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Dossier 9: Politique monétaire

et économie ouverte

Yannick Lucotte
Sciences Po Paris
2 avril 2016
ylucotte@gmail.com
Partie 1: Exercice - NAIRU

Les deux équations fondamentales du modèle WS/PS sont données


par:

𝑊𝑡 = 𝑃𝑡𝑒,𝑡−1 𝐹 𝑢𝑡 , 𝑧 (WS)

𝑃𝑡 = 1 + 𝜇 𝑊𝑡 (PS)

Où 𝑢 désigne le taux de chômage, z désigne des paramètres


institutionnels, µ est le niveau de marge (mark-up) des entreprises, et
𝑃𝑡𝑒,𝑡−1 est le niveau des prix anticipés par les agents en t à la période t-1
Partie 1: Exercice - NAIRU

1) Expliquez ces deux relations.


 Relation WS:

- Salaire est une fonction des prix anticipés, du taux de chômage et


de paramètres exogènes comme un choc de technologie ou une
modification du système d’indemnisation chômage
- En effet, si les travailleurs anticipent une hausse des prix (synonyme
de perte de pouvoir d’achat), ils vont réclamer un salaire + élevé
- Toutefois, le pouvoir de négociation des salariés (et donc le niveau
de leur salaire) dépend des conditions sur le marché du travail (taux
de chômage par ex.) ainsi que des gains de productivité réalisés
 Relation PS:

- Le prix fixé par l’entreprise est une fonction croissante du coût du


travail (i.e. masse salariale) et du taux de mark-up qui caractérise le
pouvoir de marché de la firme
Partie 1: Exercice - NAIRU

2) Combinez les deux relations de sorte à faire disparaître 𝑊𝑡 .


- On remarque que dans la relation PS:

𝑃𝑡
𝑊𝑡 =
1+𝜇

- Alors, on obtient:

𝑃𝑡
𝑃𝑡𝑒,𝑡−1 𝐹 𝑢𝑡 , 𝑧 =
1+𝜇
Partie 1: Exercice - NAIRU

3) On suppose que 𝐹 𝑢𝑡 , 𝑧 = 1 − 𝛼𝑢𝑡 + 𝑧. Commentez cette relation.


Que vaut désormais la relation dérivée dans la question (2)?

𝑃𝑡 = 𝑃𝑡𝑒,𝑡−1 1 + 𝜇 1 − 𝛼𝑢𝑡 + 𝑧

- Le salaire décroît lorsque le chômage augmente car le pouvoir de


négociation des travailleurs s’affaiblit
→ α mesure la force de cet impact
- Lorsque z augmente (par ex. choc de technologie entraînant une
hausse de la productivité du travail ou revalorisation du montant des
allocations chômage), le pouvoir de négociation des salariés se
renforce et donc le salaire négocié s’accroît
Partie 1: Exercice - NAIRU

4) Le taux d’inflation à la date 𝑡, 𝜋𝑡 est donné par:

𝑃𝑡
𝜋𝑡 =
𝑃𝑡−1

Montrez que la relation précédente peut s’écrire sous la forme:

𝜋𝑡 = 𝜋𝑡𝑒 + 𝜇 + 𝑧 − 𝛼𝑢𝑡
Partie 1: Exercice - NAIRU

- Si nous divisons par 𝑃𝑡−1 l’expression suivante:

𝑃𝑡
𝑃𝑡𝑒,𝑡−1 𝐹 𝑢𝑡 , 𝑧 =
1+𝜇

- Nous obtenons:

𝑃𝑡𝑒,𝑡−1 1 𝑃𝑡
1 − 𝛼𝑢𝑡 + 𝑧 =
𝑃𝑡−1 1 + 𝜇 𝑃𝑡−1
Partie 1: Exercice - NAIRU

- Et ainsi, nous obtenons l’expression suivante:

1 + 𝜋𝑡
1 + 𝜋𝑡𝑒 1 − 𝛼𝑢𝑡 + 𝑧 =
1+𝜇

⇒ 1 + 𝜋𝑡 = 1 + 𝜋𝑡𝑒 1 − 𝛼𝑢𝑡 + 𝑧 1 + 𝜇

- Enfin, en considérant le logarithme de cette expression et en


remarquant que log 1 + 𝑥 est équivalent à 𝑥 pour des valeurs de 𝑥
proches de 0, nous obtenons alors:

𝜋𝑡 = 𝜋𝑡𝑒 + 𝜇 + 𝑧 − 𝛼𝑢𝑡
Partie 1: Exercice - NAIRU

𝜋𝑡 = 𝜋𝑡𝑒 + 𝜇 + 𝑧 − 𝛼𝑢𝑡

- Le taux d’inflation est positivement corrélé au taux d’inflation


anticipé. En effet, si les salariés anticipent une hausse des prix en t
par rapport à t-1 (autrement dit, si le taux d’inflation anticipé est
positif), ils réclament une hausse supplémentaire de leur salaire (par
la relation WS) et en retour la hausse des prix s’accélère (par la
relation PS)

- Le taux d’inflation est en revanche négativement corrélé au


taux de chômage car à anticipations d’inflation données, une
hausse de u amène les salariés à faire des revendications salariales
moins ambitieuses → W augmente moins et donc P également
Partie 1: Exercice - NAIRU

5) Supposons que l’inflation anticipée soit fixée à un certain niveau 𝜋 𝑒 .


Représentez graphiquement la relation entre 𝜋𝑡 et 𝑢𝑡 . Que se passe-t-il

si l’inflation anticipée augmente vers un niveau 𝜋 𝑒 > 𝜋 𝑒 ? Quelle
situation préférerez-vous?
- Dans ce cas, l’inflation est une fonction décroissante du taux de
chômage:
Partie 1: Exercice - NAIRU

- Si l’inflation anticipée augmente, l’inflation augmente pour tout


niveau de chômage: la courbe se déplace vers le haut.
Partie 1: Exercice - NAIRU

- Dans une telle configuration, pour un même niveau d’inflation, le


taux de chômage est plus faible lorsque l’inflation anticipée est
faible que lorsqu’elle est élevée. Alternativement, un même niveau
de chômage correspond à une inflation plus faible lorsque les
anticipations d’inflation sont faibles
- Il s’agit d’une courbe de Phillips «classique»: les agents souffrent
d’illusion monétaire. En effet, leurs anticipations d’inflation sont
indépendantes de l’inflation actuelle ou passée
→ ainsi, les prix anticipés augmentent toujours dans les mêmes
proportions par rapport aux prix actuels.
→ ainsi, conditionnellement au taux de chômage et aux paramètres
institutionnels, le salaire nominal négocié augmente toujours dans les
mêmes proportions, quelle que soit l’inflation effective.
Partie 1: Exercice - NAIRU

- Un cas extrême de cette situation est le cas où les agents


anticipent:

𝑃𝑡𝑒 = 𝑃𝑡−1

- Dans ce cas, le niveau des prix demain sera le même que celui
observé aujourd’hui
→ donc le taux d’inflation anticipé est nul: 𝜋𝑡𝑒 = 0

- En remplaçant ce taux dans la relation précédente, on obtient:

𝜋𝑡 = 𝜇 + 𝑧 − 𝛼𝑢𝑡
Partie 1: Exercice - NAIRU

- On retrouve ici l’arbitrage inflation-chômage (relation inverse entre


ces 2 variables macroéconomiques mise en lumière par Phillips
dans un article de 1958 sur données UK pour la période 1861-
1957):

Variations du taux de salaire nominal et taux de chômage en GB, 1861-1957 – Phillips (1958)
Partie 1: Exercice - NAIRU

« Courbe de Phillips » - relation inflation/chômage, USA, 1933-1958. Samuelson et Solow (1960)

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Partie 1: Exercice - NAIRU

- Lorsque les agents sont victimes d’illusion monétaire (i.e. niveau


des prix effectif supérieur à niveau des prix anticipé), les salariés ne
réclament pas une augmentation de salaire suffisante pour combler
leur perte de pouvoir d’achat et, donc le salaire réel baisse:

𝑊𝑡 𝑊𝑡
<
𝑃𝑡 𝑃𝑡−1

- La baisse du salaire réel incite donc les firmes à davantage


embaucher, ce qui engendre une baisse du chômage (déplacement
de la courbe WS vers le bas)
- Inversement, la baisse du chômage entraîne un pouvoir de
revendication plus important des salariés, qui vont demander une
hausse de leur salaire nominal afin de compenser la perte de leur
pouvoir d’achat → hausse des prix à la période t+1
Partie 1: Exercice - NAIRU

