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Loi de Hotelling

La loi de Hotelling affirme que sur la plupart des marchés, la concurrence conduit les
producteurs à réduire la différence entre leurs produits. Cette loi est aussi appelée principe
de différenciation minimale. Elle a été formulée par le statisticien et économiste américain
Harold Hotelling (1895-1973) dans un article intitulé Stability in Competition[1]. Le phénomène
inverse est la différenciation des produits, généralement considérée comme un avantage
compétitif si elle s'effectue dans les bonnes conditions.

Loi de Hotelling

Nature Loi en économie (d)

Nommé en Harold Hotelling


référence à

Le modèle de Hotelling est utilisé en économie industrielle, en théorie des jeux, et en


économie géographique.

Le problème des marchands de glace

Le problème des marchands de glace est un exemple célèbre de la théorie des jeux, et une
approche simplifiée du modèle de Hotelling.

Énoncé …
Deux marchands de glace doivent choisir un emplacement sur une plage où les clients sont
répartis uniformément.
On suppose les prix et produits des marchands identiques (la différenciation ne porte que sur
l'emplacement des marchands, c'est-à-dire que les biens ne sont distincts que du fait des
coûts de transport), de sorte que chaque client se dirige systématiquement vers le marchand
le plus proche.

La question est double. D'une part, il s'agit de déterminer la position d'équilibre de ce jeu,
c'est-à-dire la façon dont les marchands vont se placer sur la plage, en supposant que
chacun ne cherche qu'à maximiser ses bénéfices. D'autre part, il s'agit d'analyser l'optimalité
de cet équilibre, du point de vue des marchands et des clients.

Équilibre

Lorsque les deux marchands sont installés, ils se partagent naturellement la plage en deux
zones : la zone d'un marchand est l'ensemble des points de la plage qui sont plus près de lui
que de l'autre marchand (notion de diagramme de Voronoï). Il n'est pas difficile de voir que
ces zones correspondent à un découpage de la plage par la médiatrice du segment de droite
reliant les deux marchands (schéma ci-dessous, à gauche — la médiatrice étant la ligne
verticale noire).

Si un des deux marchands a une zone plus petite que l'autre (c'est le cas s'il est plus loin du
centre de la plage), il peut accroître sa zone en se déplaçant (schéma ci-dessous, à droite). Il
n'y a donc pas équilibre.

Il ne peut donc y avoir équilibre que si les deux zones ont la même taille, c'est-à-dire si les
marchands sont tous deux de part et d'autre du milieu de la plage, à égale distance (ci-
dessous, gauche). Mais, si l'un des marchands se rapproche alors du milieu de la plage (ci-
dessous, droite, le vendeur bleu se déplace vers la gauche), il accroîtra sa zone au détriment
de l'autre, qui devra aussi se rapprocher du milieu de la plage pour conserver « sa » moitié de
plage.

Par conséquent, les deux marchands se rapprochent spontanément du milieu de la plage,


jusqu'à s'y trouver tous les deux (ci-dessous, gauche). Il y a alors équilibre : chaque marchand
a une moitié de plage, et s'il se déplace légèrement d'un côté ou de l'autre, il verra sa zone
décroître au profit de son concurrent (ci-dessous, droite, le vendeur rouge se déplace vers la
gauche). C'est l'équilibre de Nash de ce jeu.

Optimalité

Si l'on suppose que les clients se déplaceront toujours vers le plus proche marchand, quelle
que soit sa position, alors le jeu est à somme nulle : la somme des gains des marchands sera
la même dans tous les cas.

Cependant, ce jeu produit des externalités : les clients ne sont pas indifférents à la position
des marchands, puisqu'ils devront marcher en conséquence. En particulier, la position
d'équilibre, avec les deux marchands au centre de la plage, est loin d'être idéale : certains
clients doivent traverser la moitié de la plage pour acheter leur glace.

Une répartition bien meilleure des vendeurs (du point de vue de l'optimum social) serait d'en
avoir un au milieu de chaque moitié de la plage (deuxième des trois schémas ci-dessus,
gauche). Dans ce cas, non seulement chaque vendeur aurait encore une zone égale à la
moitié de la plage, mais les clients ne devraient traverser qu'au plus le quart de la plage pour
acheter leur glace. Il ne s'agit cependant pas d'un équilibre.

Ainsi, du point de vue des clients, l'équilibre de ce jeu n'est pas optimal. Il est possible de
rendre cet équilibre non-optimal pour les marchands aussi : il suffit de supposer qu'un client
préfère renoncer à sa glace que de traverser plus du tiers de la plage. Dans ce cas, l'équilibre
pour les marchands consistera à se poster chacun à un tiers de la plage, puisqu'alors si un
marchand veut se rapprocher du milieu, pour prendre un client à son concurrent il devra en
perdre deux qui viendraient de l'extrémité de la plage (en moyenne, ou en supposant une
répartition homogène des clients sur la plage). Ce nouvel équilibre améliore alors la condition
des clients sans être encore optimal pour eux.

