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Traité de pancréatologie

Chez le même éditeur

Cancérologie colorectale, par J.-L. Faucheron, 2021, 256 pages.


Chirurgie bariatrique, par L. Brunaud et D. Quilliot, 2019, 216 pages.
Endoscopie : 49 questions cliniques incontournables, L.O. Leung, 2016, 240 pages.
MICI : 49 questions cliniques incontournables, par D.T. Rubin, S. Friedman et F.A. Farraye, 2016, 240 pages.
Traité de
pancréatologie
Louis Buscail
Barbara Bournet
Nicolas Carrère
Fabrice Muscari
Philippe Otal
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
Traité de pancréatologie, de Louis Buscail, Barbara Bournet, Nicolas Carrère, Fabrice Muscari et Philippe Otal.
© 2021 Elsevier Masson SAS
ISBN : 978-2-294-77623-6
e-ISBN : 978-2-294-77624-3
Tous droits réservés.

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Table des compléments en ligne

Des compléments numériques sont associés à cet ouvrage, A. Fistule vers la plèvre d'une pancréatite nécrotique (flèche
ils sont indiqués dans le texte par un picto . Ils proposent blanche).
des figures complémentaires et des vidéos. Pour voir ces B. Compression de l'uretère (flèche blanche).
compléments, connectez-vous sur http://www.em-consulte. C. Pseudokyste de la queue du pancréas (flèche blanche).
com/e-complement/477623 et suivez les instructions. Fig. e2.2 Bilan étiologique de pancréatite aiguë.
A, B. Scanner en phase aiguë (A) et à 3 mois d'une pancréatite
1 Bases anatomiques et physiologiques aiguë a priori idiopathique (B) : le scanner à 3 mois révèle la
Fig. e1.1 Vascularisation artérielle du pancréas (détails). présence d'un cancer du corps du pancréas (flèche blanche).
Source : Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM. Gray's C. Bilan IRM à 2 mois après une pancréatite aiguë a priori
anatomie pour les étudiants. Issy-les-Moulineaux : Elsevier idiopathique avec lésions de pancréatites chronique.
Masson, 2015 (3e éd.). D. Échoendoscopie 2 mois après une pancréatite aiguë a priori
Fig. e1.2 Branches de l'artère hépatique commune. idiopathique avec petit cancer du corps du pancréas (flèche
Source : Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM. Gray's blanche) comprimant le canal de Wirsung (flèche blanche en
anatomie pour les étudiants. Issy-les-Moulineaux : Elsevier pointillé).
Masson, 2015 (3e éd.). Fig.  e2.3 CPRM à distance d'une pancréatite aiguë
Fig.  e1.3 Branches proximales de l'artère mésentérique idiopathique.
supérieure. Sténose de l'isthme sur une pancréatite chronique débutante
Source : Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM. Gray's dans le cadre d'une pancréatite génétique avec mutation du
anatomie pour les étudiants. Issy-les-Moulineaux : Elsevier gène SPINK1 (flèches blanches en pointillé).
Masson, 2015 (3e éd.). 3 Pancréatite chronique
Fig. e1.4 Coupes schématiques du pancréas à la 6e semaine du Fig. e3.1 Images scanographiques de pancréatites chronique
développement embryonnaire. évoluées.
Source : Beaugerie L, Sokol H. Les fondamentaux de la Fig. e3.2 Traitement par échoendoscopie d'une lésion kystique
pathologie digestive. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, duodénale dans le cadre d'une pancréatite paraduodénale
2014. associée à une pancréatite chronique alcoolique.
Fig.  e1.5 Vues histologiques du pancréas exocrine et A. Les flèches blanches montrent l'épaississement de la paroi
endocrine. duodénale et la présence d'une lésion kystique pariétale duodénale.
A. Pancréas exocrine avec un acinus pancréatique indiqué par B. Aiguille de cytoponction dirigée sous échoendoscopie visant
des flèches noires et la lumière indiquée par L. à aspirer le contenu de la lésion kystique (flèche blanche en
B. Pancréas endocrine avec un îlot marqué avec un anticorps pointillé).
antirécepteur de somatostatine qui est exprimé par la plupart Fig. e3.3 Images scanographiques de pancréatites chroniques
des cellules endocrines (marquage membranaire brun). Photos : associées à une pancréatite paraduodénale.
Dr Philippe ROCHAIX, Institut Claudius-Regaud, Toulouse. Lésions kystiques de la paroi duodénale (flèches blanches en
Fig. e1.6 Vue scanographique d'un pancréas avec involution pointillé) et lésions inflammatoires calcifiées de la jante (flèches
sénile. blanches).
Le pancréas involutif est marqué par les flèches blanches. Fig. e3.4 Vues échoendoscopiques de pancréatites chronique à
Fig. e1.7 CPRM de pancréas normal. forme pseudotumorale.
A, B. Le canal pancréatique principal est marqué par les flèches
blanches. 4 Pancréatite autoimmune
Fig.  e1.8 Vues échoendoscopiques du pancréas normal avec Fig. e4.1 Schéma du corps entier avec localisations extrapan-
échoendoscope sectoriel électronique. créatiques de la pancréatite autoimmune de type 1.
A. Vue transduodénale du petit pancréas. Fig. e4.2 Aspect au TEP-scan de pancréatite autoimmune de
B. Vue transduodénale de la tête du pancréas et du canal de type 1 avec localisations extrapancréatiques.
Wirsung. A. Atteinte des glandes salivaires (flèches blanches).
C. Vue transgastrique du corps. B. Atteinte des reins et pancréas (flèches blanches).
D. Vue transgastrique du corps et de la queue avec une partie C. Atteinte de l'aorte, de ganglions et reins (flèches blanches).
du rein gauche. Fig. e4.3 Aspect échoendoscopique d'une pancréatite autoim-
mune de type 2 chez un enfant de 7 ans.
2 Pancréatite aiguë Aspect pseudotumoral (flèches blanches).
Fig. e2.1 Vues scanographiques et IRM de complications de Fig. e4.4 Aspect échoendoscopique d'une pancréatite autoim-
pancréatite aiguë. mune de type 2.

VII
VIII Table des compléments en ligne

Parenchyme pancréatique inflammatoire avec canal de bonne qualité technique car suffisamment abondante et non
Wirsung moniliforme avec des parois hyperéchogènes (flèches hémorragique.
blanches en pointillé) (équivalent du duct-penetrating sign). Vidéo  e6.1 Cytoponction sous échoendoscopie d'un adéno-
carcinome pancréatique.
5 Tumeurs kystiques du pancréas
Fig.  e5.1 Vue échoendoscopique d'une tumeur endocrine à 7 Tumeurs neuroendocrines pancréatiques
forme kystique (flèches blanches). Fig. e7.1 Schéma du spectre des atteintes viscérales de la néo-
Fig. e5.2 Polykystose hépatorénale avec atteinte pancréatique. plasie endocrinienne multiple de type 1.
Fig. e5.3 Ponction sous échoendoscopie d'une TIPMP dégéné- Fig. e7.2 TNE de grade 1 de l'isthme.
rée (flèches blanches) avec multiples nodules intra-kystiques. A et B. Vues en IRM (flèches blanche en pointillé).
Fig.  e5.4 Échoendoscopie d'une TIPMP des canaux C et D. Vue en échoendoscopie en particulier en haute
secondaires. fréquence (D) (flèches blanches en pointillé).
TIPMP (flèches blanches) avec mucus sur la paroi (flèche Fig.  e7.3 Vue scanographique d'une TNE du corps du pan-
blanche en pointillé) (VP : veine porte). créas métastatique au foie.
Fig. e5.5 Vue en tomodensitométrie de tumeurs pseudopapil- Fig. e7.4 Chimioembolisation de métastases hépatiques d'une
laires et solides (flèches blanches). TNE pancréatique.
Vidéo  e5.1 String test d'une ponction sous échoendoscopie A. Vue scanographique avant chimioembolisation.
d'une TIPMP (récupération après ponction d'une TIPMP avec B. Vue en artériographie avant chimioembolisation.
liquide mucineux filant). C. Vue en scanographie après chimioembolisation.
Vidéo  e5.2 Ponction sous échoendoscopie d'une lésion Vidéo  e7.1 Film d'échoendoscopie d'une TNE du corps du
macrokystique pancréatique (TIPMP). pancréas avec tumeur surrénalienne et ponction de la lésion
Vidéo  e5.3 Pancréatectomie gauche sous coelioscopie pour pancréatique.
cystadénome mucineux. Patiente porteuse d'une NEM1, la TNE pancréatique qui
avoisine les 2 cm de diamètre fait l'objet d'une cytoponction.
6 Cancer du pancréas
Vidéo e7.2 Énucléation chirurgicale d'une TNE pancréatique
Fig. e6.1 Cytoponction sous échoendoscopie de l'ascite dans
par voie cœlioscopique.
le cadre d'un adénocarcinome pancréatique avec carcinose
Vidéo  e7.3 Pancréatectomie gauche par laparotomie pour
péritonéale.
tumeur neuroendocrine de la queue du pancréas.
L'ascite est désignée par des étoiles blanches. FG : foie gauche.
Fig. e6.2 Cytoponction sous échoendoscopie d'un adénocarci- 9 Chirurgie, radiologie et endoscopie
nome pancréatique atypique avec renforcement postérieur des interventionnelle des affections du pancréas
échos évoquant en premier lieu une TNE. Fig.  e9.1 Drainage radiologique de la nécrose pancréatique
Le renforcement postérieur est montré par les étoiles blanches. infectée étendue.
Fig. e6.3 Mise en place d'une prothèse duodénale pour sténose Fig.  e9.2 Drainage radiologique de la nécrose pancréatique
tumorale symptomatique et dans le cadre de la prise en charge infectée par une double voie d'abord.
palliative d'un cancer de la tête du pancréas. Fig.  e9.3 Drainage radiologique de la nécrose pancréatique
A. Repérage par le coloscope, le patient est déjà porteur d'une infectée par une voie d'abord iliaque gauche.
prothèse métallique biliaire (flèche en pointillé avec aérobilie). Fig. e9.4 Vues de nécrose pancréatique infectée au cours d'une
B. Opacification du deuxième duodénum, la sténose est nécrosectomie endoscopique transprothétique.
objectivée par la flèche blanche. Fig.  e9.5 Drainage d'une collection post-pancréatectomie
C. Mise en place du kit de prothèse au travers de la sténose sous échoendoscopie avec mise en place d'une prothèse dia-
grâce à un fil-guide et sous contrôle endoscopique et bolo Axios™.
radioscopique. A. Collection rétrogastrique.
D. La prothèse commence à être larguée sous contrôle B et C. Collection vue en échoendoscopie.
radioscopique au niveau de sa portion distale (flèche en D et E. Largage sous échoendoscopie de la prothèse diabolo au
pointillé). niveau de la paroi gastrique.
E. La prothèse est totalement ouverte (flèche en pointillé). F. Au TDM, collection affaissée avec prothèse en place.
F. Opacification de la prothèse avec franchissement/ouverture Fig.  e9.6 Drainage de la voie biliaire principale sous CPRE
de la sténose (flèche blanche). avec prothèse expansible métallique pour une sténose tumo-
Fig. e6.4 Algorithme de prise en charge thérapeutique du can- rale maligne.
cer du pancréas localement avancé. A et B. Opacification de la voie biliaire principale avec cathéter
D'après Neuzillet C, Gaujoux S, Williet N, Bachet JB, Bauguion monté sur fil guide : sténose serrée partie basse (flèche blanche).
L, Colson Durand L et al. Thésaurus national de cancérologie C. Mise en place d'une prothèse expansible métallique.
digestive (TNCD). Dig Liver Dis 2018 ; 50 : 1257-71. Fig. e9.7 Traitement par thérapie génique in situ sous échoen-
Fig. e6.5 Algorithme de prise en charge thérapeutique du can- doscopie d'un cancer du pancréas localement avancé.
cer du pancréas métastatique. A. Tumeur avant injection.
PS : performance status. B. Injection du produit de thérapie génique donnant un nuage
D'après Neuzillet C, Gaujoux S, Williet N, Bachet JB, Bauguion L, blanc intratumoral.
Colson Durand L et al. Thésaurus national de cancérologie Vidéo  e9.1 Drainage d'un pseudokyste par la mise en place
digestive (TNCD). Dig Liver Dis 2018 ; 50 : 1257-71. sous échoendoscopie de deux prothèses double queue de
Fig.  e6.6 Résultat d'une cytoponction sous échoendosco- cochon.
pie d'une masse tissulaire pancréatique : la microbiopsie qui Vidéo e9.2 Nécrosectomie endoscopique après mise en place
est dans le formol (flèche noire) est considérée comme de d'une prothèse diabolo.
Les auteurs

Auteurs Collaborateurs
Louis Buscail Etienne Buscail
Professeur d’hépato-gastro-entérologie, praticien hospita- Praticien hospitalier, chirurgien digestif, département de
lier gastroentérologue, chef du service de gastroentérologie chirurgie digestive, CHU Rangueil/Larrey, Toulouse.
et pancréatologie du pôle hospitalo-universitaire des mala-
dies digestives, CHU Rangueil/Larrey, Toulouse ; président Adrian Culetto
de l’AFRCP. Praticien hospitalier, hépato-gastro-entérologue, service de
gastroentérologie et pancréatologie, CHU Rangueil/Larrey,
Barbara Bournet Toulouse.
Professeur d’hépato-gastro-entérologie, praticien hospi-
talier gastroentérologue, service de gastroentérologie et Nadim Fares
pancréatologie du pôle hospitalo-universitaire des maladies Praticien hospitalier, oncologue, service d’oncologie diges-
digestives, CHU Rangueil/Larrey, Toulouse. tive, CHU Rangueil/Larrey, Toulouse.

Nicolas Carrère Charlotte Maulat


Professeur de chirurgie générale et digestive, praticien hos- Chef de clinique, chirurgien digestif, département de chirur-
pitalier chirurgien digestif, département de chirurgie diges- gie digestive, CHU Rangueil/Larrey, Toulouse.
tive du pôle hospitalo-universitaire des maladies digestives,
CHU Rangueil/Larrey, Toulouse. Guillaume Péré
Chirurgien digestif, département de chirurgie digestive,
Fabrice Muscari CHU Rangueil, Toulouse.
Professeur de chirurgie digestive, praticien hospitalier
chirurgien digestif, département de chirurgie digestive Julien Pouplin
du pôle hospitalo-universitaire des maladies digestives, Chirurgien digestif, département de chirurgie digestive,
CHU Rangueil/Larrey, Toulouse. CHU Rangueil, Toulouse.

Philippe Otal Claire Valentin


Professeur de radiologie, praticien hospitalier radiologue, Chef de clinique, hépato-gastro-entérologue, service de
service de radiologie du pôle Imagerie, CHU  Rangueil/ gastroentérologie et pancréatologie, CHU Rangueil/Larrey,
Larrey, Toulouse. Toulouse.

Marion Wallyn
Hépato-gastro-entérologue, service de gastroentérologie et
pancréatologie, CHU Rangueil, Toulouse.

IX
Préface

Louis Buscail me fait l'honneur de me demander de pré- Ce livre comporte 304  pages, 236  illustrations et des
facer ce Traité de pancréatologie. La tradition toulousaine illustrations et vidéos supplémentaires pour la version en
pédagogique est bien établie et nombre d'hépato-gastro- ligne. Au temps du streaming, des webinaires et des versions
entérologues ont eu leur externat « bercé » par le traité de numériques, il pourrait paraître obsolète de disposer d'une
Jacques Frexinos. La tradition toulousaine de pancréatolo- version imprimée. Et pourtant, la qualité didactique de ce
gie est elle aussi bien établie depuis André Ribet qui a été le livre et son exhaustivité scientifique en feront très rapide-
maître respectif de Louis Buscail et de moi-même. L'équipe ment le carnet de référence, voire le livre de chevet, de tous
de Toulouse a ensuite poursuivi cette œuvre en alliant ceux qui veulent approfondir ou développer leurs connais-
recherche, évaluation clinique et prise en charge endosco- sances dans ce domaine. Dans sa grande modestie, Louis
pique ou chirurgicale des patients. Je me souviens que notre Buscail appelle ce traité un « ouvrage cassoulet ». C'est pour-
référence pendant notre internat était le livre Pathologie tant flatteur car il en a la richesse, la saveur et l'appétence.
du pancréas exocrine de la collection « Progrès en hépato- Merci Louis, à toi et à toute ton équipe.
gastro-entérologie », de P. Bernades, J. Belghiti, M. Duet et Pr Marc Barthet,
E. Zerbib (Rueil-Malmaison : Doin, 2001). Il nous manquait Service de gastroentérologie, CHU Nord,
un nouveau traité de pancréatologie alliant pédagogie et Assistance publique-Hôpitaux de Marseille
compétence spécialisée en pancréatologie : le Sud-Ouest
l'a fait en abordant des entités nouvelles et l'endoscopie
interventionnelle.

X
Abréviations

5-FU 5-fluoro-uracile CP-IRM cholangio-pancréato-graphie par ima-


5-HIA 5-hydroxy-indol-acetic acid gerie par résonance magnétique
AAST American Association for the Surgery CPRE cholangio-pancréato-graphie par voie
of Trauma rétrograde endoscopique
ACE antigène carcinoembryonnaire CPRM cholangio-pancréato-graphie par réso-
ACTH adrenocorticotropic hormone nance magnétique
ADEX aberrantly differentiate endocrine exocrine CRCM centre de ressources et de compétences
ADN acide désoxyribonucléique de la mucoviscidose
AFRCP Association française pour la recherche CRP protéine C réactive (C-reactive protein)
sur le cancer du pancréas CTC cellules tumorales circulantes
AINS anti-inflammatoire non stéroïdien ctDNA circulating tumor deoxyribonucleic
AKT protéine kinase B acid
ALAT alanine aminotransférase CTSI CT score index
AMM autorisation de mise sur le marché DAG dyacylglycérol
AMP adénosine monophosphate ddPCR droplet digital polymerase chain reaction
AMS artère mésentérique supérieure DKPA dystrophie kystique sur pancréas aber-
rant
ARN acide ribonucléique
DNase I désoxyribonucléase I
ATU autorisation temporaire d’utilisation
DNMT deoxyribonucleic acid methyltransferase
AVP accident de la voie publique
DOTA dodecane tetraacetic acid
BDNF brain-derived neurotrophic factor
DPC duodénopancréatectomie céphalique
BISAP bedside index for severity in acute pan-
creatitis DPC4 deleted in pancreatic cancer 4
bpm battements par minute DPD dihydropyrimidine déshydrogénase
CA 19.9 carbohydrate antigène 19.9 DPT duodénopancréatectomie totale
CAF cancer associated fibroblasts ECG électrocardiogramme
CASR calcium-sensing receptor ECL (cellule) entérochromaffines-like
CCK cholécystokinine ERK extracellular signal-regulated kinases
CDKI cyclin-dependant kinase inhibitor ESGE European Society of Gastrointestinal
Endoscopy
CDT carbohydrate deficient transferrin
EUS échoendoscopie haute (endoscopic ultra-
CEIAH (chimio)embolisation intra-artérielle
sound)
hépatique
EVA échelle visuelle analogique
CEL-HYB (allèle) pseudogène de la carboxyl ester lipase
EVN échelle verbale numérique
cfDNA circulating free deoxyribonucleic acid
EVS échelle verbale simple
CFTR cystic fibrosis transmembrane conduc-
tance regulator FDOPA 18
fluoro-dihydroxyphenylalanine
CHU centre hospitalier universitaire FiO2 fraction inspirée en oxygène
CIRC Centre international de recherche sur le GAP GTPase activating proteins
cancer GDP guanosine diphosphate
CIVD coagulation intravasculaire disséminée GEF guanine nucleotide exchange factor
CLDN2 claudine 2 GIST tumeur stromale digestive (gastrointes-
CMV cytomégalovirus tinal stromal tumor)
CNE carcinome neuroendocrine GLP1 glucagon-like peptide 1
CP cholangio-pancréato-graphie GM-CSF granulocyte-macrophage colony-stimu-
lating factor
CPA1 carboxypeptidase A1
GRB2 growth factor receptor-bound protein 2

XI
XII Abréviations

GRP gastrin-releasing peptide ORL oto-rhino-laryngologie


GTP guanosine triphosphate PaCO2 pression partielle en dioxyde de carbone
GVH greffon contre l’hôte (graft-versus-host) PAI pancréatite autoimmune
HGF hepatocyte growth factor PAM polyangéite microscopique
HIF hypoxia-inducible transcription PAN périartérite noueuse
HNF-1β Hepatocyte Nuclear Factor 1β PanIN pancreatic intraepithelial neoplasia
ICDC International consensus diagnostic PAP pancreatitis-associated protein
criteria PARP poly(adénosine diphosphate-ribose)
IDO indoléamine 2,3-dioxygénase polymérase
IgG4 immunoglobuline G4 PAS (coloration) periodic acid schiff
IL interleukine PCA analgésies contrôlées par le patient
IMC indice de masse corporelle (patient-controlled analgesia)
IP3 inositol triphosphate PD1 programmed cell death protein 1
IPE insuffisance pancréatique exocrine PDGF platelet-derived growth factor
IPP inhibiteur de la pompe à protons PD-L1 programmed cell death-ligand 1
IRM imagerie par résonance magnétique PGA granulomatose à polyangéite
ISGLS International Study Group of Liver pH potentiel hydrogène
Surgery PHI peptide histidine isoleucinamide
ISGPF International Study Group for Pancreatic PI3K phosphoinositide 3-kinase
Fistula PI3-kinase phosphatidylinositol3-kinase
ISGPS International Study Group of Pancreatic PICC peripherally inserted central catheter
Surgery PIMS pancreatic injury mortality score
IV intraveineuse PRSS1 gène du trypsinogène cationique
JNK c-Jun-N-terminal kinase PS score de performance clinique (perfor-
LPAC (syndrome) low phospholipid-associated cholelithiasis mance status)
LSL (cassette) lox-stop-lox PSC pancreatic stellate cell
LT lymphocytes T PSTI pancreatic secretory trypsin inhibitor
MAPK mitogen-activated protein kinase PTH parathyroid hormone
MEK MAPK/ERK kinase PTHrp parathyroid-hormone-related peptide ou
MARPN minimal access retroperitoneal pancrea- protein
tic necrosectomy PYY peptide YY
MCTSI modified CTSI RAF rapid accelerate fibrosarcoma
MDSC myeloid derived stem cells RAL RASL-like
MEKK MAPK kinase RAMPS radical antegrade modular pancreato-
MICI maladies inflammatoires chroniques de splenectomy
l’intestin RANKL receptor activator of nuclear factor κ-B
MinIP minimum intensity projection ligand
MIP maximum intensity projection RCH rectocolite hémorragique
MPR multiplanar reconstruction RCP réunion de concertation pluridisciplinaire
mTOR mammalian target of rapamycin RIV radiothérapie interne vectorisée
NBCA n-Butyl cyanoacrylate RNase ribonucléase
NEM1 néoplasie endocrinienne multiple de SAPL syndrome des antiphospholipides
type 1 SDRA syndrome de détresse respiratoire aiguë
NF1 neurofibromatose de type 1 SHH Sonic hedgehog
NFS numération formule sanguine SHU syndrome hémolytique et urémique
NF-κB nuclear factor kappa B SMAD4 mothers against decapentaplegic homo-
NGF nerve growth factor log 4
NGS next generation sequencing SOFA sequential organ failure assessment
NK natural killer SOS son of sevenless
NOC 1-Nal3-octreotide SPA spondylarthrite ankylosante
NOTES natural orifice transluminal endoscopic SPC sans produit de contraste
surgery SPECT-CT tomographie à émission monophoto-
NPY neuropeptide Y nique (single-photon emission computed
OMS Organisation mondiale de la santé tomography)
Abréviations XIII

SPG splénopancréatectomie gauche TNF tumor necrosis factor


SPINK1 serine protease inhibitor Kazal-type 1 TOC Tyr3-octreotide
SRIS syndrome de réponse inflammatoire TPA tissue polypeptide antigen
systémique TPPS tumeur pseudopapillaire et solide
SRS scintigraphie des récepteurs à la somatos- TRK tropomyosin receptor kinase
tatine TRPV6 TRPV6 calcium channel regulation
SST2 récepteurs à la somatostatine de type 2 VAC vacuum-assisted closure
TAM tumor-associated macrophage VARD videoscopic-assisted retroperitoneal debri-
TATE Tyr3-octreotate dement
TDM tomodensitométrie VBP voie biliaire principale
TEP-FDG tomographie par émission de positons VEGF vascular endothelial growth factor
au 18fluorodesoxyglucose VGM volume globulaire moyen
TGFβ transforming growth factor β VHL maladie de von Hippel-Lindau
TIPMP tumeur intracanalaire papillaire et VIH virus de l’immunodéficience humaine
mucineuse du pancréas VIP peptide vasoactif intestinal (vasoactive
TLR Toll-like receptors intestinal peptide)
TNE tumeur neuroendocrine VMS veine mésentérique supérieure
Chapitre
1
Bases anatomiques
et physiologiques
PLAN DU CHAPITRE
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Autres facteurs de régulation
Anatomie du pancréas. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 de la sécrétion exocrine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Situation et orientation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Réponse pancréatique au repas . . . . . . . . . . . . 11
Moyens de fixité et rapports péritonéaux . . . . 2 Sécrétion endocrine pancréatique . . . . . . . . . . 11
Configuration et rapports . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Organisation interne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Radioanatomie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Vascularisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Échographie pancréatique . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Embryologie du pancréas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 TDM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
Histologie du pancréas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 IRM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Physiologie du pancréas exocrine . . . . . . . . . . . . . 7 Variantes physiologiques
Sécrétion hydroélectrolytique . . . . . . . . . . . . . . 7 et anatomiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Sécrétion enzymatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Échoendoscopie pancréatique . . . . . . . . . . . . . 18
Régulation hormonale
de la sécrétion pancréatique . . . . . . . . . . . . . . . 10

Introduction ■ la physiologie, pour bien comprendre la physiopathologie


mais aussi l'application des différents traitements visant
Le pancréas est un organe complexe sur tous les plans : ana- à moduler la sécrétion exocrine et à rétablir la sécrétion
tomique, physiologique et de par sa pathologie. biliaire ;
L'organe s'étale sur l'ensemble de l'abdomen, avec des ■ la radioanatomie, car les progrès de la radiologie et de
rapports anatomiques très étroits et souvent indissociables l'endoscopie permettent à l'heure actuelle d'analyser au
avec le tube digestif, notamment l'estomac, le duodénum, mieux un organe qui est resté longtemps sans investiga-
l'intestin grêle et une partie du côlon, mais aussi les autres tion précise et reproductible. C'est grâce à la radiologie
organes comme les reins, les surrénales. L'ensemble de sa que nous pouvons dépister, diagnostiquer et surveiller les
vascularisation est très riche ; elle est commune à plusieurs différentes maladies du pancréas.
organes. Tous ces rappels sont abordés dans ce chapitre introduc-
La physiologie est complexe et affiche surtout une dualité tif, incontournable pour la compréhension et l'intégration
de sécrétion : des différentes pathologies qui seront abordées une à une
■ la sécrétion exocrine, dont la régulation est très fine mais dans cet ouvrage.
importante dans le contexte général de nutrition ;
■ la sécrétion endocrine, qui est certes indépendante mais
qui peut être mise à mal en cas de maladie pancréatique. Anatomie du pancréas
La pathologie, enfin, est variée et compliquée, faite d'af-
fections inflammatoires dont les complications sont parfois Situation et orientation
graves, mais aussi d'affections tumorales dont le pronostic Le pancréas est une glande digestive profonde, rétropé-
est souvent sombre. ritonéale, en forme de crochet, qui remplit une fonction
Il est donc important de connaître : endocrine et exocrine. Il est de couleur rosé et d'aspect
■ l'anatomie, pour appréhender les signes cliniques et les granuleux. Il mesure environ 15 cm de longueur, 7 cm de
conséquences de certaines affections inflammatoires et hauteur (portion céphalique) et 2 cm d'épaisseur. Son poids
tumorales sur les organes adjacents, mais aussi pour la moyen est de 80 g.
chirurgie pancréatique qui répond à des exigences de Il est étalé transversalement, aplati d'avant en arrière,
rapports anatomiques multiples, d'anastomoses et de orienté en crânial et latéral gauche selon un axe de 30°. Il
rapports vasculaires ; se projette transversalement sur les vertèbres L1 et L2. Il
Traité de pancréatologie
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2 Traité de pancréatologie

présente successivement deux concavités : l'une dorsale en Configuration et rapports


relation avec le rachis lombaire, la seconde ventrale en rela-
tion avec la paroi gastrique.
Tête du pancréas
C'est un organe essentiellement sus-mésocolique, com- La tête du pancréas correspond à sa partie droite, mesure
pris entre le duodénum (région périombilicale et épigas- environ 7 cm de hauteur pour 4 cm de largeur et 2 cm
trique) et la rate (hypochondre gauche). d'épaisseur. Cette partie porte le crochet ou uncus (processus
Le pancréas peut être divisé en quatre zones  : la tête, uncinatus).
l'isthme (ou col), le corps, la queue. On lui décrit une face ventrale, dorsale et une circonfé-
rence (Fig. 1.1).
Présente à la face médiale du duodénum, la circonférence
Moyens de fixité et rapports péritonéaux est indissociable des 2e et 3e portions duodénales par des
Le pancréas est un organe fixe, accolé à la paroi abdomi- connections fibreuses, vasculaires et canalaires. On peut
nale postérieure par le fascia pancréatique postérieur (fas- comparer ces rapports avec ceux d'un pneu sur sa jante [1].
cia de Treitz), correspondant au prolongement du fascia La tête présente deux prolongements notables : le tuber-
de Toldt rétropancréatique à gauche. Il est recouvert en cule pancréatique antérieur ou préduodénal et le tubercule
ventral par le péritoine (feuillet pariétal postérieur). Le pancréatique postérieur ou omental de part et d'autre du
pancréas est donc compris dans une loge entre ces deux 1er duodénum. Ce tubercule omental sera visible à travers
fascias dérivés des feuillets droit et gauche du mésoduo- le petit omentum dans le vestibule. Entre ces deux tuber-
dénum primitif (Jonnescu). La mobilisation du bloc duo- cules, le pancréas décrit une gouttière appelée empreinte
dénopancréatique se fait donc par clivage de ces fascias duodénale.
(encadré 1.1). À sa face postérieure, le conduit cholédoque décrit une
gouttière sur 2 à 3 cm, concave vers la droite, qui se prolonge
par un canal afin de rejoindre l'ampoule hépatopancréatique
Encadré 1.1. De l'intérêt pratique de la à la hauteur 2/3 supérieur−1/3 inférieur de la tête.
connaissance de l'anatomie du pancréas On notera en médial l'incisure pancréatique, zone échan-
crée en rapport avec les vaisseaux mésentériques.

L'interprétation des images radiologiques et la pratique Les rapports de la tête du pancréas sont les suivants :
de la radiologie interventionnelle (ponction, drainage, ■ en ventral : avec le foie (segment IV), la vésicule biliaire,
embolisation artérielle, etc.). le pédicule colique supérieur droit, la racine du mésoco-

La clinique et la biologie pour le retentissement sur les lon transverse, dont le feuillet antérieur se prolonge par le
organes de voisinages et les vaisseaux : voies biliaires (ictère), feuillet postérieur du péritoine de la bourse omentale rétro-
région cœliaque (syndrome solaire), veines (thrombose et gastrique (fascia de Fredet), et le feuillet postérieur se pro-
hypertension portale segmentaires), fistules, dualité de
sécrétion, organisation des canaux, etc.

La pratique de l'endoscopie et de l'échoendoscopie
diagnostique et interventionnelle (opacification par cholangio-
pancréato-graphie par voie rétrograde endoscopique [CPRE],
prothèses, ponction, drainages, nécrosectomie, etc.).

La chirurgie, exemple de la duodénopancréatectomie
céphalique : Aorte
– la mobilisation du bloc duodénopancréatique (manœuvre Veine cave inférieure
de Kocher) nécessite le clivage du fascia rétropancréatique, Rein droit
zone de fixité du pancréas ;
– dans 17 % des cas, une artère hépatique droite est présente Queue
dans la lame rétroportale, en dorsal de la tête du pancréas.
Corps
Cette artère est issue du bord droit de l'artère mésentérique
Col
supérieure. Elle représente une difficulté chirurgicale en cas de
duodénopancréatectomie céphalique ; Tête
– en cas de sténose du tronc cœliaque (notamment par
un ligament arqué médian), le foie sera vascularisé
par l'artère mésentérique supérieure via les arcades Rein
gauche
duodénopancréatiques à contre-courant. Afin de
sectionner l'artère gastroduodénale en toute sécurité lors Duodénum Jéjunum
d'une duodénopancréatectomie céphalique, il faudra bien Processus
vérifier le flux dans l'artère hépatique propre. uncinatus
Veine mésentérique
supérieure Artère mésentérique supérieure
Le pancréas est également le siège de l'insertion du méso-
Fig. 1.1 Situation et rapports viscéraux du pancréas.
colon transverse et de la racine du mésentère sur sa face Source  : Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM. Gray's anatomie
ventrale. pour les étudiants. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2015 (3e éd.).
Chapitre 1. Bases anatomiques et physiologiques 3

longent par le péritoine du mésocolon droit et transverse. rénal gauche et le rein gauche via le fascia périrénal anté-
La racine du mésentère qui naît entre le 3e duodénum, les rieur (fascia de Gérota) en dorsal (encadré 1.1).
vaisseaux mésentériques et l'angle duodénojéjunal ;
■ en dorsal : via le fascia de Treitz avec la veine cave cau- Queue
dale, la veine rénale droite et le pédicule gonadique droit, Elle est séparée du corps lorsque l'artère splénique la croise
le bord droit du rachis en regard de L1 et L2 ainsi que le pour rejoindre la rate. Cette portion est la seule libre, recou-
pilier droit du diaphragme ; verte de péritoine, comprise dans le ligament pancréaticos-
■ en crânial  : partie caudale du foramen omental (de plénique dans la partie gauche de la bourse omentale.
Winslow) et du vestibule omental, contact avec les vais- Il existe schématiquement deux formes :
seaux et branche du tronc cœliaque et mésentériques ■ étroite, longue et effilé au contact très étroit avec le hile
(encadré 1.1). splénique, avec un ligament court ;
■ massive et obtuse, à distance du hile avec un ligament
Isthme long.
Cette portion est définie entre l'échancrure pancréatique
supérieure ou duodénale (de Wiart) et inférieure ou vascu- Organisation interne
laire (certains auteurs décrivent cette portion entre le tronc
cœliaque et l'artère mésentérique supérieure, cependant Le parenchyme pancréatique est réparti en acini (plus de
nous ne retiendrons pas cette définition). Il s'agit d'une par- 85 % du volume de la glande), drainés par des canaux intra-
tie étroite mesurant 2 à 3 cm de hauteur, 2 cm de large, 1 cm lobulaires, regroupés en canalicules qui forment les canaux
de profondeur. pancréatiques secondaires. Ces canaux se déversent dans
En ventral, il est en rapport avec l'artère gastroduodénale le canal pancréatique principal de Wirsung selon un angle
issue de l'artère hépatique commune, avec le pylore, le pédi- proche de 90°. On lui attribue habituellement un aspect de
cule gastro-omental droit. myriapode.
En dorsal, il est en rapport avec le tronc porte qui naît de Les îlots de Langerhans (1 % du volume de la glande)
la réunion du tronc splénomésaraique et de la veine mésen- sont répartis majoritairement dans le corps et la queue du
térique supérieure, ainsi qu'avec l'artère mésentérique supé- pancréas (voir « Histologie » ci-dessous).
rieure (quadrilatère de Rogié). Le canal pancréatique principal mesure environ 20 cm,
pour un diamètre de 1 à 2 mm. Il est situé à la partie dor-
Corps sale et inférieure du pancréas, réalise une inflexion de 45°
en regard de l'isthme pour rejoindre la tête et l'ampoule
En forme de prisme, triangulaire, il mesure 8 cm de long, hépatopancréatique (ampoule de Vater) développée dans la
4 cm de hauteur et 2 cm d'épaisseur. Il est en rapport avec musculeuse du duodénum. Le canal pancréatique principal
l'estomac (paroi dorsale) via la bourse omentale, ce qui et au-dessous et en arrière du cholédoque. Cette ampoule
explique bien sa concavité ventrale. Il présente trois faces entourée du sphincter d'Oddi permet le drainage bilio-
(ventrale, dorsale, inférieure) ainsi que trois bords (ven- pancréatique dans le 2e duodénum au niveau de la papille
tral, dorsal, supérieur). Il présente sur son bord supérieur majeure.
un tubercule pancréatique gauche inconstant. Cette zone Le canal pancréatique accessoire (canal de Santorini),
présente un sillon, dans lequel se loge l'artère splénique, inconstant, mesure entre 5 et 6 cm, ne draine que la partie
sinueuse, qui se dirige vers la queue pour rejoindre la rate, supérieure de la tête au niveau de la papille mineure.
ainsi que les ganglions supérieurs de la chaîne de Sappey. Les deux papilles, visibles au bord interne du 2e duodé-
Les vaisseaux spléniques entrent en contact avec le bord num sont espacées d'environ 15 mm (Fig. 1.2).
supérieur (artère) et la face dorsale (veine). NB : il est décrit également un canal pancréatique secon-
Il entre en rapport avec l'aorte, le plexus solaire, le pilier daire constant appelé canal inférieur de la tête, drainant le
gauche du diaphragme, la surrénale gauche, le pédicule processus uncinatus (Cordier et Arsac, 1952).

Canal biliaire
Canal pancréatique accessoire

Papille duodénale mineure Canal pancréatique


principal

Papille duodénale majeure

Ampoule hépatopancréatique

Fig. 1.2 Distribution des canaux pancréatiques et leurs rapports avec la voie biliaire principale et le duodénum.
Source : Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM. Gray's anatomie pour les étudiants. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2015 (3e éd.).
4 Traité de pancréatologie

Vascularisation l'une antéroinférieure et l'autre postérosupérieure qui


croisent le conduit cholédoque. Ces artères vascularisent
Artérielle la tête et l'uncus pancréatique (encadré 1.1).
Le pancréas ne présente pas d'artère directement issue de Ces arcades réalisent un véritable réseau anastomotique
l'aorte, mais il est vascularisé par des artères issues du tronc entre le tronc cœliaque et l'artère mésentérique supé-
cœliaque (artère hépatique commune et splénique) et de rieure. Elles peuvent également être anastomosées entre
l'artère mésentérique supérieure (figures 1.3 et 1.4) : elles (arcade d'Evrard) ;
■ les arcades duodénopancréatiques (arcade de ■ l'artère pancréatique dorsale : issue de l'artère splénique,
Rio Branco) : entre l'artère gastroduodénale et l'artère elle bifurque très tôt pour donner deux branches. La
mésentérique supérieure. On dénombre deux arcades, première droite peut s'anastomoser avec l'arcade duodé-
nopancréatique postéroinférieure pour former l'arcade
de Kirk (anastomose entre le tronc cœliaque et l'artère
Artère gastro-omentale gauche
mésentérique supérieure). La deuxième branche, gauche,
Artère splénique Artère gastrique gauche devient pancréatique transverse et chemine vers la queue ;
■ l'artère splénique  : elle donne trois à quatre branches
Artère courtes pour vasculariser la queue, dont une plus
grande pancréatique volumineuse appelée pancreatica magna ou grande
Tronc cœliaque
pancréatique ;
Artère hépatique
■ l'artère pancréatique inférieure (artère de Testut) : issue
commune
du bord gauche de l'artère mésentérique supérieure, elle
Artère longe le bord antérieur du pancréas en direction de la
gastroduodénale
queue.
Il est à noter que l'artère de Bühler présente dans 1 % des
cas est une anastomose directe entre le tronc cœliaque et
l'artère mésentérique supérieure qui court à la face posté-
rieure du pancréas.
Le pancréas richement vascularisé, est le site d'anas-
Artère tomose entre les branches du tronc cœliaque et de l'artère
pancréatique dorsale
mésentérique supérieure. On peut schématiquement distin-
Artère guer une vascularisation différente du pancréas droit et du
pancréaticoduodénale
inférieure
pancréas gauche.
Artère pancréaticoduodénale
inférieure et antérieure
Veineuse
Les veines sont satellites des artères et sont toutes à destinée
Artère pancréaticoduodénale
inférieure et postérieure
portale. On dénombre trois veines principales pour le drai-
nage veineux du pancréas :
Artère mésentérique supérieure ■ la veine porte, qui reçoit l'arcade postérosupérieure ;
Artère pancréaticoduodénale supérieure et postérieure ■ la veine mésentérique supérieure, qui reçoit l'arcade anté-
Fig. 1.3 Rapports artériels du pancréas. Vue postérieure. Source : roinférieure directement ou par l'intermédiaire du tronc
Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM. Gray's anatomie pour les gastrocolique ;
étudiants. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2015 (3e éd.). ■ la veine splénique.

Veine cave Rate


caudale
Artère et veine
Surrénale splénique
droite
Tronc spléno-
Veine porte
mésaraïque
Rein droit Rein gauche
Duodénum
Veine mésentérique Veine
supérieure mésentérique
inférieure
Angle
colique droit Artère
mésentérique
Uretère supérieure
droit

Fig. 1.4 Rapports artériels et veineux du pancréas. Vue antérieure. Dessin : Cyrille Martinet.
Chapitre 1. Bases anatomiques et physiologiques 5

Lymphatique noter qu'il se retrouve partiellement en arrière des vaisseaux


Les nœuds lymphatiques pancréatiques sont représentés par mésentériques supérieurs.
quatre relais principaux : À ce stade du développement le parenchyme pancréa-
■ les nœuds lymphatiques supérieurs au bord supérieur du tique est organisé en acini, canaux excréteurs, et les îlots de
pancréas ; cellules endocrines apparaissent.
■ les nœuds lymphatiques rétropyloriques, pancréatico- Au 42e jour, les deux bourgeons fusionnent leurs canaux
duodénal postérieur, en arrière de la tête du pancréas ; excréteurs pour adopter une conformation anatomique
■ les nœuds lymphatiques mésentériques supérieurs ; définitive :
■ les nœuds lymphatiques mésocoliques transverses et ■ le canal pancréatique principal (ou canal de Wirsung)
ceux du bord antérieur gauche. est issu de la fusion du canal du pancréas ventral et de la
partie distale du pancréas dorsal. Il forme l'ampoule hépa-
Innervation topancréatique avec le conduit cholédoque, alors circons-
crite par le sphincter d'Oddi individualisé à ce stade ;
L'innervation autonome orthosympathique et parasym- ■ le canal pancréatique accessoire (ou canal de Santorini)
pathique du pancréas est issue du plexus solaire (nerfs est formé de la partie proximale du canal pancréatique du
splanchniques et vague droit). Il s'étend entre le tronc pancréas dorsal (Fig. 1.5).
cœliaque et l'artère mésentérique supérieure pour former le Le pancréas ventral sera à l'origine de la partie caudale de
plexus cœliaque et mésentérique supérieur. Sa distribution à la tête du pancréas et du processus uncinatus (crochet pan-
la glande pancréatique est satellite des artères. créatique), alors que le pancréas dorsal sera à l'origine de la
partie crâniale de la tête, de l'isthme, du corps et de la queue
(encadré 1.2).
Embryologie du pancréas
La glande pancréatique se développe précocement chez
l'embryon, à partir de l'intestin antérieur, par l'intermédiaire Encadré 1.2. Ce qu'il faut retenir
de deux épaississements endodermiques du duodénum pri- de l'embryologie du pancréas –
mitif [2, 3]. l'intérêt pratique de sa connaissance
Au 26e jour, se produit l'apparition de deux bourgeons
pancréatiques :

Deux bourgeons sont à l'origine du pancréas, l'un ventral et
■ le bourgeon ventral : développé à la face ventrale du l'autre dorsal, développé aux dépens du duodénum.
duodénum, dans le mésogastre antérieur, directement

Le bourgeon ventral réalise une rotation, entraînant avec lui
sous le bourgeon cystique auquel il est relié ; la voie biliaire principale.
■ le bourgeon dorsal : développé à la face dorsale du duo-

Le pancréas ventral sera à l'origine de la partie caudale de
dénum, dans le mésogastre postérieur. la tête du pancréas et du crochet pancréatique, alors que le
Au 32e jour, va se produire la migration du bourgeon pancréas dorsal sera à l'origine de la partie crâniale de la tête,
pancréatique ventral vers le mésogastre dorsal, selon une de l'isthme, du corps et de la queue.
rotation antihoraire autour du duodénum, entraînant avec

La fusion des deux bourgeons organise aussi le système
lui le conduit cholédoque dérivé du bourgeon cystique. canalaire pancréatique  : le canal de Wirsung résulte de la
À ce stade du développement, chaque bourgeon présente fusion des deux tiers du canal du bourgeon dorsal et du canal
un canal excréteur propre qui communique indépendam- du bourgeon ventral ; le canal de Santorini est quant à lui issu
ment avec le duodénum (le canal ventral, pour sa part, est du tiers restant du canal du bourgeon dorsal.
accompagné du conduit biliaire).

Le pancréas devient secondairement rétropéritonéal.
Au 35e jour, on assiste à la fin de la rotation du bourgeon

L'embryologie explique les variations anatomiques et
pancréatique ventral qui se retrouve en position dorsale malformations pancréatiques, (pancréas divisum, pancréas
et légèrement caudale par rapport au bourgeon dorsal. À annulaire, anomalies de la jonction biliopancréatique, etc.).

J-26 J-32 J-35 J-42

Bourgeonnement Rotation Fusion

Bourgeon Pancréas
cystique dorsal

Pancréas
ventral

Fig. 1.5 Schéma des principales étapes de l'embryologie du pancréas.


Dessin : Cyrille Martinet.
6 Traité de pancréatologie

Lors de la fusion des bourgeons pancréatiques, la glande (comme le trypsinogène, le chymotrypsinogène, la carboxy-
initialement recouverte de péritoine est intrapéritonéale, polypeptidase), de lipase et d'amylase. Les vésicules de sécré-
puis elle finit par s'accoler au plan postérieur et devient tion contenant les enzymes sont en maturation dans l'appareil
(secondairement) rétropéritonéale. de Golgi, avant de s'accumuler au pôle apical de la cellule aci-
On estime que le pancréas adopte sa conformation défini- neuse (ces vésicules sont aussi appelées grains de zymogènes)
tive à la 7e semaine du développement embryonnaire, tandis et d'être déversées sous l'influence de divers stimuli dans la
qu'il sera totalement fonctionnel à partir de la 13e semaine lumière de l'acinus par un mécanisme d'exocytose (Fig. 1.7).
de ce développement. Les cellules acineuses sont donc accolées entre elles pour
former l'acinus, les pôles apicaux formant la lumière de l'aci-
nus et les pôles basaux étant en contact étroit avec les struc-
Histologie du pancréas tures capillaires et nerveuses. Un canal excréteur fait suite à
Le pancréas est une volumineuse glande amphicrine, c'est- la lumière de l'acinus (canal intercalaire). Il est à noter que
à-dire comportant du tissu exocrine et endocrine. Le pan- l'on détecte aussi des cellules, plus petites en taille au sein de
créas exocrine est une glande acineuse, comportant des acini la lumière des acini : ce sont les cellules centroacineuses qui
pancréatiques et les canaux excréteurs. À l'intérieur du pan- vont débuter l'organisation du canal excréteur.
créas exocrine sont dispersées des formations glandulaires Les canaux excréteurs forment un système de conduits
endocrines nommées « îlots de Langerhans ». Le pancréas exo- ramifiés. Ils font immédiatement suite aux acini sous le nom
crine occupe plus de 85 % du volume de l'organe, 10 % étant de canaux intercalaires ; ils deviennent ensuite intralobu-
occupés par les vaisseaux, le tissu conjonctif et adipeux alors laires puis des canaux interlobulaires qui se réunissent enfin
que les îlots endocrines ne représentent qu'1 % de la masse en deux canaux collecteurs principaux : le canal de Wirsung
cellulaire (Fig. 1.6). Le parenchyme glandulaire exocrine est et le canal de Santorini (Fig. 1.8). Leur paroi est faite d'abord
divisé en lobules par de fines travées conjonctives issues de d'un épithélium simple (pavimenteux au départ puis
la capsule de l'organe : les lobules contiennent de nombreux cubique et prismatique ensuite) puis bi- et pluristratifié,
acini, des canaux excréteurs intralobulaires, des vaisseaux san- entouré d'une couche conjonctive d'épaisseur progressive-
guins (capillaires, artères, veines, lymphatiques) et des nerfs. ment croissante. Les cellules épithéliales formant la paroi
Du tissu adipeux est en général présent à proximité des vais- de ces canaux élaborent et déversent dans leur lumière
seaux. Les canaux excréteurs intralobulaires se déversent dans une sécrétion aqueuse, riche en bicarbonates et dépour-
un canal plus volumineux, le canal interlobulaire. Chacun des vue d'enzymes. Cette sécrétion contribue, avec la sécrétion
canaux interlobulaires se déverse dans le canal pancréatique enzymatique issue des acini, à former le « suc pancréatique »
principal ou canal de Wirsung [1, 4, 5] (Fig. 1.6). finalement déversé dans le duodénum, principalement par
Chaque acinus pancréatique (appelé aussi acinus séreux) la papille majeure.
est composé de 6 à 10 cellules glandulaires (cellules acineuses)
possédant toutes les caractéristiques morphologiques des Lumière de l'acinus
cellules sécrétrices de protéines. La cellule acineuse est de Pôle
forme grossièrement pyramidale ; elle comporte un noyau apical
Zymogènes
basal, lequel est entouré de mitochondries et d'un réseau très
riche de réticulum endoplasmique au sein duquel la synthèse
des protéines enzymatiques est réalisée. Il s'agit de protéases
Lysosome

Golgi

RE

Pôle
basal

Récepteurs CCK-A,M3, BBS Vx

Fig.  1.7 Schéma d'une cellule acineuse comportant un noyau


basal et des grains de zymogènes, vésicules contenant les
Fig.  1.6 Coupe histologique de pancréas humain montrant les proenzymes qui seront sécrétées vers les canaux pancréatiques
acini, les canaux et îlot de Langerhans. par exocytose au pôle apical de la cellule. Vx : vaisseau ; CCK-A :
Source  : Beaugerie L, Sokol H. Les fondamentaux de la pathologie cholécystokinine  A ; M3  : muscarinique M3 ; BBS  : bombésine ; RE  :
digestive. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2014. réticulum endoplasmique.
Chapitre 1. Bases anatomiques et physiologiques 7

À côté du pancréas exocrine, il y a des îlots de cellules nombreuses, le polypeptide pancréatique (PP). L'innervation
endocrines qui sont dispersés dans tout le parenchyme. Les sympathique et parasympathique des îlots de Langerhans
îlots de Langerhans naissent, comme les acini exocrines est très riche. Des corps cellulaires neuronaux y sont parfois
du pancréas, de la prolifération cellulaire des extrémités visibles. Rappelons que dans le pancréas se retrouvent aussi
des tubes pancréatiques primitifs issus des bourgeons pan- des cellules G, secrétant de la gastrine et des cellules sécré-
créatiques ventral et dorsal, proliférations endodermiques tant du VIP (vasoactive intestinal peptide).
de la portion caudale de l'intestin antérieur. Ces îlots sont
constitués de petits amas cellulaires tunnellisés par un très
abondant réseau de capillaires sanguins fenêtrés. Sur les pré- Physiologie du pancréas exocrine
parations histologiques ordinaires, ils apparaissent comme Le suc pancréatique est un liquide incolore, résultant de
de petites plages arrondies, claires, disposées sans ordre et deux mécanismes sécrétoires distincts : les sécrétions élec-
en nombre variable à l'intérieur des lobules pancréatiques trolytique et enzymatique. Le débit sécrétoire varie en fonc-
(Fig. 1.6). Les cellules glandulaires endocrines majoritaires tion des repas, pour un volume quotidien d'environ 1,5 L. Le
qui les composent sont de quatre types (A, B, D, F) qui ne pH du suc pancréatique est situé entre 8,2 et 8,4, notamment
peuvent être distingués en microscopie optique que par du fait de la sécrétion bicarbonatée. Ce pH est optimal pour
des colorations particulières ou un immunomarquage. Les l'action des enzymes dans la lumière intestinale [1, 4, 5].
cellules B sécrètent de l'insuline, les cellules A du glucagon,
les cellules D de la somatostatine et les cellules F, moins
Sécrétion hydroélectrolytique
La sécrétion hydroélectrolytique est caractérisée par une
concentration élevée en bicarbonates. Cette sécrétion se pro-
ÎLOT DE LANGERHANS duit dans les canaux proches des acini par un échange d'ions
chlore et de bicarbonates. Le chlore présent dans la lumière
des canaux proches des acini provient à la fois des cellules
ACINUS
acineuses et de leur sécrétion au pôle luminal des cellules
canalaires, à travers le canal chlore CFTR (cystic fibrosis
transmembrane conductance regulator). Au sein des canaux
proches des acini, la sécrétion de bicarbonates (stimulée par
CANAL la sécrétine) est déterminée principalement par une concen-
INTRALOBULAIRE tration élevée de chlore dans la lumière canalaire. Ce chlore
est échangé contre un bicarbonate par un échangeur anio-
CANAL nique. À l'approche du canal principal, la diminution de la
INTERLOBULAIRE concentration en chlore dans la lumière canalaire entraîne
LOBULE
une déplétion intracellulaire du chlore. Il en résulte une acti-
vation de kinases, qui augmentent la perméabilité du CFTR
CANAL PRINCIPAL aux bicarbonates et bloquent l'activité de l'échangeur anio-
Fig. 1.8 Schématisation de la structure lobulaire du pancréas et nique qui ne favorise plus à ce niveau la sécrétion de chlore
du système des canaux excréteurs. et la réabsorption de bicarbonates (Fig. 1.9). Cette sécrétion

Vers le Canal
de Wirsung Proche de l'Acinus
pancréatique

Lumière des canaux


H 2O CO3H− CO3H− Cl−
Cl−

CO3H− Cl−
Cl− H 2O Na+ Cellules canalaires

Aquaporine Echangeur Ionique CFTR

Fig. 1.9 Mécanismes de sécrétion hydrocarbonatée par les canaux pancréatiques.


8 Traité de pancréatologie

bicarbonatée s'accompagne d'une sécrétion d'eau et de l'interface lipide-eau. Une activité lipasique existe au niveau
sodium, par voie intercellulaire, et également par un passage lingual et gastrique (lipase acide) ; elle débute l'hydrolyse
d'eau à travers les aquaporines des membranes basolatérales des lipides au cours de la période prandiale. L'amylase, plus
et apicales des cellules canalaires (Fig. 1.9). précisément l'α-amylase, réalise l'hydrolyse de l'amidon et
du glycogène (coupure des liaisons glycosidiques α1,4 des
amidons). Enfin, deux enzymes sont spécifiques des acides
Sécrétion enzymatique nucléiques : la ribonucléase (RNase digérant l'ARN) et la
La sécrétion protéique enzymatique est assurée par les cel- désoxyribonucléase I (DNase I digérant l'ADN) ; leur fonc-
lules acineuses ; elle est destinée à la digestion des protides tion physiologique est inconnue (Fig. 1.11).
(enzymes protéolytiques), des glucides (amylase) et des
lipides (enzymes lipolytiques) dans la lumière intestinale,
étape clé de la digestion et nécessaire à l'absorption ulté- Encadré 1.3. À propos de la sécrétion
rieure des nutriments (encadré 1.3). Le pancréas exocrine pancréatique exocrine et sa régulation
est le tissu avec le taux de synthèse protéique le plus élevé
de tout l'organisme humain. Cette synthèse protéique abou- Sécrétion pancréatique
tit, rappelons-le, à l'accumulation d'enzymes dans les gra- ■
Le débit sécrétoire varie en fonction des repas, le volume
nules zymogènes qui les stockent avant de les libérer dans quotidien d'environ 1,5 L.
la lumière des acini pancréatiques par le processus d'exo- ■
Le pH du suc pancréatique est situé entre 8,2 et 8,4, pour
cytose. Certains enzymes sont sécrétés sous forme inactive l'action des enzymes dans la lumière intestinale.
dans le pancréas et sont activés secondairement dans le ■
Deux types de sécrétion constituent le suc pancréatique :
duodénum et l'intestin grêle. Ces enzymes sont donc sécré- – la sécrétion électrolytique riche en bicarbonates et produite
tées dans le suc pancréatique sous forme de prozymogènes par les cellules canalaires ;
ou proenzymes. C'est l'entérokinase duodénale qui, à pH – la sécrétion enzymatique produite par les acini.
neutre, va initier cette activation. Le pH neutre est assuré Différents facteurs de régulation positive
dans la lumière duodénale par la sécrétion de la bile (pH (« stimulation »)
entre 7,6 et 8,6) et du suc pancréatique (grâce à sa richesse
en bicarbonates – pH de 7,5 à 8,2). L'entérokinase active

Nerveux via les afférences vagales avec libération
le trypsinogène inactif en trypsine active. La trypsine va d'acétylcholine se fixant sur les récepteurs muscariniques.
alors activer elle-même les autres proenzymes en cascade

Hormonaux :
(Fig. 1.10). Deux enzymes sont sécrétées sous forme active : – sécrétine libérée par l'acidification duodénale et
la lipase et l'amylase. La lipase n'est active finalement qu'au responsable d'une sécrétion riche en eau et bicarbonates
niveau de l'interface lipide-eau et nécessite la présence d'un après fixation sur les récepteurs à sécrétine des cellules
substrat lipidique sous forme micellaire ou émulsifiée (rôle canalaires pancréatiques ;
des acides et sels biliaires). Les meilleurs substrats sont les – cholécystokinine (CCK) libérées par l'arrivée d'acides
triglycérides. Il faut savoir que quand le substrat est associé aminés et acides gras dans le duodénum, responsable
à des sels biliaires et des phospholipides (ce qui est le plus d'une sécrétion riche en enzymes pancréatiques et de
souvent le cas) l'activité lipasique est diminuée ou inhibée. la contraction de la vésicule biliaire après fixation sur le
Il faut donc alors de concours de la colipase qui restaure récepteur CCK-A acinaire et des cellules musculaires lisses
l'activité lipasique en positionnant correctement la lipase à vésiculaires ;
– autres polypeptides comme NPY, PHI, substance P.
Différents facteurs de régulation négative
ACTIVATION EN CASCADE DES PRO-ENZYMES
(« inhibition »)
Entérokinase dans la lumière digestive

Hormones et peptides : somatostatine, PYY, GLP1, GLP2.

Taux de trypsine intraduodénale.
Cathepsine B dans la cellule acinaire
Les trois phases de la digestion chez l'homme
TRYPSINOGÈNE TRYPSINE ■
Phase céphalique : fait appel à la stimulation du nerf vague
avec début de la sécrétion d'acide gastrique (réflexes
+ conditionnés).
Amplification ■
Phase gastrique : avec distension et sécrétion acide et début
de la digestion protéique.
Chymotrypsinogène Chymotrypsine ■
Phase intestinale : déclenchée par l'arrivée de l'acide et des
Pro-élastase Élastase nutriments dans le duodénum induisant une sécrétion biliaire
Kallikréinogène Kallikréine et pancréatique dont l'action (conjuguée pour les lipides) est
Pro-carboxypeptidase Carboxypeptidase indispensable à l'absorption intestinale ultérieure.
Pro-phospholipase Phospholipase
Pro-colipase Colipase

Fig.  1.10 Mécanisme d'activation en cascade des proenzymes D'autres enzymes richement produites aussi par le pan-
pancréatiques en enzyme actives dans la lumière duodénale. créas exocrine sont les enzymes lysosomiales. Elles sont
Source  : Beaugerie L, Sokol H. Les fondamentaux de la pathologie synthétisées par les cellules acineuses et stockées dans
digestive. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2014.
Chapitre 1. Bases anatomiques et physiologiques 9

PRINCIPAUX ENZYMES PANCRÉATIQUES

Protéolytiques
Chymotrypsine Peptides et acides
Trypsine
nucléiques
Élastase
Carboxypeptidases A et B
DNAse et RNAse

Lipolytiques Hydrolyse des


Lipase et colipase Triglycérides et lipides
Phospholipases au sein
Estérases (cholestérol) des micelles mixtes
Amylolytiques
Alpha-amylase Maltose
Fig. 1.11 Les différents enzymes pancréatiques et leurs substrats.

