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INTRODUCTION
Pour accéder à la vie juridique, un contrat doit répondre aux conditions légales de
formation clairement définies. Et l’art. 1108 du code civil énumère outre le consentement des
parties, leur capacité à contracter et un objet de l’obligation, une cause licite. La notion de
cause qui nous intéresse ici a fait l’objet d’une étude spécifique aux articles 1130 et suivant du
code civil. Cependant, le code ne la définit pas et si limite à ses indications fonctionnelles.
canonique, la cause est l’avantage qu’attend une partie du cocontractant, eu égard à sa propre
prestation. Ainsi, alliant la morale à l’Equité, une distinction a pu être faite entre cause
concrète ou mobile et cause abstraite, distinction ayant donné naissance à deux visions
opposées de la cause.
Pour Domat repris par Demolombe, la cause doit être recherchée dans chaque
obligation née du contrat, afin de déterminer ce qui fait que le contrat se forme, le motif pour
A leur suite, on a des auteurs comme Jossérand et capitant. Pour Capitant, la cause est
le but que poursuivent les parties en contractant et le rôle de la cause dépasse le stade de la
formation du contrat pour rejoindre son exécution. Et l’immoralité de ce but suffira « pour
briser la convention » 1
Pour Josserand, il y a assimilation entre cause et motifs. Il s’agit ici de définir ce qui
aura décidé les parties à contracter, toute chose qui renvoie aux considérations intrinsèques.
Cette vision de la cause va connaître une désapprobation retentissante des anti-
« Les motifs d’une convention doivent demeurer juridiquement indifférents » car, procéder
une société laïque.» C’est cette vision qui inspire PLANIOL pour qui la théorie de la cause est
fausse et inutile car, l’annulation d’un contrat pour absence ou fausse cause et même une
cause illicite par exemple, se confond alors avec l’annulation pour défaut de consentement ou
illicéité d’objet.
Mais la théorie de la cause, si elle ne mérite « ni cet excès d’honneur, ni cette
indignité », a survécu aux différentes polémiques et critiques. C’est ainsi que la jurisprudence
contemporaine, fait une nette différence entre cause de l’obligation, comme contre-prestation
attendue en exécution du contrat, exemple la fin recherchée à travers le contrat. Se pose ainsi
cause, encore faut-il que la liberté contractuelle ne heurte pas l’ordre public et les bonnes
mœurs, dessein que seule pourra assurer la cause. Aussi est-il nécessaire d’analyser la cause
d’abord comme condition de la naissance de l’obligation contractuelle (I) et ensuite son rôle
Il ne fait point désormais de doute que chaque rapport contractuel doit être soutenu par une
cause. Ceci pose le problème de son existence et des conséquences que son absence pourrait
susciter (B). Mais il reste a cerner dans tous ses contours la notion de cause (A).
A- LA NOTION DE CAUSE.
La cause sera ici saisie à travers une approche fonctionnelle. C’est ainsi qu’elle est assimilable
à la contre-prestation (1), ce qui pose le problème d’équivalence économique dans les contrats
(2).
contrepartie convenue, non la prestation réalisée ». De ces propos, il ressort que la cause
s’analyse différemment, suivant qu’il s’agit d’un contrat synallagmatique (a) ou d’un contrat
unilatéral (b).
Le contrat synallagmatique se caractérise par un échange mutuel de prestation. C’est ainsi que
dans la vente, la cause se situe dans la contre-partie que doit apporter chacune des parties.
Pour le vendeur, il s’agit de recevoir de son vis-à-vis le paiement du prix, pendant que ce
dernier lui réclame la remise de la chose, objet du contrat de vente. Les deux obligations de
moment de la formation du contrat, car, l’exception d’inexécution qui exempterait une partie
Le contrat unilatéral est celui dans lequel seule une partie s’engage à fournir une prestation,
l’autre se bornant à l’acception. Pour ce qui est du prêt par exemple, la cause se situe dans la
remise de la chose. En effet, le préteur ne consent à donner à autrui son bien que parce qu’il a
La situation est néanmoins toute autre dans la donation. Ici, c’est plutôt la volonté du
gratifiant qui sert de cause au contrat. En l’espèce, il s’agit de l’intention libérale, l’animus
donandi, qui sert de base au transfert de propriété du patrimoine du donateur vers celui du
bénéficiaire et ceci en principe sans contrepartie, toute chose qui pose le problème des
équivalences.
Parler de l’équivalence économique des prestations revient à étudier leur valeur respective,
fondent de la lésion.
