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Le contrôle du budget par les parlements dans la région de l'UEMOA

 
La mise en oeuvre des directives de 2009 de l'UEMOA en matière de gestion des finances
publiques présente de nouveaux enjeux pour les parlements de la région. Leur participation au
contrôle du budget et le recensement de leurs besoins d'assistance technique était le sujet de
l'atelier régional qui s'est déroulé à Dakar du 28 au 30 septembre, autour du thème « Le
renforcement des compétences du parlement dans le nouveau cadre harmonisé des finances
publiques de l'UEMOA ».

Cet atelier, organisé par le Pôle-Stratégie de développement et finances publiques intégré au


Centre régional du PNUD à Dakar (www.the-pole.org) a rassemblé des représentants des huit
pays de l'UEMOA (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et
Togo) et des pays voisins du Cap-Vert et de la Guinée, ainsi que du Sénat français, de l'UEMOA et
du PNUD.

L'atelier avait pour objectif de fournir aux participants des informations détaillées sur les
implications du nouveau cadre harmonisé de l'UEMOA et d'encourager l'adoption de ces
réformes par les parlements de la région. Les nouvelles directives entendent renforcer le
contrôle des dépenses publiques par les parlements et l'information des représentations
nationales, en introduisant des innovations importantes et en passant de budgets de moyens à
des budgets de résultats; elles introduisent de profonds changements dans l'élaboration,
l'exécution, le suivi et le contrôle du budget de l'État.

Après une présentation de l'essentiel de la réforme, l'atelier a porté essentiellement sur le


renforcement du rôle des parlements et des cours des comptes, et la séance finale a permis de
comparer les expériences récentes dans le domaine du renforcement des capacités des
parlements.

La réussite de cette initiative tient à la participation active d'experts qui ont analysé différents
aspects de la question et ont fourni des perspectives multiples de la réforme et de ses
implications. L'expérience française concernant la mise en place récente de la loi organique
relative aux lois de finances a été partagée par des membres du Sénat français et a permis aux
participants d'échanger leurs vues sur les difficultés et les limites de la mise en oeuvre d'une
réforme aussi importante.

L'interaction dynamique entre les participants a donné lieu à un débat enrichissant sur les
principaux obstacles que les pays membres de l'UEMOA, et leurs parlements en particulier,
rencontreront pour se conformer au nouveau cadre, consolider la prise en charge de cette
réforme et assumer le nouveau rôle et les responsabilités qui résultent des directives de 2009.

1. Le nouveau cadre harmonisé des finances publiques de l'UEMOA

La directive n°06/2009/CM/UEMOA sur les lois de finances établit de nouvelles règles pour
l'élaboration, l'exécution et le contrôle des budgets nationaux, avec pour objectif une meilleure
efficacité des dépenses publiques et des politiques publiques y afférentes. Cette notion
d'efficacité devient cruciale, étant donné l'importance que cette directive accorde aux résultats
attendus de la mobilisation et de l'utilisation des ressources financières plutôt qu'à leur
affectation quantitative.

Ce passage à une gestion axée sur les résultats constitue l'élément central de la réforme en cours
et devrait entraîner des réformes substantielles des structures et des procédures adoptées par
les autorités nationales.
Avant la réforme, l'élaboration du budget était centrée sur le volume des ressources affectées
aux différentes possibilités d'action ; dans ce contexte, il était demandé au parlement
d'approuver le renouvellement des crédits octroyés précédemment à chaque ministère, alors
que les directives de 2009 établissent un lien entre l'allocation de crédits et la réalisation
d'objectifs prédéfinis pour chaque poste de dépenses.

Dans ce contexte, les gestionnaires de programme jouent dorénavant un rôle important dans le
cycle budgétaire, car ils deviennent responsables de la conception, de l'exécution et de l'examen
des résultats du budget, ainsi que de la réalisation globale des objectifs établis.

Cette responsabilisation accrue des gestionnaires et l'accent mis sur les résultats vont de pair
avec un assouplissement de la gestion des ressources financières : la nouvelle fongibilité des
crédits réduit au minimum les restrictions techniques et administratives afin de faciliter la
réalisation des objectifs.

Une autre caractéristique importante de la réforme est la planification pluriannuelle, qui


représente une innovation dans la gestion publique en intégrant les répercussions des décisions
à moyen terme. Même si les budgets nationaux continueront d'observer le principe de
l'annualité pour les recettes et les dépenses, des prévisions seront maintenant établies pour les
exercices suivants : le document de programmation pluriannuelle des dépenses (DPPD) et le
document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEP) — les nouveaux
documents d'accompagnement de la loi de finances — mesureront les variations de la position
budgétaire et du solde budgétaire chaque année.

La perspective pluriannuelle renforce la cohérence et l'alignement des budgets et des stratégies


à long terme, et favorisent leur inclusion dans la loi de finances ainsi que leur bonne exécution
dans la mesure où 1) le processus est internalisé par les systèmes nationaux, 2) les informations
de base sont fiables et 3) les documents pluriannuels sont liés de manière appropriée au budget
annuel.

2. Un nouveau rôle pour les parlements et les établissements d'audit1

La directive n°06 met l'accent sur deux principes cruciaux dans le cycle budgétaire, la
performance et la transparence : il s’agit d’améliorer l'information mise à disposition des
parlementaires et de renforcer les moyens dont ils disposent pour contrôler l'action publique.
L'article 57 de la nouvelle directive prévoit un débat d'orientation budgétaire pendant lequel le
projet de DPBEP est présenté au parlement, avant que les orientations budgétaires pour
l'exercice suivant soient présentées. En outre, il s'agit d'une innovation remarquable par rapport
au système précédent, où le parlement n'intervenait que dans le débat sur les nouvelles
dépenses, tandis que la plupart des crédits étaient renouvelés de facto d'une année sur l'autre
sans débat.