GRADIANT DE PRESSION FAVORISANT FLUX DE SÉCRÉTION CANALAIRE VERS LE DUODÉNUM

PRÉSENCE D'INHIBITEURS TRYPSIQUES


DANS LES TISSUS ET SÉCRÉTIONS
(Inhibiteur de Kazal-1 ;
Inhibiteur sécrétoire pancréatique de trypsine)

SÉCRÉTION DES ENZYMES SOUS


FORME INACTIVE DE PROZYMOGÈNES

SÉPARATION DES GRANULES DE ZYMOGÈNES


DES VACUOLES LYSOSOMIALES

Fig. 1.12 Principaux mécanismes de protection contre l'autodigestion enzymatique des acini pancréatiques.

les vésicules lysosomales cytoplasmiques (Fig. 1.7). Elles trypsin inhibitor) ou inhibiteur de Kazal-1. Cet inhibiteur est
ne sont pas sécrétées mais dans des conditions patholo- codé par le gène SPINK1 dont la mutation peut être respon-
giques, comme la pancréatite aiguë, elles peuvent activer les sable d'une déficience dans l'inhibition de la trypsine. Il faut
zymogènes (colocalisation intracellulaire des vésicules de noter qu'il existe à l'état physiologique dans le pancréas nor-
zymogène et des lysosomes), mais aussi être libérées dans mal des petites traces de trypsine libérée dont la quantité est
le pancréas et la circulation générale pour créer des lésions entre autres contrôlée par le PSTI qui est capable d'inhiber de
cellulaires et inflammatoires (chapitre 2). La cathepsine B a manière réversible jusqu'à 20 % de l'activité trypsine acces-
beaucoup été étudiée car elle est capable d'activer le tryp- sible. Lorsque les capacités d'inhibition du PSTI sont dépas-
sinogène (au même titre que l'entérokinase duodénale et sées, entre alors en jeu une série d'enzymes protéolytiques
la trypsine elle-même par rétrocontrôle) et par voie de de type trypsine tels que la mésotrypsine et l'enzyme Y, qui
conséquence les autres proenzymes en cascade (Fig. 1.10). sont capables d'inactiver la trypsine produite. Lorsque cette
Il faut souligner qu'un certain nombre de mécanismes activité de contrôle est inefficace ou dépassée, la présence
sont présents au niveau du pancréas pour qu'il soit protégé de trypsine en excès conduit à l'autodestruction du contenu
d'une activation intempestive des enzymes digestives dont des granules de zymogène, la libération d'enzymes activées
l'autoactivation intrapancréatique a les conséquences dra- conduisant à l'autodigestion du pancréas. Enfin, le gradient
matiques que l'on connaît au cours de la pancréatite aiguë de pression dans le canal pancréatique principal amenant le
(chapitre 2). L'inhibiteur naturel de la trypsine est un peptide suc vers le duodénum protège aussi des phénomènes d'auto-
de 56 acides aminés, l'inhibiteur sécrétoire pancréatique de digestion (Fig. 1.12).
trypsine, communément appelé PSTI (pancreatic secretory
10 Traité de pancréatologie

Régulation hormonale de la sécrétion IP3) et de l'activation de protéine kinase C (via le DAG),


pancréatique entraîner des phosphorylations en cascade de protéines
structurales et régulatrices (protéines kinases, protéines
La régulation de la sécrétion pancréatique exocrine est phosphatases), qui vont aboutir à la fusion des granules
majoritairement sous la dépendance de deux hormones : la zymogènes avec la membrane cellulaire et à la libération du
sécrétine et la cholécystokinine. La sécrétine est le plus puis- contenu enzymatique des granules dans la lumière des acini
sant stimulant de la sécrétion d'eau et de bicarbonates. Elle (exocytose) (Fig. 1.15). En parallèle de l'effet sur le pancréas
est libérée dans le sang par les cellules endocrines de type S exocrine, la cholécystokinine provoque la contraction de la
de la muqueuse duodénale et jéjunale en réponse à l'acidi- vésicule biliaire en phase postprandiale afin de déverser les
fication du chyme et de la muqueuse duodénale par l'acide acides et sels biliaires dans la lumière duodénale nécessaires
chlorhydrique gastrique. Son récepteur à sept domaines à l'émulsification des graisses pour leur digestion et leur
transmembranaires est couplé à la protéine G avec activa- absorption intestinale.
tion de l'adénylate cyclase. Cette activation entraîne une
augmentation intracellulaire d'adénosine monophosphate
(AMP) cyclique, qui active à son tour la protéine kinase A, Autres facteurs de régulation
cette dernière ouvrant le canal CFTR par phosphorylation de la sécrétion exocrine
(Fig. 1.13). À côté de la liaison de la CCK sur ses récepteurs de la mem-
La CCK, quant à elle, stimule fortement la sécrétion brane basale des cellules acineuses, l'activation des affé-
des enzymes par les cellules acineuses pancréatiques mais rences nerveuses vagales renforce ce phénomène sécrétoire
aussi la contraction de la vésicule biliaire) (Fig. 1.14). Elle par la liaison de l'acétylcholine sur ses récepteurs musca-
est sécrétée par des cellules endocrines duodénales et intes- riniques de type M3, également couplés à une protéine G
tinales de type I, en réponse à l'arrivée dans le duodénum pour activer la phospholipase C puis le système calcium/
d'acides gras ou d'acides aminés provenant de la digestion calmoduline. Ces facteurs nerveux sont essentiellement
gastrique. En effet, la concentration de CCK circulante d'origine vagale mais aussi via le réseau de neurones cho-
augmente après le repas. La plupart des aliments sont sus- linergiques intrapancréatiques. Les médiateurs locaux et
ceptibles de provoquer une petite libération de l'hormone neuromédiateurs jouent aussi un rôle stimulateur comme le
mais les plus puissants sont les produits de la digestion des monoxyde d'azote et le VIP, via des neurones VIPergiques.
graisses et des protéines, en particulier les triglycérides de Les hormones, outre la sécrétine et la CCK, sont essentiel-
moins de neuf atomes de carbone et les acides aminés essen- lement représentées par des neuropeptides hormonaux qui
tiels comme le tryptophane et la phénylalanine. La CCK agit eux aussi sont stimulateurs. On y retrouve la bombésine (se
directement sur les cellules acineuses pancréatiques par sa liant aussi à un récepteur couplé à une protéine G, appelé
liaison sur ses récepteurs à sept domaines transmembra- aussi GRP, pour gastrin-releasing peptide), le neuropep-
naires couplée à une protéine G (récepteurs CCK-A). Cette tide Y (NPY), le peptide histidine isoleucinamide (PHI) ou
protéine G active alors la phospholipase C, qui clive le phos- la substance P. Il existe des facteurs inhibiteurs de la sécré-
phatidylinositol biphosphate en inositol triphosphate (IP3) tion exocrine pancréatique qui sont la somatostatine, le
et dyacylglycérol (DAG). Ces messagers secondaires vont, PYY (peptide YY) et les peptides de la famille du glucagon
par l'intermédiaire d'une augmentation du calcium intra- (glucagon-like peptide). La somatostatine (en particulier la
cellulaire (via la voie des inositol-phosphates, notamment

Sécrétion des protéines enzymatiques


Sécrétion d'eau et de bicarbonates

AA
H+ + AG
+
+ Cellules I +
Duodénales
Cellules S
Duodénales
CCK
SECRETINE

Fig.  1.14 Régulation hormonale de la sécrétion pancréatique


Fig.  1.13 Régulation hormonale de la sécrétion pancréatique enzymatique. L'arrivée de la lumière duodénale d'acides aminés et
hydrocarbonatée. L'acidification de la lumière duodénale stimule la d'acides gras stimule la sécrétion de CCK qui va agir sur les cellules aci-
sécrétion de sécrétine qui va agir sur les cellules canalaires (flèches naires (flèches rouges) qui vont en retour assurer la sécrétion enzyma-
rouges) qui vont en retour assurer la sécrétion hydrocarbonatée (flèche tique (flèche grise). La CCK stimule aussi la contraction de la vésicule
grise). biliaire. AA : acides aminés ; AG : acides gras ; CCK : cholécystokinine.
Chapitre 1. Bases anatomiques et physiologiques 11

Lumière de l'acinus la sécrétine et de la CCK en réponse à l'arrivée d'acide et


Pôle de nutriments (acides aminés essentiels, peptides, triglycé-
apical rides, acides gras) au contact des muqueuses duodénales et
Zymogènes jéjunales. Les enzymes pancréatiques sont activées à partir
des proenzymes grâce à l'entérokinase duodénale et la tryp-
sine. La sécrétion biliaire favorise la digestion des graisses.
L'absorption des nutriments n'est possible qu'après la diges-
tion pancréatique qui participe à la fonction générale de
nutrition (encadré 1.3).
CALM
PK
PP Sécrétion endocrine pancréatique
Ca2+ La sécrétion endocrine du pancréas est assurée par les cel-
PKC lules des îlots de Langerhans. Rappelons que les cellules β
sécrètent de l'insuline, les cellules α du glucagon. L'insuline
et le glucagon sont les deux hormones clés de l'homéostasie
RE
glucidique. L'insuline est la seule hormone hypoglycémiante
DAG de l'organisme. Elle agit au niveau des nombreux métabo-
IP3 lismes, en particulier celui du glucose. Elle stimule le stoc-
kage du glucose sous forme de glycogène dans les cellules
PL hépatiques mais aussi dans les cellules musculaires et tissus
C
Pôle
adipeux. Elle inhibe tous les mécanismes de glycogénolyse
basal
entretenant donc les réserves de glycogène dans les cellules
et inhibe la néoglycogenèse hépatique. Elle favorise surtout
la pénétration du glucose dans la cellule. À côté de certains
Récepteurs couplés aux protéines G peptides hormonaux régulateurs, le principal facteur de
CCK-A,M3, BBS
libération de l'insuline est le niveau de la glycémie.
Fig. 1.15 Mécanismes de régulation de la sécrétion enzymatique Le glucagon est chargé d'approvisionner l'organisme en
à l'échelle de la cellule acinaire. CCK-A : cholécystokinine A ; M3 : glucose ; c'est une hormone hyperglycémiante. Elle stimule
muscarinique M3 ; BBS  : bombésine ; RE  : réticulum endoplasmique ; la glycogénolyse dans le foie, inhibe la glycolyse, favorise la
PLC  : phospholipase C ; IP3  : inositol triphosphate ; PKC  : protéine sortie du glucose dans le flux sanguin et empêche sa dégra-
kinase C ; CALM : calmoduline ; PK : protéines kinases ; PP : protéines
dation, libère les acides gras à partir des réserves du tissu
phosphatases.
adipeux et stimule la fabrication de glucose à partir des
acides aminés obtenus par dégradation protidique selon le
somatostatine 28) inhibe la sécrétion pancréatique stimu- mécanisme de néoglucogenèse. Les principaux facteurs de
lée ; elle jouerait un rôle dans l'arrêt de la sécrétion exocrine libération du glucagon sont l'hypoglycémie et l'activation du
pancréatique à un stade post-prandial tardif. Enfin, l'accu- système para- et orthosympathique.
mulation de trypsine intraduodénale régule aussi de façon
négative la sécrétion exocrine pancréatique (encadré 1.3). Conclusion
L'intérêt de ce chapitre sur la physiologie pancréatique
Réponse pancréatique au repas réside dans le fait qu'il permet la compréhension de la phy-
La phase céphalique est purement nerveuse et résulte de l'in- siopathologie de nombreuses affections pancréatiques ainsi
tégration centrale des stimuli provoqués par la vue, l'odorat, que leurs conséquences et, au-delà, l'utilité de certains trai-
le goût et la mastication des aliments. Elle fait donc appel tements. Soulignons par exemple la physiopathologie de la
aux réflexes conditionnés dans lesquels sont aussi intégrées pancréatite aiguë avec les mécanismes du déclenchement
la satiété et la sécrétion acide gastrique. Cette phase cépha- et de l'entretien de l'autodigestion enzymatique et de ses
lique de la sécrétion pancréatique par l'intermédiaire des conséquences locorégionales et générales (chapitre 2). De
afférences vagales est responsable d'une sécrétion riche en même, un défaut du système de protection naturelle contre
enzymes et de volume modéré. l'activation intrapancréatique des enzymes digestives sera à
La phase gastrique met en jeu des réflexes « gastropan- l'origine du déclenchement de pancréatites aiguës et parfois
créatiques » déclenchés par la nourriture et la distension de lésions de pancréatite chronique. C'est le cas des mala-
gastrique. La sécrétion est aussi essentiellement enzyma- dies génétiques avec mutation du trypsinogène cationique
tique par l'intermédiaire de réflexes vagovagaux excitateurs. (gène PRSS1) ou de l'inhibiteur de Kazal (gène SPINK1)
Il faut ajouter à ces mécanismes réflexes nerveux le rôle que (chapitres 2 et 3). Dans le cadre des maladies génétiques
joue l'estomac dans la digestion en réduisant la taille des également, la mutation du gène CFTR (codant pour le canal
protéines grâce à la pepsine et l'hydrolyse des lipides par chlore canalaire pancréatique) au cours de la mucovisci-
l'action de la lipase gastrique. La phase intestinale est essen- dose ou, de façon plus générale, des « CFTRopathies » sera
tiellement de déterminisme hormonal et la sécrétion de suc à l'origine d'une insuffisance pancréatique exocrine ou de
pancréatique est maximale. Cette sécrétion hydrocarbona- poussées de pancréatites aiguës, plus rarement de lésions
tée et enzymatique est donc sous l'influence respective de de pancréatites chroniques (chapitre  8). L'insuffisance
12 Traité de pancréatologie

pancréatique exocrine se produira si une amputation du


parenchyme devient critique (80 % de la glande) par chirur-
gie d'exérèse, inflammation (pancréatite aiguë), fibrose (pan-
créatite chronique) ou si le canal pancréatique principal est
obstrué par une compression par une tumeur, une sténose
ou une obstruction par du mucus ou un calcul pancréatique.
Il va y avoir une maldigestion, en particulier des graisses,
se traduisant au plan clinique par une stéatorrhée. Cette
insuffisance pancréatique exocrine sera substituée au plan AMS
médicamenteux via la prescription d'extraits pancréatiques
par voie orale dont la richesse en lipase sera primordiale, de
même que le respect de biodisponibilité, en particulier en
maintenant un pH duodénal basique. Au cours de l'atteinte
du pancréas (inflammation, fibrose, tumeur résection), la
destruction ou l'amputation touchera aussi les îlots endo-
crines et sera donc responsable d'un diabète. Enfin, en cas
de fistule pancréatique (qu'elle soit externe ou interne), le
Fig. 1.16 Échographie pancréatique normale. Le lobe gauche du
liquide sera riche en amylase et en lipase pancréatique. Dans
foie (étoile blanche) sert de fenêtre acoustique à la tête et au corps
ces cas, il faudra tenir compte de la quantité de liquide, de du pancréas (petites flèches blanches) repérables grâce aux veines
bicarbonates et de protéines perdus par la fistule pour effec- splénique (tête de flèche blanche) et mésentérique supérieure (flèche
tuer la compensation des pertes (le liquide des fistules pan- blanche). AMS : artère mésentérique supérieure.
créatiques peut-être très abondant, il est aussi très riche en
lipase et, de façon générale, en protéines).
Le jeûne est largement recommandable pour réduire
l'abondance des interpositions aériques digestives. Le cas
Radioanatomie échéant, le remplissage de l'estomac à l'eau est suscep-
Les progrès constants de l'imagerie en coupe permettent une tible de fournir une fenêtre acoustique, notamment pour
analyse du pancréas de plus en plus performante. La connais- le corps et la queue (figures  1.17 et 1.18). L'injection
sance précise de son anatomie radiologique complexe et la de glucagon peut être également utile pour stopper le
maîtrise des différentes techniques d'exploration radiolo- péristaltisme digestif. Le changement de position du
gique sont la base de l'analyse sémiologique des affections du patient aide à déplacer les liquides et les gaz contenus
pancréas et des progrès dans la connaissance et le traitement dans l'estomac et le duodénum. La voie trans-splénique,
des affections pancréatiques. La numérisation des images en décubitus latéral gauche, ne doit pas être oubliée pour
permet leur analyse répétée et comparative, à la base de la explorer l'extrémité de la queue du pancréas. Malgré
médecine moderne et de réunions de concertations pluridis- ces efforts, le taux de bonne visualisation du pancréas
ciplinaires (RCP) spécialisées (plus particulièrement, RCP est d'autant plus éloigné de 100 % que l'on se rapproche
d'oncologie digestive, RCP médicochirurgicales, RCP des de la queue. L'injection de produit de contraste ultraso-
tumeurs neuroendocrines, RCP de pancréatologie et des nore (SonoVue ®, Bracco, Milan), n'a pas pour objectif
maladies rares du pancréas) dans l'optique de l'amélioration une meilleure visualisation de la glande mais une étude
de la rapidité et de la qualité des soins. en temps réel du rehaussement lésionnel (à noter que
ce produit n'a toutefois pas l'autorisation de mise sur le
marché pour une application pancréatique) [7].
Échographie pancréatique
Généralités et technique Aspect normal du pancréas en échographie
L'échographie transpariétale, lorsque les conditions acous- L'échogénicité du pancréas est généralement supérieure
tiques sont favorables, reste une technique d'évaluation très à celle du foie ; elle augmente avec le degré d'infiltration
précise du pancréas. L'imagerie harmonique est de mise graisseuse, qui elle-même croît avec l'âge. Le pancréas reste
avec des sondes abdominales larges bandes (2-5 MHz) [6]. toutefois hypoéchogène par rapport à la graisse rétropérito-
Dans les (rares) cas favorables, des sondes plus superficielles néale, sauf lorsque le remplacement graisseux est total, en
apportent le bénéfice de leur résolution spatiale inégalée, particulier chez la personne âgée. À noter que l'infiltration
supérieure à celle de la tomodensitométrie (TDM) et a for- graisseuse du pancréas peut être hétérogène, pouvant simu-
tiori de l'imagerie par résonance magnétique (IRM). On ler une masse (cf. infra). Une asymétrie de répartition de la
n'oubliera pas le réglage de la position de la focale, essentiel graisse peut notamment être systématisée, au sein de la tête,
avec cet organe habituellement profond. entre pancréas ventral et dorsal.
Différentes positions (décubitus dorsal, décubitus latéraux, Le canal de Wirsung est individualisé par échographie
position assise) doivent être essayées. Le pancréas est repéré chez environ deux tiers des patients ; ses parois apparaissent
principalement grâce aux veines splénique (pour le corps et comme des lignes échogènes. Son calibre augmente avec
la queue) et mésentérique supérieure (pour l'isthme et la tête) l'âge. Les canaux pancréatiques secondaires et le canal de
(Fig. 1.16). La voie biliaire principale et l'artère gastroduodénale Santorini ne sont pas accessibles à l'échographie lorsqu'ils
peuvent également servir de repères anatomiques. sont normaux.
Chapitre 1. Bases anatomiques et physiologiques 13

E E E

A
A

B
Fig.  1.18 Échographie pancréatique avec technique de rem-
B plissage gastrique à l'eau pour accéder à une lésion kystique.
A. Lésion arrondie du corps du pancréas (flèche blanche) mal analy-
Fig.  1.17 Échographie pancréatique normale avec technique sable en raison de mauvaises acoustiques en arrière de l'estomac (E).
de remplissage gastrique à l'eau pour accéder au corps et à la B.  Après remplissage gastrique à l'eau (E), l'analyse est améliorée ; il
queue du pancréas. A.  Seuls la tête et l'isthme du pancréas sont s'agit d'un petit cystadénome mucineux (flèche blanche).
visibles (flèches blanches), le reste du pancréas est masqué en arrière
de l'estomac (E). B. Après remplissage gastrique à l'eau, le corps et la
queue du pancréas, balisés par la veine splénique, sont rendus acces- aux alentours de 40–45 secondes alors qu'en ce qui concerne
sibles (flèches blanches). les tumeurs du pancréas endocrine, le contraste est optimal
à 30–35 secondes.
Les coupes fines (de l'ordre du millimètre) obtenues aux
TDM différentes phases de rehaussement de la glande peuvent
Généralités et technique également être exploitées pour une étude angioscano-
La TDM s'est imposée comme la meilleure des techniques graphique, aussi bien artérielle que veineuse. Le mode
d'imagerie du pancréas. Sa qualité n'est pas affectée par le de reconstruction tridimensionnelle le plus utilisé dans
morphotype des patients, les interpositions aériques ; elle est ce contexte est le maximum intensity projection (MIP) : il
largement disponible, facilement réalisable. Le développe- s'agit d'une image 2D permettant de matérialiser toutes les
ment de la technologie multidétecteur en a encore amélioré informations vasculaires ; son épaisseur et son orientation
les performances, grâce à la possibilité d'acquérir très rapi- (volontiers oblique, c'est-à-dire ni axiale, ni frontale, ni
dement (quelques secondes), toute la glande en coupes mil- sagittale) sont adaptées à la structure d'intérêt. Cette appli-
limétriques. Une préparation digestive est préférable ; l'usage cation est couramment utilisée pour les reconstructions
d'un contraste négatif (eau) est actuellement préféré par la vasculaires. Une variante de ce logiciel, connue sous l'acro-
plupart des utilisateurs au contraste positif (baryte ou iode). nyme MinIP (pour minimum intensity projection) permet
Une acquisition sans produit de contraste (SPC) est cou- une représentation des canaux pancréatiques : là où le MIP
ramment réalisée, utile principalement pour la recherche de conserve lors de la reconstruction les pixels de densité
calcification(s), mais le recours à une injection de produit les plus élevés (en l'occurrence les vaisseaux opacifiés), le
de contraste est indispensable. Généralement, sont obte- MinIP recrute les pixels les moins denses (le suc pancréa-
nues une acquisition à la phase artérielle (25 à 45 secondes tique et, le cas échéant, les structures kystiques). L'image
après le début de l'injection) et à la phase veineuse (60 à 3D dans ce cas-là gagnera à suivre le canal dans ses sinuo-
80 secondes après le début de l'injection). À noter que selon sités selon une reconstruction curviligne (Fig. 1.19). Une
la pathologie explorée, le délai d'acquisition entre le début reconstruction 2D curviligne coronale permet une repré-
d'injection et la phase artérielle peut être adapté, le contraste sentation globale, sur une image, de la glande pancréatique
tumoral étant, dans le cas des tumeurs canalaires, optimal (Fig. 1.20).
14 Traité de pancréatologie

A
Fig. 1.19 Anatomie canalaire pancréatique en TDM. Reconstruction
MinIP curviligne (minimum intensity projection), le long du canal
pancréatique principal (flèches blanches en pointillé). Le bas cholé-
doque (tête de flèche blanche) est également individualisé par cette
modalité 3D, convergeant avec le canal de Wirsung vers la papille
majeure dans le 2e duodénum (flèche blanche).

B
Fig. 1.21 Aspect TDM de pancréas normal. A. Le corps et la queue
du pancréas sont longés par la veine splénique (tête de flèche blanche) ;
ils sont finement lobulés. B. La tête du pancréas est repérable entre le
duodénum (D) et la veine mésentérique supérieure (flèche blanche).
Le crochet prolonge la tête en arrière de la veine (flèche blanche en
Fig. 1.20 TDM avec reconstruction MPR curviligne (multiplanar
pointillé). Tête de flèche : artère mésentérique supérieure.
reconstruction). La coupe aligne le 2e duodénum, le canal pancréa-
tique céphalique, un adénocarcinome corporéal (flèches blanches) et
la queue atrophiée (tête de flèche blanche). ne sont pas visibles en TDM, le canal de Santorini rarement.
La paroi canalaire n'est pas visible, seul est visible le contenu
liquidien. Le calibre de la voie biliaire principale est inférieur
Aspect normal du pancréas en TDM à 6–7 mm, sauf chez les sujets âgés ou en cas de cholécystec-
L'aspect scanographique dépend de la quantité de graisse tomie où il peut atteindre 10 mm en l'absence d'obstruction.
dans les septas intralobulaires qui va conditionner le degré
de lobulation parenchymateuse. De fait, les contours sont IRM
plus réguliers chez les jeunes patients alors qu'avec l'âge,
l'involution graisseuse aboutit à des contours plus lobulés, Généralités et technique
irréguliers. Le rehaussement glandulaire est homogène sur Longtemps, le pancréas a conservé la réputation d'un organe
l'ensemble des séquences ; il est maximal entre, environ, 40 peu adapté à une exploration IRM, jusqu'au développe-
et 45 secondes après le début de l'injection intraveineuse du ment des techniques telles que la saturation de graisse et
produit de contraste (donc légèrement avant la phase por- surtout l'imagerie en apnée, cette amélioration décisive de
tale de rehaussement hépatique maximal) (Fig. 1.21) [8]. la résolution temporelle donnant enfin accès à une analyse
Le canal pancréatique principal présente un diamètre dynamique du rehaussement après injection de sels de gado-
progressivement croissant de la queue vers la tête, habituel- linium. Sa haute résolution en contraste lui permet de visua-
lement inférieur à 3 mm mais parfois plus large, notamment liser des petites tumeurs non accessibles en TDM, celle-ci
chez la personne âgée. Les canaux pancréatiques secondaires conservant un avantage certain en matière de résolution
Chapitre 1. Bases anatomiques et physiologiques 15

spatiale, l'acquisition de coupes millimétriques (en routine munication avec les différents intervenants peu familiers
en TDM multicoupes) se révélant techniquement plus dif- de l'imagerie étant facilitée par la réalisation de recons-
ficile en IRM. L'incapacité de cette dernière à démontrer truction 3D, moyennant quelques précautions. En effet,
les calcifications (de petite taille) est un inconvénient dans si toute l'information est présente dans les coupes fines
l'exploration des pancréatites. (dites natives), des reconstructions 3D obtenues à partir
L'extraordinaire richesse en contraste de l'IRM autorise, de ces dernières sont susceptibles de générer des images
moyennant la multiplication des acquisitions, une étude potentiellement trompeuses. Ainsi, un petit calcul de
spécifique du parenchyme, des canaux pancréatiques et des la voie biliaire principale, visible uniquement sur une
vaisseaux : coupe fine de l'acquisition 3D, sera facilement masqué,
■ l'étude du parenchyme relève de séquences convention- noyé dans la bile qui le cerne, sur une coupe épaisse, qu'il
nelles : après une acquisition pondérée en T2 sera réalisée s'agisse d'une reconstruction épaisse ou d'une coupe nati-
une séquence en pondération T1, qui sera elle-même répé- vement épaisse (Fig. 1.23) ;
tée de façon dynamique (phase artérielle, phase veineuse, ■ enfin, on notera l'utilité des agents absorbés par voie orale
phase tardive) après injection de sels de gadolinium ; dans le but d'affaisser le signal des liquides digestifs, ce qui
■ lorsqu'une étude vasculaire est requise de façon spéci- réduit les superpositions avec le signal canalaire pancréa-
fique, l'acquisition à la phase artérielle bénéficiera de tique lors de la réalisation de coupes ou de reconstructions
séquences angiographiques 3D, dont il faut rappeler la épaisses en CPRM. Les produits à base de ferrite sont rem-
moindre qualité que leur équivalent TDM ; placés avantageusement (surtout d'un point de vue finan-
■ l'étude canalaire est basée sur les séquences de cholangio- cier) par certains jus de fruit (ananas, myrtille) [10].
pancréatographie par résonance magnétique (CPRM)
qui consistent en des acquisitions à très forte pondéra-
tion T2 soit au cours d'une apnée, soit en synchronisant Aspect IRM normal du pancréas
l'acquisition avec la respiration. La forte pondération T2 Comme en TDM, l'aspect IRM du pancréas dépend du
confère aux liquides stationnaires un signal très intense, degré d'involution graisseuse.
sans injection de produit de contraste. Deux grands types En pondération T1 et T2, le signal du parenchyme pan-
de séquences de CPRM se complètent : celles produisant créatique diffère peu de celui du foie, il semble plus intense
une coupe suffisamment épaisse pour contenir toute la sur les séquences avec suppression de graisse et son rehausse-
structure canalaire étudiée (pancréas, voire pancréas et ment est homogène sur l'ensemble des séquences (Fig. 1.24).
foie), celles permettant une acquisition 3D de coupes L'imagerie canalaire pancréatique obtenue avec les
fines [9]. Les premières sont simples d'acquisition et séquences de CPRM a atteint une telle qualité qu'elle se
fournissent une information similaire à un cliché de positionne d'ores et déjà comme la modalité d'exploration
CPRE, facilement compréhensible par tous. Elles com- de première intention (Fig. 1.25). Le canal de Wirsung est
portent cependant en elles les inconvénients de l'image- visualisé systématiquement, le canal de Santorini environ
rie conventionnelle, qui projette sur un plan 2D tout un une fois sur deux. Les canaux pancréatiques secondaires ne
volume (Fig. 1.22). Des informations plus subtiles sont sont pas visibles lorsqu'ils sont normaux [11]. L'encadré 1.4
donc obtenues avec des coupes fines (notion que l'on peut rappelle les principales caractéristiques de l'imagerie du
généraliser à l'ensemble de l'imagerie moderne), la com- pancréas par échographie, scanner et IRM.

A B
Fig. 1.22 Séquences de CPRM. A. Reconstruction MIP d'une acquisition 3D en coupes fines ; le canal de Wirsung est suivi sur toute sa longueur ;
son trajet est sigmoïde. B. Acquisition monocoupe épaisse du même volume.
16 Traité de pancréatologie

A B
Fig. 1.23 Séquences de CPRM. A. Reconstruction MIP d'une acquisition 3D en coupes fines ; une image de tonalité est visible à la partie basse du
cholédoque, difficilement caractérisable (flèche blanche). À noter le pancréas divisum : le canal pancréatique principal présente un trajet terminal
relativement horizontal et son abouchement dans le duodénum est à distance de celui du cholédoque (flèche blanche en pointillé). B. Chez le
même patient : une reconstruction curviligne 2D le long de la voie biliaire principale montre clairement le calcul (flèche blanche), noyé sur l'image
précédente par le procédé de reconstruction 3D.

Fig. 1.24 IRM du pancréas avec séquences parenchymateuses. A. Pondération T2. B. Pondération T1 avec saturation de graisse.
C, D. Pondération T1 avec saturation de graisse après injection de gadolinium, phase artérielle (C) et veineuse (D).

Variantes physiologiques et anatomiques dilatation progressive des structures canalaires, le canal


céphalique pouvant atteindre 6 mm [12]. Plus troublant est
Pancréas sénile le développement possible de petits kystes communiquant
À partir de 60 ans, le pancréas involue de façon physio- qui peuvent poser des problèmes diagnostiques avec d'au-
logique, l'atrophie parenchymateuse est associée à une thentiques lésions kystiques.
Chapitre 1. Bases anatomiques et physiologiques 17

Encadré 1.4. Points essentiels sur la radiologie du pancréas

Échographie ■
L'aspect scanographique dépend de la quantité de graisse

Lorsque les conditions acoustiques sont favorables, elle reste dans les septas intralobulaires qui va conditionner le degré de
une technique d'évaluation très précise du pancréas (sondes lobulation parenchymateuse qui est plus important avec l'âge.
abdominales larges bandes 2–5 MHz).

Le rehaussement glandulaire est homogène sur l'ensemble des

L'échostructure du pancréas est généralement supérieure à séquences ; il est maximal entre 40 et 45  secondes après le
celle du foie, mais hypoéchogène par rapport au rétropéritoine. début de l'injection intraveineuse du produit de contraste.

Son échogénicité augmente avec le degré d'infiltration grais- IRM
seuse. ■
Sa résolution spatiale est moins bonne que celle de la TDM.

L'échographie transpariétale bénéficie de progrès techno- ■
La résolution en contraste est excellente, en particulier pour le
logiques constants mais nécessite une certaine expérience,
parenchyme (meilleur pouvoir de détection de tumeur que la
notamment pour dégager les segments du pancréas masqués
TDM) et les structures canalaires, visualisées avec une précision
par les structures aériques digestives environnantes.
anatomique croissante par les séquences de CPRM qui ne

Dotée d'une bonne résolution en contraste spontané, elle est
nécessitent pas d'injection de produit de contraste.
susceptible de bénéficier dans les années à venir de l'élargissement ■
L'innocuité de l'acquisition (notamment l'absence de radiations
des indications des produits de contraste ultrasonores.
ionisantes) permet la multiplication des séquences.
TDM ■
Permet le diagnostic de la plupart des maladies pancréatiques

Possède une excellente résolution spatiale, en particulier pour en associant séquences en pondération T1 et T2.
l'analyse vasculaire, l'injection de produit de contraste iodé

Les séquences de CPRM visualisent le canal pancréatique
étant quasi systématique. principal et la voie biliaire dans plus de 95 % des cas.

Infiltration graisseuse du pancréas moins nette, qui a son utilité en pathologie lorsqu'une dis-
Même si elle est parfois constatée chez des sujets sains, parition focale de cette lobulation fait craindre un processus
notamment âgés, la transformation lipomateuse complète tumoral (Fig. 1.27).
du pancréas, souvent associée à un élargissement global de L'involution graisseuse, qui est appelée parfois (sans doute
la glande, est plutôt rencontrée dans des situations patholo- à tort) stéatose, peut avoir une distribution hétérogène, avec
giques (mucoviscidose, diabète, hyperlipidémie, syndrome dans ce cas une possible systématisation selon les ébauches
de Shwachman-Diamond, etc.) (Fig. 1.26). L'aspect peut être embryologiques : le territoire habituellement respecté cor-
distingué d'une agénésie par la visualisation des éléments respond à l'ébauche ventrale [13]. Les zones stéatosiques
canalaires au sein du tissu graisseux, par ailleurs similaire à apparaissent relativement hyperéchogènes et hypodenses.
la graisse rétropéritonéale. L'IRM bénéficie d'un riche contraste, basé sur deux types de
Une involution physiologique, généralement moins mar- séquences : les séquences de saturation de graisse permettent
quée, aboutira à une lobulation parenchymateuse plus ou de révéler des involutions graisseuses majeures alors que

A B
Fig. 1.25 IRM du pancréas normal avec séquences de CPRM. A. Canal pancréatique principal fin chez un sujet jeune normal, à la limite de la
visibilité dans l'état actuel de la technologie. Le canal de Santorini n'est pas visible. B. Cas différent : le canal pancréatique principal est de calibre
normal mais plus important que dans le cas précédent, ce qui améliore son contraste. Le canal de Santorini est visible.
18 Traité de pancréatologie

l'échographie transpariétale. Elle s'est considérablement


développée au cours des 20 dernières années, destinée à
l'exploration de la paroi du tractus digestif et des structures
adjacentes. L'association d'un capteur ultrasonique de haute
fréquence (6 à 12 MHz) à l'extrémité d'un endoscope permet
d'augmenter les possibilités diagnostiques grâce aux images
d'une haute définition de la paroi digestive et des organes
avoisinants. La lumière digestive devient une « fenêtre
échographique » ouverte sur le thorax et l'abdomen. Cette
nouvelle approche a nécessité la description d'une nouvelle
sémiologie endoéchographique qui est actuellement validée
et enseignée. L'exploration du pancréas et des voies biliaires
est devenue incontournable au moyen de l'échoendoscopie,
en particulier depuis le développement de l'échoendoscopie
interventionnelle (cytoponction, pose de prothèse, drai-
nages, traitements locaux, etc.). Il s'agit toutefois d'un exa-
Fig.  1.26 Involution graisseuse totale du pancréas dans un men de troisième intention (après l'imagerie classique) et
contexte de mucoviscidose en IRM. Des éléments canalaires sont très opérateur(trice)-dépendant, requérant un apprentissage
perceptibles, notamment dans la queue. spécifique de l'endoscopie interventionnelle tout d'abord et
des images échoendoscopiques ensuite.
Il existe deux types d'appareil d'échoendoscopie. Les
échoendoscopes avec sonde électronique radiale (appareils
à visée diagnostique produisant une image ultrasonogra-
phique à 360° perpendiculaire à l'axe de l'endoscope) et les
appareils avec sonde électronique sectorielle appliquée à
l'échoendoscopie diagnostique et interventionnelle (image
ultrasonographique à 180° perpendiculaire à l'axe de l'en-
doscope permettant de suivre la sortie de l'aiguille et de
prothèses). Les sondes autorisent l'examen Doppler et, avec
certaines consoles et sondes, l'échographie de contraste avec
perfusion de SonoVue® ou l'élastométrie sont possibles.
L'examen d'échoendoscopie est réalisé sous anesthésie, le
plus souvent de type ambulatoire, sauf en cas de procédure
thérapeutique. La mortalité de l'examen est nulle, la morbi-
dité étant de 0,4 ‰ pour l'échoendoscopie diagnostique et
de 3 % pour l'échoendoscopie interventionnelle (pancréatite
aiguë, fièvre, abcès, etc.).
Fig.  1.27 Involution graisseuse physiologique, homogène, de Les principales indications à visées biliopancréatiques
l'ensemble du pancréas en IRM. sont représentées par le bilan étiologique des pancréatites
aiguës, le diagnostic des obstacles de la voie biliaire prin-
les séquences de déplacement chimique sont utiles dans les cipale, le diagnostic (incluant la cytoponction dirigée) et
formes mineures, les plages d'involution graisseuse voyant le bilan d'extension des tumeurs solides et kystiques pan-
leur signal s'effondrer sur les images en opposition de phase créatiques, le drainage des complications kystiques et de la
par comparaison avec celles réalisées en phase. Lorsque la nécrose infectée au cours des pancréatites aiguës, les traite-
systématisation aux ébauches pancréatiques n'est pas respec- ments locaux antalgiques et antitumoraux (chapitres 2 à 9).
tée, un aspect de pseudomasse est parfois réalisé, notamment Rappelons qu'en cas d'antécédent d'estomac opéré
quand le territoire respecté est péribiliaire [14]. (notamment gastrectomie 2/3, duodénopancréatectomie
céphalique, bypass gastrique pour chirurgie bariatrique),
Variations anatomiques l'ensemble du pancréas ne pourra pas être visualisé.
Elles seront exposées dans le chapitre 8, en particulier ce qui
concerne le pancréas divisum, pancréas ectopique, agénésie, Aspect normal du pancréas à l'échoendoscopie
hypoplasie, anomalies canalaires biliopancréatiques. Le pancréas est exploré au moyen de plusieurs coupes réa-
lisées après positionnement de l'échoendoscope dans le
Échoendoscopie pancréatique duodénum puis dans l'estomac. L'appareil est tout d'abord
mené jusqu'au 3e duodénum pour visualiser gros vaisseaux,
Généralités et technique vaisseaux mésentériques et petit pancréas (figures 1.28, 1.29,
L'échoendoscopie associe l'examen endoscopique à une 1.30), puis, au retrait, on visualise successivement à partir
exploration échographique. Ce n'est pas une technique du 2e duodénum la tête du pancréas, l'ampoule de Vater,
purement radiologique mais elle apporte au contact du le pédicule hépatique (cholédoque, artère hépatique, veine
pancréas une sonde de haute résolution échographique porte) et, à partir du bulbe, la partie haute de la tête du pan-
produisant ainsi des images plus nettes et précises que créas, la vésicule biliaire (et le canal cystique), une grande
Chapitre 1. Bases anatomiques et physiologiques 19

A B

RG R
RG
C D
Fig. 1.28 Vues en échoendoscopie (appareil radial électronique) du pancréas normal. A. Petit pancréas (étoile blanche) et partie basse de la
tête (vue transduodénale). B. Partie moyenne (étoile blanche) et haute de la tête avec abouchement du canal de Wirsung et de la voie biliaire prin-
cipale dans la papille duodénale (vue transduodénale). C. Corps du pancréas (étoile blanche) au contact du rein gauche (RG) (vue transgastrique).
D. Queue (étoile blanche) au contact du rein gauche (RG) et de la rate (R) (vue transgastrique).

AH
VP

CMP

VMS

A B
Fig. 1.29 Vues agrandies en échoendoscopie (appareil radial électronique) du pancréas normal. A. Partie moyenne et haute de la tête avec
canal de Wirsung (flèches blanches). VMS : veine mésentérique supérieure ; VP : veine porte ; AH : artère hépatique ; vue transduodénale. B. Corps
du pancréas (vue transgastrique) avec canal de Wirsung à peine visible (flèches blanches). CMP : confluent mésentéricoporte.
20 Traité de pancréatologie

VCI VB

VP

VMS

A B

VBP
VB
VB

C D

VS
CMP

RG

E F
Fig. 1.30 Vues en échoendoscopie (appareil radial électronique) du pancréas normal. A. Petit pancréas (étoile blanche) ; vue transduodé-
nale D3. B. Tête du pancréas (étoile blanche) ; vue transduodénale D2. VP : veine porte ; VMS : veine mésentérique supérieure ; VB : vésicule biliaire.
C. Partie moyenne (étoile blanche) et haute de la tête avec abouchement du canal de Wirsung (W) et de la voie biliaire principale (VBP) dans la
papille duodénale ; vue transduodénale D2. VB : vésicule biliaire. D. Vue de l'isthme du pancréas (étoile blanche) ; vue transduodénale D1. VB :
vésicule biliaire. E. Corps du pancréas (étoile blanche) ; vue transgastrique. CMP : confluent mésentéricoporte. F. Queue (étoile blanche) au contact
du rein gauche (RG) et de la rate (R) ; vue transgastrique. VS : veine splénique.
Chapitre 1. Bases anatomiques et physiologiques 21

partie du hile hépatique et l'espace rétroporte. Après posi- Fig.  e1.6 Vue scanographique d'un pancréas avec involution
tionnement dans l'estomac sont visualisés : l'isthme, le corps sénile. Le pancréas involutif est marqué par les flèches blanches.
et la queue du pancréas, une partie du rein gauche et de la Fig.  e1.7 CPRM de pancréas normal. A, B. Le canal pancréatique
principal est marqué par les flèches blanches.
rate, le confluent mésentéricoporte, les vaisseaux spléniques,
Fig.  e1.8 Vues échoendoscopiques du pancréas normal avec
la région cœliaque et ses vaisseaux (aorte, tronc cœliaque et échoendoscope sectoriel électronique. A. Vue transduodénale du
origine de l'artère mésentérique supérieure). Le pancréas est petit pancréas. B.  Vue transduodénale de la tête du pancréas et du
donc visualisé avec plusieurs coupes et apparaît comme une canal de Wirsung. C.  Vue transgastrique du corps. D.  Vue transgas-
structure plutôt échogène (échogénicité supérieure à celles trique du corps et de la queue avec une partie du rein gauche.
du foie, de la rate et des reins) avec des limites nettes, et sur-
tout des interfaces bien visibles avec duodénum, estomac,
les vaisseaux mésentéricoporte et spléniques, le rein gauche, Références
le hile splénique et la région cœliaque [15]. La structure [1] Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM. Gray's anatomie pour les
est homogène avec, dans 30 % des cas, un double aspect étudiants. Issy-les-Moulineaux: Elsevier Masson ; 2015. 3e éd.
plutôt hypo- et hyperéchogène céphalique (possible dif- [2] Alexander LF. Congenital pancreatic anomalies, variants and condi-
férenciation des deux parties issues des ébauches dorsale tions. Radiol Clin North Am 2012 ;50:487–98.
et ventrale). Le canal principal est bien visible et aisément [3] Schoenwolf GC, Bleyl SB, Philip R, Brauer PR, Francis-West PH.
mesurable en sachant que le diagnostic des variantes ana- Larsen's Human Embryology. Philadelphie: Churchill Livingstone ;
tomiques comme le pancréas divisum est parfois moins aisé 2014. 5e éd.
que par les séquences de pancréatographie IRM. [4] Beaugerie L, Sokol H. Les fondamentaux de la pathologie digestive.
Un des avantages de l'échoendoscopie est naturellement Issy-les-Moulineaux: Elsevier Masson ; 2014.
[5] Rozé C, Lévy P. Embryologie, anatomie et physiologie du pancréas
(et dans les mains expérimentées) la réalisation d'images de
exocrine normal. Lévy P, Ruszniewski P, Sauvanet A, Traité de pan-
haute résolution (grâce aux hautes fréquences) permettant créatologie clinique. Paris: Flammarion Médecine-Sciences ; 2005.
de confirmer (et de caractériser) ou d'infirmer (haute spé- [6] Hohl C, Schmidt T, Haage P, Honnef D, Blaum M, Staatz G, et al.
cificité) de petites lésions pancréatiques kystiques ou tissu- Phase-inversion tissue harmonic imaging compared with conventio-
laires non ou mal vues au scanner et/ou à l'IRM. nal B-mode ultrasound in the evaluation of pancreatic lesions. Eur
Radiol 2004 ;14:1109–17.
[7] Kitano M, Sakamoto H, Matsui U, Ito Y, Maekawa K, von Schrenck T,
▸ Compléments en ligne et al. A novel perfusion imaging technique of the pancreas: contrast-
enhanced harmonic EUS (with video). Gastrointest Endosc
Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Ils 2008 ;67:141–50.
sont indiqués dans le texte par un picto . Ils proposent des [8] McNulty NJ, Francis IR, Platt JF, Cohan RH, Korobkin M,
figures compémentaires. Pour voir ces compléments, Gebremariam A. Multi-detector row helical CT of the pancreas:
connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/ effect of contrast-enhanced multiphasic imaging on enhancement of
e-complement/477623 et suivez les instructions. the pancreas, peripancreatic vasculature, and pancreatic adenocarci-
noma. Radiology 2001 ;220:97–102.
Fig. e1.1 Vascularisation artérielle du pancréas (détails). [9] Masui T, Takehara Y, Ichijo K, Naito M, Watahiki H, Kaneko M,
Source  : Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM. Gray's anatomie et al. Evaluation of the pancreas: a comparison of single thick-slice
pour les étudiants. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2015 (3e éd.). MR cholangiopancreatography with multiple thin-slice volume
Fig. e1.2 Branches de l'artère hépatique commune. reconstruction MR cholangiopancreatography. AJR Am J Roentgenol
Source  : Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM. Gray's anatomie 1999 ;173:1519–26.
pour les étudiants. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2015 (3e éd.). [10] Karantanas AH, Papanikolaou N, Kalef-Ezra J, Challa A,
Fig.  e1.3 Branches proximales de l'artère mésentérique supé- Gourtsoyiannis N. Blueberry juice used per os in upper abdomi-
rieure. Source : Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM. Gray's ana- nal MR imaging: composition and initial clinical data. Eur Radiol
tomie pour les étudiants. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2015 2000 ;10:909–13.
(3e éd.). [11] Aube C, Hentati N, Tanguy JY, Fournier HD, Papon X, Lebigot J, et al.
Fig. e1.4 Coupes schématiques du pancréas à la 6e semaine du Radio-anatomic study of the pancreatic duct by MR cholangiopan-
développement embryonnaire. creatography. Surg Radiol Anat 2003 ;25:64–9.
Source  : Beaugerie L, Sokol H. Les fondamentaux de la pathologie [12] Agostini S, Garcon S, Durieux O, Guenat R, Peretti P. [Normal pancreas
digestive. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2014. aspects. Variations and malformations]. J Radiol 2005 ;86:719–32.
Fig. e1.5 Vues histologiques du pancréas exocrine et endocrine. [13] Atri M, Nazarnia S, Mehio A, Reinhold C, Bret PM. Hypoechogenic
A.  Pancréas exocrine avec un acinus pancréatique indiqué par des embryologic ventral aspect of the head and uncinate process of the
flèches noires et la lumière indiquée par L. B. Pancréas endocrine avec pancreas: in vitro correlation of US with histopathologic findings.
un îlot marqué avec un anticorps antirécepteur de somatostatine qui Radiology 1994 ;190:441–4.
est exprimé par la plupart des cellules endocrines (marquage membra- [14] Jacobs JE, Coleman BG, Arger PH, Langer JE. Pancreatic sparing of
naire brun). Photos : Dr Philippe ROCHAIX, Institut Claudius-Regaud, focal fatty infiltration. Radiology 1994 ;190:437–9.
Toulouse. [15] Palazzo L. Écho-endoscopie digestive. Paris: Springer ; 2012.
Chapitre 1. Bases anatomiques et physiologiques 21.e1

Artères gastriques courtes Rate Artère hépatique droite


Artère gastrique gauche
Conduit hépatique commun
Tronc cœliaque
Vésicule biliaire Artère hépatique gauche
Artère gastrique droite
Artère hépatique propre
Artère hépatique commune Foie
Veine porte
Artère gastroduodénale
Artère cystique
Artère hépatique propre Artère hépatique commune

Artère gastroduodénale
Conduit Artère gastrique gauche
Artère pancréaticoduodénale
supérieure et postérieure cystique
Artère gastro-omentale droite
Tronc cœliaque
Conduit
cholédoque Artère splénique

Artère gastrique droite


Artère pancréaticoduodénale Artère gastro-omentale
supérieure et antérieure gauche
Artère supraduodénale Estomac
Artère splénique
Duodénum
Pancréas
Duodénum
Artère pancréaticoduodénale inférieure

Artère pancréaticoduodénale Artère mésentérique supérieure


inférieure et postérieure

Artère pancréaticoduodénale
inférieure et antérieure

Fig. e1.1 Vascularisation artérielle du pancréas (détails).


Source  : Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM. Gray's anatomie Fig. e1.2 Branches de l'artère hépatique commune.
pour les étudiants. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2015 (3e éd.). Source  : Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM. Gray's anatomie
pour les étudiants. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2015 (3e éd.).

Tronc cœliaque
Veine mésentérique supérieure
Hiatus aortique
Veine porte
Pancréas

Artère gastroduodénale

Artère pancréaticoduodénale
supérieure et postérieure Veine splénique

Artère mésentérique supérieure


Artère gastro-omentate droite
Artère pancréatico-duodénale
inférieure
Artère pancréaticoduodénale
supérieure et antérieure
Pancréas

Duodénum
Artères jéjunales
Artère pancréaticoduodénale
inférieure et antérieure

Artère pancréaticoduodénale
inférieure et postérieure

Artère colique moyenne

Fig. e1.3 Branches proximales de l'artère mésentérique supérieure.


Source : Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM. Gray's anatomie pour les étudiants. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2015 (3e éd.).

Bourgeon pancréatique
dorsal
Bourgeon Canal
Canal
pancréatique cholédoque
de Wirsung
ventral

Canal
Duodénum Grande de Santorini
caroncule
Fig. e1.4 Coupes schématiques du pancréas à la 6e semaine du développement embryonnaire.
Source : Beaugerie L, Sokol H. Les fondamentaux de la pathologie digestive. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2014.
Chapitre 1. Bases anatomiques et physiologiques 21.e2

A B
Fig. e1.5 Vues histologiques du pancréas exocrine et endocrine. A. Pancréas exocrine avec un acinus pancréatique indiqué par des flèches
noires et la lumière indiquée par L. B. Pancréas endocrine avec un îlot marqué avec un anticorps antirécepteur de somatostatine qui est exprimé
par la plupart des cellules endocrines (marquage membranaire brun). Photos : Dr Philippe ROCHAIX, Institut Claudius-Regaud, Toulouse.

Fig.  e1.6 Vue scanographique d'un pancréas avec involution


sénile. Le pancréas involutif est marqué par les flèches blanches.

Fig.  e1.7 CPRM de pancréas normal. A, B. Le canal pancréatique


principal est marqué par les flèches blanches.
Chapitre 1. Bases anatomiques et physiologiques 21.e3

Fig.  e1.8 Vues échoendoscopiques du pancréas normal avec échoendoscope sectoriel électronique. A.  Vue transduodénale du petit
pancréas. B. Vue transduodénale de la tête du pancréas et du canal de Wirsung. C. Vue transgastrique du corps. D. Vue transgastrique du corps
et de la queue avec une partie du rein gauche.
Chapitre
2
Pancréatite aiguë
PLAN DU CHAPITRE
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Évolution et complications . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Rappel des formes évolutives . . . . . . . . . . . . . . 48
Épidémiologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Complications locorégionales . . . . . . . . . . . . . . 49
Pronostic des pancréatites aiguës . . . . . . . . . . . 23 Complications générales et à distance . . . . . . . 52
Facteurs favorisants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Cas particulier de la déconnexion
Physiopathologie et classifications . . . . . . . . . . . . 24 pancréatique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Mécanismes cellulaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Cas particulier de la surinfection
Classification d'Atlanta révisée . . . . . . . . . . . . . 26 de la nécrose. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
Signes cliniques, diagnostic positif Séquelles à long terme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
et évaluation du pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Traitements et surveillance . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
Forme typique et formes particulières . . . . . . . 30 Traitements des formes non compliquées . . . . 55
Diagnostic positif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Traitements des formes compliquées . . . . . . . . 57
Diagnostic différentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Traitements spécifiques des complications . . . . 58
Facteurs du pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Traitements de la nécrose infectée . . . . . . . . . . 60
Bilan étiologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 Traitements étiologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
Analyse des différentes étiologies . . . . . . . . . . 37 Traitements des séquelles . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
Conduite du bilan étiologique . . . . . . . . . . . . . 44 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
Causes pédiatriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

Introduction (coût moyen annuel : 2 billions de dollars) [3]. L'incidence


annuelle de cette pathologie varie de 13 à 45/100 000 habi-
Définition tants en fonction des études et des pays. Elle est de 20
La définition d'une pancréatite aiguë est un exercice difficile (femmes) à 30 (hommes) pour 100 000 habitants en France
car elle peut se décliner à différents niveaux. En effet, il existe [4]. Cette incidence est en constante augmentation depuis
une définition physiopathologique ou une définition clinique. les années 1970. Ceci s'explique :
Sur le plan physiopathologique, la pancréatite aiguë cor- ■ par la progression de certains facteurs de risque comme
respond à une atteinte inflammatoire aiguë de la glande l'obésité, elle-même génératrice de la maladie lithiasique
pancréatique qui va engendrer son autodigestion. Cette biliaire (ceci expliquant notamment une incidence signi-
inflammation va générer une altération de la structure et ficativement plus importante dans les régions d'Amé-
de la fonction du pancréas qui sera le plus souvent temporaire rique du Nord par rapport aux régions européennes) ;
mais parfois définitive. Il pourra se produire aussi une diffu- ■ d'autre part, la sensibilité du diagnostic a été améliorée
sion du phénomène inflammatoire sur le plan systémique. par la mesure du taux sérique de lipase et la facilité d'ac-
La classification révisée d'Atlanta en 2012 [1] est une cès à l'imagerie, en particulier le scanner.
conférence de consensus internationale qui a permis Elle touche les hommes et les femmes en proportion
de revoir un ensemble de définitions concernant la pancréa- égale, mais son incidence augmente avec l'âge. La mortalité
tite aiguë, notamment sur le plan clinique. Elle fait suite à est estimée à 3 % au maximum en cas de pancréatite œdé-
une première conférence, en 1992 [2], et constitue un docu- mateuse ou bénigne, elle est de 15 % en moyenne en cas de
ment de référence en pancréatologie. Ainsi, une pancréatite pancréatite nécrosante ou sévère [5].
aiguë se définit par une douleur abdominale, épigastrique,
avec une augmentation à plus de trois fois la normale de la Pronostic des pancréatites aiguës
lipase sanguine et/ou la présence sur un scanner abdominal La pancréatite aiguë est une maladie potentiellement grave
d'un aspect évocateur de pancréatite aiguë. voire mortelle, même si son pronostic s'est considérable-
ment amélioré ces dernières décennies. La mortalité avoisi-
Épidémiologie nait 20 % dans les séries des années 1960. Depuis, plusieurs
La pancréatite aiguë est une des maladies digestives la plus études indiquent une diminution de la mortalité au fil du
pourvoyeuse d'hospitalisations dans le monde occidental. temps avec, pour la population britannique, un taux de
Aux États-Unis, cela représente 274 119 hospitalisations/an 14,2 % sur la période 1963–1974 contre 6,7 % sur la période
Traité de pancréatologie
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24 Traité de pancréatologie

1987–1998 [6]. Aux États-Unis, la mortalité globale intra- Par exemple, le trypsinogène est activé en trypsine dans la
hospitalière a été récemment estimée à 1 % [7], alors que les lumière duodénale par l'entérokinase duodénale (le tryp-
dernières séries européennes l'estiment entre 3 et 10 %. sinogène va ensuite aussi s'auto-activer). Par la suite, la
trypsine va activer à son tour d'autres proenzymes et cela
en cascade toujours dans la lumière duodénale ;
Facteurs favorisants ■ le trafic intracellulaire des enzymes se fait au sein de gra-
Si la sévérité du processus inflammatoire de pancréatite nules de zymogène, isolant ainsi les enzymes des autres
aiguë impacte directement le pronostic, d'autres facteurs organelles cellulaires, en particulier des lysosomes, qui
indépendants peuvent également l'influencer. L'âge est le contiennent de la cathepsine B et D ;
premier de ces facteurs. Les différentes analyses épidémio- ■ le flux permanent du suc pancréatique, assuré par un
logiques font état de l'augmentation de l'incidence de la gradient de pression, évite la stagnation dans le canal
mortalité avec l'âge chez les patients hospitalisés pour pan- pancréatique ;
créatite aiguë. En effet, elle est estimée inférieure à 5 % chez ■ la présence d'inhibiteurs physiologiques des enzymes
les moins de 40 ans, contre 30 à 40 % chez les plus de 80 ans. dans le suc pancréatique.
L'intoxication tabagique a clairement été démontrée Au cours de la pancréatite aiguë se produit donc de façon
comme étant un facteur de risque indépendant de pancréa- accidentelle une activation prématurée des proenzymes
tite chronique mais aussi de pancréatite aiguë et ce quels que pancréatiques au sein même du pancréas (encadré  2.1).
soient les facteurs étiologiques associés. De plus, il existe Les phénomènes initiaux à l'échelle cellulaire se déroulent
une relation effet-dose. L'inhalation chronique de nicotine dans la cellule acineuse (Fig. 2.1 et 2.2) où l'on assiste à une
a un impact sur le parenchyme pancréatique, en créant un activation intracellulaire initiale des zymogènes et ce vrai-
processus inflammatoire chronique. Il en résulte la constitu- semblablement par colocalisation avec les enzymes lyso-
tion d'une fibrose et d'une altération des cellules acineuses. somiales au sein de vésicules d'autophagie (en particulier
L'obésité (définie par un indice de masse corporelle supé- la cathepsine B). Les mécanismes de protection vont alors
rieur à 30) est également un facteur de risque de pancréatite être dépassés ou également inhibés. Un phénomène autoen-
aiguë. Il a été démontré que la masse adipeuse sous-cutanée tretenu d'activation des proenzymes en enzymes actives
et viscérale joue un rôle dans le métabolisme glucidique et (lipolytiques, protéolytiques, amylolytiques) s'installe alors
lipidique, mais sécrète également des hormones et des cyto- dans la glande pancréatique. Cette autoactivation en cascade
kines (TNF-α, IL-6, adiponectine, leptine, résistine, etc.) qui aboutit à une véritable autodigestion du parenchyme, source
entrent en jeu dans la cascade inflammatoire. L'obésité pour- potentielle de nécrose (cytostéatonécrose pour les enzymes
rait donc, via ces propriétés, amplifier la réponse immuni- lipolytiques), d'apoptose (mort cellulaire programmée) et de
taire accompagnant et entretenant les lésions pancréatiques lésions vasculaires (notamment rôle de l'élastase sur la paroi
et donc aggraver la sévérité de cette dernière. Ainsi, l'obésité des vaisseaux). À partir des lésions cellulaires initiales, de
a clairement un impact péjoratif sur l'évolution de la pan- nombreux facteurs vont être libérés comme des cytokines,
créatite aiguë en matière de mortalité et de morbidité [8]. des chimiokines, des molécules d'adhésion et des radicaux
Il en est de même chez les patients ayant des comorbidités libres [10] (Fig. 2.1). Ces facteurs vont favoriser le dévelop-
cardiovasculaire ou rénale préexistantes.
Par contre, même si peu d'études ont étudié l'impact pro-
nostique de l'étiologie sur l'évolution de la pancréatite aiguë,
les taux de mortalité selon les étiologies sont globalement Encadré 2.1. Étapes clés de la
similaires [9]. physiopathologie de la pancréatite aiguë

Première étape : il se produit une activation prématurée des
Physiopathologie et classifications proenzymes pancréatiques en enzymes actives au sein même
du pancréas, à l'origine d'une autodigestion de la glande
Mécanismes cellulaires pancréatique.
Deuxième étape  : cette activation enzymatique engendre
À l'état physiologique, la sécrétion enzymatique assurée par

des lésions cellulaires irréversibles conduisant à leur apoptose


les cellules acineuses est destinée à la digestion des protides,
avec dégradation des membranes cellulaires. La fuite
notamment par la trypsine, des glucides par l'amylase et des
enzymatique provoque une inflammation intrapancréatique
lipides par la lipase. Le pancréas exocrine est le tissu respon-
mais aussi des lésions vasculaires, hémorragiques et
sable de la synthèse protéique la plus élevée de tout l'organisme
nécrotiques pancréatiques et péripancréatiques.
humain. Cette synthèse protéique par les cellules acineuses
Troisième et dernière phase  : une production locale de
aboutit à l'accumulation d'enzymes dans les granules de zymo-

médiateurs de l'inflammation (cytokine, complément, etc.)


gènes, qui les stockent avant de les libérer dans la lumière des
entraîne l'afflux de cellules inflammatoires (leucocytes)
acini pancréatiques par le processus d'exocytose. La plupart
qui entretiennent l'inflammation intrapancréatique et
des enzymes sont sécrétées sous forme de proenzymes inac-
leur passage dans la circulation sanguine via les réseaux
tives dans le pancréas [10]. Elles vont être activées au cours de
veineux porte, systémique et lymphatique. Cette fuite est
la digestion dans la lumière duodénale (chapitre 1).
à l'origine d'une inflammation extrapancréatique. Une
Rappelons qu'il existe plusieurs mécanismes de protec-
réponse inflammatoire systémique excessive à cet « orage
tion vis-à-vis de « l'autodigestion pancréatique » [10] :
inflammatoire » peut alors être à l'origine d'une ou plusieurs
■ les enzymes sont synthétisées sous forme de proenzymes
défaillances d'organes.
qui seront par la suite activées dans la lumière digestive.
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 25

Événements initiateurs Événements Déterminants de


Migration lithiasique, acineux sévérité
alcool, sténose, calcul, mucus,
ischémie, médicaments, etc.
Blocage de la IL-1, IL-6, IL-10,
sécrétion dans la PAF, TNF-α,
cellule acineuse radicaux libres,
oxydants, ischémie,
nécrose-apoptose
Colocalisation des
grains de zymogène
et des enzymes
lysosomiales
Atteintes viscérales
Activation du trypsinogène
Locorégionales
(œdème, nécrose
Rupture des organelles hémorragie, abcès)

Lésions acineuses Systémiques


(Détresse respiratoire,
insuffisance rénale,
infection, choc, etc.)
Phénomène auto-entretenu

Fig. 2.1 Physiopathologie de la pancréatite aiguë à l'échelle cellulaire et à l'échelle systémique.

V
V V
Z
L V
Z L

A B
Fig. 2.2 Illustration des phénomènes initiaux de la pancréatite aiguë à l'échelle des acini pancréatiques. Photographies de microscopie
électronique d'acini pancréatiques de rat normaux (A) au cours d'une pancréatite aiguë expérimentale (B). A.  Dans les acini normaux (ligne
blanche en pointillé), les cellules acineuses sont normalement organisées autour de la lumière de l'acinus (L) avec les grains de zymogènes (Z) au
pôle apical. B. Au cours de la phase précoce de la pancréatite aiguë, les acini (ligne blanche en pointillé) sont désorganisés avec accumulation de
zymogènes (Z) autour de la lumière (L) et constitution de vacuoles d'autophagies (V) avec colocalisation des proenzymes pancréatiques et enzymes
lysosomiales.

pement et l'extension de l'inflammation et de la nécrose au abcès). L'infection de cette nécrose est la principale cause de
sein de la glande pancréatique. En synergie avec la diffusion mortalité des pancréatites aiguës graves [10].
locale et générale des enzymes pancréatiques, ils vont aussi
induire un grand nombre de complications locorégionales
et systémiques propres à la pancréatite aiguë. La réponse Formes anatomopathologiques
inflammatoire, d'abord locale puis systémique à laquelle On distingue deux types de pancréatites aiguës :
participent les polynucléaires et la diffusion sanguine des ■ la forme œdémateuse ou interstitielle ;
enzymes pancréatiques et lysosomiales, est à l'origine des ■ la forme nécrosante.
lésions viscérales pancréatique, pulmonaire, rénale, vascu- La forme œdémateuse ou interstitielle concerne 80 à
laire et digestive. La défaillance viscérale est souvent multiple 90 % des patients et correspond à l'augmentation de volume
avec le développement d'un état de choc, d'une insuffisance du pancréas, en lien avec l'infiltration de la glande par
rénale et respiratoire. La nécrose pancréatique est quant à l'œdème inflammatoire. Plus rarement (10 à 20 %) se déve-
elle une autre source de complications car elle va s'étendre loppe la forme nécrosante, où le parenchyme pancréatique
(espaces péripancréatiques, loges pararénales, mésentère, et/ou les espaces péripancréatiques subissent une altération
petit bassin), digérer les tissus (avec création de fistules et de la perfusion sanguine, conduisant au développement de
de lésions vasculaires) et s'infecter (infection de la nécrose et la nécrose (encadré 2.2). Dans ces formes sévères, les lésions
26 Traité de pancréatologie

de nécrose concernent le parenchyme pancréatique seul ou les poumons. En effet, les complications systémiques
dans moins de 5 % des cas, les tissus péripancréatiques seuls sont essentiellement :
dans 20 % alors que parenchyme pancréatique et tissus péri- ■ l'insuffisance rénale aiguë oligoanurique (volontiers sur
pancréatiques sont tous deux atteints dans 75 à 80 % des cas. un terrain d'insuffisance rénale chronique) avec insuf-
La nécrose graisseuse est aussi appelée cytostéatoné- fisance fonctionnelle dans le cadre de l'hypovolémie
crose, avec un aspect macroscopique typique en « tâche de secondaire au troisième secteur provoqué par la pancréa-
bougie ». Ce tissu nécrotique, non viable et par définition tite aiguë mais aussi organique secondaire à une nécrose
dévascularisé, est un milieu favorable au développement tubulaire aiguë liée au bas débit et/ou une coagulation
d'une infection. L'infection de nécrose est la principale com- intravasculaire disséminée (CIVD) et/ou à l'injection
plication de la pancréatite nécrosante, avec un risque plus d'iode lors du scanner d'évaluation à 72–96 heures (le
important en cas de nécrose pancréatique par rapport à la risque de mortalité est de 30 à 40 %) ;
nécrose extrapancréatique (47 % versus 16 %) [11]. La mor- ■ l'insuffisance respiratoire aiguë (volontiers sur atteinte
bimortalité est plus élevée dans le cadre de la pancréatite chronique), allant de la simple hypoxie isolée à la détresse
nécrosante, notamment en matière de sévérité initiale avec (syndrome de détresse respiratoire aiguë [SDRA]). Il
une possible défaillance d'organe ou la survenue d'infection s'agit d'un œdème aigu toxique par atteinte des alvéoles
de nécrose (encadré 2.2). et du surfactant par les enzymes lysosomiales libérées par
la nécrose pancréatique. Participent aussi à cette détresse
un épanchement pleural abondant et/ou un syndrome
Classification d'Atlanta révisée d'hyperpression intra-abdominale (le risque de mortalité
La première conférence de consensus d'Atlanta date de du SDRA est de 30 %) ;
1992 ; il s'agit d'un consensus international sur la prise en ■ le choc et la défaillance cardiovasculaire survenant souvent
charge et sur la définition de certaines entités nosologiques sur une cardiopathie ou artériopathie chronique préalable ;
de la pancréatite aiguë. Ces différentes définitions vont ■ plus rarement, confusion par atteinte neurologique ou
ensuite être modifiées au cours de la classification d'Atlanta insuffisance hépatocellulaire sur cirrhose préexistante.
révisée de 2012. Elle revient essentiellement sur trois critères Pour évaluer les différentes dysfonctions de ces organes, il
importants permettant de classer la sévérité des pancréatites existe plusieurs scores utilisés essentiellement en réanimation.
aiguës, à savoir : « définir les défaillances d'organes, les com- La conférence d'Atlanta de 2012 propose l'utilisation du
plications systémiques et les complications locales. » score de Marshall modifié [13] (Tableau 2.1) par rapport au
score SOFA (sequential organ failure assessment) [14] pour sa
Défaillance d'organe et complications simplicité d'utilisation (Tableau 2.2). En effet, le score SOFA
systémiques prend en compte les paramètres de ventilation invasive et
D'après les recommandations basées uniquement sur des l'utilisation de drogues vasoactives qui ne s'appliquent pas
avis d'experts [9, 12], l'évaluation initiale d'un patient atteint forcément à des patients en soins intensifs ou continus.
d'une pancréatite aiguë doit porter en premier lieu sur la Ces scores se basant sur des paramètres cliniques et bio-
recherche d'insuffisances d'organes tels que le cœur, le rein logiques simples peuvent se répéter quotidiennement et per-
mettent une évaluation objective et rapprochée du patient.
La défaillance d'organe est définie par un score de Marshall
modifié supérieur ou égal à 2. Elle est dite « transitoire » si sa
Encadré 2.2. Les deux formes durée est inférieure à 48 heures ou « persistante » si sa durée
anatomopathologiques des pancréatites est supérieure à 48 heures. En effet, l'importance d'une dis-
aiguës tinction entre le groupe de défaillance d'organe transitoire et
le groupe de défaillance d'organe persistante a été démontrée.
Les pancréatites aiguës œdématointerstitielles représentent Ce dernier groupe présente un pronostic plus sévère.
80 % des pancréatites aiguës. Elles sont en général bénignes,
avec une mortalité très faible (< 1  %) sauf en cas de Complications locales
comorbidités importantes. Le développement de défaillances D'un point de vue radiologique, la classification d'Atlanta
d'organes est rare et la résolution des symptômes se fait le révisée définit précisément l'ensemble des complications
plus souvent au cours de la première semaine d'évolution de locales pouvant survenir dans les suites d'une pancréatite
la pancréatite aiguë. aiguë [1]. Elles correspondent aux lésions morphologiques
Les pancréatites aiguës nécrosantes représentent 20  % des pancréatiques et péripancréatiques induites par l'inflamma-
pancréatites aiguës et la quasi-totalité des pancréatites tion locale pancréatique. Elles sont décrites sur le scanner
sévères ou graves, elles-mêmes à l'origine de la majorité des d'évaluation réalisé entre le 3e et 5e jour de survenue des
décès au cours de cette affection (mortalité 15 à 30  %). Les premiers symptômes, mais également sur les imageries de
deux principales causes de décès sont : contrôle ultérieures, donnant un sens dynamique à chaque

la survenue d'une défaillance d'organe, chez environ 40 % complication locale qui peut ainsi se modifier au fil du suivi
des patients, souvent au cours de la première semaine, liée à du patient. Le scanner précise la nature des collections, leur
une réponse inflammatoire systémique excessive en réponse topographie exacte (pancréatique, péripancréatique ou les
aux phénomènes nécrotiques ; deux), leur contenu (liquide, solide, mixte, gazeux) et l'éten-

la survenue d'une infection de nécrose, survenant plus due de rehaussement du parenchyme pancréatique afin d'en
tardivement dans le suivi du patient. apprécier la perfusion résiduelle.
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 27

Tableau 2.1 Score de Marshall modifié pour L'interprétation des lésions scanographiques au cours
évaluation de la défaillance d'organe. d'une pancréatite aiguë permet de définir quatre entités :
deux précoces et deux tardives (Fig. 2.3). Dans les formes
Score oedémato-interstitielles, il existe deux entités, à savoir les
Fonction 0 1 2 3 4 collections liquidiennes aiguës péripancréatiques (acute
Respiratoire > 400 301–400 201–300 101–200 ≤ 101 peripancreatic fluid collections) au stade précoce et les pseu-
(PaO2/FiO2) dokystes pancréatiques (pancreatic pseudocysts) dont l'orga-
Rénale ≤ 134 134–169 170–310 311–439 ≥ 439
nisation sera plus tardive. Dans les formes nécrosantes, on
(créatinine différencie les collections aiguës nécrotiques (acute necrotic
plasmatique collections), des nécroses pancréatiques organisées (walled-
/μmol) off necrosis) dont la constitution est plus tardive.
Cardiovas- > 90 < 90, < 90, < 90, et > 90 et
culaire réponse au absence de pH < 7,3 pH < 7,2 Collections liquidiennes aiguës péripancréatiques
(pression remplissage réponse au Les collections liquidiennes aiguës péripancréatiques cor-
artérielle remplissage
respondent aux zones de liquide péripancréatique précoces,
systolique,
mmHg)
observées dans les quatre premières semaines après l'appa-
rition de la pancréatite œdématointerstitielle. Ce sont des
collections de densité homogène, adjacentes au pancréas,
La défaillance d'organe transitoire ou persistante est définie par un score de confinées par les fascias péripancréatiques, sans paroi
Marshall modifié supérieur ou égal à 2. propre. Dans la majorité des cas, elles restent stériles et se
FiO2 : fraction inspirée en oxygène ; PaCO2 : pression partielle normale du
résorbent spontanément [15]. En l'absence d'infection, elles
dioxyde de carbone du sang artériel.
ne nécessitent pas de traitement spécifique et ne constituent
pas en elles-mêmes un facteur de sévérité de la pancréatite.
Estimation de la FiO2 pour les patients non ventilés
Supplémentation en oxygène FiO2 (%) Pseudokystes pancréatiques
(L/min)
Les pseudokystes pancréatiques sont des collections liqui-
Air ambiant 21 diennes non nécrotiques encapsulées, présentes après
2 25 4 semaines d'évolution d'une pancréatite aiguë œdématoin-
4 30
terstitielle. Ils sont bien circonscrits, de densité homogène
et de composante uniquement liquidienne, avec une paroi
6–8 40 bien définie sans épithélium. Les pseudokystes font suite
9–10 50 aux collections liquidiennes aiguës péripancréatiques. Leur
FiO2 : fraction inspirée en oxygène. contenu est fait de suc pancréatique qui provient d'une

Tableau 2.2 Score SOFA pour évaluation de la défaillance d'organe.


Score SOFA
Fonction 0 1 2 3 4
Respiratoire > 400 300–400 200–300 100–200 < 100
PaO2 /FiO2
Coagulation > 150 100–150 50–100 20–50 < 20
Plaquettes (103/mm3)
Hépatique < 1,2 1,2–1,9 2,0–5,9 6,0–11.9 > 12,0
Bilirubinémie (mg/
dL)
⁎ ⁎ ⁎
Cardiovasculaire Absence PAM < 70 Dobutamine < 5 Dobutamine Dobutamine
Hypotension (mmHg) 5,1-15 ≥ 15

Épinéphrine Épinéphrine⁎
≤ 0,1 > 0,1
Norépinéphrine⁎ Norépinéphrine⁎
≤ 0,1 > 0,1
Système nerveux 15 13–14 10–12 6–9 <6
central
Glasgow coma score
Rénale < 110 110–170 171–299 300–440 > 440
Créatinine
plasmatique (μmol/L)

Posologie des drogues vasoactives en μg/kg/min pour 1 heure minimum.
FiO2 : fraction inspirée en oxygène ; PaO2 : pression partielle normale du dioxyde de carbone du sang artériel ; SOFA : sequential organ failure assessment.
28 Traité de pancréatologie

COLLECTION LIQUIDIENNE
PSEUDOKYSTE
AIGUË PÉRIPANCRÉATIQUE

COLLECTION AIGUË NÉCROSE ORGANISÉE


NÉCROTIQUE PANCRÉATIQUE

S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8

SEMAINES

Fig. 2.3 Lésions anatomiques principales générées par la pancréatite aiguë et leur évolution respective au cours des semaines d'évo-
lution de la maladie.

rupture du canal pancréatique principal ou d'un canal


secondaire, en l'absence de nécrose pancréatique. Les pseu-
dokystes seront à l'origine de compressions, d'infections et
d'hémorragies (cf. infra).

