils inquiéter ? Un
ancien juge au Tribunal de première instance des Communautés européennes souligne qu’il n’est
pas vrai “qu’un pourcentage élevé de saisines juridictionnelles soit le corrélat d’un haut niveau
de garanties pour les justiciables car il induit une part d’inefficacité croissante avec
l’encombrement et la routine” 234. Selon lui, “des solutions transactionnelles peuvent contribuer
à une redescente des flux contentieux au pourcentage optimal”.

Il y met cependant une condition : que ceci prenne place dans des contextes “très cadrés” par
la jurisprudence, pour éviter que des difficultés nouvelles ou fondamentales soient réglées “à la
sauvette”.

Or, cette condition ne lui semble pas remplie dans le cadre des procédures accessoires. Le
cantonnement des recours juridictionnels peut donc priver de légitimité les solutions obtenues par
la voie “négociée”.

- Le cas de la procédure « négociée » algérienne :

En ce qui concerne le droit algérien, on peut soulever encore la particularité de la procédure


négociée algérienne, quant à la possibilité d’un recours judiciaire voire d’un contrôle juridictionnel
sur les décisions du conseil de la concurrence.

une décision bénéfique pour les contrevenants dans le cadre d’une procédure négociée,
reste toujours une sanction entrant dans le même concept de la répression et non pas de la
régulation, puisque il n’y aucun processus quasi juridictionnel spécifique à cette procédure
négociée devant le conseil de la concurrence, comparé à celui des procédures négociées devant
des autorités de concurrence communautaire et française (la commission et l’autorité française de
la concurrence).

En effet dans ce contexte rien n’empêche l’entreprise mise en cause de faire un recours
judiciaire, même étant bénéficiaire d’une sanction modérée au niveau du conseil de la concurrence,
parce que il ne s’agit guère d’une régulation autonome, restreinte et surtout irréprochable de la part
du conseil, tant que le droit algérien n’énonce aucun processus quasi juridictionnel spécifique au
traitement de la pratique anticoncurrentielle dans le cadre d’une quelconque procédure négociée..

234
H. Legal, Le développement en Europe des procédures négociées (...) Que va-t-il rester aux juges ? (table ronde),
article précité, p. 30.

102
Cependant et dans ce même contexte , le contrôle juridictionnel susmentionné pose un réel
problème pour les praticiens du droit algérien, puisque celui-ci fait encore preuve d’incohérence :
le contrôle juridictionnel des décisions du conseil de la concurrence en matière de pratiques
anticoncurrentielles, relève exclusivement de la compétence de la cour de justice d’Alger statuant
en matière commerciale (la chambre commerciale) en vertu des dispositions de l’ordonnance 03-
03 modifiée et complétée, précisément dans son article 63.

Or, c’est de toute évidence qu’en droit algérien le conseil de la concurrence représente une
institution publique nationale, et la loi organique n° 98-01 du 30 Mai 1998 relative aux
compétences, à l’organisation et au fonctionnement du conseil d’Etat, dans son article 9, attribue
exclusivement-en premier et dernier ressort- le contrôle des décisions règlementaires ou
individuelles émanant des institutions publiques nationales au conseil d’Etat.

D’emblée, le législateur algérien a négligé carrément le principe de la hiérarchie des


normes juridiques en stipulant les dispositions de l’article 63 de l’ordonnance 03-03 modifiée et
complétée relative à la concurrence, en effet la constitution algérienne exige que la loi organique
étant d’un rang supérieur dans la hiérarchie des normes ne soit modifiée que par une loi du même
rang donc une autre loi organique ultérieure, et le fait de constater que l’article 63 de l’ ordonnance
n° 03-03 datée du 19 juillet 2003, modifiée par une loi ordinaire n°08-12 du 25 juin 2008, retirant
une prérogative voire une compétence exclusive attribuée au conseil d’Etat par l’article 9 d’une
précédente loi organique n°98-01 du 30 mai 1998 , rend cette ordonnance algérienne relative à la
concurrence inconstitutionnelle dans l’adoption de son article 63.

Indéniablement, nous pensons que la loi de la concurrence algérienne devrait être modifiée
pour subvenir aux besoins de la conformité avec la constitution.

A cet égard il est à signaler qu’en droit algérien en matière de contrôle de conformité avec
la constitution, ce n’est que les lois organiques qui se font par obligation contrôler préalablement
par le conseil constitutionnel, ce qui explique la sortie de cette ordonnance non conforme à la
constitution.

Nonobstant cette flagrante négligence, il est à rappeler qu’il est toujours possible
d’assujettir cette ordonnance à un contrôle ultérieur235, mais dans ce cas il faut d’abord avoir la

235
V. en ce sens la Constitution algérienne de 1996, JORADP N°76 du 8 décembre 1996, modifiée par la Loi n°02-
03 du 10 avril 2002 JORADP N°25 du 14 avril 2002, la Loi n°08-19 du 15 novembre 2008 JORADP N°63 du 16
novembre 2008 et la Loi n° 16-01 du 6 mars 2016 JORADP n° 14 du 7 mars 2016, notamment l’Art. 188. Stipulant :
« Le Conseil constitutionnel peut être saisi d'une exception d'inconstitutionnalité sur renvoi de la Cour suprême ou
du Conseil d'Etat, lorsque l'une des parties au procès soutient devant une juridiction que la disposition législative

103
qualité juridique pour pouvoir et surtout vouloir saisir le conseil constitutionnel, d’ici là
l’ordonnance algérienne de la concurrence reste non conforme à la constitution tant qu’elle adopte
encore les dispositions de son article 63.

B. Les limites du contrôle juridictionnel

En termes de recours au juge, il est tout de même utile de mettre l’accent sur les possibilités
pour une entreprise de contester certaines sanctions et/ou certains engagements qu’elle trouve
excessifs, par rapport à l’apport qu’elle a fourni en adoptant l’une de ces procédures.
La création des procédures négociées et sous la couverture de « négociation » a pu imposer
la restriction du rôle du juge en matière de respect de certains droits fondamentaux, notamment ce
qui relève de l’article 6 du CEDH, puisque les dispositions de celui-ci sont inapplicables à la
procédure de clémence236 et à la procédure d’engagements237.
En matière de clémence :
Le non-octroi d’immunité totale n’est nullement de la compétence du juge, puisqu’à cet
égard, le caractère partiellement contractuel de la procédure couvre le respect des droits
fondamentaux que le juge devait vérifier : ce qui aboutit à limiter le contrôle de ce dernier.
D’amblée, la procédure -par sa nature et son mécanisme- relève de la politique de concurrence de
plein droit, et encore en s’appuyant pour l’essentiel sur une négociation et ne relève pas du contrôle
de plein contentieux de la juridiction compétente238.
Or le juge n’est pas tenu de vérifier la corrélation entre l’apport effectué par l’entreprise et
la réduction d’amende, son rôle est limité à ce qui touche la procédure proprement dite,

dont dépend l'issue du litige porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Les conditions et les modalités de mise en œuvre de l'alinéa ci-dessus sont fixées par une loi organique » ainsi que
l’Art. 191. Stipulant « Lorsque le Conseil constitutionnel juge qu'une disposition législative ou réglementaire est
inconstitutionnelle, celle-ci perd tout effet du jour de la décision du Conseil.
Lorsqu'une disposition législative est jugée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 188 ci-dessus, celle-ci
perd tout effet à compter du jour fixé par la décision du Conseil constitutionnel. »
Les avis et décisions du Conseil constitutionnel sont définitifs. Ils s'imposent à l'ensemble des pouvoirs publics et aux
autorités administratives et juridictionnelles.
236
CA Paris, 24 avril 2007, JH Industrie et Malerba ;
Disponible sur : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/ca06d09_portes.pdf.
237
CA Paris, 6 novembre 2007, Canal 9/GIE Les indépendants, Concurrences, 2008, n°1.
238
CA Paris, l’arrêt sur le cartel des aciers, s’agissant d’une clémence de second rang.

104
particulièrement aux respects des droits de la défense pour le reste tout se joue devant l’autorité de
la concurrence239.
En matière d’engagements : il est toujours possible de contester une décision
d’engagements non conforme aux espérances de l’entreprise concernée, de même pour le tiers
impliqué dans la même procédure240.
D’emblée, on est confronté à une sorte de dérision, puisque l’entreprise conteste son propre
engagement, voire l’engagement qu’elle s’est proposé !!
C’est suite à une proposition (en droit français) ou une offre (en droit communautaire), faite
de plein gré par l’entreprise concernée, que la procédure d’engagements intervienne, ça peut se
faire spontanément ou alors par suggestion des autorités de concurrence.
A cet égard l’entreprise concernée peut le plus simplement du monde refuser les
engagements suggérés par les autorités de concurrence, bien sûr ça peut aboutir à ouvrir la
procédure contentieuse.
Cependant le plaignant ne peut nullement contester le choix de l’autorité concernant
d’opter pour la procédure d’engagements au détriment de la procédure contentieuse, même s’il
estime qu’il y est une infraction.
On peut signaler que les préoccupations de concurrence exprimées par l’autorité de
concurrence sont loin d’être représentées comme un acte d’accusation, bien au contraire elles
permettent d’éviter les sanctions.
Il est évident que l’autorité dispose d’une grande liberté en la procédure par rapport à la
procédure contentieuse, limitant ainsi le rôle du juge en cette phase.
Or ce qui importe c’est les engagements pris par l’entreprise, qui sont sensés de répondre
aux préoccupations de concurrence, quant à l’autorité de concurrence, elle se contente de vérifier
le cheminement de ces engagements, et son effet direct sur la disparition des préoccupations de
concurrence, en ménageant les intérêts des tiers.
Cependant le rôle du juge se détermine sur deux points :
- Vérifier si l’entreprise n’offrait pas des engagements moins contraignants pour le même
résultat, s’agissant d’engagements négociés et non pas d’injonctions imposées241.

239
V. Selinsky, « Procédures négociées et stratégies des entreprises » in les dossiers de la RIDE, ed De Boeck et
Larcier s.a., 2011. p.65.
240
TPICE, 11 juillet 2007, aff. T-170/06, Alrosa c/ Commission, op-cit
241
CJUE, 29 juin 2010, Aff. C-441/07 P, Alrosa company Ltd c/ Commission européenne, pts 40 et s., Contrats
Concurrence Consommation, 2010, n°10, comm, 234, G. Decocq.

105
- Vérifier si ces engagements sont bel et bien crédibles, substantiels et vérifiables sans pour
autant d’en substituer de nouveaux242.
On peut à titre d’exemple ouvrir une brèche sur un arrêt récent du tribunal de l’Union européenne
qui date du 15 septembre 2016243 :
Le Tribunal de l’UE confirme la décision de la Commission de valider les engagements de
Thomson Reuters visant à remédier à son abus de position dominante sur le marché des flux de
données en temps réel consolidés.
Les « flux de données en temps réel consolidés » fournissent aux banques et aux
institutions financières des données de marché provenant de différentes sources. Les
établissements bancaires et financiers utilisent ces données dans de multiples applications et
programmes informatiques à des fins de transaction et de suivi.
Une enquête initiée par la Commission en 2009 a montré que Thomson Reuters, une
entreprise canadienne, occupait une position dominante sur le marché mondial des flux de données
en temps réel consolidés.

À cet égard, la Commission a considéré que les « codes d’instruments financiers » de


Thomson Reuters (codes alphanumériques courts développés pour identifier les valeurs mobilières
et le lieu où elles sont négociées – RIC) entraînaient d’importants obstacles pour les clients qui
souhaitaient changer de fournisseur.

Selon la Commission, Thomson Reuters interdisait à ses clients d’utiliser les RIC pour
retrouver des données dans des flux de données en temps réel consolidés proposés par d’autres
fournisseurs et empêchait les tiers ainsi que les fournisseurs concurrents d’élaborer et de tenir à
jour des tableaux de correspondance incorporant des RIC afin de permettre une interaction entre
les systèmes de ses clients et les flux de données en temps réel consolidés d’autres fournisseurs.

La Commission en a donc conclu à un abus de position dominante.

242
CA Paris, 23 fevrier 2010, Expedia/SNCF ;
Disponible sur : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/ca09d06_fev2010.pdf.

243
Tribunal de l’Union européenne COMMUNIQUE DE PRESSE n° 100/16 Luxembourg, le 15 septembre 2016
Arrêt dans l'affaire T-76/14 Morningstar Inc./Commission
Disponible sur : http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&num=T-76/14

106
Par une décision de 2012244 , la Commission a accepté les engagements proposés par
Thomson Reuters en vue de remédier à cet abus de position dominante. Thomson Reuters a
notamment proposé d’accorder à ses clients des licences pour leur permettre d’utiliser les RIC en
vue de rechercher des données dans les programmes de fournisseurs concurrents.

Thomson Reuters s’est également engagé à fournir les informations nécessaires pour
permettre à ses clients d’établir des correspondances entre les RIC et le système de codage des
fournisseurs concurrents en vue d’un changement de fournisseur.

Morningstar, un concurrent de Thomson Reuters qui propose des services de flux de


données en temps réel consolidés à des clients dans le monde entier, conteste la décision de la
Commission.

Selon Morningstar, les fournisseurs concurrents sont expressément exclus du bénéfice de


la licence et ne peuvent pas non plus traiter les RIC pour le compte d’un titulaire de licence.
Autrement dit, les fournisseurs concurrents resteraient dans l’incapacité de proposer un service
totalement comparable et concurrent. Morningstar demande donc au Tribunal de l’Union
européenne d’annuler la décision de la Commission.

Dans son arrêt de ce jour, le Tribunal relève tout d’abord que les engagements de Thomson
Reuters s’articulent, pour l’essentiel, autour des possibilités offertes aux clients de changer de
fournisseur, que ce soit par leurs propres moyens ou en collaborant avec un développeur tiers.

Ceux-ci peuvent ainsi collaborer et s’assister mutuellement dans l’élaboration de tableaux


de correspondance par le biais des licences proposées par Thomson Reuters. La Commission a
ainsi estimé que Thomson Reuters ne devait pas nécessairement inclure ses concurrents dans les
termes des licences pour remédier à l’abus de position dominante.

Elle a en outre considéré à juste titre que le fait d’accorder aux concurrents de Thomson
Reuters l’accès aux RIC allait au-delà de ce qui était nécessaire pour répondre à ses préoccupations
en matière d’abus de position dominante.

244
Décision C(2012) 9635 de la Commission, du 20 décembre 2012, relative à une procédure d’application de l’article
102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire COMP/D2/39.654 – Codes d’instruments financiers de Reuters
(RIC)).

107
Par ailleurs, le Tribunal relève que Thomson Reuters a offert aux clients et aux
développeurs tiers la possibilité d’établir des tableaux de correspondance entre les codes RIC et le
système de symboles utilisé par le nouveau fournisseur, de sorte que les modifications à apporter
aux applications ne sont pas excessivement onéreuses.

Ces engagements permettent donc une réelle avancée pour les clients de Thomson Reuters,
puisque, en l’absence de la nécessité d’une modification profonde des applications informatiques,
ils n’ont pas à faire face à des coûts prohibitifs lors d’un changement éventuel de fournisseur.

Le Tribunal conclut que les engagements proposés par Thomson Reuters ont été
correctement évalués comme étant de nature à dissiper les préoccupations de la Commission si
bien que celle-ci n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en acceptant ces engagements.

En effet, dans le me contexte on peut soulever en outre, quelques points nous semblent
pourtant pouvoir être notés, que l’on peut rattacher à cette déclaration de principe émanant du
Tribunal de l’Union européenne : “(…) en présence d’une reconnaissance expresse, claire et
précise des faits par l’entreprise [de] la matérialité des faits qui lui étaient reprochés par la
Commission dans la communication des griefs, ces faits doivent (…) être considérés comme
établis” et l’entreprise n’est, “en principe, plus en mesure de les contester dans le cadre de la
procédure contentieuse devant le Tribunal” 245.

- Un contrôle limité en matière de clémence :

Il semble tout d’abord que la mise en œuvre de la procédure de clémence en France ne


fasse pas l’objet d’un contrôle de plein contentieux. En effet la Cour de cassation n’a pas encore
eu l’occasion de se prononcer sur la nature du contrôle exercé dans le cadre des procédures de
clémence246.

245
TPICE, 29 avril 2004, Tokai Carbon, aff. jtes T-236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01 et T-252/01, pt
108.

246
Si une décision accordant la clémence a donné lieu in fine à un pourvoi, l’arrêt rendu par la Cour de cassation ne
traite pas de questions spécifiques à la clémence : Cass. com., 15 mars 2011, no 09-17.055, rendu dans l’affaire du
contreplaqué. Un autre pourvoi est en cours dans l’affaire des farines. Par ailleurs, on sait que la Cour de cassation a
refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité concernant la politique de clémence : Cass. com.,
QPC 4 mars 2015, no 14-40.052

108
C’est donc à la cour d’appel de Paris qu’il est revenu de fixer quelques règles, à travers un
arrêt célèbre (et contesté) rendu le 19 janvier 2010, dans l’affaire Négoce de produits
sidérurgiques.

Elle a posé “que l’utilisation de [la procédure de clémence], qui relève par nature et par
son mécanisme de la politique de la concurrence que le législateur a confiée à l’Autorité de la
concurrence (ADLC) repose pour l’essentiel sur une négociation et ne relève pas du contrôle de
plein contentieux devant la cour d’appel de Paris”.

L’entreprise est par exemple irrecevable à contester la façon dont l’Autorité a pris en
compte ses efforts concrets.

La cour d’appel de Paris se considère en revanche compétente pour apprécier la licéité de


l’accord de clémence au regard de l’article L. 464-2 ;

Or, elle a par ailleurs étroitement contrôlé l’existence et les conséquences du défaut de
coopération d’une partie dans l’affaire des lessives247.

En droit européen, le tribunal vérifie que la Commission a correctement pris en compte la


coopération des entreprises, eu égard au principe de proportionnalité et d’égalité de traitement.

- Un contrôle également restreint en matière d’engagement :

Le contrôle exercé sur les procédures d’engagement diligentées est également restreint. En
France, la cour d’appel de Paris vérifie que les préoccupations de concurrence ont été identifiées248,
que les engagements sont adéquats 249 et que l’Autorité en a bien apprécié la portée 250 ; en

247
CA Paris, pôle 5 – ch. 5-7, 30 janvier 2014, RG no 2012/00732, pp. 42 et s. (rendu sur recours contre la décision
no 11-D-17).

248
CA Paris, 16 octobre 2007, Bijourama c/ Festina.

249
CA Paris, 6 novembre 2007, Canal 9 c/ GIE Les indépendants. Pour une mise en exergue du contrôle de
proportionnalité exercé, v. L. Idot, Les engagements, in Corriger, équilibrer, orienter (…), article précité.

250
CA Paris, 10 octobre 2013, RG no 2012/07999, rendu sur déc. 12-D-10 (affaire des croquettes), approuvée par
Cass. com., 17 mars 2015, pourvois nos G 13-26.003, V 13-26.083 et F 13-26.185.

109
revanche, elle se refuse à substituer de nouveaux engagements à ceux qui ont été acceptés par
l’Autorité251.

En droit européen, la Cour de justice a fait valoir que le contrôle se limite à déterminer “si
l’appréciation à laquelle s’est livrée la Commission est manifestement erronée” 252.

Par ailleurs, le juge ne contrôle pas véritablement la proportionnalité des engagements pris
et il n’a pas à vérifier que la Commission a pris en compte “les solutions moins contraignantes”
qui auraient pu être envisagées.

La Cour a en effet considéré que l’article 9 du règlement no 1/2003, qui fonde les
engagements, répond à une logique propre, différente de celle de l’article 7, qui fonde les sanctions
pécuniaires. Elle considère que “les caractéristiques spécifiques des mécanismes prévus aux
articles 7 et 9 du règlement no 1/2003 et les moyens d’action qu’offre ce règlement en vertu de
chacune de ces dispositions sont différents, ce qui implique que l’obligation d’assurer le respect
du principe de proportionnalité, qui incombe à la Commission, a une portée et un contenu
différents selon qu’elle est considérée dans le cadre de l’un ou de l’autre de ces articles” 253.

Elle ajoute que “rien ne justifie que la mesure qui pourrait éventuellement être imposée
dans le cadre de l’article 7 du règlement no 1/2003 doive servir de référence aux fins de
l’appréciation de la portée des engagements acceptés en application de l’article 9 de ce règlement
et que tout ce qui va au-delà de ladite mesure doive être automatiquement considéré comme non
proportionné”.

Elle en conclut que “les entreprises qui offrent des engagements sur le fondement de
l’article 9 du règlement no 1/2003 acceptent sciemment que leurs concessions puissent aller au-
delà de ce que la Commission elle-même pourrait leur imposer dans une décision qu’elle
adopterait conformément à l’article 7 de ce règlement après un examen approfondi”.

251
CA Paris, 23 février 2010, Expedia SNCF. Cette restriction peut se comprendre : les engagements doivent par
nature être proposés par les entreprises. Un engagement que la cour d’appel de Paris, à la demande du requérant,
substituerait d’autorité aux engagements proposés par les entreprises et acceptés par l’Autorité s’apparenterait en
réalité à des injonctions, ce qui changerait la nature de la procédure.

252
Arrêt Alrosa, CJUE, 29 juin 2010, aff. C-441/07, pt 42.

253
Arrêt Alrosa, CJUE, 29 juin 2010, aff. C-441/07, pt 38

110
À l’évidence, on peut douter de la conscience que peuvent avoir les parties de s’engager
au-delà du nécessaire.

- La procédure de non-contestation des griefs :

En France, -c’est de même- réduisant aussi le contrôle du juge à la portion congrue puisque
les parties ne pourront contester devant la cour d’appel de Paris ni la matérialité des faits, ni leur
qualification juridique au regard des règles de concurrence, ni leur imputabilité. La cour d’appel
de Paris a fait savoir qu’une demande en ce sens serait considérée comme irrecevable254.

Elle estime en effet qu’“en choisissant de ne pas contester la réalité des griefs qui lui ont
été notifiés, l’entreprise renonce” à contester ces éléments255. On ignore encore si elle acceptera
de valider la position exprimée par l’Autorité dans son communiqué de procédure de 2012 selon
laquelle les parties s’engagent également à ne pas contester la validité de la notification des griefs.
Le champ du contrôle est quoi qu’il en soit restreint, la cour n’ayant à étudier que les arguments
relatifs aux éléments de détermination de la sanction256.

- Le cas de la procédure négociée algérienne :

Quant à la procédure négociée algérienne, il n’y a tout de même pas lieu de comparaison par
rapport à la procédure française, rien n’empêche le contrôle juridictionnel concernant une décision
de sanction modérée, en revanche le fait de reconnaitre les griefs pèsera sans doute sur
l’aboutissement de l’action juridictionnelle, en effet puisque la cour de justice d’Alger (la chambre
commerciale) peut demander, voire ordonner la communication du dossier complet qui couvre la
procédure dite négociée adoptée par le conseil algérien.

Celui-ci n’aura aucune contrainte juridique à le faire bien au contraire il est obligé de
répondre positivement en vertu des règles du droit commun, le soucis du conseil algérien serait

254
En ce sens, CA Paris, 29 mars 2012, affaire de la signalisation routière verticale (la cour rejette comme irrecevable
la contestation quant à l’imputabilité de la pratique à la société SES, laquelle avait renoncé à contester les griefs). V.
aussi CA Paris, 10 octobre 2013, précité, et 25 septembre 2014, RG no 2013/05595 (sur déc. no13-D-03).

255
CA Paris, 25 septembre 2014, précité.

256
Ce n’est pas neutre. L’affaire de la signalisation routière, décision hybride, montre que les développements
consacrés aux recours formés par les entreprises ayant contesté les griefs sont beaucoup plus longs que ceux consacrés
aux entreprises y ayant renoncé.

111
plutôt de considérer les pièces émises par celui-ci comme des preuves construite par ses soins , dès
lors la perplexité règnera sur la recevabilité de ces preuves et donc sur le sort du potentiel jugement.

Cependant, il est à reconnaitre que le conseil de la concurrence n’économisera pas d’efforts


pour prouver qu’il y a eu effectivement une pratique prohibée par la loi de la concurrence. Bien
évidemment, nous avons juste évoqué des hypothèses, puisque la matière analysable fait défaut
dans la pratique du conseil algérien.

112
Chapitre 2. La mise à l’écart de la réparation du préjudice concurrentiel

Les actions civiles en réparation intentées par les victimes privées de pratiques
anticoncurrentielles constituent assurément l’une des modalités de mise en œuvre du droit de la
concurrence.
Cette mise en œuvre est bel et bien partagée par les actions des autorités de concurrence
donc les actions des autorités publiques.

Ces deux actions sont communément appelées aujourd’hui selon la terminologie anglaise,
de «private enforcement» et «public enforcement» .

D’emblée, c’est deux voies d’actions constituent deux contentieux radicalement différents :
d’une part le contentieux subjectif, donc le «private enforcement», vise la protection des droits
subjectifs des acteurs économiques tels que les entreprises concurrentes et les consommateurs.

D’autre part le contentieux objectif donc le «public enforcement» qui de son côté –
notamment à travers les procédures négociées- a vocation à préserver le bon fonctionnement du
marché en sanctionnant les outrages au droit de la concurrence.

En effet la dénonciation d’un cartel et l’action en justice de la victime d’une pratique


anticoncurrentielle visent deux objectifs distincts : un objectif de sanction du comportement
anticoncurrentiel et un objectif de réparation du préjudice, à cet égard la clémence a un domaine
circonscrit à la sanction pouvant être prononcée par une autorité de concurrence, en revanche elle
ne peut avoir d’effet sur la fonction réparatrice du dommage causé aux opérateurs et particuliers.

Indéniablement, le «public enforcement» prônant et conquérant l’efficacité de ces


fameuses procédures négociées, primera sur le «private enforcement», servant ainsi à la mise en
écart de la réparation du préjudice concurrentiel.

Incessamment nous avons voulu à travers ce chapitre, soulever le problème lié à l’incidence
des procédures négociées sur ces actions privées sollicitant la réparation du préjudice causé par
des pratiques anticoncurrentielles traitées dans le cadre desdites procédures.

A travers ce chapitre, nous avons tenté de suivre une certaine logique, émanant du fait que
malgré toute l’avancée du «private enforcement» , celui-ci reste devancer par le «public
enforcement» : autrement dit l’efficacité des procédures négociées passe devant et/ou au détriment
de la réparation du préjudice.

113
Pour encadrer cette réflexion nous débuterons par mettre le point sur le renforcement de
l’action privée ou le «private enforcement» (Section 1) et par la suite nous aborderons le cas de
l’interaction entre les procédures négociées et les actions collectives (Section 2).

Section 1. Le renforcement du «private enforcement»

Il apparait primordial d’évoquer la réparation du préjudice concurrentiel, puisque dans un


temps normal l’action judiciaire qui vise cet objectif, présente une incidence contre les
contrevenants bénéficiaires des procédures négociées, puisqu’ils restent –juridiquement-
redevables aux victimes. Mais malheureusement ce n’est pas le cas.
Toutefois pour soulever l’interdépendance entre la réparation du préjudice causé par une
pratique anticoncurrentielle traitée –à bien- dans le cadre de l’une des procédures négociées et
l’efficacité d’une telle politique de concurrence qui s’appuie sur ces desdites procédures, il fallait
d’abord mettre en évidence l’action en réparation du préjudice concurrentiel (§1) et suivre le
développement de cette action (§2) qui reste tout de même contraint par l’objectivité du droit de
la concurrence.

§ 1. Le «private enforcement» : Définition, objet et spécificité

Nous avons trouvé fort important de montrer et /ou de démontrer, que le recours au juge
via une action privée, figure primordial pour arriver à l’efficacité de l’application du droit de la
concurrence.
En revanche, représentant le «public enforcement» dans sa version avenante voire
moderne, les procédures négociées tendent à avoir une suprême efficacité de l’application du droit
de la concurrence.

