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Approche documentaire : la radioactivité 

La radioactivité résulte de l’instabilité d’un noyau atomique qui se désintègre. Elle a été
découverte par Wilhelm Röntgen, Henri Becquerel et Marie Curie à la fin du XIX ème siècle. Si
la radioactivité a donné lieu à des applications technologiques (méthodes de datation, énergie
nucléaire civile, armes nucléaires), elle présente souvent un danger pour les organismes vivants
en raison des rayonnements ionisants qu’elle produit.
La désintégration d’un noyau peut prendre différentes formes :
 Radioactivité  : elle correspond à l’émission, par un noyau instable, d’une particule
, qui est en réalité un noyau d’hélium 24 He . Le noyau d’hélium qui contient 2 protons

et 2 neutrons, est un noyau particulièrement stable. La radioactivité  permet aux


noyaux lourds, contenant un nombre important de protons, de diminuer la répulsion
électrostatique des protons par émission d’une particule , qui emporte deux protons.
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Par exemple, le noyau U donne lieu à ce mode de désintégration.
92

 Radioactivité  : elle correspond à l’émission d’une particule  par un noyau instable.


On distingue la radioactivité   de la radioactivité   . La désintégration  

correspond à la conversion d’un neutron en proton et à l’émission d’une particule  

(électron) et d’un antineutrino électronique. La désintégration   correspond à la

conversion d’un proton en neutron et à l’émission d’une particule   (positron) et d’un


neutrino électronique. Par exemple, l’isotope radioactif de cobalt 60 se transforme en
nickel 60 par une désintégration   : Co  2860 Ni  e  v e .
60
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Figure 3-14 : Illustration de la radioactivité 


 Radioactivité ࢽ : elle correspond à l’émission d’un photon ߛ par un noyau se trouvant
dans un état excité et revenant dans un état d’énergie inférieure.

On s’intéresse à la radioactivité  .
La demi-vie d’un isotope radioactif représente la durée au bout de laquelle la population de
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noyaux radioactifs a été divisée par un facteur 2. Pour le noyau U , elle est de 4,5 109 années,
92

alors qu’elle est seulement de 3 10-7 s pour le noyau 212


84 Po . Il est rare qu’une grandeur physique

varie sur autant d’ordres de grandeur. Construire un modèle théorique rendant compte de ces
variations gigantesques se présente comme un véritable défi.

a) Résultats expérimentaux
Dans l’étude de la radioactivité , l’approche expérimentale a précédé la modélisation
théorique. Les demi-vies de différents isotopes radioactifs et l’énergie cinétique de la particule
 émise ont été mesurées. Le tableau ci-dessous recense différentes valeurs.

Tableau : Demi-vies  1/ 2 et énergie cinétique E de la particule  émise pour différents

noyaux radioactifs

On constate que l’énergie cinétique de la particule  émise s’échelonne entre 4 et 10 MeV. On


observe aussi que la demi-vie  1/ 2 semble d’autant plus grande que l’énergie cinétique E est

plus faible. Dès 1911, Geiger et Nuttal avaient remarqué cette dépendance et établi la loi
empirique :
B
ln  1/ 2  A  (1)
E

où A et B sont des constantes.


b) Rôle de l’effet tunnel dans la radioactivité  (modèle de Gamow, Gurney et Condon)
Pour interpréter ces résultats, Gamow propose en 1928 un modèle théorique basé sur l’effet
tunnel. Le même modèle théorique fut publié de façon concomitante et indépendante par
Gurney et Condon. On suppose que la particule  existe à l’intérieur du noyau. Celui-ci est
composé de A nucléons, dont Z protons. Il est considéré comme sphérique de rayon R  r0 A1/3 ,

avec r0  1, 2 10 15 m .

La particule  est traitée comme une particule quantique dont le mouvement est
unidimensionnel (on note x la variable de position). Elle est soumise à une énergie potentielle
résultant des effets suivants :
 Pour x  R : la particule est essentiellement soumise à l’interaction forte qui assure la

cohésion du noyau. C’est une interaction à très courte portée et qui se limite aux
nucléons plus proches voisins, dont le nombre reste à peu près le même tant que la
particule  reste dans le noyau. Dans ce modèle, l’énergie d’interaction de la particule
 est donc constante, indépendante de sa position. On modélise donc l’intérieur du
noyau comme un puits de potentiel où la particule  est dans un état lié.
 Pour x  R : comme l’interaction forte est à très courte portée, on la suppose

inopérante à l’extérieur du noyau. La particule  est alors seulement soumise à la


répulsion électrostatique exercée par les Z - 2 protons restés dans le noyau.
La figure 1 représente le profil d’énergie potentielle V  x  utilisée dans le modèle de Gamow,

Gurney et Condon. La référence d’énergie potentielle est choisie nulle lorsque la particule 
est infiniment éloignée du noyau.

Figure 1 : Modèle d’énergie potentielle ressentie par la particule . L’énergie E de la


particule  émise est indiquée par la ligne en tirets
La profondeur du puits de potentiel est notée V0 . Usuellement, on choisit V0 = 40 MeV. Même

si la particule  est piégée dans le noyau, la probabilité qu’elle franchisse la barrière de


potentiel par effet tunnel n’est pas nulle. Pour calculer la probabilité de transmission T à travers
la barrière, Gamow d’une part, mais aussi Gurney et Condon d’autre part, utilisent l’expression
approchée suivante :

2 Rc  2 Z e 2 
nT   
h R
2 m 
 4 0 x
 E  dx

(2)

où Z’ = Z - 2 et Rc est défini sur la figure 1 : Rc - R représente l’épaisseur de la barrière de

 RVm 2m V m
potentiel. Les calculs donnent la relation : ln T    2R m  (3)
h E h

2Z e 2
où Vm 
4 0 R

Compte tenu de son énergie cinétique, la particule  fait des aller-retour dans le noyau et ne
cesse de « rebondir » contre la barrière de potentiel. A chaque collision sur la barrière de
potentiel, la particule  a une probabilité T d’être transmise au-delà du noyau. Autrement dit, il
1
lui faut en moyenne collisions pour sortir du noyau. Si l’on note  0 la durée de traversée du
T
0
noyau, le temps moyen que la particule  passe dans le noyau vaut   . Un modèle
T
statistique permet ensuite de montrer que la demi-vie  1/ 2 se déduit simplement de  :

 1/ 2   ln 2 . (4)

La relation (4) exprimant  1/ 2 , s’accorde assez bien avec la loi de Geiger-Nuttal et valide les

idées developpées par Gamow, Gurney et Condon. S’il est bien sûr possible d’améliorer la
modélisation théorique, il n’en reste pas moins que le mérite de ce modèle est de montrer que
la radioactivité  résulte d’un effet purement quantique : l’effet tunnel. C’est la grande
sensibilité de la probabilité de transmission par effet tunnel à la masse et à l’énergie de la
particule qui est responsable des variations importantes de la demi-vie des noyaux radioactifs
sur plusieurs ordres de grandeur.

De même qu’il est possible qu’une particule  s’échappe du noyau par effet tunnel,
réciproquement, on peut envisager qu’un proton, par exemple puisse, pénétrer dans un noyau
par effet tunnel pour former un nouveau noyau. De fait, l’effet tunnel joue un rôle important
dans les réactions nucléaires faisant intervenir des particules chargées.

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