La fongibilité des biens veut que dans un échange marchand par exemple, telle
quantité de biens corresponde à telle masse monétaire. Il s’agit ainsi d’équivalences qui
assurent une justice contractuelle. La considération de cet équivalent est le mobile principal,
essentiel, qui fonde, et qui explique la volonté de s’obliger. Ainsi, dans un contrat de travail,
aussi bien que le salaire est la contrepartie de la force de travail fournie, de même peut-on
comprendre que celui-ci soit fonction des heures de travail effectif 4 ce qui rend inutile les
« grèves perlées », puisque la solde en pâtira, l’inverse pouvant traduire une lésion.
relativement à la cause, on considère qu’une partie n’a pas donné en totalité ce qu’elle a
promis. On peut considérer l’hypothèse de la relation de travail dans laquelle le patron serait
travailleur, une suspension injustifiée de son activité. A défaut d’être totalement dépourvue de
cause, cette obligation doit pouvoir ne porter de traces de celle-ci que de façon partielle pour
Ici, « Le travail et le salaire promis se servent mutuellement de cause. Il convient que
l’un et l’autre s’équilibrent »5, faute de quoi, il s’en suivrait des conséquences inévitables.
Il existe des conventions qui n’ont aucune base causale, (1), pendant que d’autres
1- De l’absence de cause.
Nous avons fait valoir que la contre-prestation du moins pour ce qui est des contrats
synallagmatiques servait de cause aux obligations. Chaque partie ne s’engage qu’en raison de
la contrepartie qu’elle recherche. Si l’équilibre ainsi réalisé vient à être rompu, on se retrouve
Lorsque l’absence de cause est totale, à l’exemple de l’épouse qui avait quitté le
domicile conjugal alors qu’elle avait bénéficié d’une libéralité de la part de son beau-frère, il
puisque l’animus donandi du beau-frère, s’écroule face au lien du mariage qui est dissout : il y
a disparition de la cause. 5
La difficulté réside dans les hypothèses de perte partielle de cause et de billet non
causé.
envisageable comme dans les hypothèses sus visées du contrat de travail partiellement
exécuté.
La Jurisprudence énonce : « de l’art 1132 du code civil, Il résulte que, bien que la
cause ne soit pas exprimée dans une obligation, il y a présomption qu’elle existe et qu’elle est
2- La fausse cause
« La fausse cause est en réalité une erreur portant sur la cause, c’est-à-dire le but
immédiat ou la cause impulsive »7. Quel sens peut-on attribuer ici au mot « erreur » ? S’agit-
démontrée fausse, il incombe au bénéficiaire de prouver que sa créance repose sur une autre
licite et que, faute par lui de faire cette preuve, il doit succomber de ses prétentions »8 ou
« cause fausse » est opposée à « cause licite », on déduit qu’il s’agit d’une cause qui va en
contradiction avec la loi conformément à l’art 1131 code civil La fausseté confondue ici à
A l’analyse, la cause dans les obligations occupe une place de choix à un double
niveau. D’abord, elle assure une sécurité dans les échanges en ceci que la contrepartie
attendue décide de façon prompte le cocontractant à s’exécuter. En plus, elle garantit une
certaine équité contractuelle tant l’équivalence des prestations est son souci majeur, en dépit
de la disparité qui caractérise les causes, on peut aussi dire qu’à chaque époque de la vie de
l’humanité, il y a une doctrine sur morale que la conscience générale accepte sauf dissidences
individuelles qui ne comptent pas, et la cause contribue à cette quête aujourd’hui à travers la
A pousser plus loin l’analyse et pour rester en phase avec les développements récents
dont est sujette la notion, la cause de l’obligation apparaît également comme un instrument de
promotion et de vérification de la morale dans celles-ci. Cela se vérifie par le rôle de la cause
dans la protection de l’ordre public et des bonnes mœurs (A). Et c’est en jouant ce noble rôle
propre à elle que la notion attribue des fortunes diverses aux contrats immoraux et illicites
(B).