On n’est tout de même pas loin du chevauchement entre ce qui est du «public enforcement»
et ce qui est du «private enforcement», notamment en ce qui releve de leurs différents objectifs :
bien qu’en principe l’un complète l’autre.

Quoi qu’il en soit, nul ne peut nier l’interaction presque avouée (comme nous allons le
constater ensuite) entre les procédures négociées et le «private enforcement» .

Nous avons choisi d’emprunter l’expression « private enfocement » plutôt que d’autres
expressions et/ou appellations, pour éviter quelconque perplexité et/ou confusion liée à l’utilisation

114
de l’expression « action civile » puisqu’en droit français, ces termes sont réservés à l’action de la
victime d’une infraction pénale devant le juge répressif pour obtenir la réparation de son préjudice.
Il y a un risque de confusion.

Quant à l’expression «private enforcement» que nous trouvons d’ailleurs plus appropriée
puisqu’elle met l’accent sur une mise en œuvre du droit des pratiques anticoncurrentielles par les
victimes de ces pratiques.

Alors, le «private enforcement», en suivant une certaine logique vient pour combler le
«public enforcement» : puisqu’il touche là où l’action publique s’arrête : d’emblée il fallait mettre
le point sur ce concept de réparation de préjudice qui coexiste avec le «public enforcement»,
notamment le cas échéant avec les procédures négociées : nous avons essayé de traiter ce point de
vue en déterminant la définition du «private enforcement», son objet et sa spécificité.

A. La définition du «private enforcement»

Le «private enforcement» n’est en réalité qu’une simple action civile intentée par les
victimes des pratiques anticoncurrentielles, afin d’obtenir un dédommagement du préjudice qu’ils
ont subi.
A cet égard, le «private enforcement», se compose de trois éléments spécifiques : une pratique
anticoncurrentielle source du préjudice concurrentiel, une action tendant à la réparation de ce
préjudice et enfin la protection d’un droit personnel par cette action.

En effet s’agissant d’une pratique anticoncurrentielle, L’action privée vise à réparer un


préjudice « concurrentiel ».

Le terme fait référence au droit antitrust ou droit des pratiques anticoncurrentielles.


Lorsqu’il sera question du droit de la concurrence, terme générique, il s’agira du droit des pratiques
anticoncurrentielles.

Le droit des pratiques restrictives257 est parallèle à notre étude mais n’y figure pas en tant
qu’objet d’étude. Les explications de cette étude à la marge du droit des pratiques restrictives de
concurrence tiennent au fait qu’il bénéficie en droits français d’un traitement spécifique et qu’il
concerne des pratiques commerciales précises correspondant à des enjeux professionnels 258

257
Au sens des droits français et communautaire.
258
En France, l’article L. 442-6 du Code de commerce prévoit une action en réparation spéciale pour ces pratiques. Il
s’agit d’une procédure d’exception devant des juridictions spécialisées. Les exceptions les plus marquantes sont la

115
Il est à rappeler que contrairement à son homologue français, le législateur algérien n’a pas
adopté la moindre distinction terminologique entre ce qui est restrictif et ce qui est
anticoncurrentiel : donc les pratiques anticoncurrentielles font partie des pratiques restrictives de
la concurrence, et ceci est loin du concept français dont les pratiques restrictives de la concurrence
représentent plutôt « le petit droit de la concurrence »259, évoquant souvent une certaine équivoque
quant à son admission comme un vrai droit de concurrence260.

Or, même s’il y est toujours question de concurrence, il s’agit moins de droit du marché
que d’un dérivé du droit de la concurrence déloyale. Il tend surtout à rétablir un équilibre entre les
partenaires commerciaux. Le droit des pratiques anticoncurrentielles recouvre quant à lui deux
infractions : les ententes et les abus de position dominante.

Par « action privée concurrentielle », nous entendons celle qui se fonde sur une violation
du droit des pratiques anticoncurrentielles. Pourtant, force est de constater que les débats portent
en France et en Europe sur les ententes et les abus de position dominante.

S’agissant aussi d’une action en réparation, Le «private enforcement» est une action en
réparation du préjudice concurrentiel.

Dans ce contexte il est à signaler qu’il s’agit d’une réparation intégrale L’article 3 de la
directive 2014/104/UE du parlement européen et du conseil du 26 novembre 2014, au nom du droit
à réparation intégrale, exclut fermement les dommages et intérêts extra compensatoires.

Le texte ne laisse rien au hasard puisqu’il vise : « les dommages et intérêts punitifs ou
multiples ou d’autres types de dommages et intérêts ».

possibilité pour le Ministre de l’économie d’agir à la place de la victime qui craint des représailles et la possibilité
pour le juge de condamner le défendeur à une amende civile.
259
Par opposition au droit antitrust qui est l'un des fondements du droit communautaire et qui représente en quelque
sorte « le grand droit de la concurrence » désignant essentiellement le droit des pratiques anticoncurrentielles(ententes
et abus de position dominante),le contrôle des concentrations ainsi que le contrôle des aides d'Etat,. La doctrine
française rattache au droit de la concurrence le droit des pratiques restrictives de la concurrence et le droit de la
concurrence déloyale, bâti essentiellement sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile. Ces derniers
sont parfois qualifiés de « petit droit de la concurrence ».

260
Sur les pratiques restrictives de la concurrence : "Pour de multiples raisons, il est possible de considérer que ce titre
IV (du code de commerce français) ne relève pas du droit de la concurrence au sens strict, mais d'un droit des relations
commerciales, où l'interventionnisme étatique a été considérablement renforcé en 1996 et plus encore en 2001."
L.IDOT, Les limites et le contrôle de la concurrence dans la perspective d'une harmonisation internationale, in: Revue
internationale de droit comparé.Vol.54.n°2,Avril-Juin2002. p.377.

116
En effet, l’expression «private enforcement» n’est pas claire. Ainsi, « [i]l faut préciser ce
que l’on entend par «private enforcement». Vise-t-on le contentieux entre entreprises ou les
actions éventuelles des consommateurs ? Vise-t-on uniquement le contentieux en réparation ou
l’ensemble des actions privées ? Si l’on raisonne sur le contentieux entre entreprises, le sous-
développement des actions privées n’est pas aussi évident qu’on l’affirme » 261.

Dans ce cas, il est pertinent de s’intéresser au contentieux en réparation des


consommateurs, en incluant les PME, c’est-à-dire les entreprises ayant un pouvoir de marché.
Nous ne pensons pas qu’une distinction entre un «private enforcement» vertical, qui concernerait
seulement les consommateurs, et un «private enforcement» horizontal, qui concernerait seulement
les entreprises, soit pertinente sans définition de ces notions262.

Toutefois, le constat d’une difficulté à les concilier est certain.

Enfin le «private enforcement» reste un droit personnel, La conséquence d’un «private


enforcement» « réparateur », au sens de l’action en dommages et intérêts, est qu’il exclut d’office
les actions en nullité ou en cessation du préjudice concurrentiel, non pas juridiquement mais
pratiquement.

Le débat porte sur la possibilité d’obtenir des dommages et intérêts, et même des
dommages et intérêts punitifs suite à une atteinte personnelle de la victime dans ses droits protégés
par la Loi. L’hypothèse de l’action en cessation est peu probable pour une raison de bon sens.

La nature même des pratiques anticoncurrentielles exclut qu’un consommateur ou une entreprise
de petite taille en est connaissance, même si elle est plus à même de s’en rendre compte que le
consommateur. Mais la peur de représailles de la part d’un partenaire commercial dissuadera la
PME d’agir en cessation de l’illicite.

Quant à la nullité, elle n’est pas ce que recherche le consommateur ou l’entreprise en


premier lieu ; elle est au mieux un accessoire de l’action en réparation du préjudice concurrentiel.
La nature privée du préjudice concurrentiel explique la division fondamentale entre l’action privée
et l’action publique, la protection de l’intérêt privé et la protection de l’intérêt général.

261
L. IDOT, op.cit., note 274, p. 21.
262
Antoine MASSON, « « «private enforcement» » vertical et horizontal : les difficultés d’une conciliation », RLC
2006/7, p. 79.

117
En somme, le droit à l’action privée concurrentielle est le droit à une action en réparation
pour des consommateurs ou des entreprises dans l’objectif d’obtenir la réparation d’un préjudice
résultant d’une pratique anticoncurrentielle, en tant que violation d’un droit personnel.

B. L’objet du «private enforcement»

Indéniablement, l’objet du «private enforcement» est la réparation d’un préjudice collectif


et consumériste résultant d’une violation du droit antitrust
D’emblée cet objet reste le même dans ce qui relève du droit algérien et ce qui relève des
droits communautaire et français, mais il est à rappeler que la procédure algérienne est restée
statique, dans le cadre du droit commun il n’y a pas vraiment une croissance textuelle voire une
legifération de textes distinguant le contentieux concurrentiel d’autres contentieux, par rapport à
l’histoire d’avènement et de renforcement du «private enforcement» en droit communautaire, qui
se répercute incessamment sur les droits nationaux des Etat membres de l’union européenne
notamment le droit français.

En effet Il faut reconnaitre que dans l’union européenne, la régulation de la concurrence


est principalement assurée par les autorités publiques et le nombre d’actions civiles fondées sur le
droit de la concurrence est relativement faible263.

Or, le développement du private enfocement a pour origine la consécration du droit à


réparation par la cour de justice264.

Le droit à obtenir réparation a été reconnu aux victimes de pratiques anticoncurrentielles


par la jurisprudence de la cour en dehors de toute mention expresse dans les traités.

En effet le droit à réparation n’a pas échappé à la construction jurisprudentielle


audacieuse265 entreprise par la cour afin de combler l’insuffisance des dispositions du droit
primaire à assurer la protection des individus.

263
Seulement 10% des actions sont civiles, alors que 90% sont des actions engagées par les autorités publiques, selon
le Rapport Ashurst, study on the conditions of claims for dommages in case of infringment of EC competition rules,
2004 (site de la commission)
264
CJCE, 20 sept. 2001, Courage c/ Crehan, aff. C-453/99.
265
D. SIMON, « La légitimité du juge communautaire », in Sénat, l’office du juge, colloque, Palais du Luxembourg,
29 et 30 sept. 2006.

118
Reconnaissant le rôle essentiel que peuvent jouer les individus dans la mise en œuvre du
droit de la concurrence, alors qu’elle a longtemps compté uniquement sur les actions publiques
pour assurer le respect au droit de la concurrence et la diffusion d’une véritable (culture commune
de la concurrence en Europe266), la commission a multiplier les initiatives afin d’inciter les
victimes des pratiques anticoncurrentielles à saisir le juge national pour obtenir réparation de leur
préjudice.

D’ailleurs, la commission avait proposé d’élargir les pouvoirs du juge en prévoyant une
obligation de divulgation267.

Dans ce contexte, le règlement 1/2003 du 16 décembre 2002 confère tout d’abord aux
juridictions nationales la fonction d’assurer la réparation des victimes d’infractions par l’octroi de
dommages et intérêts268, mais plusieurs contraintes notamment la lenteur et la lourdeur de la
procédure et encore le cout qui l’entoure n’ont pas laissé justement cette voie aller de l’avant269 ;
Chose qui a poussé la commission à publier en 2005 un livre vert270 qui sera suivi en 2008 par un
livre blanc271 sur les actions en dommages et intérêts pour infractions aux règles communautaires
sur les ententes et abus de position dominante : la commission à travers ses livres en couleurs plus
ou moins significatives voulait identifier les principales difficultés rencontrés dans toute action en
réparation et propose un certain nombre de solutions plus ou moins ambitieuses.

Mais plus récemment les incitations européenne au développement du «private


enforcement» ont connu une importante relancée ; d’une part la commission a montré l’exemple
en 2012 en saisissant elle-même le tribunal de Bruxelles afin d’obtenir réparation du préjudice de
l’Union à la suite du cartel des ascenseurs272

266
Comm. CE, communication de la commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de
concurrence, 2004/ C 101/03, p. 1.
267
D. FASQUELLE, livre vert de la commission sur les actions en dommages et interets pour infraction aux regles
communautaires sur les ententes et abus de position dominante, Rev. Dr. Conc., 2006. 33.
268
Règlement (CE) n° 1/2003 du conseil du 16 déc. 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues
aux articles 81 et 82 du traité, art. 6.
269
C. PRIETO, D. BOSCO, droit européen de la concurrence. Ententes et abus de position dominante, Bruylant,
Manuel, 2013, p. 1406.
270
Comm. CE, Livre vert sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les
ententes et abus de position dominante, COM (2005) 672 final, 19 dec. 2005.
271
Comm. CE, Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les
ententes et abus de position dominante, COM (2008) 165 final, 2 avr. 2008.
272
CJUE, 6 nov. 2012, Europese Gemeenschop c/ Otis, aff. C-199/11. Précision sur le contexte de cet arrêt : la cour
avait été saisie car les entreprises défenderesses à l’action de la commission contestaient la capacité de celle-ci à

119
D’autre part la commission a dévoilé le 11 juin 2013 son « paquet «private enforcement» »
portant cinq documents dont la commission a tenté de dépasser les principaux obstacles à l’action
en réparation afin de rendre effectif l’accès à la justice des victimes des pratiques
anticoncurrentielles, pour arriver finalement à la directive 2014/104/UE du parlement européen et
du conseil du 26 novembre 2014,relative à certaines règles régissant les actions en dommages et
intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des Etats
membres et de l’Union européenne,

Ces actions relevaient jusqu’alors des règles nationales de la responsabilité civile, sous
réserve des principes d’équivalence et d’effectivité. La directive bouscule cette autonomie des
droits nationaux, une partie importante des règles applicables à la matière étant appelée à être
harmonisée.

En effet d’un préjudice collectif à un préjudice consumériste, la caractéristique de l’action


privée ou du «private enforcement» tient dans le préjudice collectif et consumériste qu’elle répare
; elle détermine la nature du litige et les modalités de réparation. Il s’agit d’un dommage de
masse273. Il apparaît évident que toute action privée en droit de la concurrence ne trouve pas sa
source dans un dommage concurrentiel de masse.

Par conséquent des concurrents peuvent agir par la voie privée de la cessation, de la nullité,
de la réparation ou de la transaction, à titre individuel. Leur action est alors une action individuelle
classique devant les tribunaux.

Aucun problème particulier ne se pose, même si dans le cadre de la réparation, l’évaluation


du préjudice concurrentiel est un problème tant dans l’action individuelle que dans l’action
collective274.

L’entreprise n’est pas la première victime à laquelle on pense à l’évocation du préjudice


de masse.

assurer la représentation de l’union et invoquaient une violation des droits fondamentaux puisque la Commission était
à l’origine de la décision interdisant le cartel. La cour va débouter les entreprises défenderesses sur les deux points
.
273
Anne GUÉGAN-LÉCUYER, Dommages de masse et responsabilité civile, Préf. P. JOURDAIN, Thèse, Paris,
LGDJ, 2006 ; Nicolas DORANDEU, Le dommage concurrentiel, Préf. Y. SERRA, Thèse, PUP, 2000
274
Daniel FASQUELLE, « La réparation des dommages causés par les pratiques anticoncurrentielles », RTD Com.
1998.778 : « On sait qu’en matière de concurrence déloyale la tendance de la jurisprudence est de déduire le dommage
de l’existence de la faute. Il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit des dommages causés par les pratiques
anticoncurrentielles, l’objectif principal du juge étant alors de réparer le préjudice et non de sanctionner l’auteur de la
pratique anticoncurrentielle ».

120
Le consommateur est un destinataire plus naturel de l’expression dans les sociétés
modernes qui connaissent une consommation de masse275. La concurrence agit sur les produits
consommés par la population. L’élément le plus palpable porte sur le prix du produit mais aussi
sur sa qualité.

En cas de pratique anticoncurrentielle, l’impact sur le consommateur n’est pas théorique.


Le consommateur présent sur le marché pertinent représente alors une infime partie des victimes.
Par conséquent, les pratiques anticoncurrentielles génèrent, elles aussi, des dommages de masse.

Le dommage de masse se définit comme l’« atteinte aux personnes, aux biens et au milieu
naturel qui touchent un grand nombre de victimes à l’occasion d’un fait dommageable unique, ce
dernier pouvant consister en un ensemble de faits dommageables ayant une origine unique »276.

Face aux dommages de masse, le regroupement des victimes, que nous qualifions de
collectivisation du préjudice, devient indispensable pour assurer l’effectivité de la réparation.
Comme le droit de l’environnement, le droit de la concurrence est aussi concerné par le phénomène
de collectivisation du préjudice277.

La théorie de l’action en justice, élaborée sur un modèle individualiste, doit s’adapter à ce


changement278.

Le recours collectif semble la meilleure adaptation de l’action en justice ; il « (...) constitue


une réponse judiciaire et économique aux nouveaux modes de production et aux nouvelles forces
de relation entre les acteurs sociaux »279.

275
Mauro CAPPELLETTI, « La protection d’intérêts collectifs et de groupe dans le procès civil (Métamorphoses de
la procédure civile », (1975) 27/3 R.I.D.C. 571-597 à la p. 572 ; Yves CHAPUT, op.cit. note 209, p. 170 : « On
comprend très bien que, pour les consommateurs, il y ait des préjudices de masse. Mais, s’agissant des PME et des
actions qui pourraient être menées en matière de concurrence pour la réparation des préjudices, je le vois moins
nettement que pour les consommateurs ».
276
A. GUÉGAN-LÉCUYER, op.cit., note 274, n° 428
277
Valérie LASSERRE-KIESOW, « La promotion des sanctions civiles en droit des pratiques anticoncurrentielles »,
Dalloz. 2007.2116, au par. 3
278
Roger PERROT, « L’action en justice des syndicats professionnels, des associations et des ordres professionnels
», dans Annales Universitatis Scientiarum Budapestinensis de Rolando Eötvös Nominatae. Sectio juridica, X
Badapest, 1969, pp. 99-106 cité par M. CARPELLETTI, op.cit., note 276, p. 571, l’auteur parle quant à lui de «
révolution ».
279
Pierre-Claude LAFOND, « Le recours collectif : entre la commodité procédurale et la justice sociale », (1998-99)
29 R.D.U.S. 4-35 à la p. 3, [en ligne], <
http://www.usherbrooke.ca/droit/fileadmin/sites/droit/documents/RDUS/volume_29/29-12-lafond.pdf>.

121
Au dommage de masse répond le recours collectif. Mais l’action privée ne peut pas être
résumée au recours collectif. Si l’objet de l’action privée est le préjudice de masse que nous
rebaptisons « préjudice collectif », terme plus proche des problématiques de consommation en
droit de la concurrence280, le recours collectif n’est qu’une modalité d’exercice de cette action.

Le caractère collectif du préjudice concurrentiel indique une seule chose : l’aspect


consumériste du préjudice résultant des pratiques anticoncurrentielles.

En effet, contrairement à la concurrence déloyale, le droit des pratiques anticoncurrentielles n’est


pas réservé aux seules entreprises comme les PME281, le consommateur peut aussi en bénéficier
dans une action en réparation de son préjudice dans la mesure où la violation du droit des pratiques
anticoncurrentielles est une faute civile282.

À ce titre, la protection que peut trouver le consommateur dans le droit des pratiques
anticoncurrentielles, n’est qu’une conséquence, bonne, mais secondaire du but essentiellement
poursuivi par ce droit, à savoir l’organisation du marché283.

Toutefois, la notion de consommateurs est ambiguë : si on s’accentue sur la notion de


consommateur dans le recours privé en droit des pratiques anticoncurrentielles, le terme de
consommateur est synonyme d’acheteur. Il existe deux types d’acheteurs : l’acheteur direct et
l’acheteur indirect. Il s’agit de présenter cette typologie de victimes.

L’acheteur direct a contracté sans intermédiaires avec les membres d’un cartel ou avec
l’auteur d’un abus de position dominante. L’acheteur indirect s’est procuré un bien ou un service

280
Les expressions utilisées autour du recours collectif et du droit de la concurrence en lien avec le consommateur
sont souvent : « intérêt collectif du consommateur », « action collective », « défense collective », le terme même de «
recours collectif » témoigne d’une filiation terminologique. En droit français, on parle d’ « action de groupe » et non
d’ « action de masse » pour parler du recours collectif. Seul le droit américain connaît l’expression « mass action ».
Ainsi, dans un souci d’homogénéité du vocabulaire et de cohérence nous qualifions de « collectif » le préjudice de
masse en droit de la concurrence s’agissant d’un préjudice affectant les consommateurs.
281
Catherine PRIETO, dans J.-P. DELEVOYE (dir.), Les PME face au droit de la concurrence, Chambre de commerce
de Paris, colloque du 22 juin 2011, RLC 2011/29. note 209, p. 170 : « L’intérêt stratégique du droit des pratiques
anticoncurrentielles pour les PME est resté jusqu’à présent dans l’ombre, à la différence du droit de la concurrence
déloyale » .
282
Sur la distinction entre la concurrence déloyale et le droit des pratiques anticoncurrentielles, v. Laetitia DRIGUEZ,
Droit social et droit de la concurrence, Préf. L. IDOT, Thèse, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 13 : « Le droit de la
concurrence doit enfin être distingué du droit de la concurrence déloyale qui apprécie la loyauté des rapports entre
concurrents sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle. » L’auteur poursuit en affirmant qu’il s’agit d’un
« contentieux subjectif visant la réparation d’un préjudice personnel ». Paul ROUBIER, Le droit de la propriété
industrielle, Tome 1, p. 184 ; André BERTRAND, Le droit français de la concurrence déloyale, CEDAT, 1998, p. 10
et 11.
283
Luc BIHL, « La défense de la liberté de la concurrence par les consommateurs », dans Y. SERRA et J. CALAIS-
AULOIS (dir.), Concurrence et consommation, Paris, Dalloz, 1994, p. 31.

122
objet d’une pratique anticoncurrentielle par l’intermédiaire un distributeur du produit objet de la
pratique ou du produit transformé contenant le produit objet de la pratique284. Ces deux types de
consommateurs sont-ils différents ?285

La situation témoigne d’une difficulté dans la définition des bénéficiaires de l’action


privée. Sans prétendre proposer une définition précise du consommateur et de l’entreprise, le terme
de « consommateur » au sens du droit de la consommation évoque l’acheteur indirect tandis que
le mot « entreprise » fait spontanément penser à l’acheteur direct.

Mais l’entreprise qui se procure un bien pour le transformer n’est-elle pas consommatrice
au sens large ? Elle n’est certes pas le consommateur du droit de la consommation, c’est à dire
celui qui se procure un bien à des fins autres que professionnelles286.

L’expression de « consommateur » prête à confusion287. D’autant que la situation de


l’entreprise et du consommateur diffère en matière d’action privée. Il ne faut donc pas les
confondre.

La réponse aux difficultés rencontrées dans l’exercice de l’action privée ne peut être
exactement la même pour ces deux acteurs du marché. En effet, la question de la collectivisation
du contentieux privé en droit de la concurrence ne concerne que les consommateurs. De son côté,
l’entreprise, surtout si elle est d’une taille importante, agira seule en justice.

De plus, le recours au juge revête un aspect stratégique pour une entreprise dans la mesure
où cette action peut entrainer des représailles sur le marché ou influer sur son image auprès de
futurs clients.

284
Daniel BELLEAU et Violette LEBLANC, « Concurrence : mode d’emploi », Développements récents en matière
de recours collectifs, Service de la formation continue du Barreau du Québec, 2012, Droit civil en ligne (DCL),
EYB2012DEV1838.
285
Marie-Stéphane PAYET, Droit de la concurrence et droit de la consommation, Préf. Paris, Dalloz, 2001, p. 44, au
par. 30.
286
Sur la définition du consommateur, V. l’art. 3 de la loi algérienne n° 09-03 du 25 fév. 2009, relative à la protection
du consommateur et à la répression des fraudes, l’avis du Conseil National de la consommation, Paris, le 4 décembre
2012, sur l’introduction d’une action de groupe en France, p. 2, 1°), [en ligne] :
<http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cnc/avis/2012/Avis_action_groupe0412201 2.pdf> et
l’article préliminaire du code de la consommation.
287
La loi Hamon a introduit la limitation de l’action de groupe aux personnes physiques elle n’apparait pas
expressément mais se déduit facilement par la définition de la notion de consommateur donnée par cette loi, V.
l’Article préliminaire dans le code de la consommation, introduit par la loi n° 2014-344, 17 mars 2014, art. 3

123
Les particularités de la PME dans l’action privée. la distinction entre l’entreprise de
taille importante et la PME doit se faire en matière d’action privée. Il ne faut pas confondre le
consommateur de masse, l’entreprise, et la masse des consommateurs.

La PME se trouve dans la même position que le consommateur ; elle manque de


connaissance juridique et dispose d’une faible capacité financière 288 pour lancer une action en
justice. Par ailleurs, la PME peut craindre des représailles de la part d’enseignes plus puissantes
sur le marché289.

Comme le consommateur, elle gagnerait à mutualiser les coûts de l’action et l’union la


protègerait des représailles290.

En somme la perplexité de la situation des PME dans ce contexte demeure un sujet à


débattre.

C. La spécificité du «private enforcement»

En termes de réparation de préjudices concurrentiels, Il est toujours admissible d’ester en


justice l’entreprise mise en cause que ce soit par les consommateurs, les clients, les concurrents,
ou autres.
A cet égard la procédure négociée n’exclut nullement, la responsabilité civile voire, l’action
civile : celle-ci se fait traditionnellement aux niveaux des juridictions compétentes (les tribunaux
de commerce) en vertu des règles du droit commun291.

288
Rainer BECKER, dans J.-P. DELEVOYE (dir.), Les PME face au droit de la concurrence, op.cit. note 209, p. 169
: « Les toutes petites entreprises n’ont simplement aucune chance, étant donné les coûts assez complexes d’une action
en droit de la concurrence ». L’expert rajoute : « Lorsque l’on s’intéresse aux différents groupes de victimes, ce sont
incontestablement le groupe des PME, ainsi que celui des consommateurs finals, qui sont les moins protégés ». Rainer
Becker est Policy officer, «private enforcement», à la DG concurrence de la Commission européenne.
289
Jacqueline RIFFAUT-SILK, dans J.-P. DELEVOYE (dir.), Les PME face au droit de la concurrence, op.cit. note
209, p. 174 : « (...) les PME se trouvent dans une situation tout à fait différente de celle des consommateurs. Elles,
elles ont à craindre d’une action en justice et des représailles qui peuvent s’ensuivre, tel un déréférencement qui les
condamnerait à mort, tout simplement ».
290
R. BECKER, op.cit., note 289, p. 169 : « La meilleure protection contre les représailles est encore de se regrouper
(...) ».
291
A cet égard il est à signaler qu’on droit algérien, il n’y a pas de tribunaux spécialisés notamment le tribunal
commercial, mais il est question plutôt de sections qui font partie du même tribunal « ordinaire », il est usuel alors de
parler de tribunal, civil portant toutes les sections afférentes, civile, commerciale, foncière … etc. en pratique étant
consommateur donc non-professionnel on peut dans le cadre de la réparation du préjudice concurrentiel, ester le
contrevenant en justice que ce soit devant la section commerciale ou la section civile, or on a tendance à le faire devant
la section commerciale, puisqu’en terme pécuniaire les décisions de celle-ci sont plus intéressante.