Collections aiguës nécrotiques


Les collections aiguës nécrotiques sont des collections pré-
coces contenant des quantités variables de liquide et de
nécrose solide pancréatique, apparaissant dans les quatre
premières semaines d'une pancréatite nécrosante. Elles
peuvent impliquer le parenchyme pancréatique ou les tissus
extrapancréatiques. Ces collections sont de densité hété-
rogène témoignant d'un contenu mixte liquidien et solide,
sans paroi décelable, dont la localisation est variable (intra- A
pancréatique, extrapancréatique ou les deux).

Nécroses pancréatiques organisées


Les nécroses pancréatiques organisées sont des collections
uniques ou multiples dites encapsulées, donc ayant une
paroi propre qui prend le produit de contraste, de topogra-
phie pancréatique et/ou péripancréatique, se développant
4 semaines après le début de la pancréatite aiguë. La densité
scanographique est également hétérogène, témoignant d'un
contenu mixte liquide et solide, de quantité variable. Elles
font suite aux collections aiguës nécrotiques. Leur contenu
peut s'infecter, devenant une nécrose pancréatique organi-
sée infectée. La nécrose peut aussi être responsable de fis-
tules, de sténoses et d'hémorragies (cf. infra).
Les figures 2.4 et 2.5 montrent des images des collections
aiguës liquidiennes et nécrotiques ainsi que leur devenir.

Complications infectieuses B
Elles sont multiples, allant de l'infection d'organe dans un
contexte de défaillance et de réanimation comme surinfec- Fig.  2.4 Illustration de l'évolution d'une collection aiguë péri-
pancréatique vers un pseudokyste. A.  Collection pancréatique
tion pulmonaire, infection urinaire, septicémie à point de
aiguë péripancréatique à la 96e heure (flèches blanches). B. Évolution
départ veineux (cathéter), infection de collection en parti- vers un pseudokyste 6 semaines après (flèche blanche), collé au paren-
culier de la nécrose, infection de pseudokyste, angiocholite, chyme pancréatique (étoile blanche).
etc.
L'encadré 2.3 récapitule les complications des pancréa-
tites aiguës ainsi que leur physiopathologie. Ces complica-
tions seront détaillées plus loin dans ce chapitre (« Évolution
et complications »).
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 29

A B

C D
Fig.  2.5 Illustration de l'évolution d'une collection aiguë nécrotique vers de la nécrose organisée. A.  Nécrose aiguë sous-hépatique
(flèche blanche) à 72 heures qui va évaluer vers de la nécrose organisée à 4 semaines (flèche blanche) (B). C. Nécrose aiguë céphalique et péripan-
créatique (flèche blanche) à 72 heures qui va évaluer vers de la nécrose organisée à 4 semaines (flèche blanche) (D).

Encadré 2.3. Principales complications survenant au cours des pancréatites aiguës


et leur physiopathologie

Défaillances d'organes et complications systémiques digestif par translocation ou infection d'organe ou d'une voie

Insuffisance rénale aiguë  : fonctionnelle dans le cadre de veineuse chez un ou une patiente en réanimation.
l'hypovolémie secondaire au troisième secteur provoqué par

Complications neurologiques : confusion, dépression, séquelles
la pancréatite aiguë, mais aussi organique secondaire à une neuromusculaires de l'alitement prolongé.
nécrose tubulaire aiguë liée au bas débit et/ou une CIVD et/ou à Complications locorégionales
l'injection d'iode lors du scanner d'évaluation à 72–96 heures. ■
Compressions (estomac, duodénum, voies biliaires, grêle,

Défaillance cardiocirculatoire  : vasodilatation, hypoperfusion
colon, voies urinaires)  : extension de l'inflammation et de la
viscérale volontiers favorisée par une insuffisance préalable à
nécrose, pseudokyste compressif, nécrose organisée.
la pancréatite et/ou un épanchement péricardique. ■
Épanchements (péritoine, plèvre, péricarde, médiastin) par

Insuffisance respiratoire aiguë  : atteinte des alvéoles et du
création d'une fistule entre canal pancréatique (déconnexion
surfactant par les enzymes lysosomiales libérées par la nécrose
pancréatique) et la cavité naturelle.
pancréatique (œdème aigu toxique) et/ou épanchement pleural ■
Hémorragies et thromboses  : érosion artérielle par la
abondant et/ou syndrome d'hyperpression intra-abdominale.
nécrose, création d'un pseudoanévrysme au contact de la

Le syndrome de réponse inflammatoire systémique : réponse
nécrose ou d'un pseudokyste qui va se rompre, hémorragie
cytokinique proinflammatoire secondaire à l'agression
intrakystique, compression et thrombose du système veineux
pancréatique.
portomésentérique et splénique avec risque de cavernome et

Infections  : septicémie, infection urinaire, pneumopathie,
d'hypertension portale segmentaire.
infection de la nécrose et de pseudokyste, point de départ
30 Traité de pancréatologie

Signes cliniques, diagnostic positif


et évaluation du pronostic
Forme typique et formes particulières
Forme typique
Clinique
Plusieurs symptômes sont observés au cours d'une pancréa-
tite aiguë. L'intensité de ces symptômes ainsi que les ano-
malies retrouvées à l'examen clinique vont dépendre de la
gravité de la pancréatite aiguë. En d'autres termes, certains
ne seront exclusivement rencontrés que dans les formes
sévères.
Le symptôme le plus fréquent est la douleur abdomi-
nale. Elle est présente dans plus de 95 % des cas. Elle se
localise classiquement au niveau du creux épigastrique,
mais peut parfois se situer au niveau de l'hypochondre
droit ou être diffuse à tout l'abdomen. Elle est transfixiante, Fig.  2.6 Photographie d'un patient se présentant avec une
pancréatite aiguë grave avec un signe clinique de Grey-Truner
violente, irradie dans le dos en inhibant la respiration. La
sous forme de tâches cyaniques des flancs (ligne blanche en
position antalgique en chien de fusil est caractéristique ou pointillé).
en position d'antéflexion du tronc. Elle est d'apparition
brutale, voire horaire (« le/la patient(e) se souvient exac-
tement de l'heure et du jour ! »). La douleur s'aggrave pro- à l'expression clinique de l'inflammation systémique secon-
gressivement en quelques heures ; elle est prolongée, sans daire à la pancréatite aiguë ou liée à une complication sep-
rémission, et l'accalmie ne survient habituellement qu'au tique. Le patient peut être tachycarde, hypo- ou hypertendu
bout de quelques jours. Dans la moitié des cas, il existe des sur le plan tensionnel. La présence de ces signes généraux au
vomissements, alimentaires puis bilieux. Dans 30 % des diagnostic évoque une pancréatite sévère.
cas, on note un arrêt des matières et des gaz secondaire Enfin, dans 5 % des cas les patients vont développer un
au développement d'un iléus réflexe, lui-même en rapport état neurologique à type de confusion ou d'« encéphalopa-
avec l'intensité de la douleur. Selon l'aphorisme d'Henri thie pancréatique ».
Mondor, « c'est un tableau qui tient à la fois de la périto- Sur le plan de l'examen clinique, on objective dans 70 %
nite et de l'occlusion mais qui n'est parfaitement ni l'un ni des cas une défense abdominale soit localisée soit généra-
l'autre ». Dans 1 à 3 % des pancréatites aiguës nécrosantes, lisée, là encore en fonction de la gravité de la pancréatite.
des manifestations cutanées abdominales sont observées Les bruits hydroaériques sont rares ou absents. L'abdomen
telles que : peut être distendu et météorisé. L'inspection de l'abdomen
■ une ecchymose périombilicale appelée signe de Cullen. recherchera systématiquement un signe de Cullen ou de
Ce signe décrit en 1918 est associé à la présence d'une Grey-Turner qui sont tous deux l'expression d'une pancréa-
hémorragie intrapéritonéale. La diffusion de sang du tite aiguë grave.
rétropéritoine vers l'ombilic par le biais du ligament falci-
forme va créer une stase de sang périombilicale colorant Biologie
les tissus. Ce signe est associé à une mortalité de 37 % Sur le plan biologique, seul le dosage de la lipase est néces-
et à une morbidité de 96 %. Cependant, la plupart des saire pour poser le diagnostic de pancréatite aiguë. Le dosage
pathologies abdominales responsables d'un hémopéri- de l'amylase sanguine et/ou urinaire n'a plus d'intérêt et
toine peuvent s'associer à ce signe ; n'est plus réalisé en pratique. Il n'y a aucun intérêt à doser de
■ une ecchymose au niveau des flancs (signe de Grey- manière répétée la lipase au cours d'une pancréatite aiguë.
Turner) qui est liée à l'échappement de sang dans l'espace Le dosage de la lipasémie est donc plus sensible et spéci-
rétropéritonéal par diffusion le long du muscle carré des fique que le dosage de l'amylasémie. Le taux de lipase s'élève
lombes (Fig. 2.6) ; dans le sang entre 2 et 4 heures après les premiers signes,
■ le signe de Weber-Christian correspond quant à lui à la est maximum à la 24e heure pour se normaliser dans les
présence d'une cytostéatonécrose au niveau de l'hypo- 8 jours. Le chiffre retenu pour le diagnostic de pancréatite
derme. Cliniquement, le patient va présenter des nodules aiguë est celui de trois fois au-dessus de la valeur normale
durs douloureux au niveau des jambes. Le nodule pourra supérieure. Enfin, le taux de lipase n'est aucunement le reflet
être le siège d'une ulcération permettant l'extériorisation de la sévérité de la pancréatite. En dehors de la pancréatite
d'un liquide d'aspect huileux. La présence d'un syndrome aiguë, certaines conditions ont été identifiées comme pou-
de Weber-Christian devra faire rechercher une fistule vant s'accompagner d'une élévation significative de la lipase
pancréaticoporte ou mésentérique, elle-même apparais- sanguine : elles sont colligées dans l'encadré 2.4. Toutefois,
sant à la faveur d'une rupture canalaire soit du canal prin- dans ces conditions particulières il n'y a pas d'intérêt au
cipal soit d'un canal secondaire. dosage de la lipase. Encore une fois, le seul intérêt du dosage
Il peut exister aussi des signes généraux tels que la fièvre. de la lipase sanguine en clinique courante est la suspicion de
Son interprétation est difficile car elle peut être secondaire pancréatite aiguë.
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 31

Tomodensitométrie abdominale
Encadré 2.4. À propos de d'élévation La tomodensitométrie (TDM) abdominale doit être prati-
de la lipase sanguine en dehors de toute quée après la 72e heure. C'est en effet à ce moment-là que sa
pancréatite aiguë rentabilité diagnostique est maximale. Il faudra s'assurer de

Après une CPRE sans douleur abdominale et pancréatite l'absence d'insuffisance rénale aiguë ou d'allergie à l'iode. En
aiguë (75 % des cas). effet, pour apprécier l'étendue de la nécrose du parenchyme

Après cytoponction pancréatique sans pancréatite aiguë pancréatique, il est indispensable de prévoir une injection
(30 % des cas). d'iode. À partir de l'aspect scannographique et du degré de

Au cours de perforations digestives quelle qu'en soit l'origine. nécrose du parenchyme pancréatique, il a été décrit plu-

Au cours d'une occlusion intestinale aiguë. sieurs scores dont le plus utilisé est le CT score index (CTSI).

Au cours d'un infarctus du mésentère. La TDM apprécie en même temps : l'étendue des lésions

En cas d'acidose métabolique. pancréatiques et leur nature (œdème ou nécrose), l'éten-

L'adénocarcinome pancréatique, en particulier dans sa forme due et le nombre de coulées de nécrose et de collections,
acinaire. la présence de lésions viscérales ou vasculaires. La nécrose

Au cours d'une insuffisance rénale. du parenchyme pancréatique se caractérise par un défaut

Au cours d'une maladie cœliaque avec existence d'une de rehaussement de la glande après injection de produit de
macrolipase. contraste. La nécrose extrapancréatique se traduit par des

En cas d'anorexie mentale (rare). zones hétérogènes, mal définies, péripancréatiques, rétro-

En cas d'élévation constitutionnelle bénigne (rare). péritonéales le plus souvent. Ces lésions de nécrose appa-
raissent 3 à 4 jours après le début de la pancréatite aiguë ce
qui explique qu'un scanner trop précoce puisse sous-estimer
Par ailleurs, certains paramètres biologiques sont dosés l'étendue des zones de nécrose [16].
pour le diagnostic de gravité et/ou étiologique tels que Même si les lésions inflammatoires et nécrotiques gênent
la créatinine sanguine, la mesure des gaz du sang en air considérablement l'appréciation de la région biliopancréa-
ambiant, le bilan hépatique complet, le dosage de la calcé- tique, un bilan étiologique peut être fait avec recherche de
mie sanguine ou des triglycérides. calcifications pancréatiques ou de calculs biliaires.
Le dosage de la C-reactive protein (CRP) est discriminant Certains éléments de diagnostic différentiel pourront
au-delà de la 48–72e heure. Il est le reflet de l'importance être relevés : perforation d'ulcère, nécrose du mésentère, fis-
de la réaction inflammatoire systémique. Le pronostic des suration/rupture d'anévrysme de l'aorte.
patients est corrélé à la cinétique et au taux de CRP. Ainsi, En cas de pancréatite aiguë avec multiples coulées de
au-delà de 150 mg/L, il s'agit le plus souvent d'une forme nécroses ou épanchements des séreuses ou de complications
sévère de pancréatite aiguë. infectieuses, notamment une surinfection des coulées de
Le dosage de la procalcitonine n'a pas d'indication dans le nécrose, il sera nécessaire de prévoir des scanners de rééva-
bilan initial mais sera utile pour différencier un état inflam- luation (en général tous les 10 à 15 jours en fonction de
matoire d'un état infectieux (où le taux de procalcitonine l'évolution) afin, non seulement de suivre l'évolution de ces
sera élevé) en cas de fièvre prolongée avec élévation persis- lésions (notamment de la nécrose : régression ou organisa-
tante du chiffre de la CRP sanguine. tion), mais aussi de détecter des signes d'infection, et/ou des
À visée de diagnostic différentiel, le dosage de la tropo- complications (compressions, fistules, hémorragies, throm-
nine sanguine pourra aussi être utile. boses.). Enfin, la TDM permettra, si nécessaire, la ponction
à l'aiguille fine de la nécrose pour confirmer et documenter
Examens complémentaires une infection ou de réaliser le drainage d'une collection.
À la phase initiale (quatre premières semaines) d'une
Le diagnostic de pancréatite aiguë va conduire à la réalisa-
pancréatite aiguë, les autres examens d'imagerie tels que la
tion d'un certain nombre d'examens complémentaires. Ils
cholangio-wirsungo-IRM ou l'échoendoscopie n'ont pas
seront pratiqués dans un but étiologique et pronostique.
leur place.
Leur programmation se fera à des temps bien précis dans la
prise en charge du patient.
Formes particulières
Échographie abdominale Elles sont de deux types :
Il s'agit d'un examen indispensable pour le diagnostic étiolo- ■ les formes se manifestant essentiellement par un syn-
gique. Elle a pour but de rechercher une lithiase vésiculaire, drome occlusif, qui va conduire à la réalisation d'un
une dilatation des voies biliaires intra- et extrahépatiques examen d'imagerie qui permettra le diagnostic de pan-
et plus rarement un obstacle au bas de la voie biliaire prin- créatite aiguë ;
cipale. L'exploration de la glande pancréatique est généra- ■ l'autre cas est celui des formes avec développement d'une
lement non contributive par l'échographie compte tenu de défaillance d'organe d'emblée, qui va immédiatement
la présence d'interpositions gazeuses secondaire à l'iléus orienter le patient vers une unité de surveillance continue
réflexe. Par ailleurs, elle pourra objectiver la présence d'un voire de réanimation.
épanchement libre intrapéritonéal qui peut être à ce stade Les appareils cardiovasculaire, respiratoire et rénal
précoce un signe de gravité. Par la suite, l'échographie peut sont donc à évaluer dès l'admission du patient. Les autres
être réalisée dans l'optique d'un drainage radiologique d'une défaillances (neurologique, hématologique, hépatique) sont
collection. également à rechercher mais sont plus rares.
32 Traité de pancréatologie

Diagnostic positif Diagnostic différentiel


Le diagnostic de pancréatite aiguë est posé en présence Peuvent se poser certains diagnostics différentiels que la cli-
de deux des trois critères suivants, selon la conférence de nique, l'électrocardiogramme (ECG), la biologie et le scanner
consensus d'Atlanta de 2012 (encadré 2.5) : pourront lever : infarctus du myocarde postérodiaphragma-
■ douleur abdominale compatible avec une douleur de tique, perforation d'ulcère gastroduodénal, occlusion intes-
pancréatite aiguë : épigastrique, transfixiante, de début tinale aiguë, infarctus du mésentère et fissuration/rupture
brutal, atteignant son maximum au bout de 30 minutes et d'anévrysme de l'aorte abdominale.
persistant plus de 24 heures ;
■ élévation de la lipasémie supérieure à trois fois la limite Facteurs du pronostic
supérieure de la normale ;
■ imagerie (scanner, échographie) objectivant des signes de La sévérité de la pancréatite aiguë impacte directement son
pancréatite aiguë. pronostic. En effet, ce dernier change s'il s'agit d'une forme
Ainsi : œdématointerstitielle ou nécrosante. Les formes nécrosantes
■ l'association des deux premiers critères est le plus souvent sont plus rares (10 à 20 % des pancréatites aiguës) mais sont
suffisante et l'imagerie n'est pas nécessaire à l'admission plus graves avec une mortalité estimée aux alentours de 15
du patient pour faire le diagnostic ; à 30 % des cas. Le pronostic change également s'il existe ou
■ en présence de douleurs abdominales évocatrices de non une défaillance d'organe ou des complications locales
pancréatite aiguë sans élévation de la lipase (patients se ou systémiques.
présentant de façon tardive après le début des symptômes Les pancréatites aiguës légères, sans défaillance d'organe,
ou patients avec une pancréatite chronique calcifiante), sont de bon pronostic. La mortalité est extrêmement rare
l'imagerie permet de redresser le diagnostic. et l'imagerie pancréatique est plutôt réalisée à visée étiolo-
gique que pronostique. L'hospitalisation est courte et on ne
déplore qu'exceptionnellement des séquelles de l'épisode.
Les pancréatites aiguës modérément sévères nécessitent
une hospitalisation plus prolongée. Les complications
Encadré 2.5. La classification clinique locales sont responsables d'une douleur prolongée, de dif-
d'Atlanta de 2012 en quelques lignes ficultés d'alimentation nécessitant une prise en charge
nutritionnelle, voire des complications systémiques sur
Le diagnostic de pancréatite aiguë nécessite deux des trois comorbidités préexistantes. La mortalité reste cependant
critères suivants : inférieure en comparaison aux pancréatites aiguës sévères.

douleur abdominale, compatible avec une douleur de En effet, les pancréatites aiguës sévères, avec défaillance
pancréatite aiguë  : épigastrique, transfixiante, de début persistante d'un ou plusieurs organes, ont un taux de mor-
brutal, atteignant son maximum au bout de 30 minutes et talité supérieur à celui des légères et modérément sévères.
persistant plus de 24 heures ; Alors que Johnson et al. leur attribue un taux de mortalité

élévation de la lipasémie supérieure à trois fois la limite avoisinant les 35 % (avec ou sans infection de nécrose pan-
supérieure à la normale ; créatique) sur un effectif de 103 patients [17], la récente

imagerie (scanner ou échographie) objectivant des signes de méta-analyse conduite par Werge et al. menée à partir de
pancréatite aiguë. 6 970 patients a estimé la mortalité des pancréatites aiguës
Trois types de formes cliniques avec un pronostic différent : avec défaillance d'organe persistante à 19,8 % sans nécrose

la pancréatite aiguë bénigne (ou légère) (mild acute pancréatique infectée et à 35 % avec nécrose pancréatique
pancreatitis) qui se définit par : infectée [18]. Sur un effectif plus restreint, la mortalité avoi-
– l'absence de défaillance d'organe et l'absence de compli- sinait les 50 % chez les patients présentant une pancréatite
cation locale ou systémique, ne requérant pas de façon aiguë avec un SRIS prolongé selon Buter et al. [19].
systématique une imagerie,
– une mortalité nulle voire exceptionnelle ; Scores clinicobiologiques
la pancréatite aiguë modérée (moderately severe acute
Avant la conférence de consensus d'Atlanta révisée de 2012,

pancreatitis) qui se caractérise par la défaillance d'un organe,


il existait de nombreux scores spécifiques à la pancréa-
résolutive dans les 48 heures et/ou d'une complication locale
tite aiguë (Ranson, Glasgow, Panc3, etc.) et des scores non
ou systémique sans défaillance d'organe persistante. Pour ce
spécifiques utilisés notamment en secteur de réanimation
stade, la pancréatite aiguë est résolutive de façon spontanée
(APACHE II et III, SOFA).
ou peut exiger des soins spécialisés prolongés, mais la
Le score historiquement réalisé pendant plus de trois
mortalité est significativement moindre que pour le troisième
décennies, puis progressivement délaissé, est celui de
stade ;
Ranson. Il fait appel à des paramètres en majorité biolo-
la pancréatite aiguë sévère (severe acute pancreatitis) est
giques (11 variables au total) à l'entrée et à 48 heures d'hos-

quant à elle caractérisée par :


pitalisation. Le consensus d'Atlanta de 1992 se basait entre
– la persistance d'une défaillance d'organe unique ou
autres sur ce score (supérieur à 3) pour classer la sévérité
multiple, rentrant dans les critères du syndrome de réponse
des pancréatites. Un score inférieur à 3 était de bon pronos-
inflammatoire systémique (SRIS), au-delà de 48 heures,
tic, à l'inverse d'un score supérieur à 6 qui était prédictif de
– un taux de mortalité beaucoup plus élevé, allant de 36 à
mortalité. En revanche, les valeurs intermédiaires avaient de
50 %.
faibles valeurs pronostiques.
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 33

Entre 2007 et 2009, plusieurs autres scores clinicobiolo- Tableau 2.3 Scores clinicobiologiques développés
giques à visée pronostique ont été publiés. Une équipe amé- pour la prédiction du pronostic des pancréatites
ricaine a développé le score BISAP (bedside index for severity aiguës.
in acute pancreatitis) qui utilise cinq variables dont le SRIS.
Comparé aux autres scores (Ranson, APACHE II, CTSI), il Score Date Paramètres mesurés et temps par rapport
à l'admission
semble efficace mais non supérieur. Le Japan severity score a
aussi été développé, utilisant des variables similaires au score Ranson 1974 À l'admission : âge (> 55 ans), leucocytes
de Ranson, mais en ajoutant un système de pondération, sans (> 16 G/L), glycémie (> 200 mg/dL), LDH
(> 350 UI/mL), ASAT (> 250 UI/mL)
réellement améliorer son impact pronostique de sévérité. Les
À 48 h : hématocrite (diminution > 10 %),
scores Panc3, POP, HAPS ne sont pas utilisés en pratique cou- urée plasmatique (augmentation > 5 mg/
rante. À titre indicatif, le tableau 2.3 dresse la liste des différents dL), calcium (< 8 mg/dL), PaO2 (< 60 mmHg),
scores avec les paramètres qui sont utilisés pour les calculer. diminution des bicarbonates (> 4 mEq/L),
Le score de Marshall modifié recommandé par la conférence séquestration liquidienne (> 6 L)
d'Atlanta de 2012 est déjà détaillé dans le tableau 2.1. Glasgow 1984 À l'admission et à 48 h : âge (> 55 ans),
La révision de la conférence d'Atlanta en 2012 a conduit leucocytes (> 165 G/L), glycémie (> 180 mg/
à simplifier la prise en charge des patients en donnant des dL), urée plasmatique (> 45 mg/dL), PaO2 (<
définitions claires aux différentes phases évolutives d'une 60 mmHg), calcium (< 8 mg/dL), albuminémie
pancréatite aiguë associées à un score clinicobiologique (< 32 g/L), LDH (> 600 UI/L)
pouvant aider à préciser sa gravité. APACHE II 1989 À l'admission et à 48 h : température, PAM,
Ainsi, il existe deux phases cliniques, à savoir : la phase FC, FR, PaO2, pH artériel, natrémie, kaliémie,
précoce et la phase tardive. bicarbonates, créatinine plasmatique,
hématocrite, leucocytes, Glasgow coma scale,
âge, comorbidités (chronic health points)
Phase précoce
SRIS 2006 À l'admission et à 48 h : température (< 36 °C
La phase précoce se termine généralement à la fin de la or > 38 °C), FC (> 90/min), FR (> 20/min ou
première semaine d'évolution de la maladie, mais peut se PaCO2 < 32 mmHg), leucocytes (< 4 000/mm3,
prolonger jusqu'à la deuxième semaine. Puis, vient la phase > 12 000/mm3)
tardive qui peut durer des semaines voire des mois. La phase Panc 3 2007 À l'admission et à 48 h : hématocrite
précoce est marquée par la production et la circulation (> 44 mg/dL), IMC (> 30 kg/m2), épanchement
accrue de médiateurs de l'inflammation (cytokines) dans les pleural
réseaux veineux porte, systémique et le réseau lymphatique. POP 2007 À l'admission et à 48 h : âge, PAM, PaO2 /FiO2,
Cette cascade inflammatoire peut entraîner cliniquement pH artériel, urée plasmatique, calcium
un SRIS. En présence d'un SRIS, et d'autant plus s'il persiste,
BISAP 2008 À l'admission et à 48h : urée plasmatique
il existe un risque accru de développer une ou plusieurs (> 25 mg/dL), impaired mental status
décompensations d'organes qui peuvent être transitoires ou (Glasgow coma score < 15), SRIS (≥ 2), âge
persistantes. À la phase précoce, la présence d'un SRIS et/ (> 60 ans), épanchement pleural
ou de décompensation d'organes va être le principal déter- HAPS 2009 À l'admission et à 48 h : défense abdominale,
minant de la sévérité. Le SRIS est défini comme la présence hématocrite (> 43 mg/dL pour hommes
d'au moins deux critères parmi les suivants : ou > 39,6 mg/dL pour femmes), créatinine
■ température < 36°C ou > 38°C ; plasmatique (> 2 mg/dL)
■ fréquence cardiaque supérieure à 90 bpm ; JSS 2009 À l'admission et à 48 h : excès de base
■ fréquence respiratoire supérieure à 20/min ou (≤ 3 mEq/L), PaO2 (≤ 60 mmHg ou détresse
PaCO2 < 32 mmHg ; respiratoire), urée plasmatique (≥ 40 mg/
■ taux de leucocytes > 12G/L ou < 4  G/L ou > 10  % dL) ou créatinine plasmatique (> 2 mg/dL),
immatures. LDH (≥ 2N), plaquettes (≤ 100 G/L), calcium
(≤ 7,5 mg/dL), CRP (≥ 150 mg/L), SRIS (≥ 3),
Sa persistance au-delà de 48 heures est un élément sup- âge (≥ 70 ans)
plémentaire de gravité (encadré 2.6).
SOFA 1996 PaO2 /FiO2, plaquettes, PAM et débit
d'amines, bilirubine plasmatique, Glasgow
Phase tardive coma scale, créatinine plasmatique
La phase tardive est caractérisée quant à elle, par la persis-
Marshall 1995 PaO2 /FiO2, créatinine plasmatique, PAS
tance ou non des signes d'inflammation systémique (donc modifié
la persistance ou non d'un SRIS) et d'une décompensation
ASAT : aspartate aminotransférase ; CRP : C-reactive protein ; FC : fréquence
d'organe. De plus, durant cette phase apparaissent les com-
cardiaque ; FiO2 : fraction inspirée en oxygène ; FR : fréquence respiratoire ;
plications locales qui, elles-mêmes, pourront être évolutives IMC : indice de masse corporelle ; LDH : lactates déshydrogénases ; PAM :
par la suite. À cette phase tardive, la persistance d'un SRIS pression artérielle moyenne ; PaO2 : pression partielle normale en oxygène du
et/ou de décompensation(s) d'organe(s) et la présence de sang artériel ; PAS : pression artérielle systolique ; pH : potentiel hydrogène ;
complications locales (en particulier l'infection de nécrose) SRIS : syndrome de réponse inflammatoire systémique.
vont être des déterminants majeurs de la sévérité et vont
accroître le risque de mortalité tardive.
34 Traité de pancréatologie

Tableau 2.4 Scores radiologiques utilisés en


Encadré 2.6. Facteurs clinicobiologiques de
pratique clinique pour la prédiction du pronostic
mauvais pronostic des pancréatites aiguës
des pancréatites aiguës.

Anamnestiques  : âge, obésité, insuffisances chroniques
Score de Balthazar
existantes (rénale, pulmonaire, cardiaque).

Présence d'un SRIS et sa persistance au-delà de 48 heures. Il Pancréas normal Stade A
est défini comme la présence d'au moins deux critères parmi Élargissement focal ou diffus du pancréas Stade B
les suivants : Inflammation de la graisse péripancréatique Stade C
– température < 36 °C ou > 38 °C ;
Une seule collection péripancréatique Stade D
– fréquence cardiaque supérieure à 90 bpm ;
– fréquence respiratoire supérieure à 20/min ou PaCO2 < 32 mmHg ; Deux (ou plus) collections péripancréatiques Stade E
– leucocytes > 12 G/L ou < 4 G/L ou > 10 % immatures. ou bulle d'air au sein du pancréas ou d'une
collection

Survenue d'une défaillance d'organe d'emblée ou
secondairement. Score CTSI Points Nécrose Points

Score de Marshall modifié > 2. pancréatique
(injection)

Élévation du taux de CRP > 150 mg/L.

Survenue d'une ou plusieurs complications locorégionales, Pancréas normal 0 Pas de nécrose 0
en particulier infection de la nécrose. Élargissement focal ou diffus 1 < 30 % 2

Score radiologique élevé (Balthazar, CTSI, MCTSI). du pancréas
Inflammation de la graisse 2 30–50 % 4
péripancréatique

Scores radiologiques
Une collection liquidienne 3 > 50 % 6
Il est recommandé de réaliser un scanner abdominopelvien péripancréatique
injecté à 72–96 heures du début des douleurs pour évaluer
Deux (ou plus) collections 4
l'étendue de la nécrose intra- et extrapancréatique et détec- liquidiennes péripancréatiques
ter des complications précoces (épanchements, perforation, ou bulles d'air au sein du
complications vasculaires, etc.). pancréas ou d'une collection
Plusieurs scores radiologiques ont été développés pour
Index de sévérité selon le score CTSI
évaluer la sévérité de la pancréatite aiguë et son pronostic.
Le premier d'entre eux est le score de Balthazar, décrit Index de sévérité Morbidité (%) Mortalité (%)
dès 1985. Il est le plus utilisé malgré ses imperfections. Il Faible 0–3 8 3
s'appuie sur l'étude des modifications de la taille du pan- Modéré 4–6 35 6
créas et des anomalies péripancréatiques, en rapport avec
Sévère 7–10 92 17
l'inflammation pancréatique. Le score de Balthazar évalue
essentiellement la nécrose extrapancréatique. Il classe la Score MCTSI
pancréatite aiguë en cinq stades, par ordre alphabétique : Inflammation pancréatique
d'A pour la pancréatite aiguë la moins sévère à E pour la
Pancréas normal 0
plus sévère (Tableau 2.4) (Fig. 2.7 et 2.8).
Les pancréatites aiguës de stades D et E sont considérées Anomalies intrinsèques du pancréas avec ou sans 2
comme sévères car elles présentent de la nécrose extrapan- infiltration de la graisse
créatique. Or cette nécrose peut être à l'origine de nom- Collection(s) (péri-)pancréatique(s) ou nécrose de la 4
breuses complications telle qu'une infection de celle-ci ou graisse péripancréatique
encore le développement d'un pseudoanévrysme artériel. Nécrose parenchymateuse pancréatique
La principale limite de ce score est sa mauvaise valeur Absence 0
prédictive en matière de complications et de mortalité car
plus de la moitié des pancréatites aiguës considérées comme < 30 % 2
sévères sont finalement de résolution spontanée en une > 30 % 4
semaine (symptômes et collections péripancréatiques). À Complications extrapancréatiques
l'inverse, les autres patients atteints de pancréatite aiguë
Ascite, épanchement pleural, complications vasculaires, 2
sévère présentent des complications sans qu'il existe de cri-
complications parenchymateuses extrapancréatiques,
tère du score de Balthazar capable de prédire cette évolution. atteinte du tractus gastrointestinal
Il a ensuite été démontré que les zones de défaut de
rehaussement du parenchyme pancréatique correspondent à Index de sévérité selon le score MCTSI
des zones de nécrose pancréatique et que cette nécrose peut Pancréatite aiguë de sévérité faible (0–2 points)
influencer la gravité de la pancréatite aiguë. Ainsi, au début Pancréatite aiguë de sévérité modérée (4–6 points)
des années 1990, le score CTSI a été développé. Il prend
Pancréatite aiguë de sévérité forte (8–10 points)
en compte, en plus de l'inflammation péripancréatique, le
pourcentage de nécrose glandulaire. Ce score nécessite, à la CTSI : CT score index ; MCTSI : modified CT score index.
différence du score de Balthazar, un scanner injecté afin de
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 35

A B

C D
Fig. 2.7 Images de scanographie abdominale à 72 heures d'une pancréatite aiguë. A. Score de Balthazar B avec élargissement corporéo-
caudal du pancréas. B, C, D. Score de Balthazar C avec inflammation de la graisse péripancréatique (flèches blanches).

A B

C D
Fig. 2.8 Images de scanographie abdominale à 72 heures d'une pancréatite aiguë. A. Score de Balthazar D avec une collection extra-pan-
créatique (flèche blanche) ; B, C, D. Score de Balthazar E avec au moins deux collections extra-pancréatiques (flèches blanches).
36 Traité de pancréatologie

pouvoir évaluer les zones avec un défaut de rehaussement obésité, insuffisances viscérales chroniques existantes
(Tableau 2.4 et Fig. 2.9 et 2.10). (rénale, pulmonaire, cardiaque), présence d'un SRIS et sa
Les patients sont ensuite répartis en trois catégories de persistance au-delà de 48 heures, survenue d'une ou plu-
sévérité. Plus la sévérité est importante, plus la morbimorta- sieurs défaillances d'organe d'emblée ou secondairement,
lité l'est également (Tableau 2.4). Les pancréatites sont clas- un score de Marshall modifié > 2, une élévation du taux
sées en sévérité faible (0–3 points), modérée (4–6 points) et de CRP > 150 mg/L, la survenue d'une ou plusieurs com-
forte (7–10 points). plications locorégionales, en particulier une infection de
Un autre score, le score MCTSI (modified CTSI) a été la nécrose, un score radiologique élevé (Balthazar, CTSI,
développé 15 ans après, car des études intermédiaires n'ont MCTSI) (encadré 2.6).
pas démontré de corrélation entre le CTSI et certaines com-
plications extrapancréatiques. En plus de l'inflammation et
de la nécrose pancréatique, ce score prend en compte les
complications extrapancréatiques : vasculaires, parenchy-
mateuses, extrapancréatiques, épanchement des séreuses.
Avec le score MCTSI, les pancréatites sont classées en
sévérité faible (0–2 points), modérée (4–6 points) et forte
(8–10 points).
En synthèse, les facteurs et l'évaluation du pronostic des
pancréatites aiguës font appel à plusieurs items anamnes-
tiques, cliniques, biologiques et radiologiques : âge élevé,

A
B

B C
Fig. 2.9 Images de scanographie abdominale à 72 heures d'une Fig. 2.10 Images de scanographie abdominale à 72 heures d'une
pancréatite aiguë. A, B. Mise en évidence de foyers de nécrose intra- pancréatite aiguë. A, B. Mise en évidence de foyers de nécrose foca-
pancréatique à l'injection de produit de contraste (nécrose entre 30 et lisés intrapancréatiques à l'injection de produit de contraste (nécrose
50 %) (flèches blanches). < 30  %) (flèches blanches). C.  Nécrose pancréatique diffuse > 50  %
(flèche blanche).
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 37

Bilan étiologique sédiment vésiculaire, qui est un amas de particules anor-


males de microcristaux de cholestérol, de granules de biliru-
Dans 75 à 85 % des cas, l'étiologie de la pancréatite aiguë est binate de calcium et de mucus) au sein de la vésicule biliaire
facilement identifiée. L'identification de l'étiologie repose sur ou de la voie biliaire principale. La seule présence d'une
un interrogatoire précis (anamnèse, médicaments, contexte, lithiase vésiculaire, sans notamment de perturbation du
etc.), un bilan biologique avec un bilan lipidique et phospho- bilan hépatique, n'est pas toujours un signe formel pour une
calcique et une imagerie de première intention (échographie cause lithiasique à la pancréatite. Par ailleurs le sludge peut
abdominale et/ou TDM). Les principales étiologies des pan- être vu lors d'un jeûne prolongé ou lors d'une alimentation
créatites aiguës sont colligées dans l'encadré 2.7. parentérale, posant à tort le diagnostic d'étiologie biliaire.
Le scanner réalisé à 72 heures du début des douleurs peut
Analyse des différentes étiologies également détecter des calculs biliaires (images calciques sur
Pancréatite aiguë biliaire les coupes sans produit de contraste), bien que cet examen
reste « sous optimal » par rapport à l'échographie abdominale.
Il s'agit de l'étiologie la plus fréquente : elle représente 40 Dans un deuxième temps, nous pouvons être amenés à
à 50 % des causes. Elle est plus fréquente chez la femme et poursuivre les investigations si la pancréatite aiguë est initia-
chez les personnes âgées. Le mécanisme physiopathologique lement classée idiopathique ou non alcoolique non biliaire
n'est pas clairement connu, mais il semble être expliqué par mais sans certitude aucune. La cholangio-pancréato-IRM
la migration d'un calcul dans le cholédoque jusqu'à l'am- (CP-IRM) et surtout l'échoendoscopie haute sont les exa-
poule de Vater. Il s'agit bien souvent d'une impaction transi- mens qui seront pratiqués pour affiner le bilan étiologique.
toire suivie d'une migration (syndrome d'Opie). Lors de son Ils produisent des images de haute résolution des voies
passage au sein du carrefour biliopancréatique, il y aurait biliaires et de la vésicule permettant de rechercher des mini-
une augmentation de la pression intracanalaire du canal de lithiases (petits calculs des 3 à 4 mm au maximum, parfois
Wirsung en amont de l'obstacle et/ou un reflux de bile. mélangés à un sédiment vésiculaire). Ces investigations ne
Le diagnostic repose sur l'histoire clinique du patient seront pratiquées qu'à distance de l'épisode de pancréatite
(femme de plus de 50 ans, personne âgée) et notamment aiguë et n'ont aucune place durant la phase de crise. Les
des antécédents de symptômes biliaires (colique hépatique, figures 2.11, 2.12 et 2.13 décrivent des images de lithiase et
pancréatite aiguë, angiocholite biliaire) ou sur la notion
d'une douleur de l'hypochondre droit pouvant précéder la
douleur de « type pancréatique ». Il est des cas où des signes
d'angiocholite passent au premier plan, mais la persistance
de la douleur amènera au dosage de la lipase sanguine pour
confirmer la pancréatite aiguë associée.
Le bilan biologique détecte souvent une perturbation du
bilan hépatique (80 % des cas), avec une élévation des enzymes
hépatiques, notamment des ALAT, à plus de deux fois la nor-
male haute, de même qu'une élévation des phosphatases alca-
lines à plus de 2,5 fois la normale voire du taux de γGT.
L'imagerie de première intention est l'échographie hépa-
tique. Elle sera réalisée dès l'admission du patient. Elle met
en évidence un ou des calculs ou du sludge (appelé aussi

Encadré 2.7. Principales causes A


des pancréatites aiguës chez l'adulte
et leur fréquence
Lithiase biliaire 40 à 50 %
Alcooliques 25 à 35 %
Obstructives (tumeurs, anomalies canalaires, etc.) 10 %
Autoimmunes 3 à 5 %
Métaboliques (hypertriglycéridémie, hypercalcémie) 4 %
Médicamenteuses 2 %
Génétiques 1 %
Infectieuses < 1 %
Iatrogènes (post-CPRE, post-chirurgie, etc.) 1 %
Toxiques 1 %
Rares (traumatisme, allergie, dialyse, ischémie, venins,
etc.) < 1 %
Idiopathiques 10–15 % B
Une définition : les pancréatites aiguës dites « NON-A NON-B »
regroupent toutes les causes non biliaires et non alcooliques y Fig.  2.11 Images d'échographie vésiculaire à la phase aiguë
d'une pancréatite. A, B. Petits calculs vésiculaires évocateurs d'une
compris les « idiopathiques ».
pancréatite aiguë d'origine biliaire.
38 Traité de pancréatologie

A B
Fig. 2.12 Images de cholangio-pancréato-graphie par voie IRM à 2 mois d'une pancréatite aiguë « a priori idiopathique ». A, B. Petits
calculs du bas cholédoque évocateurs d'une pancréatite aiguë d'origine biliaire (flèches blanches).

A B

C D
Fig. 2.13 Images d'échoendoscopie à 2 mois d'une pancréatite aiguë « a priori idiopathique ». A, B, C, D. Minilithiase vésiculaire sous
forme d'un (D) ou plusieurs (A, B, C) calculs de 3 à 4 mm maximum (flèches blanches).
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 39

de minilithiase obtenues lors des différentes phases du diag- Pancréatite aiguë alcoolique
nostic étiologique. L'encadré 2.8 aborde le problème de la Elle représente la deuxième cause en fréquence de pancréa-
minilithiase quant à sa définition et sa pathogénie. tite aiguë (25 à 35 %) ; elle prédomine chez les hommes avec
On peut aborder ici le cas particulier de la maladie un âge moyen de survenue entre 38 et 45 ans. Le mécanisme
lithiasique intrahépatique cholestérolique (syndrome physiopathologique n'est pas clairement défini et la toxi-
LPAC [low phospholipid-associated cholelithiasis]). C'est cité de l'alcool sur le pancréas est mal connue. Cependant,
une étiologie à évoquer devant des pancréatites récidi- plusieurs hypothèses sont avancées. Tout d'abord l'alcool
vantes avec une cytolyse hépatique. Le diagnostic repose engendrerait une sécrétion accrue de protéines responsables
sur la présence d'au moins deux des critères suivants : début d'une augmentation de la viscosité du suc pancréatique qui
des symptômes avant 40 ans, récidive des symptômes après conduit à une précipitation protéique intracanalaire anor-
cholécystectomie, présence de calculs intrahépatiques male, formant des « bouchons canalaires pancréatiques ».
(images en « queue de comète », artefact de scintillement Ces derniers se calcifieraient et obstrueraient la lumière
ou twinkling artifact), antécédent de cholestase gravidique canalaire induisant une hyperpression intracanalaire en
ou une histoire familiale de lithiase chez les apparentés de amont. L'inflammation locale, l'augmentation de pression
premier degré. Il faudra rechercher une mutation du gène intracanalaire et l'action directe de l'alcool sur les cellules
ABCB4 codant pour la protéine MDR3 qui permet l'excré- ductulaires augmenteraient la perméabilité de l'épithélium
tion du phospholipide biliaire appelé phosphatidylcho- canalaire, responsable du déclenchement de la cascade d'ac-
line. La prise en charge repose sur une cholécystectomie tivation des précurseurs enzymatiques. De plus, l'alcool et
et l'instauration d'un traitement au long cours par acide ses métabolites pourraient avoir une action délétère directe
ursodésoxycholique. sur les cellules acinaires en fragilisant les membranes de
zymogène, entraînant ainsi une activation intra-acinaire
et prématurée du trypsinogène en trypsine. D'autre part,
l'alcool augmente la liposynthèse, induisant une accumula-
Encadré 2.8. À propos de la microlithiase/ tion de gouttelettes de graisse dans les cellules ductulaires et
minilithiase biliaire et du sludge vésiculaire acinaires.
Cependant, seuls 5 % des personnes alcooliques chro-
Définition niques présenteront au cours de leur vie une pancréatopa-
Elle est historique car décrite sous forme de « calculins » thie alcoolique, faisant suggérer l'existence de facteurs de
de l'ordre du millimètre après filtration de la bile lors d'une susceptibilité. En 2012 ont ainsi été mis en évidence des
cholécystectomie pour pancréatite aiguë supposée biliaire ; la variants du gène CLDN2 situé sur le chromosome X, plus
recherche de microcristaux de cholestérol dans la bile vésiculaire fréquents au cours des pancréatites alcooliques. Ce variant
et cholédocienne ajoutait aussi une dimension « microscopique ». code pour la protéine claudine-2, qui joue un rôle majeur
Actuellement, depuis le développement de l'échoendoscopie, la dans l'oblitération de l'espace intercellulaire des cellules
microlithiase est visible sous forme de petits calculs de 3 à 4 mm acinaires par une jonction serrée spécifique, grâce à une
dans la vésicule et/ou dans le cholédoque. activité d'adhésion cellulaire indépendante du calcium.
L'homozygotie (ou hémizygotie chez l'homme) du variant
Minilithiase et pancréatite aiguë du gène CLDN2 confère un plus grand risque de pancréatite
Elle est responsable de 25 à 30  % des pancréatites dites en association avec la consommation d'alcool. La fréquence
« idiopathiques » à l'issue du bilan étiologique initial d'où l'intérêt de l'hémizygotie est plus élevée chez l'homme par rapport à
du bilan secondaire incluant CPRM et échoendoscopie. Il est la femme, pouvant expliquer une fréquence plus importante
aussi conseillé de poursuivre une surveillance échographique de pancréatite alcoolique chez les hommes.
simple (échographie vésiculaire tous les 6  mois pendant Cliniquement, on peut retenir l'étiologie éthylique
un an et demi) en cas de pancréatite aiguë définitivement lorsqu'existent des signes d'imprégnation alcoolique chro-
idiopathique à l'issue du bilan étiologique. On peut être amené nique et chez un patient consommant quotidiennement de
à diagnostiquer minilithiase et/ou sludge/sédiment vésiculaire l'alcool depuis 15 ans au moins. En cas de consommation
pouvant faire indiquer une cholécystectomie in fine. aiguë isolée, on réalisera un bilan étiologique complet car
l'implication de l'alcool est peu probable. Devant un premier
Sludge vésiculaire
épisode de manifestation pancréatique lors d'une intoxica-
Il est appelé aussi sédiment vésiculaire. Il est composé de mucus, tion chronique, il ne faut pas méconnaître une autre étiolo-
de cristaux de cholestérol, de granules de bilirubine de calcium gie ou du moins une cause surajoutée (biliaire notamment).
et peut contenir aussi des calculs répondant à la définition d'une Sur le plan clinique, on recherchera des signes d'impré-
minilithiase. Il est commun au cours du jeûne prolongé, d'une gnation éthylique chronique tels qu'une érythrose palmaire,
cholestase par obstacle biliaire et d'un traitement par analogue un rhinophyma, une hyperparotidose, des troubles du
stable de la somatostatine. Il peut rester en l'état au long cours sommeil, des signes de dépendance, etc. Biologiquement,
ou faire le lit d'une véritable lithiase biliaire. Sa présence au les marqueurs d'imprégnation chronique d'alcool sont à
cours de la phase aiguë (ou à distance) de la pancréatite est rechercher (anémie, macrocytose, thrombopénie, élévation
en faveur de l'origine biliaire, à condition de bien visualiser les des γGT, élévation de la CDT (carbohydrate deficient trans-
petits calculs qu'il renferme. Par contre, immédiatement après la ferrin) sanguine).
période de jeûne, il n'a aucune valeur car secondaire à l'absence Sur le plan des examens complémentaires, l'échogra-
de vidange vésiculaire par privation de repas stimulant ! phie abdominale ne détectera bien évidemment pas de
40 Traité de pancréatologie

lithiase vésiculaire (bien que l'association soit possible) ; en d'une origine obstructive par la formation de calculs
revanche, on recherchera des signes d'hépatopathie alcoo- biliaires cholestéroliques (clofibrate et octréotide), par cris-
lique tels qu'une dysmorphie hépatique ou une stéatose. Le tallisation des métabolites médicamenteux dans les voies
scanner réalisé à 72 heures évaluera la sévérité de la pan- biliaires (ceftriaxone) ou par spasme du sphincter d'Oddi
créatite aiguë mais recherchera en plus des stigmates de (dérivés morphiniques comme la codéine). Ceci participe
pancréatite chronique calcifiante pouvant ainsi orienter vers à l'imputabilité sémiologique. Les imputabilités sémiolo-
l'étiologie éthylique (calcifications pancréatiques, déforma- gique et chronologique permettent de définir l'imputabilité
tion et dilatation des canaux secondaires, etc.) (chapitre 3). intrinsèque du médicament. D'autres médicaments sont
fréquemment imputés comme le losartan, l'azathioprine, la
Pancréatite aiguë médicamenteuse mésalazine, la mercaptopurine, l'acide valproïque, l'aspara-
ginase, la méthyldopa.
Elle représente moins de 2 % des étiologies de pancréatite La base de données Pancréatox ® , créée en 1985 par
aiguë chez l'adulte. Michel Biour et son équipe (disponible sur l'Internet  :
L'imputabilité médicamenteuse n'est pas toujours évi- http://mediquick.net, version 7), recense les différents cas
dente. En effet, attribuer une pancréatite aiguë à un facteur de pancréatotoxicité médicamenteuse, ce en lien avec les
médicamenteux repose sur un faisceau d'arguments. Avant institutions de pharmacovigilance. Pour chaque molécule
de retenir ce diagnostic, il faut avoir éliminé toutes les autres incriminée, des références bibliographiques, le nombre de
étiologies de pancréatite aiguë. Il n'existe pas de marqueur cas, l'âge de survenue, le délai d'apparition et de régression,
biologique ou histologique pour confirmer le diagnostic. Il etc. sont répertoriés. L'ensemble de ces informations permet
s'agit donc d'un diagnostic d'élimination. de définir l'imputabilité extrinsèque de chaque médicament.
Les mécanismes possibles sont multiples : immunoal- Une déclaration de pharmacovigilance est recommandée
lergique, dose-dépendant ou idiosyncrasie. Pour définir le pour toute pancréatite aiguë médicamenteuse.
niveau d'imputabilité clinique, on prend en compte le délai
d'apparition de la pancréatite aiguë par rapport à la prise Pancréatite aiguë métabolique
médicamenteuse. Ainsi, si le délai est court le mécanisme
évoqué est une réaction immunoallergique ; s'il est long, on Hypertriglycéridémie
évoque une dose dépendante cumulative. On évaluera l'évo- L'hypertriglycéridémie est la cause la plus fréquente de
lution après l'arrêt du médicament incriminé, voire en cas pancréatite métabolique  : elle représente 1,3 à 3,8  % de
de réintroduction du médicament, en sachant que ce dernier l'ensemble des étiologies. Elle survient typiquement dans un
cas de figure n'est, de toute façon, nullement recommandé. contexte familial d'hyperlipémie ou d'hypertriglycéridémie
Des anomalies biologiques peuvent être associées à des familiale (hyperlipoprotéinémies de type I, IV ou V selon la
médicaments comme une hypertriglycéridémie (œstro- classification phénotypique de Fredrickson) (Tableau 2.5).
gènes, tamoxifène, ritonavir ou isotrétinoïne) ou une Le taux d'hypertriglycéridémie à risque est fixé à supérieur
hypercalcémie lors d'une intoxication à la vitamine D. Des ou égal à 10 g/L soit environ 11,43 mmol/L. Il existe aussi le
perturbations du bilan hépatique peuvent être associées, déficit en lipoprotéine lipase.
notamment à type de cytolyse (kétoprofène ou sulindac). Au contexte familial se surajoutent parfois des conditions
Les médicaments peuvent également être responsables physiologiques ou pathologiques qui vont aggraver l'hyper-

Tableau 2.5 Classification des hyperlipidémies familiales selon Fredrickson.


Classification Classification génétique Lipoprotéines Lipides Apolipoprotéine Pancréatite aiguë
Fredrickson
I Déficit en Apo CII Chyloμ ↑ TG ↑↑↑ AI ↓ Fréquente
Non-activation de la lipoprotéine lipase HDL ↓ AII ↓
Non-métabolisme des chylomicrons LDL ↓ B↓
Autosomique récessive VLDL ↓ CII
IIa Hypercholestérolémie familiale LDL ↑ Chol ↑↑↑ B↑
Déficience des récepteurs des LDL
IIb Hyperlipoprotéinémie mixte (ou combinés) VLDL ↑ Chol ↑↑ A↓
LDL ↑ TG ↑↑ B↑
CII/CIII ↓
III Dysβ-lipoprotéinémie familiale VLDL anormal Chol ↑↑ C↑
IDL ↑ TG ↑↑ E↑
LDL ↓
IV HyperTG familiale d'origine endogène VLDL ↑ TG ↑↑ CII/CIII ↓ + fréquente
Chol = /↑
V HyperTG mixte (endogène + exogène) Chyloμ ↑ TG ↑↑↑ CII/CIII ↓ Très rare
VLDL ↑ E↑
HDL : high density lipoprotein ; IDL : intermediate-density lipoprotein ; LDL : low-density lipoprotein ; TG : triglycérides ; VLDL : very low-density lipoprotein.
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 41

triglycéridémie comme la grossesse, la consommation d'al- d'une pancréatite aiguë NON-A NON-B ou idiopathique par
cool (syndrome de Zieve), l'obésité, le diabète déséquilibré l'intermédiaire de l'IRM et/ou de l'échoendoscopie.
ou l'hypothyroïdie. Certains médicaments procurent aussi Par ordre de fréquence, on recherchera les tumeurs intra-
un facteur d'aggravation comme les œstrogènes, le tamoxi- canalaires papillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP)
fène, les β-bloquants ou les glucocorticoïdes. (le mode de découverte d'une TIPMP symptomatique est
une pancréatite aiguë dans 20 à 40 % des cas) puis les autres
Hypercalcémie tumeurs, comme l'adénocarcinome pancréatique, les tumeurs
Elle est une cause rare de pancréatite et ne représente que neuroendocrines, les cystadénomes mucineux, les tumeurs
moins d'1 % des étiologies. Toute hypercalcémie doit faire pseudopapillaires et solides (TPPS) et les métastases pan-
rechercher une hyperparathyroïdie primaire (adénome, créatiques (rein, sein, etc.) (chapitres 5, 6 et 7). Citons pour
cancer parathyroïdien) ou secondaire, un surdosage en mémoire la maladie de Recklinghausen ou neurofibromatose
vitamine D, un cancer ostéophile mais également une insuf- qui peut s'associer à des tumeurs endocrines ou stromales
fisance rénale chronique terminale, un syndrome paranéo- duodénales et ampullaires (papilles principale et accessoire).
plasique, etc. Il faut également évoquer le diagnostic de sténose cana-
Un bilan phosphocalcique doit être réalisé (phosphoré- laire secondaire à un traumatisme abdominal ou dans les
mie, calciurie, phosphaturie et parathormonémie [PTH]). suites d'une pancréatite aiguë grave. Dans les deux cas il y
Dans le cadre de l'hyperparathyroïdie primaire, il semble- aura rupture canalaire, avec la constitution d'une décon-
rait exister des variants géniques qui seraient à plus grand nexion canalaire puis une sténose cicatricielle secondaire.
risque de pancréatite, comme la mutation R254W du gène D'autres causes obstructives sont à éliminer telles qu'un
CTRC (chymotrypsin C, favorisant la dégradation du tryp- ampullome vatérien, un cholédococèle, un diverticule pré-
sinogène). D'autre part, il existerait des facteurs protecteurs ampullaire ou une dysfonction du sphincter d'Oddi. La phy-
comme la mutation G191R du gène SPINK2 (serine protease siopathologie de la dysfonction du sphincter d'Oddi est mal
inhibitor Kazal-type 2, inhibant la trypsine). Le traitement connue. Le diagnostic est suspecté devant des épisodes de
repose sur la prise en charge de l'hypercalcémie et de son pancréatite aiguë récidivante chez un ou une patiente cholé-
facteur inducteur. Ajoutons que l'hypercalcémie est aussi cystectomisée. Il faudra rechercher des facteurs favorisants
une étiologie de pancréatite chronique. tels que la prise orale de produit dérivés de la morphine et
plus particulièrement la codéine. Il s'agit souvent d'un diag-
nostic d'exclusion.
Pancréatite autoimmune et associée
aux maladies systémiques
Pancréatites aiguës génétiques
Cette étiologie fait l'objet d'un chapitre spécifique (cha-
pitre 4). La pancréatite autoimmune est une cause de pan- Il faut distinguer deux entités : « la pancréatite héréditaire »
créatite aiguë récidivante ; il faut savoir la rechercher en et les atteintes pancréatiques (pancréatites aiguës pour la
particulier chez le sujet jeune. Des atteintes pancréatiques plupart mais aussi pancréatite chronique) secondaires à la
au cours d'autres affections autoimmunes ou maladies de mutation de gènes dits « de susceptibilité ». Les pancréatites
système sont possibles (lupus, périartérite noueuse, vascu- héréditaires sont une entité rare dont la prévalence est de
larite, syndrome hyperéosinophile, etc.) (chapitre 8), mais 0,3 pour 100 000 habitants en France. Elles sont dues à la
plus rares que la pancréatite autoimmune qui est une entité mutation du gène PRSS1. Les autres gènes impliqués dans
actuellement bien individualisée. la genèse de pancréatites aiguës sont les gènes SPINK1,
CFTR, CTRC et, dans une moindre fréquence, les gènes
CPA1, CASR, TRPV6 et l'allèle CEL-HYB. Le diagnostic doit
Pancréatites aiguës obstructives être évoqué devant un âge jeune lors des premiers symp-
Les pancréatites obstructives sont secondaires à des tumeurs tômes (moins de 35 ans) et/ou lorsqu'il existe une histoire
malignes ou bénignes du pancréas. Elles représenteraient familiale de pancréatite chronique. La réalisation de tests
entre 8 et 20 % des étiologies selon la littérature. Toute pan- génétiques est très encadrée par la législation française ;
créatite aiguë, dont l'origine alcoolique et biliaire a été éli- le patient doit bénéficier d'une information précise sur la
minée, chez un sujet de plus de 50 ans, doit faire rechercher nature de la recherche, la signification des résultats et leurs
une cause obstructive en rapport avec une possible tumeur conséquences. Un recueil oral et écrit du consentement du
pancréatique sous-jacente, en particulier l'adénocarcinome. patient est obligatoire. Plusieurs variants de ces gènes sont
La physiopathologie est superposable à celle de la pan- impliqués dans le développement des pancréatites aiguës et/
créatite biliaire. L'obstruction des canaux pancréatiques est ou pancréatites chroniques génétiques (chapitre 4) :
responsable d'une augmentation de la pression intracana- ■ le gène PRSS1, localisé sur le chromosome 7 (7q35), code
laire aboutissant à une cascade d'activation des précurseurs pour le trypsinogène cationique. La mutation de ce gène
enzymatiques digestifs en leur forme active, responsable de est responsable de la pancréatite héréditaire de trans-
la pancréatite aiguë. mission autosomique dominante avec une pénétrance
Le diagnostic peut se faire au cours de la poussée de pan- de 80 %. Les mutations R122H et N29I expliquent une
créatite aiguë par la visualisation d'une masse tumorale et/ou grande partie des pancréatites héréditaires en Amérique
d'une dilatation du canal principal lors de l'évaluation initiale du Nord, en Europe et au Japon. L'altération génique n'est
scanographique. Parfois, le diagnostic est posé à distance, lors pas identifiée dans près de 20 % des cas. Actuellement,
de la réalisation d'un scanner de réévaluation d'une pancréa- plus d'une trentaine de mutations du gène PRSS1 ont été
tite aiguë nécrosante ou lors de la pratique du bilan étiologique décrites (incluant duplications du gène), mais leur lien
42 Traité de pancréatologie

avec les pancréatites héréditaires n'a pas été démontré divisum favoriserait aussi la survenue de pancréatites chez
pour toutes. Le site d'autoclivage de la trypsine va être les patients avec mutation peu sévères du gène CFTR ;
modifié et altéré par la mutation de PRSS1. La trypsine ■ le gène CTRC (chymotrysin C) : il s'agit d'une enzyme
va donc s'accumuler et activer la cascade enzymatique de dégradation de la trypsine. Plusieurs mutations ont
pancréatique, elle-même responsable de l'autodigestion été décrites sur ce gène, les deux mutations les plus fré-
de la glande. La pancréatite héréditaire est responsable quentes étant R254W et K247_R254del sur l'exon 7. Elles
de lésions de pancréatite chronique dès l'enfance et sont retrouvées dans près de 4 % des patients porteurs
l'adolescence (chapitre 3). Le risque de survenue d'adé- d'une pancréatite chronique non alcoolique. En général,
nocarcinome pancréatique est bien supérieur dans cette elles provoquent une perte de la fonction de la chymotry-
population par rapport à la population générale (en par- sin C qui permet, à l'état normal, la dégradation intra-
ticulier après 50 ans), d'autant plus en présence des deux acinaire de la trypsine. Sa mutation entraîne donc une
facteurs de risque suivants : mutation sur l'allèle paternel perte de protection des cellules acinaires ;
et tabagisme chronique [20] ; ■ les autres gènes sont surtout impliqués dans des cas
■ le gène SPINK1 (serine protease inhibitor Kazal-type 1), de pancréatites chroniques, elles-mêmes pouvant être
situé sur le chromosome 5q, code pour une protéine révélées par une pancréatite aiguë : le gène de la procar-
(inhibiteur du trypsinogène cationique) produite par les boxypeptidase A1 (gène CPA1) qui est une exopeptidase
cellules acineuses ayant la capacité de bloquer près de pancréatique monomère. Elle est impliquée dans l'inhi-
20 % du potentiel total d'activité de la trypsine, consti- bition des zymogènes qui fera déficit en cas de mutation ;
tuant une défense de « première ligne ». La mutation la le gène TRPV6 qui code pour un canal impliqué dans
plus fréquente est la mutation N34S, de transmission la régulation de l'homéostasie calcique pancréatique (sa
autosomique récessive, rendant déficient le système d'in- mutation va augmenter l'activation des enzymes diges-
hibition de l'activation intrapancréatique de la trypsine. tives) ; le gène CASR, codant pour le calcium-sensing
Les patients porteurs de la mutation N34S dans la popu- receptor, dont la mutation est aussi impliquée dans la
lation de pancréatite chronique alcoolique seraient plus genèse de pancréatite aiguë ; enfin l'allèle CEL-HYB,
à risque de pancréatite aiguë que les non-porteurs. Un à correspond à une recombinaison homologue du gène
deux pour cent de la population générale seraient hété- CEL (carboxyl ester lipase) et de son pseudogène CELP
rozygotes pour cette mutation. Celle-ci semble être un et serait un facteur de prédisposition de pancréatite
facteur favorisant de pancréatite en présence d'un autre chronique.
facteur environnemental (alcool, cannabis), génétique En synthèse, bien qu'il n'existe pas de traitement pré-
(mutation CFTR) ou anatomique (pancréas divisum). ventif des pancréatites aiguës pour les patients porteurs de
Néanmoins, il est bien établi que la seule mutation de ces mutations, leur recherche est importante pour poser
SPINK1 (y compris une mutation dite « délétère ») peut un diagnostic étiologique et limiter les investigations dans
être responsable de lésions de pancréatite chronique avec le cas de pancréatite récidivante. On proposera également
survenue d'insuffisance pancréatique exocrine et endo- au patient d'éviter tout facteur favorisant de pancréatite tel
crine et de cancer du pancréas avec comme cofacteur fort que la consommation d'alcool et de tabac pour des patients
le tabagisme chronique [21] ; jeunes, avec un risque de cancer induit par certaines formes
■ le gène CFTR (cystic fibrosis transmembrane conductance génétiques.
regulator), situé sur le bras long du chromosome 7 (7q31) Cependant, en l'état actuel des connaissances, un résultat
code pour une protéine transmembranaire formant un négatif ne permet pas d'éliminer le diagnostic de pancréatite
canal chlore, AMP cyclique-dépendant, exprimé au pôle génétique ; d'autres mutations et d'autres gènes sont possi-
apical des cellules épithéliales des canaux pancréatiques, blement impliqués.
biliaires, des cryptes intestinales, de l'arbre trachéobron-
chique, des tubules rénaux, de l'appareil génital et des
glandes sudoripares. De transmission autosomique réces- Pancréatite aiguë infectieuse
sive, cette mutation est présente chez 4 % de la population Les pancréatites aiguës d'origine infectieuse sont à sus-
générale. Il existe plus de 1 400 mutations de ce gène, de pecter devant un tableau fébrile avec la présence de signes
sévérités différentes. La plus fréquente est la perte d'un extrapancréatiques, un contexte de contage infectieux ou de
résidu phénylalanine de l'exon 10, la mutation ΔF508, voyage, voire la présence d'une hyperéosinophilie sanguine.
identifiée chez 66 % des patients porteurs d'une muco- Il peut s'agir d'un agent viral tel que le virus ourlien, qui
viscidose. Il s'agit là encore d'un gène facilitateur de pan- associe une parotidite au tableau de pancréatite aiguë. Les
créatites aiguës à répétition. Ces pancréatites surviennent hépatites virales A, B, C ou E peuvent également induire
chez des patients qui n'ont pas de symptômes « respira- une pancréatite aiguë : le tableau s'associera volontiers à un
toires » de mucoviscidose et qui sont le plus souvent dits syndrome pseudogrippal suivi d'un ictère et d'une cytolyse
« suffisants pancréatiques », c'est-à-dire sans insuffisance hépatique. Le VIH peut induire des pancréatites aiguës,
pancréatique exocrine. L'augmentation de viscosité du rarement par son propre tropisme pancréatique mais sur-
suc pancréatique pourrait être entre autres un des méca- tout par les coinfections possibles (cytomégalovirus [CMV],
nismes physiopathogénique. Certaines mutations ont été Toxoplasma gondii, Cryptosporidium, Mycobacterium avium
identifiées comme susceptibles de s'associer à des pous- ou tuberculosis), les traitements antirétroviraux voire le
sées de pancréatite aiguë, notamment l'allèle poly-T [22]. développement d'un lymphome pancréatique. D'autres cas
Tout comme le gène SPINK1, l'association à un pancréas d'infections virales induisant une pancréatite aiguë ont été
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 43

décrits, comme le virus Epstein-Barr, le virus coxsackie B, Pancréatite aiguë post-chirurgie


