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UNIVERSITE DE FIANARANTSOA

ECOLE NORMALE SUPERIEURE

Laboratoire de recherche Interdisciplinaire en


DIdactique et en Education

(LIDIE)

COMMUNICATION INTERPERSONNELLE

Par Professeur RATSIMBAZAFY, Maître de


Conférences HDR

Année 2019
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Sommaire
Introduction

Chapitre 1 : COMMUNICATION ET COMMUNICATEUR


1.1 Le comportement humain
1.2 Schéma habituel de communication
1.3 Synthèse
1.4 Amélioration de la qualité de la communication
1.5 Ce qui sont nécessaires pour être un bon communicateur
Chapitre 2 : CONDITIONS D’EFFICACITE DE LA COMMUNICATION
2.1 Eléments nécessaires pour une bonne communication
2.2 Caractéristiques d’une bonne communication
2.3 Code
2.4 Le feed-back ou information en retour
2.5 Barrières de la communication
Chapitre 3 : LA COMMUNICATION INTERPERSONNELLE
3.1 Introduction
3.2 Cinq axiomes de la communication
3.3 - Du NORMAL au PATHOLOGIQUE
3.4 Ponctuation discordante
3.5 La communication paradoxale
3.6 Complexité de la communication
3.7 Les trois états du « MOI »
3.8 La conversation
3.9 Conclusion
Chapitre 4 : LA COMMUNICATION : FONDATION DES RELATIONS HUMAINES
4.1 Introduction
4.2 Les différentes marches des fondations
Chapitre 5: CAPACITE D’ECOUTE
5.1 Introduction
5.2 Processus d’écoute
5.3 Obstacles à l’écoute
5.4 Objectifs de l’écoute dans toute relation d’aide
5.5 Ce qu’il faut faire et ne pas faire en écoutant
5.6 Rétroaction. Apprendre des autres
5.7 Conclusion
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Introduction
Ce cours est destiné à apporter du savoir, du savoir-être et du savoir-faire à l’apprenant
pour lui permettre d’améliorer ses capacités dans le domaine de la communication. Nous
savons tous qu’en éducation, on a toujours besoin de transmettre quelque chose, ce qui sous-
entend l’existence à la fois d’émetteur, de récepteur, de message et d’environnement. Il est
donc évident de renforcer les capacités de l’apprenant à mieux affronter cette mission. Un
meilleur environnement doit ainsi être créé pour faciliter la tâche de l’animateur.
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Chapitre 1 : COMMUNICATION ET COMMUNICATEUR

1.1 Le comportement humain


Dans son environnement, le comportement humain peut être schématisé comme
suit (Figure 1.1): il y a d’abord le monde extérieur, puis l’idée, l’image et le degré d’estime de
soi et enfin le comportement extérieur.

Le monde L’idée de soi Le comportement


extérieur L’image de soi extérieur
Le degré d’estime de soi

Figure 1.1 : Schéma du comportement extérieur humain


De plus, notre comportement extérieur peut influer sur le monde extérieur. Ainsi,
mieux se connaître, être à l’écoute de son dialogue intérieur, de son ressenti, du langage que
l’on exprime, c’est avoir davantage conscience de comment nous influençons. Dès lors, il
devient plus aisé professionnellement d’assumer un poste de « responsabilité », quel qu’il soit.
La connaissance de soi nous porte vers l’acceptation de soi. Si je m’accepte, je me donne
l’espace pour accepter l’autre et ainsi la communication sera autre. L’acceptation de soi et
l’acceptation de l’autre sont les directions à se donner tout au long de son existence pour se
situer dans une dynamique d’évolution harmonieuse et de communication efficace.

1.2 Schéma habituel de communication


Les éléments principaux de la communication habituelle sont : l’émetteur, le message,
le canal de transmission et le récepteur (Figure 1.2). Ces quatre éléments sont interdépendants
et s’influencent entre eux. Le défaut d’un élément engendre l’échec de la communication.

Figure 1.2 : Schéma habituel de la communication


1.3 Synthèse
Les obstacles à la communication qu’il faut prendre en compte sont présentés par le
tableau 1.1 de la page précédente. Il s’agit en principe de mesures à tenir compte pour soigner
la communication.
Tableau 1.1 : Les principaux obstacles possibles à la communication
Le look La transmission
Les attitudes
Le comportement
Les gestes
Le cadre de référence Les caractéristiques du message
L’attention L’environnement ambiant
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1.4 Amélioration de la qualité de la communication


1) Le message doit être clair, précis, direct, constructif. Il existe toujours deux dimensions au
niveau de chaque individu : une dimension individuelle et une dimension collective. Il faut en
permanence une « adaptation » réciproque entre ces deux dimensions. Ceci exige un accueil
de soi qui inclut une capacité de se reconnaître et d’accepter ses limites. Toute personne a un
besoin fondamental d’être reconnu. Il faut donc s’exercer et s’efforcer d’avoir constamment
une affirmation positive de l’autre, lui reconnaître son importance, ses qualités, ses
capacités..., mais faire en sorte que ceci ne soit pas une perçue comme étant une flatterie.
2) Il faut savoir distinguer les opinions, les faits et les sentiments. Une opinion est une
appréciation que l’on porte sur une situation. Un fait est observable. Un sentiment est ce que
l’on ressent. Les opinions prêtent parfois à discussion et confrontation ; il faut donc retenir
une expression trop rapide de ces opinions. Il faut privilégier l’expression des sentiments où
l’on parle de soi plus que d’autres.
3) Au niveau du récepteur, il faut améliorer la capacité d’écoute.
Il existe différentes sortes d’écoute qui transparaissent par des feedbacks différents :
- L’écoute silencieuse : qui n’engendre pas de réaction.
- L’écoute en écho : où les réactions en retour portent essentiellement sur les derniers mots
dits par la personne.
- La reformulation : où l’on distingue l’écoute de vérification qui consiste à répéter ce qu’on a
entendu et l’écoute en reflet où on re-exprime à sa façon et à sa manière ce que l’on a
entendu.
- L‘« écoute en synthèse » : qui engendre une synthèse de ce que l’on a dit.
Le tableau 1.2 suivant présente quelques mots caractéristiques pour enrichir la
connaissance des sentiments entre l’émetteur et le récepteur.
Tableau 1.2 : Les mots caractéristiques d’enrichissement personnel

CONTENT APEURE TRISTE FACHE GAI

Heureux/ Craintif/ Seul/ En colère/ Energétisé/


Excité/ Alarmé/ Impuissant/ Enragé/ revigoré/
Joyeux/ Anxieux/ Sur la réserve/ Exaspéré/ (fou) Enjoué/
Satisfait/ Inquiet/ Débordé/ furieux/ Enthousiaste/
Ravi/ Tendu/ Mécontent/ Hors de soi/ Plein d’entrain/
Plein de courage/ Sur ses gardes/ malheureux/ Agité/ Rafraîchi/
Reconnaissant/ Qui en a marre/ Blessé/ Agacé/ Stimulé/
Confiant/ Qui a la trouille/ Abattu/ Contrarié/ D’humeur
Inspiré/ Effrayé/ Accablé/ Nerveux/ Irrité/ espiègle/
Soulagé/ Terrifié/ Découragé/ Hostile/ Amer/ Plein de vie/
Rassuré/ Epouvanté/ En détresse/ Pessimiste/ Vivifié/
Touché/ Paniqué/ D’humeur noire/ Plein de Exubérant/
Epanoui/ Horrifié/ Déprimé/ ressentiment/ Etourdi/
Gonflé à bloc/ Angoissé/ Consterné/ Dégoutté/ Aventureux/
Fier Bloqué démoralisé/ Ecœuré/ Emoustillé/
Désespéré Pétillant
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FATIGUE EN PAIX PLEIN D’AMOUR CONFUS ET ENCORE

Epuisé/ Tranquille/ Chaud/ Amical/ Perplexe/ Fragile/


Inerte/ Calme/ Sensible/ hésitant/ Vulnérable/
Léthargique/ Paisible/ Plein d’affection/ Troublé/ Surpris/
Indifférent/ Content/ Empli de Inconfortable/ Etonné/
Ramolli/ Absorbé/ tendresse/ Plein Embrouillé/ Ebahi/
Las/ Concentré/ d’appréciation/ Tiraillé/ Sidéré/
Dépassé/ En Expansion/ Plein de Partagé/ Ahuri/
Impuissant/ Plein d’amour/ compassion/ Déchiré/ Curieux/
Lourd/ Serein/ Reconnaissant/ Embarrassé/ Intrigué/
Endormi/ Satisfait/ Nourri/ Embêté/ Intéressé/
Saturé/ Détendu/ En confiance/ Mal à l’aise/ Impatient/..
Sans élan/ Relaxé/ Ouvert/ Frustré/
Rompu Centré/ Béat Emerveillé/ Proche Méfiant/

1.5 Ce qui sont nécessaires pour être un bon communicateur


1) Principes d’une bonne communication
Le tableau 1.3 suivant résume des caractéristiques d’une bonne communication. L’émetteur et
le récepteur doivent toujours se mettre en question pour améliorer en permanence la capacité.
Tableau 1.3 : Caractéristiques d’une bonne communication
BON EMETTEUR BON RECEPTEUR
Pour avoir des messages clairs, précis, directs. Savoir écouter.
Poser systématiquement les questions :
Qui ? Quoi ? Quand ? Où ? Comment ? Combien ?
En ne retenant pas l’expression trop rapide des opinions.