124
La corrélation entre la culpabilité confirmée avec des éléments probants, et l’immunité
totale ou partielle d’amende dans une procédure négociée, en principe ne fait qu’empirer la
situation de l’entreprise en cause devant la juridiction compétente.
Mais en réalité et pour des raisons de politique de concurrence, ce type d’actions -ayant
comme objectif de réparer le préjudice issu des pratiques anticoncurrentielles- se voit souvent
heurter à certaines limites d’ordre technique :
En matière de clémence où la culpabilité est bel et bien établie sans l’ombre d’un doute, la
jurisprudence communautaire s’est accentuée sur l’accès aux recours privés y afférents au
détriment de l’assurance de la bonne fin des programmes de clémence, sans pour autant pouvoir
utiliser le dossier de ladite procédure contre l’entreprise mise en cause292.
Donc il s’agit bien d’une certaine protection –accordée au demandeur de clémence-, qui
intervienne dès que la divulgation est ordonnée par la juridiction compétente, tant qu’avant
qu’après l’adoption d’une décision par l’autorité de concurrence, ce qui implique son application
que la demande de clémence soit acceptée, rejetée ou ne donne lieu à aucune décision de la part
de l'autorité de concurrence.
D’amblée, l’octroi d’une immunité via une procédure de clémence, n’exclut nullement
d’éventuelles actions en responsabilité civile engagées par les victimes du cartel, du moment où
les droits communautaire et français le confirment respectivement dans la communication de
2006293 et le communiqué de procédure de 2009294.
Eloignant ainsi tout effet de surprise à l’avenir.
D’ailleurs c’est la raison pour laquelle, l’entreprise qui pend l’initiative de dénoncer, devait avoir
certainement sa petite idée sur le coût éventuel de ces actions civiles.
Il faut signaler que l’introduction des actions en groupe « les class actions » en France295
avec tout ce qui implique, ne facilite pas vraiment la tâche pour les entreprises qui veulent prendre

292
Communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant de 2006, précitée,
points 32 à 34 et point 47 des notes explicatives du programme modèle du REC en matière de clémence, précité. Le
DOJ assure au délateur d’une part le de-trebling (non plus le paiement des « triples dommages », mais seulement celui
relatif aux dommages simples) et d’autre part la non-solidarité du paiement avec les autres membres du cartel.

293
Le fait qu’une entreprise bénéficie d’une immunité d’amende ou d’une réduction de son montant ne la protège pas
des conséquences en droit civil de sa participation à une infraction à l’article 81. »
294
Dans son point 47 « l’exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires accordée par l’autorité à une
entreprise ne la protège pas des conséquences civiles qui peuvent résulter de sa participation à une infraction à l’article
L. 420-1 du code de commerce et/ou à l’article 81 du traité CE ».
295
Avis du 21 septembre 2006 relatif à l’introduction de l’action de groupe en matière de pratiques
anticoncurrentielles », RTD com. 2007, p. 40, obs. E. Claudel.

125
l’initiative de la dénonciation, à titre d’exemple on peut imaginer l’obtention de la réparation d’une
hausse des prix favorisée par une entente sollicitée par des consommateurs et des associations de
consommateurs !! Qui va sans doute bafouer tout bilan du genre coût/avantage établi
préalablement par une entreprise tentatrice de dénoncer un cartel.
Il faut reconnaitre tout de même que malgré l’efficacité quasi absolue de cette fameuse
procédure de clémence en matière de découverte des ententes les plus graves, mais la probabilité
que les documents et informations –soumis aux autorités de concurrence- tombent à la portée des
victimes de ces dites ententes, n’est guère nulle.
Or la commission et les autorités de concurrence bien que convaincues voire solliciteuses
de la vertu de la croissance des actions privées en réparation, mais elles font en sorte quand même
d’adopter certaines méthodes pour maintenir la confidentialité de toute divulgation dans le cadre
d’une clémence et donc amortir les risques d’utilisations y afférents 296 : entre autres l’acceptation
des déclarations à caractère oral des entreprises mises en cause, pour s’échapper d’y parvenir par
les tiers intéressés.
A cet égard la communication européenne de 2006 laisse meme le choix aux entreprises
délatrices de donner leur aval quant à la consultation des documents fournis de leurs parts, par les
solliciteurs de réparation.
D’amblée la cour de justice européenne était influencée par la position du juge américain297
en s’accentuant sur son arrêt du 14 juin 2011 où une entreprise allemande « Pfleiderer » qui
achetait des papiers de décoration a déclenché une action privée en dommages et intérêts contre
les membres d’un cartel.
Ce cartel était condamné pour entente anticoncurrentielle par l’autorité de concurrence
allemande, celle-ci a refusé la demande d’accès aux documents déposés à son niveau, c’est la
raison pour laquelle Pfleider s’est dirigé vers le juge.
C’est ainsi que le tribunal de Bonn a demandé l’avis de la CJUE par le biais d’une question
préjudicielle : pour arriver à répondre sur l’étendu de l’obligation de coopération loyale entre les
institutions européennes et nationales aux titre des articles 11 et 12 du règlement n° 1/2003
notamment en matière d’échanges d’informations entre la commission et les ANC, et son impact

296
M. Chagny, « L’articulation entre actions privées et actions publiques », Lamy concurrence, 11 Juin 2008, pp. 2,3.
297
Dans l’affaire du cartel des vitamines aux Etats-Unis où les victimes ont été doté du droit d’introduire une action
privée fondée sur les déclarations extraites dans le cadre d’une procédure de clémence devant la commission
européenne, le juge a même ordonné la divulgation de documents et informations aux plaignants étrangers sous leur
demande : faisant clairement en sorte de favoriser les intérêts privés au détriment des intérêts publics . Vitamines
Antitrust Litigation, Misc. No. 99-197(D. D. C. Sept 17, 2002)

126
sur la divulgation des documents recueillis dans le cadre des programmes de clémence aux tiers
intéressés et/ou concernés.
La CJUE a rappelé que ni la communication de 2006 sur le programme de clémence, ni la
communication relative au REC, ne s’opposaient sur la question, de même les arrêts Courage et
Monfredi et leurs influence en matière de réparation de préjudices.
Pour enfin mettre le point au rôle des juridictions nationales de procéder à un certain
équilibre des intérêts des plaignants d’un côté et des demandeurs d’un autre côté et ce cas par cas
tout en respectant le droit de l’union.
Or l’arrêt du tribunal de Bonn298. après avoir obtenu la réponse de la CJUE, a approuvé voire a
validé le refus d’accès aux documents remis à l’autorité allemande de la concurrence dans le cadre
de la procédure de clémence : à travers ce refus il s’avère clair que le juge allemand s’est appuyé
sur la menace qu’encourt la répression des infractions au droit de la concurrence notamment le
risque de perdre l’attractivité des programmes de clémence, constituant à lui seul un motif légitime
de ce même refus.
En revanche, il est à signaler que le législateur autrichien à travers son code de procédure
civile n’exclut nullement la possibilité d’accès des tiers aux documents volontairement remis dans
le cadre du programme de clémence, à condition que tous les membres du cartel donnent leur
aval299.
Toutefois, il est fort clair de soulever que l’application des programmes de clémence limite
les actions en dommages et intérêts engagées par les victimes des pratiques anticoncurrentielles
notamment les ententes prohibées.
D’amblée l’efficacité des programmes de clémence dans la découverte des ententes secrètes fait
pression sur les autorités à préserver leur intégrité : chose que jusque-là fait défaut d’équilibre
entre ces programmes et les actions privées.
- En matière de transaction communautaire :
Pour rendre cette procédure plus attractive, voire plus intéressante, la commission se garde de
transmettre aux juridictions « nationales » compétentes les propositions de transaction et ce
conformément à la communication sur la coopération entre la commission et les juridictions
nationales pour l’application des articles 81 et 82.

298
Amtsgericht Bonn, 18 Janvier 2012, Pfleiderer, aff. 51 Gs 53/09.
299
Le TPICE s’est opposé à la demande d’accés aux documents etablie par des plaignants que l’autorité autrichienne
de la conrrence leur a refusé prealablement la meme demande à defaut d’accord de tous les membres du cartel
concernés par la procedure de clemence : TPICE, 13 Avril 2005, aff. T-2/03, Verein fur konsumenteninformation
c/Commission

127
Quant au droit algérien, il n’y a pas un seul texte qui s’oppose légalement à la
communication du dossier qui concerne la procédure ; même l'accord d'association de l'Algérie
avec l'Union Européenne, néglige toute disposition relative aux procédures négociées, ce qui nous
renvoi par obligation au droit commun : donc toute personne n’est pas tenue au secret
professionnel devant la barre, voire si le juge ordonne cette personne de lui communiquer le dossier
y afférant300.
Et bien sûr ça ne peut que compliquer la situation de l’entreprise en qualité de partie
défenderesse dans le recours privé.
Cependant en matière de procédure de non-contestation des griefs rien n’empêche de
mettre en contradictoire la culpabilité de l’entreprise en question dans le recours privé, sachant que
la décision de l’autorité de concurrence ne s’impose pas au tribunal301.
En s’appuyant aussi sur le principe : ne pas contester, ne veut nullement dire reconnaitre !!
A cet égard il faut s’accentuer sur le texte algérien, qui se distingue certainement en
stipulant la reconnaissance des parties des faits prohibés, cette reconnaissance plutôt néfaste quant
à la position des entreprises concernées si jamais le juge demanderai au conseil de la concurrence
de lui fournir le dossier y afférant en vertu des règles du droit commun, ou même s’il ne demande
rien que l’avis du conseil puisque ce dernier a déjà tranché sur le dossier302.
La transaction et les engagements :
Cette procédure d’engagements peut normalement être déclenchée à l’initiative de la
commission ou suite à une demande des personnes concernées voire intéressées, alors ça revient
ainsi à la commission de transiger formellement avec ces entreprises délatrices, bien évidemment
il s’agit plutôt d’infractions moins graves que les ententes, celles-ci ne s’adaptent pas à cette
procédure.
Il est utile à rappeler que la commission détient l’exclusivité de la décision en la matière
dans le cadre européen, ce qui écarte toute ultérieure intervention judiciaire et ou contrôle sur ce
genre de décisions.

300
En appliquant les dispositions du code algérien de procédure civile et administrative notamment l’article 73
stipulant que « le juge peut ordonner, à la demande d’une partie, la délivrance d’une expédition ou la production
d’un acte authentique ou sous seing privé, ou la production de toute pièce détenue par un tiers, même si elle n’a pas
été partie de l’acte. »
301
A. Viaflont, « Le droit de la concurrence et les procédures négociées » , De Boeck Supérieur/ Revue internationale
de droit économique, 2007/2, p. 181.
302
Art 38 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée.

128
Il est clair que la commission a un intérêt particulier pour établir ce genre de décisions en
termes procéduraux notamment le rétablissement du libre jeu de la concurrence dans les plus brefs
délais et/ou efforts possibles.
Quant aux victimes de ces agissements anticoncurrentiels dont il est question, pour arriver
à se faire indemniser, il leur faut d’abord mettre la main sur la preuve appropriée au préjudice par
soi-même !! … chose qui s’avère quasi-impossible puisqu’il faut d’abord démontrer qu’il s’agit
bien d’ententes ou d’abus de position dominante prohibés , ensuite apposer le lien de causalité au
préjudice y afférent !! Tout en considérant qu’elles ne peuvent pas accéder aux documents et
informations recueillis par la commission ou les autorités nationales de concurrence.
Bien évidemment l’utilisation grandissante de ces décisions d’engagements par les
autorités compétentes (commission ou autorité nationale de concurrence) foire à la croissance des
actions privées en réparation devant le juge, ce qui renvoie de prime abord à amortir l’effet
dissuasif plus ou moins certain de ces actions à l’égard des auteurs des pratiques
anticoncurrentielles.
Or la négociations des engagements avec les autorités compétentes en la matière épargne
certainement et bonnement ces auteurs le risque relatif à ce genre d’actions en indemnisation.
Cependant l’expérience américaine a montré pleinement que le succès grandissant que
connaissent ces actions privées revient principalement aux associations de consommateurs, c’est
cette manière d’agir collectivement qui peut faire la différence par rapport à ce qui se passe en
Europe : puisqu’il faut reconnaitre que c’est bel et bien rare de voir les victimes agir collectivement
peut être à défaut de possibilité ou encore de méconnaissance !!
Toutefois la sollicitation du développement des actions collectives au sein de l’union
européenne reste un moyen sûr pour prétendre la privatisation du droit de la concurrence.

§ 2. L’élargissement des titulaires du droit au «private enforcement»

La collectivisation de l’action privée concurrentielle suppose une adaptation du droit d’agir


en justice afin de faciliter l’accès au juge des victimes de pratiques anticoncurrentielles par le
recours collectif. Cette adaptation va dans le sens de la justice sociale en droit de la concurrence.
L’introduction des recours collectifs au niveau des juridictions a impliqué un certain
élargissement des titulaires du droit à l’action privée concurrentielle afin de rendre dissuasive cette
action.

129
A cet égard, il est usuel de se poser des questions telles que : Qui sont les personnes qui
ont un droit à l’action privée concurrentielle sous la forme d’un recours collectif ? Qui peut
représenter ces victimes dans un recours collectif ?

Pour la première question, en effet, le législateur français privilégie une action de groupe
seulement en faveur des personnes physiques303 consommateurs non professionnelles ce qui exclut
une partie des victimes, à savoir les entreprises et particulièrement les PME qui, pourtant, semblent
être des victimes similaires aux consommateurs.

Or, le législateur algérien ne fait nullement cette distinction en définissant le consommateur


stipulant expressément que c’est « toute personne physique ou morale qui acquiert à titre onéreux
ou gratuit, un bien ou un service destiné à une utilisation finale, pour son besoin propre ou pour
le besoin d’une autre personne ou d’un animal dont il a la charge »304.

A cet égard bien qu’une brèche est déjà ouverte sur la possibilité qu’une entreprise peut
faire part de l’action de groupe, sauf qu’il faut incessamment se focaliser sur le statut de cette
entreprise, notamment son objectif remplissant des fins non professionnelles, laissant ainsi cette
brèche entrouverte.

Alors que la seconde question, les choix algérien et français en faveur d’une représentation
associative et la méfiance plus générale à l’égard des avocats doit nous amener à nous interroger
sur la pertinence de ces choix et de ces conceptions du représentant du groupe et du représentant
ad litem305.

Le lien juridique entre les victimes et leurs représentants passe par le mandat, contrat
nommé du Code civil, qu’il soit algérien306 ou français307.
Pour cette raison, nous traiterons le sujet d’abord du côté des mandants (A) et ensuite, du
côté des mandataires (B).

303
V. l’Article préliminaire dans le code de la consommation, introduit par la loi Hamon : Loi n° 2014-344, 17 mars
2014, art. 3
304
Art. 3 de la loi 09-03 du 25 fév. 2009, relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes.
305
L’expression signifie « en vue du procès ». Elle vise principalement l’avocat qui représente les parties dans
l’instance et non le représentant du groupe qui joue le rôle de demandeur à l’instance. v. Louise GALIPAULT, « Le
mandat de l’avocat », (1954) 1/1 C. de D. 70-76.
306
Art. 1975 C. civ. alg
307
Art. 1984 C.civ.fr

130
A. Les mandants au private enfocement

Les mandants en droit de la concurrence, peuvent être des consommateurs, c’est-à-dire des
personnes physiques ou morales se procurant un bien ou un service dans le cadre d’une activité
non professionnelle, ou des entreprises, c’est-à-dire a contrario des personnes morales ou
physiques se procurant un bien ou un service pour se livrer à une activité professionnelle.
Inévitablement, se pose la question de la définition des titulaires du droit à l’action privée (1) et
ensuite des éventuelles adaptations du recours collectif en matière de concurrence à certains
plaideurs, comme les entreprises (2).

1. Les critères de définition des victimes de pratiques anticoncurrentielles

Il faut signaler quand même, que dans le cadre du «private enforcement», le déséquilibre
entre les victimes, se manifeste notamment sur deux points, le premier l’inégalité dans la qualité
des victimes qui saisissent les juridictions civiles, le second au niveau international, le cas échéant
si la pratique prohibée avait une portée internationale.
Quant au premier, l’inégalité entre les victimes se manifeste par rapport à la qualité de
requérants,

En effet il faut d’abord mettre le point sur l’identification des victimes potentielles : qui
sont les victimes des pratiques anticoncurrentielles, certainement en matière de droit de la
concurrence, celles-ci ne constituent pas une entité homogène, bien au contraire la diversité règne.

D’emblée, les consommateurs sont généralement les premières victimes qui nous passent
par l’esprit, en outre les concurrents et aussi les clients en tant que consommateurs intermédiaires,
le tout représente forcément un ensemble hétérogène.

Or, ces victimes sont plus à même de saisir les juridictions civiles pour obtenir réparation
de leur préjudice, ce qui laisse incessamment apparaitre une certaine inégalité entre elles.

En effet il ressort de la pratique (française) que toutes ces victimes ne saisissent pas le juge
civil pour obtenir des dommages et intérêts, les entreprises d’une certaine envergure qui disposent
de services juridiques voire, des départements juridiques ne vont pas se faire prier pour saisir les

131
juridictions compétentes afin d’obtenir réparation308, dès lors on est déjà en plein contentieux entre
professionnels.

En revanche ce n’est nullement le cas d’autres victimes telles que les PME et les
consommateurs, d’ailleurs en 2007 il n’y a qu’une décision impliquant un consommateur309.

A cet égard des études ont montré que les requérants avaient majoritairement la qualité de
professionnels310

Le second point concerne plutôt l’internalisation des litiges : à cet égard les infractions aux
règles de la concurrence telles que les ententes et abus de position dominante, ont généralement
une portée au-delà du territoire d’un seul Etat.

Or, si on fait simple et court, les victimes sont ceux qui peuvent demander réparation pour
violation du droit de la concurrence, sont ceux qui ont un intérêt direct et personnel à agir :

Ils peuvent être concurrents directs, donc des victimes directes, mais également
consommateurs, qui sont, de leur part, des victimes indirectes des pratiques anticoncurrentielles,
n’ayant pas de liens directs avec ces pratiques mais ils en subissent quand même les conséquences
finales.

Or, les victimes de pratiques anticoncurrentielles, qu’elles soient des consommateurs ou


des entreprises, sont toutes liées par un dénominateur commun qui est un préjudice concurrentiel
consumériste, il demeure que ce critère est suffisant pour identifier un intérêt à agir mais insuffisant
pour analyser si la procédure d’action collective en droit de la concurrence répond aux attentes de
ces publics.

D’emblée, l’objectif est l’effectivité du droit de la concurrence et la préservation du


marché, il est important de tenir compte des particularités, non seulement du contentieux en
matière de concurrence, mais aussi des motivations des acteurs du marché dans une action en
justice suite à une atteinte au droit de la concurrence.

308
L. IDOT, Un pas en avant significatif pour renforcer l’effectivité des actions privées en droit des actions
anticoncurrentielles, prec., p. 1383.
309
CA Paris, 14 è ch. B, 1er juin 2007, SA France Telecom /c M. Jean Christian P., n°06/21059.
310
R. AMARO, le contentieux privé des pratiques anticoncurrentielles, préc., p. 92 s.

132
2. La définition du consommateur dans le recours collectif

Dans ce contexte, il apparait que la définition du consommateur est celle qui pose le moins
de difficulté :En Algérie, bien que le concept d’un vrai recours collectif fait défaut notamment en
matière de processus, le législateur dispose clairement que le consommateur au sens large est
« toute personne physique ou morale qui acquiert, à titre onéreux ou gratuit, un bien ou un service
destiné à une utilisation finale, pour son besoin propre ou pour le besoin d’une autre personne ou
d’un animal dont il a la charge. »311.
Il est à signaler tout de même que le législateur algérien dans ce texte ci-dessus, s’est
contenté de l’acquisition comme critère de l’obtention de la qualité de consommateur, alors même
que l’utilisation peut être déterminante comme critère de sélection 312.

En France, ce n’est pas tout à fait pareil313. Le consommateur au sens du droit français est
: « (…) toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité
commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole »314.
Reconnaissant ainsi l’exclusion des personnes morales y compris les entreprises que celles-
ci soient d’une grande ou petite envergure.
D’emblée notons que le consommateur peut recevoir le qualificatif d’acheteur direct ou
indirect. Le terme « acheteur »315 recouvre les deux espèces de victimes en droit des pratiques
anticoncurrentielles. Il inclut à la fois l’entreprise et le consommateur.

Il n’est pas synonyme d’entreprise ou de consommateur même si l’acheteur indirect est le


plus souvent un consommateur et l’acheteur direct une entreprise316.

311
Art 3 de la loi n° 09-03 relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes.
312
V. l’art. 3, 2ème de la loi n°04-02 du 23/01/2004, fixant les règles applicables aux pratiques commerciales qui
dispose que le consommateur est : « toute personne physique ou morale qui acquiert ou utilise, à des fins excluant
tout caractère professionnel, des biens ou des services mis en vente ou offert »
313
Stéphane PIEDELIEVRE, Droit de la consommation, Paris, Economica, 2008, p. 13 et s.
314
Art. Liminaire du code français de la consommation.
Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/telecharger_pdf.do?cidTexte=LEGITEXT000006069565
315
D’ailleurs concernant le droit algérien, ce n’est qu’à la sortie de la loi 89-02 du 07 /02 /1989 relative aux règles
générales de la protection du consommateur (abrogée), que le législateur algérien a adopté cette appellation, avant
cette date on utilisait le terme courant en droit civil d’ « acheteur ».
316
À ce sujet, v. supra au par. 9.

133
Quoi qu’il en soit le législateur algérien ainsi que son homologue français n’ont pas à
s’inquiéter de cette problématique de la définition du consommateur car ils désignent une
association de consommateurs comme représentante exclusive des groupes 317.

Il y a peu à craindre qu’un professionnel puisse agir par cette voie. Au final, le critère n’est
pas tant celui de l’activité professionnelle ou non mais du préjudice subi.

Toutefois, le préjudice du consommateur détermine sa qualité à agir plus que sa place dans
le marché.

On peut se poser la question : Faut-il aboutir à la même conclusion pour les entreprises ?

En somme, cela reviendrait à dire que l’entreprise peut être membre d’un recours collectif sous
forme d’actions privées concurrentielles du moment qu’elle a subi un préjudice.

La procédure civile et la notion d’intérêt à agir répondent positivement à cette question. Il


serait injustifiable de refuser l’action en réparation de l’entreprise victime d’un préjudice
concurrentiel. Dès lors qu’elle a un intérêt à agir, l’entreprise doit avoir accès au juge.

En revanche, il paraît nécessaire d’expliquer en quoi une entreprise n’est pas un


consommateur et comment le droit de la concurrence la conçoit, pour déceler si la procédure de
recours collectif s’applique correctement à l’entreprise, notamment à la PME.

En effet, si on se focalise sur la conception qualitative de l’entreprise et de la PME, La


notion d’entreprise est polyandrique, elle « épouse la cause des sciences qui l’utilise »318.

C’est une notion malléable que le législateur aborde ponctuellement dans des lois sans
jamais chercher à la définir.

L’objectif est d’adapter la notion à la matière qui l’utilise. L’entreprise est d’abord une
notion économique et utilitaire319. Ses formes sont d’ailleurs multiples.

Si l’on parle des PME, il s’agit d’une catégorie d’entreprises correspondant à une réalité
différente de l’entreprise de taille plus importante.

317
Art 23 de la loi 09-03 algérienne, et l’art. L. 423-1 c.conso fr.
318
Charlaine BOUCHARD, Droit et pratique de l’entreprise, Tome 2 : Entrepreneurs et sociétés de personnes,
Cowansville, Éd. Yvon Blais, 2007, p. 151.
319
Id. p. 152 : « La réalité est que le mot entreprise est polysémique et l’institution pluriforme et pluridimensionnelle
».

134
Nous nous sommes donc intéressés aux caractéristiques de la PME en tant que destinataire
particulier de notre étude au même titre que le consommateur.

Comme il est anormal que le droit ne tienne pas compte des caractéristiques des PME alors
qu’elles constituent le cœur du tissu économique320, nous considérons que le recours privé doit
tenir compte des spécificités de la PME pour contribuer à la correction de cette faiblesse du droit
économique.

En réalité, la PME peut être définie de deux manières : soit qualitative, soit quantitative.

La méthode quantitative utilise des variables telles que le nombre de salariés ou le chiffre
d’affaires. Ces aspects ne nous sont d’aucune aide dans notre objectif de définition et d’adaptation
du recours collectif.

La méthode qualitative est incontournable. L’effectivité d’une disposition autorisant le


recours collectif de la PME est compromise si le législateur ne s’interroge pas sur l’adéquation de
la procédure avec son destinataire.

L’autonomie décisionnelle, la présence d’un entrepreneur, l’indépendance (financière), la


présence sur des marchés locaux et régionaux, la non-dominance sur le marché, la flexibilité et
l’adaptation sont autant de critères qualitatifs désignant la PME 321.

La typologie francophone Julien et Marchesnay322 résume ces critères sous les acronymes
PIC et CAP.

La PME est caractérisable avec quatre mots qui désignent ses objectifs : la pérennité,
l’indépendance financières, la croissance et l’autonomie. Les acronymes regroupent ces mots et
établissent deux profils de PME.

Parmi ces critères, les deux plus intéressants en droit de la concurrence sont la non-
dominance sur le marché et l’autonomie décisionnelle.

320
Charlaine BOUCHARD, (dir.), Droit des PME, Cowansville, Éd. Yvon Blais, 2011, p. VII.
321
Denis J. GARAND, « De la nécessité de définir clairement l’entrepreneur et sa PME », dans C. BOUCHARD,
op.cit., note 421, p. 26 et s.
322
Une autre typologie est celle de Louis-Jacques Fillion (2000), v. id. 425 2003/361/CE, JOUE L. 124/36 du
20.5.2003.

135
Dans la Recommandation de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micros,
petites et moyennes entreprises323, la Commission européenne prend en compte le critère
quantitatif pour définir les PME. Elle combine à la fois l’effectif de l’entreprise, le chiffre d’affaire
et le total du bilan.

Ces deux derniers critères, qualifiés de financiers, permettent d’établir la situation de


l’entreprise par rapport à la concurrence.

Au regard de la concurrence, la non-dominance sur le marché suppose un risque de


représailles plus élevé, lequel peut nuire in fine à la croissance de l’entreprise et son incapacité à
obtenir une indemnisation en raison de son faible pouvoir de marché324.

Ces questions amènent à s’interroger sur la manière dont le droit de la concurrence perçoit
l’entreprise en général et la PME en particulier.

En le silence du droit de la concurrence sur sa conception de la victime ne passe pas


inaperçu, en droit français, l’entreprise est avant tout un critère d’applicabilité du droit de la
concurrence. Parce que telle activité est qualifiable d’entreprise au sens du droit de la concurrence,
elle est soumise à ses règles.

Le droit de la concurrence se place toujours du point de vue du responsable d’une violation


du droit de la concurrence, il n’adopte jamais le point de vue de la victime.

En Algérie, l’action de groupe, menée par une association de protection de consommateurs


peut s’appuyer sur le droit de la concurrence, ceci lorsqu’un ou plusieurs consommateurs ont subi
des préjudices individuels, causés par le fait d’un même intervenant et ayant une origine
commune325.

Juste que la tâche s’avère rude pour les victimes quant à la définition du préjudice
concurrentiel et surtout quant à l’établissement de la responsabilité en prouvant préalablement le
lien de causalité entre l’auteur et le préjudice dans un cadre concurrentiel qui relève du droit de la
concurrence

323
2003/361/CE, JOUE L. 124/36 du 20.5.2003
.
324
Ce dernier aspect était évoqué par M. Bruno Lasserre, Président de l’autorité française de la concurrence, v. supra,
au par. 9.
325
Art 23 de la loi 09-03

136
De même en France, Les litiges visés sont ceux « ayant pour cause commune un
manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles : 1° À l’occasion
de la vente de biens ou de la fourniture de services ; 2° Ou lorsque ces préjudices résultent de
pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles
101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne »326.