l'Echovirus, l'adénovirus, les entérovirus, le virus varicelle- Les chirurgies biliaires, et notamment la cholécystecto-
zona ou encore le virus de la rubéole. Ces derniers cas inté- mie, sont des chirurgies à risque de pancréatite aiguë. Mais
ressent plutôt la population pédiatrique. Dans tous les cas, le ce risque est relativement faible. Il est augmenté en cas de
diagnostic sera sérologique. nécessité d'une conversion en laparotomie. Il s'agit souvent
Les infections bactériennes responsables de pancréa- d'une cause biliaire par une lithiase résiduelle de la voie
tite aiguë sont rares. Il existe cependant des cas décrits de biliaire principale. Certaines chirurgies avec abord du duo-
pancréatite aiguë à Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia dénum (résection, mucosectomie, ampullectomie) peuvent
trachomatis, Legionella pneumoniae, Legionella longbea- aussi être génératrices de pancréatite.
chae, Legionella micdadei, Leptospira interrogans, Brucella Les chirurgies bariatriques (bypass gastrique, sleeve gas-
melitensis, Yersinia enterocolitica, Salmonella enteritidis, ou trectomie, etc.) peuvent avoir des conséquences néfastes sur
Campylobacter jejuni, certaines mycobactéries. le pancréas. En effet, l'incidence de pancréatite après ce type
Les causes de pancréatite induites par des parasites sont de chirurgie est d'environ 1 %. Il s'agit dans la majorité des
classiquement l'ascaris (migration de vers adultes dans le cas d'une pancréatite d'origine biliaire. Ainsi, des facteurs
canal de Wirsung), la « petite douve de Chine » par Clonorchis de risque ont été mis en évidence comme la perte de poids
sinensis, les cryptosporidies et microsporidies, Toxoplasma rapide et la présence de lithiase ou de sludge vésiculaire en
gondii. On les suspectera devant un antécédent de voyage en postopératoire.
pays endémique, avec éventuellement une hyperéosinophi- Plus rarement, ont été décrits des cas de pancréatite
lie. De rares cas de kystes hydatiques ont été décrits. aiguë en postopératoire de chirurgie cardiaque avec ou sans
circulation extracorporelle, de transplantation rénale ou
Pancréatites aiguës iatrogènes hépatique, d'arthrodèse vertébrale, de chirurgie rétropérito-
Il s'agit des pancréatites aiguës induites par un acte médical. néale (surrénale, ganglions). Les facteurs pouvant être mis
en cause ne sont pas clairement identifiés, mais l'hypoxie,
Pancréatite aiguë post-CPRE un traumatisme pancréatique, des traitements per- et post-
Il s'agit de la complication la plus fréquente de cet examen, chirurgicaux pourraient être impliqués.
son incidence est évaluée à 3,47 %. Dans la plupart des cas,
il s'agit de pancréatite légère à modérée ; mais dans 11 % des Autres causes de pancréatite aiguë iatrogène
cas il s'agit d'une pancréatite grave potentiellement mortelle Il est connu que d'autres gestes diagnostiques ou théra-
(3 % des cas de pancréatite). Des facteurs de risque de pan- peutiques endoscopiques peuvent être responsables de
créatite post-CPRE ont été mis en évidence. Certains sont pancréatite aiguë comme l'échoendoscopie avec ponction
liés à l'opérateur lui-même et d'autres sont liés à la procé- pancréatique ou abord du canal de Wirsung, mais aussi la
dure : expérience de l'endoscopiste, canulation et opacifica- mucosectomie duodénale pour tumeur bénigne.
tions pancréatiques répétées, canulations biliaires répétées, Des cas de pancréatite aiguë post-transplantation de
réalisation d'une précoupe, la sphinctérotomie elle-même moelle osseuse ont été décrits. Pour la plupart, les épisodes
(rôle du courant et de l'inflammation post-sphinctéro- sont infracliniques car il s'agit de constatation post-mortem
tomie), réalisation d'une ampullectomie, pratique d'une sur autopsie. Cette complication semble fréquente, surtout
sphinctéroclasie (dilatation au ballonnet). D'autres sont liés dans les cas de réaction du greffon contre l'hôte (graft-ver-
au patient : sexe féminin, dysfonction du sphincter d'Oddi, sus-host [GVH]). Des facteurs de risque sont associés tels
voie biliaire fine (< 10 mm), antécédent de pancréatite. La que le sludge biliaire et le traitement prolongé de la GVH par
prévention repose sur une indication validée et justifiée de ciclosporine et prednisone.
cet examen, avec une information claire donnée au patient De rares cas de pancréatite dans les suites de radiothé-
et le recueil de son consentement éclairé écrit. L'efficacité rapie abdominale pour des maladies de Hodgkin ou des
d'une prothèse pancréatique en cas de cathétérisme répété et séminomes ont été décrits ; il s'agit souvent de pancréatite
une opacification du canal pancréatique ont été clairement chronique se révélant à distance (6 à 20 ans) du traitement
démontrées. Il est recommandé de disposer une prothèse par radiothérapie, la dose moyenne reçue étant de 40 Gray.
pancréatique plastique de 5  Fr. Cette dernière n'est que L'explication physiopathologique pourrait être un processus
temporaire et devra être retirée par voie endoscopique dans d'ischémie chronique secondaire à l'irradiation.
les 5 à 10 jours après la CPRE, si elle n'a pas migré sponta-
nément dans le duodénum. De même, l'efficacité des anti- Autres causes de pancréatite aiguë
inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en prophylaxie de
la pancréatite aiguë post-CPRE a été démontrée. Ces der- Cannabis
niers diminuent de moitié l'incidence de la pancréatite. Il Il existe des pancréatites aiguës secondaires à la consommation
est donc recommandé d'administrer en intrarectal 100 mg régulière de cannabis. D'après notre expérience et les données
de diclofénac ou d'indométacine avant ou après la CPRE de la littérature, elles représenteraient 2 à 3 % des causes de
[23]. D'autres molécules ont été évaluées comme la soma- pancréatites aiguës. C'est la première substance illicite consom-
tostatine, l'octréotide, le gabéxate mésylate, la trinitrine, la mée en France (1,2 million de consommateurs français régu-
ceftazidine, la nitroglycérine, mais il n'y a pas, à ce jour, suf- liers, dont 550 000 consommateurs quotidiens). Les principaux
fisamment d'arguments scientifiques pour les recommander constituants du cannabis sont le Δ9-tetrahydrocannabinol
dans la pratique courante. (psychoactif) et le cannabidiol (non psychoactif) qui agissent
sur les deux types de récepteurs transmembranaires
44 Traité de pancréatologie

cannabinoïdes : récepteurs CB1 et CB2. Le CB1 est essentiel- De façon exceptionnelle, des cas de pancréatite aiguë ont
lement réparti dans le système nerveux central et périphérique. été décrits lors de processus allergiques, notamment dans
Le CB2 est réparti dans les cellules du système immunitaire inné le cadre de choc anaphylactique. Des pancréatites aiguës
(macrophages) et la rate. Le pancréas exprime ces deux types secondaires à une morsure ou piqûre d'animaux venimeux
de récepteurs cannabinoïdes. Il s'agit d'un diagnostic d'élimi- (particulièrement le venin de cobra ou de scorpion) ont égale-
nation, mais son imputabilité est confirmée par l'absence ment été décrites.
de récidive des crises après arrêt total de toute consommation Des pancréatites aiguës ont été rapportées chez des
de cannabis. Les pancréatites sont bénignes, récurrentes dans patients dialysés de façon chronique dans le cadre d'une
la moitié des cas après consommation quotidienne, impor- insuffisance rénale chronique terminale. Elles sont plus fré-
tante (2 à 3 g par jour) et surtout ancienne (plus de 5 ans en quentes pour les patients en dialyse péritonéale par rapport
moyenne). Le sevrage, ou du moins la diminution de 50 % à l'hémodialyse.
de la dose quotidienne, permet d'éviter la récidive. Enfin, il est
des cas où le cannabis peut être un facteur favorisant, notam- Pancréatites aiguës de la grossesse
ment quand le patient est porteur d'une mutation de gène Au cours de la grossesse, la lithiase biliaire est de loin la cause
de susceptibilité des pancréatites comme SPINK1, CTRC ou de pancréatite aiguë la plus fréquente (environ 70 % des cas).
CFTR. D'autres toxiques ont aussi été incriminés dans la Les autres causes habituelles sont à rechercher, comme l'al-
genèse de pancréatites, comme la cocaïne ou la MDMA cool mais aussi l'hypertriglycéridémie, surtout en cas de dys-
3,4-méthylènedioxy-N-méthylamphétamine (ecstasy). lipidémie familiale. En effet, 5 % des pancréatites aiguës par
hypertriglycéridémie surviennent au cours de la grossesse.
Malformations pancréatiques Des cas de pancréatite aiguë ont été rapportés au cours de
D'autres causes obstructives non tumorales sont à rechercher la stéatose hépatique aiguë gravidique et de la prééclampsie.
telles le pancréas divisum. Il s'agit plus d'une variation que Le taux de mortalité maternel est faible ou nul. La mise en
d'une anomalie congénitale dont la prévalence serait de 5 à jeu du pronostic fœtal et l'accouchement prématuré sont les
7 % dans la population générale, correspondant à un défaut de complications obstétricales les plus fréquentes de la pancréa-
fusion des canaux pancréatiques dorsal et ventral (chapitres 1 tite aiguë. Il survient dans environ un quart des cas. Le risque
et 8). Cependant, son imputabilité reste controversée : il serait d'accouchement prématuré est d'autant plus important que
plutôt un facteur de prédisposition de pancréatite aiguë récur- la pancréatite aiguë survient en fin de grossesse.
rente ou de pancréatite chronique en cas d'association à un En cas de pancréatite aiguë biliaire au cours de la gros-
autre facteur de risque, notamment des mutations mineures sesse, la cholécystectomie doit être réservée aux malades ne
de CFTR voire de SPINK1. Néanmoins, dans certains cas, une s'améliorant pas sous traitement médical ou en cas de réci-
fibrose de la papille accessoire peut se produire avec le temps, dive de la pancréatite.
procurant une obstruction à la sécrétion du suc pancréatique.
Si d'autres causes ne sont pas associées, un traitement endos- Pancréatites aiguës idiopathiques
copique par sphinctérotomie de la papille accessoire associé Ce terme s'applique aux pancréatites aiguës pour lesquelles
ou non à la mise en place d'une prothèse pancréatique peut aucun facteur étiologique n'a été retrouvé. Cela concerne
être bénéfique. L'autre anomalie congénitale est le pancréas encore 10 à 15 % des pancréatites chez l'adulte. Il peut s'agir
annulaire qui correspond à un canal pancréatique encerclant d'ailleurs de formes récidivantes, dites « pancréatites aiguës
le deuxième duodénum. Il peut être responsable de pancréa- récurrentes ». Avant de conclure à ce diagnostic, il est impor-
tite aiguë dans 13 % des cas et peut se révéler chez le nouveau- tant de réaliser un bilan d'investigation poussé (clinicobiolo-
né par une sténose du deuxième duodénum (chapitre 8). gique et radiologique), classiquement en trois phases comme
décrit ci-dessous. C'est en menant cette démarche diagnos-
Causes rares tique depuis près de 20 ans que le nombre de pancréatites
Les traumatismes abdominaux peuvent être responsables aiguës idiopathiques a considérablement chuté, mais il reste
de pancréatite aiguë par traumatisme violent de la glande malheureusement encore des cas sans aucune cause identifiée.
pancréatique (écrasement sur le billot vertébral ou contu-
sion par plaie d'une arme à feu ou blanche). Il s'agit alors Conduite du bilan étiologique
d'une rupture du canal de Wirsung, pouvant donner lieu
à des fistules pancréatiques. En France, les plaies par arme Un bilan étiologique est indispensable lors d'une poussée de
blanche ou à feu sont rares mais les traumatismes du pan- pancréatite aiguë, afin de proposer un traitement adéquat
créas sont rencontrés, surtout en cas d'accidents de sports pour limiter le risque de récidive si une cause est curable.
violents, d'accidents de la voie publique (moto), de chute Ce bilan doit être conduit en trois phases : à la phase initiale
d'une grande hauteur, voire de coup de pied de cheval ou de la pancréatite puis à distance de celle-ci en cas de pan-
d'âne. La prise en charge est pluridisciplinaire – médicale, créatite aiguë idiopathique ou dont la cause suspectée n'est
endoscopique et chirurgicale – mais la mortalité est relative- pas prouvée. Si aucune cause n'est reconnue, un suivi sera
ment élevée (chapitre 8). nécessaire au minimum clinique quitte à réitérer les exa-
Enfin, des pancréatites aiguës secondaires à une ischémie mens complémentaires.
ont aussi été observées : embolisations, chirurgie vasculaire,
dissection d'anévrysme aortique. Première phase
Des pancréatites aiguës peuvent aussi se produire lors de Le bilan étiologique doit être initié au cours de la première
malformations artério-veineuses. poussée. À l'interrogatoire, on recherche une exogénose
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 45

chronique, les antécédents biliaires (colique hépatique, immunologique avec les anticorps antinucléaires et le dosage
cholécystite, cholécystectomie, etc.) ou pancréatiques, la des IgG4. Sur le plan des examens d'imagerie, on pratiquera
prise de toxiques tels que du cannabis ou d'autres drogues une échoendoscopie haute ainsi qu'une cholangio-pancréato-
et la prise de nouveaux médicaments ou l'augmentation graphie-IRM (CP-IRM). Ce bilan d'imagerie devra être réalisé
de posologie récente d'un médicament. En cas de prise de au moins 2 mois après la poussée de pancréatite. Dans le cas
nouveaux médicaments, une enquête de pharmacovigi- d'une poussée sévère avec coulée de nécrose, il faut s'assurer
lance sera nécessaire. Il faut rechercher aussi un antécédent de la résorption complète de cette dernière avant la réalisa-
de trouble métabolique comme une hypertriglycéridémie tion du bilan d'investigation afin de ne pas biaiser les explo-
ou une hypercalcémie, un traumatisme abdominal, un rations. L'association de l'échoendoscopie et de la CP-IRM,
geste thérapeutique récent comme une chirurgie diges- permet de réduire de moitié le pourcentage des pancréatites
tive ou une CPRE, et enfin une notion de pancréatopathie aiguës étiquetées a priori idiopathiques (Fig. 2.14). En effet,
familiale. ces explorations permettent le diagnostic d'une minilithiase
Le bilan biologique s'intéressera aux enzymes hépatiques ; vésiculaire (responsable de pancréatites aiguës apparemment
une cytolyse peut orienter vers une origine biliaire, γGT idiopathiques et volontiers récurrentes) et d'autres anomalies
et VGM augmentés vers une origine exogène. On recher- ou affections comme des lésions tumorales pancréatiques
chera également des anomalies du bilan phosphocalcique (cancer, TIPMP, etc.), pancréatites autoimmunes, pancréa-
et lipidique. Ce bilan sera réalisé à l'entrée du patient ; il ne tites chroniques idiopathiques, ampullome, etc.
faudra pas hésiter à le renouveler en cas de récidive de la Dans les cas de pancréatites aiguës idiopathiques réci-
symptomatologie. divantes, il faut réaliser une enquête génétique avec la
L'imagerie du bilan étiologique à pratiquer en première recherche des mutations (SPINK1, PRSS1, CFTR et CTRC)
intention est l'échographie abdominale. Elle permet de après recueil du consentement éclairé du patient. Cette
faire le diagnostic d'une cause biliaire. On recherche une recherche génétique sera à privilégier en cas de sujet jeune
lithiase ou du sludge vésiculaire, une dilatation des voies de moins de 35 ans ou en cas d'histoire familiale de pancréa-
biliaires intra- et/ou extrahépatiques. Le scanner réalisé à la tite aiguë ou chronique.
72e heure après le début des douleurs peut servir au bilan
étiologique d'une pancréatite aiguë par la mise en évidence Troisième phase
d'anomalies canalaires (dilatation ?) ou parenchymateuse Pour les pancréatites aiguës qui restent « idiopathiques »
comme l'existence d'une TIPMP ou d'un aspect évocateur (10 à 15 % chez l'adulte), malgré les bilans de première et
d'une pancréatite chronique calcifiante. deuxième intention, nous pouvons préconiser de renouve-
Malgré un premier bilan bien conduit, 25 à 30 % des cas ler la réalisation d'une échographie vésiculaire semestrielle
de pancréatite aiguë restent idiopathiques. C'est alors que le ou annuelle à la recherche de minilithiases, voire réitérer
bilan étiologique de deuxième intention est réalisé. la CP-RM ou l'échoendoscopie à la recherche d'une cause
passée inaperçue. La figure 2.15 résume l'algorithme de
Deuxième phase conduite du diagnostic étiologique des pancréatites aiguës.
Il reprend l'histoire clinique en reposant notamment des Les figures  2.16 et 2.17 illustrent l'apport de l'imagerie
questions sur l'usage de toxiques tels le cannabis ou la prise (CP-IRM et échoendoscopie) dans la conduite du diagnos-
de médicaments, mais également un bilan biologique en pré- tic étiologique des pancréatites aiguës. L'encadré 2.9 syn-
levant encore un bilan lipidique complet, un bilan phospho- thétise les éléments d'orientation clinique des principales
calcique (incluant un dosage de la parathormone) mais aussi étiologies [24].

Alcoolique 31 % Alcoolique 31 %
Biliaire 37 % Biliaire 43 %

Non-A non-B 32 % Idiopathiques 10 %


incluant idiopathiques Non-A non-B 16 %

Après le bilan étiologique Après le bilan étiologique


initial à distance
A B
Fig. 2.14 Résultats du double bilan étiologique des pancréatites aiguës. A. Le bilan initial fait le diagnostic de pancréatites biliaires et alcoo-
liques et des formes non-A non-B (médicaments, traumatiques, iatrogènes… et idiopathiques). B. Après le second bilan réalisé à distance, la pro-
portion des pancréatites biliaires augmente par le diagnostic de minilithiase et la proportion de pancréatites idiopathiques ne devrait pas dépasser
10 à 15 % des cas.
46 Traité de pancréatologie

PANCRÉATITE AIGUË

INVESTIGATIONS DE PREMIÈRE LIGNE


Histoire clinique, biologie, échographie

IDIOPATHIQUE
BILIAIRE, ALCOOL, AUTRES ou DIAGNOSTIC
INCERTAIN
A

INVESTIGATIONS DE DEUXIÈME LIGNE


Histoire clinique, biologie*,
CPRM, échoendoscopie

BILIAIRE, AUTRES IDIOPATHIQUE

SUIVI B
Répétition des examens si nécessaire et récidive

Fig.  2.15 Algorithme du bilan étiologique des pancréatites


aiguës. *  Bilan phosphocalcique incluant PTH, lipidique, immunolo-
gique incluant IgG4, et bilan génétique chez le sujet jeune.

Causes pédiatriques
L'incidence annuelle des pancréatites aiguës chez l'enfant
va de 3,6 à 13,2 nouveaux cas pour 100 000 enfants. Cette
incidence est en hausse depuis quelques années. Le taux de
mortalité varie entre 0 et 11 % ; il reste moindre par rapport
à l'adulte. Le diagnostic des pancréatites aiguës pédiatriques
repose sur les mêmes critères que pour l'adulte. Par contre,
le tableau clinique initial peut être la simple association de
nausées et de vomissements dans 40 à 80 % des cas. Chez
l'enfant, il faut préférer l'échographie au scanner, examen
irradiant. La prise en charge thérapeutique lors de la phase
aiguë est la même que chez l'adulte et repose sur la mise au
repos de la glande pancréatique afin de réduire ses sécré- C
tions en association avec la réhydratation. De même, un Fig. 2.16 Apport de l'imagerie dans le bilan étiologique des pan-
apport calorique est nécessaire et il faut privilégier une ali- créatites aiguës. A, B. Scanner en phase aiguë avec lésions kystiques
mentation entérale par voie jéjunale. L'alimentation paren- et dilatation du canal de Wirsung au sein de l'inflammation (flèches
térale est à discuter s'il existe une intolérance alimentaire blanches-scanner initial). C.  Confirmation de la TIPMP mixte sur la
complète. À noter qu'en pratique courante, on privilégie une CP-IRM réalisée 2 mois plus tard (flèche blanche).
alimentation parentérale pour les nourrissons. Encore une
fois, il faut, comme chez l'adulte, associer une hydratation
veineuse abondante dès le début de la poussée et traiter les multiviscérales et des complications tardives avec les col-
douleurs du patient. lections de nécrose ou les pseudokystes. Cependant, elles
L'évolution d'une pancréatite aiguë chez l'enfant est restent moins fréquentes par rapport aux formes adultes.
superposable à celle observée chez l'adulte. En effet, il existe Sur le plan étiologique, on retrouve les mêmes causes
des complications précoces marquées par des défaillances que chez l'adulte mais pas avec le même ordre de fréquence.
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 47

A B

C D
Fig. 2.17 Apport de l'imagerie dans le bilan étiologique des pancréatites aiguës à partir du bilan de deuxième intention à 2 mois.
A. Échoendoscopie révélant une pancréatite chronique débutante avec parenchyme hétérogène (flèche blanche en pointillé) et spots hyperécho-
gènes et calcifications (flèches blanches). B. Échoendoscopie révélant une TIPMP d'un canal secondaire (flèche blanche). C. Échoendoscopie révé-
lant une pancréatite autoimmune avec parenchyme hypoéchogène de façon diffuse et un canal de Wirsung peu visible avec des parois épaissies
des canaux secondaires (flèche blanche). D. Cholangiopancréatographie-IRM révélant une TIPMP d'un canal secondaire (flèche blanche).

Encadré 2.9. Principaux éléments d'orientation clinique et paraclinique dans l'enquête


étiologique des pancréatites aiguës
Lithiase biliaire : âge (> 55 ans), sexe féminin, antécédents de Auto-immune  : contexte de maladies inflammatoires chro-
colique hépatique, perturbations même transitoire du bilan niques de l'intestin (MICI) ou maladies autoimmunes (spon-
hépatique lors de la poussée, présence d'une lithiase vésicu- dylarthrite ankylosante [SPA]), atteintes d'autres organes à
laire, angiocholite associée. l'imagerie (rein, ganglions, prostate, etc.), atteinte des voies
Alcooliques : homme de 40 ans alcoolique chronique depuis biliaires sans calcul.
plus de 15 ans, calcifications pancréatiques et/ou anomalies de Métaboliques : dosages lors de la poussée et à distance car la
calibre du canal de Wirsung. calcémie peut être faussement normale.
Tumeurs : âge (> 50 ans), dilatation du canal de Wirsung et/ Génétiques : antécédents familiaux, poussées dans l'enfance
ou lésion kystique visible dès le premier scanner, altération de et à l'adolescence.
l'état général et/ou diabète récent. Pancréatite aiguë chez le sujet jeune de moins de 35 ans : re-
Médicaments  : prise très récente d'un nouveau médicament, cherche surtout d'une cause génétique, autoimmune, toxique
augmentation de posologie d'un médicament pris au long cours. (cannabis), médicamenteuse.

En effet, les causes traumatiques sont aussi fréquentes que tance. Un traumatisme fréquemment retrouvé est celui du
les causes biliaires (encadré 2.10) : les traumatismes repré- guidon de vélo lors d'une chute et qui peut parfois associer
sentent 10 à 40 % des étiologies. Il peut s'agir d'accidents de un hématome du duodénum et une section pancréatique sur
véhicule motorisé, de traumatismes sportifs voire de maltrai- le « billot vertébral ». La cause biliaire chez l'enfant représente
48 Traité de pancréatologie

dans les pancréatites idiopathiques ou lors d'anomalies de


Encadré 2.10. Principales causes structures de l'arbre pancréatobiliaire (anomalies de la jonc-
des pancréatites aiguës chez l'enfant tion biliopancréatique, pancréas annulaire), dans les causes
et leur fréquence métaboliques et dans les causes génétiques. La récurrence de
Lithiase biliaire 10 à 30 % pancréatites aiguë peut aboutir à une pancréatite chronique.
Médicamenteuses < 25 % La prise en charge étiologique de la pancréatite aiguë chez
Maladies systémiques 33 % l'enfant, malgré la différence d'étiologie, est calquée sur le
Traumatiques 10 à 40 % modèle adulte du fait du manque d'études.
Infectieuses < 10 % Ainsi, en cas de pancréatite idiopathique chez l'enfant,
Métaboliques 2 à 7 % il est recommandé dans un premier temps de réaliser des
Génétiques 5 à 8 % tests biologiques : un dosage de la calcémie et des triglycé-
Idiopathiques 13–34 % rides, un dosage des IgG4 et des marqueurs autoimmuns et
la réalisation d'un test à la sueur. À cela s'ajoute la réalisation
d'une échographie hépatique.
La deuxième ligne d'investigation serait la réalisation
10 à 30 % des étiologies. Les mêmes signes biologiques et d'une imagerie par CP-IRM, échoendoscopie voire CPRE.
radiologiques notés chez l'adulte sont présents. Le traite- Enfin, il faudrait aussi réaliser des tests génétiques.
ment par cholécystectomie ne sera retenu que si des calculs
vésiculaires sont visualisés ou s'il s'agit d'une récidive de
pancréatite aiguë avec du sludge vésiculaire. La cause médi-
camenteuse représente moins d'un quart des étiologies. Les Évolution et complications
médicaments les plus fréquemment retrouvés sont l'acide
valproïque, la prednisone, le L-asparaginase et le 6-mercap- Rappel des formes évolutives
topurine. Les maladies systémiques représentent environ Selon la classification d'Atlanta modifiée en 2012, les pan-
un tiers des étiologies. Le plus souvent, il s'agit de sepsis, de créatites aiguës sont classées en légère, modérément sévère
choc, du syndrome hémolytique et urémique (SHU) et du et sévère. De cette classification va dépendre l'évolution des
lupus érythémateux disséminé. Les causes infectieuses repré- pancréatites aiguës et notamment le risque de décès.
sentent moins de 10 % des étiologies. Ce diagnostic n'est sug- Les pancréatites aiguës légères, sans défaillance d'organe,
géré que sur la base d'une fièvre, de symptômes respiratoires sont de bon pronostic. La mortalité est très faible et l'ima-
ou ORL, ou d'une symptomatologie d'allure virale. Le prin- gerie pancréatique est plutôt réalisée à visée étiologique que
cipal agent infectieux retrouvé est le virus des oreillons, mais pronostique.
d'autres sont évoqués comme l'hépatite virale A, l'hépatite Les pancréatites aiguës modérément sévères nécessitent une
virale E, le virus Epstein-Barr, le rotavirus, l'adénovirus, le hospitalisation plus prolongée, souvent en raison des compli-
virus varicelle-zona, le coxsackie B4, le Mycoplasma pneumo- cations locales qui expliquent une douleur persistante avec des
niae et le Moraxella catarrhalis. Les causes métaboliques sont difficultés de réalimentation nécessitant une prise en charge
classiquement les hypertriglycéridémies, les hypercalcémies nutritionnelle. Il peut y avoir des complications systémiques
(hyperparathyroïdie) ou la décompensation acidocétosique sur comorbidités préexistantes. La mortalité reste cependant
du diabète. Elles ne représentent que 2 à 7 % des étiologies. inférieure comparée aux pancréatites aiguës sévères.
Le traitement repose sur la prise en charge du facteur causal. Enfin, les pancréatites aiguës sévères, avec défaillance
Les formes génétiques représentent 5 à 8 % des étiologies. Les persistante d'un ou plusieurs organes, ont un taux de mor-
mutations identifiées sont essentiellement : PRSS1, SPINK1 talité supérieur aux formes légères et modérément sévères.
et CFTR. En cas de suspicion d'une mucoviscidose, on pra- Ce taux est évalué entre 20 et 35 % surtout s'il existe une
tiquera en première intention un test à la sueur en cas de défaillance d'organe persistante sans nécrose pancréatique
positivité ou de résultat douteux ; le test génétique sera alors ou une infection de la nécrose.
pratiqué, ainsi qu'un bilan de dépistage de la mucoviscidose Une pancréatite aiguë, quelle que soit sa gravité, va évo-
(stérilité masculine, maladie sinusale chronique). luer en deux phases. La durée de ces deux phases sera plus
Il existe des cas de pancréatites autoimmunes mais ceux- ou moins importante précisément en fonction du dévelop-
ci restent très rares chez l'enfant (chapitre 4). Finalement, les pement de complications locales ou générales.
pancréatites aiguës idiopathiques représentent chez l'enfant Ainsi, la phase précoce va durer entre une et deux
entre 13 et 34 % des causes. Se pose cependant la question semaines. Sur le plan physiopathologique, c'est pendant
d'un facteur génétique non encore identifié, notamment lors cette période que va se produire une réaction systémique
du très jeune âge ou lorsqu'elle est récurrente. en réponse à l'atteinte pancréatique avec l'activation d'une
Le terme de « pancréatite aiguë récurrente » correspond cascade de cytokines. Ces dernières vont être responsables
chez l'enfant à la présence d'au moins deux épisodes de à la fois de l'inflammation locale pancréatique et systé-
pancréatite aiguë avec résolution complète des douleurs mique. En cas de forme sévère, c'est au cours de cette phase
pendant au moins un mois entre les deux crises ou la nor- que peut se développer le SRIS ainsi que les complications
malisation des enzymes pancréatiques sans douleur et sans générales.
tenir compte du temps entre les deux crises. Le risque de La phase tardive fait suite à la phase précoce. C'est pen-
récidive varie de 15 à 35 % ; il est particulièrement présent dant cette phase que peuvent se développer des complica-
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 49

tions locales ou locorégionales qui peuvent influer sur le La compression des structures voisines se manifeste cli-
pronostic en cas d'infection ou de défaillance d'organe de niquement différemment selon l'organe concerné. Quatre
survenue tardive. organes peuvent faire l'objet d'une compression, à savoir
l'estomac ou le duodénum, la voie biliaire principale, les
voies urinaires et le côlon. Les manifestations cliniques vont
Complications locorégionales bien évidemment dépendre du ou des organes concernés.
Rappelons que les complications sont essentiellement le fait En cas d'atteinte de l'estomac ou du duodénum, le patient
des pancréatites aiguës sévères. Les encadrés 2.3 et 2.4 résu- présentera un syndrome occlusif haut avec sensation de
ment ces complications. pesanteur gastrique, nausées et vomissements. Cliniquement,
un syndrome de masse peut être palpable au niveau épigas-
Compression des structures anatomiques trique en rapport avec la distension gastrique ou le pseudo-
de voisinage kyste responsable de cette compression. La compression de la
La compression sera le fait soit d'un pseudokyste, soit d'une voie biliaire principale se traduit par l'apparition d'un ictère
extension locorégionale de la nécrose provoquant une cholestatique. La symptomatologie d'une colique néphré-
atteinte inflammatoire de la paroi de l'organe concerné. La tique avec la présence d'une douleur lombaire est secon-
figure 2.18 et l'encadré 2.11 abordent plus particulièrement daire à une compression des voies urinaires. Enfin, en cas
l'histoire naturelle et les complications possibles inhérentes d'atteinte du côlon, le patient présente un syndrome occlusif
au développement tardif d'un ou plusieurs pseudokystes. avec un arrêt des matières et des gaz associé à des douleurs
abdominales ; l'examen de l'abdomen permettra de palper un
syndrome de masse en rapport avec un pseudokyste.
Les compressions seront aussi le fait de la nécrose éten-
due au tube digestif ou d'une réaction inflammatoire locale.
PSEUDOKYSTE Ceci concernera le duodénum, le jéjunum, voire le côlon. La
figure 2.19 montre quelques exemples de compression des
SYMPTÔMES et
éléments anatomiques comme l'estomac, la voie biliaire ou
GUÉRISON PAS DE
l'uretère.
SPONTANÉE SYMPTÔME COMPLICATIONS
Complications vasculaires
Les complications vasculaires sont représentées par les
thromboses artérielles ou veineuses. Sur le plan physiopa-
– COMPRESSIONS (tube digestif, voies biliaires...) thologique, elles sont liées à un état prothrombotique secon-
– SURINFECTION (abcès) daire à l'inflammation générée par la pancréatite aiguë. En
– HÉMORRAGIE (intra-kystique, pseudo-anévrysme) général, la présence d'une thrombose est corrélée à la gravité
– FISTULISATION de la pancréatite.
Le tableau clinique d'une thrombose artérielle est géné-
Fig.  2.18 Histoire naturelle des pseudokystes au cours des pan- ralement assez bruyant. Les manifestations cliniques vont
créatites aiguës. dépendre de l'artère atteinte. En cas d'atteinte de l'artère

Encadré 2.11. À propos des pseudokystes des pancréatites aiguës

Physiopathologie ■
Peuvent régresser spontanément, en particulier pour les

Sont la conséquence de collections aiguës qui vont s'organiser pseudokystes de 4 cm et moins.
dans les semaines qui suivent le début de la pancréatite. Traitement

Ils compliquent 5 à 50 % des pancréatites aiguës. ■
Ne relèvent d'un traitement que les pseudokystes

Représentent 80 % des lésions kystiques pancréatiques (20 %
symptomatiques !
sont les tumeurs kystiques vraies). ■
Le drainage par voie échoendoscopique doit être privilégié en

Se développent dans la loge pancréatique ou en dehors en lieu
premier en cas de contact avec la paroi de l'estomac ou du
et place de la collection liquidienne initiale.
duodénum.

Ils contiennent essentiellement du liquide riche en lipase et ■
En l'absence de contact digestif, le drainage sera radiologique.
cellules inflammatoires. ■
La simple ponction de pseudokyste est à proscrire car elle fait
Symptômes, diagnostic et évolution courir le risque d'infection et de récidive.

Peuvent être asymptomatiques, surtout pour les kystes de

Un pseudokyste qui récidive doit faire rechercher une fistule et
moins de 6 cm de diamètre. une déconnexion pancréatique qui fera l'objet d'un traitement

Sont responsables : douleur, infection, compression, hémorra- spécifique.
gie, fistulisation.

Sont bien visibles au scanner sous forme d'une lésion liqui-
dienne, globalement arrondie ou ovalaire, avec une paroi plus
ou moins épaisse.
50 Traité de pancréatologie

digestives et la présence d'air dans le réseau veineux portal et


mésentérique. L'atteinte de l'artère mésentérique inférieure se
manifeste par un tableau clinique de colite ischémique ; celui-
ci est moins grave que le précédent. La douleur est essentielle-
ment localisée au niveau du flanc et de la fosse iliaque gauche
avec potentiellement une acidose métabolique.
Le développement d'une thrombose veineuse des vais-
seaux digestifs est de pronostic moins sombre qu'une
thrombose artérielle. En général, elles sont de découverte
fortuite au cours du scanner initial ou de réévaluation. La
physiopathologie de son développement repose soit sur
l'état d'hypercoagulabilité lié à la pancréatite, soit sur la
compression des vaisseaux par des collections nécrotiques
A ou des pseudokystes (Fig. 2.20).
Par ailleurs, existe le risque de thrombose veineuse au
niveau des membres supérieurs ou inférieurs. Compte tenu
du contexte inflammatoire, elle peut se développer malgré
la mise en place d'une anticoagulation préventive. Il fau-
dra la suspecter et la rechercher en cas de syndrome fébrile
sans identification de germe sur les différents prélèvements.
La thrombose du membre inférieur se développe chez des
patients alités de manière prolongée. Un autre élément favo-
risant pour la thrombose veineuse du membre supérieur est
le dispositif intraveineux permettant la perfusion du patient.
Il faut s'assurer de l'absence de thrombus septique en réali-
sant des hémocultures sur la voie veineuse centrale.

Complications hémorragiques
L'hémorragie digestive extériorisée sous forme de méléna ou
d'hématémèse fait l'objet d'une prise en charge classique. Elle
conduit à la pratique d'une endoscopie digestive haute pour
B diagnostiquer la lésion et permettre la réalisation d'un geste
d'hémostase s'il s'agit d'un ulcère aigu qui n'aura pas été pré-
venu par l'administration d'inhibiteurs de la pompe à protons
ou malgré ceux-ci. Par contre, compte tenu du contexte de
pancréatite aiguë, se discute parfois la réalisation, avant l'en-
doscopie, d'un scanner abdominal avec injection de produit de
contraste pour ne pas méconnaître un pseudoanévrysme de
l'artère gastroduodénale fistulisé au duodénum qui fera l'objet
d'une embolisation sans endoscopie au préalable (Fig. 2.21).
Les autres complications hémorragiques se présentent
sous la forme d'une hémorragie intrakystique ou d'un
hémopéritoine. Le patient présente une déglobulisation
associée à une augmentation de volume de l'abdomen et
des phénomènes douloureux. Le diagnostic de certitude
est obtenu par la réalisation d'un scanner avec injection de
C produit de contraste. Les phénomènes hémorragiques sont
souvent secondaires à un pseudoanévrysme de l'artère splé-
Fig.  2.19 Images de complications locales de pancréatite
aiguë sous forme de compression des organes de voisinage.
nique. En cas de mise en évidence de ce type de formation
A. Compression de l'estomac par un pseudokyste (flèches blanches). au décours d'une pancréatite aiguë, il est nécessaire de réa-
B. Compression des voies biliaires (flèche blanche) par l'inflammation liser en préventif une embolisation lorsque sa taille devient
périampullaire (flèche blanche en pointillé). C. Compression de l'ure- conséquente, c'est-à-dire au-delà de 20 mm de diamètre.
tère dilaté (flèche blanche) en amont d'un foyer de nécrose.
Atteinte des séreuses
mésentérique supérieure, le tableau est celui d'un infarc- La pleurésie est l'épanchement des séreuses le plus fréquem-
tus du mésentère. Le patient présente une exacerbation du ment diagnostiqué au cours de l'évolution d'une pancréatite
phénomène douloureux abdominal avec une acidose méta- aiguë. Sur le plan physiopathologique, son apparition est
bolique biologique. Le scanner avec injection de produit de secondaire à la réaction inflammatoire, à un remplissage vas-
contraste permet de visualiser la thrombose ou la présence de culaire trop important ou à une fistule pancréatique. Dans les
signes indirects de souffrance de l'intestin grêle à savoir une deux premiers cas, elle est en général bilatérale alors qu'en
pneumatose pariétale, un défaut de rehaussement des anses cas de fistule elle est plutôt unilatérale. La symptomatologie
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 51

A B

C D
Fig. 2.20 Images scanographiques de complications veineuses des pancréatites aiguës avec thrombose portomésentérique et splé-
nique. A, B. Thromboses portale et mésentérique (flèches blanches). C, D. Thrombose splénique (flèches blanches) avec hypertension portale
segmentaire en conséquence (C) (flèche blanche en pointillé).

A C

B D
Fig. 2.21 Complication vasculaire à type de pseudoanévrysme de l'artère splénique traité par embolisation. A, B. Pseudoanévrysme de
l'artère splénique visualisé au scanner chez un patient déjà traité pour un pseudokyste compressif par mise en place d'une prothèse plastique double
queue de cochon (P). C. Visualisation du pseudoanévrysme artériel (flèche blanche) à l'artériographie cœliomésentérique. P : prothèse pour le pseu-
dokyste. D. Embolisation par coils à l'origine du pseudoanévrysme sous artériographie (flèche blanche en pointillé). P : prothèse pour le pseudokyste.
52 Traité de pancréatologie

dépend de l'abondance du liquide pleural. La prise en charge paramètres cliniques, à savoir la température, la fréquence
thérapeutique sera soit une abstention de traitement, soit une cardiaque et la fréquence respiratoire, et un paramètre bio-
évacuation par ponction pleurale si le patient est dyspnéique. logique avec le taux de leucocytes. Un patient présentera
Le diagnostic d'ascite est clinique si celle-ci est abondante un SRIS s'il présente deux paramètres le constituant ou
ou de découverte fortuite sur le scanner abdominal. Sur le plus. Lorsqu'il est présent, le SRIS est le reflet du déséqui-
plan physiopathologique, elle aussi est multifactorielle avec libre cytokinique engendré par l'agression pancréatique.
la réaction inflammatoire, l'hypoalbuminémie, la rupture Cette phase s'accompagne d'un syndrome inflammatoire
d'un pseudokyste ou l'existence d'une fistule pancréatique. biologique plus ou moins sévère, quantifié par différents
Là encore, en cas de gêne du patient, se discutera la pratique marqueurs biologiques dont le plus classique en pratique
d'une ponction évacuatrice. clinique est la CRP. Rappelons qu'un SRIS persistant plus de
Enfin, la péricardite et l'épanchement médiastinal sont 48 heures est associé à une mortalité de 25 % versus 8 % par
uniquement liés à une fistule pancréatique. rapport à un SRIS transitoire.
De manière systématique, en cas de ponction évacua- C'est au cours de cette période initiale que peuvent se
trice, une analyse du liquide sur le plan biochimique, en plus produire les défaillances d'organes et ce en quelques heures.
du dosage des protides avec un dosage de la lipase, sera réa- C'est le fait de pancréatites aiguës graves d'emblée, nécessi-
lisée. Sur le plan cytologique, on réalisera une formule avec tant une assistance multiviscérale en milieu de réanimation
la mise en évidence ou non de polynucléaires neutrophiles et de pronostic en général sombre.
altérés, stigmates d'une infection de même que l'analyse Il faut savoir aussi qu'une défaillance d'organe peut se
bactériologique et mycologique. La mise en évidence d'une produire secondairement au cours de l'évolution d'une pan-
fistule pancréatique repose tout d'abord sur la présence de créatite sévère chez un ou une patiente volontiers porteur ou
lipase dans le liquide de ponction en quantité abondante porteuse d'une insuffisance d'organe préalable à la pancréatite
mais aussi sur la mise en évidence de la fistule sur l'imagerie, ou avec des facteurs pronostiques surajoutés comme l'obésité
scanner ou CP-IRM (Fig. 2.22). et l'âge avancé. La décompensation sera aussi favorisée par la
survenue d'une infection (en particulier de la nécrose), d'un
état inflammatoire persistant et de dénutrition.
Complications générales et à distance En effet, l'intensité de cet état inflammatoire peut également
Défaillance(s) d'organe(s) et SRIS provoquer une situation d'hypercatabolisme (augmentation
La phase initiale des pancréatites aiguës (72  premières des besoins énergétiques), responsable d'un état de dénutri-
heures) s'accompagne d'un état d'hypovolémie sur le troi- tion parfois majeur chez les patients les plus fragiles (patients
sième secteur plus ou moins sévère, expliqué par un iléus âgés, comorbidités cardiovasculaires, rénales, neurologiques,
fonctionnel parfois majeur. Cette phase peut s'accompagner cancer, etc.). En l'absence de prévention, ces carences protéi-
d'une défaillance d'organe et est généralement hémodyna- noénergétiques engendrent une situation d'immunodépres-
mique et rénale et/ou pulmonaire et/ou cardiaque et plus sion, une fonte musculaire et une asthénie pouvant conduire à
rarement hépatique. une perte d'autonomie. Ces raisons sont le fondement majeur
Le SRIS est un score clinicobiologique validé pour déter- de la nécessité d'une prise en charge nutritionnelle pour
miner la gravité d'une pancréatique aiguë. Il comprend trois chaque pancréatite aiguë sévère. Parallèlement au problème

A
B
Fig. 2.22 Images scanographiques de fistules entre la loge pancréatique et le thorax. A. Fistule vers la plèvre (flèches blanches). B. Fistule
vers le médiastin et la plèvre (flèches blanches).
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 53

nutritionnel, citons aussi l'apparition ou la décompensation secondaire à l'âge du patient mais aussi à des traitements
d'un diabète existant par la destruction massive de la glande prescrits à visée antalgique, notamment le néfopam ou la
pancréatique. Ce diabète requiert une insulinothérapie car le morphine.
risque d'acidocétose est toujours possible. Il est souvent pas- Il peut exister des troubles neurologiques moteurs secon-
sager mais peut aggraver les troubles hydroélectrolytiques, daires à de longues semaines de réanimation. En effet, la
nutritionnels et neurologiques. pancréatite sévère s'accompagne d'une perte de la masse
Rappelons que la conférence d'Atlanta de 2012 a validé musculaire liée à l'hypercatabolisme et à l'immobilité. Il est
l'utilisation du score de Marshall modifié par rapport à l'an- donc indispensable de mettre en place une kinésithérapie
cien score SOFA pour sa simplicité d'utilisation. La défail- afin d'entretenir la masse musculaire.
lance d'organe, qu'elle survienne d'emblée ou au cours de Enfin, de par l'hospitalisation prolongée, ainsi que les
l'évolution de la pancréatite aiguë, va donc se définir par un épreuves physiques en lien avec la pancréatite aiguë, il peut y
score de Marshall modifié supérieur ou égal à 2. Elle est dite avoir un syndrome dépressif réactionnel pouvant nécessiter
« transitoire » si sa durée est inférieure à 48 heures, ou « per- la mise en place d'un traitement thymorégulateur.
sistante » si sa durée est supérieure à 48 heures.
La physiopathologie des différentes complications systé- Complications cutanées
miques est exposée dans l'encadré 2.3.
Les manifestations cutanées se développent dans 1 à 3 %
Complications septiques des pancréatites aiguës sévères. Elles sont secondaires à
une importante quantité d'enzymes pancréatiques délivrée
Nous ne parlerons pas dans ce sous-chapitre de l'infection dans la circulation systémique. En général, c'est le reflet
de la nécrose qui fera l'objet d'un sous-chapitre à part. d'une fistule pancréaticoportale ou pancréaticomésen-
Lorsqu'on parle de complications septiques cela correspond térique. Cette fistule est secondaire à une rupture cana-
à une infection avec le plus souvent un point d'appel uri- laire soit du canal principal, soit d'un canal secondaire.
naire, pulmonaire ou un dispositif intraveineux de type voie L'expression des manifestations cutanées peut se faire sous
veineuse centrale. la forme d'ecchymoses en périombilical s'il s'agit du signe
Les complications septiques sont les plus fréquemment de Cullen ou au niveau des flancs constituant le signe de
retrouvées au cours d'une pancréatite aiguë. Elle représente Grey-Turner. La troisième manifestation cutanée est le
entre 30 et 40 % des complications globales. Le risque de syndrome de Weber-Christian. Il correspond à de la cytos-
mortalité en rapport avec une complication septique s'élève téatonécrose sous-cutanée. Cliniquement, le patient pré-
à environ 20 %. sente des nodules durs et douloureux. Le nodule peut être
Les manifestations clinicobiologiques faisant suspecter le siège d'une ulcération permettant l'extériorisation d'un
une complication septique sont classiquement représentées liquide d'aspect huileux.
par une hyperthermie, une ascension des taux sanguins de
la CRP, des leucocytes mais aussi de la procalcitonine.
Pour objectiver le germe responsable des prélève- Cas particulier de la déconnexion
ments multisites bactériologiques et mycologiques sont pancréatique
indispensables  : à savoir des hémocultures sur sang Cette complication est de description récente. En effet, la
périphérique et sur la voie veineuse centrale, un examen déconnexion pancréatique se définit comme une nécrose
cytobactériologique des crachats et urinaire. Une radio- pancréatique péricanalaire d'au moins 2 cm avec dispari-
graphie thoracique pourra être pratiquée en cas de point tion de la structure canalaire et avec un pancréas d'amont
d'appel pulmonaire. et d'aval viable. Ainsi, les secrétions d'amont ne seront
En l'absence de point d'appel évident, deux options plus drainées vers le tube digestif et vont s'accumuler
s'offrent à nous : soit le patient présente une hyperthermie dans le pancréas réalisant ainsi une collection liquidienne
d'origine inflammatoire (en phase précoce), soit il présente intra- puis extrapancréatique (Fig.  2.23). À côté de la
probablement une infection de nécrose (en phase tardive, déconnexion, il peut exister une rupture partielle du canal
au delà de la 4e semaine). Dans le premier cas, il ne sert à pancréatique principal. Cette entité survient soit dans le
rien de mettre en place une antibiothérapie, dans le second cadre d'une atteinte pancréatique sévère avec une nécrose
cas, il faut documenter l'infection de la nécrose avant importante du parenchyme pancréatique, soit dans le
toute antibiothérapie. Les germes les plus fréquemment cadre de traumatismes abdominaux [25].
mis en évidence sont des germes digestifs type Escherichia Il n'existe pas de manifestations cliniques spécifiques
coli, Klebsiella, entérocoques, staphylocoque, Proteus, si ce n'est que l'on peut suspecter cette déconnexion chez
Pseudomonas aeruginosa mais aussi des surinfections un patient présentant un épanchement d'une séreuse riche
mycotiques. en lipase. Le plus souvent, c'est sur le scanner abdominal
de surveillance que l'on suspectera le diagnostic. L'histoire
Complications neuropsychiatriques naturelle de la déconnexion est mieux connue : elle est res-
Elles peuvent être spécifiques à la pancréatite aiguë avec ponsable de fistule dans la moitié des cas avec persistance de
le développement de la classique « encéphalopathie pan- collection(s) péripancréatique(s) mais aussi récidive de pan-
créatique ». Le patient présente alors un état confusionnel créatite aiguë en cas de sténose. Les séquelles à long terme
avec désorientation temporospatiale. Le plus souvent, les sont l'insuffisance pancréatique exocrine et endocrine dans
troubles sont multiples et variés selon la situation. On peut 20 à 35 % des cas et ce de par la nécrose initiale ou par atro-
aussi observer un syndrome confusionnel qui peut être phie du pancréas d'amont déconnecté.
54 Traité de pancréatologie

Fig.  2.23 Images IRM et scanographiques d'une déconnexion


pancréatique au niveau du canal de Wirsung, portion isthmique.
A.  Visualisation de la déconnexion (flèche blanche) et pseudokyste,
conséquence de la déconnexion (flèche blanche en pointillé). B. Lésion
nécrotique interrompant le trajet du canal de Wirsung (visualisation
C
de la déconnexion : flèche blanche). C. Pseudokyste accolé à la décon-
nexion (flèche blanche en pointillé). Fig. 2.24 Évolution scanographique de nécrose pancréatique éten-
due. A.  Troisième jour, collection nécrotique aiguë (flèches blanches).
Cas particulier de la surinfection B. À 15 jours, nécrose en cours d'organisation (flèches blanches). C. Un
mois, nécrose organisée (flèches blanches) et infectée (bulles d'air)
de la nécrose (flèche blanche en pointillé).
Rappelons que la pancréatite aiguë grave est donc responsable
de la constitution de collections nécrotiques aiguës. Ces der-
nières se développent au sein du parenchyme pancréatique et/ bien définie avec une densité mixte liquidienne et tissulaire.
ou des tissus péripancréatiques ; elles contiennent des quanti- L'évolution de cette collection aiguë sera de deux types : soit
tés variables de liquide et de tissu nécrotique. Sur un scanner elle disparaît, soit elle persiste et s'organise pour constituer de
avec produit de contraste, la collection nécrotique aiguë appa- la nécrose organisée. Cette dernière évolution se fera à partir
raît comme une collection hétérogène, mal limitée, sans paroi de la quatrième semaine voire au-delà (Fig. 2.24).
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 55

Dans 60  % des cas, la nécrose pancréatique organi- transitoire mais parfois définitive et ce dans 20 à 30 % des
sée est asymptomatique et on devra suivre son évolution, cas. Elle sera diagnostiquée cliniquement par un patient qui
mais surtout sa régression, sur les scanners successifs de va se plaindre d'une perte de poids avec l'existence d'une
surveillance. Malheureusement, dans 40 % des cas, elle est diarrhée évocatrice de stéatorrhée. Le diagnostic est biolo-
symptomatique avec compression, fistulisation mais surtout gique par le dosage de l'élastase fécale qui sera effondrée,
développement d'une infection de la nécrose qui elle-même c'est-à-dire inférieure à 200 μg/g de selles. Un traitement
présente un taux de mortalité qui varie entre 15 et 30 % substitutif par des extraits pancréatiques apportant 40 à
des patients. La figure 2.25 décrit l'histoire naturelle de la 50 000 unités de lipase par repas sera proposé.
nécrose pancréatique. L'autre séquelle est le développement d'un diabète. Il
Sur le plan clinique, on va être confronté à un patient est en général objectivé pendant l'hospitalisation au cours
qui présente une hyperthermie (avec défaillance d'organe de laquelle sont réalisés fréquemment des contrôles de
ou non) dans un contexte de pancréatite aiguë. La prise en glycémies capillaires. Il pourra s'agir aussi d'un diabète
charge repose sur la documentation de l'infection par la réa- préexistant non insulinodépendant, qui va s'aggraver et
lisation de prélèvements répétés au niveau veineux périphé- nécessiter une insulinothérapie pendant et après la poussée
rique et central, mais aussi des urines et des poumons. On y de pancréatite.
recherchera une infection bactérienne mais aussi fungique Enfin, citons les séquelles de la réanimation prolongée
qui peut survenir même en l'absence d'antibiothérapie pré- d'ordre pneumologique, néphrologique, neuromusculaire,
alable. Il faut aussi pratiquer un scanner avec injection de psychiatrique mais aussi les séquelles d'interventions
produit de contraste pour préciser des éléments indispen- chirurgicales de nécrosectomie ou de décompression
sables pour la prise en charge : présence d'une collection bien abdominale avec essentiellement troubles du transit et
limitée encapsulée (wall-off necrosis) à contenu hétérogène éventration(s).
avec une composante liquidienne, mais aussi solide en rap-
port avec des morceaux de tissus nécrotiques. La présence
de bulles d'air au sein de la collection nécrotique peut être Traitements et surveillance
un bon signe de surinfection. Afin d'objectiver l'infection,
on pratiquera par voie radiologique un prélèvement à visée Traitements des formes non compliquées
bactériologique et mycologique. Ce prélèvement pourra être Sauf en cas de tares préexistantes ou erreurs thérapeutiques
aussi réalisé lors de l'abord échoendoscopique pour drai- ou retard de prise en charge, l'évolution se fera sans compli-
nage (chapitre 9). En l'absence de traitement, l'évolution cation dans la plupart des cas. Rappelons que cela concerne
peut se faire vers le syndrome septicémique, la défaillance 80 % des pancréatites aiguës. La pancréatite aiguë néces-
d'organe, la CIVD, la dénutrition et localement la nécrose site une hospitalisation en urgence et en milieu spécialisé
vasculaire artérielle avec hémorragie au sein de la collection que ce soit en service de gastroentérologie pour les formes
et/ou du péritoine. bénignes, voire en service de soins continus ou de réanima-
tion pour les formes sévères (encadré 2.12).
Séquelles à long terme
Les pancréatites aiguës bénignes n'engendrent pas de
séquelles ; il existe en général une restitution ad integrum du
parenchyme pancréatique.
En cas de pancréatite sévère, on peut observer le dévelop- Encadré 2.12. Traitement des pancréatites
pement d'une insuffisance pancréatique exocrine souvent aiguës bénignes

Ce qu'il faut faire :
– hospitaliser en service de gastroentérologie ;
NÉCROSE PANCRÉATIQUE – jeûne strict ;
– antalgiques ;
– réhydratation importante, en particulier dans les
ORGANISATION DIGESTION 24 premières heures ;
– surveillance clinique biquotidienne et biologique
quotidienne ;
NÉCROSE HÉMORRAGIE – anticoagulation préventive ;
INFECTION
CIRCONSCRITE THROMBOSE – réalimenter dès que l'iléus et les douleurs ont disparu ;
STÉNOSE – proposer une cholécystectomie lors de la même
hospitalisation en cas de pancréatite biliaire.
GUÉRISON INSUFFISANCE ■
Ce qui n'est pas nécessaire ou à proscrire :
PANCRÉATIQUE – pas de sonde gastrique sauf en cas de vomissements
incoercibles ;
SEPTICÉMIE
– pas d'antibiothérapie systématique ;
ABCÈS – pas d'inhibiteur de la pompe à protons ;
DÉFAILLANCE(S) D'ORGANE(S) – pas de CPRE avec sphinctérotomie ;
– pas de nutrition entérale ou parentérale ;
Fig. 2.25 Histoire naturelle de la nécrose pancréatique.
– pas de régime « pancréatique » prolongé.
56 Traité de pancréatologie

Ce qu'il faut faire existe des antécédents d'insuffisance cardiaque chronique


Hospitaliser en milieu gastroentérologique ou de décompensation.
et jeûne strict
Nutrition
Pour stopper la sécrétion pancréatique exocrine et mettre en
place une bonne voie veineuse. La mise à jeun s'impose mais la nutrition artificielle sera
réservée aux formes intermédiaires et graves. La réalimen-
tation doit être prescrite dès que les douleurs et l'éventuel
Traiter la douleur par l'administration d'antalgiques iléus cessent en évitant l'excès de gras et de protides (enca-
La pancréatite aiguë est une pathologie douloureuse. Les dré 2.13). En cas de pancréatite aiguë biliaire responsable
analgésiques vont être classés par paliers selon la classifica- d'une pancréatite aiguë bénigne, certaines équipes main-
tion mise en place par l'Organisation mondiale de la santé. tiennent le jeûne jusqu'à la cholécystectomie qui doit être
Il existe trois paliers avec différentes molécules qui ont un pratiquée lors de la même hospitalisation (cf. infra). Par
effet antalgique par des mécanismes différents : contre, il n'y a aucun intérêt à poursuivre au-delà de la
■ le palier 1 comprend les antalgiques non opioïdes tels que première semaine de réalimentation un régime étiqueté
le paracétamol ; « pancréatique », qui a pour seul pouvoir de faire maigrir les
■ le palier 2 comprend les antalgiques opioïdes ou dérivés, patients mais aussi de les carencer.
utilisés pour les douleurs modérées tels que le tramadol
ou le néfopam ; Surveillance
■ le palier  3 correspond aux opioïdes pour la prise en Elle passe par un examen clinique biquotidien (douleur,
charge des douleurs fortes. abdomen, poumons, signes généraux et cutanés) et une
La stratégie de prise en charge de la douleur est une surveillance des constantes (température, pression arté-
stratégie step-up. On débute par les antalgiques de palier 1,
type paracétamol, pour finir par les antalgiques de palier 3.
Afin d'améliorer l'antalgie, on sera amené à utiliser en asso- Encadré 2.13 Assistance nutritionnelle
ciation les différents traitements pour qu'ils puissent se au cours de la pancréatite aiguë
potentialiser dans la prise en charge du patient réalisée. Les
traitements seront administrés par voie intraveineuse soit ■
L'assistance nutritionnelle proprement dite :
ponctuellement, soit de manière continue ou continue avec – la nutrition artificielle est réservée aux formes de gravité
bolus comme dans les analgésies contrôlées par le patient intermédiaire et sévère de pancréatite aiguë ;
(patient-controlled analgesia [PCA]) de morphiniques. – elle doit être mise en place le plus précocement possible
en raison de l'état d'hypercatabolisme et le risque
Équilibration hydroélectrolytique d'immunodépression en rapport avec la dénutrition ;
– la chute du taux d'albuminémie est un marqueur de
Elle a pour but de lutter contre la déplétion intravasculaire
dénutrition mais aussi de sévérité de la pancréatite ;
et l'hypoperfusion viscérale induites par la constitution du
– la nutrition entérale est faite par sonde nasojéjunale plus
troisième secteur secondaire aux lésions locorégionales
qu'une sonde gastrique de petit calibre (une jéjunostomie
de la pancréatite aiguë. Ce troisième secteur, associé à la
est parfois nécessaire) ;
vasodilatation accompagnant la pancréatite, peut aggraver
– la nutrition entérale évite l'atrophie de la muqueuse du grêle, la
les phénomènes d'hypoxie, de souffrance intestinale et
translocation bactérienne à partir de l'intestin vers les zones de
induire une insuffisance rénale fonctionnelle. En d'autres
nécrose et le risque infectieux sur dispositifs veineux centraux ;
termes, la perfusion abondante de solutés en phase aiguë
– en cas d'impossibilité de nutrition entérale, c'est la nutrition
va éviter de passer d'une forme bénigne à une forme
parentérale par cathéter veineux central de longue durée
intermédiaire ou sévère. Ce moyen va aussi diminuer les
(voies jugulaire, sous-clavière ou de type PICC line) qui est
taux d'admission aux soins intensifs et raccourcir la durée
choisie ;
d'hospitalisation. Il est bien établi qu'une réhydratation
– l'évaluation des besoins est primordiale, de même que
insuffisante aggrave la morbidité, le SRIS, l'extension de
l'apport de vitamines et d'oligoéléments ;
la nécrose, la ou les défaillances multiviscérales et la mor-
– la nutrition cyclique évitera la stéatose hépatique et
talité. Même si la constitution du troisième secteur est
facilitera la mobilisation du patient.
surtout l'apanage des pancréatites aiguës sévères, l'apport ■
Réalimentation et régime pancréatique :
de soluté en phase aiguë est incontournable quel que soit
– la réalimentation des formes bénignes se fait à l'arrêt des
le type de pancréatite. Classiquement, un bolus de 1 à 2 L
douleurs abdominales ;
est effectué dans les premières heures avec un débit de 5
– le régime dit « pancréatique » est conseillé à la reprise
à 10 mL/kg/h. Il faut qu'au minimum 3 L soient perfusés
alimentaire de toute pancréatite aiguë mais ne doit en
dans les premières 24 heures. La composition des solutés
aucun cas durer plus de 10 à 15 jours ;
va dépendre du bilan hydroélectrolytique sanguin et de la
– ce régime fait éviction surtout d'aliments gras tels que
créatininémie. Elle sera à réadapter chaque jour mais le
charcuterie, sauces et viandes grasses, pâtisseries au
Ringer lactate semble être le soluté de remplissage à pri-
beurre ou à la crème, chocolat, fritures, panures, beignets,
vilégier, en particulier pour prévenir l'insuffisance rénale
fromages avec plus de 45 % de matières grasses ;
aiguë (le Ringer lactate est un soluté contenant chlorure de
– par contre, l'alcool est à supprimer et le sevrage tabagique
sodium, potassium, calcium, lactates). Une surveillance
est requis.
cardiovasculaire est naturellement nécessaire, surtout s'il
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 57

rielle, pouls, diurèse, saturation en oxygène) et une biolo- Traitements des formes compliquées
gie quotidienne (NFS, CRP, plaquettes, bilan électrolytique,
créatinine, clairance, calcium, glycémie). On peut insister
Défaillance(s) d'organe(s) et prise en charge
sur la surveillance de la saturation en oxygène car en cas non spécifique
d'atteinte pulmonaire (œdème toxique, épanchement pleu- À l'opposé des formes bénignes, les mesures thérapeutiques
ral abondant), le premier signe est l'hypoxie en l'absence et de surveillance seront importantes, souvent menées dans
de signe clinique, indiquant une oxygénothérapie précoce. un secteur de soins continus voire de réanimation avec assis-
En cas d'aggravation, la surveillance sera intensifiée quitte tance ventilatoire, circulatoire et parfois rénale. Rappelons
à transférer le patient en milieu de soins continus ou réani- que les formes graves peuvent survenir d'emblée dès les pre-
mation après concertation avec les médecins réanimateurs miers jours ou à distance (chiffré en semaines) à la faveur
(Fig. 2.26). Ce cas est rare mais peut se poser s'il existe des d'une complication, en particulier l'infection de la nécrose
antécédents ou des signes augurant d'un mauvais pronostic pancréatique et extrapancréatique.
(obésité, défaillances préalables, CRP > 15 mg/L, score de Il s'agit d'une prise en charge pluridisciplinaire faisant inter-
CTSI élevé, etc.) ce qui amènera à la vigilance. venir non seulement les médecins anesthésistes-réanimateurs
mais aussi les chirurgiens, gastroentérologues et radiologues.
Autres mesures La prise en charge est tout d'abord non spécifique et hété-
Beaucoup d'équipes mettent en œuvre de manière systéma- rogène en fonction du type de défaillance d'organe repo-
tique une anticoagulation préventive : elle n'aggrave pas la sant sur les différentes techniques réanimatoires. Ainsi, par
pancréatite aiguë et sera utile surtout pour des patients avec exemple, une défaillance respiratoire peut nécessiter la mise
comorbidité. En cas de diabète préexistant, l'insulinothérapie sous oxygénothérapie simple avant d'appliquer la ventilation
sera souvent nécessaire car un déséquilibre glycémique est à non invasive ou finir par la mise sous respiration artificielle.
craindre. L'insuffisance rénale pourra nécessiter une hyperhydrata-
tion voire des séances d'hémodialyse. L'assistance cardiores-
piratoire pourra nécessiter le simple remplissage jusqu'aux
Ce qu'il ne faut pas faire
amines vasopressives avec cathétérisme artériel.
La mise en place d'une sonde gastrique n'a aucun intérêt sauf Dans tous les cas, les antalgiques, la réhydratation impor-
en cas de vomissements incoercibles afin d'éviter l'inhalation tante, l'anticoagulation préventive et les inhibiteurs de la
(rare). La prescription d'inhibiteurs de la pompe à protons n'a pompe à protons s'imposent.
aucune vertu sur la sécrétion pancréatique et ne sera instituée La surveillance est constante basée sur la clinique, les
qu'en milieu de réanimation chez des patients avec pancréatite paramètres vitaux, l'hémoglobinémie et la glycémie, la bio-
sévère et ce pour prévenir l'ulcère de stress. L'antibiothérapie logie quotidienne voire biquotidienne.
systématique est à proscrire car elle ne prévient en rien une Il y a parfois une indication chirurgicale particulière en
possible infection de nécrose et favorise les infections myco- phase précoce, en cas de syndrome du compartiment abdo-
tiques. Enfin, en cas de pancréatite aiguë biliaire bénigne et minal : c'est la décompression abdominale avec lavage de la
même s'il existe des signes d'angiocholite initiaux, il n'y a pas cavité péritonéale et mise place d'une laparostome et d'une
d'indication de CPRE et de sphinctérotomie en urgence. aspiration par VAC (vacuum-assisted closure).

PANCRÉATITE AIGUË

Défaillance viscérale initiale ?