2) Enrichissement de son propre comportement


Les efforts que nous avons à faire dans un groupe pour participer totalement à notre vie
réclament de notre part une remise en cause de notre moi, de notre être profond, afin de rester
plus pleinement disponible à tous. Cela va entraîner des changements dans notre
comportement. On va essayer de voir les différents points sur lesquels un individu a à se
maîtriser pour s’enrichir. L’enrichissement de chacun est profitable à tous. Pour mieux
exprimer le savoir et le savoir-faire, il faut s’investir dans le savoir-dire et le savoir-être. En
parlant, on doit être capable de se détendre afin de mieux profiter son potentiel personnel. La
voix donne des indices sur l’état d’esprit de l’intervenant : il faut savoir réguler l’intonation.
3) Responsable avec les autres
C’est un des points importants sur lequel nous devons réfléchir. Nous avons plus souvent
tendance à nous comporter en paternalisme et à nous sentir responsable des autres, alors qu’il
faut être responsable avec les autres. Il faut faire confiance à chacun des membres du groupe.
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Chacun a des richesses, des capacités, des dons particuliers ; il convient donc dans chaque
groupe que chaque participant mette au service de tous ce qu’il est et ce qu’il a reçu. C’est la
seule attitude valable qui permet de travailler ensemble à égalité dans la diversité.
4) Disponible aux autres
C’est l’attitude complémentaire de la précédente. Elle est indispensable à chaque participant
car elle rejoint l’attitude de vraie humilité, pas celle qui consiste à se rabaisser constamment,
mais celle qui veut que l’on mette au service des autres ses propres capacités. C’est une
exigence pour les participants d’accepter les responsabilités qui leur sont proposées. La vraie
disponibilité exige que chacun soit au service de tous, en intervenant pour apporter ses
propres idées, en préparant sa réunion pour que son intervention soit plus riche, en acceptant
les tâches qui lui sont proposées au moment de la répartition de la responsabilité. Sans cette
disponibilité, il n’y a pas de vie de groupe possible ; tout repose sur les responsables, c’est la
négation de la démocratie.
5) Avoir le sens de l’effort
Une vie de groupe demande un effort de dépassement de chacun. Cela va se traduire dans le
concret d’une façon permanente d l’effort pour:
- préparer les réunions ;
- s’informer, se cultiver, devenir compétent ;
- intervenir malgré les réticences ;
- être disponible à chacun ;
- accepter les responsabilités ;
- exécuter les tâches confiées dans le délai imparti ;
- être exact, pour être de parole, pour tenir ses engagements ;
Sans effort de chacun, il n’y a pas d’enrichissement pour les participants, ni pour le groupe;
c’est la stagnation.
6) Garder en permanence son équilibre
Equilibre physique : Trop souvent, nous mésestimons notre corps ; nous n’apercevons pas les
répercussions de notre déficience physique sur notre comportement. Quand nous n’avons pas
assez dormi, nous sommes peu disponibles aux autres ; quand nous sommes fatigués, nos
idées ne sont pas claires au delà de nous ; c’est le groupe qui en supporte les conséquences.
Equilibre psychique : Savons-nous dans quel état nous sommes mentalement au moment
d’une réunion ?
Est-ce que parfois notre caractère et nos humeurs ne viennent pas perturber la vie du groupe ?
Est-ce que notre équilibre psychique nous préoccupe ? Que faisons-nous pour y remédier ?
C’est un sujet délicat à aborder car nous ne sommes pas encore habitués à nous pencher sur
ces problèmes. C’est peut-être l’occasion de commencer.
7) Vivre avec sérénité
Cela peut être de prime abord paradoxal de vouloir en même temps faire des efforts, avoir de
la volonté et en même temps, être calme et serein.
Cependant, c’est une des conditions pour que la vie de groupe tende vers l’harmonie. Eviter
d’être constamment tendu, crispé, accepter que nos idées soient discutées ou remises en
question, intervenir sans agressivité ni méchanceté, voilà une autre panoplie d’efforts à faire
pour être un bon animateur.
La sérénité nous rend plus disponible aux autres et nous permet d’être mieux accepté par tous.
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8) Etre non conformiste


C’est à dire : ne pas être indifférent à l’entourage, mais au contraire prêt à s’adapter si
nécessaire à de nouvelles situations, disponible à l’événement et à la transformation du milieu
ambiant.
Le conformisme des attitudes par fidélité a un passé révolu ; le non-conformisme ne renie pas
le passé ; au contraire, il s’assume totalement en le situant dans le courant d’évolution de
l’Histoire pour être disponible au présent.
Il peut y avoir des non-conformistes qui sont de nouveaux conformistes, sacrifiés au goût du
jour, à la mode, à tout ce qui est passager, afin d’être avec ceux que l’on considère comme
l’avant-garde. C’est un nouveau conformisme qui se cache sous un masque.
Le vrai non-conformiste est lui même en toute circonstance, il accepte de se remettre en cause
si nécessaire, il admet les changements qui sont utiles, il est disponible aux autres et à
l’événement sans se soucier des « qu’en dira-t-on ».
9) Se cultiver en permanence
L’animateur qui n’élargit pas sa culture se condamne à la stérilité pour lui et à la stagnation
pour le groupe. Plus la culture de chaque participant est grande, plus la vie de groupe est
riche. Plus les participants ont une culture profonde et étendue, plus les problèmes posés au
groupe sont assumés avec réalisme, plus les décisions prises sont mûres et plus l’action
envisagée est efficace.
Cette exigence de culture est posée à chacun, car dans un groupe où seulement une partie des
membres est cultivée, ce sont eux qui monopolisent les responsabilités, par suite de leur
compétence, créant une division génératrice de tensions dans le groupe.
Plus la culture de chacun est grande, plus les échanges sont riches, plus le dialogue est réel et
plus les changements d’attitude sont enrichissants.
10) Sortir de soi
En général, pour chacun de nous, 90% de nos pensées sont tournées vers nous-mêmes. Cette
attitude est à l’origine de beaucoup d’incompréhension, de manque de disponibilité aux
autres, de dialogue de sourds...
Notre comportement en groupe sera plus riche si, nous considérant plus comme le centre du
monde, nous essayons de sortir de nous pour comprendre les autres, réfléchir avec eux, agir
avec eux. Cependant, il faut faire attention de ne pas tomber dans le paternalisme qui consiste
à vouloir tout faire pour les autres parce que ce soit mieux fait. Notre disponibilité s’orientera
vers l’action faite ensemble plutôt que vers l’action faite par les autres.
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Chapitre 2 : CONDITIONS D’EFFICACITE DE LA COMMUNICATION

2.1 Eléments nécessaires pour une bonne communication


L’émetteur est celui qui parle ; il est important qu’il sache parler. Son efficacité
dépend aussi de sa crédibilité, de ses expériences passées, de sa compétence sur le sujet traité,
de son statut, c’est à dire sa position sociale en rapport avec le sujet traité, ses motivations
telles qu’elles sont perçues par le récepteur, la reconnaissance de son rôle d ‘émetteur par
l’interlocuteur.
Le message ou information à transmettre : cela implique le choix de la langue et de
langage ou de tout autre signal pouvant être compris par le destinataire. Le message doit être
clair, précis, concret, à la portée du destinataire et répondre au besoin du récepteur.
Le canal : c’est à dire le moyen par lequel le message est transmis. Il doit être adapté à
la situation et accessible au récepteur.
Le récepteur : c’est à dire celui qui écoute. Il faut qu’il soit prêt à recevoir la
communication. En effet, l’écoute attentive est la condition indispensable à la réception du
message. Toutes les autres opérations, la rétention, l’interprétation et l’utilisation du message
pour une décision dépendent d’abord de la réception donc de l’écoute. L’efficacité d’une
communication se mesure par l’actualisation du comportement ou de la réaction attendue par
l’émetteur. Le moyen de vérification de cette efficacité est le feed-back ou l’information en
retour provenant du récepteur.
Le feed-back est :
- soit non verbal : gestes, mimiques, attitudes, soit d’autres signaux permettant de comprendre
nos paroles ;
- soit verbal : spontané (opinion, information) ou sollicité au moyen d’une question.

2.2 Caractéristiques d’une bonne communication


- le message à communiquer doit éveiller et soutenir l’intérêt du récepteur ;
- le message à communiquer doit être exprimé dans un langage simple et facilement
compréhensible par le récepteur ;
- le médium utilisé pour communiquer le message doit être familier au récepteur ;
- au cours de la communication, il faut continuellement s’assurer que le message est compris
de la même façon par tous (émetteur aussi bien que récepteur) ;
- une bonne communication implique une franche interaction continue entre émetteur et
récepteur ;
- l’émetteur et le récepteur doivent avoir du respect et de la considération l’un pour l’autre ;
- le rôle d’émetteur ou de récepteur change continuellement : on est tantôt émetteur, tantôt
récepteur.
2.3 Code
Le code (information) est un concept souvent mis en avant dans la vision mécaniste de
la communication. Il est pourtant rarement adéquat, ne s'appliquant bien qu'aux seules
situations hiérarchiques et autoritaires : interface homme-machine, relations homme-animal,
etc. Par extension et d'une manière pessimiste, la notion de code est souvent employée pour
l'étude des relations humaines.
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Dans ce cadre simplifié, pour communiquer, l'émetteur et le récepteur doivent disposer


d'un code commun. La communication se caractérise alors surtout par l'utilisation d'un code
établissant les correspondances entre un signe et son sens qui doit être commun aux
interlocuteurs. L'absence de code commun entre émetteur et récepteur est l'une des sources
d'échecs de la communication, chacun pouvant supposer que l'autre comprend son code, sans
que ce soit le cas :
Un chef de projet américain est choqué de voir son équipe française exiger du
matériel pour son travail. Elucidation faite, cette équipe ne voulait que demander ce
matériel (or to demand signifie exiger).
Le même s'étonne de voir, après avoir stigmatisé le peu de temps dont on
dispose pour un petit projet, de voir des membres européens se demander pourquoi au
contraire on dispose d'une telle marge. Elucidation : quand il écrivait sur son tableau
6/6 (jour/mois) pour la date de début et 6/12 (jour/mois) pour la date de fin, il pensait
pour cette dernière au 12 juin et l'équipe européenne a compris 6 décembre ! (en
anglais, on s’exprime par l’inverse: mois/jour).
Un collègue japonais désirant montrer le grand respect qu'il éprouve pour la
famille d'un collègue européen l'invitant à dîner apporte à la maîtresse de maison une
fleur considérée comme l'une des plus belles au Japon : un chrysanthème. Gêne
garantie chez celle-ci, pour qui cette fleur est symbole de cimetière.
Dans tous ces exemples, la notion de code explique l'incompréhension entre les êtres
humains; mais la notion n'explique pas pour autant la compréhension. Or les situations sont
courantes où le défaut de code n'apporte pas de catastrophe, au contraire: relations sourd-
entendant, relations aveugle-voyant, relations entre étrangers sans mots communs, etc. Entre
humains, on peut toujours essayer de se faire comprendre; essayez donc de vous "faire
comprendre" d'un ordinateur qui détecte une faute de syntaxe dans l'ordre envoyé. Non,
décidément, le code est une notion trop évidente pour être utilisée sans pincettes.

2.4 Le feedback ou information en retour


Qu’est ce que le feedback ?
Il faut d’abord se rappeler que la communication est une relation interhumaine par
laquelle des interlocuteurs peuvent se comprendre et se faire comprendre, ou s’influencer l’un
l’autre. Elle peut être le fait de mots, d’attitudes ou de comportements.
Toute communication produit un effet sur le récepteur qui réagit et par la même
occasion renvoie un message à l’émetteur. C’est le feedback. Il peut être conscient ou non,
verbal ou non. Pour être efficace dans un groupe de travail, il doit être conscient. Il doit être
perçu par celui qui le donne et celui qui le reçoit comme un moyen de s’aider mutuellement à
évoluer et à améliorer la qualité de la participation.
Pourquoi le feedback ?
Le feedback permet un autocontrôle pour l’émetteur et le récepteur (Tableau 2.1). Le
feedback est un élément essentiel du processus de communication.
- « Je ne sais jamais exactement ce que j’ai dit avant que j’entende la réponse à ce que j’ai
dit » (Herbert Wiener).
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Tableau 2.1: L’auto contrôle pour l’émetteur et le récepteur


A L’EMETTEUR AU RECEPTEUR
- de se rendre compte si son message a été reçu - de montrer qu’il a bien reçu le
- de se rendre compte si son message a été interprété message ;
conformément à ce qu’il voulait ; - de montrer qu’il a bien compris
- de se rendre compte de l’effet produit par son message ; le message ;
- d’adapter continuellement son message à son interlocuteur; - d’aider l’émetteur à découvrir
- d’adapter son comportement en tenant compte des autres des points faibles dont il n’est pas
membres du groupe ; conscient.
- de se découvrir lui-même.