La règle de l’article L. 423-1 du code de la consommation est sans ambigüité. L’acheteur


professionnel est exclu du recours qui ne s’adresse qu’aux consommateurs.

Ce n’est ici que par le truchement du code de la consommation que le droit de la


concurrence est concerné par la victime de pratiques anticoncurrentielles et seul le consommateur
est visé.

En effet, selon les caractéristiques qualitatives de la PME, le consommateur peut sans crainte se
regrouper et céder de son autonomie décisionnelle à un représentant dans un recours collectif. En
revanche, une entreprise de type PME peut-elle être représentée par un consommateur ? Peut-elle
renoncer à son autonomie décisionnelle ? Peut-elle accepter d’être présente dans un recours
collectif sans un minimum de garanties contre des représailles commerciales ? Le représentant
d’un groupe d’entreprises ne doit-il pas présenter des compétences autres que le représentant
classique dans un recours collectif ? Il apparaît à la lumière de ces questions qu’il faut s’interroger
sur les adaptations du recours collectif aux particularités qualitatives de l’entreprise victime de
pratiques anticoncurrentielles.

3. Le cas de L'Union Européenne : Une victime comme les autres

Quand l’Union européenne peut se constituer partie civile dans une action en réparation, il
n’y a qu’un seul constat qu’on peut en tirer, le «private enforcement» a franchi un palier !
En effet Dans un arrêt rendu le 6 novembre 2012, la CJUE a jugé que la Commission européenne
peut intenter devant une juridiction nationale et au nom de l’Union européenne une action en
réparation du préjudice subi par l’Union à la suite d’un comportement anticoncurrentiel constaté
par la Commission.

326
Art. L. 423-1 c.conso.

137
Le droit à réparation est reconnu à l’Union, comme à toute personne justifiant d’un
préjudice subi, dès lors qu’il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et la pratique
prohibée327.

En l’espèce, La Commission européenne, en qualité de représentant de l’Union


européenne, avait saisi le tribunal de commerce de Bruxelles (rechtbank van koophandel Brussel)
d’une demande en réparation à l'égard de huit sociétés appartenant aux quatre principaux groupes
de fabricants européens d'ascenseurs (Otis, Kone, Schindler et ThyssenKrupp).

Elle demandait que ces sociétés payent à l'Union Européenne la somme provisionnelle de
7 061 688 euros (hors intérêts et dépens de procédure) au titre du préjudice subi par l'Union du fait
du cartel des ascenseurs, sanctionné par décision du 21 février 2007328.

Le tribunal de Commerce de Bruxelles pose alors des questions préjudicielles à la CJUE.


D'abord afin de savoir si la Commission pouvait être compétente pour représenter l'UE et cela sans
mandat ? Ensuite, afin de savoir si l'article 47 de la [Charte] et l'article 6, paragraphe 1, de la
CEDH, qui garantissent le droit de toute personne à un procès équitable ainsi que le principe
corollaire selon lequel nul ne peut être juge dans sa propre cause, ne s'opposent pas à ce que la
Commission agisse d'abord comme autorité de la concurrence et sanctionne le comportement
incriminé après avoir mené elle-même l'enquête, et, dans un deuxième temps, prépare la procédure
d'indemnisation devant une juridiction nationale et décide de l'engager, alors que le même membre
de la Commission est responsable des deux questions, qui sont liées et cela d'autant plus que la
juridiction nationale saisie ne peut pas s'écarter de la décision de la sanction329?

La CJUE répond que, dans chacun des Etats membres, la Communauté possède la capacité
juridique la plus large reconnue aux personnes morales par les législations nationales ; elle peut
notamment acquérir ou aliéner des biens immobiliers et mobiliers et ester en justice.

À cet effet, elle est représentée par la Commission. De même, selon la CJUE, l’article 47
de la Charte des droits fondamentaux qui assure dans le droit de l’Union la protection conférée par
l’article 6 paragraphe 1 de la CEDH et consacre le principe de protection juridictionnelle effective
ne s’oppose pas à ce que la Commission intente, au nom de l’Union, devant une juridiction

327
CJUE, 6 novembre 2012, aff. C-199/11, Otis e.a.
328
Commission CE, déc. C(2007) 512 final, 21 févr. 2007, relative à une procédure d'application de l'article 81 du
Traité CE, aff. COMP/E-1/38.823 – Ascenseurs et escaliers mécaniques
329
SIMON Denys, « Statut contentieux de la Commission devant les juridictions nationales. Procès équitable » Europe
n° 1, Janvier 2013.

138
nationale, une action en réparation du préjudice subi par l’Union à la suite d’une entente dont la
contrariété à l’article 81 CE ou à l’article 101 TFUE a été constatée par une décision de cette
institution.330

Ainsi, la Commission montre l'exemple, et en tant que victime d'un cartel, n’hésite pas à
intenter une action en réparation du préjudice subi et se voit reconnaître le droit d'agir devant le
juge national seul apte à lui accorder des dommages et intérêts.
La Commission peut aller devant le juge national pour demander des dommages et intérêts
comme n’importe quel autre consommateur intermédiaire ou final peut le faire.

B. Les mandataires en «private enforcement» : la représentation du groupe


victime

Lorsque la victime d’une pratique anticoncurrentielle se fait représenter dans le cadre d’un
recours collectif, il est nécessaire que le représentant soit capable de mener à bien sa mission dans
l’intérêt de tous.
Le choix du représentant est ainsi une question décisive de l’effectivité de l’action privée
collectivisée.

Cette relation juridique qui se noue entre la victime et le représentant ressemble plus ou
moins à un mandat : bien que juridiquement il ne s’agisse pas de ce concept que ce soit en droit
algérien ou français et pourtant, le représentant agit pour le compte des victimes.

Ce mandat est double, il existe un mandataire à l’instance, la victime qui va représenter le


groupe, et un mandataire dans l’instance, l’avocat qui va porter la procédure devant les tribunaux,
de concert avec le représentant du groupe.

Pour l’avocat, il s’agit d’un mandat ad litem classique, en ce sens son mandat n’est pas
fictif.

Dans ces conditions, un phénomène d’agence peut se produire. Le phénomène d’agence


survient lorsqu’une personne confie à une autre une mission alors que les objectifs de ces deux
personnes sont différents : « Une relation d’agence désigne une situation ou une (ou plusieurs)

330
DECOCQ Georges, « La Commission ne saurait être considérée comme juge et partie », Contrats Concurrence
Consommation n° 1, Janvier 2013.

139
personne(s) (le déléguant) a recours aux services d’une autre (le délégataire) pour accomplir en
son nom une tâche quelconque qui implique une délégation de pouvoir décisionnelle »331.

La définition correspond trait pour trait à la définition du recours collectif et notamment au


problème de la concession de cette autonomie décisionnelle par l’entreprise. Cette situation peut
se produire dans un recours collectif lorsque l’avocat du groupe obtient un accord d’indemnisation
de la partie adverse pour éviter l’action et que les membres du groupe ou le représentant refusent,
alors que lui souhaiterait accepter cet accord.

Le risque est aussi qu’un accord soit signé alors qu’il désavantage le groupe mais qu’il est
favorable à l’avocat.

Pour éviter cette situation, le législateur français exige la validation par le tribunal et
l’information des membres du groupe dès qu’une transaction amiable est envisagée 332, ces
précautions tendent à éviter l’opportunisme du mandataire entendu comme la recherche d’un
intérêt personnel avec un élément de tromperie , cela s’oppose à la confiance et s’ associe à une
divulgation sélective ou tronquée d’informations et à des promesses que l’on ne croit pas soi-même
au sujet de sa conduite future 333.

Pour éviter ce problème, il faudrait supporter des coûts de surveillance du mandataire. On


parle de pertes résiduelles, c’est-à-dire les coûts résultant de l’impossibilité de surveiller
parfaitement l’opportunisme du représentant334, ce qui, dans un recours collectif, est un coût réel
pour les membres du groupe parfois très éloignés du déroulement de l’action pour des raisons
géographiques ou d’incapacité à comprendre et mesurer tous les enjeux.

Dans ce contexte, un recours collectif efficient est un recours collectif qui minimise, par le
contrôle du tribunal, les coûts de transactions335 en assurant une publicité suffisante et claire sur

331
Ejan MACKAAY et Stéphane ROUSSEAU, Analyse économique du droit, Paris, Dalloz, 2008, au par. 1749.
332
c.conso, Art. L. 423-16.-Tout accord négocié au nom du groupe est soumis à l'homologation du juge, qui vérifie
s'il est conforme aux intérêts de ceux auxquels il a vocation à s'appliquer et lui donne force exécutoire. Cet accord
précise les mesures de publicité nécessaires pour informer les consommateurs concernés de la possibilité d'y adhérer,
ainsi que les délais et modalités de cette adhésion.
333
E. MACKAAY et S. ROUSSEAU, op.cit., note 441, au par. 740.
334
Id., au par. 1049.
335
Les coûts de transaction sont la traduction imparfaite des théories de Coase rédigées en anglais. Il faut les
comprendre comme les coûts qui empêchent deux personnes d’arriver à un accord qui leur soit profitable. v. id., au
par. 726 et s.

140
l’issue possible du litige afin qu’ils puissent y adhérer ou le rejeter en connaissance de cause. La
problématique de la représentation doit donc être analysée sous l’angle de la confiance.
Les modalités de représentation du groupe doivent permettre aux membres du groupe de
surveiller à moindre coût leur représentant afin de s’assurer que les décisions qu’il prend leur sont
favorables.
D’où l’intérêt d’étudier comment le droit aborde cette question de la représentation au sens
large (A) et si une représentation spécialisée ou associative ne serait pas plus adaptée au droit des
pratiques anticoncurrentielles (B) comme solution à ce problème d’agence.

1. Le représentant au sens large

Nous pouvons traduire l’expression « au sens large » par ceux qui peuvent généralement
représenter des victimes, donc l’avocat en premier lieu et en second une personne physique
habilitée à le faire.
- L’avocat :
La logique exige que le premier représentant auquel on pense en matière de recours
collectifs soit l’avocat.
En droit algérien, rien n’empêche la victime de se constituer partie civile et être représentée
par un avocat, ainsi l’avocat peut faire un rôle de médiateur avant l’introduction d’instance et dans
un cadre amicale336, tout en respectant les règles de la déontologie, l’obligation de réserve et le
sauvegarde du secret professionnel entre autres.

Mais une fois devant la juridiction, la règle serait alors l’individualisation de l’action
privée, ainsi la collectivisation de l’action privée n’est qu’exceptionnelle voire quasiment absente,
en pratique on peut citer le cas des contentieux relatifs à la propriété par indivise et/ ou d’héritage.

Le concept de l’action collective tel qu’il est traduit en France ou en Europe fait défaut en
droit algérien, excepté la représentation associative que nous allons aborder en (B)

En effet chaque victime peut être représentée par un avocat pour revendiquer son propre
dédommagement, de même pour plusieurs victimes souhaitant faire ainsi, celles-ci peuvent être

336
A cet égard, l’Art. 10 de la Loi algérienne n° 13-07 du 29 octobre 2013 portant organisation de la profession
d’avocat, JORADP n°55 du 30 octobre 2013, stipule que « L’avocat doit respecter ses clients et prendre les mesures
légales nécessaires pour protéger et mettre en œuvre leurs droits et intérêts. »

141
représentées par le même avocat, mais en revanche l’action à titre collectif -bien
qu’exceptionnelle- n’est écartée qu’à défaut de l’unicité de ces motifs et/ou arguments que le
groupe de victimes partage en commun337.

Mais nous pensons qu’en pratique juridictionnelle, il s’avère difficile voire impossible que
le juge admet une action collective qui s’appuie sur l’unicité des intérêts excepté dans les litiges
des ayants droits dans des affaires d’héritage ou d’indivise.

En France, l’action de groupe a attiré l’attention des avocats à deux titres, comme l’attestait
la Résolution du Barreau de 2012 relative à l’action de groupe 338. D’abord, ils souhaitaient que
l’action de groupe soit générale et non pas limitée à un type de contentieux.

De même, la représentation ne devait pas être réservée aux seules associations.

Ensuite, l’avocat devait impérativement établir une convention d’honoraires, « elle [devait être
conclue] dans le respect des dispositions législatives et règlementaires en vigueur applicables à
la fixation libre des honoraires de l’avocat.

La convention [pouvait] déterminer une répartition entre l’honoraire de base et un


honoraire de résultat, selon des modalités qui [auraient été] définies par le Règlement intérieur
national de la profession d’avocat »339.

Si le Barreau français ne veut pas d’une représentation exclusivement associative, est-ce


pour permettre aux avocats de diversifier leur clientèle ?

A cet égard nous pensons que le plus important c’est l’intérêt des victimes, voire l’utilité
de ce type d’actions pour assurer la réparation de leurs préjudices.

Mais nous pouvons évoquer entre autres certains reproches notamment en réservant
l’action de groupe pour les préjudices de consommation au détriment d’autres préjudices
notamment ceux liés à l’écologie voire à l’environnement.

Cependant, plus les types de contentieux concernés sont larges, plus les sources de revenus
le sont aussi. La résolution du Barreau prend alors une coloration financière qui s’achève par cette

337
Arrêt n°870-47, du 26 juin 1992, revue judiciaire n°2, 1992, p. 108.
338
CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, Résolution du Conseil nationales des Barreaux, L’introduction de
l’action de groupe en droit français, Paris, 6 et 7 juillet 2012, [en ligne] : < http://cnb.avocat.fr/docs/textes/CNB-
RE2012-07-06_TXT_Introduction-action-de-groupe-enFrance.pdf>.
339
Id., Résolution n° 6 à la p. 2.

142
précision sur les honoraires. Bien que fixés par voie de convention, ils devaient être libres et
comprendre un honoraire de résultat en plus d’un honoraire de base conformément à la
règlementation française.

Nous laisserons de côté pour le moment la question du calcul des honoraires de l’avocat,
relevons simplement que le recours collectif est empreint d’un enjeu financier pour l’avocat.
Lequel peut compromettre la représentation du groupe s’il prend une place telle que l’avocat
n’exercera que les actions collectives les plus rentables et allongera les délais de procédures pour
maximiser ses gains à l’heure ou, au contraire, obtiendra une transaction avantageuse pour lui mais
pas nécessairement pour les membres du groupe.

A cet égard, les avocats français ne semblent pas désintéressés par l’action de groupe. Mais
cet intérêt justifiait-il pour autant leur exclusion de l’action de groupe340 ?

La France aurait pu adopter des garanties similaires, au-delà du contrôle par le juge de la
médiation.

Une autre question se situe dans le prolongement de la représentation entrepreneuriale du


groupe par l’avocat, celle du démarchage des victimes.

Le démarchage par l’avocat : Dans le cadre d’un recours collectif, par démarchage, nous
entendons le fait pour un avocat de solliciter des clients dans certains lieux privés ou publics mais
aussi à distance par de la publicité.

En France, contrairement à l’idée reçue, la publicité est possible. L’article 10.1, alinéa 2 du
Règlement Intérieur National (ci-après RIN) du Barreau français prévoit cette possibilité dès lors
qu’elle est dans l’intérêt du public341. L’article 10.2 du RIN complète et encadre cette publicité :

340
V. à ce sujet, le débat sur l’exclusion des avocats de la procédure d’action de groupe : Marine BABONNEAU, «
Action de groupe : l’avant-projet de loi exclut des avocats », Dalloz actualité, 3 avril 2013 ; Marine BABONNEAU,
« Action de groupe : la profession tente de rallier les parlementaires à sa cause », Dalloz actualité, 31 mai 2013 ; Jean-
Daniel BRETZNER, « Ombres et lumières autour de la « qualité pour agir » dans l’action de groupe », dans la Gazette
du Palais, 16 mai 2013, n° 136, L’extenso.fr, GPL130j6 ; Caroline FLEURIOT, « Action de groupe : le projet de loi
présenté en Conseil des ministres », Dalloz actualité, 3 mai 2013 ; Anne PORTMANN, « Il est inacceptable de réserver
l’exercice de l’action de groupe à 17 personnes morales », Dalloz actualité, 29 avril 2013 ; Bernard VATIER, « Peut
mieux faire », dans la Gazette du Palais, 16 mai 2013, n° 316, L’extenso.fr, GPL130d1.
341
Le texte dispose : « La publicité fonctionnelle destinée à faire connaître la profession d'avocat et les Ordres relève
de la compétence des institutions représentatives de la profession. [en ligne] :
<http://cnb.avocat.fr/docs/RIN/RIN_2010-05-08_Consolide+Commentaire%5bFinal%5d.pdf>. La publicité est
permise à l’avocat si elle procure une information au public et si sa mise en œuvre respecte les principes essentiels de
la profession. La publicité inclut la diffusion d’informations sur la nature des prestations de services proposées, dès
lors qu’elle est exclusive de toute forme de démarchage ».

143
« Tout acte de démarchage, tel qu’il est défini à l’article 1er du décret n° 72-785 du 25 août 1972,
est interdit à l’avocat en quelque domaine que ce soit. Toute offre de service personnalisée adressée
à un client potentiel est interdite à l’avocat. La publicité personnelle de l’avocat ne peut être faite
par voie de tracts, affiches, films cinématographiques, émissions radiophoniques ou télévisées. »

L’esprit du règlement est d’éviter toute dérive commerciale342.

La prohibition des moyens classiques de publicité commerciale atteste de cette


préoccupation. L’article 1er du Décret n° 72-785 du 25 août 1972 (ci-après Décret de 1972) précise
: « Constitue un acte de démarchage au sens de l'article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 le fait
d'offrir ses services, en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique
ou de provoquer à la souscription d'un contrat aux mêmes fins, notamment en se rendant
personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d'une personne,
soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieu public ».

Il est frappant de voir la similitude de rédaction de l’article 2 du Décret de 1972459 avec


l’article L. 422-1 du code de la consommation sur l’action en représentation conjointe des
consommateurs. L’alinéa 2 dispose en effet :

« Le mandat ne peut être sollicité par voie d'appel public télévisé ou radiophonique, ni par
voie d'affichage, de tract ou de lettre personnalisée. Il doit être donné par écrit par chaque
consommateur. »

L’association de consommateurs est soumise indirectement aux mêmes règles


déontologiques que les avocats.

Cela traduisait bien le souci du législateur et des juges d’éviter le démarchage et donc les
dérives spéculatives en matière d’actions collectives.

Les avocats ne sont ainsi pas les seuls suspectés d’intentions commerciales, démontrant
par la même que les dérives entrepreneuriales ne dépendent pas du Barreau mais du recours
collectif en lui-même.

Il semble que la collectivisation du contentieux induise nécessairement un risque de dérives


spéculatives.

342
L’article 10.2 du RIN prohibe sur dans les publicités « toutes mentions laudatives ou comparatives ».

144
Finalement, l’action de groupe française consacre des mesures sur la publicité après le
jugement sur la responsabilité du professionnel. Cette disposition évite que l’association démarche
les victimes.

- Le représentant personne physique :

Qu’il s’agisse du représentant-avocat ou du représentant-membre du groupe, la compétence


est un critère qui leur est commun. L’avocat ne peut prendre en charge une affaire que s’il se juge
compétent pour la mener à bien conformément aux règles déontologiques de la profession343.

La question de la compétence de l’avocat ne pose pas de problèmes autres que ceux réglés par
la déontologie.

En France, la procédure civile permet par donc un contrôle de la représentation du groupe, le


contrôle ne va pas jusqu’à vérifier la compétence du représentant.

L’explication réside dans le fait que le législateur français habilite lui-même les associations
qui peuvent agir au nom d’un groupe de victime.

Les associations bénéficient alors d’une forme de présomption légale irréfragable de


compétence.

La phase de certification est une phase durant laquelle le représentant doit démontrer son
aptitude à défendre les intérêts du groupe.

- La représentation des entreprises :

Lors du débat sur l’action de groupe en France en 2013, le rapport dit « Hammadi » de la
Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à la
consommation344, du nom de son rapporteur, Razzi Hammadi, faisait la remarque suivante : En
effet, certaines questions ont pu surgir pour savoir si des entreprises (notamment des sous-traitants
par rapport à des grands groupes) pouvaient ou non former une action de groupe en vue d’obtenir
réparation d’un préjudice qu’elles auraient subi. Telle n’a pas été la volonté poursuivie dans ce
texte.

343
En France, v. art. 1er, 1.3 du RIN : « Il fait preuve, à l'égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de
diligence et de prudence » ; art. 21.3.1.3. L'avocat n'accepte pas de se charger d'une affaire s'il sait ou devrait savoir
qu'il n'a pas la compétence nécessaire pour la traiter, à moins de coopérer avec un avocat ayant cette compétence.
344
FRANCE, PARLEMENT, Rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi
relatif à la consommation, n° 1156, (2012-2013) – 13 juin 2013 (ci-après Rapport Hammadi).

145
Nous souhaitons nous interroger davantage sur la pertinence de ce rejet. En droit de la
concurrence, il n’est pas possible de faire l’économie d’une étude de la représentation des
entreprises. Nous pouvons distinguer deux types de difficultés.

Si le représentant est une personne physique, le risque de la représentation par un


consommateur de l’entreprise est réel. Il n’est pas en mesure de percevoir les enjeux du recours
pour l’entreprise.

En France, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) est un exemple d’organisation


professionnelle représentant à l’échelle nationale l’intérêt des entreprises. La difficulté tient ici au
conflit d’intérêt. Le problème de ce type d’associations est qu’elles représentent à la fois les
victimes et les « bourreaux ».

Ce conflit d’intérêt est insolvable. Il écarte d’office la proposition. Le risque est que
l’association reçoive des pressions pour éviter une action en justice de la part d’un membre
important, qui se trouvera être souvent l’auteur de pratiques anticoncurrentielles.

De plus, les chefs d’entreprises membres de l’association, voire membres de sa direction,


peuvent eux-mêmes être impliqué dans une affaire de pratiques anticoncurrentielles ou avoir un
lien privé ou professionnel avec les auteurs des pratiques.

Dans ces conditions, cette représentation professionnelle, même si elle résout la question
de la compétence, pose des problèmes plus dangereux encore.

Une solution pourrait être une représentation en duo par deux personnes physiques, l’une
serait consommateur et l’autre entrepreneur, chacun œuvrant pour chaque partie du groupe de
victime auquel il correspond.

La France, quant à elle, a anticipé les difficultés en permettant à l’association de «


s'adjoindre, avec l'autorisation du juge, toute personne appartenant à une profession judiciaire
réglementée, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, pour l'assister, notamment afin
qu'elle procède à la réception des demandes d'indemnisation des membres du groupe et plus
généralement afin qu'elle représente les consommateurs lésés auprès du professionnel, en vue de
leur indemnisation »345.

345
Art. L. 423-9 c.conso.

146
Nous venons d’étudier la représentation au sens large, elle regroupe la représentation par
l’avocat et par un représentant personne physique ou morale membre de groupe. Pour ce dernier,
une compétence particulière lui est demandée s’il veut représenter le groupe.
Une autre question se pose, particulièrement en France, celle de la représentation
spécialisée ou associative. Elle concerne les hypothèses d’actions collectives réservées
exclusivement aux associations de consommateurs.
Il apparaît opportun de voir si cette forme de représentation est adéquate en droit de la
concurrence.

2. La représentation spécialisée ou associative

En droit algérien, la règle c’est l’individualisation de l’action privée, ainsi la


collectivisation de l’action privée n’est qu’exceptionnelle.
En effet le législateur a adopté l’action privée individuelle346 afin d’assurer le bon
fonctionnement de la justice, mais si on procède –exceptionnellement- à l’action collective, celle-
ci est recevable tant qu’elle touche à un intérêt collectif qui concerne exclusivement un groupe
bien déterminé de personnes, en s’appuyant sur les mêmes arguments et/ou arguments 347 pour
arriver à une fin commune, en pratique on peut citer l’exemple des actions afférentes à l’héritage
en vertu des dispositions du code de la famille à défaut de l’unicité de ces motifs et/ou arguments
l’action intentée à titre collectif serait refusée348.

En revanche si on s’accentue sur le concept de l’action de groupe, celle-ci peut se


manifester uniquement en droit de protection des consommateurs, et exclusivement via une
association de protection de consommateurs peu importe son appellation tant que celle-ci est
reconnue juridiquement par l’Etat, ayant ainsi la qualité judiciairement parlons.

Effectivement dans ce contexte le législateur algérien, stipule clairement que « lorsqu’un


ou plusieurs consommateurs ont subi des préjudices individuels , causés par le fait d’un même
intervenant et ayant une origine commune , les association de protections des consommateurs ,
peuvent se constituer partie civile. »349

346
On peut en conclure cette réflexion des dispositions du code algérien de procédure civile et administrative
347
Arrêt n°115-153, du 9 déc. 1997, revue judiciaire n°2, 1997, p. 104.
348
Arrêt n°870-47, du 26 juin 1992, revue judiciaire n°2, 1992, p. 108.
349
Art. 23 de la loi 09-03, du 25 fév. 2009, relative à la protection du consommateur et à la repression des fraudes

147
Quant au droit français, celui-ci privilégie la représentation associative dans les actions
collectives. De même, l’action de groupe est réservée aux associations de consommateurs350.

Cependant, en France, on reproche aux associations et aux syndicats, dans la défense


d’intérêts collectifs, d’empiéter sur le rôle du parquet351 et plus particulièrement les groupements
sont la principale source de oncurrence352.

Il faut observer qu’en France, en procédure pénale, dès lors qu’une association est habilitée
à agir en justice en se constituant partie civile353, elle palie le cas échéant l’inertie du parquet et
devient un auxiliaire privé de justice354.

Une action de groupe a le mérite de laisser au parquet la représentation de la société en tout


cas dans le lancement des poursuites pénales, l’action de groupe étant un outil de procédure civile.
Cependant, l’action de groupe des associations de consommateurs crée une confusion
supplémentaire355 entre la représentation de l’intérêt collectif et la représentation d’une somme
d’intérêts individuels. La loi reconnaît aux associations le droit de défendre un intérêt collectif,
cela n’a rien de contestable.

En revanche, accepter qu’une association représente des intérêts individuels paraît en


contrariété avec leur « objet légal », c’est-à-dire la défense d’intérêts collectifs comme objet
statutaire explicite posé à L. 421-1 du code de la consommation356.

350
V. l’art. L. 423-1 c.conso. : « Une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et
agréée en application de l’article L. 411-1 peut agir devant une juridiction civile afin d’obtenir la réparation des
préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire et ayant pour cause commune
un manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles (…) ».
351
Julie SEGAUD, Essai sur l’action publique, Thèse, Université Champagne-Ardenne, 2010, au par. 614 et 619.
352
Id., au par. 638. Sur la privatisation de l’action publique et la remise en cause du principe d’indisponibilité de
l’action publique voir André DECOCQ, « L’avenir funèbre de l’action publique », dans L’avenir du droit, Mélanges
François TERRÉ, 1999, p. 781, passim.
353
V. supra, au par. 3.
354
S. GUINCHARD, « Grandeur et décadence de la notion d’intérêt général », op.cit., note 211, au par. 23.
355
La première confusion est celle entre l’intérêt général et l’intérêt collectif.
356
Le texte dispose : « Les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des
intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile
relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ». S.
GUINCHARD, « Grandeur et décadence de la notion d’intérêt général », op.cit., note 211, au par. 24 ; B. PAILLARD,
op.cit., note 225, au par. 81 ; Louis BORÉ, La défense des intérêts collectifs par les associations devant des juridictions
administratives et judiciaires, Paris, LGDJ, Thèse, 1997, au par. 44 et s.