OUI NON

Malade à risque*
Réanimation
OUI NON

Aggravation
Surveillance Surveillance
Défaillance viscérale renforcée habituelle
Amélioration

Guérison

Fig. 2.26 Conduite à tenir en matière de surveillance et d'orientation des patients traités pour pancréatite aiguë en secteur d'hospi-
talisation classique ou en soins critiques et réanimation. * Terrain et insuffisances connues, SRIS, CRP > 150 mg/L, CTSI ≥ 4.
58 Traité de pancréatologie

Cas particuliers de la nutrition et des infections giques, endoscopiques et chirurgicales. De manière générale,
En cas de pancréatite sévère, il faut mettre en place le plus en cas de contact étroit du pseudokyste avec le tube digestif
précocement possible une nutrition artificielle compte tenu haut (estomac ou duodénum), le drainage peut se faire par
d'un état d'hypercatabolisme. En effet, il faut bien noter que voie endoscopique par la mise en place d'une prothèse d'ap-
la chute du taux d'albuminémie sera à la fois un marqueur position pariétale type « diabolo » ou une ou deux prothèses
de sévérité de la pancréatite et de dénutrition avec le risque plastiques « double queue de cochon ». Ce drainage bénéficie
d'immunodépression. Il faut privilégier la nutrition entérale de l'échoendoscopie qui cible au mieux le pseudokyste et évite
qui évite l'atrophie de la muqueuse du grêle, la translocation les complications hémorragiques qui survenaient notam-
bactérienne à partir de l'intestin vers les zones de nécrose et ment en cas d'hypertension portale segmentaire (chapitre 9)
le risque infectieux sur dispositifs veineux centraux. Toutefois, (Fig. 2.27 et 2.28). L'absence de contact avec le tube digestif
si celle-ci n'est pas possible au début de la prise en charge du conduit à la mise en place d'un drain par voie radiologique. Le
patient compte tenu de l'iléus réflexe, une nutrition paren- drainage chirurgical est devenu beaucoup plus rare actuelle-
térale devra être prescrite. Il faudra toujours pratiquer une ment (anastomose kystogastrique) (chapitre 9).
évaluation des besoins des patients afin qu'ils ne maigrissent Si c'est une réaction inflammatoire locale et secondaire à
pas. Associés à la nutrition parentérale ou entérale, seront la pancréatite aiguë qui est responsable des manifestations
systématiquement ajoutés des vitamines et oligoéléments non cliniques, le temps est notre meilleur allié et il est nécessaire
contenus dans les différents mélanges délivrés. La nutrition de traiter les symptômes afin d'attendre l'amélioration de
entérale sera dispensée à partir de sondes nasogastriques de l'inflammation. Ainsi, on pourra être amené à mettre en
petit calibre pour une meilleure tolérance, mais au mieux on place une sonde de gastrostomie de décharge si le patient
placera une sonde nasojéjunale. L'utilisation temporaire de la présente un syndrome occlusif haut par atteinte inflamma-
nutrition parentérale devra se faire toujours sur une voie cen- toire du deuxième ou du troisième duodénum (potentielle-
trale de longue durée afin d'avoir un apport calorique suffisant. ment associée à une jéjunostomie d'alimentation).
La mise en place de l'alimentation nécessite une surveillance des En cas de douleur de type colique néphrétique avec dila-
glycémies capillaires et une compensation par insuline. La nutri- tation des cavités urinaires se discute la mise en place d'une
tion artificielle sera à dispenser de préférence en cyclique pour sonde double J s'il existe une altération de la fonction rénale.
permettre au patient une meilleure autonomie et mobilité mais Si le patient est ictérique avec une dilatation des voies
prévenir aussi la stéatose hépatique. Enfin, si la nutrition est dif- biliaires intrahépatiques, il est possible de mettre en place
ficile du fait d'une sténose duodénale ou si elle doit se prolonger une prothèse par voie endoscopique mais les remaniements
plusieurs mois en raison de drainages multiples, de dénutrition duodénaux et le risque d'aggravation de la pancréatite aiguë
ou autres complications chroniques, la mise en place d'une ali- ou de perforation font privilégier la mise en place d'un drain
mentation entérale par jéjunostomie sera nécessaire [26]. radiologique par voie antérograde transhépatique et, si pos-
En cas de fièvre et suspicion d'infection (CRP et taux sible, de type drain mixte « interne-externe », surtout s'il y a
de polynucléaires neutrophiles élevés), il est important de sepsis sévère et à point de départ biliaire surajouté à l'ictère.
réaliser des prélèvements multiples et répétés à la recherche
d'une infection bactérienne mais aussi fungique (sang, Traitement des complications vasculaires
urine, crachats, bronches, cathéters, drains si présents) de En cas de thrombose veineuse, la prise en charge thérapeutique
même qu'une imagerie thoracoabdominale. Si l'on a un repose sur la mise en route d'une anticoagulation à dose cura-
doute sur le caractère inflammatoire de la fièvre (et si elle tive afin de prévenir le développement de cavernome et d'une
est non infectieuse), le dosage de la procalcitonine sera utile hypertension portale segmentaire. Si au bout d'un mois, la
car le taux sanguin de cette dernière s'élève plus spécifique- thrombose n'a pas disparu il ne semble pas y avoir un intérêt
ment en cas d'infection. S'il y a forte suspicion d'infection de à poursuivre l'anticoagulation à visée curative. En cas de com-
nécrose, la ponction par voie radiologique de cette dernière pression veineuse par une collection se discute toujours de drai-
s'imposera pour obtenir un germe et ne traiter par antibio- ner la collection afin de lever l'obstacle sur le vaisseau. La prise
tiques et/ou antifungiques que des infections avérées. En en charge thérapeutique dans le cadre de l'infarctus du mésen-
d'autres termes, encore une fois, l'antibiothérapie systéma- tère repose sur la chirurgie mais le pronostic semble sombre
tique (et a fortiori préventive) est à proscrire [27]. compte tenu du cumul des deux pathologies. Dans le cadre de
la colite ischémique, un traitement médical est débuté avec la
mise à jeun stricte du patient et une anticoagulation curative.
Traitements spécifiques des complications En cas d'aggravation du tableau clinique ou de signe de perfo-
La prise en charge des complications va être hétérogène en ration colique au scanner, la prise en charge sera chirurgicale.
fonction du type de celles développées par le patient et une
concertation multidisciplinaire s'impose. Il s'agit souvent de Traitement des hémorragies
traitements nécessitant des équipes entraînées et le recours L'hémorragie digestive en rapport avec une lésion aiguë ulcé-
à des centres de soins tertiaires est fortement souhaité et rée œsogastroduodénale ne diffère pas de la prise en charge
recommandé. classique courante des hémorragies digestives hautes. Par
contre, en ce qui concerne les hémorragies par rupture de faux
Traitement des compressions anévrysmes, par saignement au contact d'un pseudokyste ou
La prise en charge thérapeutique dépendra de la cause de d'un foyer de nécrose, par saignement intrakystique on tentera
la compression. Le plus souvent, il s'agit d'un pseudokyste dans tous les cas un traitement radiologique avec embolisation
symptomatique qu'il faudra drainer. La technique sera abor- (chapitre 9). En cas de récidive ou de persistance de saigne-
dée et détaillée dans le chapitre 9 sur les techniques radiolo- ment, l'hémostase chirurgicale sera quant à elle discutée.
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 59

A B

C D

E F
Fig. 2.27 Drainage d'un pseudokyste symptomatique par mise en place de deux prothèses plastiques « double queue de cochon »
sous échoendoscopie, scopie et endoscopie (kystogastrostomie). A. Pseudokyste compressif au scanner (flèche blanche). B. Vision et repé-
rage par échoendoscopie ; l'aiguille est visible dans le pseudokyste (flèche blanche) au moyen de laquelle une ponction du liquide kystique pour
rechercher une surinfection sera réalisée et un fil-guide sera mis en place. C. Vue endoscopique : après avoir mis le fil-guide, une cystostomie a été
effectuée pour agrandir le trou de communication entre estomac et pseudokyste ; un deuxième fil-guide a été mis en place (flèche noire). D. Mise
en place d'une première prothèse « double queue de cochon » 10 F (flèche blanche). E. Mise en place d'une deuxième prothèse « double queue de
cochon » 10 F (flèches noires). F. Scanner avec les deux prothèses en place et affaissement du pseudokyste (flèche blanche).
60 Traité de pancréatologie

A B

C D
Fig. 2.28 Drainage d'un pseudokyste symptomatique infecté par la mise en place d'une prothèse d'apposition luminale métallique
« diabolo » sous échoendoscopie (kystogastrostomie). A. Vision et repérage par échoendoscopie (une ponction à l'aiguille doit être préala-
blement réalisée pour documentation de l'infection). B. Après ponction avec le cystotome prémonté sur la prothèse (système Axios®), la partie
distale de la prothèse est larguée (flèche blanche en pointillé). C. La partie distale de la prothèse est collée contre la paroi interne du kyste (flèche
en blanche pointillé). D. La partie proximale du kyste est larguée (mailles métalliques visibles – flèche noire) et le pus s'échappe du pseudokyste par
l'orifice de prothèse (flèche noire en pointillé).

Traitement de la déconnexion pancréatique plan endoscopique, on sera donc amené à tenter de mettre
et des fistules avec épanchement des séreuses en place une prothèse pancréatique en transpapillaire pour
La prise en charge thérapeutique est complexe et sur- « ponter » la rupture canalaire ou essayer de rediriger le suc
tout non standardisée. Elle va dépendre des habitudes des pancréatique vers le tube digestif en positionnant la prothèse
centres avec, dans tous les cas, une combinaison de tech- au niveau de la rupture (chapitre 9). Si cela n'est pas possible,
niques médicale, endoscopique voire chirurgicale. Le succès la mise à jeun associée à une nutrition parentérale prolon-
thérapeutique est de l'ordre de 80 %. Il n'y a pas de consen- gée et la prescription d'analogue stable de la somatostatine
sus quant à leur prise en charge. Les procédures médicales et (forme retard) sera le seul recours en espérant le tarissement
endoscopiques seront réalisées précocement ; en revanche, de la fistule et la reconnexion canalaire. En dernier recours,
la chirurgie sera faite tardivement en cas d'échec des précé- la chirurgie peut être de dérivation s'il existe une dilatation
dentes. Avant toute chose, il faut préciser que toute fistule suffisante du canal pancréatique d'amont voire une chirur-
avec épanchement abondant fait courir le risque de dénu- gie d'exérèse du pancréas exclu par la déconnexion.
trition car la fuite protéique est importante. La nutrition
est donc cruciale. Sur le plan médical, la prescription de Traitements de la nécrose infectée
somatostatine (et plus précisément d'analogue stable de Le but du traitement est de réaliser un drainage correct de
la somatostatine comme l'octréotide), même s'il n'y a pas la cavité nécrotique en réalisant une évacuation du contenu
d'autorisation de mise sur le marché (AMM), peut aider au liquidien purulent ainsi que les débris de nécrose. Cette éva-
tarissement de la fistule. Le traitement idéal repose, quoi cuation permet le contrôle du sepsis mais améliore aussi les
qu'il en soit, sur le drainage des collections (par voie endos- autres manifestations cliniques. Au cours du traitement, on
copique), ascite ou pleurésie et fermeture de la fistule. Sur le peut évaluer s'il existe une communication avec les canaux
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 61

pancréatiques, ce qui pourrait entretenir la composante et pour lequel une à plusieurs défaillances d'organe ne
liquidienne. La prise en charge thérapeutique doit se faire si peuvent être expliquées par une infection autre que celle
possible dans un centre tertiaire afin d'avoir accès aux diffé- de la nécrose. La décision est souvent multidisciplinaire
rentes techniques de traitement qu'elles soient radiologiques, avec gastroentérologues, radiologues, chirurgiens et
endoscopiques ou chirurgicales. Elle devra se faire idéale- réanimateurs.
ment quand la nécrose est organisée, c'est-à-dire à partir de la En effet, le développement des techniques mini-invasives a
quatrième semaine. En effet, le drainage effectué trop tôt pour modifié complètement la prise en charge de ces patients. Ainsi,
une collection non encore organisée peut être voué à l'échec à l'heure actuelle cette approche step-up fait consensus. Elle se
(drainage difficile car la nécrose est trop dispersée et com- résume en l'utilisation d'une technique ou d'une combinaison
pacte, d'où un risque de surinfection). Par ailleurs, il a été bien de techniques qui vont de la moins à la plus invasive. En géné-
démontré qu'une chirurgie de nécrosectomie par laparotomie ral, on commence par la technique radiologique et/ou endos-
précoce était hautement morbide et peu efficace ; cette der- copique puis par la chirurgie de nécrosectomie mini-invasive
nière a été abandonnée au profit de la stratégie dite step-up. avant de proposer la chirurgie ouverte (Fig. 2.29) [28, 29].
L'indication de la nécrosectomie doit être posée La technique radiologique permet de s'affranchir des
devant une infection de nécrose suspectée ou confir- contacts avec le tube digestif à l'inverse de la technique endos-
mée et/ou chez un patient avec des signes d'infection copique. Le principe repose sur le repérage de la nécrose

Infection de nécrose
suspectée ou prouvée
(entre 2 et 4 semaines)

Scanner APC
Étendue, composition et organisation des collections?
Pseudo-anévrysme artériel?

ÉTAPE 1: DRAINAGE
(si possible à la 4e semaine après discussion pluridisciplinaire)

Endoscopique Radiologique
Voie transmurale et/ou Voie rétropéritonéale si possible
Prothèse métallique « diabolo » Drains de gros calibre avec
ou plastique lavages

Absence d'amélioration

ÉTAPE 2 : NÉCROSECTOMIE «mini-invasive»

Endoscopique Chirurgicale
Au travers de la prothèse Voie rétropéritonéale
et/ou (VARD ou MARPN)
métallique « diabolo »
Après dilatation si prothèse Mise en place de drains de gros
plastique calibre

Absence d'amélioration

ÉTAPE 3 : NÉCROSECTOMIE par laparotomie


Fig. 2.29 Algorithme de la stratégie step-up pour le traitement de la nécrose infectée. APC : avec produit de contraste ; MARPN : minimal
access retroperitoneal pancreatic necrosectomy ; VARD : videoscopic-assisted retroperitoneal debridement.
62 Traité de pancréatologie

symptomatique, en général sous contrôle scanographique.


La technique de Seldinger est le plus souvent utilisée. Cette
méthode de drainage est utilisée soit pour la prise en charge
de la nécrose pancréatique, soit pour les pseudokystes. La
collection nécrotique est ponctionnée à l'aide d'un trocart à
travers lequel on fait passer un fil-guide puis le drain pour
permettre l'évacuation du contenu. La ponction dans le pre-
mier temps permet la réalisation de prélèvement pour une
analyse biochimique, bactériologique et mycologique. Le
drain mis en place est de gros calibre à double courant ; une
voie sert au recueil de la nécrose et la deuxième voie sert au
lavage si le contenu est trop épais. Cette dernière voie est sur-
tout utile dans la prise en charge de la nécrose plus que dans
celle des pseudokystes (chapitre 9). La technique radiologique
est choisie quand la cavité nécrotique infectée est loin de la
paroi digestive, en particulier de l'estomac (Fig. 2.30) [30]. A
La réalisation de la nécrosectomie endoscopique se fait
actuellement sous contrôle initial de l'échoendoscopie plus ou
moins couplée à la radioscopie (chapitre 9). Le premier geste
est de ponctionner la cavité pour avoir une documentation de
l'infection puis de mettre en place une prothèse d'apposition
pariétale métallique de type « diabolo » pour commencer à
drainer la cavité nécrotique de sa partie liquidienne. En fin
de procédure, il peut être aussi mis en place un drain naso-
kystique de gros calibre (10 F) afin de laver la cavité avec du
NaCl 9 °/°° aidant aussi à la mobilisation de la nécrose. Une
fois la prothèse ouverte, la nécrosectomie endoscopique est
menée quelques jours plus tard en une ou plusieurs séances
avec un gastroscope introduit dans la cavité nécrotique à
travers la prothèse pour lavage et extraction de fragments
de nécrose à l'aide de différents instruments (pince à corps B
étranger, anse à filet ou Dormia). L'intérêt de la prothèse
« diabolo » est qu'elle peut être laissée en place pour réitérer
les séances de nécrosectomie endoscopique. Une autre tech-
nique est celle du drainage premier de la cavité nécrotique par
la mise en place de deux prothèses plastiques « double queue
de cochon », mais il faudra les enlever et les remettre après
chaque séance de nécrosectomie endoscopique en plus d'une
dilatation de l'orifice d'accès à la cavité (Fig. 2.31).
Le contrôle scanographique est indispensable afin de
s'assurer de la bonne évolution et de la régression de la
nécrose en parallèle de la surveillance clinique et biologique.
La nécrosectomie peut être associée au drainage/lavage par
voie radiologique pour augmenter l'efficacité.
En cas d'échec ou de persistance des signes infectieux et/
ou défaillances ou en cas d'impossibilité de nécrosectomie
endoscopique, la nécrosectomie chirurgicale mini-invasive
sera proposée. Deux techniques mini-invasives sont pos- C
sibles : la MARPN (minimal access retroperitoneal pancreatic
Fig.  2.30 Drainage radiologique de la nécrose pancréatique
necrosectomy) et la VARD (videoscopic-assisted retroperito-
infectée. A. Nécrose infectée à 5 semaines (flèche blanche). B. Mise
neal debridement). La voie d'abord de ces deux techniques en place après ponction d'un drain de gros calibre dans la loge pan-
est rétropéritonéale évitant ainsi l'effraction du péritoine (en créatique et la cavité nécrotique (flèche blanche en pointillé). C. Après
général, abord sous-costal). Cette voie d'abord peut être diri- plusieurs jours de lavage/drainage de la cavité infectée et résolution
gée par la mise en place d'un drain radiologique la veille de des signes infectieux, disparition de la cavité (flèche blanche).
l'intervention « montrant le chemin » de la cavité nécrotique
infectée (Fig. 2.32). L'évacuation des débris nécrotiques se En cas de persistance des signes d'infection et de drai-
fait par la main du chirurgien mais aussi par lavage-aspira- nage incomplet de la ou des cavités nécrotiques infectées, la
tion. La procédure se termine par la mise en place d'un drain chirurgie ouverte avec nécrosectomie par laparotomie trans-
de très gros calibre pour laver la cavité nécrotique (drain de péritonéale sera proposée associant lavage de la cavité péri-
type Davol). Il permet à la fois le lavage abondant de la cavité tonéale, drainages multiples et souvent mise en place d'une
mais aussi l'aspiration du liquide contenu dans la collection. laparostomie avec drainage pariétal aspiratif (Fig. 2.33).
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 63

A B

C D

E F
Fig. 2.31 Drainage échoendoscopique et nécrosectomie perendoscopique de la nécrose pancréatique infectée. A. Nécrose infectée à
4 semaines (flèche blanche). B. Après ponction à l'aiguille sous échoendoscopie, mise en place d'un fil-guide dans la cavité dont la taille est bien
repérée en scopie (flèche blanche en pointillée). C. Après cystostomie (10 F), mise en place sous contrôle endoscopique et sur fil-guide d'une
prothèse d'apposition pariétale métallique « diabolo » (flèche blanche) : le pus de la partie liquidienne de la collection s'échappe de la prothèse qui
s'ouvre (flèche blanche en pointillé). D. Vision en scopie : la prothèse « diabolo » est visible (flèche noire) et un drain de gros calibre (10 F) est mis
en place dans la cavité pour lavage. E. Nécrosectomie endoscopique à travers la prothèse ouverte (anse à filet ramenant de la nécrose infectée –
flèche blanche). F. Vision endoscopique de la cavité nécrotique après trois séances de nécrosectomie (flèche blanche) ; tissu de granulation sans
nécrose ou pus.
64 Traité de pancréatologie

A B

P
C D
Fig. 2.32 Nécrosectomie chirurgicale mini-invasive par voie rétropéritonéale pour nécrose infectée. A. Bord rétropéritonéal par voie digi-
tale pour extraire la nécrose infectée (EMC). B. Pince chirurgicale dans la cavité nécrotique. C. Nécrose extraite lors de la nécrosectomie mini-inva-
sive. P : pince chirurgicale qui sert de repère pour apprécier la longueur. D. La procédure se termine par la mise en place de drains de gros calibre
(type Davol) (EMC). Source : (B) O. Risse, C. Arvieux, J. Abba, C. Létoublon. Chirurgie des complications des pancréatites aiguës. EMC - Techniques
chirurgicales - Appareil digestif 2012;7(4):1–14 [Article 40-885].

La stratégie step-up permet actuellement, quand elle est 6 semaines minimum et surtout après la disparition com-
réalisée dans des centres experts, de réduire la mortalité des plète des collections péripancréatiques, ainsi que de l'infil-
patients avec nécrose infectée de 30 à 18 % en moyenne [31, tration du pédicule hépatique. Ceci nécessite en général un
32]. contrôle scanographique préopératoire.
Pour les patients chez qui la cholécystectomie ne peut
être réalisée en raison d'une altération de l'état général ou de
Traitements étiologiques comorbidités majeures, la CPRE (pratiquée à distance de la
Pancréatites aiguës biliaires pancréatite aiguë) avec réalisation d'une sphinctérotomie
La cholécystectomie prévient les récidives ; elle doit être pra- endoscopique est alors proposée en alternative. Celle-ci permet
tiquée lors de la même hospitalisation pour ce qui est des une diminution du risque de récidive de 2 à 5 % dans les 2 ans.
pancréatites aiguës bénignes, une fois l'amendement des La CPRE est également indiquée dans les cas de pancréa-
signes cliniques obtenu. En effet, il a été bien démontré que tites aiguës sévères d'origine biliaire associées à une angio-
tout retard de réalisation de cette cholécystectomie exposait cholite. Le geste sera à réaliser dans les 48 premières heures
à la récidive, le plus souvent dans le mois qui suit [33]. qui suivent les premiers signes et par un(e) opérateur(trice)
Dans le cas d'une pancréatite biliaire sévère, les choses entraîné(e). Au-delà de ce délai, il n'y a plus d'indication.
sont plus complexes car l'abord de la loge vésiculaire est Il faudra chez ces patients réaliser une cholécystectomie à
difficile et la cholécystectomie sera réalisée au-delà de distance, en l'absence de contre-indication.
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 65

A B

C D E
Fig. 2.33 Nécrosectomie chirurgicale par laparotomie transpéritonéale pour nécrose infectée grave n'ayant pas répondu à la nécrosectomie
mini-invasive endoscopique et/ou chirurgicale. A. Vue scanographique de la nécrose infectée. B. Main du chirurgien qui enlève la nécrose (flèche
blanche). C. Tissu de nécrose récupéré sur compresse (flèches noires). D, E. Mise en place en fin de procédure d'un système aspiratif de type VAC
avec laparostome (flèche blanche et flèche blanche en pointillé).

Pancréatites aiguës alcooliques plasmaphérèse lorsque l'hypertriglycéridémie persiste. Lors


Le traitement repose sur un sevrage total et définitif de l'al- de la prise en charge aiguë, en cas de nécessité d'alimentation
cool. Lors de la poussée aiguë, une prévention du sevrage et parentérale, il faut s'assurer que cette dernière est pauvre en
du délirium tremens doit être mise en place ainsi qu'une vita- lipide pour ne pas aggraver l'hypertriglycéridémie (utilisation
minothérapie (en particulier vitamines B1, B6) et une réhy- de poches binaires). Le traitement à distance repose sur une
dratation. Par la suite, une prise en charge addictologique prise en charge de l'hypertriglycéridémie par des mesures
devra être instaurée. En effet, il a été démontré que le risque diététiques et l'instauration de médicaments hypolipémiants.
de récidive de pancréatite aiguë alcoolique après une pre- Le syndrome des chylomicrons peut être aussi responsable
mière poussée diminue significativement chez les patients de pancréatite chronique et peut rentrer dans le cadre de
qui bénéficient de ce suivi. Il faudra également s'assurer l'hyperlipidémie familiale par déficit en lipoprotéine lipase.
de corriger, si elles sont présentes, les complications liées à Pour cette maladie, la thérapie génique par administration de
une pancréatite chronique calcifiante. On s'attachera aussi Glybera® (alipogène tiparvovec) a obtenu récemment l'AMM
à réduire voire stopper les cointoxications, en particulier le européenne. C'est une maladie rare mais elle est responsable
tabac et la consommation chronique de cannabis. de pancréatites aiguës associées à une xanthomatose.

Hypertriglycéridémie Autres formes de pancréatite aiguë


À la phase aiguë de la pancréatite aiguë, en cas d'hypertri- Pour ce qui est des pancréatites autoimmunes, les poussées
glycéridémie majeure, peut se discuter la réalisation d'une cessent dans plus de 90  % des cas après corticothérapie
66 Traité de pancréatologie

(chapitre 4). Pour ce qui est des causes obstructives, il faut Compléments en ligne
naturellement au maximum traiter la cause de même que
faire éviction des médicaments pancréatotoxiques en cas de Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Ils
formes médicamenteuses. sont indiqués dans le texte par un picto . Ils proposent des
Quand il n'y a pas de cause curable (comme les formes figures complémentaires. Pour voir ces compléments,
génétiques) ou aucune cause reconnue (forme idiopa- connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/
thique), les conseils restent assez simples et le praticien est e-complement/477623 et suivez les instructions.
démuni quand la pancréatite est récurrente. L'arrêt total de Fig. e2.1 Vues scanographiques et IRM de complications de
prise d'alcool et de tabac est le seul conseil pragmatique à pancréatite aiguë. A. Fistule vers la plèvre d'une pancréatite nécro-
donner. tique (flèche blanche). B.  Compression de l'uretère (flèche blanche).
C. Pseudokyste de la queue du pancréas (flèche blanche).
Fig. e2.2 Bilan étiologique de pancréatite aiguë. A, B.  Scanner
Traitements des séquelles en phase aiguë (A) et à 3 mois d'une pancréatite aiguë a priori idio-
Rappelons qu'elles sont de quatre types avec insuffisance pathique (B) : le scanner à 3 mois révèle la présence d'un cancer du
pancréatique exocrine nécessitant la mise en place d'extraits corps du pancréas (flèche blanche). C. Bilan IRM à 2 mois après une
pancréatiques à vie sauf si l'insuffisance est transitoire. pancréatite aiguë a  priori idiopathique avec lésions de pancréatites
L'insuffisance pancréatique endocrine sera prise en charge chronique. D.  Échoendoscopie 2  mois après une pancréatite aiguë
a  priori idiopathique avec petit cancer du corps du pancréas (flèche
en secteur de diabétologie pour une insulinothérapie une
blanche) comprimant le canal de Wirsung (flèche blanche en pointillé).
et éducation thérapeutique. Le traitement endoscopique Fig. e2.3 CPRM à distance d'une pancréatite aiguë idiopathique.
pourra comporter un « calibrage » du canal de Wirsung en Sténose de l'isthme sur une pancréatite chronique débutante dans
cas de sténose cicatricielle par la mise en place d'une pro- le cadre d'une pancréatite génétique avec mutation du gène SPINK1
thèse pancréatique pendant 3 mois, éventuellement changée (flèches blanches en pointillé).
une à deux fois en cas de persistance de la sténose. La décon-
nexion sera traitée par voie endoscopique (prothèse, drai-
nage de collection) ou chirurgicale (pancréatectomie) afin Références
de prévenir les récidives de pancréatite ou de pseudokyste. [1] Banks PA, Bollen TL, Dervenis C, Gooszen HG, Johnson CD, Sarr
MG, et al. Classification of acute pancreatitis-2012: revision of the
Conclusion Atlanta classification and definitions by international consensus. Gut
2013 ;62:102–11.
Si on doit définir la pancréatite aiguë en quelques lignes, on [2] Bradley EL. A clinically based classification system for acute pan-
peut dire que c'est une affection inflammatoire aiguë fré- creatitis. Summary of the International Symposium on Acute
quente qui se résume initialement à un syndrome douloureux Pancreatitis, Atlanta, Ga, September 11 through 13, 1992. Arch Surg
abdominal aigu brutal et bruyant par l'intensité de la douleur. 1993 ;128:586–90.
[3] Fagenholz PJ, Fernández-del Castillo C, Harris NS, Pelletier AJ,
Le diagnostic est posé dès lors que le chiffre de la lipasémie est
Camargo Jr CA. Direct medical costs of acute pancreatitis hospitaliza-
élevé à trois fois au-dessus de la valeur normale supérieure. tions in the United States. Pancreas 2007 ;35:302–7.
Dans 80 % des cas, l'évolution sera favorable après l'hospita- [4] Rebours V, Lévy P, Bretagne JF, Bommelaer G, Hammel P, Ruszniewski
lisation, la mise à jeun, la prescription d'antalgiques et une P. Do guidelines influence medical practice? Changes in management
importante réhydratation initiale. Néanmoins, la connais- of acute pancreatitis 7 years after the publication of the French guide-
sance de l'histoire naturelle des lésions initiales (collections lines. Eur J Gastroenterol Hepatol 2012 ;24:143–8.
ou nécrose aiguë) et des complications locorégionales et [5] Petrov MS, Yadav D. Global epidemiology and holistic prevention of
générales est importante pour savoir surveiller, anticiper et pancreatitis. Nat Rev Gastroenterol Hepatol 2019 ;16:175–84.
traiter les formes graves et compliquées de pancréatite aiguë. [6] Goldacre MJ, Roberts SE. Hospital admission for acute pancreatitis
En effet, si les formes graves d'emblée sont imprévisibles et in an English population, 1963-98: database study of incidence and
mortality. BMJ 2004 ;328:1466–9.
relèvent de mesures de réanimation, les formes secondaire-
[7] Peery AF, Dellon ES, Lund J, Crockett SD, McGowan CE, Bulsiewicz
ment compliquées sont le fait de formes nécrotiques. La prin- WJ, et al. Burden of gastrointestinal disease in the United States: 2012
cipale complication est l'infection de la nécrose grevée d'une update. Gastroenterology 2012 ;143:1179–87. e1-3.
mortalité allant de 15 à 30 % des patients. Son traitement est [8] Krishna SG, Hinton A, Oza V, Hart PA, Swei E, El-Dika S, et  al.
bien mieux codifié et fait appel à des compétences pluridis- Morbid obesity is associated with adverse clinical outcomes in
ciplinaires en centre spécialisé. Le pronostic peut être évalué acute pancreatitis: A propensity-matched study. Am J Gastroenterol
grâce à l'évaluation des signes de SRIS, aux scores radiolo- 2015 ;110:1608–19.
giques et à l'appréciation du terrain (âge, insuffisance d'organe [9] Birgisson H, Möller PH, Birgisson S, Thoroddsen A, Asgeirsson KS,
préalable, obésité) et de certains marqueurs indépendants Sigurjónsson SV, et al. Acute pancreatitis: A prospective study of its
comme le taux sanguin de CRP. Il y a des causes curables incidence, aetiology, severity, and mortality in Iceland. Eur J Surg
Acta Chir 2002 ;168:278–82.
comme la lithiase biliaire et l'alcoolisme chronique qui repré-
[10] Garg PK, Singh VP. Organ failure due to systemic injury in acute pan-
sentent à eux deux les principales étiologies des pancréatites creatitis. Gastroenterology 2019 ;156:2008–23.
aiguës. D'autres sont plus rares mais à rechercher notamment [11] Van Santvoort HC, Bakker OJ, Bollen TL, Besselink MG, Ahmed Ali U,
en fonction de l'âge, comme les pancréatites autoimmunes, Schrijver AM, et al. A conservative and minimally invasive approach
génétiques, médicamenteuses et toxiques (cannabis) chez le to necrotizing pancreatitis improves outcome. Gastroenterology
sujet jeune et les tumeurs chez les sujets plus âgés. 2011 ;141:1254–63.
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 67

[12] Petrov MS, Vege SS, Windsor JA. Global survey of controversies methacin versus placebo to reduce the incidence of pancreatitis
in classifying the severity of acute pancreatitis. Eur J Gastroenterol after endoscopic retrograde cholangiopancreatography: results of a
Hepatol 2012 ;24:715–21. controlled clinical trial. BMC Gastroenterol 2015 ;15:85.
[13] Marshall JC, Cook DJ, Christou NV, Bernard GR, Sprung CL, Sibbald [24] Culetto A, Bournet B, Haennig A, Alric L, Peron JM, Buscail L, et al.
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[16] Bollen TL, Singh VK, Maurer R, Repas K, van Es HW, Banks PA, et al. [27] Crockett SD, Wani S, Gardner TB, Falck-Ytter Y, Barkun AN.
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severity index in assessing severity of acute pancreatitis. AJR Am J Guidelines Committee. American Gastroenterological Association
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first week as a marker of fatal outcome in acute pancreatitis. Gut [28] Bakker OJ, van Santvoort HC, van Brunschot S, Geskus RB, Besselink
2004 ;53:1340–4. MG, Bollen TL, et al. Endoscopic transgastric vs surgical necrosec-
[18] Werge M, Novovic S, Schmidt PN, Gluud LL. Infection increases tomy for infected necrotizing pancreatitis: a randomized trial. JAMA
mortality in necrotizing pancreatitis: A systematic review and meta- 2012 ;307:1053–61.
analysis. Pancreatology 2016 ;16:698–707. [29] van Brunschot S, van Grinsven J, van Santvoort HC, Bakker OJ,
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early organ dysfunction determines outcome in acute pancreatitis. Br approach for infected necrotising pancreatitis: a multicentre rando-
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[20] Rebours V, Boutron-Ruault MC, Schnee M, Férec C, Le Maréchal C, [30] van Baal MC, van Santvoort HC, Bollen TL, Bakker OJ, Besselink
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SPINK1, CTFR, and/or CTRC genetic variants in patients with idio- Group. Surgery versus endoscopy for infected necrotizing pancreati-
pathic pancreatitis. Am J Gastroenterol 2017 ;112:1320–9. tis: A fair comparison? Gastroenterology 2019 ;157:583–4.
[23] Andrade-Dávila VF, Chávez-Tostado M, Dávalos-Cobián C, García- [33] Boxhoorn L, Voermans RP, Bouwense SA, Bruno MJ, Verdonk RC,
Correa J, Montaño-Loza A, Fuentes-Orozco C, et al. Rectal indo- Boermeester MA, et al. Acute pancreatitis. Lancet 2020 ;396:726–34.
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 67.e1

C B
Fig. e2.1 Vues scanographiques et IRM de complications de pancréatite aiguë. A. Fistule vers la plèvre d'une pancréatite nécrotique (flèche
blanche). B. Compression de l'uretère (flèche blanche). C. Pseudokyste de la queue du pancréas (flèche blanche).
Chapitre 2. Pancréatite aiguë 67.e2

A B

C D
Fig. e2.2 Bilan étiologique de pancréatite aiguë. A, B. Scanner en phase aiguë (A) et à 3 mois d'une pancréatite aiguë a priori idiopathique
(B) : le scanner à 3 mois révèle la présence d'un cancer du corps du pancréas non visible initialement (flèche blanche). C. Bilan IRM à 2 mois après
une pancréatite aiguë a priori idiopathique avec lésions de pancréatites chronique. D. Échoendoscopie 2 mois après une pancréatite aiguë a priori
idiopathique avec petit cancer du corps du pancréas (flèche blanche) comprimant le canal de Wirsung (flèche blanche en pointillé).

Fig. e2.3 CPRM à distance d'une pancréatite aiguë idiopathique. Sténose de l'isthme sur une pancréatite chronique débutante dans le cadre
d'une pancréatite génétique avec mutation du gène SPINK1 (flèches blanches en pointillé).
Chapitre
3
Pancréatite chronique
PLAN DU CHAPITRE
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 Pancréatite chronique pseudotumorale . . . . . . 83
Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 Pancréatite paraduodénale . . . . . . . . . . . . . . . . 84
Épidémiologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 Diagnostics différentiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
Anatomopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Diagnostic des complications
Étiologies, physiopathologie et leurs conséquences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
et histoire naturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Complications aiguës . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
Facteurs favorisants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Complications chroniques . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
Physiopathologie de la pancréatite Traitements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
chronique alcoolique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 Traitement étiologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Physiopathologie des pancréatites Évaluation de la douleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
chroniques génétiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 Traitement médical de la douleur. . . . . . . . . . . 91
Histoire naturelle de la PC . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 Traitement endoscopique de la douleur . . . . . 92
Diagnostic positif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 Traitement chirurgical de la douleur . . . . . . . . 92
Diagnostic positif clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 Traitements des complications . . . . . . . . . . . . . 93
Diagnostic positif paraclinique . . . . . . . . . . . . . 76 Suivi à long terme et pronostic
Diagnostic étiologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80 de la pancréatite chronique . . . . . . . . . . . . . . . 97
Formes particulières et diagnostic Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
différentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

Introduction traitement des complications et la prise en charge de l'in-


toxication alcoolique.
Définition
La pancréatite chronique (PC) correspond à une inflam- Épidémiologie
mation chronique du pancréas associée au développement Les données épidémiologiques [1] sont peu nombreuses en
d'une fibrose du parenchyme. Cette inflammation va engen- France, mais sur le plan mondial la prévalence est estimée
drer des altérations morphologiques progressives et irré- entre 13 et 52 pour 100 000 habitants et l'incidence de 4 à 14
versibles du tissu exocrine et endocrine pancréatique. Ces pour 100 000 habitants et par an. Il existe une différence de
lésions peuvent être focales, segmentaires ou diffuses avec prévalence entre la population caucasienne et africaine.
une destruction du tissu exocrine, des canaux pancréatiques Il existe une prédominance masculine quelle que soit
ainsi que des îlots de Langerhans. Il existe une fibrose irré- l'étiologie. Le pic d'incidence dans le cadre d'une PC d'ori-
gulière avec une destruction et une désorganisation perma- gine alcoolique est évalué pour les femmes pour un âge com-
nente du tissu pancréatique. On assiste aussi à une atteinte pris entre 35 et 45 ans et chez l'homme entre 45 et 55 ans.
dystrophique des nerfs jouant un rôle dans la physiopa- Toutefois, en cas de PC héréditaire, les premières mani-
thologie de la douleur au cours de la PC. Cette destruction festations cliniques apparaîtront dès l'enfance ou l'adoles-
s'associe à la présence de concrétions protéiques qui seront cence. Les deux sexes sont touchés de manière identique.
responsables des calcifications visibles sur les examens La PC est un facteur de risque du cancer pancréatique avec
d'imagerie et pouvant obstruer les canaux pancréatiques. un risque relatif de 1,8 à 2 à 10 ans. Ce risque serait plus fré-
La destruction progressive du pancréas est à l'origine des quent au cours de la PC héréditaire, en particulier après 50 ans,
manifestations cliniques avec l'occurrence de pancréatites avec pour facteurs de surrisque la consommation chronique
aiguës, de douleurs, d'une insuffisance pancréatique exo- de tabac et une mutation sur l'allèle d'origine paternelle.
crine (IPE), d'un diabète. Sur le plan étiologique, l'alcool est Le risque cumulé de développer un adénocarcinome
l'agent principal mais il existe aussi des formes génétiques sur PC, quelle que soit l'étiologie, est de 4 % après 25 ans
(incluant la PC héréditaire), des formes autoimmunes, d'évolution de la maladie. Les mutations de SPINK1 (serine
métaboliques ou idiopathiques. La PC est un facteur de protease inhibitor Kazal-type 1) ne semblent pas associées à
risque pour le cancer du pancréas. La prise en charge thé- un risque accru de cancer du pancréas mais à la survenue de
rapeutique sera essentiellement centrée sur la douleur, le lésions de PC [2].

Traité de pancréatologie
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70 Traité de pancréatologie

Le gène SPINK1, notamment la mutation N34S, est Wirsung que les canaux secondaires. Elle sera formée par
retrouvé dans près de 9,7 % des PC non alcooliques, soit 6 une succession de dilatation et de sténose. C'est en général
à 40% des patients qui vont être porteurs d'une altération au sein de ces canaux que l'on va trouver les concrétions pro-
génique à l'état homo- ou hétérozygote. D'autres gènes téiques qui seront à l'origine des calcifications. La membrane
comme CASR (calcium-sensing receptor), CPA1 (carboxy- basale des canaux va disparaître, surtout à proximité des
peptidase A1) ou CLDN2 (claudine 2) peuvent être iden- calcifications. L'inflammation, quant à elle, va se présenter
tifiés comme mutés lors des PC, y compris alcooliques. La sous la forme d'un infiltrat de cellules de proinflammatoires
prévalence des mutations PRSS1 est très faible au sein des telles que des polynucléaires neutrophiles, éosinophiles ou
pancréatites alcooliques ou idiopathiques. des lymphoplasmocytes. On pourra détecter aussi des foyers
Ainsi, des facteurs génétiques pourraient expliquer pour- de nécrose. Les îlots persistent plus longtemps au sein des
quoi seuls 5 à 10 % des sujets alcooliques chroniques déve- foyers de fibrose. Toutes ces lésions pourront être locales ou
loppent une pancréatite chronique [1, 2]. En effet, même diffuses selon l'évolution de la PC [5]. La figure 3.1 expose
si l'alcool est un facteur toxique reconnu pour le pancréas des vues anatomopathologiques microscopiques sur pièces
(cf.  infra), d'autres facteurs, en particulier génétiques, de pancréatectomie à faible et fort grossissements [6].
doivent être pris en compte [3, 4].

Étiologies, physiopathologie
Anatomopathologie et histoire naturelle
La description histologique de la PC a été obtenue à parti de Le développement de la PC se fait sur plusieurs années au
séries chirurgicales anciennes. De nos jours, les opérations cours desquelles le pancréas va être confronté à l'influence de
de résection sont rares et les anatomopathologistes ont dû facteurs favorisants tels que l'alcool et/ou le tabac, parfois aussi
s'adapter car la majorité du matériel à l'heure actuelle est dans un contexte de susceptibilité génétique. Dans tous les
issue des biopsies faites au cours d'une échoendoscopie avec cas, sur le plan physiopathologique, les premières lésions
une architecture tissulaire limitée en taille. seront secondaires à l'atteinte des cellules acinaires suivies du
L'aspect macroscopique du pancréas chez un patient por- développement d'une inflammation dans le parenchyme par
teur d'une PC apparaît induré, hypertrophié, entouré d'une le biais de plusieurs mécanismes moléculaires et cellulaires
gangue plus ou moins inflammatoire qui peut rendre diffi- pour aboutir enfin à l'apparition de la fibrose.
cile la dissection chirurgicale. À l'inverse, le pancréas peut
paraître complètement atrophique mais toujours induré.
Sur le plan de l'examen microscopique, nous distingue- Facteurs favorisants
rons les deux éléments qui font la définition de la PC à Sur le plan étiologique, l'alcool représente plus de 80  %
savoir l'inflammation et la fibrose. La fibrose va déstructurer des étiologies des PC. Les 20 % restants se diviseront entre
le parenchyme pancréatique ; elle est irrégulière et pauvre en les causes génétiques, métaboliques, autoimmunes, post-
fibroblastes. L'atteinte canalaire touche aussi bien le canal de radiques, obstructives et idiopathiques.

A B
Fig. 3.1 Vues anatomopathologiques de lésions de pancréatite chronique. A. Inflammation (flèches noires) et fibrose (flèches noires en
pointillé) avec perte marquée des acini et persistance d'îlots de Langerhans (têtes de flèche noire). B. Plus fort grossissement avec tissu fibreux
autour de petits canaux résiduels (flèches noires) et disparition des acini ; les îlots persistent (flèches noires courbes). Source : Lamps LW, Kakar S,
Diagnostic Pathology. Hepatobiliary and Pancreas. Philadelphie : Elsevier, 2017 (2e éd.).
Chapitre 3. Pancréatite chronique 71

Alcool motrypsine C avec non seulement un déficit de sa sécrétion


C'est le facteur de risque le plus fréquent pour le développe- mais aussi une résistance à son activation par la trypsine
ment d'une PC. Il est présent selon les séries dans 42 à 77 % des et un déficit de sa fonction de dégradation. Il en résulte
cas. Ainsi, une consommation excessive d'alcool sur une durée donc un déficit de dégradation de la trypsine, cette dernière
moyenne de 10 à 20 ans serait responsable de l'apparition des s'accumulant avec une fonction conservée et accrue.
lésions au sein du parenchyme pancréatique. Le problème ren- D'autres gènes sont plus rarement impliqués dans la survenue
contré est la définition de la consommation excessive d'alcool d'une pancréatite à répétition voire de pancréatites chroniques,
et la durée de cette consommation pour désigner l'alcool à savoir CASR, CLDN2 et enfin CPA1 (carboxypeptidase A1),
comme seul et unique responsable. Par ailleurs, la durée de TRPV6 (TRPV6 calcium channel regulation) et l'allèle CEL-HYB
l'alcoolisme nécessaire au développement du même type de (pseudogène de la carboxyl ester lipase) [2–4, 8–10].
lésion est plus courte chez la femme que chez l'homme. Le tableau 3.1 présente l'ensemble de ces gènes.

Tabac
Autoimmunité
C'est l'autre élément jouant un rôle dans le développement
d'une PC. Il doit être associé à un autre facteur de risque Parmi les autres causes pouvant générer une PC, les pan-
pour avoir un effet délétère sur le pancréas ; il peut s'agir créatites autoimmunes seront abordées dans un chapitre
de l'alcool ou de causes génétiques. Ainsi, le risque relatif spécifique (chapitre 4). Elles vont représenter 4 % des PC.
d'avoir une PC lorsque le patient fume entre 15 et 20 ciga- Elles sont à l'origine de poussées de pancréatite aiguë à
rettes par jour est de 2 (95 % IC : 1–4,1), le risque augmente répétition associées à des manifestations extrapancréa-
avec l'augmentation de la consommation puisqu'il est de tiques différentes en fonction du sous-type, à savoir des
3,3 si la consommation est supérieure à 25 cigarettes par atteintes hépatiques, rénales, ganglionnaires, vasculaires ou
jour. Toutefois, pour l'instant, aucune durée de consomma- à une maladie inflammatoire chronique de l'intestin (MICI).
tion à partir de laquelle les lésions apparaîtraient n'a pu L'une des particularités de la PC secondaire à une pan-
être identifiée. créatite autoimmune est la présence d'un faible nombre de
calcifications parenchymateuses ou canalaires et de peu de
complications kystiques.
Mutations de gènes
Plusieurs variants de gènes sont impliqués dans le dévelop- Troubles métaboliques
pement des PC dites « génétiques ». Il faudra faire la dif- À côté de la pancréatite autoimmune, il existe des causes
férence entre des gènes de susceptibilité qui vont être des plus rares dites « métaboliques » telles que l'hypercalcémie,
facteurs favorisants et la pancréatite héréditaire liée à la rentrant le plus souvent dans le cadre d'une hyperparathy-
mutation du gène PRSS1. roïdie. L'hypertriglycéridémie a aussi été décrite comme
Pour poser le diagnostic de PC héréditaire, il faut répondre cause de PC, mais elle peut résulter plus probablement d'un
à au moins un des deux critères suivants : être porteur d'une phénomène « d'accompagnement » de l'alcoolisme chro-
mutation du gène PRSS1 et/ou avoir un critère généalogique nique qui sera toujours à rechercher.
avec la présence d'une PC sans étiologie chez au moins deux
apparentés du 1er degré ou trois apparentés au 2nd degré [2, 4, 7]. Radiothérapie
Le gène PRSS1 code pour le trypsinogène cationique. Sa muta-
De manière anecdotique, la radiothérapie de localisation
tion est donc responsable de la pancréatite héréditaire, d'une
abdominale peut induire des séquelles pancréatiques avec
transmission autosomique dominante avec une pénétrance de
lésions de PC. Cette forme est actuellement très rare car les
80 %. Les mutations R122H et N29I sont les plus fréquentes.
protocoles de radiothérapie ont été modifiés, ou du moins
Près de 20 % des cas restent encore sans mutation identifiée.
sont plus précis dans le contournement des organes exclus
Parmi les autres gènes responsables du développement
d'une PC on distingue :
■ le gène SPINK1 est de transmission autosomique réces- Tableau 3.1 Principales anomalies génétiques
sive ; il code pour l'inhibiteur du trypsinogène cationique ; observées chez des patients porteurs d'une
■ le gène CFTR (cystic fibrosis transmembrane conductance pancréatite chronique non alcoolique et leur
regulator) code pour les canaux chlore des cellules cana- fréquence dans la population générale européenne.
laires pancréatiques et d'autres organes. De transmission
Gènes Mutations fréquentes Fréquence au sein
autosomique récessive, cette mutation est présente chez de la population
4 % de la population générale. Il s'agit aussi d'un gène
PRSS1 p.R112H-p.N29I 4 %
facilitateur de pancréatites aiguës à répétition (cha-
pitres 2 et 8). La mutation entraîne une perte de fonction SPINK1 p.N34S 10 %
du canal chlore attestant d'une augmentation de viscosité CPA1 p.V251M, p.N256K 3 %
du suc pancréatique ; CTRC p.G60 homozygote 4 %
■ le gène CTRC code pour la chymotrypsine C, qui est une p.R54W 2 %
enzyme de dégradation de la trypsine. Plusieurs mutations
CFTR p.F508del-p.R117H 10 %
ont été décrites sur ce gène ; elles sont retrouvées chez près
de 4 % des patients porteurs d'une PC non alcooliques. En D'autres gènes ont été impliqués mais plus rarement comme le gène TRPV6,
général, elles provoquent une perte de la fonction de la chy- l'allèle CEL-HYB ou le gène CASR.
72 Traité de pancréatologie

du champ, en ce qui concerne notamment la radiothérapie La toxicité de l'alcool sur le pancréas est la résultante d'un
sur les chaînes ganglionnaires abdominales dans la prise en fait simple : le pancréas, tout comme le foie, assure la méta-
charge de lymphomes ou de cancers testiculaires. bolisation de l'alcool. En effet, il est responsable de 20 % de
la dégradation de l'alcool par l'intermédiaire de l'alcool dés-
Obstruction canalaire hydrogénase et du cytochrome P450. Par l'action de ces deux
Il s'agit de PC obstructives développées en amont d'un obstacle enzymes, l'alcool va être transformé en métabolites toxiques,
canalaire pancréatique (elles sont aussi appelées PC d'amont) en particulier l'acétaldéhyde. Lui-même va être dégradé par
qui pourra être : un adénocarcinome, une tumeur intracana- l'acétaldéhyde déshydrogénase en acide acétique.
laire papillaire et mucineuse du pancréas (TIPMP) – notam- L'alcool va tout d'abord engendrer des dommages au sein
ment du canal principal –, un ampullome ou tout obstacle des cellules acinaires :
réduisant le calibre du canal principal ou faisant obstruction ■ par le biais de la voie du stress oxydatif via l'action de son
à l'écoulement du suc (sténose cicatricielle post-traumatisme, principal métabolite : l'acétaldéhyde ;
pancréas divisum, etc.). On observera un aspect classique de ■ par la voie du stress oxydatif et ce par l'intermédiaire
PC en imagerie avec tendance à l'atrophie mais toujours pré- d'ester éthyle d'acide gras ;
sence de calcifications et d'irrégularités du canal de Wirsung. ■ une autre voie cellulaire va être bloquée, celle du stress du
Enfin 5 à 10 % des PC restent sans cause et sont dites réticulum endoplasmique.
« idiopathiques ». L'alcool va agir aussi au niveau des cellules ductales en
diminuant le nombre d'acides ribonucléiques (ARN) mes-
sagers du gène CFTR. On assiste ainsi à une augmentation
Physiopathologie de la pancréatite de la viscosité du suc pancréatique par diminution du canal
chronique alcoolique chlore/bicarbonate à l'apex des cellules.
La pancréatite chronique se développe lentement sur 10 à Les cellules étoilées du pancréas représentent 4 à 8 % des
15 ans d'intoxication chronique. Même si, classiquement, il cellules ; elles se situent au niveau des espaces périacinaires,
n'y a pas de dose journalière seuil, les chiffres de 40 à 60 g périvasculaires et péricanalaires. Elles sont responsables
d'alcool par jour semblent être minimaux pour induire de la synthèse mais aussi de la dégradation des protéines
des lésions pancréatiques. Ainsi, au fil du temps, le patient composant la matrice extracellulaire ; elles permettent au
est soumis à l'exposition des différents facteurs de risque. pancréas de conserver son intégrité structurelle. L'alcool va
Ceux-ci vont progressivement entraîner des lésions cellu- aussi agir sur les cellules étoilées qui, une fois activées, vont
laires, de l'inflammation et, enfin, de la fibrose. Au fur et à engendrer un infiltrat inflammatoire par le biais de cyto-
mesure que se développent ces lésions, le patient présente des kines ou du TNF (tumor necrosis factor) mais aussi un pro-
symptômes cliniques et développe progressivement des ano- cessus de fibrose via le TGFβ (transforming growth factor β).
malies radiologiques en faveur d'une pancréatite chronique. La figure 3.2 expose les différents effets et conséquences de

Canaux
ALCOOL
CFTR

LYSOSOMES
INFLAMMATION
et FIBROSE
Tabac
Génétique ZYMOGÈNES Acétaldéhyde

Stress oxydatif
Stress du réticulum

Cytokines, TNF
TGFβ

Acini Cellules étoilées

Fig. 3.2 Physiopathologie de la pancréatite chronique alcoolique. L'alcool (flèches rouges) via son métabolite, l'acétaldéhyde, va induire
stress oxydatif, stress du réticulum et activation prématurée des zymogènes (action sur les zymogènes et les lysosomes) sur les cellules acinaires. Il
va aussi agir sur l'ARN, puis sur la protéine CFTR dont la fonction altérée induit une diminution de la sécrétion canalaire pancréatique rendant le
suc plus visqueux. Le stress oxydatif stimule les cellules étoilées qui vont entretenir une inflammation et une production de matrice extracellulaire
et de fibrose (via les cytokines et le TGFβ) (flèches orange). Viennent se rajouter l'effet du tabac (production de cytokines et stress oxydatif) et les
altérations génétiques avec activation enzymatique intrapancréatique (flèches bleues). CFTR : cystic fibrosis transmembrane conductance regula-
tor ; TGFβ : transforming growth factor β ; TNF : tumor necrosis factor.
Chapitre 3. Pancréatite chronique 73

l'alcool sur les cellules acineuses, ductales et étoilées du pan- MUTATION PRSS1 N29I MUTATION PRSS1 R122H
créas mais aussi le rôle du tabac et des mutations géniques.
En effet, en plus de l'alcool il est évident que le rôle du
TRYPSINOGÈNE
tabac est important (la voie nicotinique en particulier) avec +
production de cytokines proinflammatoires (IL-1β, TGFβ), –
induction d'un stress oxydatif via la surexpression de la
PAP (pancreatitis-associated protein) et la surexpression du AUTOACTIVATION DÉGRADATION
gène du procollagène-1 (participant à la constitution de la
fibrose) [11].
Enfin, certaines mutations géniques associées vont aussi +
participer à l'activation enzymatique intrapancréatique TRYPSINE CTRC
inappropriée, responsable de poussées inflammatoires
aiguës sur des lésions chroniques (SPINK1, CLND2, TRPV6
et l'allèle CEL-HYB) [4, 8–10]. –
En synthèse, activation enzymatique intrapancréatique,
MUTATION
inflammation et fibrose coexistent pour entretenir les lésions
canalaires (sténose) et parenchymateuses (destruction fibro- SPINK1
tique progressive), elles-mêmes responsables des manifes- MUTATION N34S
tations cliniques et des complications. De plus, l'atteinte
canalaire et la viscosité du suc augmentent la concentration Fig.  3.3 Physiopathologie des pancréatites chroniques géné-
en protéine de ce dernier, ce qui favorise des précipitations tiques. Dans le cadre de la pancréatite héréditaire, les mutations du
des bouchons protéiques des petits et gros canaux qui secon- gène du trypsinogène cationique PRSS1 vont soit stimuler son autoac-
dairement vont se calcifier : ce sont les calculs pancréatiques. tivation en trypsine, soit réduire sa dégradation (flèches vertes). Dans
le cadre des mutations de CTRC, la chymotrypsine C ne dégradera plus
le trypsinogène qui sera en excès (flèche rose). Enfin, le gène SPINK1
muté réduit la fonction d'inhibiteur trypsique de SPINK1 (flèche rouge).
Physiopathologie des pancréatites La résultante de ces mutations sera l'activation intrapancréatique et
chroniques génétiques prématurée du trypsinogène en trypsine avec lésions inflammatoires
Rappelons que les pancréatites génétiques surviennent dans de pancréatite aiguë.
les suites de mutations de plusieurs gènes.
Les mécanismes physiopathologiques font intervenir
préférentiellement les voies effectrices liées au gène et à la l'intoxication tabagique. Il est situé sur le chromosome 5q, qui
protéine codée d'où une certaine variété et hétérogénéité. code pour une protéine de 56 acides aminés. Cette protéine
Dans le cadre de la PC héréditaire liée à l'atteinte PRSS1, est responsable à l'état « normal » du maintien de l'intégrité
90  % des familles sont porteuses d'une mutation sur le du tissu exocrine. Pour cela, elle va inhiber prématurément
codon 122 (mutation R122H avec substitution d'une argi- l'activation intrapancréatique de la trypsine. Elle est respon-
nine R par une histidine H). La mutation N29I (substitution sable de l'inhibition de 20 % de l'activité trypsique. Ainsi, en
d'une asparagine N par une isoleucine I sur le codon 29) l'absence de cette activité, la transformation « facilitée » intra-
vient ensuite par ordre de fréquence. Les mutations de pancréatique du trypsinogène en trypsine va être un élément
PRSS1 vont être responsables de l'activation du trypsino- déclencheur de pancréatite aiguë par perte de protection de
gène cationique par plusieurs mécanismes dont la dimi- l'autoactivation intrapancréatique de la trypsine. Ce sont vrai-
nution de la dégradation du trypsinogène par le système semblablement des poussées répétées de pancréatite aiguë qui
chymotrypsine C-dépendant (codée par le gène CTRC) et vont progressivement entraîner le développement de la PC
stimulation directe de son autoactivation intrapancréa- par un mécanisme inflammatoire permanent et soutenu [2].
tique. Par exemple, la mutation R122H va désactiver le site La mutation la plus fréquente du gène SPINK1 relève d'une
d'autoclivage de la molécule de trypsine qui elle-même va substitution de l'asparagine N par une sérine S sur l'exon 3
s'accumuler et activer les enzymes pancréatiques en cascade (N34S). Cette mutation est présente à l'état hétérozygote dans
aboutissant à l'autodigestion pancréatique enzymatique environ 1 % de la population générale. La mutation du gène
(Fig.  3.3). Cette autodigestion enzymatique est respon- SPINK1 favorise la survenue de lésions de pancréatite chro-
sable de poussées de pancréatite aiguë dès le plus jeune nique en présence d'autres facteurs qui sont environnemen-
âge des patients. Leur récurrence fait le lit d'une inflam- taux, comme le cannabis ou l'alcool, mais aussi anatomiques,
mation chronique puis d'une fibrose du parenchyme et des comme le pancréas divisum, ou enfin génétiques (notamment
canaux pancréatiques. Les mutations du gène PRSS1 sont au mutations de CFTR, PRSS1 et autres gènes de susceptibilité de
nombre d'une vingtaine (par exemple A16V, D22G, K23R). pancréatites) [2, 12]. La figure 3.3 schématise les mécanismes
Toutefois, la signification pathologique de certaines de ces de survenue des pancréatites aiguës et par la suite de PC
mutations n'est pas encore clairement établie. secondaires à la mutation des gènes PRSS1, CTRC et SPINK1.
Le gène SPINK1 est un gène facilitateur des pancréatites à Les mutations du gène CFTR (localisé sur le bras long du
répétition à l'état hétérozygote dont le mécanisme physiopa- chromosome 7) sont responsables du développement de la
thologique est encore mal connu. Il a été récemment démon- mucoviscidose ; il s'agit d'une maladie autosomique récessive.
tré que les patients porteurs d'une mutation de SPINK1 Ce gène de 27 exons code pour une protéine transmembra-
pouvaient développer des lésions de PC avec pour cofacteur naire de 1 480 acides aminés, la protéine CFTR. Elle est à
74 Traité de pancréatologie

l'origine de la formation d'un canal chlore, AMP-cyclique- créatite aiguë. Par contre, pseudokystes hors pancréatite
dépendant, impliqué dans la sortie des ions chlore de la cel- aiguë, épanchements des séreuses et sténose de la VBP
lule épithéliale. Il s'agit d'un canal qui est exprimé au niveau sont toujours présents ;
de nombreux organes ou tissus tels que le pancréas, les voies ■ au-delà de 10 ans d'évolution de la maladie, les phéno-
biliaires, les poumons, les reins, les organes génitaux et, enfin, mènes douloureux disparaissent puisque le pancréas
l'intestin. La mutation la plus fréquente est la mutation ΔF508 ; devient totalement fibreux, sans inflammation ni acti-
comme son nom l'indique, elle correspond à la perte d'une vation enzymatique possible. À ce stade sont présents de
phénylalanine dans l'exon 10. Il existe plusieurs phénotypes façon majoritaire IPE et diabète.
de mucoviscidose avec une expression clinique plus ou moins Il est évident que les délais et périodes proposés dans ce
sévère en fonction du génotype. Près de 85 % des malades schéma vont dépendre du degré de consommation d'alcool
atteints de mucoviscidose ont une insuffisance pancréatique mais aussi de tabac du patient. En effet, la persistance de
(chapitre 8). Par contre, en cas de mutations hétérozygotes, le l'une ou l'autre des intoxications accélère l'atteinte paren-
gène CFTR muté se comporte comme un gène facilitateur de chymateuse et canalaire. En particulier, même en présence
pancréatites aiguës à répétition. Ces pancréatites surviennent d'un sevrage prolongé en alcool, la poursuite de l'intoxication
chez des patients qui n'ont pas de symptômes « respiratoires » tabagique peut, à elle seule, faire encore progresser les lésions
de mucoviscidose et qui sont le plus souvent dits « suffisants [15, 16].
pancréatiques », c'est-à-dire sans IPE. L'augmentation de vis- À côté de cette évolution de la symptomatologie clinique
cosité du suc pancréatique pourrait être, entre autres, un des du patient, on constate une modification progressive de
mécanismes physiopathogéniques des poussées de pancréatite l'aspect en imagerie. En effet au début, les calcifications sont
aiguë et des lésions chroniques qui sont plus rares. Certaines absentes et l'imagerie classique (tomodensitométrie [TDM]
mutations ont été identifiées comme susceptibles de s'associer ou imagerie par résonance magnétique [IRM]) visualise peu
à des poussées de pancréatite aiguë, notamment l'allèle poly T les lésions. C'est à ce stade que l'échoendoscopie visualisera
[4, 10, 13]. Tout comme le gène SPINK1, l'association à un les irrégularités du canal de Wirsung et l'hétérogénéité du
pancréas divisum favoriserait aussi la survenue des pancréatites parenchyme non calcifié. Par la suite, nous allons visualiser
chez les patients avec mutation peu sévère du gène CFTR [14]. plus clairement, soit en IRM, soit en scanner, une majora-
Des lésions de PC peuvent enfin survenir si les poussées de tion de l'irrégularité canalaire avec l'apparition de sténose(s)
pancréatite aiguë se répètent, l'inflammation laissant place à la et de dilatation(s) et un parenchyme de plus en plus hété-
fibrose. Il y a aussi souvent deux mutations géniques associées rogène. Rappelons que la modification de la viscosité du
comme CFTR et SPINK1 ou CASR et CFTR. suc pancréatique va générer l'apparition des calcifications
En ce qui concerne les autres PC, la physiopathologie est (vues au scanner mais pas à l'IRM qui ne visualisera que
variée allant du ralentissement de la sécrétion pancréatique des lacunes intracanalaires) soit intraparenchymateuses soit
au sein du canal principal en cas d'obstruction, à l'ischémie intracanalaires. Ainsi, l'évolution va se faire vers la pancréa-
et à l'atteinte vasculaire en cas d'hypertriglycéridémie ou de tite chronique calcifiante de manière définitive.
radiothérapie, à l'hypersécrétion et la richesse en calcium La figure 3.4 schématise les différentes étapes de l'histoire
d'un suc visqueux en cas d'hypercalcémie. naturelle de la PC.
En ce qui concerne les PC idiopathiques, on ne sait pas
encore quel peut être le rôle éventuel du tabac seul associé
ou non à la mutation de gènes non connus à ce jour. Diagnostic positif
Histoire naturelle de la PC Diagnostic positif clinique
La PC évolue en trois phases sur le plan des manifestations Douleur
cliniques et des complications. Ces phases sont le reflet de Les phénomènes douloureux sont les manifestations cli-
l'évolution des lésions au cours du temps avec, sur le plan niques les plus fréquentes dans la PC mais 16 à 20 % des
physiopathologique, une diminution progressive des phé- patients n'auront aucune manifestation douloureuse.
nomènes inflammatoires et des lésions canalaires qui font La prévalence de la douleur dans la PC varie entre 60 et
place au développement de la fibrose parenchymateuse : 94 %. Il s'agit d'une douleur qui peut être aiguë ou chro-
■ les cinq premières années sont riches en manifestations nique mais aussi chronique avec des poussées plus aiguës.
cliniques car les patients présentent des douleurs chro- Les mécanismes physiopathologiques impliqués dans le
niques d'origine pancréatique sur lesquelles se greffent développement de la douleur sont multiples, complexes et
de véritables poussées de pancréatite aiguë (chapitre 2). fréquemment intriqués les uns aux autres. La douleur est
Par ailleurs, durant cette période, le patient sera exposé à classiquement la résultante de l'atteinte canalaire (obstacle
des complications en rapport avec les pancréatites aiguës par des calcifications du canal de Wirsung avec sténose,
telles que le développement de pseudokystes et leurs fibrose, sténose sans calcul, compression) et inflammatoire
propres complications. D'autres complications sont aussi du pancréas (pancréatite aiguë, nécrose, pseudokyste). Il se
possibles telles qu'épanchements des séreuses et sténose produit aussi au cours de la PC une augmentation du seuil
de la voie biliaire principale (VBP). L'IPE et/ou endo- d'excitabilité des neurones de la nociception. La nocicep-
crine ne concerne à ce stade que 20 à 30 % des patients ; tion est un phénomène sensoriel qui véhicule le message
■ entre 5 et 10 ans d'évolution, le patient présente toujours et le déterminisme nerveux de la douleur. Le pancréas
des phénomènes douloureux mais ils sont beaucoup contient en effet des neurones nocicepteurs. Dans le cadre
moins fréquents, de même que les poussées de pan- de la PC, une modification morphologique au niveau de
Chapitre 3. Pancréatite chronique 75

100

Douleurs

Probabilité de survenue (%)


80 Pancréatite aiguës
Pseudo-kystes
Ictères
60
Épanchements des séreuses
Diabète
40 Insuffisance exocrine
Calcifications
20

0
1 à 5 ans 5 à 10 ans 10 à 15 ans
Années d'évolution
Fig. 3.4 Histoire naturelle de la pancréatite chronique.