- Le feedback permet donc d’améliorer les relations entre les membres d’une même équipe
en :
- permettant aux différents participants de se découvrir eux-mêmes ;
- évitant les malentendus ;
- augmentant la confiance mutuelle ;
- facilitant la communication ;
- permettant aux membres de l’équipe de travail d’adapter leur comportement en tenant
compte des autres.
Comment assurer un feedback efficace ?
Plusieurs conditions sont nécessaires pour l’émetteur et le récepteur (Tableau 2.2).

Tableau 2.2: Les conditions nécessaires pour l’émetteur et le récepteur


De la part de celui qui reçoit De la part de celui qui le donne
- vouloir le recevoir, vouloir favoriser le - s’assurer que l’autre est prêt à le recevoir ;
dialogue ; - s’assurer que le feedback verbal et le feedback non
- le ressentir comme une opportunité pour se verbal s’accordent ;
découvrir, s’adapter, etc...et non comme une - s’assurer que le feedback n’est pas perçu comme
attaque. Tolérer ses réactions ; une attaque contre la personne mais touche des
- faire preuve de maturité d’ouverture points précis de son comportement, de ses attitudes ;
d’esprit et d’adaptabilité ; - éviter de porter des jugements de valeur tant sur la
- être à l’écoute de celui qui le donne personne que sur l’objet de feedback ;
(souvent la meilleure façon d’écouter est de - décrire les faits avant de tirer des conclusions et de
se taire) ; décrire ses propres réactions ;
- solliciter le feedback. - présenter les aspects négatifs et faire des
propositions pour les corriger ou les améliorer
(critique constructive).

2.5 Barrières de la communication


A l’intérieur de chaque groupe se crée tout naturellement un écheveau de relations
entre les personnes. Ces relations peuvent être différentes entre les individus. C’est pour cela
qu’il est utile de clarifier tout ce qui peut empêcher la communication dans le groupe.
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1) Les différences entre les personnes


Chaque personne est spécifique, et elle réagit toujours en fonction de cette spécificité. Cette
différence qui est source de richesse est aussi une source d’oppositions parfois violentes,
surtout si on ne sait pas écouter.
2) Les jugements de valeur sur les personnes
Les jugements émis ne sont pas toujours objectifs, on a souvent tendance à jouer au moraliste
et à classer à priori telle ou telle personne dans telle catégorie (préjugé).
3) Le repli sur soi-même
On n’écoute plus les autres mais on se concentre sur soi, sur ce que l’on dit ou que l’on a à
dire
4) Etre réfractaire au changement
Il faut savoir admettre les changements de position, d’attitudes, si cela s’avère opportun dans
les débats. Il faut accepter l’apport d’autrui dans nos insuffisances.
5) Ne pas être disponible aux autres participants
Il faut être lucide. Il ne faut pas réfuter à priori une autre personne parce qu’elle a un caractère
différent, où sa façon d’aborder le problème est différente du mien, ou on en a un jugement à
priori négatif. De même, on ne doit pas avaliser à priori une autre personne puisqu’on est sur
une même longueur d’onde.
6) Ne pas synchroniser son débit de parole à la rapidité d’écoute des autres participants
Un débit trop lent peut entraîner une « évasion » du groupe. Un débit trop rapide peut
entraîner une fatigue prématurée.
7) Avoir un langage qui n’est pas adapté aux participants
Quelques écueils à éviter : parler d’un ton monotone, utiliser des mots considérés comme
compliqués...

Bref :
Développer le sens du dialogue, savoir écouter, être disponible aux autres, ne pas avoir des
préjugés sur les personnes, avoir compris en se mettant à la place de celui qui intervient, voilà
les qualités essentielles pour que les communications dans le groupe existent réellement.
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Chapitre 3 : LA COMMUNICATION INTERPERSONNELLE

3.1 Introduction
Etudier la pragmatique de la communication interpersonnelle, c'est s'intéresser au
comment s'articule une communication entre 2 ou plusieurs personnes ; c'est comprendre les
"je" et les jeux qui s'y jouent au travers des échanges et des interactions vécues dans l'ici et le
maintenant, en situation présente et active, et non dans le passé ; c'est donc focaliser sur la
structure opératoire et opérante des échanges et non sur leur genèse.
Essayer de comprendre le pourquoi du discours d'une personne (l'approche psycho
analytique classique) n'est en effet d'aucune utilité effective dans cette approche. Nous
considérerons donc les interlocuteurs comme des "boîtes noires", avec une approche
cybernétique ou systémique, et nous nous intéresserons uniquement à leurs échanges et à leurs
interactions (Les "input" et les "output") (Figure 3.1).

Figure 3.1 : Représentation du modèle systémique

L’objectif est de passer d'un mode de penser causal et linéaire à un mode de penser
systémique, récursif et dynamique, caractérisé par la rétroactivité et la circularité des
échanges. Nous montrerons en quoi cette façon de considérer le comportement de deux
individus qui communiquent relève d'une approche complexe, où la rétroactivité et la
circularité des échanges font place à une causalité linéaire. Nous partirons du postulat que
lorsqu'une communication entre deux personnes est établie, il n'y a plus ni commencement ni
fin, mais un modèle circulaire d'échanges dont ni l'un ni l'autre des interlocuteurs n'a la
prééminence. La communication sera considérée alors comme système d'interactions en
marche, et, à l'extrême, certains ont pu dire que : "On ne communique pas, mais on prend
part à une communication." Cette approche est intéressante à plus d'un titre car elle ne met
jamais en cause directe les interlocuteurs. Elle ne met en cause que leurs interactions. Elle est
donc beaucoup plus "soft" et moins agressive.

3.2 Cinq axiomes de la communication


Les cinq axiomes de la communication sont :
1- " On ne peut pas ne pas communiquer ".
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Le comportement n'a pas de contraire ==> On ne peut pas ne pas avoir de comportement (ou
alors on est mort ...).
Si le comportement existe ==> Il a valeur de message ==> Le message a valeur de
communication ==> On ne peut pas ne pas communiquer CQFD (C’est Qu’il Fallait
Démontrer).
Le message = unité de communication (ou de comportement).
L'interaction = une série de messages entre l'émetteur et le récepteur.
2 - "Toute communication présente deux aspects : le contenu et la relation, tels que le second
englobe le premier et est par suite une méta-communication."
Tout message transmet une information mais induit également un comportement.
Toute interaction suppose un engagement et définit par suite une relation.
L'information = contenu de la communication = il a valeur d'indice.
La relation = la manière dont on doit entendre le contenu = elle a valeur d'ordre.
Exemple
Les données informatiques = les informations élémentaires = les valeurs indiciaires.
Les programmes = la relation = les informations sur les informations (ou les méta-
informations) = les ordres opératoires qui traitent les indices.
La relation est donc une communication sur la communication ou une méta-
communication.
Illustrations
Une relation saine est spontanée et donne priorité aux messages, donc au contenu. Une
relation perturbée est une relation qui pose du problème, pollue le contenu qui passe en arrière
plan et finit par perdre toute importance. Elle engendre le remous.
3 - "La nature d'une relation dépend de la ponctuation des séquences de communication entre
les partenaires."
De l'extérieur, une interaction peut être considérée comme un échange ininterrompu
d'échanges de messages, mais de l'intérieur, les choses changent : chacun ponctue ses
messages à sa façon et selon son tempérament.
Exemple 1
Une expérience de psychologie expérimentale sur l'apprentissage, mettant en oeuvre un rat
dans une cage. L'expérimentateur ponctuera la séquence en termes de stimuli, de
renforcements, de réponses. Le fait que le rat appuie sur un levier au fond de la cage
entraînera pour lui l'obtention de nourriture.
Que dire du rat qui pourrait parler et qui dirait "J'ai bien dressé mon expérimentateur. Chaque
fois que j'appuie sur le levier, il me donne à manger".
Le problème en jeu est donc un problème de dépendance, de prééminence ou d'initiative. Il
existe foule de conventions culturelles admises qui structurent notre vie sociale avec de telles
ponctuations. En psychologie, dans la vie de tous les jours, on parle de leader, de suiveur,
mais qui commence et que deviendrait l'un sans l'autre ?
Exemple 2
Cas classique du conflit conjugal du type :
L'homme : "Je me tais parce que tu es bien trop agressive ".
La femme : "Je suis agressive parce que tu te tais et me dis jamais rien".
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Le mari n'a tendance à ne voir que l'agressivité de sa femme, et la femme à ne voir que le
silence ou l'indifférence de son mari. Ils ne ponctuent pas leurs échanges de la même façon.
Ils ont surtout des difficultés à parler de leur relation, à méta-communiquer.
Exemple 3
La course aux armements des deux blocs pendant la guerre froide. Objectif : préserver la paix.
Chaque nouvel armement d'un des blocs induisait en réaction un armement réciproque ou
supérieur de l'autre, qui lui-même, etc. ...
Exemple 4
Exemple mathématique : la suite logique infinie et alternée de Bolzano.
S= a - a + a - a + a - a + a - ...
Il existe trois solutions paradoxales possibles:
S = (a - a) + (a - a) + (a - a) + ...
S = 0 + 0 + 0 + ...
S=0

S = a - (a - a) - (a - a) - (a - a) - ...
S=a-0
S=a

S = a - (a - a + a - a + a - a + ...)
S=a-S
S=a/2

L'erreur, ici le paradoxe, est de croire qu'il y a un commencement quelque part.