Le modèle et la réalité

Le modèle ne prétend pas représenter un cas réel, mais les conséquences d'une hypothèse
d'école très simplifiée. Dans la vie réelle, bien entendu, des clients qui achèteraient une glace
si le marchand était près d'eux pourraient y renoncer s'il fallait parcourir la moitié de la plage
aller et retour (en d'autres termes le volume des ventes n'est pas une constante). Ou encore
un marchand pourrait vendre ses glaces un peu plus cher en jouant sur la préférence du
client pour le confort de la proximité (en d'autres termes la proximité constitue un élément de
service qui peut aussi se facturer). Cela ne remet pas en cause le modèle, qui ne constitue en
tant que tel qu'un exemple idéal destiné à montrer que la main invisible d'Adam Smith peut,
selon les cas, s'appliquer ou non.

Voir aussi l'article spécialisé Zone de chalandise.

Le modèle général

Hotelling prend le cas de deux magasins (A et B) qui se trouvent sur une route rectiligne de
longueur . A se trouve à kilomètres du début de la route et B se trouve à kilomètres
avant la fin de la route :

Le bien vendu est homogène et le prix de revient est de $ par unité. Les consommateurs
sont distribués uniformément le long de la route à raison d’un consommateur par kilomètre.
Chaque consommateur achète une unité du bien. Son choix du magasin dépend du prix de
vente et du coût de transport qui est de $ par kilomètre. Il s’agit donc d’un cas de duopole
avec biens différenciés car les frais de transport rendent les deux biens différents.

Si les prix étaient les mêmes, A aurait les consommateurs à gauche ( ) et la moitié des
consommateurs entre A et B. Dans le cas général, la répartition des consommateurs
dépendra des prix fixés par A et B.

Soit la distance entre A et un consommateur qui se trouve entre A et B (voir graphique). Si


est la distance entre A et B, le consommateur est indifférent entre aller chez A ou chez B
lorsque :

où et sont les prix de vente respectifs pratiqués par les deux magasins et
.

On obtient :

Les profits des deux magasins sont alors :


L’équilibre de Cournot-Nash est obtenu en utilisant les deux courbes de réaction (ou de
meilleure réponse) :

Le point de rencontre de ces deux courbes donne la solution (Hotelling suppose que ,
comme Cournot avec l’eau minérale):

Hotelling constate que le profit de A augmente s’il se rapproche de B (c’est-à-dire lorsque a


augmente). Les deux entreprises ont alors intérêt à se rapprocher.

Il ne faut pas que les deux magasins soient trop proches l’un de l’autre car alors on est dans
le cas du modèle de Bertrand avec un prix d’équilibre égal au coût unitaire et un profit nul. Si
et , alors A ne peut pas dépasser le premier quart de la route. Si, comme dans
l’exemple de Hotelling, et , alors A peut aller jusqu’à environ 10 km. Il ne doit
pas aller jusqu’au milieu de la route.

Si les coûts de transport sont quadratiques, A a intérêt à s’éloigner de B (différenciation des


produits).

Conséquences et validité

Ce phénomène est observé sur de nombreux marchés, en particulier sur ceux des
marchandises (par opposition aux services) et a pour conséquence une diminution de la
variété des choix disponibles pour le consommateur.

Hotelling suggère que ce résultat peut expliquer aussi la standardisation des produits ou des
programmes des partis politiques aux États-Unis (différence entre Républicains et
Démocrates) ; cette application est connue comme le théorème de l'électeur médian.

Dans les faits, les entreprises sont soumises à la fois à la loi de Hotelling et au principe
opposé de différenciation des produits. Ainsi, une nouvelle compagnie d'aviation fera sa
promotion en insistant sur ce qui la différencie de la concurrence : trajets moins onéreux,
places plus confortables, etc. Mais elle adoptera également une politique très proche de celle
de ses concurrents : services et grilles horaires similaires.

En théorie des jeux, le modèle de Hotelling est un cas d'équilibre de Nash non-optimal. En
termes plus économiques, cela signifie qu'une concertation entre acteurs économiques (ou
une régulation externe, par exemple étatique) peut être préférable pour tous à une situation
où chaque acteur cherche à optimiser son propre profit, ce qui contredit le principe de la
main invisible.

En économie géographique, il s'agit d'une première approche pour les problèmes de


différenciation spatiale. Le modèle de Hotelling aussi appelé modèle de la ville linéaire est
étendu par le modèle de Salop dit de la « ville circulaire » qui considère non plus une droite,
mais un cercle-unité. Alors que la droite permet de modéliser une autoroute, le cercle
modélise plus facilement une ville autour d'un lac ou une périphérie urbaine.

Notes

Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Problème des
marchands de glaces (https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Probl%C3%A8me_des_ma
rchands_de_glaces&oldid=70472140)  » (voir la liste des auteurs (https://fr.wikipedia.org/
w/index.php?title=Probl%C3%A8me_des_marchands_de_glaces&oldid=70472140&action=
history) ).
1. Harold Hotelling, Stability in Competition, dans The Economic Journal, vol. 39, n⁰153, mars
1929, pages 41-57

Bibliographie

(en) Harold Hotelling, « Stability in Competition », The Economic Journal, vol. xxxix, 1929,
p. 41-57

(en) C. d'Aspremont, J.J. Gabszewicz et J.F. Thisse, « On Hotelling's 'Stability in


Competition' », Econometrica, 1979, p. 1145-1150

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Dernière modification il y a 1 an par PAC2

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