La mise en oeuvre de la réforme de 2009 renforcera donc le contrôle exercé par le parlement et
la responsabilisation de l'action publique. L'affectation des ressources est déterminée après que
les informations sur l'exercice précédent soient fournies par les rapports annuels de performance
(RAP) : la loi de règlement de l'exercice n-1 et les rapports annuels des performances doivent
être déposés au parlement «au plus tard le jour de l'ouverture de la session budgétaire pour le
PLF n+1 »2.

1
Bruno Imbert, « La rénovation des procédures budgétaires en zone UEMOA : analyse des objectifs et des impacts de
la réforme de la directive relative aux lois de finances » (Les Notes du Pôle, 2009).
2
Article 58, Directive n° 06/2009/CM/UEMOA
Les nouvelles procédures fournissent au parlement des informations substantielles sur les
tendances macroéconomiques nationales, les perspectives des recettes et les prévisions des
dépenses par secteur, y compris les objectifs de performance, avant de décider des estimations
de dépenses pour l'exercice suivant.

En ce qui concerne le contrôle, les changements apportés par la directive en ce qui concerne
l'élaboration du budget constituent des progrès importants en matière de transparence. La
classification par programme, qui indique les orientations de la politique publique, permet de
mieux comprendre les documents budgétaires. En outre, l'article 74 précise que «le
Gouvernement transmet trimestriellement au parlement, à titre d’information, des rapports sur
l’exécution du budget et l’application du texte de la loi de finances». Ces rapports présenteront
les recettes et les dépenses, ainsi que les opérations de gestion financière.

La cour des comptes exerce un contrôle juridictionnel sur les budgets et les comptes publics. La
réforme confirme que la cour est chargée d'examiner les comptes des comptables publics et la
gestion des agents qui autorisent les paiements, tout en élargissant ses pouvoirs en ce qui
concerne le contrôle de la qualité de la gestion des organismes publics. La cour des comptes peut
maintenant examiner les résultats des programmes et évaluer leur efficacité, leur économie et
leur efficience.

La nouvelle directive préconise une coopération plus étroite entre le parlement et la cour des
comptes ; cette dernière fournit au parlement son avis et ses recommandations sur l'exécution
de la loi de finances, le système de contrôle interne et le dispositif de contrôle de gestion, la
qualité des procédures comptables et des comptes, ainsi que les rapports annuels de
performance.

3. La réforme et sa mise en oeuvre dans les pays membres : lacunes et perspectives

Dix pays de l'Afrique de l'Ouest étaient représentés à l'atelier et ont partagé leurs expériences de
la réforme et ses perspectives, ses implications sur le contrôle exercé par le parlement et les
enjeux de sa mise en oeuvre à court et à moyen terme.

Les discussions sur la loi organique française relative aux lois de finances, ainsi que les échanges
de vues sur les spécificités des pays participants, ont débouché sur un débat plus large
concernant la mise en place d'un programme de contrôle au parlement et une réflexion globale
sur les stratégies qui permettraient au mieux de prendre en charge la réforme.

Les discussions ont fait apparaître les principaux obstacles institutionnels à un contrôle efficace
des dépenses publiques. S'il n'y a pas de cour des comptes ou d'auditeurs dans tous les pays de
la région, leur collaboration avec le parlement est généralement insuffisante lorsqu'il y en a.

Par ailleurs, les principaux outils de contrôle parlementaire ne sont pas homogènes dans toute la
région : des débats parlementaires ne sont organisés que dans quelques pays, les commissions
parlementaires chargées de l'investigation et de l'information n'ont pas de véritable pouvoir, et
les audits sont suivis de sanctions rares ou inappropriées, alors que dans la plupart des cas il n'y a
pas de suivi efficace des recommandations formulées. Pour ce qui est des capacités, les
parlementaires ont fait état de l’inadéquation générale de leur savoir-faire en matière de
finances publiques et plus particulièrement en ce qui concerne les nouvelles directives, et de
l’insuffisance de l’assistance technique qui est accordée au parlement pour combler ce déficit de
connaissances.
Les participants sont convenus de priorités à court terme : une diffusion plus large des directives
de l’UEMOA et des meilleures pratiques de gestion des finances publiques afin de favoriser leur
mise en œuvre; une vaste aide au renforcement des capacités des parlementaires, sur la base
d’évaluations des besoins spécifiques; un renforcement de la collaboration avec les organisations
de la société civile et les médias qui jouent un rôle dans le contrôle des dépenses et des
politiques publiques; la mise en place d’un partenariat Sud-Sud et d’un réseau de parlementaires
pour partager les expériences et les meilleures pratiques; et l’organisation d’initiatives
d’assistance technique pour les pays de l’UEMOA en ce qui concerne l’établissement de
programmes de contrôle du budget.

Les recommandations issues de cet atelier peuvent être résumées aux points suivants :
 Accélérer les processus de transposition en droit national pour satisfaire le calendrier
communautaire ;
 Établir des cours des comptes dans les pays qui n’en disposent pas ;
 Renforcer la coopération entre les parlements et les cours des comptes par la mise en place
de mécanismes qui facilitent le dialogue entre les deux institutions ;
 Établir un programme de contrôle des politiques publiques qui donne lieu à des rapports
adoptés par les commissions ou le parlement,
 Renforcer les capacités d’analyse et d’enquête des parlements en matière de contrôle du
budget et de suivi des dépenses publiques.

Pour des renseignements supplémentaires, veuillez consulter www.the-pole.org.

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