Conclusion : On doit considérer la communication comme un système circulaire et récursif
d'échanges comportant des boucles de rétroaction. Le comportement de l'un des acteurs
induit le comportement de l'autre, qui lui-même (re-)induit le comportement du premier, etc ...
4 - "Les êtres humains usent simultanément de deux modes de communication : digital et
analogique."
Le langage digital possède une syntaxe logique très complexe et très commode, mais manque
d'une sémantique appropriée à la relation. Par contre le langage analogique possède bien la
sémantique, mais non la syntaxe appropriée à la définition non équivoque de la relation.
Exemple 5
Au niveau physiologique, les neurones ont un fonctionnement digital qui se traduit ou non par
un déclenchement d'impulsion électrique. C'est tout ou rien.
Le système végétatif ou hormonal a lui, par contre, un fonctionnement analogique qui se
traduit par une concentration et une circulation plus ou moins grande de substances actives
dans le sang. Ce n'est jamais tout, ce n'est jamais rien.
Exemple 6
Exemple de communication analogique : la communication non verbale, celle de nos
mimiques et expressions corporelles qui sont l'expression de nos sentiments et la base de nos
relations interpersonnelles.
Toute communication non verbale est une communication de nature analogique. C'est une
communication primitive et animale riche de sens, facilement et directement compréhensible
16

même entre espèces différentes. Par exemple, un chat qui vient se frotter à vos pieds vous
réclame soit à manger, soit un câlin. Son message signifie : "Soit une mère pour moi".
La communication analogique définit la relation. Elle est très intuitive et signifiante
mais manque de souplesse et peut être ambiguë, par manque de discriminant. Les larmes
peuvent exprimer la joie ou la peine, selon le contexte. Elle manque aussi d'indices et des
fonctions logiques, comme les fonctions " ou bien ... ", "si... alors", et même la négation. On
ne peut nier une émotion, un sentiment ; on ne peut que le vivre. De plus, il est difficile de
mentir dans le domaine analogique.
Pour lever dans certains cas l'ambiguïté propre à ce mode de communication, il faut
traduire l'analogique en digital, c'est-à-dire parler sur sa relation, c'est-à-dire méta-
communiquer. Cette traduction, comme toutes les traductions soulève le problème de la perte
ou de la distorsion d'informations.
La communication digitale est de nature symbolique : ce sont les mots que l'on
emploie pour désigner les choses, qui relèvent de la convention sémantique d'une langue
donnée. La langue possède une syntaxe logique souple, précise et pratique et se prête
facilement à l'abstraction. La communication digitale définit le contenu de la relation.
5 - "Tout échange de communication est symétrique ou complémentaire, selon qu'il se fonde
sur l'égalité ou la différence."
Une relation symétrique est une relation d'égalité qui minimise la différence. Une relation
complémentaire, au contraire, maximise la différence, avec deux positions. L'une est dite
haute, l'autre est dite basse. Toutefois, chacun se comporte d'une manière qui présuppose et en
même temps justifie le comportement de l'autre.
Exemples de relations complémentaires : les couples « mère – enfant », « médecin –
patient », « professeur – élève ».
Symétrie et complémentarité sont les concepts de base de l'analyse transactionnelle.

3.3 - Du NORMAL au PATHOLOGIQUE


Toute interaction tend à définir la relation entre deux individus X et Y comme
complémentaire ou symétrique. Chacun propose implicitement ou ouvertement une définition
de soi (et de l'autre). Si le prototype de la méta-communication de X est : "Voici comment je
me vois", Y pourra y réagir de plusieurs façons :
Confirmation de la communication
"Vous avez raison" ===> Vérité
Y peut confirmer la définition que X donne de lui-même. La communication a le pouvoir de
confirmer un être dans son identité. C'est là un facteur extrêmement important et signifiant de
maturation et de stabilité psychique. L'homme a besoin de communiquer avec ses semblables
pour parvenir à la conscience de lui-même et la plupart de nos relations n'ont d'autre but que
d'éprouver toute la richesse de nos sentiments et de nos capacités relationnelles.
Exemple 1
Les recherches menées sur la privation sensorielle ont montré l'incapacité qu'a l'être humain
de préserver sa stabilité affective et mentale lors d'isolement total prolongé où il n'a comme
seul recours et interlocuteur que lui-même.
17

Annulation de la communication
"Euh.... il est vrai que cela n'est pas faux ..." ===> Tautologie, confusion, langue de bois
Y peut vouloir éviter l'engagement avec X et se montrer confus, incohérent, ou donner le
change en répondant par une lapalissade ou à coté.
Exemple 2
D'une manière générale, les hommes politiques savent manier avec dextérité ce type de
communication qu'on appelle "langue de bois" pour éviter de se laisser enfermer dans des
questions pièges ou embarrassantes auxquelles ils ne manquent pas d'être confrontés et ne
veulent pas répondre.
Le Symptôme comme communication
"Excusez moi, je ne peux vous répondre, j'ai trop mal à la tête" ===> Message non verbal.
Y peut vouloir éviter l'engagement en prétextant une incapacité physique, réelle ou simulée,
comme l'ignorance de la langue (lors de voyages à l'étranger) avec beaucoup de gestes à
l'appui, un besoin irrépressible de sommeil (en baillant), ou tout autre infirmité dont il ne peut
se défendre, comme une migraine soudaine, ou un mal au ventre.
Exemple 3
Ce type de comportement / prétexte est bien connu de certains écoliers qui simulent le malaise
pour ne pas aller en classe. Mais parfois, la simulation se transforme en un réel malaise à la
veille d'un examen ou d'un contrôle.
Si la méta-communication est bloquée durablement, ce mode d'expression symptomatique
peut devenir pathologique face à certaines situations vécues comme traumatisantes, et conduit
en général à des manifestations hystériques. A ce sujet, le film d'Hitchcok "Pas de printemps
pour Marny" (et de roses rouges) avec Sean Connery, en est un excellent exemple
cinématographique.
Le Rejet
"Vous avez tort" ===> Négation, Fausseté.
Y peut réagir à la définition que X donne de lui-même par un rejet. Cela suppose au moins
que Y connaisse ce qu'il rejette. Il ne nie pas obligatoirement la réalité de la conception que X
a de lui-même. En fait, il y a des formes de rejet qui peuvent être constructives.
Exemple 3.1
Ce peut être la réaction d'un professeur ou d'un maître face à l'un de ses élèves. Cette forme de
rejet, avec les précautions qu'elle nécessite et le doigté psychologique qu'elle implique, est
une façon de dire à l'élève de revoir sa copie.
Exemple 3.2
Dans le même ordre d'idée, c'est le cas du psychothérapeute qui refuse d'accepter la définition
que le patient donne de lui-même, à travers laquelle il cherche significativement à imposer
son jeu relationnel au thérapeute.
Le Déni
"Vous n'existez pas" ===> Indécidabilité
Le déni ne porte plus sur la vérité ou la fausseté de la définition que X donne de lui-même, il
nie carrément la réalité de X en tant que source de cette définition. Y est imperméable au
discours de X, consciemment ou pas, et c'est là une situation pour le moins frustrante pour X,
qui a des conséquences pragmatiques paradoxales et très traumatisantes. Elle peut conduire à
18

une totale aliénation et à une perte d'identité, si X se trouve enfermé durablement dans ce
mode de relation par Y.

3.4 Ponctuation discordante


Les discordances dans la ponctuation des séquences de faits ont lieu toutes les fois que
l'un au moins des partenaires ne possède pas la même quantité d'informations que l'autre, mais
ne s'en doute pas.

3.4.1 Cause et Effet


Il y a désaccord entre les interlocuteurs entre ce qui est cause et ce qui est effet, alors
qu'en fait, ces concepts sont inapplicables en raison de la circularité de l'interaction en cours,
comme nous l'avons vu plus haut.

3.4.2 La Prédiction qui se réalise


Si quelqu'un pense par exemple que : "Personne ne m'aime", il a toutes les chances
d'adopter un comportement méfiant, défensif ou agressif auquel il y a toutes chances
également que les autres répondent en miroir et inamicalement, justifiant par là ses doutes qui
peuvent devenir à la longue des certitudes s'il persiste et signe. Il est ici hors de propos de se
demander pourquoi cette personne a de telles prémisses. Notons que le comment suffit à
expliquer le résultat.
Nous avons tous fait ce genre d'expérience à un degré ou un autre. Plutôt que de parler
de causes et d'effets, nous voyons bien que notre attitude donne un sens au contenu de nos
relations. Si nous pensons et agissons positivement, cela aura une influence certaine sur les
autres, et par retour et ricochet, sur notre conscience de nous-même. Voir le verre à moitié
plein ou à moitié vide a le même contenu en termes d'information, mais a un sens relationnel
radicalement opposé.

3.4.3 L'effet Pygmalion


C'est l'effet expérimental, noté par une équipe de chercheurs américains en
psychologie et pédagogie, qui avaient prédit aux enseignants d'une classe donnée que certains
de ses élèves réussiraient mieux que d'autres. Pour les professeurs, les chercheurs annoncèrent
que cette prédiction était le résultat et la suite logique de tests réussis. En réalité, aucun des
élèves de la classe n'avait été soumis à des tests en début d'année et le choix des élèves en
question avait été fait de manière entièrement aléatoire. Il s'est avéré cependant que, du fait de
cette information, l'attitude et les attentes des professeurs envers ces élèves ont été tout autres
qu'elles auraient été normalement. Ces élèves, pour la plupart, ont eu effectivement des
résultats tout à fait corrects durant l'année scolaire et, pour certains, même excellents : la
prédiction qui se réalise d'elle-même du fait d'une attente et d'une attitude congruente.

3.4.4 L'effet Placebo


Il s'agit du même effet observé en médecine que tout le monde connaît. Le
médicament n'existe pas, mais l'information, elle, existe, et est suffisante pour avoir une
portée pragmatique réelle et mesurable sur notre santé.
19

3.4.5 Erreur de Traduction entre l'Analogique et le Digital


- Parler avec son corps
Il est difficile de traduire l'analogique en digital, car, nous l'avons vu, les fonctions de vérité et
la négation n'existent pas dans ce mode de communication. Les animaux ont une seule façon
de nier un comportement : montrer d'abord l'action à nier, puis ne pas la mener à son terme.
Transmettre une information (du contenu) avec son corps et uniquement avec lui, comme par
exemple entre deux personnes de cultures et de langues différentes, n'est pas chose évidente ni
facile. C'est une source d'erreurs, d'incertitudes ou d'ambiguïtés. Les messages analogiques
définissent essentiellement la relation et ne sont donc pas les meilleurs vecteurs de
l'information.
Dans l'autre sens, du digital vers l'analogique, on peut émettre l'hypothèse que les
symptômes hystériques sont une tentative de traduire du digital en analogique, lorsque la
personne, pour une raison x ou y, n'arrive pas à méta-communiquer sur certains faits, comme
nous l'avions vu plus haut. "Ce que ma tête ne peut dire, mon corps l'exprime".
Ces erreurs de traduction sont la source d'innombrables conflits humains.

3.4.6 Escalade symétrique : La scène de ménage


Un exemple classique d'escalade symétrique est la scène de ménage, dans laquelle
chacun des deux partenaires veut prendre l'ascendant sur l'autre. Leur rivalité provoque un
"emballement" du système (en termes cybernétiques, une rétroaction positive) qui peut
dégénérer vers une violence d'abord verbale, puis des insultes et des coups si l'un des deux ne
cède pas. C'est la guerre, avec toutes les formes qu'elle peut prendre : guerre des nerfs ou
guerre de tranchées, sourde et sournoise, voire silencieuse, mais où chacun campe sur ses
positions.

3.4.7 Complémentarité rigide


Les relations complémentaires peuvent être rigides, lorsque X veut que Y confirme
une définition de son moi à lui X, qui est en contradiction avec la manière dont Y voit X. Y se
trouve alors placé en face d'un dilemme très spécial : il lui faut changer la définition qu'il
donne de lui-même, pour une définition qui complète et donc corrobore celle de X. Il est en
effet dans la nature des relations complémentaires qu'une définition de soi ne peut se
maintenir que si le partenaire joue le rôle complémentaire qu'on attend de lui.

3.4.8 Le Sadomasochisme et la folie à deux


A un niveau psychopathologique, les troubles complémentaires ont tendance à aboutir
à un déni plutôt qu'à un rejet. Leur importance est donc plus grande que les affrontements plus
ou moins ouverts des relations symétriques. Le sadomasochisme et la folie à deux sont des
exemples classiques et courants de troubles pathologiques des relations complémentaires.