148
Or, il faut reconnaitre que donner l’action de groupe aux associations, comme le fait
l’action de groupe que ce soit algérienne ou française, risque de créer la confusion des groupes.

En effet, les victimes qui forment le groupe ne sont pas forcément les membres de
l’association. Pour cette raison, il est suggéré que la représentation par une association ne soit pas
subordonnée à l’adhésion à l’association357, elle-même passant par le versement d’une
cotisation358.

Sinon les dérives spéculatives évoquées plus haut reviendraient sur la scène. Par rapport à
son objet, l’association, bien que qualifiée de « consommateurs », ne représente pas forcément
tous les contentieux de la consommation.

Par exemple, des petits épargnants seraient bien mieux représentés par une association
compétente dans le domaine financier qu’une association généraliste de consommateurs.

On retrouve ici les problématiques de compétence. En outre, c’est prendre le risque de voir
l’association la plus « riche » mener une politique de poursuite en choisissant elle-même les causes
qui méritent une action judiciaire359.

De plus, il existe un risque de mise en concurrence des associations : en effet si on prend


l’exemple des petits épargnants, si l’association généraliste veut agir en représentation et que
l’association spécialisée dans la défense des petits épargnants souhaite elle aussi agir, comment le
juge tranchera cette question ?

Ou encore, on peut s’interroger sur quelle association sera la mieux à même de mener le
groupe ? Celle qui est généraliste mais d’une taille suffisamment importante pour avoir des moyens
financiers nécessaires au financement de l’action ou bien l’association spécialiste de la question
qui aura moins de moyens mais qui aura une meilleure représentativité ?

357
S. PIETRINI, op.cit., note 5, p. 347.
358
S’il est tout à fait normal pour un consommateur de contribuer financièrement à l’association à laquelle il demande
de l’aide à titre individuel, il en va autrement dans un recours collectif, ne serait-ce que parce que seules les victimes
identifiables pourront payer dans un système opt-out mais aussi pour éviter les dérives spéculatives tant redoutées par
le législateur français chez les avocats. De plus, aussi modique que puisse être la contribution, elle constituera, à n’en
pas douter, un obstacle psychologique supplémentaire dans un domaine qui en comporte déjà beaucoup.
359
ASSOCIATION FRANÇAISE D’ÉTUDE SUR LA CONCURRENCE, Consultation de la Commission sur le
recours collectif, p. 27 et 30, [en ligne] : <
http://ec.europa.eu/competition/consultations/2011_collective_redress/afec.fr.pdf> ; S. PIETRINI, op.cit., note 5, p.
347.

149
Est-ce que toutes les associations qui ont un rapport direct ou indirect avec la protection
des consommateurs ont la qualité à la fois juridique et judiciaire de représenter des consommateurs
au niveau de la juridiction compétente ?

D’emblée ce genre de questions ne passe pas inaperçu, bien au contraire il ouvre bel et bien
tout un débat, notamment quand le législateur algérien confirme l’équivoque en stipulant
clairement que « lorsqu’un ou plusieurs consommateurs ont subi des préjudices individuels,
causés par le fait d’un même intervenant et ayant une origine commune, les associations de
protection des consommateurs, peuvent se constituer partie civile. » 360 :

donc sans la moindre exception, toutes les associations de protection de consommateurs,


qui ont déjà un statut juridique en ce sens361 peuvent se constituer le plus normalement comme
partie civile, il n’y a absolument aucun renvoi pour solutionner nos questions précédentes.

On voit bien toute la difficulté pratique et le risque de tensions que cela pourrait générer
dans le monde associatif, sans compter sur de possibles dérives spéculatives d’associations petites
et grandes qui profiteraient des actions de groupes pour renflouer leur caisse soit par le biais des
actions elles-mêmes, soit par la publicité362 qui serait faite autour de certaines actions par la voie
des médias et qui pourrait laisser croire aux consommateurs que l’adhésion à l’association est un
moyen sûr de faire partie du groupe.

L’article L. 423-1 du code français de la consommation solutionne la question en faisant


intervenir le juge en cas de concurrence entre les associations pour agir sur les mêmes faits 363.

Ainsi, nous retombons sur notre postulat de départ, celui d’une confusion des groupes.
L’action de groupe exercée par l’association ne signifie pas que le groupe est constitué des
membres de l’association. Une confusion réelle est alors possible dans l’esprit du consommateur.

360
Art 23 de la loi relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes
361
Art 21 de la loi relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes
362
Affirmé par J. SEGAUD, op.cit., note
363
L’article dispose : « Lorsque plusieurs associations introduisent une action portant sur les mêmes faits, elles
désignent l’une d’entre elles pour conduire celle qui résulte de la jonction de leurs différentes actions. À défaut, cette
désignation est effectuée par le juge ». V. aussi, l’art. L. 423-24 du même code qui affirme : « Toute association de
défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l’article L. 411-1 peut
demander au juge, à compter de sa saisine en application de l’article L. 423-1 et à tout moment, sa substitution dans
les droits de l’association requérante, en cas de défaillance de cette dernière ».

150
Pour remédier à cela, l’article L. 423-5 du code de la consommation énonce à son alinéa 4
que « l’adhésion au groupe ne vaut ni n’implique adhésion à l’association requérante ».

Or, il y une partie de la doctrine qui a évoqué une hypothèse qui s’appuie sur une
proposition pour certaines associations de défense que leurs statuts prévoient que l’adhésion vaut
mandat d’agir en justice364.

Cette hypothèse est contestable en raison des dérives spéculatives énoncées


précédemment365 et en raison de la confusion entre le groupe des victimes et le groupe des
sociétaires. Bien entendu, la confusion n’est valable que dans le cas d’une association
préconstituée sans objectif de défense précis.

Cependant, l’association créée pour la défense d’un préjudice précis instaure une confusion
logique entre le groupe de victimes et le groupe des sociétaires.

L’effet dissuasif et sanctionnateur s’en verrait affaibli ainsi que la réparation d’un
maximum de victimes. Il s’agit pourtant du choix français.

Par ailleurs, le Rapport Hammadi énonçait qu’ « [u]ne association de défense des
consommateurs, aussi active soit-elle, peut avoir à̀ faire face à̀ une très lourde charge de travail
dans le cadre d’une action de groupe, en particulier dans l’hypothèse où les victimes du dommage
se comptent par centaines ou par milliers. Le traitement des demandes d’adhésion au groupe, la
vérification de la situation de chacun, le lien à assurer entre les victimes et le professionnel...
autant d’éléments qui ont conduit l’article [L. 423-9] à prévoir que l’association pourrait
s’adjoindre les services d’une personne pour l’assister ».
Ce choix élimine partiellement les difficultés de la représentation associative.

364
Louis BORÉ, La défense des intérêts collectifs par les associations devant des juridictions administratives et
judiciaires, Thèse, Paris, LGDJ, 1997, au par. 111.
365
Serge GUINCHARD parle de « trésor de guerre », v. S. GUINCHARD, op.cit., note 211, au par. 28.

151
Section 2. L’interaction entre procédures négociées et actions collectives

L’exercice de l’action en réparation à titre individuel a été indéniablement facilité par les
aménagements nationaux d’une part et européens d’autre part.
Il est à remarquer que les victimes sont généralement en position de faiblesse en fonction de leur
puissance économique, par rapport aux défendeurs, à cet égard quand on évoque le concept de
consommateur comme personne physique on ne peut même pas faire référence à quelconque
puissance économique.

D’ailleurs c’est notamment la raison pour laquelle l’avènement de l’exercice à titre


collectif, à travers l’instauration d’un mécanisme d’action de groupe, apparait comme la solution
aboutissant à cette réparation « judiciaire » des victimes, tant convoitée. Cependant l’action
collective est perçue non seulement comme un mécanisme d’indemnisation des petits préjudices
de masse, mais surtout comme un mécanisme de régulation assurant la dissuasion du droit de la
concurrence, imposant ainsi un effet intimidant sur les procédures négociées (§1) .

Or, l’efficacité du «private enforcement» voire des actions collectives, passe


inévitablement par l’accès effectif aux preuves qui se trouvent souvent entre les mains des
contrevenants au droit de concurrence, à l’évidence ces fins s’opposent.

A cet égard la présence du concept des procédures négociées facilitera dans un temps
normal, la tache aux victimes pour aller de l’avant en matière d’établissement de responsabilité
mais en vain puisque l’efficacité de ces desdites procédures repose sur la confidentialité des
déclarations et/ou preuves recueillis dans ce cadre, dès lors le «private enforcement» est contraint
par les procédures négociées (§2).

§1. L’effet intimidant des actions collectives sur les procédures négociées

L’acharnement du «public enforcement» pour réussir à tout prix ses procédures négociées
pour des fins objectives, ne constitue nullement le but du droit de la concurrence.
En revanche, étant l’instrument juridique le plus adapté à la spécificité du contentieux
concurrentiel l’avènement du «private enforcement» pour des fins subjectives mais aussi pour des
fins objectives a forcément intimidé le «public enforcement», notamment en soulevant les limites
de celui-ci.

152
Dans ce conteste, bien que les programmes de clémence sont considérés en particulier des
outils essentiels dans la détection et dans la déstabilisation des cartels, toutefois il se peut que ces
programmes ne soient pas suffisants. En effet, plusieurs études ont montré que les amendes
infligées par les public enforcers sont encore loin d’être dissuasives 366

Or, une politique de sanction forte est indispensable pour inciter davantage les
contrevenants à se dénoncer, par ailleurs l’action des autorités de concurrence ne peut être
réellement dissuasive que dans les cas où les pratiques anticoncurrentielles sont découvertes dans
les premiers mois de leur existence.

Effectivement nombreux sont les cartels mis en œuvre pendant plusieurs années, le nombre
global des cartellistes est en constante progression et nombreux sont les cas de récidive. Il est
permis alors de s’interroger sur l’opportunité de considérer ces programmes de clémence
intouchables.

Cependant il est à rappeler que le «private enforcement» constitue réellement un


complément dans la dissuasion, car l’ensemble des deux actions –via la sanction et la réparation –
représente un cout total dont le contrevenant doit tenir compte dans son appréciation globale de
l’opportunité de participer à une infraction.

Afin de cerner cette réflexion nous allons exposer le double objectif que l’action collective
assure et qui a certainement un effet intimidant sur les procédures négociées à savoir, garantir la
réparation des préjudices individuels (A) et renforcer le caractère dissuasif du droit de la
concurrence (B).

A. La réparation des préjudices individuels

En s’accentuant sur cette caractéristique propre au «private enforcement» qui est la


réparation du préjudice concurrentiel, Le «private enforcement» via l’action collective touche là
où ça dépasse le «public enforcement», c’est d’ailleurs, notamment la raison pour laquelle qu’une
conciliation effective entre les deux actions privée et publique s’impose.
A cet égard le droit américain se distingue par sa politique perfectible en la matière
notamment en adoptant une procédure de clémence au civil : La clémence au civil signifie que le
contrevenant repenti devra payer des dommages et intérêts compensatoires (et non triples) et que

366
Sur ce point V. E. COMBE et C. MONNIER, « les amendes contre les cartels : la commission européenne en fait-
elle trop ? », Concurrences, n° 4-2009, p. 41.

153
la règle de la responsabilité solidaire ne lui sera applicable, la commission européenne avait pris
en compte cette possibilité dans les livres vert et blanc, mais sans concrétisation367

Les conséquences civiles des pratiques anticoncurrentielles aux Etats Unis peuvent se
révéler extrêmement lourdes : les entreprises s’exposent à des class actions et le système de
responsabilité civile est fondé sur des dommages et intérêts triples ; alors craignant un impact
négatif sur son programme de clémence, le législateur américain a envisagé une clémence au civil
afin d’assurer l’attractivité du programme de clémence.

En effet Il est important de croire à la conjugaison du «private enforcement» et des


procédures négociées, à cet égard il faut surtout coordonner les différentes exigences, en effet dans
le cadre des programmes de clémence, si l’on considère que la décision de l’autorité de
concurrence doit exercer un effet de la chose décidée sur le juge le cas échéant la décision prise
dans le cadre d’un programme de clémence pourrait elle aussi être considérée comme une preuve
dans les procès en réparation des préjudices subis par les pratiques condamnées.

Dès lors, les victimes ne seraient plus contraintes de prouver une nouvelle fois l’existence
de la pratique illicite.

En revanche elles ne seraient pas épargnées de l’obligation de prouver le préjudice et le


lien de causalité.

Une telle solution serait toutefois possible pour les seules actions consécutives donc
publique ensuite privée.

Or dans le cas où l’action privée devant le juge a été initiée parallèlement à la procédure
de clémence ou de transaction, on pourrait dans ce cas imaginer une suspension de la procédure
devant le juge à l’instar de ce qui se passe dans le cadre de l’article 16 du règlement n° 1/2003 en
vue de la décision de l’autorité de concurrence.

Cependant même dans ce cas il faudrait encore résoudre le problème de l’autorité de cette
décision dans le cadre intra-européen.

En outre au regard de la procédure de non contestation des griefs qui se distingue des
procédures existants en Europe puisque celles-ci exigent la reconnaissance anticipé de

367
Silvia PIETRINI, L’action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles, perspectives nationale, européenne
et internationale, Editions Bruylant, Bruxelles, 2012, p. 665.

154
responsabilité368 alors que la procédure française n’implique a aucun moment un aveu de
culpabilité. Dans ce cas l’utilité pour les victimes de la décision finale de l’autorité de concurrence
est amoindrie, l’accès au dossier établi dans le cadre de cette procédure pourrait donc se révéler
utile pour les victimes.

Or l’intérêt du plaignant en vue de l’action en réparation est encore plus faible dans le cadre
de la procédure d’engagements puisque non seulement l’entreprise ne passe pas aux aveux mais
encore aucune infraction n’est constatée.

S’agissant des programmes de clémence on peut s’interroger sur l’opportunité de prévoir


une protection contre la divulgation au regard des bénéficiaires d’amende, et songer à limiter la
protection à celui qui a obtenu l’immunité.

Les victimes pourraient accéder aux informations dévoilées par les autres membres de
l’entente prohibée, notamment, celle relatives a leurs responsabilité dans cette pratique.

En effet l’intérêt d’être le premier à dénoncer sera donc renforcé, les programmes de clémence
seraient des lors encore attractifs, en dépit des craintes suscitées par le développement du «private
enforcement».

Le mécanisme de l’action de groupe récemment consacré en droit français, permet


d’assurer la réparation des préjudices individuels en répondant au caractère particulier du préjudice
concurrentiel (1) et à renforcer les droits des consommateurs victimes de pratiques
anticoncurrentielles (2)

1. la réponse au caractère particulier du préjudice concurrentiel

Le préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle a pour particularité d’être subi par
un grand nombre de personnes tout en étant relativement faible au regard de chaque victime.
En revanche, parce qu’il se produit à grande échelle, le montant du préjudice total est
souvent important si on l’apprécie dans sa globalité369

368
J.-C.RODA, La clémence en droit de la concurrence. Etudes comparative du droit américain et européen, précité,
§ 119.
369
F. JENNY, l’action de groupe. Une procédure qui renforce la dissuasion du droit de la concurrence, JCP G n°37,
10 sep. 2012, doctr. 979 : 285 millions de dollars versés en réparation du préjudice causé par une entente entre
producteurs de composants électroniques aux victimes indirectes ; ou encore 7,25 milliards de dollars payés à un
groupe de commerçants à la suite d’une entente entre banques

155
2. Le renforcement des droits des consommateurs victimes par la consécration
de l’action collective

Si on se focalise sur l’évolution et la présentation de l’action de groupe en droit français :


C’est la loi du 17 mars 2014 qui a consacré le mécanisme de l’action de groupe, son
champs d’application reste néanmoins limité puisque seuls les dommages matériels causés aux
seuls consommateurs sont réparables, et puisqu’il ne vise que les dommages de consommation et
ceux découlant des pratiques anticoncurrentielles370
Il est à signaler que le législateur français a accordé l’indemnisation des préjudices subis
par les consommateurs via une action de groupe , lorsque ces préjudices résultent de pratiques
anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102
du traité sur le fonctionnement de l’union européenne371

Quant au droit algérien, il n’y a pas vraiment une distinction concernant le préjudice
concurrentiel, le plus important c’est la protection du consommateur, peu importe la nature du
préjudice qu’il a subi, à cet égard le législateur algérien frôle l’action collective en stipulant la
possibilité de se constituer comme partie civile pour les associations de protection des
consommateurs, mais on y trouve pas le processus propre d’une action de groupe au sens du droit
français.

S’agissant du droit français, le préjudice des consommateurs victimes d’une pratique


anticoncurrentielle pouvant être considérable, surtout si celui-ci est lié à un cartel, ce mécanisme
constitue une avancée spectaculaire372 pour les droits des consommateurs en la matière.

Et pour la présentation rapide de la procédure et notamment sa spécificité de en matière de


concurrence : cette procédure porte trois phases :

La première, l’association intente l’action pour le compte du groupe de


consommateurs qui se trouvent dans une situation identique ou similaire et qui subissent
des préjudices individuels du fait d’un même professionnel.

370
M. DEPINCE, D. MAINGUY, « l’introduction de l’action de groupe en droit français », JurisClasseurs
Commercial, 20 mars 2014
371
Art. L. 423-1 al. 2, 2° du code de la consommation
372
J. JULIEN, Présentation de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, Contrats, conc, consom.
n°5, mai 2014, dossier 2.

156
Alors le tribunal de grande instance vérifie les conditions de recevabilité de l’action et
statue sur la responsabilité du professionnel, sur ce point une disposition spéciale prévoit qu’en
matière de pratiques anticoncurrentielles, la responsabilité du professionnel ne peut être établie
que sur le fondement de la décision de l’autorité de la concurrence.

Les actions collectives initiées en droit de la concurrence se limite donc aux hypothèses de
follow on, nécessitant d’attendre une décision devenue définitive d’une autorité de concurrence,
la deuxième phase correspond à la phase non-contentieuse qui prévoit des mesures de publicité
afin de porter l’existence de la décision à la connaissance des consommateurs : donc un délai
déterminé pour les consommateurs qui se lance pour adhérer au groupe, dans ce contexte
l’adhésion au groupe ne peut résulter que d’une réaction expresse de volonté. La troisième phase
consiste en la liquidation du préjudice.

A l’image des objectifs du développement du «private enforcement» tels que visés par
l’UE, l’action collective est perçue non seulement comme un mécanisme d’indemnisation des
petits préjudices de masse, mais surtout comme un mécanisme de régulation assurant la dissuasion
du droit de la concurrence.

B. Le partage de la dissuasion

Il est à reconnaitre que la dissuasion, reste un objectif commun du public en forcement et


du «private enforcement».
Cette réflexion procède de la prise en compte de l’ensemble du système dissuasif, et de la
complémentarité des actions publique et privée dans la lutte contre les pratiques
anticoncurrentielles.

En effet si les procédures négociées ont montré leur forte utilité dans la détection des
pratiques illicites, permettant en même temps aux autorités de concurrence d’économiser des
ressources qu’elles peuvent affecter à d’autres tâches, or on ne peut pas sacrifier le «private
enforcement» au nom de la protection des procédures négociées.

Le but est de dissuader la formation des pratiques anticoncurrentielles, quel que soit l’outil
utilisé.

Si les procédures négociées peuvent faciliter indirectement le recours au juge pour obtenir
la réparation des préjudices découlant de pratiques qui ont été détectées ou établies à travers ces

157
procédures, l’impossibilité d’accéder aux preuves dévoilées dans le cadre de ces procédures ,
estompe les effets bénéfiques qu’elles exercent indirectement sur les actions privées .

En effet les victimes sont informées de l’existence des pratiques prohibées, mais n’ont pas
toujours les moyens pour prouver le préjudice découlant de ces pratiques.

Dès lors, les autorités de concurrence seront vraiment intimidées par les vertus du «private
enforcement» : puisque si les actions privées et en particulier les actions collectives permettent à
la fois de réparer les dommages causés et de dissuader les entreprises de futurs comportements
collusifs, il faut en tenir quitte à remettre en cause partiellement la place donnée aux outils des
autorités de concurrence.

A cet égard les procédures négociées ne peuvent pas être considérées comme un acquis
intouchable373, cette réflexion nous détourne finalement à l’objectif général de limitation de la
formation des pratiques anticoncurrentielles, non seulement par la répression, mais également par
la dissuasion à laquelle contribue à la fois l’action publique et l’action privée 374.

Il est à signaler que la procédure négociée algérienne ne s’applique pas en cas de récidive,
et là en moins le législateur algérien est tranchant375, par rapport à ses homologues européen et
français, cependant, la nécessité de repenser la politique de clémence et sa mise en œuvre est
d’autant plus importante lorsqu’on s’interroge sur le taux de récidive existant en Europe.

En effet des études ont montré qu’au cours de la période 2006-2010, parmi les 28
entreprises bénéficiaires de l’immunité, 7 étaient des récidivistes, c’est-à-dire une entreprise sur
quatre376 : en effet c’est admissible de s’interroger si les entreprises ayant déjà participé à un cartel

373
F. JENNY, in colloque livre blanc sur les actions en dommages et intérêts … précité, p. 25. Par ailleurs l’efficacité
de ces procédures est relative notamment lorsque les pratiques anticoncurrentielles internationales visent à produire
des effets dans certains pays tels que les pays en voie de développement , sur ce point v. P. DESBROSSE , « Les
programmes de clémence à l’épreuve de la globalisation des marchés », RIDE, 2010, p. 211 et spéc. p. 236 et ss.
374
En effet l’objectif n’est pas de protéger ces programmes, car « si, en ayant des systèmes d’action civile, individuelle
ou collective, nous dissuadons beaucoup plus les cartels de se former , par exemple, et même si cela agit d’une certaine
manière sur les programmes de clémence, le but que nous somme en droit de nous assigner sera tout de même rempli »
F. JENNY, in les actions civiles à l’encontre des pratiques anticoncurrentielles, Atelier de la concurrence du 4 octobre
2006, Concurrence & Consommation, 2007, n° 153, p. 21 et spéc. p. 43
.
375
L’art. 60, al. 2 stipule clairement que « les dispositions de l’alinéa 1 ne sont pas applicable en cas de récidive quelle
que soit la nature de l’infraction commise. »
376
W. P. J. WILS, « Recidivism in EU Antitrust Enforcement : A Legal and Economic Analysis », World
Competition : Law and Economics Revue, Vol. 35, n°1, 2012, p. 5.

158
puisse bénéficier de l’immunité de la sanction encourue et d’une protection au civil au détriment
des victimes souhaitant accéder au dossier afin de faire valoir leurs droits à réparation. ?

Le renforcement du «private enforcement» se justifie davantage, les programmes de


clémence étant de loin perfectibles.

La consécration de l’action de groupe vient renforcer le caractère dissuasif du droit de la


concurrence en redéfinissant la place des deux acteurs principaux dans ce type d’action : le
consommateur est placé au rang de véritable acteur dans la lutte contre les pratiques
anticoncurrentielles (1) et les entreprises sont amenées à être plus raisonnables en raison du risque
qu’elle fait peser pour elles (2)

1. L’amélioration de l’accès des consommateurs à la justice au service de la


dissuasion.

L’action de groupe introduite en droit français, contribue indéniablement à améliorer


l’accès des consommateurs à la justice et permet ainsi de renforcer l’aspect dissuasif du droit de
la concurrence.
En effet avec l’introduction de l’action de groupe, les consommateurs victimes n’ont qu’à
adhérer au groupe à la suite des mesures de publicité pour devenir véritablement parties à
l’action377 et obtenir potentiellement l’indemnisation de leur préjudice.

Ainsi ce nouveau mécanisme constitue un facteur dissuasif important pour les entreprises
puisque, non seulement il augmente le risque financier qui pèse sur les entreprises contrevenantes,
mais il les expose aussi fortement sur le plan de leur image378.

Ainsi l’action de groupe vient redéfinir le rapport professionnels/consommateurs en


rendant les entreprises plus responsables.

2. Des entreprises plus responsables

La prise en compte du risque de l’action de groupe par les entreprises : jusqu’à présent les
entreprises contrevenantes se contentaient de régler les amendes des autorités publiques mais ne

377
Art. L. 483-1 et s. du code consommation
378
J. CATALA MARTY, Réflexion autour de l’action de groupe en droit de la concurrence, préc. P.12.

159
craignant pas de voir leur responsabilité engagée par les consommateurs (du moins en Europe),
elles vont devoir désormais intégrer le contentieux de masse dans leur analyse des risques379, ainsi
il n’est pas étonnant de voir les représentants des entreprises faire part de leurs craintes, surtout au
niveau de la concurrence, vis-à-vis de ce nouvel instrument juridique.
En effet dans le cadre des pratiques anticoncurrentielles, les entreprises vont devoir
répondre du préjudice causé à l’économie mais aussi de celui causé aux consommateurs : ainsi
l’action de groupe permettant à un grand nombre de personnes d’agir en réparation de leurs
préjudices, leur fait courir le risque de sanctions pécuniaires élevées et d’atteinte à leur image.

Un nouveau rapport professionnels/consommateurs : par ce risque financier l’action de


groupe vient rétablir l’équilibre en termes de puissance économique et change ainsi les rapports
entre consommateurs et professionnels380.

§2. L’effet contraignant des procédures négociées sur les actions collectives

Les actions privées s’argumentent traditionnellement par la réparation pécuniaire du


préjudice, mais il est tout de même admissible de reconnaitre son caractère dissuasif, se même
caractère avec l’effet punitif font l’objectif de l’action publique :
de ce fait l’action privée ne peut ne pas s’articuler avec l’action publique du moment où
elles partagent plus ou moins le même objectif, les deux actions interagissent entre elles.
Par ailleurs les entreprises victimes des pratiques anticoncurrentielles sont d’une grande
importance pour les autorités de concurrence, en vue de l’apport qu’elles puissent leur apporter en
matière de situation du marché mis en cause et surtout du préjudice qu’elles ont subi.

La différence entre le droit algérien et les droits français et communautaire est manifeste,
notamment dans leurs systèmes, puisque dans un système basé essentiellement sur l’action
publique comme c’est le cas en droits communautaire et français, en adoptant surtout certaines
formes avenantes le cas échéant les procédures négociées , autrement dit l’action publique se
manifeste par la pratique des autorités de concurrence, et cette pratique fait défaut au conseil
algérien de la concurrence, un conseil qui parait bien paresseux en exerce381 surtout qu’il est resté

379
J. CATALA MARTY, Réflexion autour de l’action de groupe en droit de la concurrence, préc. P.12.
380
L. SCHENIQUE, Action de groupe : le recours à la médiation, un bon point de la nouvelle loi ?, Affaires
consommation.
381
Dans son rapport annuel de 2014, le conseil de la concurrence algérien a argumenté son bilan notamment la
première décision de sanction pécuniaire (procédure ordinaire)- du 18/02/2013 distributeur d’eaux minérales Slimani

160
statique de plus d’une décennie, en revanche la porte était ouverte pour les victimes de se recourir
au juge loin de la poursuite administrative ou publique.

Or, il faut reconnaitre qu’il est fort difficile pour les victimes des pratiques
anticoncurrentielles que ce soit à titre individuel (action privée individuelle) ou associatif (action
privée collective ou action de groupe) d’arriver à soulever le lien de causalité entre le présumé
auteur de la contravention concurrentielle et le préjudice subi devant le juge, puisque ceci dépasse
quasiment les compétences d’un juge, la spécificité d’un tel lien concurrentiel demande tout le
savoir-faire d’une autorité spécialisée en la matière : d’emblée en droit algérien on ne peut même
pas débattre du fait que ces procédures négociées peuvent représenter une aubaine qui s’offre aux
victimes surtout en absence de légifération de textes qui garantissant la protection des
informations obtenues dans le cadre de la procédure négociée algérienne.