6) Supposons que les anticipations soient désormais telles que:

𝜋𝑡𝑒 = 𝜋𝑡−1

On parle d’anticipations adaptatives. Trouvez le taux de chômage 𝑢𝑡 tel


que: ∆𝜋𝑡 ≡ 𝜋𝑡 − 𝜋𝑡−1 = 0 . Comment appelle-t-on un tel taux de
chômage?
- En remplaçant 𝜋𝑡𝑒 par 𝜋𝑡−1 dans la réponse à la question (4), on
obtient:

𝜋𝑡 = 𝜋𝑡−1 + 𝜇 + 𝑧 − 𝛼𝑢𝑡
Partie 1: Exercice - NAIRU

- Dès lors, ∆𝜋𝑡 = 0 lorsque:

𝜇+𝑧
𝜇 + 𝑧 − 𝛼𝑢𝑡 = 0 ⇔ 𝑢𝑡 =
𝛼

→ à long terme, le taux de chômage ne dépend pas de facteurs


conjoncturels tels que le taux d’inflation, mais uniquement de facteurs
structurels, d’où le terme de taux de chômage naturel (NAIRU)
Partie 1: Exercice - NAIRU

- NAIRU: Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment, i.e. taux


de chômage qui serait compatible avec un taux d’inflation stable

- Définition de l’OCDE: “taux de chômage d'équilibre vers lequel le


chômage converge, en l'absence de chocs d'offre temporaires,
une fois que le processus d'ajustement dynamique de
l'inflation est achevé”

- Le NAIRU est communément utilisé pour mesurer 2 éléments:


1) L’écart entre le taux de chômage observé et le NAIRU: taux de
chômage conjoncturel
2) Le taux de chômage structurel: révèle l’(in)efficacité du cadre
réglementaire régulant le fonctionnement du marché du travail (cf.
diapo suivante reliant degré de rigidité du marché du L et NAIRU)
Partie 1: Exercice - NAIRU

Indice de protection de l’emploi (i.e. rigidité du marché du L) et NAIRU en 1999


Partie 1: Exercice - NAIRU

7) Représentez ce taux de chômage dans le graphique de la question


5. Illustrez graphiquement la proposition de Milton Friedman (1968)
selon laquelle « il y a toujours un arbitrage temporaire entre inflation et
chômage; il n’y a pas d’arbitrage permanent ».

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Partie 1: Exercice - NAIRU

- Les agents ne sont pas victimes d’illusion monétaire mais dotés


d’anticipations adaptatives: courbe de Phillips « augmentée des
anticipations » d’inflation (Phelps, 1967; Friedman, 1968)
→ courbe de Phillips verticale à long-terme: aucun arbitrage inflation-
chômage possible

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Partie 1: Exercice - NAIRU

→ arbitrage inflation-chômage seulement possible à CT, à LT spirale


inflationniste si les gouvernements persistent à mener des politiques
inflationnistes dans le but de réduire le taux de chômage: Phelps
(1967) et Friedman (1968)

- L’inflation (i.e. la politique monétaire) ne serait donc plus un bon


instrument pour réguler l’activité économique et faire baisser le
chômage…

→ inefficacité se retrouve dans les chiffres à partir des années 1970 et


les deux chocs pétroliers: stagflation

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Partie 1: Exercice - NAIRU

Inflation et chômage aux USA, 1948-1969

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Partie 1: Exercice - NAIRU

Inflation et chômage aux USA, 1970-2000

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Partie 1: Exercice - NAIRU

Courbe de Phillips aux USA: 1960-83 à gauche, 1984-2002 à droite

Atkeson et Ohanian (2001) montrent que le coefficient de régression du taux de chômage (la pente de
la courbe de Phillips de court terme) varie considérablement dans le temps. En particulier, ils
démontrent que le coefficient est significativement négatif sur la période 1960-1983, mais proche de
zéro dans la période post-1983. On voit que sur le graphique de droite la pente est quasi nulle, ce qui
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suggère une relation inexistante entre le taux de chômage courant et l'inflation future.
Partie 1: Exercice - NAIRU