3.5 La communication paradoxale


3.5.1 Définition
Le paradoxe est une contradiction qui vient au terme d'une déduction correcte à partir
de prémisses consistantes. Ce n'est ni un sophisme ni une simple contradiction.
20

3.5.2 Les trois types de paradoxes


1) Les paradoxes logico-mathématiques (antinomies syntaxiques)
Exemple
"La classe de toutes les classes qui ne sont pas membres d'elles-mêmes" - Paradoxe de
Russell.
La classe de tous les chats n'est pas un chat (mais elle est par contre un concept, celui des
"félins domestiques"), par contre la classe de tous les concepts est bien un concept. Il existe
donc dans la réalité des classes membres d'elles-mêmes (ici, la classe des concepts), et des
classes qui ne sont pas membres d'elles-mêmes (ici, la classe des chats qu'on a traduite par le
concept de "félins domestiques"), et rien d'autre.
Au niveau logique supérieur, appelons M la classe des classes qui sont membres d'elles-
mêmes, et N la classe des classes qui ne sont pas membres d'elles-mêmes. (Ici, la classe des
concepts du type "félins domestiques").
Si N est membre d'elle-même, elle n'est pas membre d'elle-même, puisque N est la classe des
classes qui ne sont pas membres d'elles-mêmes. Par ailleurs, si N n'est pas membre d'elle-
même, elle satisfait à la condition d'auto-appartenance : elle est membre d'elle-même
précisément parce qu'elle n'est pas membre d'elle- même, puisque le fait de ne pas appartenir
à soi-même est la distinction essentielle de toutes les classes qui composent N.
Mais arrêtons de jouer sur les mots (car c'est difficile et fatiguant), ou plus précisément, de les
prendre dans des sens différents. Le concept des concepts (ou la classe des concepts) n'est pas
un véritable concept, mais un concept ou un méta-concept, d'où le paradoxe. Pourtant la
langue est riche de télescopages de cet ordre, dont la réalité pragmatique nous pose de
véritables problèmes réels.
2) Les définitions paradoxales (antinomies sémantiques)
Exemple
"Je suis un menteur" (Paradoxe d'Epiménide le Crétois)
Si je suis un menteur, tout ce que je dis est mensonge, donc l'affirmation "je suis un menteur"
n'est pas vraie. Par conséquent, je ne suis pas un menteur.
Mais si je ne suis pas un menteur, et que par conséquent je dis toujours la vérité, l'affirmation
"Je suis un menteur" est vraie, ce qui implique que je suis un menteur.
3) Les paradoxes pragmatiques. Injonction paradoxales
Exemple
"Sois spontané"
Comment faire pour être spontané quand on me le demande ? Si je le suis vraiment, alors je
ne peux obéir à cet ordre, et si j'obéis à cet ordre, alors je ne peux l'être vraiment.

3.6 Complexité de la communication


3.6.1 Continuité et Discontinuité
Nous l'avons vu, la communication humaine présente deux aspects inséparables : la
relation qui est analogique et continue, puisqu'on ne peut pas ne pas communiquer (c'est
l'onde porteuse), et le contenu qui est digital et discontinu, puisqu'on peut toujours s'arrêter de
parler (c’est la modulation). Nous avons vu que la relation englobe le contenu et est par
conséquent une méta-communication, c'est-à-dire une communication sur la communication,
ou une communication de second degré.
21

Ces deux aspects sont donc en relation complexe, c'est-à-dire mêlés ensemble de façon
inséparable, antagoniste, complémentaire et incertaine. Il y a toujours un risque de prendre
l'une pour l'autre, c'est-à-dire la relation pour le contenu ou le contenu pour la relation, risque
qui conduit inévitablement à des distorsions de la communication. Ces distorsions peuvent
être bénignes ou volontaires, c'est le cas de l'humour, ou aller crescendo jusqu'à la folie
furieuse ou la schizophrénie, comme nous l'avons vu plus haut.

3.6.2 Niveaux et méta-niveaux sémantiques


Chaque niveau est déterminé et conditionné par le niveau immédiatement supérieur. Il
faut donc se situer au niveau N+1 pour pouvoir intervenir efficacement sur le niveau N, le
recadrer ou le faire évoluer. Nous avons vu en effet que c'est seulement en méta-
communiquant, c'est-à-dire en parlant sur le contenu de notre communication, que nous
pouvons véritablement faire évoluer ou changer nos comportements. Changer vraiment, ce
n'est pas faire moins ou plus de la même chose, c'est faire carrément autre chose. Il y a donc
discontinuité (changement de type 2). Ces niveaux logiques sémantiques s’imbriquent de
manière discontinue, comme des emboîtements de poupées russes, dans une progression à la
complexité croissante.
Niveau 1 : Le contenu
C'est à ce niveau que l'on comprend sans aucune difficulté la phrase suivante : "Voici
comment je vous vois". Le niveau 1 est celui de l’information.
Niveau 2 : La relation
C'est à ce niveau que l'on comprend toujours la phrase suivante : "Voici comment je vous vois
me voir".
Le niveau 2 est celui de la relation.
Niveau 3 : Les valeurs
C'est à ce niveau que l'on comprend encore, mais difficilement, la phrase suivante: " Voici
comment je vous vois me voir vous voir".
Le niveau 3 est celui de nos valeurs. Nos valeurs déterminent nos relations. Elles sont le
fondement même de notre existence et donnent un sens et une direction à notre vie
relationnelle. Elles sont par là même difficiles à faire évoluer ou à changer. Ce n'est qu'en
"montant" au quatrième niveau que nous pourrons y parvenir.
Niveau 4 : Les révélations, les expériences mystiques, l'inconscient, les changements
thérapeutiques
C'est à ce niveau que l'on ne comprend plus du tout la phrase suivante : " Voici comment je
vous vois me voir vous voir me voir" car son imbrication réflexive est d’une telle complexité
qu'on en perd le fil.
Le niveau 4 est celui des révélations, des expériences mystiques, celui qui fit dire
"Eurêka !" à Archimède dans sa baignoire. A ce niveau, la compréhension des choses est
ténue et mystérieuse et échappe presque complètement à la conscience. On ne peut en avoir
que des "insights", en retenir que des instants fugaces d'extase ou de grande clairvoyance.
C'est le niveau de l'inconscient, celui de la psychothérapie.
Une psychothérapie qui réussit l'est souvent à l'insu de ses principaux intéressés : ni le
thérapeute, ni le patient ne peuvent dire ni exactement quand, ni exactement où, ni exactement
comment, et encore moins pourquoi les choses ont évolué ; tout ce qu'ils peuvent dire, c'est
22

que le changement s'est produit. C'est également à ce niveau, après une révélation ou une
expérience forte, que l'on peut changer ses valeurs et, en conséquence, son style de vie.
Niveau 5 : ... Energies subtiles ?
De quoi s'occupent les prémisses du cinquième degré, celles qui pilotent et déterminent notre
inconscient, nos révélations ? Inconscient collectif ? Intention de l'univers ? Dieu ? Toutes les
exégèses sont permises car il est impossible de voir clair à ce niveau. Ne doutons pas
cependant que la portée pragmatique des prémisses de ce niveau est certainement très
puissante et active, même si nous n'en avons aucunement conscience. Nous nous arrêterons
donc à ce niveau.

3.7 Les trois états du « MOI »


En général, une personne adulte présente trois états principaux selon son
comportement. Ce sont l’état PARENT, l’état ADULTE et l’état ENFANT. Chaque état est
présent au sein de chaque personne suivant une dose donnée. Souvent, c’est un état sur les
trois qui est prédominant. Par exemple, pour quelqu’un qui est toujours sérieux, c’est l’état
adulte qui domine.
L'individu dispose d'une personnalité nantie de trois instances de réflexion et d'action,
qui se sont progressivement construites et développées au cours de l'enfance.
Le moi Parent est le siège de l'Appris.
Le moi Adulte est le siège du Pensé.
Le moi Enfant est le siège du Senti.
Une partie de nous-mêmes ressent, vit des sentiments, des émotions et des besoins: c'est notre
Enfant.
Une deuxième partie interdit ou permet en fonction de l'acquis (c'est notre Parent). Une
troisième arbitre et décide logiquement après réflexion (c'est notre Adulte).
On peut représenter la personnalité selon le schéma suivant:
Etat du moi Parent: domaine de l'APPRIS .........P
Etat du moi Adulte: domaine du PENSE............A
Etat du moi Enfant: domaine du SENTI ............E

3.7.1 L’état PARENT (P)


C’est l’état de la personne qui se comporte comme tel : responsable, sérieux mais qui
agit avec émotion, qui essaie toujours à satisfaire les demandes des autres même aux dépens
de ses propres intérêts, surtout celles de ses enfants.

3.7.2 L’état ADULTE (A)


C’est l’état de la personne qui priorise toujours l’utile avant l’agréable, le nécessaire
avant tout ce qui semble superflu, sévère et strict, n’exprime pas de sentiment pour prendre
une décision. Pour lui, c’est avant tout ce qui est important même si cela peut déplaire
l’interlocuteur. Souvent, il est rigide dans la prise de décision.
23

3.7.3 L’état ENFANT (E)


C’est l’état de la personne qui aime demander quelque chose aux autres plutôt que
donner, faire des caprices ou des plaisanteries, préférer l’agréable avant l’utile, qui peut
s’éclater de rire pour un rien.

Figure 3.2 : Schéma de communication entre deux états du MOI


Lors d’une conversation entre deux personnes qui ne se connaissent pas au début, il est
préférable de se comporter et se considérer en Adultes (Figure 3.2). C’est seulement après la
constatation de l’état de l’autre selon le déroulement de la communication qu’on doit changer
d’état si cela s’avère nécessaire.

3.8 La conversation
Lorsque deux personnes ou plus se mettent en conversation, l’intonation, la tonalité, la
voix et la physionomie de celui qui parle (et de celui qui écoute) jouent un grand rôle dans la
réussite de la communication. Théoriquement, il existe trois façons principales de catégoriser
symboliquement cette manière de parler: parler bleu, parler vert et parler rouge.

3.8.1 Parler bleu


Cette façon de parler est appliquée lorsque l’émetteur de message veut séduire le
récepteur, le rendre joyeux en vue d’une obtention de quelque chose en réponse. Le message
n’est pas direct, mais assez long, peut faire même un long contour avant d’exprimer l’ultime
but. C’est ce qui se passe en général lorsqu’un jeune homme courtise par exemple une très
jolie fille : «le ciel est bleu, l’air est pur et frais ; regarde ces fleurs, comment elles sont jolies,
toi aussi tu es très belle, …., je t’aime…».

3.8.2 Parler vert


Cette façon de parler est utilisée lorsque la personne qui engage la conversation veut
partager d’égal à égal le temps de parole, l’incite à prendre part de manière participative à la
discussion. En général, l’animateur de groupe applique cette méthode de communiquer.