Au terme de l’art 1133 code civil « La cause est illicite quand elle est prohibée par la
loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public ». Cet article participe ainsi
à l’extension du contrôle exercé sur les obligations. Il ne s’agit plus de protéger les parties
uniquement dans leurs intérêts mais aussi de prôner des valeurs morales, ce qui n’est pas sans
Certes la cause illicite englobe la cause immorale, mais pour plus de clarté et dans
a) La cause illicite
Afin de permettre un contrôle efficace de la liberté contractuelle, la cause est comprise
comme le but lointain, le mobile qui anime chacune des parties seulement pour préserver la
stabilité des relations contractuelles et éviter l’insécurité juridique. Ce n’est pas tout motif
lointain qui est pris en compte. D’autant plus qu’il s’agit d’un élément psychologique propre à
chaque contractant et qu’il pourrait y avoir une multitude. Seul le motif déterminant est
accessoires ne sont pas prises en compte et Flour et Aubert y voient « une forte part de
verbalisme, s’il n’y a pas que cela »9. Ceci parce que le juge a tendance à qualifier de
déterminant le motif illicite qu’il découvre parmi plusieurs autres motifs. Au départ, il fallait
encore que ce motif soit connu de l’autre partie10. Seulement une évolution contemporaine
opte de plus en plus un motif personnel à l’un des contractants.11 Ce qui n’échappe pas à une
b) La cause immorale
La moralité dans les rapports juridiques tant prônée par les canonistes trouve ici lieu
irréprochables par application des arts 1133 et 1131 code civil Henri Capitant y voit d’ailleurs
Cette exigence de morale apparaît comme une extension du contrôle au-delà des exigences
légales et d’ordre public. Par-là, les valeurs sont mises en avant pour s’assurer d’une certaine
humanisation des contrats. Une telle promotion de la morale ne fait que conforter les profonds
contrat dépassant l’aspect objectif de la matière pour retenir son côté subjectif ne pourrait être
une restriction du principe de la liberté contractuelle. Cela s’illustre par une limitation de la
souveraineté de la volonté (a) avec une place de choix confiée au juge dans l’inspection des
contrats (b).
Le contrat est considéré au terme de l’article 1134 du code civil comme la chose des parties.
C’est le cadre privilégié d’expression de volonté des uns et des autres. Certes cette
souveraineté de la volonté des parties dans l’édification de tout contrat a toujours fait l’objet
d’encadrement par le législateur afin de sauvegarder l’intérêt général tout en respectant les
prend en compte les motifs (déterminants) autrement exclus de son de son champ d’analyse,
marque une profonde percée dans ce qu’il est possible de considérer comme « la chose des
parties ». Ces motifs pour la plupart lointains et propres à chaque contractant sont analysés
par le juge qui dès l’instant qu’est constaté une illicéité liée à la violation de l’ordre publique
pour retenir ce dernier comme motif déterminant et annuler par le même fait ledit contrat.
Ceci s’illustre par un renforcement du rôle du juge dans son contrôle des contrats.
C’est au juge que revient la prestigieuse mission de vérifier la conformité des contrats aux
exigences de respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs. Et il faut rappeler que
prévaut ici le principe de la liberté des preuves qui participe ainsi à faciliter la mission du
juge. De tels pouvoirs conduisent les juges à lever chaque jour des positions jurisprudentielles
jusqu’ici impensables. Ce fut le cas dans l’affaire Lorthoir, Minitfoto c/. Baucheron15 où le
juge s’appuie sur le principe de la cause pour déclarer abusive une clause réputée par la suite
non écrite.
Une telle orientation peut comporter le risque de voir revenir le pouvoir des juges,
mondialisation actuelle a ceci de grave de voir se développer une prolifération des contrats
Tout de même, le risque vaut la peine afin d’assurer un meilleur équilibre contractuel dans les
Le reflet de toute cette évolution c’est le sort qui est celui des contrats immoraux et illicites.
On peut déduire de la lecture de l’article 1131 code civil qui dispose que le contrat
« sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet » que,
tout contrat dont l’illicéité est établie sera sanctionné de nullité (B). Sanction qui n’est
obtenue qu’après que la preuve a été rapportée par la partie qui en a la charge (1).
Tout contrat est présumé avoir une cause licite et morale. Il incombe à celui qui
matière de preuve et celui des preuves intrinsèques (10). En effet les tribunaux ne se
reconnaissent le droit de contrôle sur les motifs du contrat que dans la mesure où ces motifs
apparaissent dans l’acte lui même. Malgré un léger revirement jurisprudentiel (11) la C. Cass.
Dès lors que la preuve du caractère illite ou immoral de la cause est établie, la sanction
les cas actuels ou la cause est déclarée illicite pour un motif déterminant personnel à
contracter et étranger à son cocontractant, des solutions sont atténuées pour ne pas léser le
maxime memo auditur propriam turpininem allegans, de la non restitution des choses perçues
Josiane ONDOA
Joëlle MANEKENG
(Doctorants en Droit).
1 G. RIPERT, la règle morale dans les obligations civiles, LGOJ. 1949. p. 59.
10 Civ., 1ère 4 dec. . 1956, JCP 1956II. 10008 note. Mazeaud, gaz. Pal. 1957. 1. 183