Quoi qu’il en soit, le «private enforcement» ou le recours privé, -comme nous l’avons déjà
signalé- fait partie maitresse dans la mise en œuvre du droit de la concurrence, c’est la raison pour
laquelle son efficacité est d’une importance primordiale, sauf qu’il est souvent contraints par les
procédures négociées afférente à ce même droit de la concurrence.

En effet en matière de droit de la concurrence, l’intérêt privé est incessamment confronté


à l’intérêt général : puisque ce dernier est garanti par la sauvegarde d’une concurrence proprement
dite pour l’intérêt du marché , alors que l’intérêt privé se manifeste naturellement par le droit de
toute personne de réclamer des dommages et intérêts en réparation du dommage causé par les
auteurs des actes et /ou comportements nuisibles à l’ordre concurrentiel : Cet intérêt privé s’appuie
notamment sur le célèbre arrêt courage382 .

L’efficacité des procédures négociées n’est certainement pas absolue dès qu’une action
d’indemnisation fait irruption : puisque l’opacité des couts voire de calculer ces couts auxquels les
entreprises –souhaitant coopérer avec les autorités de concurrence- pourraient payer
éventuellement est susceptible de dépasser les bénéfices d’un traitement clément.

Madjid contre la société IFRI- qu’il a rendu depuis sa reprise en 2013, concernant une plainte déposée à son niveau le
21/04/2003 , qu’ à titre comparatif des pratiques internationales en la matière , il y a lieu de rappeler la
recommandation du président du Réseau international de la concurrence (ICN) qui considère que l’évaluation d’une
autorité de la concurrence ne s’apprécie pas sur la base du nombre des affaires traitées ou par rapport aux amendes
infligées mais plutôt à travers l’impact des décisions des autorités de la concurrence sur le marché concurrentiel. », p.
51
Disponible sur le site web du conseil de la concurrence algérien : http://www.conseil-concurrence.dz/wp-
content/uploads/2015/09/Rapport-Annuel-2014.pdf
382
CJCE, arrêt du 20 septembre 2001, aff. C-453/99, Courage Ltd/Bernard Crehan et Bernard Crehan /Courage Ltd
et autres.

161
La perplexité de ces entreprises serait aggravée si les victimes décident d’agir
collectivement.

Cependant, tout dépend de l’accès aux informations fournies dans le cadre des procédures
négociées : on peut alors s’(accentuer sur le duel déjà énoncé entre protection de ces informations
incluses dans le cadre de telle ou telle procédure négociée et infériorité de la position de la victime
notamment dans sa tâche d’établir les conditions de la responsabilité.

Cette tâche est encore lourde à porter et/ou à supporter si les victimes dans le cadre d’une
action de groupe ne peuvent être que des personnes physiques :

En effet la limitation de l’action de groupe aux personnes physiques, n’apparait pas


expressément mais se déduit facilement par la définition de la notion de consommateur donnée par
la loi Hamon, celle-ci a introduit dans le code français de la consommation un article préliminaire
disposant que « au sens du présent code , est considérée comme un consommateur toute personne
physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale,
industrielle, artisanale ou libérale »383

En s’accentuant sur cet article, il est déjà énoncé l’exclusion des PME par la loi Hamon
d’où on peut soulever les lacunes de cette loi en la matière. .

Cette contrainte ne peut passer inaperçue sur l’efficacité des actions collectives en matière
de réparation de préjudice, en plus des contraintes liées à l’objet de notre étude, puisque l’efficacité
des procédures négociées pèsent assurément sur le recul de l’efficacité de ces desdites actions en
réparation, notamment, en ce qui concerne la protection des informations obtenues dans le cadre
des procédures négociées (A) et l’établissement de la responsabilité civile (B)

A. La protection des informations obtenues dans le cadre des procédures


négociées

A travers ce titre, nous allons nous focaliser plutôt sur la clémence, vu le sucées grandissant
et surtout planétaire qu’elle a pu réaliser384, et comment la victime est sacrifiée au nom de la
protection des informations obtenues dans le cadre de cette procédure négociée.

383
Article préliminaire dans le code de la consommation, introduit par la loi n° 2014-344, 17 mars 2014, art. 3
384
Cinquante-deux pays, répartis sur quatre continents, disposent de ce programme. Pour une présentation des
différents modeles, v. Cartels & Leniency 2009, ICLG, consultable sur le site internet http://www.iclg.co.uk.

162
Or, puisque cette procédure n’est pas du jeu en droit algérien, nous allons plutôt nous
concentrer sur les droits communautaire et français :

La position exprimée à plusieurs reprises par la commission européenne dans ces projets
repose essentiellement sur le fait que les procédures extensives de discovery et les conséquences
civiles des actions collectives, peuvent remettre en cause l’efficacité de ces outils.

Dans le cadre des programmes de clémence, si le dénonciateur du cartel est obligé de


divulgué à la victime ayant engagé une action civile devant le juge les documents d’appui, dans ce
cas toute défense devient hasardeuse pour ne pas dire désespérée385

En effet tant le système européen qu’une grande majorité des Etats membres reposent sur
la preuve écrite. Bien que la plupart d’entre eux disposent de procédures de paperless, les
procédures de clémence ne sont pas entièrement orales car l’entreprise n’est pas déchargée de
l’obligation de transmettre les preuves du cartel dont elle dispose.

En outre, dans la plupart des cas, aucune protection contre les conséquences civiles n’a été
envisagée, les procédures négociées et les procédures civiles étant totalement indépendantes.

Or, l’efficacité du «private enforcement», passe inévitablement par l’accès effectif aux
preuves qui se trouvent souvent entre les mains des contrevenants au droit de concurrence, à
l’évidence ces fins s’opposent.

A cet égard, l’affirmation du rôle central de l’action privée dans la mise en œuvre du droit
de la concurrence apparemment reste la répudiation d’une subordination du «private enforcement»
au «public enforcement».

En effet dans le cadre d’un programme de clémence, deux intérêts sont à protéger : ceux
des autorités publiques qui souhaitent rendre attractif le programme de clémence afin de lutter
contre les infractions aux règles de la concurrence et ceux des entreprises qui collaborent et qui ne
souhaitent pas voir les informations transmises utilisées dans le cadre d’une action civile à son
encontre.

Ainsi, un conflit peut naitre entre l’action publique qui cherche à conserver le caractère
attractif du programme en assurant la confidentialité des informations fournies par l’entreprise, et
les actions privées qui cherchent à assurer la réparation des victimes.

385
O. GUERSENT, in Colloque Clémence et transaction en matière de concurrence : Premières expériences et
interrogations de la pratique, Gaz. Du Pal., 14-15 octobre 2005, n° 287 à 288.

163
La question de la conciliation de ces intérêts est particulièrement complexe et préoccupe
tant le droit français que le droit de l’union.

En effet, l’autorité française de concurrence assure une certaine sanctuarisation386 des


dossiers de clémence : En droit français le programme de clémence trouve son fondement à
l’article L. 464-2-III du code de commerce, concernant la question de divulgation des dossiers de
clémence détenus par l’autorité de la concurrence, l’article L. 462-3, alinéa 2, prévoit une
divulgation largement limitée et contrôlée par l’autorité, cet article établit une distinction claire
entre les documents demandés dans le cadre d’une procédure contentieuse ordinaire et ceux
relevant d’une procédure de clémence.
Alors que dans le premier cas, le législateur français laisse relativement libre l’autorité de
la concurrence de divulguer ou non les documents obtenus, il interdit en revanche dans le deuxième
cas de divulguer les pièces du dossier de clémence387
Quant à la position de la commission, celle –ci opte clairement pour la protection absolue
des dossiers de clémence en vertu de la directive 2014/104/UE susmentionnée, d’ailleurs ça était
toujours le cas en refusant toute divulgation des documents communiqués dans le cadre du
programme de clémence388.

Ainsi il apparait évident le penchant de l’UE dans ce contexte, était d’abord d’assurer
l’efficacité de ce types de programmes, profondément utiles pour les autorités publiques dans leur
lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, faciliter les actions privées en réparation ne doit
donc pas signifier une remise en cause du public renforcement qui demeure prioritaire en Europe.

Il est à signaler que la commission avait même envisagée auparavant de limiter la


responsabilité civile des entreprises contrevenantes qui ont permis de déceler le comportement
anticoncurrentiel grâce à leur collaboration389, mais en vain.

386
R. AMARO, Le contentieux privé des pratiques anticoncurrentielles, prec., p. 356.
387
Solution similaire sur la question des procédures d’engagements en droit français : CA Paris, 20 nov. 2013, SAS
Ma liste de courses, n°12/05813 : la CA déclare que l’ANC peut refuser de transmettre le dossier issu d’une procédure
d’engagements au juge judiciaire saisi d’une demande de réparation en dommages et intérêts. Le demandeur doit
démontrer quelles sont nécessaires à l’exercice de ses droits. Pour commentaire, V. D. BOSCO, Procédure
d’engagements et actions privées : rebondissement sur l’affaire Ma liste de courses, Contrats, con, consom. Mars
2014, n°3, comm. 74.
388
L. IDOT, Un pas en avant significatif pour renforcer l’effectivité des actions privées en droit des pratiques
anticoncurrentielles, préc., p. 1385.
389
Livre vert, préc. p. 10, pt 2.8.

164
Un programme de clémence efficace exige naturellement des outils fiables à la portée des
autorités de concurrence : des outils bel et bien en faveur des entreprises dénonciatrices, à savoir
la protection des informations dévoilées par ces entreprises et ce par les règles de confidentialité
(1) et aussi dans certains programmes, la demande de clémence et/ou les informations peuvent être
présentées oralement (procédure dite de paperless) (2)

1. La protection des informations par les règles de confidentialité

Dans le cadre de l’application de la politique de la concurrence, notamment celle de la


confidentialité liée à la mise en œuvre des procédures négociées, les autorités de concurrence
approuvent certaines règles pour protéger certaines informations jugées sensibles390 et ce pour
subvenir au besoin d’une collecte des preuves de l’infraction au droit de la concurrence :
les autorités de concurrence ont vocation à limiter l’accès au dossier, à protéger le secret
des affaires, ce principe est considéré notamment comme un véritable droit fondamental391, et aussi
à protéger les secrets professionnels.
A cet égard les autorités de concurrence assurent à la fois des garanties de confidentialité dans
le cadre des procédures négociées, et également l’élaboration des règles de cette confidentialité
pour inciter les entreprises concernées à opter sérieusement pour la négociation.

- Les Modèles En Europe :

Les procédures de clémence et de transaction sont plutôt attractives en termes de


confidentialité pour les entreprises voulant avoir la confirmation de la maintenir : puisque dans le
cadre d’une clémence, les entreprises mises en cause après communication des griefs sont
autorisées uniquement à consulter des parties du dossier portant les déclarations et/ou les
informations émises par l’entreprise dénonciatrice et ce au niveau des locaux de la commission392.

390
C. Lucas De Leyssac, « Rapports de synthèse », in les sanctions judiciaires des pratiques anticoncurrentielles,
colloque du CRDAE, Paris I, avril 2004, LPA, 20 janvier 2005, n°14, p. 65 et spéc. p. 68.
391
R. Dumais, Essai sur la fondamentalisation du droit des affaires, L’Harmattan, 2008, p. 215. Pour cet auteur, le
secret des affaires, est la « traduction d’un droit fondamental substantiel : le droit au respect de la vie privée. Dès lors,
« l’intérêt légitime des opérateurs économiques à ce que soit respecté le secret de leurs affaires les conduit à demander
la non-divulgation d’informations relatives à leur stratégie commerciale, à leurs résultats, leurs modes d’organisation.
Cette revendication n’est ni plus ni moins qu’un appel au respect de leur vie privée professionnelle » p. 215.
392
V. à titre d’exemple, la décision de la commission du 07 octobre 2009 dans une entente relative au partage des
marchés des transformateurs de puissance, dans laquelle elle a appliqué le programme de clémence de 2002, (affaire
COMP/39.129 ; IP/09/1432).

165
Cette autorisation peut aller jusqu’à prendre des notes manuellement sans pour autant les
utiliser à d’autres fins.

Il faut signaler tout de même que cette autorisation susmentionnée prend la forme d’un
engagement, sous peine de sanction, de même en ce qui concerne la transaction communautaire,
les destinataires d’une communication des griefs qui n’ont pas cherché et/ou ont pas demandé de
transaction, peuvent accéder aux propositions de transaction mais dans le même cadre de
l’engagement relatif à la procédure de clémence..

Dans le cadre des procédures négociées, les plaignants n’ont pas en revanche accès au
dossier.

La politique de confidentialité dans les Etats membres : règles largement convergentes avec
le modèle européen :

La protection du demandeur de clémence ou le dénonciateur (son identité et les éléments


dévoilés par celui-ci) est assurée que ce soit par le programme européen ou les programmes de
certains Etats membres, la France entre autres jusqu’à la communication des griefs, donc l’autorité
de concurrence fait en sorte de préserver la confidentialité de l’identité du dénonciateur durant
toute la procédure jusqu’à l’envoi de la notification des griefs aux tiers concernés393. Dès lors le
dénonciateur est déjà bel et bien connu pour ces derniers.

Il faut tout de même mettre le point sur la qualité du dénonciateur, puisque celui-ci ne peut
être qu’une personne morale dans le programme français de clémence, alors que dans d’autres
programmes, peuvent bénéficier de la clémence tant les personnes physiques que les personnes
morales394.

Après la notification des griefs, l’opportunité est offerte pour les destinataires qui peuvent
donc accéder aux données confidentielles qui ont précédées cette étape, ces données peuvent être
écrites ou orales, toutefois elles sont retranscrites par l’autorité de concurrence 395.

393
Point 44 du communique de procédure du 02 mars 2009 relatif au programme de clémence français.
Disponible sur le site internet : tttp://www.autoritedelaconcurrence.fr/
394
A titre d’exemple les programmes portugais, allemand et espagnol, en revanche à l’instar du programme français
de clémence, les personnes physiques sont exclues de l’application de la clémence dans d’autres Etats européens
notamment les programmes finlandais, italien, suisse et hongrois.
395
Silvia PIETRINI, L’action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles. Perspectives nationale, europeene,
et internationale. Editions Bruylant, Bruxelles. 2012, p. 617.

166
La protection de certaines informations s’étale même devant le juge pénal et ce si la
responsabilité pénale se manifeste formellement.

Il faut reconnaitre que le REC (le réseau européen de concurrence) a adopté une résolution
intitulée « protection of leniency material in the context of civil damages actions » dont les
autorités de concurrence s’engagent à assurer le non-dévoilement des déclarations émises par les
entreprises dénonciatrices dans le cadre d’une procédure de clémence pour assurer l’efficacité de
cette dernière.

En ce qui concerne la procédure de transaction, les Etats membres disposant cette


procédure sont peu nombreux396, mais pour rendre cette procédure plus attractive, la commission
européenne applique sur les convoiteurs de cette procédure le même principe adopté sur la
procédure de clémence en matière de protection de confidentialité, pour influencer ces Etats pour
prendre part de cette procédure.

- Le cas du droit français :

Concernant la procédure d’engagements en vertu du communiqué du 02 mars 2009 y


affèrent, énonce que l’intégralité des documents fondamentaux à l’établissement de l’évaluation
préliminaire par le rapporteur ainsi que l’intégralité des documents constituant le dossier soumis à
l’autorité de la concurrence pour statuer sur les engagements, seront bel et bien à la portée des
parties concernées par cette procédure.

Or il est à signaler que cette portée est donnée sous réserve de l’intérêt légitime de la
couverture des secrets d’affaires des entreprises concernées, les différentes communications sont
ouvertes à l’adoption des procédures de protection des secrets d’affaires prévues aux articles L.
463-4 et R. 463-13 du code de commerce français397.

Quant à la procédure de non-contestation des griefs, qui s’est transformée en procédure de


transaction après la célèbre affaire Courage, si on s’accentue sur le communiqué du 10 février
2012 y affèrent, l’autorité de concurrence s’est contentée faire un renvoi aux dispositions générales
du code de commerce français relatives à l’accès au dossier.

396
S. HOLMES, P. GIRARDET, « Settling Cartel Cases : Recent Developments in Europe », in Cartels & leniency
2010.
Disponible sur le site internet : http://www.iclg.co.uk/.
397
Points 27-30 du communiqué, disponible sur le site internet de l’AdLC.

167
De son côté la procédure de transaction prévue par l’article L. 464-9 du code de commerce
entre le ministre de commerce et les entreprises ayant participé à une pratique anticoncurrentielle
locale, l’article R. 464-9 du même code prévoit que la communication des faits constatés et le
rapport administratif d’enquête portant les faits constatés, leur qualification juridique et leur
imputabilité sont exclusivement consultables par les destinataires de la procédure et encore sous
réserve de la protection du secret des affaires.

Alors que dans le cadre de la procédure de clémence, on peut clairement distinguer le


renforcement de la protection des éléments rentrant dans cette procédure :

Puisqu’en dehors de la protection réservée au secret des affaires en vertu des dispositions de
l’article L. 463-4 du code de commerce français, le communiqué affèrent à cette procédure du 02
mars 2009 prévoit de son côté, la protection de la confidentialité de l’identité du demandeur de
clémence ainsi que de son apport en informations et/ ou documents, est pleinement assurée durant
toute la procédure jusqu’à la notification des griefs aux parties concernées.

En plus la procédure de clémence représente un motif légitime justifiant la non -


transmission au parquet du dossier portant l’exonération de l’entreprise bénéficiaire d’une
clémence, ce qui épargne bien évidemment aux personnes physiques appartenant à cette entreprise
d’être des sujets d’éventuelles poursuites pénales.

Or en cas de demande d’avis présentée par le juge à propos de la mise en œuvre d’une
pratique anticoncurrentielle, l’autorité de concurrence pourrait transmettre son avis accompagné
de toutes les pièces du dossier sauf celles élaborées ou recueillies dans le cadre du programme de
clémence398.

Chose qui s’adapte plutôt avec le contenu de la loi n° 2011-525399 du 17 mai 2011 de
simplification et d’amélioration de la qualité du droit en stipulant « ne sont pas communicables …
les documents élaborés ou détenus par l’autorité de la concurrence dans le cadre de l’exercice de
ses pouvoirs d’enquête, d’instruction et de décision ».

Dès lors il était clair que l’option était plutôt celle d’une protection accrue de la
confidentialité des documents issus du programme de clémence.

398
Art. 1 bis du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, 23 décembre
2011.
399
Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, JORF n° 115 du 18 mai
2011, p. 8537.

168
2. La protection des informations par la mise en place de procédures de
paperless

La procédure de clémence étant d’origine américaine, l’Antitrust Division est pionnière en


matière de paperless, elle a donné son aval pour que la procédure s’effectue oralement en termes
de protection des éléments probants dévoilés dans ce sens400.
Or dans le cadre de notre étude, il est utile de traiter cette procédure et même celle de la transaction
notamment leur application en vertu du droit communautaire et du droit français.

- La procédure paperless mise en place par la commission européenne :

A la demande de l’entreprise, l’autorité de concurrence peut accepter que les demandes de


clémence ou les propositions de transaction s’effectuent oralement.

Et ce se consacre via la communication sur la clémence de 2006 et la communication sur la


transaction de 2008, aussi le règlement n° 1/2003, et le règlement n° 773/2004, selon lesquels la
commission a le plein pouvoir de recueillir des déclarations qui peut être par tout moyen de
communications notamment par téléphone ou par voie électronique et dont l’enregistrement peut
se faire sous toute forme.

Bien évidemment l’expression « toute forme » renvoie naturellement à la possibilité de faire


des déclarations orales, en tout cas la jurisprudence européenne ne cesse de confirmer ce point de
vue401 dans le cadre de la procédure de clémence.

L’essentiel dans l’aloi oral repose sur l’enregistrement sonore ou constatée par écrit moyennant
la rédaction d’un procès-verbal.

Si on s’accentue sur la procédure paperless ou la procédure sans papier qui entoure la clémence
et la transaction, on peut conclure qu’à la demande de l’entreprise concernée, la commission peut
autoriser que les déclarations en vue d’obtenir la clémence soient faites oralement (donc sans

400
J. –C. Roda, La clémence en droit de la concurrence. Etude comparative des droits américain et européens, § 298.
401
V. sur ce pont Roda, précité, p. 323.

169
papier) à condition que leur contenu n’ait déjà été divulgué à des tiers402. Dans le cas contraire la
protection demandée ne serait pas justifiée.

Ces déclarations orales qui remplissent cette condition, sont enregistrées et transcrites au
niveau de la commission, voire dans les bureaux de la commission.

Or l’accès à ces déclarations orales après l’enregistrement assuré par les soins de la
commission est bel et bien possible dès l’envoi de la notification des griefs aux parties concernées.

Quoi qu’il en soit les déclarations orales sont considérées comme éléments de preuve403,
l’absence de papier n’exclue en rien son poids, puisqu’elles rentrent dans la constitution du dossier
de la commission.

Quant à la procédure de transaction, après le cumul de critiques soulevées contre le projet de


communication qui stipulait le caractère écrit de la demande de transaction404, la commission a
finalement élaboré des règles similaires à celles prévues dans le cadre du programme de clémence :

De ce fait la commission peut accepter que les propositions de transaction soient faites et/ ou
présentées oralement, et l’enregistrement et la transcription de ces propositions s’effectuent dans
les bureaux de la commission405.

Il faut tout de même signaler que le contenu de l’enregistrement de la commission dans le


cadre de ces deux procédures (la clémence et la transaction) peut être vérifié et corrigé par les
parties concernées : autrement dit les parties peuvent revoir voire réécouter leurs déclarations par
rapport à leurs coïncidence avec l’enregistrement, corriger la teneur de leurs déclarations et/ou de
leurs propositions de transaction et même contrôler l’exactitude de la transcription406.

402
Communication sur la clémence de 2006, § 32. La commission précise que la protection de ces déclarations n’est
pas justifiée dès lors que l’entreprise communique son contenu au tiers.
403
Communication sur la clémence de 2006, § 31.
404
V. M. L. TIERNO CENTELLA, E. CUZIAT, « La procédure de transaction communautaire », in Les procédures
négociées en droit de la concurrence : Engagements et transaction. Droit français-Droit communautaire, conférence
du 03 avril 2008, Paris, Concurrences, 2-2008, p. 9 et spés. p. 12.
405
Communication sur la transaction, § 38.
406
V. Ibid., § 38 ; communication sur la clémence de 2006, § 32. L’annexe sur la procédure relative aux déclarations
faites par les entreprises afin d’obtenir l’immunité d’amendes ou une réduction de leur montant dans les affaires
portant sur des ententes, ajoutée au projet de communication de 2006. Cette annexe n’a pas été prise dans la version
finale.
Disponible sur le site internet http// :ec.europa.eu/competition/cartels/legislation/leniency_legislation.html.

170
Or en ce qui concerne les destinataires, ils sont privés de copier les renseignements
constituant le dossier de la commission par des moyens mécaniques ou électroniques, ils peuvent
seulement écouter les enregistrements et lire les transcriptions407.

On peut incessamment faire le point sur la possibilité d’effectuer toute la procédure


oralement : en vertu de la communication de 2006, celle-ci stipule que la coopération nécessaire
pour bénéficier de de la clémence exige également la présentation de preuves en possession ou à
disposition du dénonciateur convoitant de cette clémence et encore une liste détaillée des éléments
de preuve que l’entreprise en cause se propose de divulguer ultérieurement408.

Et l’enregistrement ainsi que la transaction de toutes les déclarations orales. Alors que la
procédure de clémence américaine est essentiellement orale.

Bien évidemment la commission en adoptant la procédure américaine sans papier (ou


paperless) voulait à tout pris en tirer profit de l’expérience américaine et garantir à bien l’efficacité
du concept des procédures négociées.

Or, les procédures de paperless rencontrent tout de même certaines limites qui varient selon
les programmes de référence à savoir : en France les avis de clémence sont publiés intégralement
sur le site internet de l’autorité de la concurrence, au Danemark, il est possible de consulter le
résumé des affaires, publié par l’autorité de concurrence, alors qu’en Suède la procédure est en
principe ouverte au public409.

- La diffusion de la procédure « paperless » en France :

Cette procédure est répandue en Europe notamment en France, puisqu’elle peut concerner
la demande de marqueur410 : le programme français de clémence prévoit qu’une demande par

407
V. à titre d’exemple, la décision de la commission européenne du 12 novembre 2008 dans le cartel du verre
automobile (COMP/39125 ; IP/08/1685).
408
Communication sur la clémence de 2006, § 9 et §16 (b).
409
Silvia PIETRINI, L’action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles. Perspectives nationale,
européenne, et internationale. Editions Bruylant, Bruxelles. 2012, p. 623.
410
On peut trouver en Europe d’autres types de demandes notamment : la demande sommaire, le rapport du REC ECN
Model Leniency Programme : Report on assessment of the state of Convergence du 13 octobre 2009 fait état de dix-
sept programmes qui disposent de la possibilité de présenter une demande sommaire de clémence sous forme orale ;
la demande complète de clémence , le même rapport du REC fait état de dix-neuf programmes entre autres le Portugal
et la Pologne ne disposent pas d’une telle possibilité.

171
téléphone peut suffire à marquer l’ordre d’arrivée des demandes de clémence, on peut signaler que
même la demande de marqueur anonyme est valable411.

Il est à noter que le programme français de clémence dans le cadre de l’oralité de la


demande, n’exige pas que cette oralité soit justifiée 412, dès que cette demande orale est faite
l’autorité de concurrence effectue l’enregistrement, sous forme d’un procès-verbal413.

Quant aux déclarations elles peuvent aussi se faire oralement ; la question se pose sur la
possibilité qu’une coopération soit totalement orale, le communiqué de procédure de 2009 prévoit
que les informations peuvent se faire oralement, mais la pratique du conseil de la concurrence a
priori n’admet pas une totale coopération orale, puisque les éléments d’information pouvant être
constitués de preuves documentaires (donc on est loin du paperless) et que l’entreprise
dénonciatrice peut compléter par des déclarations orales414.

Tandis que le communiqué de procédure permet à l’entreprise de présenter des éléments


de preuves documentaires ou de « toute autre nature »415.

En face à cette imprécision, il n’est pas à exclure une procédure totalement orale.

Toutefois à la demande de l’entreprise, la déclaration orale peut être enregistrée sur support
électronique par l’autorité française de la concurrence, à défaut l’enregistrement prendra la forme
de procès-verbal établi par un rapporteur, bien qu’il soit à noter que le communiqué ne fait aucun
renvoi vers la possibilité d’effectuer d’éventuelles vérifications sur l’exactitude de la
retranscription avec l’enregistrement et l’accès des parties aux déclarations orales.

Rappelons que le programme français de clémence, porte la publication intégrale de son


avis sur le site internet de l’autorité de concurrence, ce qui pèse incessamment sur l’absolu de la
procédure de paperless.

411
Sur ce point v. Q. Franco, « quelle convergence des programmes nationaux de clémence ? L’exemple des
programmes français, britannique, allemand, italien et espagnol » précité, p. 49.
412
Cette justification est exigée par exemple dans les programmes italien et néerlandais.
413
V. point 30 du communique de procédure du 2 mars 2009.
414
V. notamment la décision n° 06-D-09 du 11 avril 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de
la fabrication des portes, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 24 avril 2007, § 291 : « l’entreprise
demandant le bénéfice de la clémence doit apporter au conseil de la concurrence tous éléments d’information, qui
peuvent être constitués de preuves documentaires : documents internes à l’entreprise, comptes rendus de
réunions…que l’entreprise peut compléter par des explications synthétisées dans un ou plusieurs mémoires versés à
l’appui de sa demande, ou de déclarations orales ».
415
Communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif au programme français de clémence, précité, § 14.