3.8.3 Parler rouge


Parler rouge est utilisé pour donner des ordres, des commandes. Dans ce cas,
l’émetteur de message exclut le dialogue. En général, la conversation est unilatérale et
l’atmosphère est tendue, sauf dans le domaine des forces de l’ordre où cette façon de
communiquer est déjà courante.
24

3.9 Conclusion
On s'aperçoit en grimpant dans cette échelle de la complexité de la communication, à
travers ses méta-niveaux sémantiques qui sont en quelque sorte ses barreaux, que la portée
pragmatique de ses énoncés est de puissance croissante à chaque étape ou niveau logique
supérieur et qu'elle détermine dans une large part notre rapport au monde et à nous-mêmes.
Rien théoriquement, sauf la limitation de nos sens et de notre entendement, ne nous
permet d'affirmer que cette progression logique s'arrête. Nous constatons cependant qu'en
prenant de la hauteur, ses modalités et son champ d'application deviennent de plus en plus
ténus et subtils, qu’ils se dématérialisent, en quelque sorte, pour prendre un aspect
essentiellement qualitatif et spirituel.
La prise en compte de l’état du MOI de l’interlocuteur et la tonalité de son expression
joue aussi un grand rôle dans le bon déroulement de la conversation.
25

Chapitre 4 : LA COMMUNICATION : FONDATION DES RELATIONS HUMAINES

4.1 Introduction
Tout comme les fondations d’une maison portent tout l’édifice, la communication sert
de fondations à toutes les relations humaines. Un auteur célèbre dans le domaine de la
communication (Paul Watzlawick) a dit que les humains ne sont pas capables de ne pas
communiquer : Quoi que nous disions, quoi que nous fassions, quoi que nous exprimions par
notre corps, même si nous regardions ailleurs ou restions immobiles, nous exprimions quelque
chose que « l’autre » remarque. Cela affecte donc son futur comportement envers nous. C’est
pourquoi les êtres humains en tant qu’êtres sociaux communiquent toujours d’une façon ou
d’une autre.

4.2 Les différentes marches des fondations


Les fondations comportent principalement 4 marches (Figure 4.1).

Figure 4.1 : Les quatre marches des fondations de la communication

4.2.1 Apprentissage des adultes


Avant de parler de communication et d’apprentissage en groupes, il faut savoir que les
adultes nécessitent et veulent une autre forme d’apprentissage que celui pratiqué dans les
écoles. La première marche est donc l’introduction au rôle d’animateur de groupes, par
opposition au rôle d’enseignant traditionnel. La première marche étudie le processus
d’apprentissage et fait une démonstration de l’application de la psychologie de l’apprentissage
des adultes.
La première chose à comprendre est que l’éducation des adultes est différente de
l’éducation des enfants. L’éducation des adultes est davantage une question d’apprentissage
que d’enseignement, comme c’est le cas avec les enfants. Les tâches et le comportement d’un
éducateur d’adultes (animateur) diffèrent donc de ceux d’un « enseignant traditionnel ». Le
rôle de l’animateur consiste à :
- créer un climat ou une ambiance favorable à l’apprentissage ;
- poser des problèmes plutôt qu’à les résoudre pour les gens ;
- inciter à chercher les causes et les solutions ;
- insister sur le fait que les gens eux-mêmes sont capables de résoudre leurs problèmes ;
- aider le groupe à découvrir lui-même tant que possible que « remplir » la tête des gens
de solutions toutes faites ;
- planifier en vue de l’action.
26

4.2.2 Psychologie de l’apprentissage des adultes


a) Les adultes ont une vaste expérience et ils ont beaucoup appris de la vie. C’est de leurs
pairs qu’ils apprennent le plus. Les animateurs devraient donc les aider à partager leur propre
expérience et créer une situation qui les encourage à dialoguer entre eux. Demandez- leur de
s’asseoir en rond pour que chacun puisse voir les autres de face, ce qui facilite l’action de
parler et d’écouter.
b) Les adultes sont intéressés par ce qui est important pour leur vie, et ils apprennent vite ces
choses-là. L’animateur doit donc créer une situation où ils puissent participer à la
planification, choisir les sujets et prendre part à l’évaluation régulière de ce qu’ils font.
c) Les adultes (et les enfants !!) ont le sens de la dignité personnelle. Ils doivent être traités
constamment avec respect et ne jamais se sentir humiliés et ridiculisés devant les autres.
d) Avec l’âge, la mémoire des adultes peut diminuer, mais leurs facultés d’observation et de
raisonnement augmentent souvent et même s’améliorent.

4.3 Voies, moyens et objectifs de communication


Cette marche informe sur l’importance d’une communication claire et compréhensible
en tant qu’aspect du travail de développement avec les gens. Les objectifs de la
communication sont discutés ainsi que les différents pas à effectuer au cours du processus de
développement. En outre, différents moyens de communication et les obstacles les plus
courants à une communication claire sont présentés.
Partie 1
Objectifs d’une communication claire
Une communication claire et ouverte permet aux gens de décider eux-mêmes ce qu’ils
veulent faire pour se développer eux-mêmes.
Avant d’atteindre ce but, il faut effectuer différents pas. A l’évidence, les gens ne changeront
pas d’avis pour la seule raison qu’un expert en développement leur a dit de faire. En général,
les gens ne modifient leur comportement, leurs attitudes et opinions qu’après avoir eu
l’occasion de se familiariser avec l’idée dans leur esprit et par des exercices pratiques. Très
souvent aussi, ils apprennent grâce à un exemple qu’ils ont vu quelque part.
Phases de l’apprentissage par la communication
La communication doit passer par différents stades avant d’Atteindre l’objectif décrit ci-
dessus.
Phase 1 : Prise de conscience.
Prendre conscience veut dire devenir conscient d’un problème ou d’une situation qu’on
n’avait pas vue ou remarquée d’abord.
Phase 2 : Susciter l’intérêt
Une fois que les gens sont conscients d’un problème, ils cherchent davantage à recevoir des
informations additionnelles sur ce sujet.
Phase 3 : Changement d’attitude
Il faut un certain temps pour que les hommes et les femmes changent d’attitude grâce à
l’information.
Phase 4 : Changement de comportement
27

Dès qu’une attitude envers un problème a changé, la conséquence logique est que cela
entraînera un changement de comportement. Mais cela n’est pas toujours aussi facile qu’on
pourrait le croire.
Phase 5 : Consolider pour créer un comportement habituel
Quand la nouvelle habitude a été suivie pendant quelque temps, la plupart des gens ne se
souviennent même plus de ce qu’on faisait avant. Ils ont créé une nouvelle coutume, une
nouvelle habitude qui deviendra bientôt une nouvelle tradition.
Partie 2
Voies et moyens de communication
La communication avec les gens peut se faire de plusieurs manières :
1) La plus évidente est l’utilisation des mots quand on parle ensemble ou que l’on s’écrit
mutuellement. Mais la communication peut également utiliser les cinq sens (l’ouïe, la vue, le
toucher, l’odorat et le goût) :
2) Communiquer, c’est voir quelque chose :
Tout le monde sait qu’un enfant qui pleure ne peut pas être très heureux – il communique
avec ses parents qui comprennent le message qu’ils voient – et entendent ! Les amoureux qui
n’osent pas se parler l’un à l’autre quand ils se trouvent avec d’autres personnes savent
communiquer avec leurs yeux pour se comprendre l’un l’autre.
3) Communiquer, c’est toucher quelque chose :
Si une mère caresse doucement la tête de son enfant, le petit comprend tout de suite ce que
cela veut dire. Les enfants doivent apprendre – souvent par expérience – que quelque chose de
chaud fait mal si on le touche.
4) Communiquer, c’est sentir quelque chose :
Les mères qui préparent un bon repas n’auront aucun mal à faire venir leurs enfants à table.
Ceux-ci seront conduits par leur odorat. Les femmes et certains hommes utilisent du parfum
quand ils sortent.
5) Communiquer, c’est goûter quelque chose :
Il y a un proverbe allemand qui dit « l’amour passe par l’estomac ». Si des gens mangent
quelque chose de bon ensemble, cela créera certainement une atmosphère qui les influencera
positivement.
6) Communiquer inclut le corps tout entier :
Quand les gens parlent, ils n’utilisent pas seulement la bouche. Les gens utilisent, certains
plus que d’autres, leurs mains, leurs bras, leur visage pour exprimer ou souligner leurs paroles
par des gestes. Si les gens sont très heureux ou à certaines occasions très spéciales, ils dansent
souvent ensemble pour exprimer qu’ils sont heureux.

Divers moyens peuvent être utilisés pour communiquer. L’expérience montre qu’il
vaut beaucoup mieux combiner selon divers moyens, car cela rendra la communication plus
efficace. C’est pourquoi les formateurs devraient toujours s’efforcer de combiner plusieurs
moyens de communication dans leur travail éducatif. Il est conseillé de combiner un entretien
avec la présentation d’affiches, et de donner aux apprenants la possibilité de s’exercer eux-
mêmes à ce qui vient de leur être dit.
28

Partie 3
Obstacles empêchant une communication claire
La communication avec les autres comprend divers aspects qu’il faut prendre en compte. Les
exemples suivants d’un potager qui n’a pas très bonne mine illustrent ces aspects avec plus de
précision :
- D’abord, une phrase dite paraît donner une information ou transmettre un message : « Cette
année notre potager n’a pas très bonne mine !»
- Mais il y a aussi un aspect relationnel caché derrière ce que le locuteur, par exemple, à qui et
donc comment il le dit. Le locuteur voulait peut-être dire : « tout le monde (sauf moi, le
locuteur) a négligé son devoir d’arroser et d’enlever les mauvaises herbes. » Il exprime
maintenant sa colère concernant le projet et ses collaborateurs.
- Une autre réaction possible est la déception :
« Nous avons travaillé tout le temps mais à cause du manque de pluie, la production de notre
potager ne sera pas suffisante. Que pouvons-nous faire maintenant ? »
- Il existe un troisième aspect : ce que dit le locuteur sur lui-même, par exemple :
« Je suis très en colère à cause du mauvais rendement cette année. »
Ou « Je suis inquiet de l’état de notre projet de potager, et je trouve cela regrettable. »
- Et enfin un dernier aspect, et pas des moindres, est la raison pour laquelle il a dit cela,
l’aspect de désir ou d’appel, par exemple : il veut que les autres s’occupent davantage du
potager, ou il veut que les autres sachent qu’il aura des problèmes si le projet de potager ne
permet pas de gagner assez d’argent cette année.
Le schéma suivant, représenté par la figure 4.2, illustre les quatre aspects d’un seul
message envoyé et les quatre « oreilles » qui l’entendent et le perçoivent.