La douleur pancréatique se manifeste surtout pendant les


cinq premières années d'évolution de la PC ; au-delà de ces
cinq ans, près de 57 % des patients ne présentent plus de
phénomènes douloureux. Les caractéristiques de la douleur
sont les suivantes :
■ localisation épigastrique ;
■ irradiation postérieure ;
Sténose canalaire ■ calmée par la position en antéflexion du tronc ;
Calculs
■ déclenchée par la prise alimentaire et/ou les boissons
alcoolisées.
Pseudo-kyste
Rappelons que la douleur aiguë est en général le reflet
Nociception d'une poussée de pancréatite aiguë, volontiers récurrente. Il
pourra s'agir aussi d'une complication au cours de l'évolu-
tion de la PC telle que la rupture d'un pseudokyste ou une
Fig. 3.5 Différents mécanismes de la douleur de la pancréatite
hémorragie intrakystique. À l'inverse, il peut s'agir d'une
chronique. Les neurones nocicepteurs stimulés par l'inflammation et
activés de façon permanente par le phénomène d'allodynie font relais
douleur chronique, permanente, insomniante qui pourra
pour la plupart par les ganglions nerveux céliaques vers l'hypothalamus. être la traduction d'une anomalie canalaire telle qu'une
sténose du canal de Wirsung et/ou son obstruction par des
calcifications mais aussi par un mécanisme « neurogène ».
D'autres pathologies peuvent être aussi responsables de dou-
ces neurones constituant le premier maillon de la douleur leurs abdominales, d'ailleurs plus fréquemment associées à
a été démontrée. Ces modifications et lésions sont entre- la PC dans un contexte d'alcoolotabagie : ulcère gastroduo-
tenues par l'inflammation chronique. Ces fibres nocicep- dénal, angor mésentérique, lithiase biliaire.
tives vont rejoindre la moelle via les ganglions de la racine
postérieure pour transmettre le message aux centres ner-
veux supérieurs de la douleur située au niveau de la région Amaigrissement
thalamique. Les différentes lésions histologiques du paren- L'amaigrissement est le deuxième signe important de la PC.
chyme pancréatique au cours de la PC (inflammation, Cette perte de poids doit alerter le médecin mais est aussi un
fibrose) vont être responsables de la libération de différents signe d'alerte et un motif de consultation du malade (avec
médiateurs tels que la bradykinine ou le TGFβ [3, 17]. Ces la douleur). Sur le plan physiopathologique, cet amaigris-
médiateurs seront donc responsables d'une activation exa- sement peut être en rapport soit avec la réduction volon-
cerbée des nocicepteurs voire d'une hypersensibilité. Ainsi, taire des ingesta dans un contexte de douleurs chroniques
il existe à la fois des lésions inflammatoires nerveuses et (ou aiguës) et/ou l'apparition d'une mal-digestion par une
une augmentation du seuil d'excitabilité des neurones de IPE non diagnostiquée ou mal substituée. L'apparition d'un
la nociception. diabète peut aussi être une des raisons de l'amaigrissement ;
Il existe enfin un troisième phénomène : l'allodynie. Ce on recherchera ainsi en parallèle un syndrome polyuropoly-
dernier correspond à la perception de stimuli non doulou- dypsique. Devant cet amaigrissement, il sera important de
reux, qui sont ressentis comme une véritable douleur [12, 17]. mettre en évidence des carences éventuelles en vitamines
Ainsi, la douleur au cours d'une PC sera de trois types : orga- liposolubles telles que la vitamine D ou la vitamine E, ainsi
nique, nociceptif et allodynique. La figure 3.5 résume les dif- que des oligoéléments. Dans la prise en charge des patients
férents mécanismes de la douleur au cours de la pancréatite porteurs d'une PC, il est donc indispensable à chaque
chronique. consultation de les peser pour évaluer leur courbe de poids.
76 Traité de pancréatologie

Insuffisance pancréatique exocrine Diagnostic positif paraclinique


Elle se développe entre 8 et 15 ans d'évolution d'une PC Biologie
selon son étiologie, mais dans 10 à 13 % des cas, elle est Il n'existe pas d'anomalie biologique spécifique pour le dia-
présente dès le diagnostic de celle-ci. La stéatorrhée ne se gnostic de pancréatite chronique. Les éléments qui seront
développe au plan clinique que si plus de 80 % du paren- étudiés et recherchés vont permettre de déterminer les
chyme pancréatique est altéré. Il existe une corrélation conséquences de la PC et de dépister l'IPE et endocrine.
inverse entre la douleur et la stéatorrhée au cours de l'évo- Les examens biologiques vont finalement aider à l'éta-
lution de la PC. Ainsi, dès que les phénomènes douloureux blissement du bilan étiologique ou à celui du diagnostic des
commencent à s'estomper, l'IPE se majore. Elle se traduit complications.
par une diarrhée graisseuse encore appelée stéatorrhée. On recherchera des stigmates de consommation chro-
Lors de la consultation, le patient décrira des flatulences nique d'alcool pour avoir des arguments sur le plan étio-
invalidantes et des selles comme « collantes et flottantes » logique de la PC tels que l'élévation du chiffre de la γGT,
à la surface de la cuvette des toilettes. Elle va générer un les perturbations du bilan hépatique en cas d'hépatite
amaigrissement des patients par mal-digestion, ainsi que alcoolique ou l'augmentation du volume globulaire moyen
le développement de carences par des troubles de l'absorp- (VGM).
tion des vitamines liposolubles, notamment les vitamines Sur le plan étiologique, la calcémie et la phosphorémie sont
A, D et E avec respectivement une prévalence de 25, 38 et à doser dans le cadre d'une éventuelle hyperparathyroïdie.
17 %. La présence de ces carences va générer une ostéo- Par ailleurs, le dosage de l'élastase fécale dans les selles
pénie chez plus de la moitié des patients et une ostéopo- va permettre de porter le diagnostic d'IPE avec une sensi-
rose chez 30 % d'entre eux. Ainsi, le risque de fracture est bilité variable de 55 % en cas d'IPE modérée et de à 92 % en
2,7 fois plus fréquent que dans la population générale. Plus cas d'IPE sévère. La spécificité est de 90 à 95 %. L'existence
rarement peuvent se produirent aussi lithiase urinaire et d'une IPE est validée en cas de valeur d'élastase fécale
néphropathie oxalique. inférieur à 200  μg/g de selles. Il faut noter que la prise
d'extraits pancréatiques ne perturbe et ne fausse pas ce test
Diabète qui est à réaliser seulement sur un échantillon de selle d'un
Le diabète est une des complications majeures de la PC. Il seul jour.
peut être notamment le mode de révélation de celle-ci dans La stéatorrhée est aussi un test fécal mais qui est diffi-
le cas de formes non douloureuses. La prévalence du diabète cile à mettre en œuvre en pratique courante compte tenu du
au diagnostic de la PC varie entre 10 et 33 % selon les séries. régime riche en graisse (au moins 50 g de beurre) prescrit
Le mécanisme du diabète au cours de la PC est lié à une avant et pendant le recueil des selles des 24 heures, fait sur
diminution des capacités de sécrétion de l'insuline mais aussi trois jours. La stéatorrhée est confirmée si elle est supérieure
du glucagon. Il s'agit d'un diabète pancréatoprive ; selon la à 7 g par 24 heures.
classification actuelle, il s'agira d'un diabète de type IIIc. Le L'exploration de l'IPE doit s'accompagner de l'évaluation
risque de développer un diabète est d'autant plus important des conséquences nutritionnelles liées à la mal-digestion des
si le patient fait l'objet d'une chirurgie d'exérèse pancréa- graisses, notamment des vitamines liposolubles. Un dosage
tique. Ainsi, la réalisation d'une pancréatectomie caudale des vitamines  A, D, E et du temps de prothrombine est
augmente le risque de développer un diabète avec une fré- indispensable. La carence en vitamine D doit automatique-
quence de 57 % par rapport à la duodénopancréatectomie ment s'accompagner d'une ostéodensitométrie osseuse pour
céphalique dont la fréquence est chiffrée à 36 % (chapitre 9). rechercher une ostéoporose ou une ostéomalacie secondaire
Le tabac ainsi que la présence de nombreuses calcifications à la maldigestion.
du parenchyme pancréatique (témoignant de l'aspect évolué Sur le plan des oligoéléments, le sélénium joue un rôle
des lésions) sont aussi des facteurs favorisants. Les patients important dans la physiopathologie de la PC. Le sélénium
sont exposés aux risques de complications du diabète à type agit comme cofacteur des enzymes antioxydants dont le rôle
de microangiopathies avec le développement d'une néphro- est de protéger l'organisme contre l'agression des radicaux
pathie et/ou d'une rétinopathie. Le risque de neuropathie libres (en association avec la vitamine E). En synthèse, la
existe, bien sûr, mais ses manifestations pourront être majo- carence en sélénium joue un rôle dans le stress oxydatif et la
rées par la consommation chronique d'alcool et le dévelop- formation de radicaux libres responsables, entre autres, des
pement de la neuropathie alcoolique surajoutée. phénomènes inflammatoires au cours de la PC quelle qu'en
soit la cause [19].
Le diabète sera à dépister par un dosage de la glycémie
Complications de la PC à jeun et/ou 2 heures après une dose de charge en glucose
Elles sont fréquentes et peuvent être le mode de décou- (ou le repas). Il se définit par un taux de glycémie supé-
verte de la maladie. Elles vont faire l'objet d'une partie rieur à 1,26 g/L (soit 7 mmol/L), soit à jeun, soit 2 heures
spécifique de ce chapitre (« Diagnostic des complications après la dose de charge en glucose (75 g). On mesurera le
et leurs conséquences »). Parmi elle, on évoquera, entre plus souvent une glycémie supérieure ou égale à 2 g/L ou
autres, les pancréatites aiguës, les pseudokystes secon- 11 mmol/L. On explorera son équilibre sur les 3 mois pré-
daires aux pancréatites aiguës elles-mêmes ou secondaires cédents par un dosage du pourcentage de l'hémoglobine
aux lésions de PC (pseudokystes par rétention), l'ictère, les glyquée à jeun (dont la valeur est normalement inférieure
épanchements ou les hémorragies, soit intrakystiques, soit à 6 %). Il peut être recommandé de réaliser ce dosage de
digestives [17, 18]. l'hémoglobine glyquée tous les 6 mois.
Chapitre 3. Pancréatite chronique 77

Les autres examens biologiques pratiqués sont faits pour du canal de Wirsung ou, à l'inverse, d'une sténose ou, enfin,
dépister d'éventuelles complications notamment biliaires l'existence de formations kystiques. Il peut exister aussi une
avec la présence de perturbations du bilan hépatique (cho- modification de son contour avec notamment une perte de ses
lestase anictérique) sans forcément avoir de manifestation lobulations. Le scanner permet de préciser la présence de calci-
clinique telle que l'ictère ou l'angiocholite. fications canalaires ou parenchymateuses, ce qui donnera tout
Pour le bilan étiologique, une analyse génétique pourra être son sens au terme de PC calcifiante. Par ailleurs, on mesurera
enfin réalisée avec le consentement éclairé et écrit du patient. la dilatation du canal de Wirsung, valeur qui sera intéressante
dans le cadre de l'approche physiopathologique de la douleur
Examens complémentaires (sténose ? dilatation ?) et d'un projet de mise en place d'une
Cliché de l'abdomen sans préparation prothèse pancréatique ou d'une dérivation wirsungojéjunale
chirurgicale (chapitre 9). Le scanner est le meilleur examen
Le cliché de l'abdomen sans préparation est un examen qui pour mettre en évidence de possibles complications telles que
est à l'heure actuelle très peu pratiqué. Historiquement, il la présence de pseudokystes, d'un pseudoanévrysme artériel
permet de mettre en évidence au niveau de l'aire pancréa- ou d'une dystrophie kystique de la paroi duodénale (et d'une
tique D11-L1 des calcifications qui seront canalaires et/ou pancréatite paraduodénale) ou d'une hémorragie intrakys-
parenchymateuses (Fig. 3.6). tique. Parmi ces complications, le scanner permet aussi de
mettre en évidence une thrombose portale ou du tronc splé-
Échographie abdominale nomésaraïque avec le développement d'une hypertension por-
L'échographie abdominale sera l'examen à pratiquer en prio- tale segmentaire. Enfin, la pancréatite aiguë est fréquente au
rité devant un patient ictérique pour rechercher une dilata- cours de la PC (cinq premières années) : là encore, le scanner
tion des voies biliaire intra- et extrahépatique. L'exploration trouve sa place pour permettre d'en préciser la gravité et ses
du parenchyme pancréatique est plus difficile compte tenu complications (chapitre 2) [20] (Fig. 3.7).
de la situation anatomique du pancréas et des nombreuses
interpositions gazeuses. Il s'agit d'un examen qui ne sera Cholangiopancréatographie
utile que pour voir les répercussions de la PC sur l'arbre par résonance magnétique
biliaire ou le diagnostic et/ou faire le suivi d'un pseudokyste La cholangiopancréatographie par résonance magnétique
de grande taille. (CPRM) est une technique non invasive d'exploration des
voies biliaires et des canaux pancréatiques. Elle va permettre
TDM abdominale une description des anomalies canalaires et parenchyma-
La TDM abdominale est à pratiquer sans et avec injection de teuses. Il faut savoir qu'il n'y a aucun intérêt à la réalisation
produit de contraste. L'absence d'injection permet d'identifier d'une IRM pour l'analyse des calcifications car elles apparaî-
des calcifications qui seront soit canalaires, soit parenchyma- tront, ou plutôt elles se manifesteront, sous la forme de lacunes
teuses. L'analyse de la glande pancréatique se fera ensuite avec au sein des canaux (le calcium ne résonne pas à analyse IRM).
injection de produit de contraste. Dans le cadre d'une PC, il Par ailleurs, elle va permettre la réalisation d'images de recons-
faut analyser le parenchyme et les canaux pancréatiques. On truction des structures canalaires afin de mieux visualiser les
recherchera des anomalies parenchymateuses telles qu'une sténoses ou les dilatations. La wirsungo-IRM est la technique
augmentation de volume de la glande ou, à l'inverse, une atro- d'imagerie qui permet une bonne analyse des structures cana-
phie, la présence d'une anomalie canalaire avec une dilatation laires : aspect moniliforme du canal principal, dilatation des
canaux secondaires, sténose(s) et parfois mise en évidence
d'un pancréas divisum associé ou non à un santorinicèle ou
encore à une fistule pancréatique (Fig. 3.8).

Échoendoscopie
L'échoendoscopie est une technique d'imagerie qui, rappe-
lons-le, est plus invasive car elle se pratique sous anesthésie
générale et par un opérateur expérimenté (chapitre 1). Elle
aura un but diagnostique et parfois thérapeutique (drai-
nages, infiltration antalgique). Il s'agit de l'examen de réfé-
rence pour le diagnostic de PC débutante.
Les signes à reconnaître sur le plan parenchymateux sont :
■ l'hétérogénéité du parenchyme diffus ou localisé se
traduisant par la présence d'une alternance de plages
hypoéchogènes et de travées hyperéchogènes (pouvant
respectivement refléter inflammation et fibrose) ;
■ la présence de spots hyperéchogènes sans ou avec cône
Fig. 3.6 Calcification de l'ensemble du pancréas au cliché radio-
logique de l'abdomen sans préparation. Les calcifications typiques
d'ombre ;
de la pancréatite chronique sont montrées par les flèches blanches : ■ une majoration de la lobularité corporéocaudale ;
il y a deux prothèses biliaires (pour une sténose de la voie biliaire) et ■ la présence de lésions kystiques de petite taille (1 à 2 cm)
une prothèse pancréatique (sténose du canal de Wirsung) qui sont correspondant à des pseudokystes par rétention (rupture
montrées par les flèches en pointillé. canalaire et/ou acinaire intraparenchymateuse).
78 Traité de pancréatologie

A B

C D
Fig. 3.7 Vues scanographiques de pancréatites chroniques. A. Calcifications diffuses avec parenchyme atrophique et dilatation du canal de
Wirsung (flèche blanche). B. Tête du pancréas inflammatoire et calcifiée (flèche blanche).
C. Pancréas avec parenchyme hétérogène et petites calcifications. D. Reconstruction MinIP (chapitre 1) pour visualisation du canal de Wirsung
dilaté (flèches blanches).

A B

C D
Fig. 3.8 Vues en IRM de pancréatites chroniques. A. Alternance sténoses et dilatation du canal de Wirsung (flèches blanches). B. Volumineux
calcul de la tête (flèche blanche) avec dilatation du canal de Wirsung et des canaux secondaires (flèche blanche en pointillé) en amont.
C. Pancréas atrophique avec dilatation du canal de Wirsung (flèche blanche). D. Même patient avec vue en CP-IRM : canal de Wirsung dilaté avec
multiples calculs (images de soustraction : flèches blanches).
Chapitre 3. Pancréatite chronique 79

Sur le plan canalaire, on s'attachera à mettre en évidence : L'échoendoscopie permet à cet effet la réalisation d'une
■ la présence de spots hyperéchogènes en intracanalaire ponction. Cette ponction peut intéresser le parenchyme
(calculs pancréatiques) ; pour une analyse anatomopathologique, notamment
■ l'aspect moniliforme du canal de Wirsung (irrégularité lorsque nous sommes confrontés à l'existence d'un aspect
du calibre) ; pseudotumoral du pancréas. La ponction permet de pré-
■ l'aspect hyperéchogène de la paroi du canal de Wirsung ; lever ou d'évacuer des lésions kystiques et d'en faire une
■ la dilatation du canal principal et/ou des canaux analyse biochimique, cytologique et des marqueurs tumo-
secondaires. raux afin d'avoir un diagnostic précis du type de kyste, c'est-
La classification de Rosemont est issue de l'exploration à-dire de déterminer s'il s'agit d'un pseudokyste ou de lésions
en échoendoscopie d'un pancréas présentant des lésions de kystiques vraies associées (notamment TIPMP) (chapitre 5).
PC. Vont être décrits des critères majeurs et mineurs qui Sur le plan thérapeutique, l'échoendoscopie est indis-
sont issus de la description des analyses du parenchyme et pensable pour le drainage endoscopique des pseudokystes
des canaux pancréatiques. À partir de cette classification a compressifs ou persistants. Mais elle peut également jouer
été créé un organigramme pour poser ou non le diagnostic un rôle dans la prise en charge de la douleur avec la réa-
positif de PC [21]. Il est difficile de l'appliquer en pratique lisation d'une infiltration du plexus cœliaque par de la
mais il faut retenir que la présence à la fois de signes paren- ropivacaïne (Naropeine® ) suivie éventuellement de cor-
chymateux et canalaires doit être exigée pour porter le dia- ticoïdes (l'injection d'alcool absolu étant surtout réservée
gnostic de PC débutante (Fig. 3.9). En effet, certains signes aux douleurs solaires de l'adénocarcinome pancréatique :
parenchymateux peuvent se rencontrer lors d'une pancréa- chapitre 6).
tite aiguë récente et feront porter à tort le diagnostic de PC. À noter que les signes radiologiques et échoendosco-
À un stade plus avancé de la PC, l'échoendoscopie n'a pas piques de la pancréatite autoimmune sont assez spécifiques
d'intérêt sauf pour le diagnostic d'éventuelles complications et différent radicalement des signes observés lors de la PC
biliaires, kystiques (pseudokyste ou dystrophie kystique de alcoolique, génétique ou idiopathique. Cela fait l'objet d'un
la paroi duodénale) ou vasculaire voire une lésion tissulaire chapitre différent (chapitre 4) avec une description exhaus-
suspecte. tive de la sémiologie radiologique.

A B

C D
Fig.  3.9 Vues en échoendoscopie de pancréatites chroniques débutantes et avancées. A, B.  Pancréatites chroniques débutantes avec
aspect hétérogène typique du parenchyme (flèches blanches) et épaississement des parois du canal principal moniliforme (flèche blanche en
pointillé). C, D. Pancréatites chroniques évoluées avec calcifications intraparenchymateuses ou du canal principal (flèches blanches en pointillé).
80 Traité de pancréatologie

Douleurs Homme 40 ans


Pancréatite aiguë Alcoolique chronique
Pseudo-kyste…

Glycémie, Élastase fécale, Scanner


Endoscopie digestive haute

Anomalies présentes : Normaux


- Calcifications
- Anomalies canalaires Écho-endoscopie Normales
- Diabète, IPE CPRM

Diagnostic
Pancréatite chronique différentiel ?

Fig. 3.10 Algorithme de prise en charge diagnostique de la pancréatite chronique. NB : l'endoscopie digestive haute permet le diagnostic
d'une pathologie ulcéreuse gastroduodénale, soit comme diagnostic différentiel de la douleur soit comme affection associée à la pancréatite
chronique). CPRM : cholangio-pancréato-graphie par résonance magnétique ; IPE : insuffisance pancréatique exocrine.

Cholangiopancréatographie par voie rétrograde la calcémie, de la phosphorémie, des triglycérides, du taux


endoscopique d'IgG4 associé à une électrophorèse de protides pour quan-
La cholangio-pancréato-graphie par voie rétrograde endos- tifier le taux des gammaglobulines. En l'absence d'étiologie
copique (CPRE) est à l'heure actuelle un examen réalisé à après ce premier bilan on pourra parler de PC idiopathique,
visée thérapeutique uniquement et non à visée diagnos- mais des examens génétiques seront demandés (gène PRSS1
tique. Elle a été supplantée pour cela par l'IRM pancréatique. et gènes de susceptibilité comme CFTR, SPINK1 etc.), après
L'opacification du canal de Wirsung et/ou des voies biliaires consentement éclairé et signé du patient. Ce bilan sera d'au-
par voie rétrograde permet de rechercher des anomalies cana- tant plus pertinent qu'il existera des antécédents familiaux.
laires telles que des sténoses et calculs obstructifs. Elle permet Sur le plan étiologique, l'alcool étant le principal facteur
surtout l'extraction de calculs et la mise en place de prothèses, de risque dans le développement d'une PC, l'interrogatoire et
le plus souvent plastiques, pour assurer un calibrage de la sté- l'enquête diététique seront primordiales. Malheureusement,
nose canalaire. Il s'agit d'un examen de choix dans la prise en la quantité et la durée de consommation restent difficiles à
charge de la douleur pancréatique au cours de la PC en sup- déterminer compte tenu d'une susceptibilité individuelle très
primant l'hyperpression intracanalaire. Elle permettra aussi variable quant aux lésions pancréatiques [17]. En moyenne, il
le traitement de l'ictère par sténose de la voie biliaire afin de est suggéré une consommation supérieure à 80 g par jour sur
prévenir la cirrhose biliaire secondaire (chapitre 9). une période minimale de 6 ans (en général 10 à 15 ans chez
La figure 3.10 dresse un algorithme pour le diagnostic de la l'homme et 8 à 11 ans chez la femme). La consommation de
PC chez un patient présentant des douleurs de type pancréa- tabac associée accélérerait les dégâts de l'alcool sur le pancréas
tique avec amaigrissement et parfois IPE et/ou endocrine. Le [15, 19]. L'implication de l'alcool dans le développement des
diagnostic repose sur l'imagerie incluant l'échoendoscopie lésions va donc nécessiter un interrogatoire précis du patient
pour mettre en évidence des calcifications pancréatiques pour établir sa consommation ainsi que la consommation de
(pathognomoniques) et/ou des anomalies canalaires (dilata- tabac. On recherchera bien sûr des signes cliniques d'impré-
tion des canaux secondaires, aspect moniliforme du canal de gnation alcoolique tels qu'une hypertrophie des parotides,
Wirsung, sténose[s], calculs) et parenchymateuses pancréa- érythrose palmaire, nervosisme, troubles du sommeil, cauche-
tiques (hétérogénéité, kystes, calcifications, atrophie). Il est mars (professionnels et zoopsiques), crampes nocturnes et les
à noter dans cet algorithme que l'endoscopie digestive haute signes de dépendance (tremblements matinaux, prise d'alcool
devra être proposée s'il y a un moindre doute sur la nature de matinale systématique, etc.) ou de signes de sevrage lors d'une
la douleur abdominale. En d'autres termes, il faudra élimi- hospitalisation. Enfin, sur le plan biologique, les perturbations
ner toute pathologie gastroduodénale, ce d'autant plus que la du bilan hépatique (signes d'hépatite alcoolique aiguë), l'aug-
pathologie ulcéreuse peut être associée aussi à la PC. mentation du VGM, l'augmentation du taux de triglycérides,
d'acide urique et le dosage de la CDT (carbohydrate-deficient
transferrin) seront utiles. Rappelons que l'alcool représente
Diagnostic étiologique entre 60 et 90 % des étiologies de PC (l'encadré 3.1 résume les
principales caractéristiques de la PC alcoolique).
Le bilan étiologique d'une PC visera tout d'abord à préciser Le scanner abdominal est l'examen d'imagerie utile pour
au mieux la consommation d'alcool et de tabac ainsi que les rechercher une cause obstructive (TIPMP, sténose canalaire,
antécédents personnels ou familiaux de pancréatite aiguë tumeur ampullaire, etc.), des signes évocateurs de pancréa-
ou de PC. Un bilan sanguin sera effectué avec un dosage de tite autoimmune ou une malformation du pancréas.
Chapitre 3. Pancréatite chronique 81

Encadré 3.1. À propos de la pancréatite chronique alcoolique



Terrain : homme de la quarantaine avec intoxication alcoolique magnétique (CP-IRM) et échoendoscopie dans les formes sans
chronique (plus de 80 g/j pendant 15 ans) mais aussi tabagique. calcifications.

Signes cardinaux : douleur, amaigrissement, diabète et IPE. ■
Traitement  : arrêt de l'alcool et du tabac, traitement de la

Histoire naturelle  : les premières années sont occupées par des douleur par antalgiques (stratégie step-up, multidisciplinaire
douleurs, pancréatites aiguës, complications (pseudokystes, sténose et risque de dépendance aux opiacés) et adjuvants mais aussi
voie biliaire, épanchements des séreuses) qui vont faire place au interventions endoscopiques ou chirurgicales, traitement
diabète et à l'IPE dont la fréquence augmente au cours du temps. Ils du diabète, prescription d'extraits pancréatiques, support
seront seuls présents après 10 ans d'évolution de la maladie. vitaminique et nutritionnel, traitement des complications.

Diagnostic  : contexte, diabète, chute du taux de l'élastase ■
Évolution et pronostic : risque de cancer du pancréas et mortalité
fécale, calcifications, dilatations et sténoses du canal principal spécifique de la maladie faibles mais mortalité imputable aux
au scanner, anomalies parenchymateuses et canalaires à la affections du contexte (cancers oto-rhino-laryngologiques
cholangio-pancréato-graphie par imagerie par résonance [ORL], œsophage, etc.) et à l'hépatopathie alcoolique.

Depuis quelques années est apparue une nouvelle entité ■ d'une histoire familiale de pancréatite chez un apparenté
responsable du développement d'une PC : la pancréatite du premier ou du second degré.
autoimmune. Elle va faire l'objet d'un chapitre complet pour La recherche d'anomalies génétiques sur les gènes PRSS1,
son diagnostic et son traitement spécifique (chapitre 5). SPINK1, CFTR, CTRC sera systématiquement réalisée. Se
Les causes génétiques seront à rechercher systématique- sont rajoutés au fil des années d'autres gènes mutés comme
ment en cas : CASR, CPA1, TRPV6 et allèle HYB. La figure 3.11 montre
■ de poussée de pancréatite aiguë chez l'enfant (deux pics des anomalies radiologiques observées chez des personnes
pour la pancréatite héréditaire à 5 ans et 17 ans) ; porteuses de pancréatites génétiques incluant une pan-
■ de poussée de pancréatite aiguë à répétition et idiopa- créatite héréditaire. L'encadré  3.2 résume les principales
thique, notamment chez le sujet jeune de moins de 35 ans ; caractéristiques de la PC héréditaire due à la mutation du
■ de pancréatite chronique a priori idiopathique ; gène PRSS1.

A B

C D
Fig. 3.11 Vues en IRM de pancréatites chroniques génétiques. A. Dilatation du canal de Wirsung avec calcul intracanalaire (flèche blanche)
chez un patient âgé de 25 ans, porteur d'une pancréatite chronique héréditaire (mutation de PRSS1). B. Sténose du canal de Wirsung céphalique
(flèche blanche) chez un patient âgé de 26 ans porteur d'une pancréatite chronique génétique (mutation de SPINK1).
C. Atteinte avancée de pancréatite chronique chez une patiente porteuse d'une mucoviscidose (flèche blanche). D. Patiente avec un calcul cépha-
lique (flèche blanche en pointillé) avec dilatation du canal de Wirsung d'amont (flèche blanche) (pancréatite chronique génétique avec mutation
de l'allèle CEL-HYB).
82 Traité de pancréatologie

Dans la population pédiatrique, près de 10 à 15 % des des sténoses bénignes du canal de Wirsung, elles pourront
patients porteurs d'une mucoviscidose sont diagnostiqués être dues soit à des séquelles traumatiques, soit à une pancréa-
par des poussées récurrentes de pancréatites aiguës avec le tite aiguë grave avec déconnexion (chapitre 2), à un ampul-
développement d'une PC. lome bénin ou malin, à un pancréas divisum par sténose de la
Plus rarement, il existe des PC dites « métaboliques » liées papille mineure avec santorinicèle (chapitre 8) (Fig. 3.12) ou à
soit à l'hypercalcémie secondaire à une hyperparathyroïdie, la radiothérapie. Parmi les causes obstructives, on relève aussi
soit, de façon anecdotique, à l'hypertriglycéridémie. le mucus produit au cours des TIPMP induisant un ralentis-
Dans le cadre des pancréatites chroniques obstructives, sement de l'évacuation du suc pancréatique pouvant générer
nous rechercherons la sténose canalaire ou son obstruc- des poussées de pancréatite aiguë ou des lésions de PC.
tion. Chez un patient de plus de 55 ans, il faudra en premier Enfin, existe dans près de 10 % des cas une pancréatite
rechercher un adénocarcinome avec développement proche chronique idiopathique pour laquelle le bilan étiologique
du canal principal et des lésions de PC d'amont. Dans le cadre est négatif. Ce diagnostic est d'élimination pour lequel il

Encadré 3.2. À propos de la pancréatite chronique héréditaire



Contexte  : maladies génétiques à transmission autosomique ■
Traitement  : identique à toute pancréatite chronique avec
dominante liée à une mutation du gène PRSS1 codant pour une approche multidisciplinaire, y compris l'endoscopie, sans
le trypsinogène cationique et avec une pénétrance élevée, de oublier la dimension de conseil génétique, psychologique et
l'ordre de 80 à 90 % (moins d'1 % des pancréatites chroniques). sociale. L'alcool et le tabac sont à proscrire.

Signes et histoire naturelle : douleur et pancréatites aiguës dès ■
Évolution et pronostic : suivi dans un centre expert (réseau des
l'enfance avec deux pics à 5 et 17 ans (âge médian : 10 ans), maladies rares du pancréas « réseau Paradis » : www.fimatho.
évolution vers le diabète et IPE avec retard staturopondéral. fr), risque de cancer du pancréas élevé, surtout à partir de l'âge

Diagnostic : mise en évidence d'une mutation germinale d'une de 50 ans avec risque cumulé de 50 % après 70 ans.
mutation de PRSS1 (les plus fréquentes R122H et N29I) ou ■
Protocole national de Diagnostic et de Soins à https://www.has-
existence d'un critère généalogique, soit la présence d'une sante.fr/jcms/p_3225352/fr/pancreatite-chronique-hereditaire
pancréatite chronique chez au moins deux apparentés au
premier degré ou au moins trois apparentés au second degré,
en l'absence d'autres facteurs (en particulier alcool).

A B

C D
Fig. 3.12 Vues en imagerie de pancréatites chroniques d'amont (obstructives) sur pancréas divisum avec sténose de la papille acces-
soire et santorinicèle. A, B. Vues en coupe et séquences de CP-IRM d'une pancréatite chronique développée sur pancréas ventral (canal de
Wirsung moniliforme et dilatation des canaux secondaires pancréatiques : flèches blanches). C, D. Santorinicèle (flèches blanches en pointillé) et
pancréatite chronique en amont d'une sténose de la papille accessoire.
Chapitre 3. Pancréatite chronique 83

Tableau 3.2 Étiologies des pancréatites chroniques. tation initiale sur le plan radiologique correspond à une
augmentation diffuse ou localisée du volume de la glande
Alcool : 80 %
pancréatique associée à une perte de la lobulation. Cet
Idiopathique : 10 % aspect est mis en évidence avant un traitement spécifique
Autres : 10 % (corticothérapie en général puis immunosuppresseurs) et
• auto-immune disparaît avec lui.
• génétique : PRSS1 (héréditaire), SPINK1, CFTR, CTRC, CASR, On regroupera donc sous le terme de PC pseudotumorale
CLDN2 et CPA1 toutes les formes de PC présentant une hypertrophie tissu-
• hypercalcémie
laire ou tissulaire et kystique localisée ou diffuse du paren-
• obstructive : tumeur pancréatique ou ampullaire, TIPMP,
sténose canalaire bénigne chyme pancréatique. Cet aspect va nécessiter la réalisation
• radiothérapie abdominale d'investigations complémentaires comme la pratique d'une
échoendoscopie avec cytoponction, En effet, le principal
TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas.
diagnostic différentiel de cette entité est l'adénocarcinome
pancréatique.
ne faudra pas hésiter à refaire les explorations pour ne pas Sur le plan clinique, une PC pseudotumorale présente les
méconnaître une cause obstructive chronique ou autoim- mêmes manifestations cliniques qu'une PC classique, sauf
mune (Tableau 3.2). qu'il peut y avoir des signes d'occlusion haute par sténose
duodénale d'une forme pseudotumorale céphalique. En
revanche, sur le plan radiologique sera observé un aspect
Formes particulières de masse tissulaire pancréatique (Fig. 3.13). C'est cet aspect
et diagnostic différentiel radiologique de masse du pancréas qui doit faire évo-
quer soit le diagnostic différentiel avec l'adénocarcinome
Pancréatite chronique pseudotumorale pancréatique, soit le développement d'adénocarcinome
La forme pseudotumorale des PC calcifiantes est une entité pancréatique sur PC. Ce diagnostic différentiel reste très
relativement mal identifiée et peu décrite. Cet adjectif est difficile à faire en pratique. La prise en charge thérapeutique
souvent associé aux formes autoimmunes dont la présen- est similaire à la PC classique. Elle nécessitera la prescription

A B

C D
Fig.  3.13 Vues de pancréatites chroniques pseudotumorales. A-D.  Vues en coupe de pancréatites chroniques pseudotumorales (tissu et
kystes) de la tête du pancréas (flèches blanches).
84 Traité de pancréatologie

d'extraits pancréatiques et le traitement de différents symp-


tômes tels que la douleur ou l'ictère. De plus, pour retenir
le diagnostic de PC pseudotumorale, il faudra suivre le
patient et la masse pancréatique en réitérant examens cli-
3
niques, biologiques voire les prélèvements histologiques par
échoendoscopie en cas de doute sur le diagnostic [22, 23]. K
L'analyse de biologie moléculaire est importante dans ce
S
cadre avec recherche de mutation de l'oncogène KRAS qui P
est exempte de la PC pseudotumorale alors que sa présence
plaidera pour la transformation carcinomateuse. Au-delà de
cette forme, un cancer de la tête ou du corps du pancréas *
avec une PC obstructive d'amont peut aussi coexister ; là
aussi, la ponction sera importante après l'imagerie en coupe.

Pancréatite paraduodénale
Le terme de pancréatite paraduodénale regroupe actuelle-
ment d'anciennes entités telles que la dystrophie kystique
Fig. 3.14 Schématisation des lésions observées lors d'une pan-
de la paroi duodénale sur pancréas aberrant (DKPA), la
créatite paraduodénale associée à une pancréatite chronique.
pancréatite du sillon duodénopancréatique, le kyste duo- Le duodénum est le siège d'une atteinte inflammatoire (zone bleue :
dénal périampullaire, la myomatose ou l'hamartome du flèches noires) en particulier au niveau de la partie supérieure du D2. Le
duodénum. Il s'agit d'une entité pour laquelle il reste de ou les kystes (K : bleu clair) se développent au niveau de la paroi duo-
nombreuses interrogations sur le plan de son incidence et dénale sur pancréas aberrant. L'inflammation de la jante duodénale
de sa prévalence mais aussi sur le plan de sa physiopatho- (pancréatite du sillon  : zone rouge) va occasionner des phénomènes
logie et de son évolution. Sur le plan épidémiologique, il sténotiques du canal de Santorini (S) et de Wirsung (P) (et, parfois, du
s'agit le plus souvent d'hommes, volontiers alcooliques et canal cholédoque). Des pseudokystes céphaliques sont aussi associés
tabagiques, qui présentent en association une pancréatite (cercle vert : étoile noire).
chronique dans 60 à 70 % des cas mais la pancréatite para-
duodénale peut aussi survenir en l'absence de cofacteurs pancréatique, la présence d'une à plusieurs images kystiques
exogènes ou locaux (souvent chez la femme, en dehors de à l'intérieur du sillon et dans la paroi duodénale, des lésions
toute consommation d'alcool et de tabac). Sur le plan phy- de type « pancréatite chronique » sur la tête du pancréas avec
siopathologique, elle serait en rapport avec la présence de fibrose (caractérisée par un rehaussement tardif duodéno-
tissu pancréatique aberrant dans la paroi duodénale (cha- pancréatique après injection de produit de contraste), calci-
pitre 8). Ce tissu, siège d'une inflammation volontiers accé- fications et pseudokystes (Fig. 3.15 et 3.16). D'autres signes
lérée par l'alcool et le tabac, va être responsable au niveau peuvent être associés comme la densification de la graisse
du duodénum, plus précisément au voisinage de la papille péricéphalique pancréatique en cas de poussée de pancréa-
accessoire, d'une inflammation, de fibrose et d'une dila- tite aiguë localisée à la gouttière duodénopancréatique, la
tation kystique (faites de structures ductales et acinaires) sténose duodénale avec ou sans distension gastrique, l'épan-
allant de 1 à 3 cm de diamètre. On va observer également chement liquidien périduodénal, les adénomégalies régio-
ces phénomènes inflammatoires au niveau du cadre duodé- nales. Les lésions kystiques et les canaux dilatés au sein de
nal voire sur la tête du pancréas, au niveau de la jante avec la gouttière ou de la paroi duodénale sont mieux visualisés
possibilité de sténose du canal principal, du cholédoque et en IRM sur les séquences en pondération T2 (Fig. 3.15).
de la lumière duodénale. La figure 3.14 résume l'ensemble L'échoendoscopie avec ou sans cytoponction joue un rôle
des lésions se produisant toutes ou en partie au cours de la clé à la fois dans le diagnostic, le diagnostic différentiel et
pancréatite paraduodénale. thérapeutique. Ainsi, l'examen permettra de décrire un
Cette affection s'associe essentiellement à la PC alcoo- épaississement duodénal bien distinct du parenchyme pan-
lique. Les formes symptomatiques sont surtout localisées créatique adjacent (qu'il soit normal ou inflammatoire dans
au niveau du duodénum, plus rarement au niveau gastrique le cas respectivement d'une forme pure ou diffuse). Au sein
(antre > fundus). de cet épaississement, les lésions kystiques, le plus souvent
Sur le plan clinique, le patient va présenter un syndrome sous-muqueuses, sont bien individualisées et mesurées.
douloureux abdominal de type pancréatique qui va s'asso- Elles sont différentes du ou des pseudokystes pancréatiques
cier à un syndrome occlusif avec des nausées, des vomisse- qui, pour leur part, sont dépendants du pancréas (Fig. 3.16).
ments ou une sensation de pesanteur épigastrique évoquant La cytoponction sera à réaliser pour éliminer le diagnostic
une obstruction duodénale. Sur le plan biologique, on différentiel avec un adénocarcinome céphalique pancréa-
recherchera des signes de déshydratation, une cholestase, tique ou avec une TIPMP. La prise en charge thérapeutique
des stigmates de dénutrition, si les phénomènes évoluent peut être médicale et/ou chirurgicale. Le traitement médical
depuis plusieurs mois, et d'une éventuelle réaction dite a pour objectif de prendre en charge les complications liées
« pancréatitique » avec hyperlipasémie. à la pancréatite paraduodénale en traitant les vomissements,
L'imagerie est essentiellement dominée par le scanner la déshydratation, la dénutrition et la douleur en association
(TDM) et l'IRM. Elle permet d'objectiver un épaississe- au sevrage de l'alcool et du tabac. On peut envisager un trai-
ment pariétal du deuxième duodénum sur son versant tement par endoscopie (fenestration, prothèse intrakystique
Chapitre 3. Pancréatite chronique 85

A B

C D
Fig. 3.15 Vues radiologiques de pancréatites paraduodénales. A, B. Aspect inflammatoire du sillon duodénopancréatique (flèches blanches).
C, D. Vues en coupe et CP-IRM de multiples lésions kystiques pariétales duodénales (flèches blanches en pointillé).

ou papille accessoire) ou échoendoscopie (cytoponction et En cas de pancréatite aiguë et en l'absence de calcifica-


évacuation du kyste) : il aura comme objectif une évacuation tions chez un patient alcoolique se posera le diagnostic de
et un drainage de la composante kystique duodénale afin de PC débutantes mais aussi d'autres causes sur ce terrain,
diminuer la compression de la lumière duodénale et la dou- comme l'hypertriglycéridémie ou la lithiase biliaire (qui
leur. Elle est efficace, mais de façon temporaire, et ne traite sont significativement associées à la PC). En l'absence
pas toutes les lésions. Le traitement chirurgical consiste en d'alcoolisme chronique se posera le diagnostic d'autres
une duodénopancréatectomie céphalique : il est réservé aux formes de PC. C'est le bilan à distance de la poussée aiguë
patients en échec du traitement médical et en cas de doute (CP-IRM et échoendoscopie) qui fera le diagnostic de PC
sur le diagnostic, en particulier l'adénocarcinome pancréa- débutante ou non dont il faudra chercher la cause et évaluer
tique et la TIPMP dégénérée. La chirurgie ne concernerait les conséquences.
que 30 à 50 % des patients mais ceci reste difficile à évaluer En cas d'ictère se posera toujours le problème d'une
compte tenu du faible effectif des différentes séries et de la masse kystique ou tissulaire pancréatique tumorale et non
relative rareté de l'affection [24]. inflammatoire.
En cas de lésion kystique, se posera le problème d'un
pseudokyste (cf.  infra) mais aussi de tumeurs kystiques
Diagnostics différentiels vraies comme les TIPMP, en particulier si elles s'associent
Quand le tableau clinique est évocateur avec des lésions à une pancréatite obstructive en amont de lésions canalaires
pancréatiques typiques et des calcifications, les problèmes avec obstruction par du mucus. La pancréatite paraduodé-
de diagnostic différentiel ne se posent pas. nale s'associant à la PC, le diagnostic des différentes lésions
Par contre, la PC partage des manifestations cliniques, duodénales et pancréatiques est parfois difficile, surtout s'il
des complications et des anomalies morphologiques com- y a un doute avec une TIPMP ou un adénocarcinome du
munes à d'autres affections. sillon duodénopancréatique.
86 Traité de pancréatologie

B
B
Fig. 3.17 Vues en IRM d'un adénocarcinome de la tête du pan-
créas avec pancréatite chronique obstructive d'amont. A.  En
coupe masse tissulaire suspecte (flèche blanche). B. Vue en CP-IRM :
sténose suspecte (flèche blanche) avec lésions de pancréatites chro-
niques typiques en amont (flèche blanche en pointillé).

insuffisantes. L'échoendoscopie avec cytoponction et


biologie moléculaire prend ici aussi tout son sens. Il sera
enfin indispensable de discuter des dossiers des patients
au cours de réunions de concertation pluridisciplinaires
et, si possible, de pancréatologie afin de faire la part des
choses sur le plan diagnostique, thérapeutique et, surtout,
C
des suites à donner si une décision n'est pas prise ou si le
Fig.  3.16 Vues radiologiques de pancréatites paraduodénales. diagnostic est incertain. En effet, c'est parfois l'évolution
A. Aspect inflammatoire du sillon duodénopancréatique « pancréatite et le temps qui aident à résoudre la solution, surtout si les
paraduodénale » (flèche blanche). B, C. Vues ultérieures quelques mois dossiers sont examinés à proximité de poussées inflam-
après du même cas qu'en A, avec développement de multiples lésions matoires. Le délai de surveillance et les modalités sont
kystiques pariétales duodénales (flèches blanches en pointillé).
importants pour ne pas « laisser passer » une cause curable
et/ou opérable.
Enfin, il faut aussi retenir qu'il y a d'autres causes d'in-
En cas de masse tissulaire, se pose le problème de l'adé- suffisance pancréatique exocrine en dehors des atteintes
nocarcinome avec trois possibilités : adénocarcinome avec ou séquelles inflammatoires (PC), tumorales (cancer) ou
PC obstructive d'amont, greffe d'un adénocarcinome sur chirurgicale (exérèse) du pancréas : la maladie coeliaque,
une authentique PC calcifiante ou PC pseudotumorale le syndrome de Gougerot-Sjögren, la mucoviscidose, le
(Fig. 3.17). diabète, gastrectomie des deux tiers (IPE fonctionnelle),
Dans tous les cas, l'imagerie doit être bien analysée traitement par analogues stables de la somatostatine et l'in-
et éventuellement refaite si les coupes et incidences sont volution physiologique pancréatique du sujet âgé.
Chapitre 3. Pancréatite chronique 87

Diagnostic des complications dans près de 50 % des cas ; ils sont surtout localisés au niveau
céphalique. Les pseudokystes peuvent compliquer aussi bien
et leurs conséquences une pancréatite chronique qu'une pancréatite aiguë. Le
Complications aiguës mode de révélation va dépendre du contexte clinique : soit
une découverte fortuite, soit l'apparition d'une complica-
Pancréatite aiguë tion du pseudokyste lui-même. Les manifestations cliniques
La pancréatite aiguë peut être le mode de découverte de la induites par les pseudokystes vont dépendre de leur locali-
PC mais le patient pourra présenter des épisodes récidi- sation et de leur taille. Ils peuvent générer une compression :
vants au cours de son évolution. Elle complique 30 à 40 % ■ de la VBP avec comme manifestation clinique un ictère
des PC. Sur le plan physiopathologique, le développement ou simplement sur le plan biologique l'apparition d'une
et l'évolution d'une pancréatite aiguë au cours d'une PC cholestase anictérique ;
sont identiques à celui d'une pancréatite aiguë classique. ■ du tube digestif, notamment le cadre duodénal ;
Plusieurs facteurs déclenchants sont à considérer, comme ■ de l'axe veineux mésentéricoporte avec le risque de
la consommation excessive d'alcool mais aussi une atteinte thrombose veineuse et le développement d'une hyperten-
canalaire telle qu'une sténose du canal d'origine fibreuse ou sion portale segmentaire.
la présence d'une calcification intracanalaire. De même, la Par ailleurs, un pseudokyste peut se compliquer d'une
récidive de poussée de pancréatite aiguë chez le patient sevré hémorragie intrakystique. Le tableau clinique est assez
doit faire rechercher aussi le développement d'un adénocar- bruyant car il va associer des douleurs abdominales intenses
cinome pancréatique. Afin de poser le diagnostic, un scan- secondaires à la mise en tension du kyste avec, à l'examen
ner abdominal sans et avec produit de contraste sera réalisé clinique, un abdomen parfois « chirurgical » et une instabi-
entre la 72e et la 96e heure. En plus de préciser la gravité de lité hémodynamique sans extériorisation mais avec déglo-
la pancréatite, il permettra de rechercher un syndrome de bulisation. Le diagnostic repose sur la réalisation du scanner
masse. En phase aiguë, il est toujours difficile de faire une avec injection de produit de contraste, en particulier d'un
analyse fiable du parenchyme pancréatique et des canaux. temps artériel qui permettra parfois de mettre en évidence
Il sera donc intéressant de réaliser un scanner en dehors le saignement intrakystique sous la forme d'une fuite de
de la poussée en cas de suspicion de cancer ou de calcul produit de contraste dans le kyste. Ce temps artériel per-
intracanalaire (chapitre  2). La wirsungo-IRM permettra met aussi de rechercher la présence d'un pseudoanévrysme,
aussi d'authentifier une atteinte canalaire de type sténose. agent responsable de l'hémorragie. Mais le plus fréquem-
Le traitement de la pancréatite aiguë survenant sur PC est ment, c'est la présence d'un contenu hétérogène hyperdense
identique à n'importe quelle pancréatite. En revanche, il sera au sein du kyste qui nous permettra de poser le diagnostic.
nécessaire de prendre en charge secondairement une éven- La prise en charge de ces pseudokystes va nécessiter un
tuelle sténose canalaire par un traitement endoscopique ou bilan radiologique pour définir la stratégie thérapeutique
chirurgical [12]. (Fig. 3.18). L'examen le plus performant est la TDM abdo-
minale sans et avec injection de produit de contraste. Elle
Lésions kystiques permettra de visualiser une lésion intra- ou extrapancréa-
Au cours d'une pancréatite chronique, peuvent être mis en tique liquidienne sans cloison à paroi fine. On évaluera la
évidence deux types de lésions kystiques : des pseudokystes taille, la localisation et les éventuelles complications locoré-
post-pancréatite aiguë ou des pseudokystes rétentionnels. gionales et hémorragiques (chapitre 2). L'échoendoscopie
Ces lésions kystiques représentent 20 à 40 % des complica- va permettre de faire le diagnostic différentiel avec les autres
tions des PC. lésions kystiques du pancréas. En cas de doute diagnostique,
on pourra pratiquer une ponction pour analyse du liquide
Kystes ou pseudokystes rétentionnels voire envisager un traitement par drainage de celui-ci. La
Les kystes ou pseudokystes rétentionnels se développent en ponction va révéler la présence d'un liquide inflammatoire
amont d'un obstacle canalaire au sein même du parenchyme (riche en polynucléaires et macrophages) avec augmenta-
pancréatique. Il correspond en général à une rupture d'un tion du taux intrakystique de la lipase (> 40 000 UI/mL) et
acinus en amont de l'obstacle canalaire (calcul ou sténose). un taux de marqueurs tumoraux (ACE et CA 19.9) généra-
Ils sont diagnostiqués soit fortuitement lors d'un examen lement bas (chapitre 5).
d'imagerie, soit en rapport avec des manifestations cliniques
surtout douloureuses au décours d'une poussée de pan- Ictère
créatite aiguë. Sur le plan des examens d'imagerie, il s'agit L'ictère au cours de la PC est de type rétentionnel dans la
en général d'une lésion kystique de petite taille, inférieure à majorité des cas. Il est principalement le fait d'un obstacle au
3 cm. En général, leur prise en charge est peu intervention- niveau de la voie biliaire intrapancréatique (Fig. 3.19). Cette
nelle. En effet, le temps va permettre leur disparition. atteinte sera soit par compression par une lésion kystique
céphalique, soit par sténose fibreuse de la VBP dans son tra-
Pseudokystes jet intrapancréatique, soit par une forme pseudotumorale.
Les pseudokystes, rappelons-le, vont se développer à par- Il apparaît chez 10 à 30 % des patients. L'échographie hépa-
tir d'une collection liquidienne pancréatique aiguë en 4 à tique mettra en évidence une dilatation des voies biliaires
6 semaines et présenter une paroi plus ou moins fibreuse intrahépatiques et de la VBP. En effet, en l'absence de dila-
afin de circonscrire un contenu riche en enzymes pancréa- tation des voies biliaires, se posera la question d'une atteinte
tiques. Ils vont communiquer avec un canal pancréatique du parenchyme hépatique avec une hépatite alcoolique en
88 Traité de pancréatologie

A B

C D
Fig. 3.18 Vues scanographiques de pseudokystes développés sur une pancréatite chronique. A. Aspect typique d'un pseudokyste cépha-
lique par rétention (flèche blanche). B-D. Vues de pseudokystes nécrotiques (flèches blanches).

cas de PC alcoolique. Le diagnostic clinique est relativement


facile car il ne s'accompagne généralement pas de prurit.
Peuvent aussi se produire des épisodes d'angiocholite qui
sont caractéristiques avec fièvre élevée de courte durée et
cholestase importante et fugace dans les suites. Dans tous les
cas, l'ictère ou la cholestase anictérique (souvent une éléva-
tion très importante des chiffres de la γGT et de la phospha-
tase alcaline) avec une dilatation des voies biliaires nécessite
un traitement (le plus souvent endoscopique dans un pre-
mier temps) pour éviter angiocholite et cirrhose biliaire
secondaire (chapitre 9). Il est connu que la lithiase biliaire
est fréquente au cours de la PC et un ictère et/ou une angio-
cholite peuvent être aussi le fait d'une lithiase de la VBP.

Compression duodénale
La compression duodénale se manifeste cliniquement par un
syndrome occlusif haut. Le patient va présenter des douleurs
épigastriques voire une sensation de pesanteur associées à
Fig.  3.19 Vues en CP-IRM d'une sténose de la VBP intrapan- des vomissements qui, en général, soulagent le patient. Par
créatique développée sur une pancréatite chronique (flèche ailleurs, à l'examen physique se retrouve une voussure au
blanche). niveau du creux épigastrique en rapport avec la distension
Chapitre 3. Pancréatite chronique 89

gastrique (voire un clapotage à jeun). Les vomissements symptomatologie, la notion d'une atteinte des voies biliaires
répétés peuvent se compliquer d'une hématémèse en rap- associée ou encore l'état général et nutritionnel du patient.
port soit avec un syndrome de Mallory-Weiss, soit avec une Ainsi, la prise en charge pourra être endoscopique avec la
œsophagite peptique. Les mécanismes physiopathologiques mise en place d'une prothèse duodénale et/ou d'une prothèse
de cette complication peuvent être en rapport avec : biliaire. Le plus souvent, le traitement sera chirurgical avec
■ l'hypertrophie de la tête pancréatique dans le cadre d'une dérivation digestive sous forme d'une anastomose gastrojé-
forme pseudotumorale ; junale ou d'une double dérivation biliodigestive (chapitre 9).
■ la compression par un volumineux pseudokyste
céphalique ; Hémorragie digestive
■ la dystrophie kystique sur pancréas aberrant (DKPA) Une hémorragie digestive peut compliquer 10 % des PC. Ses
avec pancréatite paraduodénale. raisons sont nombreuses :
La prise en charge de cette compression duodénale est ■ il pourra s'agir d'un ulcère gastroduodénal compte tenu
double : d'abord globale avec le traitement de la déshydrata- du cumul de facteurs favorisants tels que le tabac, l'hyper-
tion, de la dénutrition et la mise sous inhibiteur de la pompe acidité duodénale voire certaines chirurgies telles que la
à protons (IPP). Les IPP vont permettre de diminuer la dérivation gastroduodénale ;
sécrétion gastrique et de prévenir l'œsophagite peptique chez ■ elle pourra être secondaire à de l'hypertension portale
un patient éventuellement porteur d'une sonde nasogas- segmentaire par thrombose du réseau veineux porte ou
trique. Par la suite, le traitement sera spécifique en fonction mésentéricosplénique (3 à 20 % des cas) (Fig. 3.20) ;
du mécanisme responsable de l'atteinte. La décision du type ■ le développement d'une wirsungorragie par rupture d'un
de traitement spécifique se fera après une discussion en réu- pseudokyste hémorragique ;
nion de concertation pluridisciplinaire. Elle sera basée sur ■ enfin, le développement d'un pseudoanévrysme.
plusieurs critères tels que l'âge du patient, l'importance de sa L'artère splénique, l'artère gastroduodénale, l'artère

A B

C D
Fig. 3.20 Vues scanographiques de thromboses veineuses développées sur une pancréatite chronique. A-D. La flèche blanche montre
une thrombose du tronc splénomésentérique ou de la veine splénique avec signes majeurs d'hypertension portale segmentaire sous forme de voies
de dérivation multiples (flèches blanches en pointillé).
90 Traité de pancréatologie

pancréaticogastrique ou hépatique sont le plus fréquem- favorisant avec un effet proinflammatoire sur le pancréas
ment concernées. Le développement d'un pseudoané- aggravant les lésions de PC et augmentant le risque de can-
vrysme complique 3 à 10 % des PC. Le mode de découverte cer. Le diagnostic de cancer du pancréas sur PC est difficile,
peut être clinique, sous la forme d'une hémorragie diges- se confondant avec une forme pseudotumorale de la tête du
tive ou d'un hémopéritoine ou d'un saignement intrakys- pancréas. Les symptômes pour poser le diagnostic de cancer
tique. Il peut aussi être de découverte fortuite. À l'heure du pancréas sont identiques à ceux de la PC, notamment la
actuelle, le traitement de ce type de malformation se fait douleur, l'ictère ou l'amaigrissement. La reprise des dou-
surtout par voie radiologique endovasculaire (chapitre 9). leurs après plusieurs mois ou années chez un patient sevré
de toute boisson alcoolisée attirera notre attention. Sur le
Épanchements des séreuses plan radiologique, nous sommes également confrontés à des
Comme au cours d'une pancréatite aiguë, il peut se produire difficultés diagnostiques, surtout lorsque nous sommes face
au cours de la PC un épanchement des séreuses. Il s'agira à une forme pseudotumorale de PC. C'est l'obtention d'une
soit d'une ascite, soit d'un épanchement pleural ou, plus preuve histologique de dégénérescence par échoendoscopie
rarement, d'un épanchement péricardique ou médiastinal. qui nous permettra de faire le diagnostic différentiel. La
Le liquide est de type exsudat et riche en lipase. Sur le plan prise en charge du cancer du pancréas sur PC est identique à
physiopathologique, il correspond à une rupture d'un canal celle sur pancréas sain (chapitre 6). Rappelons que le risque
pancréatique avec constitution d'une fistule. Dans le cadre de cancer est plus élevé en cas de pancréatite héréditaire avec
de la PC, s'y associe fréquemment une sténose du canal de pour facteurs de risque le tabagisme et un héritage paternel.
Wirsung en aval de la rupture. En cas de rupture du canal
de Wirsung, on parlera aussi de déconnexion pancréatique Complications liées au terrain
qui pourra être partielle ou totale (chapitre 2). Cette der- À côté des complications tardives directement liées à la PC,
nière pourra occasionner un épanchement des séreuses ou il faut savoir qu'il existe des complications tardives secon-
un pseudokyste au sein du parenchyme pancréatique. Les daires à l'étiologique alcoolique de la PC. En effet, il s'agit
épanchements doivent donc faire rechercher une fistule de patients ayant une intoxication alcoolique ou alcoolota-
par CP-IRM ou, à privilégier si possible, par CPRE. En cas bagique qui, par conséquent, peuvent présenter des patho-
d'ascite importante, la fuite protidique peut être massive et logies liées à ces deux toxiques. Sont à citer les pathologies
met à mal l'état nutritionnel du patient. cardiovasculaires (pathologie coronarienne, artériopathie
des membres inférieurs et digestive), les pathologies ORL
Autres complications et stomatologiques, les atteintes hépatiques avec hépatite
Les thromboses veineuses (veines spléniques, mésentérique alcoolique aiguë et cirrhose et les complications neuropsy-
supérieure ou porte) sont le fait des conséquences locorégio- chiatriques de l'alcool. La pathologie cancéreuse non pan-
nales de l'inflammation et de la fibrose chronique ou de la créatique est naturellement présente : cancers du poumon,
compression par un pseudokyste. Elles peuvent survenir aussi de la sphère ORL et de l'œsophage.
à la faveur d'une pancréatite aiguë (chapitre 2). Elles se révèlent
le plus souvent lors d'un examen d'imagerie, plus rarement à
l'occasion d'un syndrome douloureux abdominal fébrile. Retentissement socioprofessionnel
Les complications dites « spléniques » sont plus rares avec La douleur est au centre de la maladie, avec plusieurs
rupture spontanée, abcès, pseudokyste intrasplénique et mécanismes physiopathologiques et, surtout, la nécessité
pseudoanévrysme de l'artère splénique, lui-même respon- de la prise de traitements antalgiques incluant les morphi-
sable d'hémorragie et d'ischémie splénique. niques et les médicaments à visée neurogène. La douleur
et les effets secondaires des médicaments (en particulier la
dépendance aux morphiniques) pourront être responsables
Complications chroniques d'un retentissement socioprofessionnel important. En effet,
Insuffisance pancréatique exocrine et diabète le patient ne sera plus en capacité de travailler, en proie
IPE et diabète vont se développer après plusieurs années aux phénomènes douloureux, aux effets des traitements
d'évolution de la PC. Nous avons déjà abordé l'IPE et endo- antalgiques et à la baisse de l'état général dans un contexte
crine qui peut être à la fois un mode de révélation de la PC d'amaigrissement et de gestion du déséquilibre glycémique
et une complication tardive. Dans tous les cas, il faut retenir en cas de diabète. Le risque de développer une toxicomanie
qu'il est indispensable de les dépister annuellement afin de aux opioïdes n'est malheureusement pas exclu compte tenu
prévenir l'altération de l'état général et l'amaigrissement du de la nécessité d'un traitement au long cours avec des doses
patient si on les méconnaît. souvent progressivement augmentées.
La dépression, quant à elle, est d'origine multifacto-
rielle. Elle pourra être liée à la douleur permanente ou
Cancer du pancréas encore secondaire aux retentissements sociaux. Par ail-
Ce n'est pas proprement dit une complication chronique leurs, la dépression peut aggraver la PC par la majoration
mais de survenue tardive dans l'histoire naturelle de la PC. de la consommation d'alcool à visée anxiolytique. Dans tous
Il faut savoir que la PC est un facteur de risque de dévelop- les cas, on remarque un cercle vicieux entre dépression,
per un cancer du pancréas avec un risque relatif de 1,8 à consommation alcoolotabagique et PC.
2. Ainsi, peut être mis en évidence un cancer du pancréas L'encadré 3.3 dresse la liste des principales complications
dans près de 4 % des PC. Le tabac joue un rôle de facteur de la PC avec leur fréquence moyenne [25].
Chapitre 3. Pancréatite chronique 91

la durée des épisodes douloureux, elle peut être de quelques


Encadré 3.3. Principales complications minutes à plusieurs heures ou jours. L'intensité de la dou-
de la pancréatite chronique et leurs leur est estimée par différentes méthodes. Ces méthodes
fréquences au cours de la maladie sont à adapter en fonction de l'âge ou du niveau intellectuel

Pancréatites aiguës (30 à 40 %). du patient. Les méthodes les plus répandues chez l'adulte

Pseudokystes (25–35 %). sont au nombre de trois : l'échelle visuelle analogique (EVA),

Compression de voie biliaire principale (10 à 30 %). l'échelle verbale numérique (EVN) et l'échelle verbale simple

Compression duodénale (6 %) et pancréatite paraduodénale (EVS). L'EVA nécessite l'utilisation d'une réglette avec cur-
(pourcentage non connu). seur. L'intensité de la douleur est notée de 0 (pas de douleur)

Hémorragies (10  %)  : pseudokystes, hypertension portale à 10 (douleur intense) : on demande au patient de position-
segmentaire, ulcère gastroduodénal, wirsungorragie. ner le curseur sur le chiffre qui correspond à l'intensité de

Épanchement des séreuses (péritoine, plèvre : 8 %). la douleur. Le principe de l'EVN est encore plus simple :

Thromboses veineuses (veines splénique, mésentérique le patient (en l'absence de support visuel) donne une note
supérieure, porte (10 à 15 %). entre 0 et 10 à la douleur qu'il ressent. L'EVS évalue la dou-

Diabète (30 à 40 %). leur en matière d'intensité avec quatre niveaux : pas de dou-

IPE (40 à 60  %) et dénutrition (ostéoporose) (pourcentage leur, douleur faible, douleur modérée ou douleur intense.
non connu). Bien que simple, elle s'avère moins précise que l'EVA ou

Cancer du pancréas (1 à 2 %). l'EVN. L'évaluation de la douleur devra être réalisée et notée

Maladies hépatiques associées (stéatose, cirrhose) (20 %). à chacune des consultations du patient de façon à mesurer

Autres affections  : cancers ORL, cancer de l'œsophage, son évolution sous traitement et permettre les ajustements
artérite, lithiase biliaire, ulcère gastroduodénal. thérapeutiques.

Complications spléniques : rupture, abcès, pseudoanévrysme. La prise en charge thérapeutique pourra être médica-
menteuse, endoscopique, radiologique voire chirurgicale.

Traitements Traitement médical de la douleur


La prise en charge de la douleur est de type multidiscipli-
Traitement étiologique naire avec l'aide d'un ou d'une algologue au sein d'une
Sur le plan étiologique, la pancréatite chronique est d'origine « équipe de la douleur » ou d'un « centre antidouleur ». Elle
alcoolique dans 80 % des cas. Il est donc nécessaire d'établir permet la mise en place de mesures hygiénodiététiques qui
un programme de sevrage alcoolique. Si l'étiologie n'est pas devront systématiquement accompagner la prise en charge
d'origine nutritionnelle, il va être recommandé au patient de thérapeutique.
ne pas consommer d'alcool. L'arrêt de toute consommation
d'alcool va ralentir la progression de la maladie pancréa- Mise en place de règles hygiénodiététiques
tique, allonger la survie des patients et diminuer l'intensité Pour une prise en charge optimale des patients, il va être
de la douleur. Néanmoins, il est bien connu que le sevrage indispensable d'obtenir de leur part un sevrage en alcool
n'est pas suivi d'un arrêt immédiat des phénomènes doulou- mais aussi en tabac. L'intervention d'un addictologue sera
reux. Ceci peut prendre quelques semaines (voire quelques indispensable. Le sevrage aidera à calmer les phénomènes
mois) et doit être bien expliqué au patient. Vis-à-vis du douloureux et à ralentir voire à stopper l'évolution des
tabac, il s'agit d'un cofacteur qui accentue le développement lésions canalaires et parenchymateuses Sur le plan étio-
des lésions parenchymateuses pancréatiques même chez les logique, la pancréatite chronique est dans 90  % des cas
patients sevrés en alcool. L'arrêt du tabac est aussi fortement d'origine alcoolique. Enfin, le régime doit être équilibré (en
conseillé au patient porteur d'une pancréatite chronique et glucides, protides et lipides) et suffisamment calorique.
ce quelle que soit son étiologie [15, 19]. En cas de PC obs-
tructive, l'exérèse de la tumeur, quand elle est possible, laisse Extraits pancréatiques
du parenchyme en place avec des lésions de PC : ces lésions La mise en place de cette thérapie de substitution est recom-
ne seront pas réversibles. mandée pour la prise en charge de l'IPE. En revanche, son
utilité dans la prise en charge de la douleur reste encore
Évaluation de la douleur controversée. Même si l'effet sur la douleur est minime, l'ab-
La prise en charge de la douleur dans la PC est complexe car sence d'effets secondaires conduit bien sûr à leur utilisation
sa physiopathologie est plurifactorielle (Fig. 3.5). dans la prise en charge d'un patient porteur d'une pancréa-
Avant la mise en place d'un traitement antalgique, il va tite chronique [26].
être indispensable d'évaluer toutes les caractéristiques de
la douleur. De cette évaluation vont dépendre la prise en Médicaments antalgiques
charge thérapeutique et les adaptations posologiques au Les antalgiques sont classés selon l'Organisation mondiale
cours du suivi du patient. Il est nécessaire de préciser par un de la santé (OMS) en trois paliers. Dans un même palier, il
interrogatoire minutieux les modifications de cette douleur existe différentes molécules qui ont un effet antalgique par
dans le temps, sa durée et son intensité. En effet, elle peut des mécanismes différents :
être permanente, permanente avec des accès douloureux ou ■ le palier 1 : antalgiques non opioïdes tels que le paracéta-
évoluant uniquement par accès douloureux seuls. Quant à mol ou les anti-inflammatoires ;
92 Traité de pancréatologie

■ le palier 2 : les antalgiques opioïdes ou dérivés utilisés l'hyperpression dans le canal de Wirsung, soit il sera uni-
pour les douleurs modérées tels que le tramadol ou le quement à visée antalgique.
néfopam ou les associations entre le paracétamol et un
opioïde ou avec le tramadol ; Traitement étiologique endoscopique
■ le palier 3 : opioïdes pour la prise en charge des douleurs Pour cela, l'utilisation de l'abord endoscopique va se décli-
fortes. ner de différentes manières, à savoir la réalisation d'une
La stratégie de prise en charge de la douleur est une stra- sphinctérotomie endoscopique pancréatique afin d'assurer
tégie step-up [27]. On débute par les antalgiques de palier 1 la décompression du Wirsung. En complément, on pourra
pour finir par ceux de palier 3. Toujours dans la stratégie être amené à pratiquer une extraction de calcul (si leur taille
de prise en charge de la douleur, des associations avec des est inférieure ou égale à 5 mm). Enfin, au cours de l'endos-
médicaments de paliers différents sont réalisées pour poten- copie nous pourrons mettre en place une prothèse pancréa-
tialiser les effets puisqu'ils présentent des sites d'action tique (après dilatation ou non) pour traiter la sténose. Les
et des récepteurs différents. L'utilisation des antalgiques, détails techniques et les résultats seront développés dans le
notamment de niveau 3, doit faire l'objet d'une réflexion chapitre 9. Si les calculs sont volumineux, on pourra propo-
multidisciplinaire avec l'addictologue qui suit le patient et ser la réalisation, dans un centre expert, d'une lithotripsie
le centre antidouleur. Le choix du médicament dépend de extracorporelle suivie au non d'une CPRE pour extraction
l'évaluation initiale de la douleur en fonction de son inten- des fragments calculeux.
sité, de sa récurrence, de l'existence d'un fond douloureux
ou d'accès douloureux ou les deux. À l'heure actuelle, grâce Traitement antalgique endoscopique
à des formes galéniques différentes, nous disposons d'antal-
Il s'agit de la réalisation d'une infiltration à visée antalgique
giques à libération prolongée ou immédiate. Par ailleurs, la
du plexus cœliaque. Ce geste peut être réalisé soit au cours
voie d'administration peut être différente afin d'obtenir une
d'une échoendoscopie, soit sous contrôle scanographique
meilleure adaptation à la situation clinique du patient : une
par les radiologues. De la ropivacaïne chlorhydrate mono-
forme orale, parentéral, transdermique ou rectale.
hydrate sera injectée, associée au non à des corticoïdes
Même s'il est important de calmer rapidement la dou-
(triamcinolone) qui pourront avoir un effet suspensif sur
leur, il est nécessaire de privilégier en parallèle le sevrage
la douleur et permettre de diminuer les doses de morphi-
alcoolique et tabagique, la recherche d'une cause dite « cana-
niques (Fig. 3.21). L'infiltration d'alcool absolu est réservée
laire » aux douleurs, qui permettra de discuter un traitement
en général aux cancers du pancréas mais elle peut être aussi
endoscopique ou par lithotritie afin de lever un obstacle cal-
appliquée aux PC en cas de phénomènes douloureux diffici-
culeux ou sténotique et, secondairement, de « lever le pied »
lement traitables avec escalade des doses de morphiniques.
dès que possible sur la prescription d'antalgiques de palier 3
Le geste peut s'accompagner d'effets secondaires de type
compte tenu du risque de dépendance et de toxicomanie.
hypotension orthostatique, douleur ou épisode de diarrhée
motrice. Il sera important d'en informer le patient [29].
Traitements adjuvants
Leur utilisation a pour but d'agir en complément des traite-
ments antalgiques que l'on peut appeler « classiques ». Il s'agit Traitement chirurgical de la douleur
de classes médicamenteuses variées, parmi lesquelles on La chirurgie à visée antalgique peut être parfois nécessaire.
retiendra notamment la prégabaline (Lyrica®) et l'apport d'un Elle est proposée en dernier recours en cas d'échec des prises
antidépresseur. Olesen et al. ont mis en évidence, au cours en charge précédentes. La chirurgie peut être d'exérèse ou
d'un essai contrôlé randomisé, une diminution de la douleur de dérivation.
chez des patients porteurs d'une PC traités par opioïdes et La prise en charge chirurgicale d'exérèse est principale-
Lyrica® et ce de manière significative par rapport à un groupe ment représentée par la duodénopancréatectomie cépha-
de patients traités par opioïdes seuls. Par ailleurs, dans le lique. Cette technique sera privilégiée si le patient présente
groupe traité par l'association entre opioïdes et Lyrica® , la des complications biliaires ou occlusives en plus de son pro-
possibilité de diminuer significativement la posologie des blème d'antalgie. Sa mortalité sera de l'ordre de 2 à 4 % et
opioïdes a été notée [28]. Le Lyrica® a une action sur la com- sa morbidité de près de 30 %. Sa morbidité est importante
posante nociceptive de la douleur dans la PC (la posologie compte tenu du contexte local, de l'inflammation et de l'hy-
initiale est généralement de 50 mg per os matin et soir, poso- pertension portale. En revanche, les résultats montrent une
logie à augmenter progressivement). Les antidépresseurs, et antalgie obtenue chez près de 70 à 90 % des patients. Les
plus particulièrement les tricycliques tels que l'Anafranil®, autres interventions, notamment la pancréatectomie cépha-
sont aussi utiles dans la prise en charge de la douleur. Ces lique avec conservation du duodénum, seront réservées aux
derniers jouent un rôle à la fois sur la régulation thymique et patients ne présentant pas de sténose duodénale inflamma-
sur la composante nociceptive de la douleur [28]. toire ou fibreuse ni d'atteinte biliaire.
À côté de la chirurgie d'exérèse, existe la chirurgie de
dérivation. Elle est représentée par la dérivation wirsungo-
Traitement endoscopique de la douleur jéjunale. En effet, elle est réalisable s'il existe une dilation du
Le traitement endoscopique doit lui aussi faire l'objet d'une canal de Wirsung supérieure à 8–9 mm. Les complications
discussion multidisciplinaire pour poser son indication et de cette intervention sont très rares avec une mortalité infé-
évaluer son impact sur le patient. Le traitement sera de deux rieure à 1 %. Les résultats fonctionnels sont excellents : entre
types : soit il va agir sur la cause de la douleur secondaire à 70 et 95 % des patients seront sevrés en antalgiques [30]. La
Chapitre 3. Pancréatite chronique 93

TC
Ao
Ao
AMS TC

A B
Fig. 3.21 Vue échoendoscopique transgastrique de la région céliaque avec injection à visée antalgique de ropivacaïne dans le cadre
d'une pancréatite chronique hyperalgique. A. Vue transfundique de l'aorte (Ao) avec l'origine du tronc céliaque (TC) et de l'artère mésenté-
rique supérieure (Power Doppler couleur). B. Même patient avec injection au moyen d'une aiguille de cytoponction 19 G (flèche blanche) de 15 mL
de ropivacaïne (Naropeine®) au-dessus de l'origine du tronc céliaque (nuage blanc matérialisé par des flèches blanches en pointillé).