172
B. L’établissement des conditions de la responsabilité

À travers le titre précédant, on a pu projeter l’ampleur des protections réservées aux


informations requises par les autorités de concurrence, on s’est concentré sur les règles élaborées
par les autorités de concurrence en ce sens pour arriver à plus d’attractivité voire à plus d’efficacité
des procédures négociées ;
Mais à un moment donné on peut se demander quand même, du sort de la victime dans tout
ça, elle en est où par rapport à l’établissement des conditions de la responsabilité de l’auteur de la
pratique anticoncurrentielle, qui apparait loin d’être anodin !

Nous allons essayer de répondre à cette question, en évoquant deux points de droit :
comment la victime peut-elle se servir d’une telle ou telle procédure négociée pour établir la
responsabilité du contrevenant, et quels sont alors les moyens dont elle dispose pour arriver à cette
fin.

1. Les bénéfices tirés des procédures négociées

En droit algérien comme on l’a déjà précisé, il n’y a pas vraiment un processus spécifique
pour le concept d’une procédure négociée voire d’une procédure alternative ou accessoire à la
sanction : on ne trouve aucun texte qui nous renvoi au déroulement de la procédure dite –négociée-
Or on reconnait qu’on est en plein cœur d’une procédure classique voire normale, la seule
différence c’est que le conseil de la concurrence selon sa propre appréciation peut donner un
verdict portant une exonération totale ou partielle de l’amende encourue.

Alors en suivant une certaine logique une procédure négociée algérienne n’est pas dotée
d’une vraie protection d’informations tant qu’il n’y a pas vraiment un texte qui stipule ça.

Dès lors le conseil de concurrence est contraint de divulguer toutes les informations
recueillies par ses soins dans le cadre d’une procédure dite négociée et à la demande du juge et
celui-ci peut même demander l’avis du conseil sur l’illicéité de la pratique évoquée à son niveau416.

416
Art. 38 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée

173
Et encore lorsque le conseil de la concurrence algérien est saisi d’une affaire ayant un
rapport avec secteur dépendant d’une autorité de régulation, il transmet immédiatement une copie
du dossier à cette autorité417.

Et pour faire pression sur le conseil de la concurrence algérien, tous les moyens sont bons
devant le juge, pour se procurer toutes les preuves écrites retenue par le conseil : puisque le
législateur stipule clairement que : « le juge peut ordonner à la demande d’une partie, la
délivrance d’une expédition ou la production d’un acte authentique ou sous seing privé, ou la
production de toute pièce détenue par un tiers, même si elle n’a pas été partie à l’acte »418.

Bien évidemment dès lors l’entreprise contrevenante qui obtient par « mérite » une
exonération totale ou partielle, via une procédure –dite- négociée s’expose à cœur ouvert aux
risques d’une éventuelle poursuite judiciaire pour réparation du préjudice causé par cette
entreprise : et comment ! Puisque celle-ci a énoncé sa culpabilité rien qu’on optant pour une
négociation avec le conseil de la concurrence.

Quant aux droit communautaire et français, il est clair via les règles adoptées par les
autorités de concurrence, qu’il est presque primordial pour elles de faire réussir ses procédures
négociées au détriment de l’intérêt privé de la victime et ce par rapport à l’établissement de la
responsabilité de l’auteur de la pratique anticoncurrentielle : puisque la victime est peu informée
et peu aidée par l’autorité de concurrence.

On peut constater cette réflexion tant au droit européen que du droit français :

En droit européen, dans le cadre de la procédure d’engagements, il est juste question de la


publication d’un résumé succinct de toute l’affaire, du principal contenu des engagements et de
l’orientation posée pour que les tiers puissent présenter leurs observations419.

Ce qui limite certainement l’accès des victimes aux informations essentielles à


l’établissement de la responsabilité du contrevenant aux règles de la concurrence.

417
Art. 39 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée.
418
Art. 73 du code de procédure civile et administrative algérien.
419
G. A. Sofianatos, Injonctions et engagements en droit de la concurrence- Etude de droit communautaire, français
et grec, précité, § 84.

174
En ce qui concerne les procédures de clémence et de transaction, leurs programmes ont mis
des règles similaires afférentes aux plaignants tiers420.

En transaction, la commission informe les plaignants par écrit de la nature et de l’objet de


la procédure, de même qu’en clémence, les plaignants sont privés de l’accès et à la communication
des griefs, et au dossier qu’il s’agisse de propositions de transaction, de documents ou de
déclarations, écrites ou enregistrées, dévoilés dans le cadre de transaction ou de clémence.

Il est à signaler que la protection des éléments constituant le dossier de la commission,


voire l’interdiction de divulguer leurs contenus est préservée même après l’adoption de la
décision : sur ce point la commission estime qu’une telle divulgation porterait assurément atteinte
à certains intérêts publics ou privés421, et encore la commission s’abstient que ce soit dans la cadre
d’une clémence ou d’une transaction de communiquer aux juridictions nationales les éléments de
preuves émis volontairement par leurs auteurs.

Quant au droit français, le conseil de concurrence français de 2005, a indiqué dans son
rapport annuel que « la divulgation de documents reçus dans le cadre de la demande de clémence
porterait atteinte à l’efficacité de son programme de clémence et pourrait constituer un
empêchement légitime à la transmission de ces documents »422

Toutefois, au détriment de l’article L. 420-6 du code de commerce français, la clémence


est pleinement considérée comme un motif légitime, justifiant la non-transmission du dossier y
affèrent au parquet, portant les noms des personnes physiques appartenant à l’entreprise
dénonciatrice et bénéficiaire de la clémence.

Et ce lorsque ces personnes sont susceptibles d’être poursuivies –pénalement- en justice423.

420
I. Idot, « L’accès au dossier de la commission dans la procédure de mise en œuvre des articles 81 et 82 CE.
Questions en suspens », in Le droit à la mesure de l’homme. Mélanges en l’honneur de Philipe Léger, Pedone, 2006,
p. 199.
421
Communication sur la transaction, § 40 et communication sur la clémence de 2006, § 40. Dans les deux procédures,
on invoque notamment l’atteinte à l’article 4 § 2 du règlement n° 1049/2001 du 30 mai 2001 relatif à l’accès du public
aux documents du Parlement européen, du conseil et de la commission. JOCE, 31 mai 2001, L 145/43
.
422
Rapport annuel de 2005, Etude thématique, précité, p. 175.
423
Communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif au programme de clémence français, précité, § 48.

175
En outre, la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité
du droit a cerné voire a fermé tout accès des tiers aux documents recueillis minutieusement par
l’autorité de concurrence, lors d’une procédure de clémence424.

Or la victime est encore marginalisée dans la procédure de non-contestation des griefs et /


ou la procédure de transaction, par rapports aux positions du ministre chargé de l’économie et les
entreprises auteures de pratiques anticoncurrentielles « locales ».

Cette marginalisation l’est moins dans le cadre d’une procédure d’engagements, chose qui
est plus ou moins confirmé par la cour de cassation qui a reconnu au plaignant le droit d’accéder
aux rapport administratif d’enquête et ses annexes425.

Quoi qu’il en soit la victime est incessamment confrontée aux dispositions de l’article L.
463-6, du code de commerce qui à son tour protège les pièces couvertes par le secret de
l’instruction devant l’autorité de concurrence, stipulant –à défaut- des sanctions pénales.

En revanche, la cour de cassation s’est montrée un peu réticente en appliquant cet article,
au nom des exigences propres à l’exercice des droits de la défense devant le juge, cette position
s’est manifestée lors de son fameux arrêt Samavem du 19 janvier 2010426.

Mais en vertu de cet arrêt susmentionné, il faut d’abord assurer deux conditions ; la
première concerne la nécessité des documents à l’exercice des droits de la défense de la partie qui
les produise, la deuxième concerne cette même partie qui doit apporter la preuve de la nécessité
de leur divulgation pour l’exercice de ses droits.

Et c’est parce que c’est difficile d’arriver à cette preuve, que le plaignant faisant partie à la
procédure devant l’autorité de concurrence, préfère incessamment se recourir aux dispositions de
l’article 138 du code de procédure civile français, pour demander au juge d’ordonner l’autorité de
concurrence la communication de certaines pièces.

424
V. Supra § 602.
425
Cass. Com., 4 novembre 2008, pourvoi n° 07-21.275, Bull. civ. IV, n° 188 sur cet arret Contrats, conc, consom.,
2008, comm. 274, obs. M. Bazex.
426
Cass. Com, 19 janvier 2010, pourvoi n° 08-19761 ; sur cet arrêt, v. C. Lemaire, S. Naudin, « Portée du secret de
l’instruction : La cour de cassation précise la portée du secret de l’instruction devant l’autorité dans le cadre d’une
procédure judiciaire ultérieure (Samavem /c JVC) », Concurrences, n°2-2010, p. 136.

176
Cette préférence et d’autant plus justifiée, puisque l’arrêt Semavem a priori reconnait le
droit de produire des pièces du dossier de l’instruction au seul défendeur -et non pas le demandeur-
pour lui permettre de faire valoir ses droits de la défense427.

Mais de toute façon il faut reconnaitre que récemment les juridictions françaises du fond,
ne reconnaissent nullement l’existence d’un empêchement légitime à la transmission de ces
documents dans le cadre d’une procédure d’engagements, du moment où ils prennent une version
non confidentielle et aucun secret des affaires des tiers n’étant mis en cause, et malgré les tentatives
d’opposition de l’autorité de concurrence en s’appuyant sur les dispositions de l’article 141 du
code de procédure civile français, mais en vain.

A titre d’exemple, dans un dossier plus ou moins récent428, une entreprise avait dénoncé
une pratique anticoncurrentielle devant l’autorité de concurrence, mais à la suite de l’acceptation
d’engagements, l’autorité de concurrence a fait un terme à cette procédure déclenchée sans
constat d’infraction : l’entreprise s’est dirigée incessamment au tribunal de commerce de Paris
pour demander réparation du préjudice causé par la pratique dénoncée ; et pour arriver à cette fin
elle a demandé au juge d’ordonner l’autorité de concurrence la communication des documents non
confidentiels recueillis dans le cadre de la procédure d’engagements , estimant que ces documents
seront utiles pour l’établissement de la faute et l’évaluation de son préjudice.

Or, l’autorité de la concurrence de son côté, avait invoqué une empêchement légitime à
cette communication en s’appuyant sur les dispositions de l’article 141 du code de procédure
civile ; mais en vain, puisque le tribunal a rejeté la demande de l’autorité en s’appuyant sur une
interprétation extensive de la lecture de l’article L. 463-6 du code de commerce opérée par la cour
de cassation auparavant : le tribunal a argumenté sa position en affirmant que si l’article L. 463-6
du code de commerce interdit clairement la divulgation des pièces méconnaissables à la partie
avant les communications ou consultations auxquelles il a été procédé dans le cadre de l’instruction
devant l’autorité, stipulant : « les principes découlant tant de la jurisprudence communautaire que
l’arrêt Semavem…autorisent (la partie), demandeur à la présente instance, à les produire dans la
mesure où cette divulgation est nécessaire à l’exercice de ses droits ».

427
Silvia PIETRINI, L’action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles. Perspectives nationale,
européenne, et internationale. Editions Bruylant, Bruxelles. 2012, p. 626.
428
TC Paris, 15e ch., SAS MA LISTE DES COURSES c/ Sté HIGHCO, Sté SOGEC GESTION, Sté SOGEC
MARKETING, 24 aout 2011, RG 2011014911.

177
Rien qu’en lisant ce passage on peut quand même soulever que le demandeur tout comme
le défendeur bénéficie des mêmes droits procéduraux.

Une fois devant le juge, bien évidemment pour les autorités de la concurrence le choix ne
se pose même pas entre la garantie de l’efficacité des procédures négociées, étant par excellence
des outils ayant vocation à lutter contre les pratiques anticoncurrentielles et l’établissement de la
responsabilité civile par les victimes des auteurs de ces pratiques.

L’attractivité de telle ou telle procédure alternative prime sur l’intérêt particulier de la


victime dans sa requête légitime de la réparation du préjudice qu’elle a subit.

C’est la raison pour laquelle que dans le cadre des procédures négociées, la victime des
pratiques anticoncurrentielles est peu aidée par l’autorité de la concurrence : toutefois la victime
peut essayer de conquérir certaines procédures négociées notamment là où ces auteurs
contrevenants ont reconnu leurs péchés.

1. 1. Les faibles bénéfices tirés des procédures d’engagements

Dans un effet paradoxale, l’acceptation d’engagement par l’autorité de concurrence reflète


la non-constatation d’infraction par celle-ci !!
La commission européenne ne tarde pas à préciser que les décisions sur les engagements
n’excluent guère la compétence des juridictions et les autorités nationales de concurrence de se
statuer sur l’affaire y afférente et de constater l’existence d’une infraction429.

Sauf que cette liberté est incessamment confrontée au respect des décisions de la
commission en la matière qui est reconnu par la jurisprudence et de l’objectif d’uniformité en vertu
de l’article 16 du règlement n° 1/2003 stipulant l’interdiction de prendre des décisions qui iraient
à l’encontre de la décision envisagée dans une procédure intentée par la commission430.

A cet égard, on peut signaler aussi que la communication de la commission sur la


coopération entre elle-même et les juridictions nationales pour l’application du droit européen des

429
V. article 9 et considérants 13 et 22 du règlement n° 1/2003.
430
D. Waelbroeck, « le développement en droit européen de la concurrence des solutions négociées (engagements,
clémence, non-contestation des faits et transaction) : que va-t-il rester aux juges ? », GCLC Working Paper 01/08.
Disponible sur le site internet : http://www.coleurope.eu/content/gclc/documents, p.11.

178
pratiques anticoncurrentielles, stipulant que les juridictions nationales sont compétentes pour faire
respecter les décisions d’acceptations d’engagements pris par la commission.

Une compétence qui s’ouvre sur la connaissance des demandes en réparation des éventuels
dommages causés par le non-respect de ces engagements devant la commission ou une autorité
nationale de concurrence431.

Cependant il est à rappeler que les victimes ne peuvent s’appuyer sur les décisions
d’acceptation d’engagements -devant n’importe quelle juridiction-, puisque celles-ci ne prouvent
en rien une quelconque infraction aux règles de la légitime concurrence : tout simplement c’est
des décisions de non-lieu à poursuivre.

Alors du moment où l’autorité de concurrence tant au européenne que française ne se


prononce pas sur l’existence de l’infraction, la victime se voit obligée de se surpasser pour arriver
à prouver qu’il y eu assurément une infraction pour engager la responsabilité de l’enfreignant.

Sur le point précédant on peut évoquer le concept de la coopération entre juridiction et


autorité de concurrence : la juridiction peut demander l’assistance de l’autorité de concurrence sur
le même dossier où il a été question d’acceptation d’engagements, celle-ci va être surement
embarrassée432, du fait qu’elle devra donné son avis sur un dossier déjà connu et étudié par ses
soins et qu’elle s’est volontairement abstenue de l’établir et/ou de le qualifier auparavant pour
assurer l’efficacité de ces mêmes engagements.

L’efficacité d’une procédure négociée telle que celle des engagements engage un effet
volontairement amnésique433 sur l’autorité de concurrence, à gage de rétablir promptement l’ordre
concurrentiel.

Toutefois, si on suit une certaine logique, la victime doit dans un premier temps, se
contenter de prouver qu’il y eu acceptation d’engagements de la part de l’autorité de concurrence :
puisque rien que le constat d’une telle décision renvoie de prime abord qu’il y a eu effectivement

431
V. J. Davies et A. De Brousse, « Le point de vue de praticiens du droit communautaire », Concurrences, n° 1-2005,
p. 13.
432
C. Lucas De Leyssac, in « Les conséquences civiles et pénales dans un contexte d’internationalisation des
programmes de clémence » in Clémence et transaction en matière de concurrence. Premières expériences et
interrogations de la pratique, CREDA, Colloque organisé à Paris le 19 janvier 2005, p. 9.
Disponible sur : http://www.creda.cci-paris-idf.fr/colloques/2005-clemence-actes.html
433
G.-A. Sofianatos, Injonctions et engagements en droit de la concurrence. Etude de droit communautaire français et
grec, précité, § 471.

179
une infraction de la part de l’entreprise bénéficiaire de cette décision voire cette procédure
d’engagements : tout simplement si il y avait pas une infraction il y aurait pas d’engagements.

1. 2. Les bénéfices discutés des procédures d’admission de responsabilité ou de


non-contestation des griefs

Il est plutôt question de l’aveu émis par l’auteur de l’infraction voire sa qualification et sa
force devant les juridictions.
En matière de transaction communautaire, on est en face d’un réel aveu tout comme celui
de la procédure de clémence, donc une admission de responsabilité, c’est la raison pour laquelle
la victime a intérêt d’invoquer cet aveu devant le juge.

Toutefois elle est tout de suite confrontée à l’accès quasi-limité des informations
fondatrices de la procédure : puisque les secrets d’affaires et les informations confidentielles font
normalement défauts dans la publication de l’autorité de concurrence434.

Alors que la procédure de non-contestation des griefs voire de transaction française, cet
aveu est loin d’être concrétisé, d’ailleurs l’autorité de concurrence affirme que la non-contestation
des griefs n’est ni aveu, ni une reconnaissance de culpabilité435.

Dès lors, les entreprises victimes ne peuvent surement s’appuyer sur ce présumé aveu
devant le juge, voire cet aveu incomplet : cette réflexion ne fait pas l’unanimité, du moment où
l’autorité de concurrence qualifie cette renonciation de « claire, complète et dépourvue de toute
ambiguïté »436 ce qui ouvre quand même une brèche sur si cette non-contestation des griefs prend
les allures d’un aveu437, de même en ce qui conserne la transaction d’une pratique
anticoncurrentielle française, entre le ministre chargé de l’économie et l’entreprise contrevenante,
l’article R. 469-9-1 du code de commerce français dont ses dispositions, stipule clairement que le
rapport administratif d’enquete « met en évidence les faits constatés, leurs qualification juridique

434
Silvia PIETRINI, L’action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles. Perspectives nationale,
européenne, et internationale. Editions Bruylant, Bruxelles. 2012, p. 630.
435
Rapport annuel de l’autorité de concurrence de 2005, Etude thématique, p. 138.
436
Conseil de la concurrence, décision n° 06-D-09 du 11 avril 2006, relative à des pratiques mises en œuvre dans le
secteur de la fabrication des portes, § 303.
437
M. Chagny, « L’articulation entre actions privées et actions publiques », précité, p. 118

180
et leur imputabilité », c’est selon la position de l’entreprise, si celle-ci accepte cette transaction, ça
fera un terme à toute éventuelle action devant l’autorité de concurrence, à defaut : donc en cas de
refus, le ministre saisira aussi tot l’autorité de concurrence 438 : là aussi on est en face d’un aveu
voire d’un ressemblant d’aveu comme celui évoqué dans le cadre d’une procédure de non-
contestation des griefs.

1. 3. Les bénéfices évidents des procédures de clémence

Dans le cadre d’une procédure de clémence, la demande de clémence représente


effectivement un aveu de responsabilité, du moment où l’auteur et/ou dénonciateur d’une entente
reconnait qu’il est contrevenant et demande la clémence : le cas échéant le plaignant peut exploiter
les informations figurant dans la décision de clémence, pour établir un compte rendu détaillé sur
l’infraction commise par le défendeur439, et le déposer au niveau du juge à titre d’appui pour sa
requête.
La victime peut s’y mettre, puisque les programmes européens de clémence n’excluent
nullement la possibilité d’éventuelles actions en indemnisations devant les juridictions : dès lors
on est encore confronté à une opposition profonde entre les programmes de clémence et le «private
enforcement» en droit de la concurrence.

En effet un «private enforcement» effectif ou le recours privé, exige que les victimes soient
en mesure de prouver qu’il y eu bel et bien une infraction commise par un auteur bien déterminé
causant un préjudice subi par ces victimes : c’est l’établissement de ce lien de causalité qui permet
d’évaluer le préjudice susceptible de réparation.

Or ce qui pousse le contrevenant à se recourir à une telle procédure de clémence c’est bien
évidemment son intérêt d’obtenir l’immunité : alors le poids des sanctions encourues pèsera sans
doute sur l’importance des informations qu’il doit fournir à l’autorité de concurrence, ce qui
l’incite à avouer ses délits et mettre en cause ses complices en communiquant toutes les
informations nécessaire pour l’obtention de la clémence.

438
Article L. 464-9 du code de commerce français
439
Livre vert sur les actions en dommages et intérêts, précité, § 228.

181
Toutefois l’efficacité voire le suces d’une procédure de clémence se lie directement à la
confidentialité de ces informations : la divulgation de ces informations aura certainement un effet
néfaste sur les éventuelles entreprises convoitant une clémence.

La Commission laisse même le choix aux entreprises de donner leur aval si elles souhaitent
que les documents qu’elles auront fourni puissent être consultés par les personnes voulant agir en
réparation.

Autant dire que les victimes n’auront pas beaucoup de chances d’obtenir une réponse
positive440.

En effet une telle divulgation pourrait déclencher des actions contre les demandeurs, tant
devant d’autres autorités de concurrence à travers le monde (selon les travers de la pratique, si
celle-ci dépasse l’Etat où se situe l’autorité de concurrence « clémente »), que devant les
juridictions pour avoir la réparation du préjudice, et encore dans le cadre des actions collectives,
la somme des dommages et intérêts que les demandeurs de clémence risquent de payer pourra
dépasser largement la somme de l’amende encourue sans coopération avec l’autorité de
concurrence dans le cadre d’une procédure de clémence.

D’autant plus si la pratique a des travers internationales : à titre d’exemple : après avoir
détecté un cartel d’une grande renommée441, celui-ci a été sanctionné par diverses autorités de
concurrence : américaines, européenne et d’autres non-européennes d’’un montant d’environ 1,8
milliard de dollars d’amandes cumulées, mais après la découverte du cartel et suite à des actions
privées contre les cartellistes le montant d’indemnisation des victimes était entre 4,2 milliards et
5,6 milliards de dollars, inutile de comparer ce qui est incomparable !

Quoi qu’il en soit, pour que les victimes puissent établir le lien de causalité entre le
bénéficiaire d’une clémence, l’infraction et le préjudice, il faut se focaliser sur la demande de
clémence avec tout ce qu’elle porte comme éléments, et dans un premier temps, il est tout de
même utile d’accéder à la décision de clémence : Et c’est selon le contenu de cette décision qu’on
peut mesurer son utilité.

440
Voir l’article de Mme Chagny « L’articulation entre actions privées et actions publiques », Revue Lamy
Concurrence 11 juin 2208, pages 2 et 3, 123 Vitamines Antitrust Litigation, Misc. No. 99-197 (D.D.C. Sept 17, 2002)

441
Données de J. M. Cannor, « The Great Global Vitamins Conspirancy : Sanctions and Deterrence », 2006,
disponible sur le site internet www.antitrustinstitute.org.

182
Or, la victime est de nouveau confrontée au façonnage de cette décision avant publication :
en effet la commission européenne publie une décision dont les informations confidentielles ne
figurent pas.

En outre, la publication de cette décision sous forme de version non-confidentielle, peut


prendre plusieurs mois442, de même en ce qui concerne la décision de transaction ; et encore il est
à signaler que cette version ne sera publiée qu’après un préalable accord entre la direction générale
de concurrence et les entreprises concernées443.

2. Les tentatives d’accès aux preuves

Certainement ce n’est pas anodin pour les victimes des pratiques illicite, de recueillir les
preuves établissant la responsabilité civile des contrevenants, d’une façon ou d’une autre, alors
tous les moyens sont bons pour ces victimes pour avoir ce recueil, entre autres la procédure de
Discovery et d’autres moyens.

2. 1. Les tentatives d’accès aux preuves par le biais de la discovery

La Discovery ou la Disclosure, c’est une procédure propre au droit américain, il s’agit de


demander au juge étranger – territorialement parlons-par rapport à l’autorité de concurrence locale
qui a donné sa décision dans le cadre d’une procédure négociée, les informations d’appui de cette
décision, c’est une sorte de divulgation, d’où son appellation « discovery ».
En effet il y a pas mal d’affaires de renommée mondiale, dont les victimes des ententes
sanctionnées par la commission européenne dans le cadre de son programme de clémence, qui
tentent de recueillir les informations y afférentes, en s’adressant notamment au juge américain afin
d’en tirer profit de la Discovery.

On peut citer l’exemple de la célèbre affaire des vitamines : les victimes ont procédé à des
class actions devant la District Court of Columbia, en invoquant la discovery pour accéder aux

442
A titre d’exemple, la décision de clémence rendue dans l’affaire du cartel du verre automobile date du 12 novembre
2008, alors que la version non confidentielle et le résumé de la decision ont été publiés le 25 juillet 2009 (JO n° C 173
du 25 juillet 2009, p. 13).
443
Silvia PIETRINI, L’action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles. Perspectives nationale,
européenne, et internationale. Editions Bruylant, Bruxelles. 2012, p. 633.

183
demandes de clémence et aux informations fournies par le défendeur à la commission
européenne444 ; Alors que celle-ci s’est opposée en s’appuyant sur deux points : l’investigatory
privilege (qui protège les enquêtes de l’autorité de concurrence de toute divulgation) et le principe
de courtoisie internationale445 (en vertu de ce principe un Etat peut reconnaitre une certaine force
aux actes, législatifs, exécutifs ou judiciaire d’un autre Etat, selon ce qui y est stipulé dans les
obligations, les conventions internationales et les droits de ses propres citoyens ou des autres
personnes qui sont sous la protection de ses lois)446.

D’emblée, la commission cherchait à travers ses arguments, à maintenir la confidentialité


des informations recueillies par ses soins qui pèsera sans doute sur l’efficacité et la viabilité de son
programme de clémence : mais le juge américain a rejeté sa demande pour deux raisons selon sa
propre appréciation,

La première concerne l’investigative privilège n’est pas adaptable sur cette affaire, puisque
la commission n’a pas à le demandé tant que les documents et/ou informations en question ne sont
pas seulement en sa possession mais elles sont aussi en possession du défendeur.

La deuxième concerne une sorte de mise en balance faite par la cour américaine de la
demande de discovery avec le principe de courtoisie internationale et en tenant compte de
plusieurs facteurs élaboré par la jurisprudence, et ça a abouti que le droit du demandeur d’accéder
aux documents fournis par le défendeur dans le cadre d’une procédure de clémence communautaire
qui prime sur le principe de courtoisie internationale.

Et depuis le défendeur américain à la class action a été contraints de divulguer ce qu’il a


présenté pour bénéficier de la clémence communautaire.

444
V. In re Vitamins Antitrust Litigation, Misc. n°99-197 (18 décembre 2002). Des demandes de Discovery avaient
visé également les documents communiqués dans le cadre de la procédure de clémence qui s’était déroulée devant
l’autorité de concurrence canadienne.
445
La Common law designe ce principe par le terme de comity.
446
A. Cenk Keskin et J.-M. Sorel, Pour un nouveau droit international de la concurrence, L’Harmattan, 2009, p. 196.

184
2. 2. Les tentatives d’accès aux preuves par le biais d’autres outils

En principe, les plaignants peuvent accéder aux documents afférents à une procédure
négociée sur une pratique anticoncurrentielle en s’appuyant sur le règlement n° 1049/2001447 du
parlement européen et du conseil du 30 mai 2001, relatif à l’accès public aux documents du
parlement européen, du conseil et de la commission.
Or les demandeurs à la class action sont encore limitées dans le cadre des procédures
négociées notamment en clémence et en transaction communautaires, puisque la commission a
précisé que la divulgation des informations recueillies en la matière par ses soins, porterait atteinte
à certains intérêts publics ou privés, parmi lesquels les objectifs des activités d’inspection et
d’enquête au sens de l’article 4 du règlement susmentionné, même après l’adoption de la
décision448 : en effet la commission se base sur les dispositions de cet article pour refuser la
divulgation, ce qui soulève la faiblesse presque avouée des outils en droit européen de la
concurrence.