Figure 4.2 : Les « quatre oreilles » réceptrices du message

Nous voyons que la communication inclut quatre aspects : l’information, l’intention


personnelle, la relation et l’appel. Tout comme le carré a quatre côtés égaux, la
communication a aussi quatre aspects d’une égale importance. Il ne suffit pas de considérer un
seul de ces quatre aspects, car ils constituent une unité et les deux participants, l’émetteur du
message (locuteur) et le récepteur (l’auditeur, celui à qui est destiné le message)
communiquent en utilisant ces différents aspects.
Cela signifie que :
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a) Le locuteur et l’auditeur doivent clarifier les quatre aspects pour être sûr que le
récepteur a bien compris ce qu’a dit l’émetteur.
b) Ils doivent considérer qu’un message comprend bien plus que la simple information,
que les autres aspects peuvent aider ou empêcher le récepteur de « comprendre »
l’émetteur.
c) L’information transmise par un message n’est pas l’aspect le plus important, elle n’est
que l’un des quatre aspects d’importance égale. Nous devons aussi parler de nos
relations, de nous-mêmes, de nos désirs et nos besoins.
Très souvent, les aspects relationnels, les intentions personnelles et les appels à la
communication ne sont pas pris en compte ou sont même cachés. Surtout quand la relation
avec l’autre n’est pas bonne ou que le locuteur n’ose pas être franc, il cache ses sentiments
derrière l’information. De cette façon, nous ne pourrons jamais nous comprendre clairement !

La communication fonctionne le mieux si tout le monde peut parler à tout le


monde directement et franchement.

REMARQUE
En travaillant avec les gens, les animateurs doivent être conscients des différentes façons de
communiquer et être capables de les utiliser. Répétons qu’ils doivent être conscients de ce qui
se passe entre les gens qui envoient des messages et ceux qui reçoivent ces messages.
30

Chapitre 5: CAPACITE D’ECOUTE

5.1 Introduction
Ce chapitre se comporte comme un moyen de communication claire et aidant à créer
une atmosphère de compréhension mutuelle entre l’émetteur de message et le récepteur. Il
explique les principaux obstacles à l’écoute ainsi que comment et pourquoi une bonne écoute
et une bonne compréhension sont étroitement liées et se soutiennent mutuellement.

5.2 Processus d’écoute


Ecouter les gens semble très facile à faire. Mais l’expérience nous montre que les
capacités d’écoute de la plupart des gens sont souvent loin d’être parfaites [6]. Nous croyons
écouter, mais en fait, nous n’entendons que ce que nous voulons entendre. Il ne s’agit pas
d’un processus délibéré ; c’est presque naturel. Cependant, les personnes avec des groupes
devront prendre conscience de ce fait dans leur travail avec les gens.
Beaucoup d’entre nous savent comme c’est merveilleux de rencontrer et parler à
quelqu’un qui sait très bien écouter. Nous pourrions presque tout lui dire, et souvent nous ne
savons pas pourquoi. C’est comme si l’autre nous invite à parler sans cesse et qu’il nous
prenait au sérieux à tout instant.
C’est peut-être là que réside le secret. Si je sens que l’autre s’intéresse vraiment à moi
en tant que personne et m’accepte comme je suis, je veux lui parler et partager mes idées avec
lui. Si je ne me sens pas accepté, je ne dirai pas grand-chose de moi-même ; je me contenterai
de parler de choses sans importance. Ce serait un gaspillage de temps et d’énergie.
Pour les formateurs ou responsables de groupes, cela fait une grande différence si les
gens qu’ils rencontrent ont l’impression qu’ils s’intéressent vraiment à eux. Il est évident que
cet intérêt doit venir en majeure partie du cœur, mais on peut le développer en améliorant ses
capacités d’écoute.
Pour ce faire, il importe de savoir comment fonctionne l’écoute. Nous trouvons dans le
paragraphe 5.3 ci-après une énumération des obstacles possibles qui peuvent empêcher une
bonne écoute de soutien. Les connaître aide grandement à les surmonter et à améliorer les
relations.

5.3 Obstacles à l’écoute


Il y a différents obstacles qui peuvent nuire au bon déroulement de l’écoute et qui
peuvent conduire à la provocation de problèmes pour la communication. Ces obstacles
doivent être évités tant que possible pour créer de bonnes conditions pour les relations entre
les locuteurs et les récepteurs.

5.3.1 Ecoute par intermittence


Cette malencontreuse habitude d’écoute est due au fait que la plupart des gens pensent
quatre fois plus vite que parle une personne moyenne. Dans chaque minute d’écoute,
l’auditeur a donc trois quarts de minute de « temps libre pour penser ». Parfois, il utilise ce
temps libre pour penser à ses propres affaires, préoccupations et ennuis au lieu d’écouter, de
connecter et de résumer ce que dit le locuteur. On peut surmonter cela en faisant attention à
31

autre chose qu’aux seules paroles, par exemple en observant des signes non verbaux tels que
gestes, hésitations, etc. pour percevoir le niveau affectif.

5.3.2 Ecoute « chiffon rouge »


Pour certaines personnes, certains mots sont comme un chiffon agité devant un taureau
(espagnol). Quand elles les entendent, elles s’énervent et cessent d’écouter. Ces termes varient
suivant le groupe, la société et l’organisation. Cependant, pour certains individus, les termes
« politique », « capitaliste », « communiste », « argent », « jeunesse moderne », « tribal », etc.
sont des signaux auxquels ils répondent presque automatiquement. Quand ils perçoivent ce
signal, ils cessent d’écouter celui qui parle. L’auteur perd le contact avec le locuteur et ne peut
pas comprendre cette personne.

5.3.3 Ecoute « oreilles ouvertes – esprit fermé »


Quelquefois, les auditeurs décident très vite que le sujet ou bien le locuteur sont
ennuyeux, et que ce qui est dit n’a pas de sens. Souvent, ils bondissent à la conclusion qu’ils
peuvent prétendre savoir et prédire ce qu’il sait ou ce qu’il veut dire. Ils concluent ainsi qu’il
n’y a aucune raison d’écouter parce qu’ils ne vont rien entendre de nouveau s’ils le font. Il
vaut beaucoup mieux écouter jusqu’à la fin de son intervention et découvrir si c’est vrai ou
pas. Ainsi, la réaction et la réponse vont être plus objectives.

5.3.4 Ecoute « yeux vides »


Parfois, les auditeurs regardent les gens intensément, et paraissent écouter bien que
leur esprit soit occupé par autre chose ou très loin. Ils retombent dans le confort de leurs
propres pensées. Ils semblent avoir des yeux vides, et leur visage prend souvent un air rêveur.
Chacun de nous peut reconnaître quand quelqu’un prend cette expression.
De même, les autres peuvent voir cela en nous, et nous ne trompons personne.
Repoussez vos rêveries à un autre moment. Si nous remarquons que beaucoup de gens
prennent un air rêveur durant une séance, il faut trouver un moment adéquat pour suggérer
une pause ou un changement de rythme.

5.3.5 Ecoute « trop compliqué pour moi »


En écoutant des idées trop complexes et compliquées, nous devons souvent nous
forcer pour suivre la discussion et faire un effort réel pour comprendre. Ecouter et comprendre
ce que dit le locuteur peut avoir pour résultat que nous trouvons le sujet et le locuteur très
intéressants. Souvent, si quelqu’un ne comprend pas, les autres ne le font pas non plus, il peut
être utile au groupe de demander des éclaircissements complémentaires ou un exemple si
possible.

5.3.6 Ecoute « ne chavirez pas le bateau »


Les gens n’aiment pas que l’on renverse leurs idées, préjugés et point de vue favoris :
beaucoup de gens n’aiment pas que l’on conteste directement leurs opinions et jugements.
Ainsi, quand un locuteur dit quelque chose qui heurte ce qu’ils pensent ou croient, ils peuvent
inconsciemment cesser d’écouter ou même se retrancher dans la défensive. Si cela est
32

conscient, mieux vaut écouter pour savoir ce que pense le locuteur afin de voir les autres faces
de la question pour pouvoir mieux comprendre et répondre de façon constructive.

5.4 Objectifs de l’écoute dans toute relation d’aide


Quand on écoute les gens, les objectifs sont à la fois fondamentaux et simples. Les
gens devraient :
- pouvoir parler librement et franchement.
- pouvoir parler des questions et des problèmes qui sont importants pour eux.
- pouvoir fournir autant d’informations qu’ils veulent et le peuvent.
- pouvoir se faire une idée plus profonde de leur problème et mieux le comprendre à
mesure qu’ils parlent.
- être capables d’essayer de voir les racines et les causes de leurs problèmes et de trouver ce
qu’on peut faire à ce sujet.

5.5 Ce qu’il faut faire et ne pas faire en écoutant


5.5.1 En écoutant, nous devrions essayer de faire ce qui suit :
- montrer de l’intérêt ;
- être compréhensif envers l’autre personne ;
- exprimer de l’empathie ;
- identifier le problème s’il y en a un ;
- écouter pour trouver les causes du problème ;
- aider le locuteur à faire le lien entre le problème et la cause ;
- encourager le locuteur à devenir motivé et compétent pour résoudre ses propres
problèmes ;
- s’exercer à pouvoir garder le calme et le silence quand ceux-ci sont nécessaires.

5.5.2 En écoutant, nous ne devrions pas faire ce qui suit :


- contester ;
- interrompre ;
- juger trop vite ou à l’avance ;
- donner des conseils sauf si l’autre en demande ;
- faire un saut jusqu’aux conclusions ;
- laisser les émotions du locuteur affecter les miennes trop directement.

5.6 Rétroaction. Apprendre des autres


En examinant les objectifs, les voies et moyens de communication et l’amélioration
de nos capacités d’écoute, nous pouvons voir comment une communication claire et ouverte
peut aider au développement personnel et à celui du groupe. En recourant à la rétroaction,
en donnant des informations sur nous-mêmes et nos sentiments personnels, nous
approfondissons nos relations avec les autres et stimulons notre propre développement. La
familiarisation avec la fenêtre de JOHARI et l’habitude de donner et de recevoir la
rétroaction grâce aux exercices suivants complètent cette marche.
33

5.6.1 La fenêtre de JOHARI


Le regard que nous portons sur nous-mêmes (je suis beau, capable, paresseux…)
résulte partiellement de ce que nous ont dit les autres (parents, amis, professeurs…), de la
façon dont ils nous voient. Le contraire peut même arriver : notre comportement et nos
sentiments peuvent dépendre de ce que nous pensons que les autres pensent en nous. (« Je
n’ai pas compris ce que le professeur nous a dit, mais si je lui demande de me l’expliquer de
nouveau, il pensera que je suis très stupide. Je ferai donc mieux de me taire. »). Dans ce cas,
il serait très utile de demander aux autres (au professeur, aux autres participants) comment
ils me voient pour me faire une idée claire et honnête. La figure 5.1 représente la Fenêtre de
JOHARI, fenêtre à quatre vitres amovibles.

1) « A » La partie : action libre


La vitre A représente la partie de nous-mêmes qui est ouverte pour nous-mêmes et les
autres. C’est la partie de notre action libre où nous ne voulons rien cacher et n’avons rien à
cacher. Il s’agit en général de nos bons côtés, ceux dont nous sommes fiers et que nous
voulons que les autres connaissent.

Figure 5.1: Fenêtre de JOHARI, fenêtre à quatre vitres amovibles

2) « B » La partie : fragment inconscient


La vitre B représente la partie de nous-mêmes que nous ne connaissons pas ou ne voulons
pas connaître. Ce sont les côtés de notre personnalité dont nous avons honte et que nous ne
voulons pas regarder. Mais cela peut être une expérience étonnante de voir comment les
autres considèrent ces parties de nous-mêmes alors que nous n’en sommes pas tous
conscients.