Courbe de Phillips aux USA (%)

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Source: Banque nationale de Belgique (2002) à partir des sources BCE, CE, FMI, OCDE.
Partie 1: Exercice - NAIRU

Courbe de Phillips en zone Euro (%)

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Source: Banque nationale de Belgique (2002) à partir des sources BCE, CE, FMI, OCDE.
Partie 1: Exercice - NAIRU

8) Définissez ce que sont les anticipations rationnelles. Supposons que


les agents aient de telles anticipations: quelle est maintenant la forme
de la courbe de Phillips?
- Selon le mouvement des anticipations rationnelles (Muth, 1961), les
agents ne forment pas d’erreurs systématiques et utilisent
entièrement l’ensemble de l’information 𝐼 dont ils disposent.
Autrement dit:

𝜋𝑡𝑒 = 𝐸𝑡−1 𝜋𝑡 |𝐼𝑡−1

où 𝐼𝑡−1 est l’ensemble des informations disponibles à la date 𝑡 − 1 et


𝐸𝑡−1 𝜋𝑡 |𝐼𝑡−1 désigne l’espérance en 𝑡 − 1 formée par les agents
quand à l’inflation à la période 𝑡
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Partie 1: Exercice - NAIRU

- Cette expression signifie qu’en moyenne (E = espérance), les


agents ne font pas d’erreur quant au taux d’inflation qui prévaudra
demain s’ils utilisent toute l’information disponible aujourd’hui: ils
peuvent se tromper à la marge mais pas de manière systématique
- Avec de telles anticipations, cela signifie que le taux d’inflation
anticipé 𝜋𝑡𝑒 est en moyenne égal à 𝜋𝑡 . Si on pose 𝜋𝑡𝑒 = 𝜋𝑡 , on a
donc:
𝜇+𝑧
𝑢𝑡 =
𝛼

→ Il n’y a pas d’arbitrage entre inflation et chômage, ni à court terme, ni


à long terme. Cela vient du fait que les variations de prix se répercutent
immédiatement dans les anticipations des agents, qui ajustent leurs
demandes de salaire nominal en conséquence.
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Partie 1: Exercice - NAIRU

Quelles variables pourraient expliquer les différences de NAIRU que


l’on observe selon les pays?

Note: Ratio de remplacement = rapport entre les prestations perçues par un chômeur et le salaire d’un employé
Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

1) D’après Hayek, en quoi l’impact de l’inflation sur l’activité


économique est-il indissociable du concept d’anticipations?

- Pour Hayek, l’inflation n’a un effet positif sur l’activité économique


que tant qu’elle est non-anticipée (i.e. anticipations d’inflation)

- Au contraire, une inflation inférieure à l’inflation anticipée a les


mêmes effets qu’une déflation

- D’après Hayek, pour que les effets positifs de l’inflation se


maintiennent, il faut que celle-ci augmente sans arrêt
Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

2) Quels sont les coûts de l’inflation? Quels sont ceux de la déflation?


- Déflation: baisse du niveau général des prix (ex: Japon → décennie
perdue)
→ coûts: spirale déflationniste, faible croissance économique et
augmentation du poids réel de la dette publique et privée

Illustration de la déflation au Japon


Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

- Inflation: hausse du niveau général des prix


→ coûts importants en cas d’inflation élevée (voire d’hyperinflation):
a) Coûts d’usure (coûts d’usure des chaussures): ressources
gaspillées (en termes de coûts de transaction – trajets banque-
domicile par ex.) lorsque l’inflation encourage les individus à
réduire leur détention d’encaisses monétaires
b) Coûts de menu: coûts liés aux changements de prix
(changements de prix fréquents dans les catalogues)
→ hyperinflation allemande des années 20: les clients des restaurants
insistaient parfois pour régler l’addition en début de repas car le
prix du repas pouvait augmenter alors qu’ils mangeaient
c) Forte volatilité de l’inflation brouille les signaux de prix:
importance des prix relatifs en économie (prix du menu du
restaurant A par rapport au prix du restaurant B)
→ conséquence: perturbe les décisions micros des agents
Partie 2: Anticipations, indépendance des
banques centrales