447
Le règlement n° 1049/2001 du parlement européen et du conseil du 30 mai 2001, relatif à l’accès public aux
documents du parlement européen, du conseil et de la commission, JO L 145, du 30 mai 2001, p. 43.

448
§ 40 de la communication sur la clémence et § 40 de la communication sur la transaction.

185
CONCLUSION

A travers cette étude, il était tenté de mettre en évidence les différentes procédures
négociées qui ne cessent de se développer en parallèle à la répression, un développement facilité
par les atouts que représentent ces procédures sur divers plans, tant au regard des autorités de
concurrence, notamment la réduction de la charge probatoire, l’accélération des délais de
traitement des affaires et l’aide au développement d’une culture de la concurrence, qu’au regard
des entreprises mises en cause en bénéficiant surtout d’une exonération qui peut aller jusqu’à la
totalité de la sanction encourue .
D’emblée, il était nécessaire d’évoquer le concept de la négociation en traitant lesdites
procédures, s’agissant d’un accord plus ou moins contractuel entre deux parties : D’une part
l’autorité de la concurrence dotée d’un pouvoir de sanction et d’autre part l’entreprise mise en
cause qui devrait être à la fois intéressante et intéressée : en effet Intéressante par rapport à ce
qu’elle dispose comme informations et/ou de documents et intéressée par rapport à sa volonté de
négocier et/ou de collaborer de son plein gré.
Ce déséquilibre de pouvoirs entre les deux parties implique incessamment la
reconnaissance d’une certaine adhésion, dont l’entreprise contrevenante est assujetti, ne disposant
ainsi que de la faculté d’adhérer ou pas : cette réflexion s’adapte forcement aux procédures de
clémence, de transaction, et de non-contestation des griefs (sans engagements), quant à la
procédure d’engagements, la marge de négociation est plutôt manifestée dans la proposition et
l’acceptation des engagements représentant ainsi la procédure la plus négociée parmi toutes.
Toutefois, nous souscrivons à définir ces instruments propres au droit de la concurrence de
« procédures négociées », puisque la négociation selon les cas est la caractéristique essentielle de
ces procédures, dans la mesure où les entreprises susceptibles d’être sanctionnées et les autorités
de concurrence font des concessions réciproques.
A cet égard, il est utile de rappeler qu’il n’y a pas vraiment un consensus sur cette
définition, nombreux qui préfèrent utiliser la notion de procédures alternatives ou accessoires ou
alternatives au pouvoir de sanction des autorités de concurrence au lieu de procédures négociées.
En adoptant la voie comparative, nous avons pu soulever la particularité de la procédure
négociée algérienne, une particularité qu’on peut la traduire en infériorité en matière de la pratique
du conseil de la concurrence par rapport aux autorités de concurrence communautaire et française.

186
En effet le gel du conseil de la concurrence qui a duré plus d’une décennie (de 2003 à 2013)
avait forcement paralysé le libre et surtout l’équitable jeu de la concurrence et n’a sûrement pas
laissé sa pratique aller de l’avant notamment en employant ces moyens alternatifs aux sanctions.
Ces moyens si avenants qui n’arrêtent pas de se développer dans le cadre d’une régulation
bel et bien maitrisée par d’autres autorités de concurrence, communautaire et française entre autres.
Nonobstant sa reprise449, le conseil algérien de la concurrence jusqu’au jour d’aujourd’hui est
toujours novice en matière de règlement de litiges anticoncurrentiels et à travers ses BOC (bulletins
officiels de la concurrence) il s’est contenté quasiment de rappeler la loi afférente « des textes de
base déjà connus théoriquement ».
La finalité de cette étude était de montrer et/ou de démontrer que ces procédures négociées
sont à double tranchant : En effet la première partie de cette étude a rappelé leurs vertus et celles-
ci sont indéniables, quant à la deuxième s’est accentuée sur les défauts voire les quelques vices
cachées de ces desdites procédures, c’était d’ailleurs, notre façon de peser le pour et le contre de
ces fameuses procédures bel et bien inconnues en droit interne.
En somme, on ne peut nullement prétendre que les quatre cas de figure des procédures
négociées traitées dans cette étude, représentent une panacée contre tous les maux concurrentiels :
Puisque de telles procédures ne sont tout de même pas exemptées de lacunes notamment par le
fait de cantonner les garanties d’un procès équitable devant les autorités de concurrence en se
référant à la régulation assurée par ces autorités administratives indépendantes, ou par la quasi-
mise à l’écart du contrôle juridictionnel en se référant à la négociation préalable entre ces autorités
et les contrevents qui se traduit en collaboration aboutissant à l’adoption de telle ou telle procédure
dite négociée, ou encore l’entrave à la réparation des préjudices concurrentiels devant les
juridictions en limitant l’accès à la preuve voire en sanctuarisant les informations d’appui fournies
dans le cadre de ces procédures rendant ainsi les victimes des pratiques anticoncurrentielles,
victimes aussi des procédures négociées.
Le cas échéant le fait de chercher l’efficacité absolue des procédures négociées a créé une
sorte de chevauchement entre ce qui relève du «public enforcement» et ce qui relève du «private
enforcement», en favorisant les intérêts objectifs au détriment des intérêts subjectifs.
A cet égard, la coexistence du contentieux subjectif et du contentieux objectif de
concurrence montre sans aucun doute l’indépendance et l’interdépendance des juges et des

449
la reprise ressente du conseil de la concurrence en 2013 et l’extension de ses pouvoirs et/ou prérogatives,
notamment le relèvement des amendes, le pouvoir d’auto-saisine et l’élargissement de sa composition à 12 membres
au lieu de 07 , V le site web : http://www.conseil-concurrence.dz/

187
autorités de concurrences. Il est donc nécessaire d’assurer une coexistence pacifique entre ces deux
contentieux, notamment en aménageant les règles en vue d’assurer un accès encadré aux
informations dévoilées notamment dans le cadre du programme de clémence.
Or, l’opacité des dispositions de l’article 60 de l’ordonnance 03-03 modifiée et complétée
relative à la concurrence qui reste le texte unique qui fait allusion à une prétendue procédure
négociée algérienne ,le manque de légifération de textes en la matière, le gel du conseil de la
concurrence durant une bonne décennie, la quasi-absence des décisions du conseil de la
concurrence concernant les pratiques anticoncurrentielles, l’absence de la jurisprudence y
afférente … un tout qui n’a fait que confirmer la raréfaction avouée de la pratique du conseil
algérien de la concurrence.
D’ailleurs dans ce contexte, il parait inutile de rappeler qu’il faut d’abord qu’il y est des
sanctions effectives pour pouvoir les négocier si besoin est.
Et jusqu’au jour d’aujourd’hui le conseil de la concurrence algérien n’a pas pris part
d’aucune procédure négociée en traitant ses quelques litiges anticoncurrentiels en sa possession.
Cependant, et pour les besoins de cette étude, il était nécessaire d’assembler voire de
recueillir quelques éléments-en vertu des dispositions de l’unique texte algérien- pouvant
constituer une procédure négociée au sens de la transaction française et précisément l’ancienne
procédure de non-contestation des griefs française avec prise obligatoire d’engagements
concomitants.

Bien que la procédure « négociée » algérienne est a priori plus attractive par rapport à la
procédure française en termes de récompense, surtout pouvant aboutir à une exonération totale,
mais nous avons pu constater des lacunes fondamentales en analysant ladite procédure, notamment
en matière de traitement des pratiques anticoncurrentielles, ou encore le déficit palpable en genre
et en nombre de la règlementation en vigueur.
L’adoption d’une telle procédure reste dans le cadre de la répression attribuée –
traditionnellement- au conseil de la concurrence et elle n’en est en rien une régulation avenante de
la part du conseil algérien, et ce tant qu’il n’y a pas encore un processus décisionnel propre au
traitement d’un litige anti concurrentiel dans le cadre d’une telle procédure dite négociée.
D’ici là, le traitement via une procédure négociée au niveau du conseil algérien de la
concurrence passe par la même procédure ordinaire voire classique du traitement aboutissant plus
ou moins à une répression.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette procédure algérienne échappe aux méfaits des
procédures communautaire et française non seulement en privant les contrevenants récidivistes de

188
toute mansuétude, mais aussi en assurant les garanties d’un procès équitable devant le conseil
algérien et la non-marginalisation du contrôle juridictionnel.
Et ceci n’est n’en rien une bienveillance du législateur algérien, mais c’est plutôt une
absence de textes en la matière qui demeure superficiellement bénéfique pour les entreprises
outrageant les règles du droit de la concurrence.
Dès lors pour pouvoir juger la pratique du conseil algérien de la concurrence en la matière,
il faut d’abord faire intégrer de vraies procédures négociées, alternatives aux sanctions, en
légiférant des textes de lois et des communiqués facilitant cette intégration pour subvenir aux
besoins d’une sphère concurrentielle saine, nul ne peut prôner sur l’efficacité de telle ou telle
procédure dite négociée sur les terres algériennes sans la pratique.

En somme, il faut d’abord arriver à la mise au jour de ces desdites procédures négociées
pour pouvoir conquérir leur mise à jour, c’est là qu’il apparait clair que « le domaine du droit
commence là ou finit la recherche de la vérité. »450.

450
Une citation de Cicéron, reprise dans Jean-Louis SCHEFER, "L’objet du droit ", 1976, communication 1.ces doutes
sont repris dans la doctrine moderne où il est permis de se demander s’il "n’existe pas un écart peut être considérable,
entre la vision du droit, qui nous est familière, et la réalité ? " : Paul DURAND, "la connaissance du phénomène
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IV. THESES, INTERVENTIONS ET COMMUNICATIONS

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analyse et approche méthodologique », communication faite à l’occasion de l’atelier thématique
du conseil de la concurrence-programme d’appui à l’accord d’association P3A, Alger, 22 mai
2013.

CLAUDEL. E, Ententes anticoncurrentielles et droit des contrats, thèse pour le doctorat Université
de Paris X-Nanterre U.F.R. de Sciences juridiques, administratives et politiques, 1994.

GUERSENT. O, Intervention lors d'un débat concernant "La pratique et les programmes de
clémence et de transaction", colloque sur "Clémence et transaction en matière de concurrence,
premières expériences et interrogations de la pratique", sous la présidence de Marco DARMON
.Paris ,25/01/2005.p.60

LASSERRE. B, Intervention lors de la conférence organisée par la revue Concurrences le 15 juin


2015, New Frontiers of Antitrust, lors de la table ronde consacrée au thème Commitment decisions:
Tool of choice or poison for antitrust enforcement?

MENOUER. M, Intervention lors du séminaire national relatif aux « réseaux de distribution » du


24 Octobre 2011 organisé par le laboratoire Droit économique et environnement, Université
d’Oran.

MOKEDDEM. T, Le traitement des pratiques restrictives de la concurrence –l’abus de position


dominante dans les télécommunications -, mémoire de magistère, Faculté de droit, Université
d’Oran, 2012.

MONEGER. J, Intervention lors du débat sur « Le contentieux de la concurrence, archétype du


processus d’harmonisation » , colloque organisé par CREDA sur « Pour une justice économique
efficiente en Europe, Enjeux et perspectives d’une harmonisation, le mardi 4 décembre 2007.

RIFFAUT-SILK. J, Intervention lors du colloque sur Les PME face au droit de la concurrence,
organisé par CREDA le 22 juin 2011

203
SEGAUD. J, Essai sur l’action publique, Thèse, Université Champagne-Ardenne, 2010

V. LES TEXTES DE LOIS

EN DROIT ALGERIEN

La Constitution algérienne de 1996, JORADP N°76 du 8 décembre 1996, modifiée par la Loi n°02-
03 du 10 avril 2002 JORADP N°25 du 14 avril 2002, la Loi n°08-19 du 15 novembre 2008
JORADP N°63 du 16 novembre 2008 et la Loi n° 16-01 du 6 mars 2016, JORADP n° 14 du 7
mars 2016

La loi organique n° 98-01 du 30 Mai 1998 relative aux compétences, à l’organisation et au


fonctionnement du conseil d’Etat, JOADP n° 31 du 01 juin 1998

L’ordonnance n°75-58 du 26/09/1975, portant code civil, JORADP n° 78 du 30/09/1975 modifiée


et complétée par la loi n°07-05 du 13/05/2007, JORADP n°31 du 13/05/2007

L'ordonnance 03-03 relative à la concurrence, JORADP n°46 du 20 Sep. 2003 (modifiée et


complétée par les lois n° 08-12, JORADP n°36 du 02 Juil. 2008. Et n°10-05, JORADP n°46 du 18
Aout. 2010).

La loi n°04-02 du 23/06/2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales, JORADP
n°41 du 27/06/2004

La loi 09-03 du 25 fév. 2009, relative à la protection du consommateur et à la répression des


fraudes. JORADP n°15 du 08/03/2009

La loi n° 13-07 du 29 octobre 2013 portant organisation de la profession d’avocat, JORADP n°55
du 30 octobre 2013

La Loi n° 08-09 du 15/02/2008 portant code algérien de procédure civile et administrative,


JORADP n° 21 du 23/04/2008
204
205
EN DROIT FRANÇAIS

Le code de commerce français

Le code de consommation français

La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001relative aux nouvelles régulations économiques (NRE), JOFR
du 16/05/2001.

La Loi de modernisation de l’économie (LME) n°2008-776 du 04 Aout 2008, JOFR du


05/08/2008.

La Loi no 2015-990 du 6 aout 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances
économiques, dite « loi Macron », JOFR du 7 aout 2015

La Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon » JORF n°0065
du 18 mars 2014

EN DROIT COMMUNAUTAIRE

Règlement (CE) n° 1 /2003 du conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles
de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité. JOUE L1 du 4 janvier 2003.

Règlement CE n° 622/2008 de la commission du 30 juin 2008 modifiant le règlement CE n°


733/2004 en ce qui concerne les procédures de transaction engagées dans les affaires d’ententes,
JOUE L173/3 du 1er juillet 2008

Communication CE, du 2 juillet 2008 relative aux procédures de transaction engagées en vue de
l’adoption de décisions en vertu des articles 7 et 23 du règlement CE n° 1/2003 du conseil dans les
affaires d’ententes, JOUE C 167/1 du 2 juillet 2008

206
Commission européenne, communiqué de presse IP/10/776 du 22 juin 2010, « Antitrust :
Commission Sends Statement of Objections to Suspects Participants in Window Mounting
Cartel ».

Communication CE, Livre vert sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et abus de position dominante, COM (2005) 672 final, 19 dec.
2005.

Communication CE, Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux
règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante, COM (2008) 165 final, 2
avr. 2008.

Communication de la commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur


montant dans des affaires portant sur des ententes, JOCE C 207 du 18 Juil. 1996, p.4.

La deuxième communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les
affaires portant sur les ententes, JOCE C. 45 du 19 Fév.2002.

La troisième communication sur l'immunité d'amendes et la réduction d'amendes portant sur les
ententes, JOCE C. 298 du 8 Déc.2006

La quatrième communication sur l'immunité d'amendes et la réduction d'amendes portant sur les
ententes, JOCE C. 256 du 5 aout. 2015

Communication CE, décision du 5 décembre 2007, caoutchouc chloroprène

Communication CE, décision du 16 décembre 2009 relative à une procédure d’application de


l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE, aff. COMP/C.3/39.530, Microsoft (vente
liée).

Communication CE, communication de la commission relative à la coopération au sein du réseau


des autorités de concurrence, 2004/ C 101/03, p. 1.

207
Communication CE, Livre vert sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et abus de position dominante, COM (2005) 672 final, 19 dec.
2005.

Communication CE, Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et abus de position dominante, COM (2008) 165 final, 2 avr.
2008.

VI. PRINCIPAUX ARRETS JUDICIAIRES

COUR D’APPEL DE PARIS

CA Paris, 24 Avr. 2007 : Contrats, conc, consom., 2007, comm. n°155, obs. G. Decocq.

CA Paris, 19 janvier 2010, Secteur du négoce de produits sidérurgiques).

CA Paris, Pole 5, chambre 5-7, arrêt, n°5, 19 Janvier 2010,

CA Paris, Aff. Cogent 19 décembre 2013, RG no 2012/19484

CA Paris, 29 janv. 2008, Le Goff Confort ; Cass. com., 29 mars 2011, Travail temporaire
(Manpower).

CA Paris, 1er juin 2010, Canal 9 ; la procédure négociée fait exception en matière de séparation
des fonctions d’instruction et du collège..

CA Paris, 19 janvier 2010, précité.80 Procédures négociées et stratégies des entreprises

CA Paris, 29 janvier 2008, aff. des chauffagistes, recours contre la décision n° 06-D-03 bis rendue
le 9 mars 2006

CA Paris, 19 décembre 2013, RG no 2012/19484, affaire Cogent, précitée

208
CA Paris 6 octobre 2009, GIE Les Indépendants.

CA Paris, 16 octobre 2007, 6 octobre 2009

CA Paris, 16 octobre 2007, Bijourama,

CA Paris, 6 novembre 2007, Canal 9)

CA Paris 10 octobre 2013, RG no 2012/07909 (sur déc. no12-D-10, affaire des croquettes).

CA Paris, 24 avril 2007, JH Industrie et Malerba

CA Paris, 6 novembre 2007, Canal 9/GIE Les indépendants, Concurrences, 2008, n°1.

CA Paris, 23 fevrier 2010, Expedia/SNCF

CA Paris, pôle 5 – ch. 5-7, 30 janvier 2014, RG no 2012/00732, pp. 42 et s. (rendu sur recours
contre la décision no 11-D-17

CA Paris, 16 octobre 2007, Bijourama c/ Festina.

CA Paris, 6 novembre 2007, Canal 9 c/ GIE Les indépendants. Pour une mise en exergue du
contrôle de proportionnalité exercé, v. L. Idot, Les engagements, in Corriger, équilibrer, orienter
(…), article précité.

CA Paris, 10 octobre 2013, RG no 2012/07999, rendu sur déc. 12-D-10 (affaire des croquettes),
approuvée par Cass. com., 17 mars 2015, pourvois nos G 13-26.003, V 13-26.083 et F 13-26.185.

CA Paris, 29 mars 2012, affaire de la signalisation routière verticale (la cour rejette comme
irrecevable la contestation quant à l’imputabilité de la pratique à la société SES, laquelle avait
renoncé à contester les griefs).

CA Paris, 10 octobre 2013, précité, et 25 septembre 2014, RG no 2013/05595 (sur déc. no13-D-
03).

209
CA Paris, 14 è ch. B, 1er juin 2007, SA France Telecom /c M. Jean Christian P., n°06/21059.

CA Paris, 20 nov. 2013, SAS Ma liste de courses, n°12/05813

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE

Cass Com., 4 novembre 2008, pourvoi n°07-21.275, GIE les indépendants.

Cass. com., 12 mai 2015, pourvoi no 14-10.792

Cass. com., 29 mars 2011, Travail temporaire (Manpower).

Cass. com., 12 mai 2015, pourvoi no 14-10.792.

Cass. com., 29 mars 2011, pourvoi nos 10-12.913 et 10-13.686.

Cass. com., 15 mars 2011, no 09-17.055

Cass. com., QPC 4 mars 2015, no 14-40.052

Cass. com., 17 mars 2015, pourvois nos G 13-26.003, V 13-26.083 et F 13-26.185.

Cass. Com., 4 novembre 2008, pourvoi n° 07-21.275

Cass. Com, 19 janvier 2010, pourvoi n° 08-19761

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES


EUROPEENNES

TPICE, 15 septembre 2016, aff. T-76/14 Morningstar Inc./Commission

TPICE, 11 juillet 2007, aff. T-170/06, Alrosa c/ Commission, pts 87 et 100

210
TPICE, 29 avril 2004, Tokai Carbon, aff. jtes T-236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01
et T-252/01, pt 108.

TPICE, 13 Avril 2005, aff. T-2/03, Verein fur konsumenteninformation c/Commission

TPICE, 16 novembre 2006, aff. T-120/04, Peroxydis Organicos SA.

TPICE, 15e ch., Sas Ma Liste Des Courses c/ Sté Highco, Sté Sogec Gestion, Sté Sogec Marketing,
24 aout 2011, RG 2011014911.

LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPEENNE

CJUE, gr. ch., 29 juin 2010, aff. C-441/07P, Commission c/ Alrosa.

CJUE, 6 nov. 2012, Europese Gemeenschop c/ Otis, aff. C-199/11.

CJUE, 6 novembre 2012, aff. C-199/11, Otis e.a.

CJCE, arrêt du 20 septembre 2001, aff. C-453/99, Courage Ltd/Bernard Crehan et Bernard
Crehan /Courage Ltd et autres.

CJCE, 14 juillet 2005, C-57/02 P, Acerinox,

CJCE, 14 juillet 2005, ThyssenKrupp, aff. jtes C-65 et 73/02 P

CJCE, 20 sept. 2001, Courage c/ Crehan, aff. C-453/99.

211
VII. SITES INTERNET

https://www.conseil-concurrence.dz/

https://www.mincommerce.gov.dz/

https://www.oecd.org/fr/

https://www.ssrn.com.

https://www.autoritedelaconcurrence.fr

https://www.iclg.co.uk.

http://eur-lex.europa.eu

http://www.creda.ccip.fr

https://www.autoritedelaconcurrence.fr

212
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 1

TITRE I. LE RECOURS AUX PROCEDURES NEGOCIEES : LA TENDANCE 5

Chapitre 1. La mise en valeur des procédures négociées : L’aloi de la négociation 6


Section 1. Les procédures négociées pouvant aboutir à une exonération totale 6
§ 1. La Clémence 6
A. La mise en œuvre de la procédure 7
1. champs d’application et déroulement de la procédure en droits communautaire et
français 8
1.1. La procédure de clémence en droit communautaire 10
1.2. La procédure de clémence en droit français 14
2. Le cas du droit algérien : l’autre procédure ! 15
B. L’attractivité de la procédure 20
1. L’intérêt de la procédure 20
1.1. Du point de vue des autorités de la concurrence 21
1.1.1. Les vertus partagées avec les autres procédures négociées 22
1.1.2. Les vertus propres à la procédure de clémence 24
1.2. Du point de vue des entreprises contrevenantes 26
2- la situation de la négociation 27
§ 2. Les Engagements volontaires 29
A. La mise en œuvre de la procédure 30
1. Champs d’application et déroulement de la procédure en droits communautaire et français
30
1.1. La procédure d’engagements en droit communautaire 31
1.2. La procédure d’engagements en droit français 32
2. Le cas du droit algérien : La mise à l’écart d’une procédure indépendante 33
B. L’attractivité de la procédure 34

213
1. L’intérêt de la procédure 34
1.1. Du point de vue des autorités de la concurrence 34
1.1.1. Les vertus partagées avec les autres procédures négociées 35
1.1.2. Les vertus propres à la procédure d’engagements 36
1-2. Du point de vue des entreprises contrevenantes 38
2. La situation de la négociation 40
Section 2. Les procédures négociées pouvant aboutir à une exonération partielle 41
§ 1. La Non-Contestation des griefs 42
A. La mise en œuvre de la procédure 42
1. Champs d’application et déroulement de la procédure 42
2. Le cas du droit algérien : La particularité de la procédure algérienne 47
B. L’attractivité de la procédure 49
1. L’intérêt de la procédure 49
1.1. Du point de vue des autorités de la concurrence 49
1.2. Du point de vue des entreprises contrevenantes 51
2. La situation de la négociation 53
§ 2. La Transaction 54
A. La mise en œuvre de la procédure 54
1. Champs d’application et déroulement de la procédure 55
2. Le cas du droit algérien : Une procédure ambiguë 58
3. Le cas du droit français : La mise à l’écart de la procédure communautaire 59
B. L’attractivité de la procédure 60
1. L’intérêt de la procédure 60
1.1. Du point de vue des autorités de la concurrence 60
1.2. Du point de vue des entreprises contrevenantes 62
2. La situation de la négociation 62
Chapitre2.La mise en concurrence des procédures négociées : Le choix de la négociation 65
Section 1. Les stratégies des entreprises contrevenantes : le processus de la négociation 65
§ 1. Les stratégies des entreprises dans la phase précontentieuse 65
A. Critères de choix de la clémence (premier rang) 66
B. Difficultés de mise en œuvre 67
§ 2. Les stratégies des entreprises dans la phase contentieuse 69
A. La cessation de la procédure normale 70

214
B. L’obtention d’une réduction d’amende avec ou sans mesures correctives 72
Section 2. L’articulation des procédures négociées 73
§ 1. L’articulation en procédures négociées 74
§ 2. L’articulation entre procédures négociées 76

TITRE II. LES INCIDENCES DE LA TENDANCE 78

Chapitre 1. Les méfaits des procédures négociées 79


Section 1. Sur le plan du fond du droit : Les laissés pour compte 79
§1. La victime marginalisée 80
§2. Les autres défendeurs fragilisés : L’hypothèse des procédures hybrides 84
Section 2. Sur le plan procédural : La limitation des droits des entreprises mises en cause 93
§1. Les méfaits de la régulation sur la limitation des garanties d’un procès équitable 93
A. Un contradictoire amoindri 95
B. Un accès au dossier restreint 96
§2. Les méfaits de la négociation sur la limitation du contrôle juridictionnel 97
A. La marginalisation du contrôle juridictionnel 98
B. Les limites du contrôle juridictionnel 104
Chapitre 2. La mise à l’écart de la réparation du préjudice concurrentiel 113
Section 1. Le renforcement du «private enforcement» 114
§ 1. Le «private enforcement» : Définition, objet et spécificité 114
A. La définition du «private enforcement» 115
B. L’objet du «private enforcement» 118
C. La spécificité du «private enforcement» 124
§ 2. L’élargissement des titulaires du droit au «private enforcement» 129
A. Les mandants à l’action privée concurrentielle 131
1. Les critères de définition des victimes de pratiques anticoncurrentielles 131
2. La définition du consommateur dans le recours collectif 134
3. Le cas de L'Union Européenne : Une victime comme les autres 137
B. Les mandataires en «private enforcement» : La représentation du groupe victime 139
1. Le représentant au sens large 141
2. La représentation spécialisée ou associative 147
Section 2. L’interaction entre procédures négociées et actions collectives 152

215
§1. L’effet intimidant des actions collectives sur les procédures négociées 152
A. La réparation des préjudices individuels 153
1. La réponse au caractère particulier du préjudice concurrentiel 155
2. Le renforcement des droits des consommateurs victimes par la consécration de l’action
collective 156
B. Le partage de la dissuasion 157
1. L’amélioration de l’accès des consommateurs à la justice au service de la dissuasion 159
2. Des entreprises plus responsables 159
§2. L’effet contraignant des procédures négociées sur les actions collectives 160
A. La protection des informations obtenues dans le cadre des procédures négociées 162
1. la protection des informations par les règles de confidentialité 165
2. La protection des informations par la mise en place de procédures de paperless 169
B. L’établissement des conditions de la responsabilité 173
1. Les bénéfices tirés des procédures négociées 173
1. 1. Les faibles bénéfices tirés des procédures d’engagements 178
1. 2. Les bénéfices discutés des procédures d’admission de responsabilité ou de non-contestation
des griefs 180
1. 3. Les bénéfices évidents des procédures de clémence 181
2. Les tentatives d’accès aux preuves 183
2. 1. Les tentatives d’accès aux preuves par le biais de la discovery 183
2. 2. Les tentatives d’accès aux preuves par le biais d’autres outils 185

CONCLUSION 186
BIBLIOGRAPHIE 190
TABLE DES MATIERES 213

216

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