3) « C » La partie : affaires cachées


La vitre C représente la partie de nous-mêmes dont nous sommes conscients, mais que nous
ne voulons pas que les autres connaissent. Il pourrait s’agir ici de nos désirs secrets, de nos
côtés vulnérables ou de notre comportement dont nous savons que les autres n’aimeraient
pas.
34

4) « D » La partie : actions inconnues


La vitre D représente la partie de nous-mêmes qui nous est inconnue ainsi qu’aux autres, à
moins que nous ne fassions une psychanalyse. Ce carré est le seul qui n’est pas concerné par
le travail effectué en commun au sein du groupe.

5.6.2 Comment utiliser la fenêtre de JOHARI dans le travail en groupe


La relation réelle entre les différentes vitres (A, B, C et D) n’est pas égale comme elle
est présentée dans la figure 5.1. Elle change en fonction de la situation où nous sommes ou
des personnes avec lesquelles nous sommes. La figure 5.2 montre la fenêtre d’une personne
qui est en changement de comportement dans un groupe ou lors d’un atelier.
A ce stade, l’objectif du travail en groupe est de permettre aux membres du groupe de
surmonter la situation difficile et malaisée, de créer un climat de liberté et de confiance pour
travailler les uns avec les autres. Plus les gens se sentent libres d’agir, moins ils doivent
dissimuler et, par conséquent, les autres se sentent libres de parler d’eux-mêmes et de leurs
propres « fragments inconscients ».

Figure 5.2 : Nouvelle fenêtre d’une personne après changement de comportement

5.7 Conclusion
Ce chapitre nous a montré que la manière dont nous accordons à l’écoute de notre
interlocuteur est très importante pour obtenir une communication efficace et maintenir une
bonne relation avec les autres.
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BIBLIOGRAPHIE
1. P. WATZLAWICK / J.HELMINCK -BEAVIN / D. JACKSON : Une logique de la
communication. Edition Points en livre de poche

2. P. WATZLAWICK / J.WEAKLAND / R.FISH: Changements, paradoxes et


psychothérapie. Edition Points en livre de poche

3. P. WATZLAWICK ET AL : L'invention de la réalité. Edition Points en livre de


poche

4. Christine GRIESHABER : Pas à pas, Développement des groupes. DES/ZEL. 2000

5. Le Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale (ACP-UE) : Communication


Institutionnelle. Manuel à l’usage des ONG et des instituts de recherche agricole en
Afrique. 2002.

6. Shapiro Carl and Varian Hal : Information rules, Harvard Business Press, 1998

7. Shannon Claude E. : A mathemathical theory of communication. Belle System


Technical Journal (Juillet – Octobre 1948)
36

ANNEXES

Pour enrichir les expériences personnelles en communication

1. Diarrhée et sorcellerie ?
Dans un village d’Afrique de l’ouest, les gens attribuaient couramment la diarrhée et la
sorcellerie. Chaque fois que quelqu’un était victime de cette maladie, on pensait qu’un
mauvais esprit avait affecté cette personne. Mais ces gens puisaient de l’eau dans une
rivière qui était très sale à certaines périodes de l’année et ils manquaient d’hygiène.
Des experts en développement qui avaient vécu une période avec eux plusieurs
semaines auparavant revinrent alors au village. Ils commencèrent par annoncer pour ce
soir-là une pièce de théâtre que tout le village vint voir. Les formateurs présentèrent une
courte pièce dans laquelle beaucoup de gens avaient la diarrhée. Ils se demandaient
pourquoi ils avaient attrapé cela. Durant la discussion, quelqu’un dit : « Peut-être que
cela vient de l’eau. A la maison, je n’ai jamais de la diarrhée, mais dès que je viens dans
ce village, je l’attrape. »
C’était la fin de la pièce. Durant la discussion qui s’ensuivit, les experts en
développement demandèrent simplement aux villageois quelles étaient, d’après eux, les
causes de la diarrhée. Par cette discussion, les gens prirent conscience du fait que l’eau
avait peut-être quelque chose à voir avec la maladie.

2. Voisinage difficile
Si une famille est brouillée depuis très longtemps avec une autre famille et deux de leurs
membres se rencontrent, leurs PREJUGES, TRADITIONS et EDUCATION les
empêcheront pendant très longtemps de découvrir que l’autre est en fait une agréable
personne. Mais dès qu’ils auront essayé de dominer la situation et qu’ils seront
parvenus, alors le monde leur paraîtra soudain très différent…

3. Tante Jane est perdue au marché


Ma tante Jane est très vieille. Elle a presque 73 ans et oublie beaucoup de choses tout le
temps, et fait même parfois des bêtises comme la suivante :
La semaine dernière, elle est sortie toute seule de la maison. Personne ne l’avait vue
partir et toute la famille avait très peur qu’il lui arrivait quelque chose de grave. Nous la
cherchions partout. Je ne pouvais pas la trouver. Maman ne pouvait pas la trouver. Peter
ne pouvait pas la trouver. Mais Oncle Max, son mari, l’a trouvée. Il alla directement au
marché. Elle y était et essayait d’acheter des choses. Mais elle ne se rappelait que des
prix d’il y a 20 ans. Elle engagea donc de grands palabres avec les commerçants parce
que les choses sont beaucoup plus chères aujourd’hui. Elle les qualifiait de voleurs et de
menteurs et les accusait de vouloir la tromper. Mais cela amusait beaucoup tous les
gens, vu que tante Jane est bien connue et que tout le monde l’aime. Elle n’avait pas
d’argent sur elle pour acheter quoi que ce soit, mais à la fin, quelques marchandes lui
firent cadeau de tomates, d’oranges et de concombres.
Maman dit : « Je pense que nous devrons envoyer plus souvent Tante Jane au marché.
C’est une très bonne femme d’affaire ».

4. Rétroactions
- « Vous avez levé les sourcils quand je vous ai donné mon opinion sur ce point. Je vous
ai vu(e) souvent faire cela et cela m’a semblé arrogant. Cela m’agace et cela me gêne
pour continuer à parler… »
- « Je suis agacé(e) parce que vous m’interrompez tout le temps ! »
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- « J’aime la façon dont vous m’avez expliqué le système de comptabilité à la dernière


réunion. J’ai vraiment bien compris cela ! »
- « Je n’ai pas compris ce que le professeur nous a dit, mais si je lui demande de me
l’expliquer de nouveau, il pensera que je suis très stupide. Je ferai donc mieux de me
taire.»

5. Changement de comportement
…Pensez à toutes ces femmes qui découvrent après quelque temps que leur mari n’est
plus l’homme aimant, attentionné et serviable qu’il était avant le mariage. Au contraire,
il reste assis à la maison, attend l’argent que la femme gagne pour le dépenser en
boisson. Beaucoup de ces femmes souhaitent quitter leur mari, mais elles ne le font pas.
Elles souffrent et supportent souvent bien trop longtemps cette situation nuisible à leur
santé…
…Nous connaissons le cas du village qui dispose d’un excellent puits tout neuf, mais
certains habitants continuent d’aller puiser de l’eau à la rivière. Ils disent que la
nouvelle eau a un « goût ». En réalité, ce qu’ils veulent dire est ceci : « Je vais depuis
toujours chercher de l’eau à la rivière, pourquoi devrais-je changer de conduite après
être devenu si vieux avec mes vieilles habitudes ?»…

6. Nos amis les animaux nous communiquent leurs caractères …


- L’âne est un ami très sincère et fiable qui suit les règles du groupe et aide à remplir les
responsabilités. Il peut être également très têtu et ne pas vouloir modifier son point de
vue.
- Le lion est un chef fort et énergique qui s’attend à ce que les autres participent de leur
mieux à l’activité du groupe comme il le fait lui-même. Mais il se lance dans des
combats chaque fois que quelqu’un n’est pas d’accord avec ses plans ou contrecarre ses
désirs.
- Le lapin est celui qui court toujours deux pas devant les autres, les incitant ainsi à
travailler un peu plus vite. Avec lui, le groupe ne dort jamais. Mais il peut se sauver dès
qu’il sent venir la tension, le conflit ou un travail désagréable, par exemple, en
changeant rapidement de sujet.
- L’Autriche se cache la tête dans le sable et refuse de voir la réalité ou d’admettre qu’il
y ait un problème.
- Le singe est un ami amusant, toujours prêt à faire une plaisanterie pour faire rire le
groupe. Mais il peut aussi gâcher son temps, bavarder beaucoup et donc empêcher les
autres de travailler et de se concentrer sur des sujets sérieux.
- L’éléphant est celui qui parle d’une voix forte et convaincante en tant que
représentant de l’ensemble du groupe. Les autres peuvent se cacher derrière son large
dos. Cette attitude peut empêcher les autres de devenir finalement autonomes.
- La girafe met toute son ambition à atteindre les buts et objectifs du groupe et les siens
propres. Elle veut que le groupe soit plus efficace et vise « plus haut ». Mais elle peut
regarder de haut les autres et le programme en général, en pensant « Je suis au-dessus de
toutes ces bêtises puériles. Je sais beaucoup mieux. »
- La tortue se retire du groupe, et refuse de communiquer ses idées ou ses opinions.
Elle est très tranquille, attend anxieusement qu’on l’appelle à sortir de sa carapace.
- Le chat cherche toujours à attirer la sympathie. « Je ne peux pas faire cela, c’est trop
difficile pour moi… ». Ou bien il s’en tient à son humeur solitaire, évitant toujours de
s’approcher de quiconque.
- Le paon est toujours en train de se pavaner, et de rivaliser pour attirer l’attention.
« Regarder comme je suis une personne formidable ! »
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- Le serpent se cache dans l’herbe et frappe à l’improviste.


- Le rhinocéros fonce à droite et à gauche, offensant les gens sans nécessité, bien qu’il
ne fasse pas exprès.
- Le hibou est toujours intéressé, pose un tas de questions et a déjà acquis un grand
savoir sur ce sujet. Son savoir peut ainsi aider au processus d’apprentissage du groupe.
Mais il peut aussi prétendre être un grand sage, faire des phrases longues et
compliquées, tout savoir beaucoup mieux que les animateurs ou les chefs de groupe.
- La souris est trop timide pour parler sur un sujet quelconque, mais elle est
probablement très capable de faire tranquillement son travail toute seule.
- La grenouille coasse sans arrêt sur le même sujet d’une voix monotone ou gêne le
groupe par ses commentaires.
- L’hippopotame dort tout le temps, et ne bouge jamais la tête sauf pour bailler ou
critiquer.
- Le poisson ne peut exister qu’au milieu d’une foule de gens où il peut suivre les autres
et n’est pas forcé de penser ou d’agir comme individu.
- Le caméléon s’adapte à tout le groupe, n’a pas de problème pour adopter des objectifs
de groupe différents et est un membre facile à manier. Mais il peut aussi changer de
couleur suivant les gens avec lesquels il se trouve. Il dira ceci à un groupe et autre chose
à un autre.

7. Notre physionomie dit aux autres beaucoup de choses…

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