PRISE EN CHARGE D'UN PATIENT ALGIQUE PORTEUR D'UNE PANCRÉATITE CHRONIQUE

ÉVALUER LA DOULEUR: FRÉQUENCE, DURÉE ET INTENSITÉ (EVA, EVN, EVS)

TOMODENSITOMÉTRIE OU IRM VOIRE ÉCHO ENDOSCOPIE:


PRÉSENCE: « d'une sténose du canal de Wirsung, d'une obstruction par un calcul, d'un pseudo-kyste »

OUI NON

ARRÊT DE ALCOOL ET DU TABAC


Si persistance
de la douleur
Antalgique palier 1
TRAITEMENT ENDOSCOPIQUE VOIRE
PRISE EN CHARGE CHIRURGICALE Antalgique palier 2
Traitements
adjuvants
Antalgique palier 3
Fig. 3.22 Algorithme de prise en charge de la douleur au cours de la pancréatite chronique. EVA : échelle visuelle analogique ; EVN : échelle
verbale numérique ; EVS : échelle verbale simple.

figure 3.22 dresse l'algorithme de prise en charge de la dou- le chapitre 9. Nous proposerons dans ce paragraphe leur
leur au cours de la PC. place dans la prise en charge des patients [19].

Traitements des complications Sténose de la VBP


La prise en charge des complications de la PC repose surtout Le patient sera soit ictérique, soit avec des perturbations du
sur l'utilisation des techniques d'endoscopie intervention- bilan hépatique. Les explorations auront mis en évidence une
nelle et de la radiologie. La chirurgie est réservée à l'échec de dilatation de la VBP et des voies biliaires intrahépatiques. Le
ces deux techniques, qui sont par ailleurs développées dans traitement repose soit sur l'endoscopie, soit sur la chirurgie.
94 Traité de pancréatologie

Le traitement endoscopique consiste à pratiquer chez Sténose et calculs du canal de Wirsung


un patient sous anesthésie générale, et après recueil du La sténose se traduira soit par des phénomènes doulou-
consentement éclairé, une CPRE à visée thérapeutique. reux chroniques, soit par des poussées de pancréatite aiguë
L'opacification de la VBP et des voies biliaires intrahépa- à répétition. La sténose du canal de Wirsung fera, comme
tiques permet de situer la sténose sur le trajet intrapancréa- pour la VBP, l'objet d'un calibrage à l'aide d'une prothèse
tique de la VBP. pancréatique plastique mise en place au cours de la CPRE.
Il s'agit d'une sténose fibreuse qui fera l'objet d'un cali- La prothèse sera changée régulièrement afin d'assurer le
brage par la mise en place d'une à deux prothèses plas- calibrage, ceci tous les 3 mois (chapitre 9). En cas d'échec
tiques ou d'une prothèse métallique expansible totalement de franchissement de la sténose se discute la prise en charge
couverte extractible. Celles-ci seront changées à intervalles chirurgicale avec une dérivation wirsungojéjunale mais à
réguliers jusqu'à l'obtention d'un calibre correct de la VBP. condition qu'il y ait une dilatation suffisante du canal de
En général, le traitement endoscopique est conduit pendant Wirsung, classiquement supérieure à 8-9 mm.
un an ; au-delà de cette période se discute la prise en charge La prise en charge d'un calcul pancréatique va dépendre
chirurgicale en cas de persistance de la sténose (chapitre 9). de la taille de celui-ci. En effet, on pourra procéder à son
Le résultat immédiat est excellent avec une réduction dans extraction endoscopique (inférieure ou égale à 5 mm) ou on
près de 100 % des cas des perturbations du bilan hépatique. pourra être amené à le fragmenter à l'aide de la lithotripsie
Le taux de réussite du calibrage de la VBP après mise en place avec extraction des fragments dans un second temps sous
successive de plusieurs prothèses plastiques est de l'ordre de CPRE.
65 à 75 % à un an ; mais, sur le long terme, la sténose peut se
reproduire et ce en fonction du degré d'évolution de la PC et
du sevrage du patient, la récidive étant toujours possible [29]. Traitement de l'hémorragie digestive
La chirurgie peut être l'alternative au traitement endosco- Nous ne reviendrons pas sur la prise en charge de l'hémorra-
pique. Une dérivation biliaire, parfois associée à une dérivation gie digestive en général avec, notamment, la mise en condi-
digestive en cas de compression duodénale symptomatique, tion du patient avant la réalisation de toute exploration voire
sera réalisée. La chirurgie consiste à créer une anastomose avant tout traitement endoscopique. Devant un patient por-
entre le cholédoque et le tube digestif, à savoir le duodénum teur d'une PC présentant une hémorragie digestive, deux
ou l'intestin grêle. La morbidité opératoire est principalement explorations à visée étiologiques seront indispensables  :
à mettre en rapport avec une fuite biliaire au niveau de l'anas- l'endoscopie œsogastroduodénale, qui fera le diagnostic
tomose ; le risque varie entre 15 et 26 %. À long terme, les d'un saignement, soit à partir d'un ulcère gastroduodénal,
complications seront liées à des épisodes d'angiocholite dite à partir de l'hypertension portale ou encore plus rarement
« par reflux » dont la physiopathologie est mal connue et très par la présence d'une wirsungorragie. La prise en charge
controversée. Elle serait potentiellement secondaire à une anse endoscopique de l'hémorragie digestive sur ulcère ou hyper-
en Y trop courte. L'autre complication est due à une sténose tension portale ne diffère pas de la pratique quotidienne
de l'anastomose qui pourra être suspectée devant la récidive et est indépendante de la PC. En cas de wirsungorragie ou
de l'ictère, des perturbations du bilan hépatique ou encore des d'exploration endoscopique non contributive, on complé-
épisodes d'angiocholite récidivants. La dernière complication tera les examens par un scanner avec injection de produit
est le stump syndrome, dû à la persistance de matériel biliaire de contraste avec un temps artériel et un temps veineux. En
calculeux dans le bas cholédoque exclu du circuit biliaire. cas de saignement visualisé sur le scanner soit au sein d'un
Cette complication reste très rare. Quoi qu'il en soit, la chirur- pseudokyste, soit en cas de pseudoanévrysme compliqué,
gie devra être pratiquée après une préparation nutritionnelle la prise en charge sera radiologique. Le traitement par voie
suffisante pour éviter toute complication anastomotique éven- radiologique est représenté par l'embolisation (chapitre 9).
tuelle. Par ailleurs, la présence d'une hypertension portale, En cas d'échec ou d'impossibilité, une prise en charge
même segmentaire, rendra le geste difficile voire impossible. chirurgicale sera envisagée afin de stopper l'hémorragie.
En synthèse, ce traitement chirurgical est à proposer : Dans tous les cas, une discussion pluridisciplinaire entre
■ aux patients jeunes ; gastroentérologue, radiologue interventionnel et chirurgien
■ en bon état général sans autres complications liées notam- digestif doit être systématiquement effective pour une prise
ment à l'alcool de type hépatite alcoolique aiguë ou cirrhose ; en charge adaptée du patient.
■ présentant des manifestations clinicobiologiques persis-
tantes (et non transitoires) ;
■ souffrant d'une compression digestive associée ; Traitement des fistules
■ avec un état nutritionnel correct, quitte à instituer avant La prise en charge thérapeutique des épanchements des
la chirurgie une assistance nutritionnelle transitoire. séreuses consiste à confirmer l'origine pancréatique par des
En revanche, le traitement endoscopique est à privilégier ponctions avec évacuation du liquide et dosage de la lipase
chez des patients : qui est très élevée (> 10 000 UI/mL). Par la suite, un traite-
■ âgés ; ment médical sera mis en place avec une nutrition (paren-
■ avec une manifestation clinique aiguë et urgente telle térale ou entérale). Celle-ci est indispensable compte tenu
qu'une angiocholite ; du risque élevé de dénutrition par la richesse en protides du
■ présentant des manifestations d'une hépatopathie chro- liquide. Par ailleurs, malgré l'absence d'autorisation de mise
nique et/ou aiguë liées à l'alcool avec de surcroît une sur le marché (AMM), la prescription des analogues stables
hypertension portale ; de la somatostatine est discutée afin de diminuer le débit de
■ en mauvais état général. la fistule. Le traitement médical est là pour préparer et/ou
Chapitre 3. Pancréatite chronique 95

encadrer le traitement endoscopique. Celui-ci consiste en la duodénum. Certaines équipes ont proposé la mise en place
mise en place d'une prothèse plastique au niveau du canal de de prothèses de drainage de la cavité kystique mais l'abord
Wirsung afin d'obstruer l'orifice fistuleux. Si la fuite est dis- échoendoscopique est plus rapide et facile sans morbidité
tale (queue du pancréas), la prothèse ne pourra pas obstruer aucune. L'échec de la précédente prise en charge conduira
l'orifice ; en revanche, elle pourra traiter une éventuelle sté- dans 20 à 40 % des cas à une chirurgie de dérivation diges-
nose d'aval responsable de l'hyperpression canalaire et, par tive voire d'une duodénopancréatectomie céphalique
conséquent, de la persistance de la fuite (chapitre 9). (chapitre 9).
La déconnexion pancréatique correspond à une rupture
complète du canal de Wirsung. Le traitement endoscopique Traitement des pseudokystes
aura pour objectif de positionner une prothèse plastique Le pseudokyste est une complication qui survient au cours
à cheval entre les deux fragments. Si la distance entre les d'une poussée de pancréatite aiguë sévère ou de l'évolution
deux segments est trop longue ou trop décalée, le traitement de la PC elle-même, en dehors de toute poussée de pancréa-
endoscopique ne pourra pas être réalisé. Dans ces condi- tite aiguë.
tions, se discutera la prise en charge chirurgicale sous la Tous les pseudokystes ne font pas l'objet d'une prise en
forme d'une résection du segment distal ou d'une anasto- charge active. En général, « la nature fait bien les choses »
mose wirsungojéjunale si le segment proximal du canal de et avec le temps, ils vont souvent régresser spontanément.
Wirsung se dilate suffisamment (au-delà de 8 à 9 mm). Un Ils vont faire l'objet d'une prise en charge thérapeutique à
traitement médical avec mise au repos du pancréas et drai- condition de remplir plusieurs critères, à savoir :
nage de la ou des collections pourra être proposé avant dans ■ une taille supérieure à 6 cm ;
l'espoir d'une réparation de la déconnexion ou atrophie du ■ une évolution depuis plus de 6 semaines ;
segment pancréatique distal exclu. ■ il faut qu'il soit symptomatique, en général sous la forme
de douleurs, vomissements, fièvre ou ictère.
Traitement de la sténose duodénale Si le pseudokyste doit faire l'objet d'une prise en charge,
Le patient présente un syndrome occlusif haut. Le traite- trois techniques sont possibles : radiologique, endoscopique
ment est médical avec la prise en charge nutritionnelle d'un ou chirurgicale.
patient qui vomit de manière quotidienne mais aussi chirur- La technique radiologique repose sur la mise en place
gicale avec la réalisation d'une gastro-entéro-anastomose. d'un drain sous contrôle scopique ou scanographique au sein
Cette dernière doit être confectionnée à la face postérieure du pseudokyste. Il faut savoir que, systématiquement, des
de l'estomac, proche du pylore et de la grande courbure. prélèvements bactériologique, mycologique et un dosage de
Le pylore pourra faire l'objet ou non d'une fermeture pour la lipase seront effectués. Le drain mis en place sera à double
orienter la totalité du bol alimentaire vers l'anse jéjunale courant afin de permettre le lavage en cas de liquide épais.
montée. Cette voie est, en général, choisie si le pseudokyste est à
Cette chirurgie peut se compliquer d'une fuite au niveau distance du tube digestif, donc impropre à l'abord endosco-
de l'anastomose gastrojéjunale en postopératoire. Sur le long pique. La technique endoscopique est, en effet, la technique
terme, les deux complications principalement retrouvées de choix ; elle fait l'objet d'une description précise au sein du
sont les ulcères de l'anastomose et une sténose de celle-ci chapitre 9. Elle peut être réalisée au cours d'une CPRE par
reproduisant le tableau initial. mise en place d'un drain ou d'une prothèse entre le kyste et
Dans le cas particulier de la sténose duodénale en rap- la lumière duodénale. Le plus souvent, c'est l'échoendosco-
port avec une dystrophie kystique et pancréatite paraduodé- pie qui sera choisie [29]. C'est la technique de référence à
nale associée à la PC, la prise en charge sera plus complexe l'heure actuelle avec la mise en place de prothèses soit de type
car en plus du traitement médical et chirurgical se discutera « double queue de cochon » (une à deux prothèses de respec-
une prise en charge endoscopique. La dystrophie kystique tivement 7 et 10 F), soit d'une prothèse d'apposition luminale
sur pancréas aberrant correspond au développement d'une métallique expansive (dite « diabolo ») pour permettre l'éva-
cavité kystique dans la paroi duodénale, le plus souvent à cuation puis le drainage du liquide. Par ailleurs, l'endoscopie
la faveur d'une consommation chronique d'alcool. Elle se peut aussi traiter l'origine du développement du pseudokyste
manifeste sous la forme d'un syndrome occlusif haut associé en traitant soit la sténose du canal de Wirsung, soit en obs-
à des manifestations douloureuses de type pancréatique. truant la fuite du liquide pancréatique. La réalisation d'un
L'élément principal de la prise en charge est le sevrage contrôle de l'évacuation du pseudokyste par un scanner entre
vis-à-vis de l'alcool. Plusieurs thérapeutiques vont être 6 et 7 jours après le drainage est généralement proposée. Les
mises en place en recourant à une attitude step-up. Le trai- résultats sont excellents mais la récidive après extraction des
tement reste encore peu consensuel compte tenu de la faible prothèses fera rechercher la persistance d'une fistule en rap-
incidence et doit être pratiqué dans des centres tertiaires port avec une rupture canalaire en amont d'un calcul et/ou
de pancréatologie. Le traitement médical consiste à mettre d'une sténose du canal principal à traiter secondairement.
à jeun le patient, le nourrir soit par voie entérale, soit par Le traitement chirurgical d'un pseudokyste n'est envisagé
voie parentérale avec adjonction possible d'analogues que si le patient reste symptomatique, ce qui implique que
stables de la somatostatine. En cas d'échec, on peut envi- les techniques radiologiques et endoscopiques ne soient pas
sager la réalisation d'une échoendoscopie avec cytoponc- possibles ou soient en échec. La prise en charge consiste en
tion du kyste afin de permettre, d'une part, une analyse la réalisation d'une dérivation kystodigestive. Une commu-
cytobactériologique et biochimique du liquide et, d'autre nication entre le pseudokyste et l'estomac ou une anse grêle
part, d'évacuer la totalité du liquide pour décomprimer le montée est pratiquée.
96 Traité de pancréatologie

Prise en charge de l'amaigrissement


Encadré 3.4. À propos de l'IPE au cours de la
et de la dénutrition pancréatite chronique et sa prise en charge
Le syndrome carenciel chez le patient porteur d'une PC est
multifactoriel. Dans tous les cas, il sera important que le ■
Diagnostic :
patient suive un régime alimentaire équilibré en protides, – signes cliniques : flatulences, selles abondantes et graisseuses,
lipides et glucides. Afin de prendre en charge tout patient, il amaigrissement et signes carentiels ;
faut déjà être conscient de l'existence éventuelle de la dénu- – signes biologiques  : hypoalbuminémie, carence en
trition et des carences et, par conséquent, les dépister. vitamines liposolubles et oligoéléments (sélénium), chute
Lors des consultations ou hospitalisations des patients, du taux de l'élastase fécale (< 200 μg/g de selles).
il est donc important d'évaluer le poids et de réaliser un ■
Traitement  : régime équilibré avec 30  % de graisses et
recueil des ingesta afin de permettre une supplémentation 35 kcal/kg/j, extraits pancréatiques.
orale, entérale ou parentérale si nécessaire. ■
Prescription des extraits pancréatiques : 40 000 à 50 000 UI de
En ce qui concerne les besoins vitaminiques (en parti- lipase par repas avec des gélules gastrorésistantes contenant
culier les vitamines liposolubles) et les oligoéléments, un des microgranules à raison de deux gélules à 25 000 ou une
dosage annuel est recommandé avec correction éventuelle, gélule à 40 000 par repas ; prise en milieu de repas ; en cas de
surtout si le patient a présenté des poussées douloureuses collation, une gélule en plus ; traitement à vie.
avec réduction de l'alimentation, voire d'autres complica- ■
En cas d'inefficacité : interroger sur le suivi et la compliance du
tions ou prise en charge chirurgicale [31]. traitement, possibilité d'une hyperacidité duodénale détruisant
prématurément les extraits ; autre cause de diarrhée (motrice,
Traitement de l'insuffisance pancréatique exocrine pullulation microbienne). La conduite à tenir sera : prescription
d'un IPP, augmentation de la posologie et, si antécédent de
Dès que le diagnostic d'IPE est porté par le dosage de l'élas-
chirurgie, recherche d'une pullulation microbienne (breath test
tase fécale, il faudra mettre en place une thérapeutique de
au D-glucose) et faire ouvrir les gélules au milieu du repas et
substitution par la prescription d'extraits pancréatiques. Ils
mélanger les microgranules aux aliments.
se présentent sous forme de tout petits granules de taille
différentes regroupés dans une gélule. Cette dernière est
non gastrorésistante (gélatine se délitant rapidement dans
l'estomac) et va donc libérer les granules (< 2 mm en taille) tif, fera prescrire un traitement antibiotique (métronidazole
qui, pour leur part, ont un enrobage gastrorésistant. L'effet per os, association colistiméthate sodique-gentamycine per os).
thérapeutique est obtenu après passage des granules au tra- Si le patient a été opéré d'une duodénopancréatectomie
vers du pylore car l'acidité duodénale va dégrader l'enrobage céphalique (qui va majorer l'IPE), les gélules peuvent se déli-
des microgranules pour libérer les enzymes (l'origine est ter plus bas dans l'intestin grêle proximal après un passage
porcine). La prescription de ce traitement doit s'accompa- gastrique rapide. Il est donc conseillé aux patients d'ouvrir
gner d'explications sur les modalités d'administration et la les gélules et de mélanger les petits granules à l'alimentation
nécessité d'un traitement permanent. En effet, le traitement (goût neutre) en association avec les IPP.
sera pris au milieu des repas ou d'une éventuelle collation. Afin de s'assurer de la bonne observance ou de la bonne
L'apport par repas est de l'ordre de 40 à 50 000 UI de lipase ; prise du traitement, on pourra enfin réaliser, sous extraits
en cas de collation, la quantité est moindre : de l'ordre de pancréatiques, un dosage de la stéatorrhée. Ce dosage est
25 000 UI. Le traitement débutera ainsi par deux gélules à souvent utile chez le patient porteur d'une mucoviscidose
25 000 UI trois fois par jour et une gélule supplémentaire chez qui l'insuffisance pancréatique est majeure avec une
en cas de collation (il existe une alternative d'une gélule à alimentation en général riche, ce qui va nécessiter des doses
40 000 UI, trois fois par jour). Encore une fois, il faut bien plus conséquentes d'extraits (encadré 3.4).
expliquer que ce traitement est à vie.
En cas de non-efficacité, plusieurs causes sont possibles : Traitement du diabète
une perte de la compliance de la prise d'extraits (ou prise Rappelons que dans le cas de la PC, il s'agit d'un diabète
inconstante et pas forcément au milieu des repas), une hyper- « pancréatoprive », avec suppression de la sécrétion insuli-
acidité duodénale induite par l'IPE avec destruction des nique, mais aussi du facteur hyperglycémiant produit par
extraits dans la lumière duodénale, une pullulation micro- le glucagon. Des études ont bien montré que la réponse
bienne rencontrée en général après chirurgie de dérivation des cellules α (cellules à glucagon des îlots de Langerhans,
ou exérèse, enfin une insuffisance de dose. chapitre  1) à l'ingestion de glucose par voie orale et à
En conséquence, en cas d'inefficacité (persistance de l'hypoglycémie est perturbée chez les patients ayant un
diarrhées graisseuses, amaigrissement) il faut : diabète secondaire à une PC. En pratique clinique, les
■ interroger le patient et délivrer à nouveau le message patients diabétiques par PC ont souvent une fréquence
quant à la prise permanente et au milieu des repas (et en élevée d'hypoglycémie lorsqu'ils sont traités par insuline
cas de collation) des extraits ; ou sulfamides hypoglycémiants. En conséquence, les doses
■ ajouter la prescription d'IPP ; si la prescription est bien d'antidiabétiques ou d'insuline seront moindres que pour
observée, une augmentation de dose des extraits sera un diabétique « classique » et l'éducation en matière d'auto-
aussi nécessaire [26]. surveillance de la glycémie et de signes d'hypoglycémie est
Dans des conditions particulières (antécédent de chirurgie primordiale [32]. De plus, si les phénomènes douloureux
ou diabète ancien), on recherchera une pullulation micro- amènent à une réduction alimentaire, la prise en charge
bienne par un test respiratoire au D-glucose qui, s'il est posi- du diabète sera plus difficile. Enfin, l'alcool fait « mauvais
Chapitre 3. Pancréatite chronique 97

ménage » avec le diabète et l'insulinothérapie avec risque De par la multiplicité des complications et des prises en
accru d'hypoglycémie. charge, en particulier les douleurs, l'approche des patients
sera multidisciplinaire faisant intervenir, outre un médecin
généraliste et un gastroentérologue, un radiologue inter-
Suivi à long terme et pronostic ventionnel, un chirurgien, un addictologue psychiatre, un
de la pancréatite chronique algologue ou un diabétologue primordial afin de mettre en
Un patient porteur d'une PC doit faire l'objet d'un suivi place une thérapeutique substitutive. La prise en charge thé-
régulier. Ce suivi sera clinique, biologique et radiologique. rapeutique doit faire appel à une réunion de concertation
Le rythme d'une consultation avec un bilan biologique pluridisciplinaire, volontiers dans un centre suivant et trai-
tous les 6 mois doit être mis en place au début, quitte à un tant les maladies du pancréas exocrine.
contrôle annuel si « les choses sont stables ».
Le suivi radiologique ne sera guidé que pas la récidive ou
non des symptômes ou en cas de complication(s). La néces- Compléments en ligne
sité de suivre un patient porteur d'une PC repose aussi sur Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Ils
le risque de développement d'un cancer du pancréas mais sont indiqués dans le texte par un picto . Ils proposent des
également sur les conséquences de cette pathologie sur l'état figures complémentaires. Pour voir ces compléments,
général du patient. connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/
Le suivi clinique comportera la prise de poids et l'évalua- e-complement/477623 et suivez les instructions.
tion de la prise alimentaire, l'évaluation de la douleur si elle
Fig. e3.1 Images scanographiques de pancréatites chronique
est présente et des antalgiques, la recherche de complications
évoluées.
telles qu'ictère, amaigrissement, syndrome polyuropolydyp- Fig. e3.2 Traitement par échoendoscopie d'une lésion kystique
sique, stéatorrhée, signes de carence. Ces éléments cliniques duodénale dans le cadre d'une pancréatite paraduodénale
s'accompagneront d'évaluations biologiques avec la réalisa- associée à une pancréatite chronique alcoolique. A.  Les flèches
tion d'un bilan hématologique, hépatique, hydroélectroly- blanches montrent l'épaississement de la paroi duodénale et la pré-
tique et rénal, d'un dosage de l'hémoglobine glyquée et d'un sence d'une lésion kystique pariétale duodénale. B. Aiguille de cyto-
dosage de l'élastase fécale en cas d'absence d'IPE non substi- ponction dirigée sous échoendoscopie visant à aspirer le contenu de la
tuée. Vis-à-vis des explorations de surveillance radiologique, lésion kystique (flèche blanche en pointillé).
il n'existe pas, à l'heure actuelle, de consensus mais il serait Fig. e3.3 Images scanographiques de pancréatites chroniques
licite de faire une exploration radiologique de type scanner associées à une pancréatite paraduodénale. Lésions kystiques
de la paroi duodénale (flèches blanches en pointillé) et lésions
abdominale avec injection de produit de contraste tous les
inflammatoires calcifiées de la jante (flèches blanches).
uns à deux ans [17, 26]. En ce qui concerne le dépistage du Fig. e3.4 Vues échoendoscopiques de pancréatites chronique à
cancer, il est difficile, mais sur le plan clinique, rappelons forme pseudotumorale.
que, chez un patient sevré et sans symptôme, la survenue,
après un intervalle libre de quelques mois à années, de phé-
nomènes douloureux, d'un ictère et d'un amaigrissement Références
sera évocatrice d'une greffe d'adénocarcinome sur PC. [1] Hegyi P, Párniczky A, Lerch MM, Sheel ARG, Rebours V, Forsmark
La pancréatite chronique « elle-même » a un faible taux de CE, et al. Working Group for the International (IAP – APA – JPS –
mortalité, de l'ordre de 3 à 15 %. Il s'agit du taux de morta- EPC) Consensus Guidelines for Chronic Pancreatitis. International
lité directement lié à la PC. En fait, la mortalité des patients Consensus Guidelines for Risk Factors in Chronic Pancreatitis.
porteurs d'une PC est plutôt secondaire aux pathologies Recommendations from the working group for the international
consensus guidelines for chronic pancreatitis in collaboration with the
associées à l'intoxication alcoolotabagique, en l'occurrence
International Association of Pancreatology, the American Pancreatic
hépatopathies, maladies cardiovasculaires et cancéreuses. Association, the Japan Pancreas Society, and European Pancreatic
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crine. Son incidence est en augmentation, mais il y a tou- Gastroenterology 2013 ;144:1292–302.
jours un faible taux de mortalité. Sur le plan étiologique, [5] Esposito I, Hruban RH, Verbeke C, Terris B, Zamboni G, Scarpa A,
l'alcool correspond à 80  % des causes, le tabac étant un et al. Working group for the International (IAP – APA – JPS – EPC)
cofacteur important. Les autres étiologies sont représentées Consensus Guidelines for Chronic Pancreatitis. Guidelines on the histo-
principalement par les causes génétiques, autoimmunes, pathology of chronic pancreatitis. Recommendations from the working
obstructives ou idiopathiques. La douleur est le principal group for the international consensus guidelines for chronic pancreati-
symptôme multifactoriel. À côté de la douleur, des compli- tis in collaboration with the International Association of Pancreatology,
cations aiguës et chroniques émaillent l'histoire naturelle the American Pancreatic Association, the Japan Pancreas Society, and
the European Pancreatic Club. Pancreatology 2020 ;20:586–93.
de cette maladie. En l'absence de traitement étiologique, les
[6] Lamps LW, Kakar S. Diagnostic Pathology. Hepatobiliary and
insuffisances exocrine et endocrine sont les complications Pancreas. 2e éd. Philadelphie: Elsevier ; 2017.
ultimes et durables qu'il faudra dépister et traiter à vie, en [7] Rebours V, Boutron-Ruault MC, Schnee M, et al. The natural history
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98 Traité de pancréatologie

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98.e1 Traité de pancréatologie

B
Fig. e3.2 Traitement par échoendoscopie d'une lésion kystique
duodénale dans le cadre d'une pancréatite paraduodénale
associée à une pancréatite chronique alcoolique. A.  Les flèches
blanches montrent l'épaississement de la paroi duodénale et la pré-
sence d'une lésion kystique pariétale duodénale. B. Aiguille de cyto-
ponction dirigée sous échoendoscopie visant à aspirer le contenu de la
Fig.  e3.1 Images scanographiques de pancréatites chronique lésion kystique (flèche blanche en pointillé).
évoluées.
98.e2 Traité de pancréatologie

Fig. e3.3 Images scanographiques de pancréatites chroniques associées à une pancréatite paraduodénale. Lésions kystiques de la paroi
duodénale (flèches blanches en pointillé) et lésions inflammatoires calcifiées de la jante (flèches blanches).

Fig. e3.4 Vues échoendoscopiques de pancréatites chronique à


forme pseudotumorale.
Chapitre
4
Pancréatite autoimmune
PLAN DU CHAPITRE
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Différences entre PAI de type 1 et PAI
Une entité récemment démembrée . . . . . . . . . 99 de type 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
Classification anatomoclinique . . . . . . . . . . . . . 99 Diagnostic positif de la pancréatite
Épidémiologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 autoimmune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
Position du problème. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 Cas particulier de l'enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Anatomopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 Diagnostic différentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Manifestations cliniques et circonstances Traitement de première ligne . . . . . . . . . . . . . . . . 112
de diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 Qui traiter ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
Signes biologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Comment traiter ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
Signes radiologiques et endoscopiques . . . . . . . . 104 Traitement de la récidive et indications
Scanographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 d'un traitement d'entretien . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
Cholangiopancréatographie IRM . . . . . . . . . . . 104 Séquelles et pronostic de la pancréatite
Échoendoscopie et histologie . . . . . . . . . . . . . . 104 autoimmune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
TEP-scan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117

Introduction ■ la seconde forme est caractérisée par des lésions gra-


nulocytaires épithéliales péricanalaires ; elle est appelée
Une entité récemment démembrée pancréatite « ductocentrique » idiopathique ou PAI de
Initialement classées dans les pancréatites chroniques, les type 2.
pancréatites autoimmunes (PAI) ont été individualisées Il a été établi que ces deux formes sont certes différentes
au fil du temps de par leur symptomatologie parfois dif- sur le plan histologique mais aussi de par leurs profils
férente des autres pancréatopathies mais surtout par leurs cliniques et évolutifs. La forme la plus décrite dans la lit-
caractéristiques histologiques, évolutives et thérapeutiques. térature est la PAI de type 1, qui est qualifiée depuis peu
En effet, la sensibilité à la corticothérapie constitue un des d'expression pancréatique de la maladie à IgG. Elle est
traits de cette nouvelle entité qui a longtemps entraîné une associée dans au moins 50 % des cas à des atteintes extra-
confusion avec le cancer du pancréas ou la pancréatite aiguë pancréatiques par infiltration plasmocytaire positive à IgG4
récurrente idiopathique : c'est sur les pièces de pancréatec- (sus- et sous-diaphragmatique) et une élévation sérique du
tomie pour masse solide suspecte du pancréas que cette taux d'IgG4. La PAI de type 2, quant à elle, se manifeste par
maladie a pu être examinée. Sa meilleure connaissance sur une atteinte pancréatique isolée, excepté l'association à une
le plan histologique, mais aussi sur le plan du diagnostic maladie inflammatoire de l'intestin dans environ 30 % des
et du traitement, a permis d'individualiser une nouvelle cas [1].
maladie que nous avons choisie de traiter dans un chapitre
spécifique, séparément de la pancréatite chronique et de la Épidémiologie
pancréatite aiguë. Même s'il s'agit d'une affection rare, il est
Sa prévalence reste mal précisée mais elle est, quoi qu'il en
important d'en connaître les différents aspects.
soit, différente dans les pays asiatiques par rapport aux pays
occidentaux (États-Unis et Europe). En effet, au Japon, cette
Classification anatomoclinique prévalence est estimée entre 4,6 et 10 pour 100 000 habitants
La pancréatite autoimmune est caractérisée histologique- avec une incidence annuelle de 3,2 pour 100 000 habitants.
ment par la présence d'un infiltrat lymphoplasmocytaire Pour les pays occidentaux, la prévalence ne dépasse pas
et d'une fibrose pancréatique diffuse. Les différentes confé- 6 pour 100 000 habitants avec une incidence annuelle faible
rences de consensus internationales ont tenté d'uniformiser d'au maximum 0,5 pour 100 000 habitants. D'autre part, la
le cadre nosologique et le traitement de la maladie. En effet, PAI de type 1 est plus fréquente en Asie (70 à 90 % des séries
deux grands types sont individualisés : japonaises) que dans les pays occidentaux (30 à 60 %) où la
■ la forme classique est la pancréatite sclérosante lympho- PAI de type 2 apparaît équivalente en fréquence à la PAI de
plasmocytaire ou PAI de type 1 ; type 1 (40 à 60 % des cas) [1–3].

Traité de pancréatologie
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100 Traité de pancréatologie

Position du problème
Le diagnostic de PAI est difficile pour de multiples raisons :
c'est une maladie rare et la présentation clinique est variée.
En effet, elle peut se présenter sous sa forme pseudotumorale
(ictère nu) ou de masse focale pancréatique ; elle peut aussi se
manifester sous la forme d'une pancréatite aiguë ou par des
douleurs pancréatiques chroniques voire une stéatorrhée. Il
faudra donc éliminer un cancer du pancréas – autre cause
de pancréatite aiguë –, une pancréatite chronique calcifiante
classique ou une cholangite sclérosante primitive en cas d'at-
teinte des voies biliaires. En conséquence, il est nécessaire de
réunir un certain nombre d'éléments cliniques, radiologiques
et évolutifs pour confirmation du diagnostic. Ce dernier est
avant tout théoriquement histologique. Cependant, une his-
tologie « complète » est rarement obtenue car une chirurgie
d'exérèse n'est pas souhaitable et les biopsies ne procurent
pas toujours du matériel tissulaire permettant d'analyser tous
les critères histologiques et immunohistochimiques requis.
Le diagnostic de PAI repose donc sur un faisceau d'argu-
ments au sein duquel l'imagerie et l'évolution sous cortico- A
thérapie tiennent une place prépondérante.

Anatomopathologie
La PAI de type 1 correspond à la manifestation pancréa-
tique d'une maladie systémique autoimmune à IgG4 appe-
lée aussi maladie sclérosante à IgG4, qui comporte l'atteinte
de nombreux organes. Au sein de ces atteintes systémiques
on retrouve des lésions histologiques spécifiques qui sont
similaires à celles observées au sein du pancréas exocrine.
Les deux lésions élémentaires prédominantes en histologie
sont une fibrose, parfois extensive et mutilante (« fibrose
storiforme ») et, au sein de cette fibrose, un infiltrat
inflammatoire lymphocytaire et plasmocytaire polyclonal.
Parallèlement à ces lésions, d'autres lésions peuvent être pré-
sentes et sont aussi typiques telles que la phlébite oblitérante
et l'infiltrat éosinophile. En immunohistochimie, l'infiltrat
lymphocytaire est constitué de lymphocytes  T CD4 + et
CD8 + polyclonaux. L'infiltrat plasmocytaire est constitué
de façon prédominante par des plasmocytes IgG4 + (> à 50
plasmocytes marqués par champs de haute magnificence – B
× 400). Cet infiltrat est en général présent dans la périphé- Fig.  4.1 Coupes histologiques d'une pancréatite sclérosante
rie des canaux interlobulaires et dans le tissu adipeux. Par lymphoplasmocytaire (pancréatite autoimmune de type  1).
contre, il n'y a pas de nécrose graisseuse, de pseudokystes ou A.  Lésions d'infiltration lymphoplasmocytaire péricanalaire (flèches
de calcifications. Des coupes histologiques de PAI de type 1 noires) et de fibrose (flèches blanches). B.  Lésion de phlébite oblité-
sont présentées dans les figures 4.1 et 4.2 [1–4]. rante (flèche noire). Source : Lamps LW, Kakar S, Diagnostic Pathology.
Dans le cadre de la PAI de type 2, l'atteinte histologique Hepatobiliary and Pancreas. Philadelphie : Elsevier, 2017 (2e éd.).
pathognomonique se traduit par la présence de lésions gra-
nulocytaires épithéliales. Elles sont caractérisées par une
infiltration péricanalaire de lymphocytes, de plasmocytes gie d'exérèse n'est pas indiquée dans ce type de pathologie.
et de polynucléaires neutrophiles. S'y associent une destruc- Des biopsies pancréatiques dirigées sous échoendoscopie
tion des cellules épithéliales, une oblitération canalaire et la peuvent accéder à ce type de diagnostic histologique mais à
possibilité de microabcès. Cet infiltrat ne fixe pas ou peu les la condition d'obtenir des carottes biopsiques de très bonne
anticorps anti-IgG4 en immunohistochimie (< à 10 plas- qualité. Toutefois, toutes les structures pancréatiques ne
mocytes marqués par champs de haute magnificence). Des sont pas systématiquement présentes sur ce matériel biop-
coupes histologiques de PAI de type 1 sont présentées dans sique, notamment les canaux et leur environnement. C'est
les figures 4.3 et 4.4 [1–4]. l'approche histologique d'autres organes et dans le cadre des
Il faut bien préciser que ces lésions histologiques sont PAI de type 1 que le diagnostic est souvent posé, en particu-
uniquement observées dans leur totalité sur des pièces opé- lier sur des biopsies rénales, des glandes sous-maxillaires ou
ratoires, ce qui ne devrait pas être courant puisque la chirur- de la prostate.
Chapitre 4. Pancréatite autoimmune 101

B
Fig. 4.3 Coupes histologiques d'une pancréatite ductocentrique
Fig. 4.2 Coupes histologiques d'une pancréatite sclérosante lym- idiopathique (pancréatite autoimmune de type  2). A.  Lésions
phoplasmocytaire (pancréatite autoimmune de type 1). A. Lésions d'infiltration péricanalaire lymphoplasmocytaire et à neutrophiles avec
d'infiltration lymphoplasmocytaire péricanalaire (flèches blanches) à fort lésions granulocytaires. B.  Mêmes lésions à plus fort grossissement
grossissement. B.  Marquage intense des plasmocytes avec anticorps avec destruction épithéliale. Source : Lamps LW, Kakar S, Diagnostic
anti-IgG4 (flèches blanches). Source  :  Lamps LW, Kakar  S, Diagnostic Pathology. Hepatobiliary and Pancreas. Philadelphie  : Elsevier, 2017
Pathology. Hepatobiliary and Pancreas. Philadelphie  : Elsevier, 2017 (2e éd.).
(2e éd.).
102 Traité de pancréatologie

En l'absence d'ictère, il eut s'agir d'une cholestase anicté-


rique importante, parfois accompagnée d'un prurit. Ce
syndrome rétentionnel est le reflet du syndrome de masse
pancréatique mais aussi, dans le cadre d'une PAI de type 1,
d'une atteinte de l'ensemble des voies biliaires par cholangite
à IgG4 [1–3].
Un syndrome douloureux abdominal chronique peut
amener à découvrir une masse corporéocaudale ou une
atteinte radiologique diffuse du parenchyme et des canaux
pancréatiques. Ce syndrome douloureux peut être volon-
tiers épigastrique avec irradiation postérieure mais sans
véritable syndrome solaire. L'amaigrissement n'est pas
constant.
Ce peut être aussi une ou plusieurs poussées de pancréa-
tite aiguë se présentant comme « a priori idiopathiques ». En
effet, après avoir éliminé les causes classiques, notamment
l'alcool et la lithiase biliaire, il est important de rechercher
des signes de PAI devant toute pancréatite aiguë a priori
sans cause, en particulier chez le sujet jeune. Le bilan est
essentiellement radiologique et échoendoscopique, le plus
souvent à distance de la poussée de pancréatite pour faire la
part entre des lésions typiques de PAI et des lésions inflam-
matoires de la pancréatite (chapitre 2).
Plus rarement, il s'agira d'un diabète, d'une insuffisance
exocrine (diarrhée et amaigrissement plus que véritable
stéatorrhée clinique) ou des manifestations extrapancréa-
tiques (cholangite, atteinte des glandes salivaires, atteinte
rétropéritonéale ou de la prostate) qui amènent au dia-
gnostic. Ces atteintes peuvent être symptomatiques ou
de découverte fortuite lors des examens radiologiques. Il
faudra se méfier de l'atteinte rénale qui se traduit parfois,
au début, par une infiltration hypodense au scanner avant
que la fonction rénale ne se détériore que dans un second
temps (cf. infra). L'atteinte des glandes sous-maxillaires est
souvent remarquable par l'importance de l'hypertrophie,
déformant le cou avec une gêne fonctionnelle manifeste.
Plus rarement, c'est un syndrome sec par atteinte des
glandes lacrymales, une dysurie par infiltration prosta-
tique, des signes endocriniens (par atteinte hypophysaire
et/ou thyroïdienne avec augmentation de volume de la
glande) ou une tumeur rétro-orbitaire (prenant l'aspect
d'une exophtalmie unie ou bilatérale avec signes inflam-
Fig. 4.4 Coupes histologiques d'une pancréatite ductocentrique matoires) qui attireront l'attention. Les autres manifesta-
idiopathique (pancréatite autoimmune de type 2). A. Détail d'une tions sont moins « parlantes » sur le plan clinique ; il faudra
lésion granulocytaire typique (flèches blanches). B. Immunomarquage néanmoins rechercher aussi des adénopathies périphé-
faible à IgG4 (flèche noire) au sein de l'infiltrat neutrophile et lym- riques à l'examen physique du patient. Les manifestations
phoplasmocytaire. Source : Lamps LW, Kakar S, Diagnostic Pathology. extrapancréatiques de la PAI de type 1 sont détaillées dans
Hepatobiliary and Pancreas. Philadelphie : Elsevier, 2017 (2e éd.). l'encadré 4.1 [5, 6].
Enfin, les maladies inflammatoires chroniques de l'in-
Manifestations cliniques testin sont associées dans près de 30 % des cas à une PAI
et circonstances de diagnostic de type 2. Il s'agit d'une rectocolite hémorragique (RCH)
La forme la plus connue est certainement la forme pseu- dans 66  % des cas et dans 34  % des cas d'une maladie
dotumorale qui a fait découvrir en son temps l'entité PAI. de Crohn. La PAI précède le diagnostic de MICI dans
En effet, c'est au cours d'une pancréatectomie pour masse 20 % des cas avec, de façon plus fréquente, une atteinte
tissulaire que le diagnostic de masse inflammatoire était rectale pour la RCH et/ou un antécédent de colectomie.
fait au lieu d'un adénocarcinome, qui correspond quand Les maladies de Crohn associées aux PAI semblent avoir
même au principal diagnostic différentiel de cette forme moins de lésions proctologiques que les maladies de
anatomoclinique. Il s'agit d'un ou d'une patiente se présen- Crohn courantes. De plus, des lésions muqueuses sont
tant avec un ictère par rétention avec dilatation des voies plus inflammatoires que sténosantes ou pénétrantes (peu
biliaires en rapport avec une masse céphalique pancréatique. de fistules et d'abcès).
Chapitre 4. Pancréatite autoimmune 103

Encadré 4.1. Physiopathologie et atteintes extrapancréatiques


au cours des pancréatites autoimmunes de type 1

Physiopathologie Voies biliaires


Les maladies liées aux IgG4 sont associées à un profil cytokinique Cholestase et cytolyse biologique voire ictère en rapport avec une
des cellules  T auxiliaires de type  2 (IL-6 et IL-21) avec une inflammation et une fibrose des voies biliaires prenant un aspect
infiltration de cellules  T régulatrices (sécrétant l'IL-10). Il en similaire à une cholangite sclérosante à l'imagerie (scanner et IRM).
résulte une stimulation des lymphocytes  B et un switch vers L'atteinte vésiculaire est aussi fréquente.
des plasmocytes sécrétant des IgG4. Par contre, les antigènes
Bronchopulmonaire
impliqués et la présence d'autoanticorps sont inconnus.
Atteinte bronchiolaire (parfois symptômes évoquant un asthme)
Glandes salivaires et lacrymales ou alvéolaire (asymptomatique) avec infiltrats interstitiels ou
Gonflements des paupières et des glandes salivaires (sous- foyers mimant une pneumonie au scanner. La biopsie peut
maxillaires et parotides) de façon bilatérale (maladie de Mikulicz) révéler un infiltrat à IgG4.
ou unilatérale (« tumeur de Küttner »). Diagnostic clinique et
Prostate
biopsie des glandes salivaires.
Dysurie fréquente, augmentation de volume au scanner et fixation
Reins au TEP-FDG. La biopsie révèle les mêmes lésions inflammatoires
Atteinte tubulointerstitielle prédominante (5 à 35  % des avec infiltration plasmocytaire à IgG4.
cas) (c'est-à-dire rare glomérulonéphrite), le plus souvent
Œil
asymptomatique mais altération de la fonction rénale
fréquente. Au scanner, augmentation de taille des reins avec À côté de l'atteinte des glandes lacrymales, atteinte musculaire,
plages hypodenses volontiers périphériques peu rehaussées nerveuse (nerfs optique et trijumeau), pseudotumeur
(hypointense en IRM) avec hyperfixation à la tomographie par inflammatoire. Signes variés  : troubles oculomoteurs, perte de
émission de positons au 18fluorodesoxyglucose (TEP-FDG). vue et œdème palpébral.
La biopsie est recommandée pour diagnostic de maladie à Thyroïde
IgG4 et pour éliminer un carcinome si les reins sont atteints
Goitre, parfois hypothyroïdie (thyroïdite de Riedel).
de façon unilatérale (lésions de néphropathie interstitielle, de
glomérulonéphrite extramembraneuse, de pseudotumeur). Hypophyse
Atteinte d'autres organes dans 30 % des cas. Céphalées, troubles du champ visuel, galactorrhée, diabète
Rétropéritoine insipide.
Atteinte rétropéritonéale inflammatoire mais aussi médiastinale Ganglions
avec infiltration inflammatoire et fibrotique de l'espace Médiastinaux bilatéraux, autour des  organes atteints,
paravertébral mais aussi de l'aorte, bien visibles au scanner. Pas rétropéritonéaux, parfois systémiques (pseudolymphomateux).
de symptômes mais un syndrome inflammatoire biologique.
Une relation entre aortite et anévrysme inflammatoire de l'aorte Atteintes plus rares
abdominale a été suggérée. Testicules, intestin grêle, peau, méninge, mésentère, etc.

Signes biologiques et radiologique. En d'autres termes, il y a d'autres causes


d'élévation du taux d'IgG4 sanguine comme le syndrome
Il y a des signes aspécifiques qui reflètent les atteintes des voies de Gougerot-Sjögren, certains cancers (incluant le cancer
biliaires et/ou une sténose du cholédoque avec cholestase anic- du pancréas), certaines affections dysimmunitaires ou, par
térique et cytolyse voire ictère à bilirubine conjuguée. Les signes exemple, la mucoviscidose. Les caractéristiques du dosage
inflammatoires sont présents en cas de poussée de pancréatite des IgG4 au cours des PAI sont détaillées dans l'encadré 4.2.
ou d'atteinte des autres organes. L'hypergammaglobulinémie Le dosage d'autres anticorps circulants a fait l'objet
n'est pas constante mais est un bon élément d'orientation pour d'études. Ont été rapportés comme ayant un taux élevé au
le diagnostic, même si ce n'est pas spécifique. cours des PAI les anticorps antianhydrase carbonique, anti-
En ce qui concerne le diagnostic des PAI de type 1, l'élé- lactoferrine, antimitochondries, anti-plasminogen-binding
vation du taux sanguin d'IgG4 est très évocatrice. Elle n'est protein de l'Helicobacter pylori. Leur sensibilité est relative-
présente que dans 50 à 66 % des cas et l'on considère comme ment faible et leur apport est inconstant pour le diagnostic.
un taux fortement évocateur une élévation supérieure à Certains autres marqueurs circulants seraient plus spé-
deux fois la normale (qui est en général entre 1 et 1,1 g/L). cifiques de la PAI de type 1 comme le plasmablaste ou le
Un taux compris entre 1 et 2 N peut être aussi évocateur CC-chemokine ligand-18 [1, 3, 7, 8].
mais doit être toujours intégré dans le contexte clinique
104 Traité de pancréatologie

culés des plages pulmonaires, des adénopathies sus- et/ou


Encadré 4.2. À propos du dosage sous-diaphragmatiques, une hypertrophie prostatique.
des IgG4 sériques

Le taux est élevé en cas de pancréatite autoimmune de type 1. Cholangiopancréatographie IRM

Le taux sérique normal des IgG4 est compris en 0,04 et En IRM, la glande pancréatique est hypointense en
0,87 g/L chez l'adulte. séquences pondérées en T1. En effet, il y a une perte de

La sensibilité est assez faible pour le diagnostic de pancréatite l'aspect hypersignalant physiologique en T1 du parenchyme
autoimmune si l'on prend comme limite 1,4 g/L soit 22 à 30 %. pancréatique, témoin du processus inflammatoire diffus ou

Si le chiffre choisi est de 2,8 g/L, cette sensibilité augmente à localisé. Cet infiltrat inflammatoire imprime un retard de
96 % avec une valeur prédictive positive de 50 %. prise de contraste qui s'associe à un infiltrat périglandulaire.

Le taux de récidive est plus important chez les patients ayant Ce dernier apparaît en hyposignal en séquences pondérées
un taux d'IgG4 élevé à plus de 4 g/L. en T2. On retrouve les mêmes aspects d'atteinte focalisée ou

Ce taux de récidive est plus important en cas de non- diffuse du parenchyme. Les séquences de cholangio-pan-
normalisation du taux d'IgG4 après traitement (30 %) versus créato-graphies sont très importantes car elles visualisent
normalisation (10 %). bien les atteintes canalaires biliaires et pancréatiques. Au

Un taux élevé d'IgG4 peut être rencontré en cas d'allergie, niveau des voies biliaires, les sténoses sont étagées avec un
mais aussi de certains états inflammatoires et dans la aspect moniliforme en cas de cholangite (PAI de type 1) ou
cholangite sclérosante primitive (faux positifs). alors il s'agit d'une dilatation globale des voies biliaires en
amont d'un obstacle pseudotumoral au niveau de la tête du
pancréas (PAI de types 1 et 2). Le canal pancréatique, quant
Signes radiologiques à lui, est souvent invisible ou raréfié avec une sténose plus
et endoscopiques ou moins longue (parfois > 3 cm) ou des sténoses étagées
sans dilatation d'amont, ce qui est un bon élément de dif-
Scanographie férence avec la sténose tumorale. Généralement, le canal
L'imagerie est un temps très important pour le diagnos- pancréatique (ou le cholédoque) n'est pas totalement inter-
tic, en particulier le scanner thoraco-abdomino-pelvien rompu (le duct-penetrating sign des Anglo-Saxons), ce qui
sans et avec injection de produit de contraste. La PAI peut le distingue des sténoses tumorales. À noter, enfin, que les
prendre deux formes : une forme pseudotumorale focali- signes radiologiques ne permettent pas de distinguer les PAI
sée ou une atteinte diffuse. La forme pseudotumorale se de type 1 des PAI de type 2 car elles partagent les mêmes
caractérise par la présence d'une ou plusieurs masses tis- lésions scanographiques et IRM. Les figures 4.5, 4.6, 4.7 et
sulaires hypodenses intrapancréatiques que l'on peut aisé- 4.8 exposent les principaux signes scanographiques et IRM
ment confondre avec une tumeur maligne. Classiquement, des PAI [1, 3, 8, 9].
il n'y a pas d'envahissement des vaisseaux de voisinage ni
d'infiltration périvasculaire des vaisseaux cœliomésenté-
riques. Toutefois, en cas de masse très inflammatoire, un Échoendoscopie et histologie
aspect d'infiltration péritumorale est toujours possible Le rôle de l'échoendoscopie est de participer activement au
rendant alors très difficile le diagnostic différentiel (c'est diagnostic positif en caractérisant les signes qui peuvent
notamment le cas des patients ayant présenté une poussée être évocateurs, devant un pancréas inflammatoire de façon
de pancréatite aiguë). diffuse et d'aspect très hypoéchogène, infiltré, ayant perdu
La forme diffuse est plus typique des PAI avec un paren- sa lobulation avec irrégularité « diffuse », y compris de ses
chyme pancréatique « délobulé », hypertrophique dans sa contours qui sont volontiers hyperéchogènes. Sur le plan
globalité, avec retard de prise de contraste. Il est entouré canalaire, on peut aussi détecter une à plusieurs sténoses éta-
parfois d'un halo ou « pseudoanneau » hypodense (d'aspect gées du canal de Wirsung mais sans dilatation d'amont. Ses
sausage-like, selon les Anglo-Saxons). Le canal pancréa- parois apparaissent épaissies, volontiers hyperéchogènes au
tique est souvent invisible ou raréfié ou anormalement fin cours des PAI de type 1 et hypoéchogène au cours des PAI de
et irrégulier avec sténoses étagées sans dilatation d'amont et type 2. Il peut s'agir souvent d'un aspect pseudotumoral pre-
parfois un aspect inflammatoire péricanalaire. Les lésions nant celui d'un adénocarcinome ou d'une pancréatite chro-
kystiques sont rares ; les calcifications sont possibles mais nique classique pseudotumorale sans calcifications. En cas
n'intéresseraient que moins de 10 % des cas. d'atteinte inflammatoire des voies biliaires, un aspect typique
En particulier dans la forme pseudotumorale, le diagnos- « dédoublé » du cholédoque et des voies biliaires extrapan-
tic différentiel avec le cancer reste le problème central. Ceci créatiques permettra de porter le diagnostic de cholangite
impose bien sûr une biopsie pour éviter chimiothérapie et/ associée. Les figures  4.9, 4.10 et 4.11 montrent quelques
ou résection chirurgicale (cf. infra). Dans le cas des PAI de aspects endosonographiques des PAI. L'échoendoscopie est
type 1, l'atteinte concomitante d'autres organes facilitera aussi contributive par la ponction dirigée qui recherche des
le diagnostic de maladie autoimmune. En effet, un aspect signes définis par le consensus ICDC (International consen-
inflammatoire des voies biliaires intra- et extrahépatiques sus diagnostic criteria). On privilégie les aiguilles de cyto-
orientera vers le diagnostic de cholangite à IgG4. D'autres ponction avec biseau facilitant théoriquement l'obtention
aspects sont aussi évocateurs de PAI de type 1 comme un de meilleures carottes biopsiques (19, 20 ou 22 G). Sur ces
aspect infiltré de l'aorte ou du rétropéritoine, une atteinte carottes biopsiques sont recherchés l'infiltrat inflammatoire,
inflammatoire péricalicielle rénale, des infiltrats non spi- les plasmocytes positifs pour IgG4 (> 10 plasmocytes mar-
Chapitre 4. Pancréatite autoimmune 105

A B

C D
Fig. 4.5 Aspects en TDM et IRM de pancréatites autoimmunes A, B. Coupes scanographiques avec perte de la lobulation du parenchyme
pancréas (flèche blanche) et liseré hypodense périphérique (flèche blanche en pointillé). C, D. Coupes IRM d'un autre cas avec perte de l'aspect
hyperintense et de la lobulation en T1 du parenchyme pancréatique (C) (flèche blanche) et liseré hypointense périphérique en T2 (D) (flèche
blanche en pointillé).

A B

C D
Fig. 4.6 Aspects en TDM et IRM de pancréatites autoimmunes. A, B. Coupes scanographiques avec perte de la lobulation du parenchyme
pancréas (flèche blanche) et sténoses étagées du canal de Wirsung sans dilatation d'amont (duct-penetrating sign – flèches blanches en pointillée).
C, D. Coupes IRM d'un autre cas avec perte de l'aspect hyperintense et de la lobulation en T1 du parenchyme pancréatique et sténoses étagées
du canal de Wirsung (flèches blanches en pointillé). En D, même aspect mais en séquence de wirsungographie (flèches blanches en pointillé).
106 Traité de pancréatologie

B
Fig. 4.7 Aspects en IRM de pancréatites autoimmunes. A, B. Coupes IRM de deux cas avec perte de l'aspect hyperintense et de la lobulation
en séquence T1 du parenchyme pancréatique et sténoses étagées du canal de Wirsung (flèche blanche).

A B

C D E
Fig. 4.8 TDM montrant des atteintes extrapancréatiques d'une pancréatite autoimmune de type 1. A. Atteinte bilatérale rénale (flèches
blanches). B. Atteinte pancréatique (flèche blanche en pointillé) et rénale (flèche blanche). C. Atteintes pulmonaire (flèches blanches) et médias-
tinale périaortique (flèches blanches en pointillé). D. Atteinte rétropéritonéale (flèches blanches). E. Atteinte périaortique sous diaphragmatique
(flèche blanche).
Chapitre 4. Pancréatite autoimmune 107

AH
VP

RG R
VMS
A

AH
VP

RG VMS
B
Fig.  4.9 Coupes échoendoscopiques de la queue et du corps
du pancréas d'une pancréatite autoimmune avec atteinte dif- B
fuse. A, B.  Aspect hypoéchogène diffus avec perte de la lobula- Fig. 4.10 Coupe échoendoscopique de la tête du pancréas d'une
tion du parenchyme pancréatique (étoiles blanches) entouré d'un pancréatite autoimmune avec atteinte diffuse. A, B. Aspect hypo-
liseré hyperéchogène (flèches blanches) et d'une quasi-disparition échogène diffus avec perte de la lobulation du parenchyme pancréa-
du canal de Wirsung (flèches blanches en pointillé). R  : rate ; RG  : tique (flèches blanches). VMS : veine mésentérique supérieure ; AH :
rein gauche. artère hépatique ; VP : veine porte.

qués par champs de haute magnificence – × 400), la fibrose


« storiforme » et les phlébites oblitérantes (lésions essentiel-
lement de type PAI de type 1). Un aspect typique de PAI de VBP
type 2 (c'est-à-dire lésions granulocytaires épithéliales autour
des canaux qui sont obstrués et détruits) est plus difficile à Aiguille 22G
mettre en évidence sur microbiopsie. La sensibilité va de 30
à 60 % en fonction des séries cliniques souvent limitées en
nombre de patients et concernant essentiellement les PAI de
type 1. Néanmoins, devant une masse tissulaire ou un aspect *
inflammatoire diffus de la glande pancréatique, la cytoponc-
tion permet a priori d'éliminer une masse tumorale quand
l'histologie révèle un aspect inflammatoire, sans dystrophie
ou dysplasie. En cas de PAI de type 1, au décours de l'échoen-
doscopie, il est utile de réaliser des biopsies de la papille
principale qui permettront parfois de mettre en évidence Fig. 4.11 Coupe échoendoscopique de la tête du pancréas d'une
un infiltrat inflammatoire avec abondance de plasmocytes pancréatite autoimmune à forme pseudotumorale. Aspect hypo-
IgG4 + dans le cadre d'une PAI de type 1. Les principales échogène de la pancréatite (flèches blanches) avec canal de Wirsung
caractéristiques de l'imagerie au cours des PAI sont rappelées peu visible (étoile blanche) et aiguille de cytoponction pour diagnostic
dans l'encadré 4.3 [1, 7, 9]. positif et différentiel. La voie biliaire est le siège d'une cholangite avec
paroi épaissie (flèches blanches en pointillé). VBP : voie biliaire principale.
108 Traité de pancréatologie

Encadré 4.3. Imagerie pancréatique : les principaux signes évocateurs des pancréatites
autoimmunes de type 1 et de type 2
Tomodensitométrie (TDM) abdominale ■
Le canal pancréatique est souvent invisible ou raréfié avec une
avec injection de produit de contraste sténose plus ou moins longue ou des sténoses étagées mais

Une ou plusieurs masses tissulaires hypodenses intrapancréa- sans dilatation d'amont (PAI de types 1 et 2).
tiques sans envahissement des vaisseaux de voisinage ni d'infil- Échoendoscopie biliopancréatique
tration périvasculaire des vaisseaux cœliomésentériques. ■
Pancréas très hypoéchogène de façon diffuse, infiltré, inflam-

Forme diffuse avec un parenchyme pancréatique hypertro-
matoire, ayant perdu sa lobulation avec irrégularité « diffuse »,
phique et « délobulé », avec retard de prise de contraste,
y compris ses contours qui sont pour leur part hyperéchogènes
entouré d'un halo ou « pseudoanneau » hypodense (d'aspect
(PAI de types 1 et 2).
sausage-like, selon les Anglo-Saxons). ■
Aspect pseudotumoral prenant le visage soit d'un adénocarci-

Le canal pancréatique est invisible ou raréfié ou anormalement
nome (frome hypoéchogène) ou d'une pancréatite chronique
fin et irrégulier avec sténoses étagées sans dilatation d'amont
classique pseudotumorale sans calcifications (masse hétéro-
et un aspect inflammatoire péricanalaire.
gène dans son échogénicité) (PAI de types 1 et 2).

Peu ou pas de kystes, calcifications rares. ■
Le canal pancréatique est invisible ou est le siège d'une à
IRM avec séquences plusieurs sténoses sans dilatation d'amont (PAI de types 1 et
de cholangio-pancréato-graphie 2).

Le pancréas est hypointense en séquences pondérées en T1 avec

Les parois du canal de Wirsung sont épaissies, hyperéchogènes
un retard de prise de contraste due à l'infiltrat inflammatoire. au cours des PAI de type 1 et hypoéchogènes au cours des PAI

Il existe un infiltrat périglandulaire qui lui-même apparaît de type 2.
hypointense en T2.

En cas de cholangite associée (PAI de type 1), les voies biliaires

En séquence de cholangiographie, les voies biliaires apparaissent acquièrent un aspect typique avec paroi « dédoublée » du
avec des sténoses étagées et un aspect moniliforme dans le cholédoque et des voies biliaires extrahépatiques.
cadre d'une cholangite en cas de PAI de type 1.

La cytoponction dirigée permet le diagnostic de maladie

La voie biliaire principale peut être aussi dilatée de façon glo- autoimmune si la carotte biopsique est de bonne qualité et
bale en amont d'un obstacle pseudotumoral céphalique (PAI permet d'éliminer le diagnostic d'adénocarcinome.
de types 1 et 2).

TEP-scan Tableau 4.1 Différences dans la présentation


clinique et l'évolution entre pancréatite
Le TEP-scan peut être utile pour apprécier la diffusion de la autoimmune de type 1 et de type 2.
maladie aux autres sites et la réponse au traitement. En effet,
les lésions pancréatiques de PAI mais aussi extrapancréatiques Signes et PAI 1 PAI 2
se fixent souvent intensément au TEP-scan, en particulier la caractéristiques
cholangite, les adénopathies, la fibrose rétropéritonéale, les Âge moyen (ans) 60–70 40–50
infiltrats pulmonaires, l'atteinte rénale bilatérale. Ceci permet Hommes:femmes 3:1 1:1
donc de détecter des localisations asymptomatiques. Il per-
Symptômes (%)⁎
met aussi de différencier les zones/atteintes inflammatoires Ictère 75 30–35
des zones fibreuses. Le TEP-scan ne règle toutefois pas les Douleur chronique 35 55
problèmes de diagnostic différentiel avec le cancer du pan- Pancréatite aiguë 10–20 50–55
créas qui peut lui aussi être hyperfixant au TEP-scan [7]. Autres 10 2
Atteinte d'autres 35–45 0–2
organes (%)⁎⁎ 3 25–30
Différences entre PAI de type 1 MICI (%)
et PAI de type 2 Atteinte diffuse 40–50 25
à l'imagerie (%)
Le tableau 4.1 résume les principales différences en matière
de signes cliniques entre la PAI de type 1 et celle de type 2. Élévation sérique 60–80 0–10
Pour la PAI 1, le sex-ratio est de 2 à 3 (hommes/femmes) pour des IgG4 (%)
un âge moyen au diagnostic de 60 ans. La présence d'une ou Diabète (%) 50 6
plusieurs atteintes cliniques extrapancréatiques associées Insuffisance 35 30
constitue un élément d'orientation diagnostique important. pancréatique
La principale atteinte extrapancréatique est l'atteinte des voies exocrine (%)
biliaires constituant « une cholangite sclérosante à IgG4 » dont Récidive après 30–60 10
l'incidence varie entre 25 et 96 %. Cette dernière se mani- corticothérapie (%)
feste le plus souvent par une sténose cholédocienne isolée * Deux symptômes ou plus peuvent être associés.
sans autres atteintes (deux tiers des cas) mais une atteinte du ** Voies biliaires, rein, rétropéritoine, glandes salivaires, ganglions, poumons,
cholédoque et des voies biliaires intrahépatiques, une atteinte fibrose médiastinale, thyroïde, gros vaisseaux, prostate, rétro-orbitaire, etc.
cholédoque et du hile hépatique, une atteinte hilaire seule sont MICI : maladie inflammatoire chronique de l'intestin.
Chapitre 4. Pancréatite autoimmune 109

Fig. 4.12 Classification des différentes atteintes des voies biliaires au cours des pancréatites autoimmunes de type 1. Les localisations
des sténoses inflammatoires sont indiquées par des flèches rouges. D'après Nakazawa T, Naitoh I, Hayashi K, Okumura F, Miyabe K, Yoshida M
et al. Diagnostic criteria for IgG4-related sclerosing cholangitis based on cholangiographic classification. J Gastroenterol 2012 ; 47 : 79-87.

possibles (Fig. 4.12). Dans de rares cas, des atteintes intrahé- présentent des pancréatites aiguës idiopathiques (50 % des
patiques isolées sont également possibles. Parmi les autres cas) à répétition, le plus souvent bénignes et/ou des douleurs
atteintes d'organes, on retrouve une sialadénite (atteinte des abdominales. Il existe aussi des formes pseudotumorales
glandes salivaires, souvent bilatérale, volumineuse et doulou- avec ictère obstructif, masse ou sténose canalaire localisée. Il
reuse), une néphrite interstitielle (protéinurie, hématurie, syn- n'existe aucune atteinte extrapancréatique associée en dehors
drome néphrotique, insuffisance rénale), des adénopathies, d'une forte prévalence de maladies inflammatoires chro-
une fibrose rétropéritonéale, une aortite (atteinte de l'aorte niques intestinales (maladies inflammatoires chroniques de
thoracique et de l'aorte abdominale), une atteinte intratho- l'intestin [MICI], maladie de Crohn et rectocolite hémorra-
racique (pleurale et parenchymateuse pulmonaire à types gique ou colite inclassée) dans 20 à 30 % des cas. Les signes
d'infiltrats), un syndrome sec, une thyroïdite, des atteintes peuvent être synchrones du diagnostic de PAI (troubles du
mammaires, prostatiques, cutanées, péricardiques, rétro-orbi- transit concomitants) mais aussi métachrones. Parfois, c'est
taires, etc. Ces atteintes extrapancréatiques peuvent être mul- au cours du suivi d'une MICI que l'atteinte pancréatique
tiples et présentent les mêmes caractéristiques histologiques et apparaît et qu'il faudra dissocier d'une atteinte iatrogène en
immunohistochimiques que pour le pancréas, avec infiltration cas de pancréatite aiguë (azathioprine, 5-ASA). En cas de PAI
de plasmocytes IgG4 +. En synthèse, on distingue classique- de type 2, le problème de la réalisation de la coloscopie se
ment quatre formes d'atteinte viscérale : la forme pancréato- pose au moindre doute clinique voire radiologique (atteinte
hépato-biliaire, la forme rétropéritonéale et/ou l'atteinte de la dernière anse grêle) de MICI. Il faut enfin noter que l'on
aortique (aortite), la forme limitée à la tête et ou cou et la peut détecter une élévation des IgG4 sériques chez près de
forme diffuse multiorganes (syndrome de Mikulicz). 20 % des PAI de type 2. L'encadré 4.4 résume les principales
Au cours de la PAI de type 2, les patients sont âgés en différences cliniques et évolutives entre la PAI de type 1 et la
moyenne de 40 à 50 ans et le sex-ratio est d'1. Les patients PAI de type 2 [1, 3, 5, 7, 9, 10].