d) Redistribution arbitraire des richesses entre débiteurs et


créditeurs: inflation diminue la valeur réelle de la dette
(redistribution intergénérationnelle entre épargnants et
emprunteurs)
→ inflation peut néanmoins être un moyen de financement du déficit
public (financement monétaire): longtemps utilisée par les pays en
développement pour monétiser leur dette publique
e) Inflation incertaine accroît la prime de risque sur les taux
d’intérêt à LT, ce qui accroît le coût du capital et réduit le niveau des
investissements
f) Nécessite des opérations de couverture qui ont un coût (ex:
augmentation des stocks dans les entreprises mais ceci a un coût,
recours à des produits dérivés)
Partie 2: Anticipations, indépendance des
banques centrales

Des périodes d’hyperinflation dramatiques pour les populations


(Allemagne 1923, pays d’Amérique Latine, Biélorussie, Zimbabwe)

Hyperinflation allemande sous la République de Weimar


Partie 2: Anticipations, indépendance des
banques centrales

Le cas dramatique du Zimbabwe (depuis 2000)…

Taux d’inflation annuel


fin 2008:
231 millions de % !

Depuis mi-2009, le dollar


zimbabwéen n’a plus
cours légal (utilisation de
devises étrangères)
Partie 2: Anticipations, indépendance des
banques centrales

Illustration de l’hyperinflation au Zimbabwe…


Partie 2: Anticipations, indépendance des
banques centrales

La question du taux d’inflation optimal? Une question non résolue et qui dépend
de la catégorie de pays considéré…

Source: Pollin (2008)


Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

- L’inflation peut toutefois être un moyen « facile » d’éviter un


dérapage des dettes publiques et de garantir leur soutenabilité à
moyen terme
→ Taxe d’inflation (Mankiw)

- Question du financement de la dette publique par les banques


centrales: programmes d’achats de titres par les autorités
monétaires (marché primaire versus marché secondaire)

- Voir extrait de Blanchard et al. (2010) [diapo suivante]


Partie 2: Anticipations, indépendance des
banques centrales

Extrait de l’article d’Olivier Blanchard, Giovanni Dell'Ariccia et Paolo


Mauro intitulé « Rethinking macro policy » publié le 16 février 2010
sur voxeu.org:

« Quel devrait exactement le niveau des cibles d’inflation? La crise a montré que des
chocs majeurs peuvent survenir. Les décideurs devraient-ils viser une cible d'inflation plus
élevée en temps normal, afin d’augmenter leurs marges de manœuvre en cas de choc?
Les coûts nets de l’inflation sont-ils beaucoup plus élevés avec un taux de 4%, par
exemple, qu'avec la cible actuelle de 2%? Est-il plus difficile de contrôler les anticipations
des agents à 4% qu'à 2%? Parvenir à une inflation basse, grâce à l'indépendance des
banques centrales, a été un accomplissement historique. Répondre à ces questions
implique donc de repenser soigneusement les avantages et les coûts de l’inflation. Une
question liée est de savoir si, quand le taux d'inflation tombe très bas, les décideurs
devraient s’autoriser une politique monétaire plus souple, afin de minimiser la probabilité
de déflation, même si cela signifie de courir le risque d’une remontée de l’inflation en cas
d'une hausse subite de la demande. Ce problème, qui occupait la Réserve Fédérale au
début des années 2000, est l’un de ceux que nous devons aujourd’hui chercher à
résoudre. »
Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

3) En quoi les arguments précédents justifient-ils l’existence d’une


banque centrale indépendante?
- Crédibilité de la politique monétaire (i.e. banque centrale): degré de
confiance des agents privés dans la détermination et la capacité de
la BC à prendre des décisions lui permettant d’atteindre ses
objectifs (par ex., la stabilité des prix)
→ plus la crédibilité d’une BC est élevée, plus son levier sur le
comportement des agents privés devrait être important
→ question de l’ancrage des anticipations
- Incohérence temporelle (Kydland et Prescott, 1977; Barro et
Gordon, 1983): séquence des politiques optimales ex ante n’est pas
optimale ex post
→ incohérence temporelle des décisions optimales
- Déviation de la politique monétaire: « biais inflationniste »
Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

