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Lisa Ruston Violence et responsabilité 19 septembre 2018

Les quatre foyers de sens de la


responsabilité
I. La responsabilité sociale (comme dette)
II. La responsabilité morale (porter un fardeau)
III. La responsabilité politique (agir dans un monde incertain)
IV. La responsabilité éthique (promesse, s’engager au défi de soi-même)

I. La responsabilité sociale
Il y a quatre types de responsabilité : archaïque, individuelle, sans faute, future.

Responsabilité sociale en tant qu’elle fait société, responsabilité socialisante. Le sens le plus courant,
le plus immédiat de la dette est le sens monétaire, la dette monétaire et le remboursement d’argent.

Gilles Deleuze (1925-1995), « l’homme n’est plus l’homme enfermé, mais l’homme endetté ».
Passage des sociétés disciplinaires aux sociétés de contrôle.

1) La dette fondamentale (la dette de sens et le scrupule), dette archaïque

La dette peut aussi être vue comme un tissage d’un lien. Mais ambivalence du sens du lien, cela peut
être un lien qui vous relie comme un lien qui vous étrangle, vous sauve et vous fait tomber.

Une dette, c’est se sentir redevable, ‘je sais ce que je dois aux autres’. On doit répondre de nos
traditions, éducation, famille… « Qu’avons-nous fait que nous n’ayons point reçu ? » Saint Augustin.

Etre responsable, c’est se sentir redevable. Il s’agit d’un sens ancien, qu’on retrouve dans le Véda
(ensemble de textes qui selon la tradition ont été révélés aux sages indiens), écrits conservés
pendant très longtemps à l’oral puis ont été retranscrits en sanskrit. C’est un texte qui donne la
première définition de l’humanité.

Il y a aussi les upanishad, ensemble de textes philosophiques qui forment la base théorique de la
religion hindoue. Les upanishad ont transmis l’Orient à l’Occident. Schopenhauer « la lecture des
upanishad a été la consolation de ma vie, elle sera celle de ma mort ».

Le Véda définit la dette fondamentale, « l’homme quand il naît, il naît à l’état de dette ; il est une
dette, une dette due aux dieux, aux sages, aux ancêtres et aux hommes ». On reçoit un langage, de
l’amour, une culture, des valeurs… Exister c’est fractionner sa dette à l’aide de services, d’obligations
sociales… « C’est en tant qu’il est une dette due aux dieux qu’il doit faire des sacrifices, en tant
qu’une dette due aux sages qu’il doit enseigner son savoir, en tant qu’une dette due aux ancêtres
qu’il doit engendrer, en tant qu’une dette due aux hommes qu’il doit l’hospitalité ». Pour rembourser
sa dette il faut être à son tour créancier.

 La dette circulaire : chamanisme, agnihotra

Chamanisme (Sibérie) : Sibérie est constituée de sociétés d’aléas, car c’était des populations
essentiellement chasseuses et pêcheuses, on ne trouvait pas toujours du gibier. Le chaman est la
personne au centre de la société mais est aussi exclue, il entre dans des transes, danse avec des
tambours… Ces sociétés sont obsédées par la chasse, et conçoivent la chasse comme une prise à la
Lisa Ruston Violence et responsabilité 19 septembre 2018

nature, et lorsque le chaman commence à danser, entre en transe et s’épuise, il donne et cela
permet de rembourser la dette. Il s’agit donc d’une dette circulaire.

La notion actuelle de la dette écologique est construite sur ce paradigme. On a trop longtemps
considéré que la nature était un stock infini. La dette écologique essaye de faire comprendre qu’il
faut rendre, mettre en place une circularité. Dette circulaire : rendre à celui qui vous a donné.

 La dette symbolique :

Dette présente dans l’idée d’enfantement (je m’acquitte de ma dette de vie en transmettant la vie à
quelqu’un d’autre). Ce n’est pas rendre à celui qui m’a donné mais rendre à une tierce personne,
idée de transmission. La psychanalyse transgénérationnelle, c’est l’idée selon laquelle on va prendre
une décision importante dans notre vie, connaître un échec cuisant, être en détresse profonde, et
cela sera dû à un évènement non accepté par un membre de notre famille.

Paradigme de la responsabilité ou être responsable, c’est construire sa vie à partir de nos obligations.

 Un don pur : total, gratuit, désintéressé :

Jacques Derrida (1930-2004), philosophe français, a écrit Donner le temps, de l’hospitalité : « celui
qui donne ne doit pas le savoir ou le voir non plus, sans quoi il commence, dès le seuil, dès qu’il a
l’intention de donner, à se payer d’une reconnaissance symbolique ».

Ou encore La querelle de l’amour pur, Madame de Maintenon.

Enfin, un autre moyen de sortie de la dette est par exemple la religion catholique.

On a donc étudié le premier noyau de sens de la responsabilité, la responsabilité archaïque.

2) La responsabilité individuelle (la dette limitée aux rencontres et la prévoyance)


a) L’invention de l’individu s’est faite au XVIème-XVIIème siècle, ce qui a mené à l’invention de la
modernité, puis la reconnaissance des droits et des libertés.

Repère ontologique : Pic de la Mirandole : « l’homme ne naît pas sous forme de dette, il naît en
n’étant rien mais précisément parce qu’il n’est rien il peut tout donner. Tu n’as rien reçu, tu dois
donner à toi-même ton propre visage ».

Repère religieux : primauté de l’individu au niveau de la foi. Martin Luther, premier schisme
important avec le protestantisme. Sola scriptura : chaque croyant peut élaborer sa foi, son rapport à
Dieu, seul et n’a pas besoin de passer par l’Eglise.

Repère épistémologique : René Descartes, Discours de la méthode. Construire son savoir en ne


prenant aucune chose pour acquise, toujours se questionner. Est vrai ce qui m’apparaît comme tel à
la lumière de mon jugement.

Repère politique : Pour le contrat social, toute société existe par la volonté des personnes. C’est le
principe du libéralisme, chaque individu a des droits naturels, inaliénables et l’Etat a comme fonction
de respecter ces droits. L’Etat est légitime parce que les individus y consentent.

Liberté : chacun est vierge mais a des droits à faire valoir, égalité : je n’ai pas à avoir moins qu’un
autre, propriété : ce que j’ai, je n’ai pas à le transmettre, je fais ce que je veux.
Lisa Ruston Violence et responsabilité 19 septembre 2018

b) Philosophie de la responsabilité civile : l’obligation de réparation (je ne dois m’en prendre


qu’à moi-même, je ne dois transmettre de dette à personne).
c) Principe de subsistance individuelle et de prévoyance. Chaque personne doit assumer son
coût, être responsable, s’obliger à réparer les torts, et être prévoyant (éviter les opérations
trop risquées…)

Adolphe Tiers, Rapport du 26 janvier 1850 sur l’assistance et la prévoyance publiques (la dette
limitée)

« Le principe fondamental de toute société, c’est que chaque homme est chargé de prévoir lui-même
à ses besoins et à ceux de sa famille, par ses ressources acquises ou transmises. Sans ce principe,
toute activité cesserait dans une société, car si l’homme pouvait compter sur un autre travail que le
sien pour subsister, il s’en reposerait volontiers sur autrui »

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