- Biais inflationniste réduit le bien-être « social », la politique


monétaire n’ayant pas réussi à relancer l’activité économique, les
agents économiques ayant anticipé la « surprise » d’inflation de la
BC
- Biais inflationniste plus important lorsque la BC subit les pressions
du gouvernement
→ veille d’élections: cycles politico-économiques (Alesina et
Tabellini, 1987)
Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

- 3 solutions proposées dans la littérature pour combattre le biais


inflationniste:
1/ Soumettre la BC à une règle qui la « pré-engage » (i.e. lui lier les
mains)
→ le décideur « choisit un plan pour le cheminement des taux d’intérêt
auquel il se tient pour toujours. Le plan peut requérir un ajustement
de taux d’intérêt en réponse à l’état de l’économie, mais à la fois la
nature et la taille de la réponse sont gravées dans le marbre »
(Clarida, Gali et Gertler, 1999)
2/ Soumettre le gouverneur/banquier central à un contrat optimal
(Persson et Tabellini, 1993; Walsh, 1995)
→ pénaliser le banquier central en lui infligeant une retenue de salaire
→ responsabilité démocratique («accountability») de la BC (du
gouverneur)
→ exemple: Nouvelle-Zélande (Reserve Bank of New Zealand)
Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

3/ Nommer un banquier central « conservateur » (Rogoff, 1985), au


sens où sa préférence pour la stabilité des prix est supérieure à
celle de la société
→ l’indépendance de la banque centrale est l’application pratique de
ce concept théorique

- Si la Banque centrale est complétement indépendante du


gouvernement, elle ne doit théoriquement pas subir de pressions de
ce dernier, et poursuivra donc uniquement l’objectif d’inflation qui lui
a été assignée
→ objectif: éviter un biais inflationniste
Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

- Plusieurs indicateurs dans la littérature pour mesurer le degré


d’indépendance des banques centrales:

→ indicateurs de jure (i.e. basés sur l’analyse des statuts des banques
centrales):
 Grilli, Masciandaro et Tabellini (1991) [autonomie politique + autonomie
économique]
 Cukierman (1992) et Cukierman, Webb et Neyapti (1992)
 Alesina et Summers (1993)

→ indicateurs de facto:
 Taux de rotation des gouverneurs (Cukierman, 1992; Cukierman, Webb et
Neyapti, 1992) → limite: double causalité entre taux de rotation des
gouverneurs et performances d’inflation (Dreher et al., 2008, “Does high inflation
cause central bankers to lose their job? Evidence based on a new data set”)
Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

Source: Arnone et al. (2007)


Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

Source: Arnone et al. (2007)


Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

Source: Arnone et al. (2007)


Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

4) D’après Alesina et Summers, existe-t-il une corrélation entre


indépendance des banques centrales et niveau d’inflation? Existe-t-il
un lien entre indépendance des banques centrales et d’autres variables
macroéconomiques? Que pouvez-vous en conclure?
Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales
Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

- Alors que les auteurs mettent en évidence un lien entre


indépendance de la banque centrale et niveau et volatilité de
l’inflation, il ne semble pas y avoir de corrélation entre le degré
d’autonomie de la politique monétaire et le taux de chômage, ou la
croissance du PIB

- Par ailleurs, Alesina et Summers soutiennent l’idée que


l’indépendance de la banque centrale vis-à-vis du pouvoir politique
est peut-être plus efficace qu’une règle monétaire pour garantir un
niveau faible d’inflation
Partie 2: Anticipations, indépendance des banques
centrales

5) D’après Jeffrey Sachs, parmi les mesures économiques adoptées


pour stopper l’hyperinflation bolivienne du milieu des années 1980,
quelle est celle qui explique le mieux son arrêt brutal? Explicitez les
mécanismes à l’œuvre.
- D’après Sachs, comme dans le cas de l’Argentine, c’est la
stabilisation du taux de change qui a joué un rôle majeur: en effet,
du fait que le peso bolivien se dépréciait constamment, cela
renchérissait le coût des importations (libellées en dollars
américains), ce qui se répercutait fortement sur les prix des biens
(biens intermédiaires et finals) et donc le niveau général des prix
→ « pass-through » du change
- Cela a permis de restaurer rapidement la crédibilité de la banque
centrale, et par la suite de permettre un meilleur ancrage des
anticipations d’inflation du secteur privé à un niveau plus faible
d’inflation

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