Encadré 4.4 Les deux types de pancréatites autoimmunes en quelques lignes

Pancréatite autoimmune de type 1 ■


Se manifeste par un ictère, des douleurs pancréatiques chroni-

Représente la localisation pancréatique de la maladie à IgG4. ques, une pancréatite aiguë, une atteinte extrapancréatique.

Les lésions anatomopathologiques associent fibrose et infiltrat

Les critères du diagnostic de la pancréatite autoimmune
inflammatoire lymphoplasmocytaire, majoritairement plasmo- de type 1 associent une atteinte évocatrice du parenchyme
cytes IgG4. et des canaux pancréatiques, un taux d'IgG4 sérique

110 Traité de pancréatologie


≥ 2  N, des atteintes extrapancréatiques, en particulier Pancréatite autoimmune de type 2
une cholangite, une « réponse thérapeutique rapide » à la ■
Les lésions anatomopathologiques associent une atteinte
corticothérapie. granulocytaire épithéliale avec infiltration péricanalaire de

Les principales atteintes extrapancréatiques au cours des PAI lymphocytes et de plasmocytes négatifs à « l'immunomarquage
de type 1 sont une cholangite, une sialadénite, une néphrite IgG4 ».
interstitielle, des adénopathies, une fibrose rétropéritonéale, ■
Se manifeste par une pancréatite aiguë, des douleurs
une aortite. chroniques, un ictère.

Les principaux signes radiologiques sont un élargissement ■
Les critères diagnostiques de la pancréatite autoimmune de
diffus de la glande pancréatique qui apparaît hypodense au type 2 associent une atteinte évocatrice du parenchyme et des
scanner et hypointense en IRM, associé à une diminution de canaux pancréatiques, un taux d'IgG4 sérique normal, une
la prise de contraste périphérique ; une sténose plus ou moins association avec une MICI dans 20 à 30  % des cas et une
longue du canal de Wirsung ou plusieurs sténoses étagées réponse « rapide » à la corticothérapie.
sans dilatation d'amont. ■
Les signes radiologiques sont partagés avec la pancréatite

La récidive est fréquente, qui sera traitée par une nouvelle autoimmune de type 1.
corticothérapie puis des immunosuppresseurs. ■
La récidive est peu fréquente.

Diagnostic positif de la pancréatite le nom de critères HISORt (pour histology, imaging, serology,
other organ involvement, and response to therapy) à partir de
autoimmune données de patients présentant uniquement une PAI de type 1.
Les critères diagnostiques ont évolué au cours du temps avec Ces critères étaient difficiles à réunir et de nouveaux critères
des différences initiales entre les pays occidentaux et ceux ont donc été décrits depuis 2010. Il s'agit des critères diagnos-
de l'Asie du Sud-Est. Tout ceci a motivé des conférences de tiques internationaux (ICDC) permettant actuellement de
consensus successives. La Mayo Clinic aux États-Unis a éta- bien classer la PAI en deux types : la PAI de type 1 et celle de
bli ses propres guidelines diagnostiques en 2006, connus sous type 2. Ces critères sont détaillés dans le tableau 4.2 [9].

Tableau 4.2 Critères ICDC pour le diagnostic de pancréatite autoimmune de types 1 et 2 [7].
Critères PAI de type 1 PAI de type 2
Imagerie du parenchyme (TDM) Niveau 1 : élargissement diffus de la glande Niveau 1 : élargissement diffus de la glande
pancréatique associé à une diminution de la pancréatique associé à une diminution de la
prise de contraste périphérique (parfois halo prise de contraste périphérique (parfois halo
ou anneau périphérique) ou anneau périphérique)
Niveau 2 : élargissement segmentaire ou Niveau 2 : élargissement segmentaire ou
focal de la glande pancréatique associé focal de la glande pancréatique associé
à une diminution de la prise de contraste à une diminution de la prise de contraste
périphérique périphérique
Imagerie du canal principal Niveau 1 : sténose longue du canal de Wirsung Niveau 1 : sténose longue du canal de
(CPRE/CPRM) ou plusieurs sténoses étagées sans dilatation Wirsung (1/3 de la longueur) ou plusieurs
d'amont sténoses étagées sans dilatation d'amont
Niveau 2 : sténose segmentaire sans dilatation Niveau 2 : sténose segmentaire sans
d'amont dilatation d'amont (< 5 mm)
Sérologie Niveau 1 : IgG4 > 2 N IgG4 normales
Niveau 2 : N < IgG4 < 2 N
Atteinte des autres organes Niveau 1 : histologie typique avec IgG4 Diagnostic clinique de MICI
(> 10 cellules par champs) ou à l'imagerie au
moins, atteinte sténotique des voies biliaires
et fibrose rétropéritonéale
Niveau 2 : histologie avec critères incomplets
ou atteinte clinique des glandes salivaires et
des reins
Histologie du pancréas (résection ou Lésions spécifiques (2 à 3 lésions) : • lésions granulocytaires épithéliales des
biopsie sous échoendoscopie) • infiltration lymphoplasmocytaire parois du canal principal avec inflammation
péricanalaire granulocytaire des acini ou non
• phlébite oblitérante • pas ou peu de cellules IgG4 positives (0-10/
• fibrose diffuse champs)
• cellules IgG4 + > 10/champs
Réponse à la corticothérapie Résolution des signes radiologiques, Rapide (2 semaines) : résolution des signes
amélioration des signes pancréatiques et radiologiques et amélioration des signes
extrapancréatiques pancréatiques
CPRE : cholangio-pancréato-graphie rétrograde endoscopique ; CPRM : cholangio-pancréato-graphie par résonance magnétique ; ICDC : International consensus
diagnostic criteria ; MICI : maladie inflammatoire chronique de l'intestin ; TDM : tomodensitométrie.
Chapitre 4. Pancréatite autoimmune 111

SUSPICION CLINIQUE ET/OU RADIOLOGIQUE DE PAI


(douleur, ictère, hypertrophie diffuse ou localisée du pancréas, etc.)

DOSAGE DES IgG4 SÉRIQUES, RELECTURE SCANNER ET IRM


(ÉLIMINER LE DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE CANCER !)

SIGNES TYPIQUES DE PAI SIGNES ATYPIQUES DE PAI


(niveau 1 ICDC) (niveau 2 ICDC)

Élévation des IgG4 Taux d'IgG4 normal EE + BIOPSIE PANCRÉAS


Autres organes atteints ( ± MICI) ± BIOPSIE AUTRE ORGANE

PAI de type 1 PAI de type 2

HISTOLOGIE CANCER !?
CORTICOTHÉRAPIE
(niveau 1 ou 2 ICDC

RÉPONSE PAS DE RÉPONSE

DIAGNOSTIC CONFIRMÉ DIAGNOSTIC À RECONSIDÉRER : CANCER ?

Fig. 4.13 Algorithme du diagnostic de la pancréatite autoimmune. PAI : pancréatite autoimmune ; EE : échoendoscopie ; ICDC : International
consensus diagnostic criteria ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; MICI : maladie inflammatoire chronique de l'intestin.

Chaque critère est classé en niveaux de preuve (niveau 1 et Il faut enfin aussi s'attacher à évaluer le contexte autoim-
niveau 2) qui permettent de définir la fiabilité du diagnostic. mun du patient (association à d'autres affections comme
Le diagnostic de PAI de type 1 et de type 2 peut être certain spondylarthrite ankylosante, thyroïdite, vitiligo, etc.) et de la
ou probable, et dans certains cas la distinction entre les sous- famille (polyarthrite rhumatoïde).
types peut ne pas être possible : on parle alors de « PAI indé-
terminée ». La présence de critères radiologiques de niveaux 1
ou 2 avec histologie de niveau 1 caractérise un diagnostic Cas particulier de l'enfant
« certain ». Par contre, l'association de critères radiologiques
Bien qu'affection rare, la PAI est possible aussi chez l'en-
de niveaux 1 ou 2 avec une histologie de niveau 2 correspond
fant. La littérature est assez limitée sur le nombre de cas
à un diagnostic « probable » et requiert d'ajouter le critère
publiés mais il ressort que la forme infantile s'apparente
« réponse rapide à la corticothérapie ». Ainsi, la PAI de type 1
majoritairement à la PAI de type 2, se manifeste par des
est définie comme certaine ou probable selon un faisceau d'ar-
douleurs abdominales (90 % des cas), un ictère obstructif
guments d'ordre radiologique, sérologique, clinique (atteinte
(55 % des cas), une perte de poids, des vomissements, une
d'autres organes), histologique et thérapeutique (réponse à la
asthénie (45 % des cas). L'imagerie est superposable à celle
corticothérapie) (Tableau 4.2). La PAI de type 2 est définie,
de l'adulte avec un aspect hypodense/hypointense global
quant à elle, comme certaine ou probable selon l'associa-
ou focalisé du pancréas, un canal principal irrégulier et
tion de critères diagnostiques détaillés également au sein du
une sténose intrapancréatique de la voie biliaire principale
tableau 4.2. Contrairement à la PAI de type 1 où la sérologie
par le syndrome de masse. Un quart des enfants pourraient
et l'atteinte extrapancréatique sont souvent évocatrices, le
avoir une rectocolite ulcéreuse associée ou développent
diagnostic de PAI de type 2 ne peut être retenu formellement
d'autres affections autoimmunes. La corticothérapie est
qu'en présence d'une histologie. Cependant, la rentabilité et la
très efficace mais la récidive est possible (moins de 20 %
faisabilité des prélèvements de tissu pancréatique au cours des
des cas). Par contre, fibrose et atrophie pancréatiques
échoendoscopies par ponction-aspiration ou biopsies sont
peuvent se constituer rendant compte de complications
encore un sujet très débattu. La PAI de type 2 est donc défi-
chroniques telles qu'insuffisance pancréatique exocrine
nie comme étant probable lorsque sont réunies une imagerie
(20 %) et diabète (10 %) [7, 9, 11, 12].
typique, la présence d'une maladie de Crohn ou d'une RCH et
la « réponse rapide à la corticothérapie » (résolution des signes
cliniques et biologiques de la PAI en 2 semaines).
Enfin, toujours dans le cadre de la PAI de type 1, une
Diagnostic différentiel
biopsie des glandes salivaires, du rein, d'un ganglion, du hile Le principal diagnostic différentiel est le cancer du pan-
hépatique ou du poumon permet parfois d'obtenir du maté- créas (dont la fréquence est largement supérieure à celle
riel histologique propre à visualiser tous les critères d'une des PAI) en particulier devant une forme pseudotumo-
infiltration lymphoplasmocytaire IgG4 +. La figure  4.13 rale de PAI ou une PAI se traduisant par sténose cana-
expose l'algorithme de diagnostic des PAI. laire unique avec douleurs abdominales. On s'attachera
112 Traité de pancréatologie

à rechercher en faveur du cancer un amaigrissement, tie du diagnostic de PAI (test thérapeutique sur 2 semaines
des douleurs solaires, un envahissement des structures avec réponse rapide). Rappelons aussi, qu'en cas de forme
anatomiques et vasculaires adjacentes, une suspicion de pseudotumorale, il est important d'éliminer une pathologie
métastases, des signes de malignité à l'histologie de la cyto- tumorale (notamment un adénocarcinome pancréatique)
ponction. D'autres tumeurs, moins fréquentes, sont autant avant tout traitement par la réalisation d'une biopsie pan-
de diagnostics différentiels, plus particulièrement le lym- créatique sous échoendoscopie.
phome caractérisé parfois par une infiltration diffuse de la
glande pancréatique. Comment traiter ?
D'autres diagnostics se posent quant à l'étiologie d'une
pancréatite aiguë récurrente idiopathique qui fera aussi La corticothérapie est le traitement consensuel de la PAI.
rechercher volontiers chez un ou une patiente jeune des En effet, elle permet non seulement l'amélioration des
mutations génétiques, la prise de médicaments, de toxiques symptômes mais aussi des lésions radiologiques et his-
ou de cannabis (chapitre 2). tologiques. De plus, l'évolution des symptômes peut être
Enfin, il y a aussi des affections dysimmunitaires et spectaculaire après quelques jours de traitement. La poso-
autres maladies de systèmes qui comportent des atteintes logie initiale consensuelle est de 0,6 à 1 mg/kg de pred-
pancréatiques comme la maladie de Gougerot-Sjögren, nisone (soit un équivalent journalier de 30 à 40  mg de
le lupus érythémateux disséminé, la pancréatite à éosi- prednisone, au minimum 20 mg/j). La décroissance doit
nophiles, la périartérite noueuse, le syndrome de Churg- se faire selon une posologie réduite de 5 à 10 mg toutes
Strauss. Une insuffisance pancréatique exocrine, des les semaines jusqu'à la posologie journalière de 20 mg à
poussées de pancréatite aiguë ou un syndrome de masse partir de laquelle la dose est baissée de 5 mg toutes les
peuvent être aussi observés et le bilan radiologique pren- 2 semaines. La durée totale du traitement est en général de
dra donc là aussi toute son importance pour faire le dia- 12 semaines. Par contre, des traitements courts d'un mois
gnostic différentiel. ou moins ne sont pas recommandés. Il est bien sûr néces-
En ce qui concerne la pancréatite chronique calcifiante, saire de mettre en place une prothèse biliaire temporaire en
le contexte (alcoolisme chronique), les autres complica- cas d'ictère intense. En cas de cholestase modérée, même
tions (vasculaires, pseudokystes, épanchements) et les ictérique, et en l'absence d'angiocholite, le traitement par
nombreuses calcifications vont orienter le diagnostic. corticoïdes peut suffire largement à traiter l'obstruction
Néanmoins, il est des formes de PAI avec atrophie et sté- biliaire. En cas de contre-indication ou d'intolérance aux
noses canalaires cicatricielles qui peuvent s'accompagner corticoïdes (cas rares mais possibles, notamment pour
de calcifications parenchymateuses pancréatiques, voire de des raisons psychiatriques), le seul immunosuppresseur
pancréatite chronique obstructive. Notons encore une fois recommandé pour le traitement d'induction est le rituxi-
qu'au cours de la PAI, il y a peu de complications kystiques. mab. Le suivi du traitement initial sera effectué sur le plan
Enfin, en cas d'atteinte biliaire, le diagnostic de cholan- clinique mais aussi biologique (bilan hépatique, inflamma-
giocarcinome (voire de cholangite sclérosante primitive) se toire, rénal, taux circulant d'IgG4 pour les PAI de type 1,
pose : la réponse à la corticothérapie est un argument utile lipasémie). L'amélioration doit être rapide, sur 2 semaines,
mais l'apport de la cholangioscopie avec biopsies endolumi- alors que les signes radiologiques mettent plus de temps
nales a ici toute son importance. à se normaliser (bilan en général à 2 ou 4 semaines puis
à 2 mois). Il est préconisé d'effectuer un suivi biologique
toutes les semaines et un suivi clinique et radiologique
Traitement de première ligne mensuel. Si, à un mois, il y a une disparition des signes
cliniques et biologiques avec amélioration significative des
Qui traiter ? signes radiologiques (ou disparition), la corticothérapie est
Les indications du traitement d'induction sont : tout patient diminuée de 5 mg par semaine jusqu'à arrêt. Si on observe
symptomatique avec atteinte pancréatique se manifestant une réponse complète, il n'y a théoriquement pas d'indica-
par un ictère obstructif dans le cadre d'une forme pseudo- tion de traitement d'entretien par corticothérapie à faible
tumorale, des douleurs abdominales d'origine pancréatique, dose ou immunosuppresseur (comme l'azathioprine) après
des pancréatites aiguës récidivantes, des douleurs dorsales un premier traitement d'induction [8, 9, 13, 14].
et une atteinte d'un ou plusieurs autres organes, en particu- Enfin, et surtout, il va sans dire qu'en cas de non-
lier les voies biliaires avec sténoses par une cholangite. Les réponse initiale (ou de réponse très partielle), il faudra se
patients asymptomatiques relevant de ce traitement d'in- poser le problème d'une autre affection, en particulier
duction sont ceux pour lesquels persistent des perturbations l'adénocarcinome.
du bilan hépatique en rapport avec une cholangite à IgG4 ou La figure 4.14 expose sous forme d'algorithme la prise
qui présentent une masse pancréatique persistante à l'image- en charge de la PAI en première ligne de traitement. Les
rie. En effet, dans ces cas, il existe un risque de fibrose avec figures 4.15 et 4.16 montrent l'évolution favorable sur le
insuffisance pancréatique exocrine et endocrine. Rappelons plan de l'imagerie de deux cas de PAI sous corticothérapie
que le traitement d'induction par corticoïdes fait aussi par- de première ligne.
Chapitre 4. Pancréatite autoimmune 113

DIAGNOSTIC DE PAI
(le diagnostic de cancer du pancréas a été écarté a priori )

SYMPTÔMES (douleur, ictère, autres, etc.)


NON
ATTEINTE D'AUTRES ORGANES ?
OUI Contre-indication
SURVEILLANCE
CORTICOTHÉRAPIE IS ou RITUXIMAB
(sauf si atteinte diffuse)

PAS DE RÉMISSION RÉMISSION

DIAGNOSTIC DÉCALÉE RAPIDE


À RECONSIDÉRER : CRITÈRE(S) DE RÉCIDIVE BIOLOGIE + RADIOLOGIE
CANCER ? PERSISTANCE TAUX ÉLEVÉ IgG4 PAS D'AUTRES ATTEINTES

SURVEILLANCE

TRAITEMENT DE MAINTENANCE
IS ou RITUXIMAB**

RÉCIDIVE

Fig. 4.14 Algorithme du traitement de première ligne de la pancréatite autoimmune. PAI : pancréatite autoimmune ; IS : immunosuppresseurs.

A B

C D
Fig. 4.15 Aspects IRM de pancréatite autoimmune avant (A, B) et après (C, D) traitement corticoïde. A, B. Pancréatite autoimmune avec
perte de la lobulation du parenchyme et hypertrophie (A) (flèches blanches) et sténose du canal de Wirsung céphalique en séquence de pancréa-
tographie (B) sans dilatation d'amont (flèche blanche en pointillé). C, D. Même cas après corticothérapie : le parenchyme a retrouvé son aspect
normal (flèches blanches) et la sténose du canal de Wirsung a disparu (flèche blanche en pointillé).
114 Traité de pancréatologie

A B

C D
Fig. 4.16 Aspects IRM de pancréatite autoimmune avant (A, B) et après (C, D) traitement corticoïde. A, B. Pancréatite autoimmune avec
perte de la lobulation du parenchyme et hypertrophie (A) (flèche blanche) en séquence T2 et sténose serrée de la voie biliaire principale avec
dilatation d'amont en séquence de cholangiographie (B) (flèches blanches en pointillé). C, D. Même cas après corticothérapie : le parenchyme
pancréatique a retrouvé son aspect normal (flèche blanche) et la sténose du cholédoque a disparu (flèches blanches en pointillé).

Traitement de la récidive les formes avec atteinte extrapancréatique (avec ≥ 2 organes


et indications d'un traitement atteints), la persistance d'un taux élevé d'IgG4 après cortico-
d'entretien thérapie ou un taux élevé préthérapeutique et, après traite-
ment initial, des phosphatases alcalines.
La récidive survient dans 10 à 30 % des cas, en général au Il n'y a pas de traitement gold standard face à une récidive
minimum peu après l'arrêt de la corticothérapie, le plus sou- pancréatique ou extrapancréatique (généralement biliaire)
vent dans l'année qui suit. Environ 20 % des PAI (en particu- mais, le plus souvent, un nouveau traitement par corticoïdes
lier PAI de type 1) seraient par ailleurs « corticodépendantes ». est indiqué avec relais par un autre par immunosuppresseur
Néanmoins, cette récidive peut être aussi plus tardive jusqu'à au long cours (au moins 18 mois). Le choix de l'azathioprine
3 voire 4 ans dans notre expérience. C'est la PAI de type 1 qui (posologie de 2 à 2,5 mg kg/jour après vérification de l'ab-
a le plus haut taux de récidive, taux qui est chiffré entre 2 et sence de mutation de la thiopurine méthyltransférase) est
10 % à un an, entre 11 à 20 % à 3 ans et entre 26 et 50 % à 5 ans. le plus souvent fait avec pour objectif un taux de 6-thiogua-
Ce taux n'est que de 10 % pour la PAI de type 2. Les facteurs nine nucléotides > 250 pmol/8 × 108 érythrocytes reflétant
prédictifs de récidive après corticothérapie sont encore peu une bonne imprégnation. L'azathioprine est donc continuée
connus mais regrouperaient donc les PAI de type 1, le jeune avec surveillance clinique et biologique tous les 3  mois
âge, les formes avec hypertrophie parenchymateuse focale, un tout en diminuant progressivement la corticothérapie sur
taux élevé d'IgG4 au diagnostic (> 4 N), une atteinte biliaire 2 mois. Certaines équipes ont aussi testé le 6-mercaptopu-
intrahépatique, une atteinte diffuse de la glande pancréatique, rine et le mycophénolate mofétil (à la posologie de 750 mg
Chapitre 4. Pancréatite autoimmune 115

deux fois par jour) avec un bon succès. Il n'est pas prouvé surveillance par TEP-scan qui est un bon reflet de la réponse
que l'azathioprine induise plus de pancréatites aiguës chez thérapeutique (et dans certains cas de réponse partielle ou
les patients atteints de PAI par rapport aux autres patients, récidive). La figure 4.17 montre deux cas en récidive de PAI
notamment ceux souffrant de MICI. de type 1 avec une très bonne réponse thérapeutique sous
En cas de récidive ou de progression des lésions (biliaires rituximab objectivée par le TEP-scan. Bien sûr, comme tout
ou rénales notamment) sous immunosuppresseur, voire traitement immunosuppresseur au long cours, la surveil-
d'inefficacité de ces derniers, une troisième ligne de traite- lance habituelle est de rigueur sur le plan dermatologique et
ment peut être proposée par rituximab (anticorps anti- gynécologique. Il faut rappeler qu'à ce jour, seules les PAI de
CD20). La posologie communément proposée est celle type 1 relèvent d'un traitement par rituximab. Même si l'on
appliquée aux vascularites avec une perfusion de 375 mg/m2 manque de recul en ce qui concerne l'utilisation du rituxi-
de rituximab par semaine pendant 4 semaines au titre du mab dans cette indication, les chances de succès au long
traitement d'induction. Ce traitement a été appliqué avec un cours dépassent 90 %. De plus, le traitement s'accompagne
succès proche de 100 % chez des patients porteurs de PAI de d'une disparition des lésions visibles à la radiologie mais
type 1 en échec ou progression des immunosuppresseurs, en aussi au TEP-scan, de même qu'une amélioration des signes
particulier dans les formes avec atteinte rénale et/ou infiltra- biologiques hépatiques en cas de cholangite, des chiffres
tion à IgG4 multiorganes. L'indication d'un traitement d'en- de la glycémie en cas de diabète et d'une récupération, du
tretien par rituximab à la posologie de 500 mg/m2 tous les moins partielle, de la fonction rénale si cette dernière est
6 mois est de plus retenue, sur une période de 2 ans, comme altérée par l'infiltration à IgG4 [9, 13, 14].
cela est également appliqué dans les vascularites. À côté Les PAI de type 2, dont le taux de récidive est par ail-
de la surveillance clinique et biologique (en particulier un leurs plus faible (au maximum 10 %), relèvent quant à elle
immunomonitoring avec dosage des lymphocytes CD19+ de l'azathioprine, excepté en cas de MICI associée. En effet,
circulants), les patients sous rituximab bénéficient d'une si la MICI doit être elle-même traitée par une biothérapie

A B

C D
Fig. 4.17 Aspects de TEP-scan de pancréatite autoimmune de type 1 avant (A, C) et après (B, D) traitement par rituximab. A. Hyperfixation
pancréatique (flèches blanches), ganglionnaire et rénale (flèches en pointillé) qui disparaissent sous traitement rituximab en B. C. Autre cas avec
hyperfixation rétropéritonéale et périaortique (flèches en pointillé) et rénale (flèches blanches) disparaissant sous traitement par rituximab en D.
116 Traité de pancréatologie

RÉCIDIVE DE PAI

CONFIRMATION DU DIAGNOSTIC DE PAI ?


NON

OUI
AUTRE DIAGNOSTIC ?

CORTICOTHÉRAPIE

RITUXIMAB*

RÉPONSE DÉCALÉE RÉPONSE RAPIDE


CORTICORÉSISTANCE/DÉPENDANCE

TRAITEMENT DE MAINTENANCE PAR IS SURVEILLANCE

RÉCIDIVE

Fig. 4.18 Algorithme du traitement de la récidive au cours de la pancréatite autoimmune. PAI : pancréatite autoimmune ; IS : immunosup-
presseurs. * Uniquement pour les pancréatites autoimmunes de type 1.

comme un anti-TNF  α, il n'y a pas de contre-indication Séquelles et pronostic


du fait de l'atteinte pancréatique ; au contraire, nous avons
observé des cas de régression des lésions pancréatiques sous
de la pancréatite autoimmune
adalimumab ou infliximab (ou biosimilaires). La survenue de récidives peut, à long terme, favoriser l'ins-
Le traitement d'entretien par immunosuppresseur, et tallation de lésions fibreuses pancréatiques ou biliaires. La
plus particulièrement le rituximab, est aussi proposé après fréquence serait chiffrée à 25 % en ce qui concerne les PAI
la première induction thérapeutique dans les cas suivants : de type 1. Par conséquent, la principale complication est le
réponse incomplète (en particulier radiologique), persis- développement d'une pancréatite chronique calcifiante avec
tance d'un taux d'IgG4 élevé après induction, persistance insuffisance pancréatique. Il y a aussi toujours un risque de
de perturbation du bilan hépatique, persistance de l'atteinte cirrhose biliaire secondaire en cas de cholestase prolongée
multiorganes (voies biliaires, rein, rétropéritoine). Signalons au-delà de 6 mois dans le cadre d'une cholangite difficile à
le rôle important du TEP-scan également dans ces cas. traiter. La probabilité d'apparition d'une insuffisance pan-
En cas de formes réfractaires, une chirurgie peut être créatique exocrine à 5 ans est de 34 %, celle d'un diabète
proposée, en particulier de dérivation biliaire, plus rarement est de 39 %. La survenue de ces deux complications n'est
de résection pancréatique. pas toujours prévenue par le traitement corticoïde ou les
Certaines équipes limitent le traitement de la récidive immunosuppresseurs. Il est donc certain que le pronostic
à un deuxième traitement par prednisone qui sera au long est intimement lié au risque de récidive. En ce qui concerne
cours avec une baisse de la posologie plus lente et un traite- la survie des patients atteints de PAI, elle est bonne et elle
ment sur 2 ans avec de faibles doses, de l'ordre de 5 mg de serait de respectivement de 90 % et 75 % à 5 et 10 ans pour
prednisone par jour. C'est le cas des équipes japonaises qui le type 1 et de respectivement 92 % et 85 % à 5 et 10 ans
n'ont pas l'autorisation de l'utilisation du rituximab et qui pour le type 2. À l'heure actuelle, il n'existe pas de preuve
préfèrent la corticothérapie au long cours aux immunosup- formelle de l'augmentation significative du taux de cancer
presseurs. En cas d'effets secondaires des immunosuppres- du pancréas chez les patients atteints de PAI (0 à 2 % des
seurs et/ou contre-indication, cette corticothérapie à faible patients selon la littérature). Par contre, certaines équipes
dose au long cours reste aussi une alternative [11–13]. La ont évoqué que la PAI pourrait être un équivalent de syn-
figure 4.18 expose l'algorithme de prise en charge thérapeu- drome paranéoplasique devant l'association à des cancers
tique d'une PAI en récidive et/ou corticodépendante [1, 8, extrapancréatiques [15, 16].
9, 13, 14].
Chapitre 4. Pancréatite autoimmune 117

Conclusion Fig.  e4.4 Aspect échoendoscopique d'une pancréatite autoim-


mune de type 2. Parenchyme pancréatique inflammatoire avec canal
Grâce à une classification anatomopathologique et à une cla- de Wirsung moniliforme avec des parois hyperéchogènes (flèches
rification des critères de diagnostic, on distingue désormais blanches en pointillé) (équivalent du duct-penetrating sign).
les PAI de type 1 (ou atteinte pancréatique du syndrome à
IgG4) et les PAI de type 2 (atteinte pancréatique isolée mais
associée à une MICI dans 20 à 30 % des cas). D'un point Références
de vue pratique, le diagnostic doit être évoqué devant toute [1] Shimosegawa T, Chari ST, Frulloni L, Kamisawa T, Kawa S, Mino-
masse tissulaire pancréatique ou atteinte diffuse du pancréas Kenudson M, et al. International consensus diagnostic criteria for
dans un contexte évocateur de maladie autoimmune et/ou autoimmune pancreatitis: guidelines of the International Association
d'atteinte des voies biliaires de type cholangite sclérosante. of Pancreatology. Pancreas 2011 ;40:352–8.
Ceci est certes facile en cas d'atteinte extrapancréatique [2] Maire F, Le Baleur Y, Rebours V, Vullierme MP, Couvelard A, Voitot
évidente ou détectée par la radiologie (rein, vaisseau, gan- H, et al. Outcome of patients with type 1 or 2 autoimmune pancreati-
tis. Am J Gastroenterol 2011 ;106:151–6.
glions, poumons, etc.) en association avec un taux sérique
[3] Kamisawa T, Chari ST, Giday SA, Kim MH, Chung JB, Lee KT, et al.
élevé des IgG4. Par contre, si l'atteinte est uniquement pan- Clinical profile of autoimmune pancreatitis and its histological sub-
créatique, il faudra s'attacher à bien caractériser les signes types: An international multicenter survey. Pancreas 2011 ;40:809–14.
radiologiques en comparant les données du scanner, de [4] Lamps LW, Kakar S. Diagnostic Pathology. Hepatobiliary and
l'IRM et de l'échoendoscopie. La biopsie pancréatique sous Pancreas. 2e éd. Philadelphie : Elsevier ; 2017.
échoendoscopie et/ou des lésions extrapancréatiques prend [5] Yamamoto M, Takahashi H, Shinomura Y. Mechanisms and assess-
ici toute son importance. En dernier lieu, un test thérapeu- ment of IgG4-related disease: Lessons for the rheumatologist. Nat Rev
tique aux corticoïdes confirmera ou infirmera les suspicions Rheumatol 2014 ;10:148–59.
cliniques et radiologiques. En effet, le diagnostic différen- [6] Shimizu S, Naitoh I, Nakazawa T, Hayashi K, Miyabe K, Kondo H,
tiel principal est le cancer du pancréas et le praticien devra et al. Correlation between long-term outcome and steroid therapy in
type 1 autoimmune pancreatitis: relapse, malignancy and side effect
garder cela en tête tout au long de la prise en charge. En ce
of steroid. Scand J Gastroenterol 2015 ;50:1411–8.
qui concerne la prise en charge thérapeutique, le traitement [7] Okazaki K, Chari ST, Frulloni L, Lerch MM, Kamisawa T, Kawa S,
d'induction ou de la rechute semble bien codifié mais les et al. International consensus for the treatment of autoimmune pan-
modalités et la durée d'un éventuel traitement d'entretien creatitis. Pancreatology 2017 ;17:1–6.
restent encore à préciser. Il reste encore quelques inconnues [8] Nagpal SJS, Sharma A, Chari ST. Autoimmune pancreatitis. Am J
concernant cette maladie : en matière de physiopathologie, Gastroenterol 2018 ;113:1301.
quel est l'antigène responsable de l'atteinte pancréatique ? [9] Nakazawa T, Naitoh I, Hayashi K, Okumura F, Miyabe K, Yoshida M,
Pourquoi s'agit-il d'une maladie peu « douloureuse » malgré et al. Diagnostic criteria for IgG4-related sclerosing cholangitis based
une inflammation pancréatique et péripancréatique parfois on cholangiographic classification. J Gastroenterol 2012 ;47:79–87.
majeure ? Y a-t-il des facteurs déclenchants ? Quelle est la [10] Kuruma S, Kamisawa T, Kikuyama M. Clinical characteristics of
autoimmune pancreatitis with IgG4 related kidney disease. Adv Med
place réelle du rituximab et quels sont les critères exacts
Sci 2019 ;64:246–51.
quant à son indication et à la fin d'un traitement d'entretien [11] Scheers I, Palermo JJ, Freedman S, Wilschanski M, Shah U, Abu-
et bien sûr à sa durée ? Il s'agit d'une affection rare et seules El-Haija M, et  al. Autoimmune pancreatitis in children: charac-
des études nationales ou internationales pourront peut-être teristic features, diagnosis, and management. Am J Gastroenterol
répondre à ces questions. 2017 ;112:1604–11.
[12] Scheers I, Palermo JJ, Freedman S, Wilschanski M, Shah U, Abu-El-
Haija M, et al. Recommendations for diagnosis and management of
▸ Compléments en ligne autoimmune pancreatitis in childhood: Consensus from INSPPIRE. J
Pediatr Gastroenterol Nutr 2018 ;67:232–6.
Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Ils [13] Soliman H, Vullierme MP, Maire F, Hentic O, Ruszniewski P, Lévy P,
sont indiqués dans le texte par un picto . Ils proposent des et al. Risk factors and treatment of relapses in autoimmune pancrea-
figures complémentaires. Pour voir ces compléments, titis: Rituximab is safe and effective. United European Gastroenterol
connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/ J 2019 ;7:1073–83.
e-complement/477623 et suivez les instructions. [14] Löhr JM, Beuers U, Vujasinovic M, Alvaro D, Frøkjær JB, Buttgereit
F, et  al. European Guideline on IgG4-related digestive disease -
Fig.  e4.1 Schéma du corps entier avec localisations extrapan- UEG and SGF evidence-based recommendations. United European
créatiques de la pancréatite autoimmune de type 1. Gastroenterol J 2020 ;8:637–66.
Fig.  e4.2 Aspect au TEP-scan de pancréatite autoimmune de [15] Hart PA, Law RJ, Dierkhising RA, Smyrk TC, Takahashi N, Chari ST.
type  1 avec localisations extrapancréatiques. A.  Atteinte des Risk of cancer in autoimmune pancreatitis: a case-control study and
glandes salivaires (flèches blanches). B. Atteinte des reins et pancréas review of the literature. Pancreas 2014 ;43:417–21.
(flèches blanches). C. Atteinte de l'aorte, de ganglions et rein (flèches [16] Ishikawa T, Kawashima H, Ohno E, Iida T, Suzuki H, Uetsuki K, et al.
blanches). Risks and characteristics of pancreatic cancer and pancreatic relapse
Fig.  e4.3 Aspect échoendoscopique d'une pancréatite autoim- in autoimmune pancreatitis patients. J Gastroenterol Hepatol 2020.
mune de type 2 chez un enfant de 7 ans. Aspect pseudotumoral
Jun 24.
(flèches blanches).
Chapitre 4. Pancréatite autoimmune 117.e1

Oeil
Hypophyse

Glandes
salivaires Thyroïde

Poumons

Foie
Pancréas
Voies
Reins
Biliaires
Rétro-péritoine
et ganglions

Prostate
B
Fig.  e4.1 Schéma du corps entier avec localisations extrapan-
créatiques de la pancréatite autoimmune de type 1.

C
Fig.  e4.2 Aspect au TEP-scan de pancréatite autoimmune de
type  1 avec localisations extrapancréatiques. A.  Atteinte des
glandes salivaires (flèches blanches). B. Atteinte des reins et pancréas
(flèches blanches). C. Atteinte de l'aorte, de ganglions et rein (flèches
blanches).
Chapitre 4. Pancréatite autoimmune 117.e2

Fig.  e4.3 Aspect échoendoscopique d'une pancréatite autoim-


mune de type 2 chez un enfant de 7 ans. Aspect pseudotumoral
(flèches blanches).

Fig.  e4.4 Aspect échoendoscopique d'une pancréatite autoim-


mune de type 2. Parenchyme pancréatique inflammatoire avec canal
de Wirsung moniliforme avec des parois hyperéchogènes (flèches
blanches en pointillé) (équivalent du duct-penetrating sign).
Chapitre
5
Tumeurs kystiques du pancréas
PLAN DU CHAPITRE
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Définition et épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . 135
Classification des tumeurs kystiques Histoire naturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
du pancréas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Anatomopathologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
Tumeurs kystiques hors TIPMP . . . . . . . . . . . . . . . 121 Circonstances de découverte . . . . . . . . . . . . . . . 136
Anatomopathologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 Diagnostic positif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
Circonstances de découverte . . . . . . . . . . . . . . . 122 Diagnostic différentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
Diagnostic étiologique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 Traitement des TIPMP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
Évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132 Surveillance des TIPMP. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
Traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152
Surveillance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
Tumeurs intracanalaires papillaires
et mucineuses du pancréas . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135

Introduction bénignes par des chirurgies lourdes et morbides et a contra-


rio de ne pas sous-traiter des malades qui seront finalement
Les lésions kystiques du pancréas sont une entité hétérogène opérés au stade de cancer avéré voire dépassé.
représentée dans 80 à 90 % des cas par les pseudokystes
et dans 10 à 20 % des cas par les tumeurs kystiques. Il est
important de différencier les pseudokystes, associés à un Classification des tumeurs
contexte de pancréatite aiguë ou chronique, des nombreuses
tumeurs kystiques du pancréas dont le risque de dégéné-
kystiques du pancréas
rescence est variable en fonction de leur nature. En effet, La première classification des tumeurs kystiques pancréa-
elles peuvent être classées comme bénignes, potentielle- tiques a été décrite en 1958 par l'équipe française de Lucien
ment malignes (borderline) ou malignes. Elles représentent Léger. Elle a été implémentée depuis, grâce aux progrès
au total 5 % des tumeurs pancréatiques et leur fréquence diagnostiques inhérents à l'amélioration de la résolution de
au sein de la population générale varierait de 2 à 45 % des l'imagerie, tomodensitométrie (TDM), imagerie par réson-
individus. La prévalence des lésions kystiques du pancréas nance magnétique (IRM) et échoendoscopie. En 2019, le
dans la population occidentale est de 5 % à plus de 60 ans Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a
et est supérieur à 20 % à plus de 80 ans. Leur incidence aug- mis à jour la classification histologique internationale des
mente en partie du fait des progrès et de la facilité d'accès à tumeurs kystiques pour l'Organisation mondiale de la santé
l'imagerie médicale [1]. De plus, l'extension des indications (OMS) [2, 3]. Cette classification distingue les tumeurs épi-
des examens d'imagerie médicale dits « de routine » a parti- théliales, les plus fréquentes (90 %), les tumeurs non épi-
cipé à l'augmentation du nombre de tumeurs kystiques du théliales, les pseudotumeurs et les tumeurs métastatiques.
pancréas découvertes fortuitement, chez des patients stric- Elle permet aussi de classer ces différentes tumeurs en
tement asymptomatiques. Les pseudokystes du pancréas trois stades en fonction de leur potentiel évolutif : tumeurs
ont été abordés dans les chapitres concernant la pancréatite bénignes, à potentiel malin (borderline) et malignes (cette
aiguë et chronique (chapitres 2 et 3). Nous nous limiterons classification est détaillée dans les tableaux 5.1 et 5.2). Il y
donc aux seules tumeurs kystiques dans ce chapitre. a donc les tumeurs kystiques épithéliales vraies porteuses
La prise en charge des tumeurs kystiques du pancréas d'un épithélium pancréatique propre, les tumeurs kys-
est complexe, tant au niveau du diagnostic, de l'évaluation tiques non épithéliales issues de la sphère neuroendocrine
du pronostic que du traitement. La conduite à tenir opti- et conjonctive, les kystes congénitaux uniques ou rentrant
male de ces lésions a pour but d'isoler les patients porteurs dans le cadre de polykystoses et les tumeurs métastatiques
de tumeurs à haut risque de dégénérescence afin de leur à caractère kystique. En résumé, les trois lésions kystiques
proposer une prise en charge chirurgicale. La difficulté de pancréatiques les plus fréquentes sont le pseudokyste, la
cette prise en charge est de ne pas « sur-traiter » des lésions tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas

Traité de pancréatologie
© 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 119
120 Traité de pancréatologie

Tableau 5.1 Classification OMS des tumeurs kystiques épithéliales pancréatiques en fonction
de leur degré de malignité (OMS 5e édition [2]).
Tumeurs bénignes Tumeurs borderline (risque de dégénérescence) Tumeurs malignes
• Cystadénome séreux Cystadénome mucineux avec dysplasie de bas • Cystadénocarcinome séreux
• Cystadénome mucineux grade (15 %) • Cystadénocarcinome mucineux non invasif
et invasif
Adénome intracanalaire papillaire • Tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse • Carcinome intracanalaire papillaire
et mucineux avec dysplasie de bas grade (canaux et mucineux, non invasif et invasif
secondaires : 15 %/canal principal : 60 %) • Tumeur pseudopapillaire et solide avec
• Tumeur pseudopapillaire et solide (tumeur de dysplasie de haut grade
Frantz) (5 à 15 %)
• Tératome mature • Cystadénocarcinome acineux
• Hamartome kystique • Cystadénocarcinome non mucineux
• Kyste entérogène pauvre en glycogène
• Kyste lymphoépithélial • Adénocarcinomes canalaires :
• Kyste endométrial - Carcinome mucoépidermoïde
• Kyste épidermoïde bénin - Carcinome mucineux « kystique »
• Kyste congénital (plus de 50 % de mucus)
• Kyste lymphoépithélial • Pancréatoblastome (enfant)
OMS : Organisation mondiale de la santé. Reproduit de “WHO Classification of Tumours”. In : Digestive System Tumours. International Agency for Research on
Cancer. 5e ed. Lyon : International Agency for Research on Cancer ; © 2019. Traduit en langue française par Elsevier à partir de « WHO Classification of Tumours »,
© 2019. Le CIRC/OMS n'est pas responsable du contenu ou de l'exactitude de cette traduction. En cas d'incohérence entre la traduction française et l’anglais
d’origine, la version originale en anglais constitue la version authentique.

Tableau 5.2 Classification OMS des tumeurs kystiques non épithéliales pancréatiques en fonction
de leur degré de malignité (OMS 5e édition [2]).
Tumeurs bénignes Tumeurs borderline Tumeurs malignes
• Tumeur neuroendocrine à forme kystique • Tumeur neuroendocrine métastatique
à forme kystique
• Tumeurs vasculaires (lymphangiome, • Tumeur conjonctive maligne à forme
hémangioendothéliome, kystique (léiomyosarcome, schwannome
hémolymphangiome) malin, histiocytofibrome malin)
• Tumeur conjonctive à forme kystique • Lymphomes
(schwannome, histiocytofibrome bénin) • Sarcomes
Kyste parasitaire
Pseudotumeurs
Kystes congénitaux :
• unique
• polykystose :
- isolée
- hépatorénale
• maladie de von Hippel-Lindau
Tumeurs métastatiques à forme kystique
Tumeurs secondaires de :
• cancer du rein
• mélanome
• tumeur stromale
OMS : Organisation mondiale de la santé. Reproduit de "WHO Classification of Tumours". In : Digestive System Tumours. International Agency for Research on
Cancer. 5e ed. Lyon : International Agency for Research on Cancer ; © 2019. Traduit en langue française par Elsevier à partir de « WHO Classification of Tumours »,
© 2019. Le CIRC/OMS n'est pas responsable du contenu ou de l'exactitude de cette traduction. En cas d'incohérence entre la traduction française et l'anglais
d'origine, la version originale en anglais constitue la version authentique.

(TIPMP) et le cystadénome séreux. Certaines tumeurs dopapillaires et solides et les TIPMP. Pour ce qui est des
kystiques vont produire spécifiquement de la mucine (les autres tumeurs kystiques (notamment kystes rares ou
TIPMP, les cystadénomes mucineux et les cystadénocar- tumeurs kystiques non épithéliales) ou pseudotumeurs,
cinomes mucineux). Nous avons choisi d'exposer et de elles sont traitées dans les chapitres 6, 7 et 8. Certaines de
développer les tumeurs kystiques vraies dont la fréquence ces lésions n'ont pas de caractéristiques cliniques ou radio-
pose un réel problème de diagnostic et de traitement pour logiques spécifiques et sont le plus souvent de découverte
le praticien. En effet, les tumeurs les plus fréquentes sont anatomopathologique si une exérèse est décidée en cas de
les cystadénomes (séreux et mucineux), les tumeurs pseu- doute diagnostique.
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 121

Tumeurs kystiques hors TIPMP uniformément au sein du pancréas. Sur le plan microsco-
pique, il s'agit d'un épithélium cubique en monocouche avec
Par ordre de fréquence, on distingue les cystadénomes un cytoplasme bien régulier et un noyau ovale uniforme
séreux, les cystadénomes mucineux et les tumeurs pseudo- (Fig. 5.1 et 5.2). À cet épithélium est associé un réseau très
papillaires et solides [2, 3]. riche de capillaires. L'immunohistochimie peut révéler un
marquage positif à la cytokératine et à GLUT-1.
Anatomopathologie
Cystadénome séreux Cystadénome mucineux
Sur le plan macroscopique, la lésion se présente comme une
Sur le plan macroscopique, la lésion se présente comme
tumeur macrokystique assez régulière, en général unique,
une tumeur bosselée de taille variable avec de multiples
de taille allant de 3 à 7 cm, située à 90 % dans le corps et
kystes allant de 0,1 à 1 cm de diamètre, prenant un aspect
la queue du pancréas. Sur le plan microscopique, il s'agit
en nid d'abeille avec une cicatrice fibreuse centrale stellaire
volontiers calcifiée. Elle peut être multiple et se développe

A
A

B
B
Fig.  5.1 Aspects macroscopique et microscopique de cystadé-
nome séreux. A. Pièce opératoire de pancréatectomie gauche avec à Fig.  5.2 Aspects microscopiques de cystadénome séreux.
la coupe un cystadénome séreux typique avec aspect en nid d'abeille A. Microkystes (flèches blanches) avec épithélium unistratifié. B. Riche
(flèches). B.  Microscopie d'une monocouche d'épithélium cubique. réseau capillaire présent dans la paroi du kyste (flèches blanches
Source : Lamps LW, Kakar S. Diagnostic Pathology. Hepatobiliary and en pointillé). Source  : Lamps LW, Kakar S. Diagnostic Pathology.
Pancreas. Philadelphie : Elsevier, 2017 (2e éd.). Hepatobiliary and Pancreas. Philadelphie : Elsevier, 2017 (2e éd.).
122 Traité de pancréatologie

*
*

A
A

B
Fig.  5.3 Aspects microscopiques de cystadénome mucineux.
A.  Épithélium avec cellules mucineuses (flèche blanche) en dyspla-
sie de bas grade reposant sur un stroma ovarien (étoiles blanches). B
B.  Agrandissement du stroma ovarien. Source  : Lamps LW, Kakar
S. Diagnostic Pathology. Hepatobiliary and Pancreas. Philadelphie  : Fig.  5.4 Aspects microscopiques de cystadénome mucineux.
Elsevier, 2017 (2e éd.). A. Épithélium avec cellules mucineuses (flèches blanches) en dysplasie
de grade intermédiaire. B. Épithélium avec cellules mucineuses (flèches
blanches) en dysplasie de haut grade. Source  : Lamps LW, Kakar S.
d'un épithélium cylindrique produisant du mucus établi sur Diagnostic Pathology. Hepatobiliary and Pancreas. Philadelphie  :
Elsevier, 2017 (2e éd.).
un stroma dit « ovarien » (Fig. 5.3 et 5.4). Il y a différents
degrés de dysplasie bas grade, intermédiaire et haut grade
(ou carcinome in situ) et un carcinome invasif est présent zones hémorragiques ou nécrotiques. L'immunohistochimie
dans 15 % des cas. L'oncogène KRAS est muté dans 20 % des peut révéler un marquage positif aux récepteurs à progesté-
formes des bas grades et 90 % des formes dégénérées. rone et β-caténine au niveau nucléaire. Elle est aussi appelée
« tumeur de Frantz ».
Tumeur pseudopapillaire et solide
Sur le plan macroscopique, la lésion se présente comme une Circonstances de découverte
tumeur unique encapsulée a composante mixte kystique et Les facteurs épidémiologiques et les principales circons-
solide et des zones nécrotiques. La taille va de 2 à 25 cm (en tances de découverte sont rapportés dans le tableau 5.3.
moyenne : 9 cm). Sur le plan microscopique, il s'agit d'un La découverte de ces tumeurs est le plus souvent fortuite
épithélium avec cellules polygonales établies sur un stroma (plus de la moitié des cas). Lorsqu'elles sont symptoma-
myxoïde ou hyalinisé (Fig. 5.5). Les zones de dégénéres- tiques, la présentation clinique est variable en fonction de
cence se présentent avec un aspect pseudopapillaire, des la nature des lésions, de leur localisation et de leur taille.
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 123

Les signes cliniques sont le plus souvent liés à la compres- par saignement intrakystique ont été rapportées. Enfin,
sion des organes de voisinage, produisant par exemple des dans le cadre de tumeurs dégénérées, le plus souvent des
douleurs abdominales, des ictères, un syndrome dyspep- cystadénocarcinomes, des métastases – en particulier
tique ou des vomissements. Elles sont parfois associées hépatiques – peuvent être aussi un mode de découverte.
à un diabète insulinodépendant sans qu'une association Le cystadénocarcinome mucineux a une prédominance
claire ait été identifiée. Pour ce qui est des tumeurs pseu- féminine moins marquée que le cystadénome mucineux,
dopapillaires et solides, des douleurs abdominales aiguës un âge de survenue plus élevé (61 à 63 ans) et une localisa-
tion corporéocaudale plus fréquente. Il est généralement
de grande taille (diamètre moyen de 9 à 10 cm), même
s'il existe des cystadénocarcinomes mucineux de plus
petite taille [4, 5]. Le cystadénocarcinome mucineux est le
plus fréquent des cystadénocarcinomes et représente 0,5
à 5,5 % des tumeurs du pancréas. Les autres cystadéno-
carcinomes sont représentés par le cystadénocarcinome
acineux, qui est rare, et le cystadénocarcinome séreux, qui
est exceptionnel.
Sur le plan biologique, la lipasémie est habituellement
normale en cas de cystadénome séreux, de cystadénome
mucineux ou de tumeur pseudopapillaire et solide, mais
peut être élevée en cas d'obstruction du canal pancréatique
principal. Les dosages des marqueurs tumoraux (antigène
carcinoembryonnaire [ACE] et carbohydrate antigène 19.9
[CA 19.9]) sont généralement normaux dans le sang en cas
de cystadénome séreux et mucineux. L'élévation du CA 19.9
A
et de l'ACE sanguins est donc en faveur d'une dégénéres-
cence. En effet, en présence d'un cystadénocarcinome muci-
neux, il existe une élévation du CA 19.9 sanguin dans 75 %
des cas et de l'ACE dans 50 % des cas. En dehors de ces mar-
queurs tumoraux, il n'y a aucun dosage spécifique de ce type
de lésion à effectuer dans le sang.

Diagnostic étiologique
Examens d'imagerie non invasifs
« échographie, scanner et IRM »
Dans le bilan des tumeurs kystiques du pancréas, l'échogra-
phie abdominale est souvent réalisée en premier, du fait de
la symptomatologie abdominale volontiers aspécifique. Elle
conduit le plus souvent à la réalisation d'explorations spéci-
fiques, non invasives et/ou invasives, ciblées sur le pancréas.
Les deux examens non invasifs de référence de ces
tumeurs sont le scanner abdominal avec injection de pro-
B duit de contraste et l'IRM pancréatique avec séquences de
cholangio-pancréato-graphie. La prévalence des tumeurs
Fig.  5.5 Aspects microscopiques de tumeur pseudopapillaire
et solide. A.  Cellules polygonales avec cytoplasme éosinophile.
kystiques du pancréas est de 2,1 à 2,6 % pour le scanner et
B.  Immunohistochimie avec marquage au récepteur de la progesté- de 13,5 à 45 % pour l'IRM [1]. L'IRM pancréatique permet
rone. Source : Lamps LW, Kakar S. Diagnostic Pathology. Hepatobiliary de mieux préciser une éventuelle communication entre le
and Pancreas. Philadelphie : Elsevier, 2017 (2e éd.). kyste et le canal pancréatique principal qui orientera vers

Tableau 5.3 Les facteurs épidémiologiques et les principales circonstances de découverte des tumeurs
kystiques les plus fréquentes (hors TIPMP).
Cystadénome séreux Cystadénome mucineux Tumeur pseudopapillaire
et solide
Fréquence 10-16 % des tumeurs kystiques 8 % des tumeurs kystiques 5 % des tumeurs kystiques
pancréatiques réséquées pancréatiques réséquées pancréatiques diagnostiquées
Facteur de risque Maladie de von Hippel-Lindau⁎ – –
Sex-ratio H/F 3/1 1/20 1/10
Âge moyen au diagnostic 58 ans 48 ans 28 ans

(Suite)
124 Traité de pancréatologie

Tableau 5.3 Suite.


Cystadénome séreux Cystadénome mucineux Tumeur pseudopapillaire
et solide
Diagnostic clinique • Symptomatique (40 %) : • Symptomatique (80 %) : • Symptomatique (< 50 %) :
- Douleurs abdominales - Douleurs abdominales - Douleur abdominale
- Nausées (70 %) - Masse abdominale palpable
- Amaigrissement, ictère - Pancréatite aiguë (10 %) - Nausées
(< 10 %) - Nausées • Fortuit (> 50 %)
- Pancréatite aiguë (< 5 %) • Fortuit (20 %)
• Fortuit (60 %)
TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas.
* La maladie de von Hippel-Lindau est une maladie autosomique dominante caractérisée par le développement de tumeurs rénales, surrénaliennes,
pancréatiques (tumeurs neuroendocrines, cystadénome séreux) et du système nerveux central. Cette maladie doit être recherchée surtout en présence de
cystadénomes séreux multiples.

Tableau 5.4 Principales caractéristiques des tumeurs kystiques à l'imagerie non invasive
(échographie, scanner ou IRM) (hors TIPMP).
Cystadénome séreux Cystadénome mucineux Tumeur pseudopapillaire et solide
Caractéristiques • Microkystes multiples hypodenses • Macrokyste à paroi épaisse • Lésion bien limitée avec une
radiologiques avec cicatrice fibreuse ± (> 2 mm) avec calcifications capsule épaisse, avec des degrés
calcifications centrales (30 %) périphériques (rare), parfois divers de composantes solides et
• Aspect en « nid d'abeilles » cloisonné kystiques
• Absence de microkystes • Rehaussement de la capsule
après injection de produit de
contraste
• Calcifications périphériques
(30 %)
Localisation pancréatique Corps et queue du pancréas Corps et queue du pancréas Corps et queue du pancréas
(50–75 %) (> 98 %) (68 %)
Taille 1 à 25 cm 2 à 35 cm (moyenne : 6 cm) 9 cm (moyenne)
Communication avec le Non Non Non
canal pancréatique
Critères radiologiques Exceptionnels Nodule tissulaire mural Traitement exclusivement
suspects de malignité Taille ≥ 40 mm chirurgical
Ganglions satellites
Envahissement des structures
anatomiques de voisinage
IRM : imagerie par résonance magnétique ; TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas.

le diagnostic de TIPMP alors que les cystadénomes et les Les principales caractéristiques radiologiques des
tumeurs pseudopapillaires et solides ne communiquent pas tumeurs kystiques à l'imagerie non invasive (échographie,
avec le canal de Wirsung. scanner ou IRM) sont rapportées dans le tableau 5.4.
Il est important de connaître les éléments de la sémiolo- Les cystadénomes séreux sont typiquement composés
gie radiologique qui permettent de poser le diagnostic posi- de microkystes de 1 à 3 mm, avec un aspect de cicatrice
tif de tumeur kystique du pancréas, mais aussi le diagnostic centrale et parfois une ou plusieurs calcifications périphé-
de nature, les diagnostics différentiels et d'évaluer le risque riques. Ils sont uniques ou multiples, parfois de grande taille
de transformation maligne. sans symptôme aucun. Dans 10 % des cas, ils seront de type
Les paramètres à évaluer systématiquement en cas de « macrokyste unique » (sans composante microkystique)
suspicion de tumeur kystique du pancréas sont la taille, le faisant porter à tort le diagnostic de cystadénome muci-
caractère unique ou multiple, la localisation et la présence, neux (Fig. 5.6 et 5.7) [5]. Existent aussi des formes avec une
ou non, de septa intrakystique, de calcifications (centrales telle densité de microkystes qu'ils présentent une structure
ou périphériques), d'une cicatrice centrale, de végétations pseudotissulaire au scanner amenant à la réalisation d'une
endokystiques, de nodules muraux, d'une communication échoendoscopie pour diagnostic de confirmation ou non.
du kyste avec le canal pancréatique principal, d'une dilata- Les cystadénomes mucineux sont en général unilocu-
tion du canal pancréatique principal ou de canaux secon- laires avec une structure macrokystique, paroi fine et une à
daires. Il est important aussi d'analyser l'état du parenchyme deux cloisons de refend et rarement une calcification parié-
pancréatique, la présence de ganglions (et leur caractère tale (Fig. 5.8). Ce sont les critères morphologiques de dégé-
pathologique ou non), des signes d'envahissement des struc- nérescence éventuelle qu'il faudra rechercher, comme un
tures anatomiques de voisinage comme artères et veines, nodule tissulaire pariétal, un épaississement tissulaire de la
cholédoque, estomac, etc. paroi du kyste, composante tissulaire occupant une partie
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 125

A B

C D

E F
Fig. 5.6 Aspects radiologiques (échographie, scanner et IRM) de cystadénomes séreux. A-F. Aspect typique de lésion multikystique et
microkystique avec cicatrice centrale présentant parfois des calcifications centrales (flèches blanches).
126 Traité de pancréatologie

A B

C D

E F
Fig. 5.7 Aspects en IRM de cystadénomes séreux. A. Aspect atypique de lésion unikystique et macrokystique. B-F. Aspects IRM (C, E) et CP-IRM
(B, D, F) typiques avec microkystes denses (flèches blanches).
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 127

A B

C D

E F
Fig. 5.8 Aspects radiologiques (échographie, scanner et IRM) de cystadénomes mucineux. A-F. Lésions macrokystiques avec cloison de
refend en situation corporéocaudale pancréatique (flèches noire et blanches).
128 Traité de pancréatologie

du kyste ou s'étendant hors du kyste vers le parenchyme, les grâce aux hautes fréquences utilisées. Elle permet de mieux
vaisseaux et les rapports anatomiques du pancréas, la pré- caractériser les différents critères utiles au diagnostic posi-
sence de ganglions (Fig. 5.9). tif et différentiel et plus particulièrement la communication
En ce qui concerne les tumeurs pseudopapillaires et ou non avec le canal de Wirsung, la présence de nodules
solides, l'aspect le plus évocateur est celui d'une tumeur bien intrakystiques, de composants microkystiques, la présence
limitée, arrondie ou ovalaire, peu vascularisée et de compo- de mucus, une composante tissulaire, un état du parenchyme
sition mixte, associant des zones solides et des zones kys- pancréatique, une atteinte des éléments de voisinage, etc.
tiques donnant un aspect hétérogène en échographie. Les L'échoendoscopie, de par sa précision dans la caractérisation
aspects observés en TDM et en IRM sont souvent plus évo- des lésions kystiques pancréatiques, permettrait d'augmen-
cateurs en montrant des foyers hémorragiques, une capsule ter les performances diagnostiques préopératoires de 36 %
fibreuse ou un refoulement sans envahissement des organes en comparaison avec le scanner seul et de 54 % en compa-
de voisinage (Fig. 5.10). raison avec l'IRM seule. Néanmoins, elle doit suivre et être
associée, dans tout bilan de lésion kystique pancréatique, au
Échoendoscopie pancréatique scanner et à l'IRM pancréatique afin d'obtenir une meilleure
et procédures associées différenciation du type de tumeur kystique et de son carac-
tère bénin ou malin (Fig. 5.11). L'échoendoscopie permet
L'échoendoscopie a un rôle prépondérant dans le diagnostic
aussi une analyse écho-Doppler pour juger de l'importance
des tumeurs kystiques pancréatiques. Rappelons que c'est un
de la vascularisation des lésions modulaires et tissulaires
examen permettant d'obtenir des images de haute résolution
éventuelles intrakystiques. Il est aussi possible de réaliser des
images avec injection de produit de contraste sous forme de
microbulles ou de SonoVue®, de réaliser une cytoponction
de la lésion kystique. En effet, les lésions nodulaires et tissu-
laires suspectes de malignité seront volontiers bien vascula-
risées avec soit un signal Doppler net, soit un rehaussement
des images échographiques après injection de produit de
contraste SonoVue®. Cette dernière technique sera volontiers
utilisée aussi pour différencier un nodule tissulaire intrakys-
tique (prenant volontiers le contraste) d'un dépôt de mucus
(ne prenant pas de contraste), visible dans les TIPMP.
L'échoendoscopie permet surtout la cytoponction qui
doit être, in fine, réservée aux cas pour lesquels persiste un
doute diagnostique. Il s'agit le plus souvent de lésions de type
« macrokyste », de plus de 2 cm de diamètre et pour lesquelles
il existe un doute entre une lésion séreuse (cystadénome
atypique) ou mucineuse (cystadénome mucineux, TIPMP),
voire une autre tumeur kystique plus rare. Les complications
A de la cytoponction des tumeurs kystiques sont rares (2 à 3 %),
à type pancréatite aiguë mais aussi surinfection indiquant une
prévention antibiotique systématique (céfazoline ou cipro-
floxacine). Plusieurs analyses sur le liquide de cytoponction
sont possibles et recommandées afin de différencier le type
de tumeur kystique pancréatique [4, 6]. Dans certains cas, en
particulier pour du liquide mucineux très visqueux, toutes
les analyses ne pourront pas être conduites en raison de la
faible quantité prélevée. Avant de conditionner le liquide de
ponction pour les analyses biologiques, le degré de viscosité
sera testé par le string test qui consiste à récupérer goutte à
goutte le liquide au sortir de l'aiguille de cytoponction, le test
étant considéré comme « positif » si le caractère « filant » de ce
liquide affiche un fil continu entre la sortie de l'aiguille et le
tube de récupération (voir Vidéo e5.1 ). Un test positif signe
le caractère fortement mucineux, en particulier dans le cas des
TIPMP. Seront demandés comme analyses le dosage des mar-
queurs tumoraux ACE et CA 19.9, le dosage de la lipase et de
l'amylase, une analyse cytologique (voire histologique si des
B
fragments de paroi du kyste ont été prélevés) qui commence
Fig.  5.9 Aspect scanographique d'un cystadénocarcinome. par la recherche de mucus par la coloration au bleu alcian et/
A. Lésion de la queue du pancréas avec composante tissulaire enva- ou PAS (periodic acid schiff) (Fig. 5.12). En ce qui concerne
hissant la rate (flèche blanche) et une métastase hépatique (flèche l'analyse de biologie moléculaire, elle doit faire appel à une
blanche en pointillé). B. Même lésion avec composante tissulaire enva- plateforme de génétique somatique des tumeurs avec un
hissant la rate et la queue du pancréas (flèches blanches).
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 129

A B

C D

E F
Fig.  5.10 Aspects radiologiques (scanner et IRM) de tumeurs pseudopapillaires et solides. A, B.  Scanner avant et après produit de
contraste (flèches blanches). C-F. IRM avant et après produit de contraste (flèches blanches).
130 Traité de pancréatologie

A
A

B B
Fig.  5.11 Aspects échoendoscopiques de tumeurs kystiques.
Fig.  5.12 Aspects échoendoscopiques de cytoponction de
A. Aspect typique de cystadénome séreux, microkystique avec cicatrice
tumeurs kystiques. A.  Lésion unique macrokystique pour laquelle
centrale (flèche blanche). B.  Cystadénome mucineux, macrokystique
le diagnostic de cystadénome séreux atypique ou de lésion mucineuse
avec cloison de refend (flèche blanche) et aiguille de cytoponction
(cystadénome ou TIPMP) ne peut être fait à l'imagerie et nécessitant
(flèche blanche en pointillé) pour cytologie et dosage des marqueurs
une cytoponction (aiguille : flèche blanche en pointillé) pour cytologie
tumoraux, en particulier ACE, dans le liquide kystique.
et dosage des marqueurs tumoraux. B. Lésion macrokystique de type
cystadénome mucineux ou TIPMP avec composante tissulaire (étoiles
milieu de transport du liquide de ponction spécifique pour
blanches) requérant une cytoponction (aiguille  : flèche blanche en
extraction et amplification des acides nucléiques. Ces analyses pointillé) pour cytologie à la recherche de dysplasie de haut grade ou
ne sont pas encore de routine mais recherchent des mutations plus. En encart, la coloration au bleu alcian du matériel de ponction
des gènes GNAS et KRAS. La mutation GNAS est spécifique confirme le caractère mucineux.
de la TIPMP et la mutation KRAS, quant à elle, est plus en
faveur d'une dégénérescence de la TIPMP. Elle est également pour les cystadénomes mucineux et inférieurs à 5 ng/mL pour
détectée dans les cas de cystadénome mucineux, volontiers au les cystadénomes séreux. Néanmoins, un taux d'ACE supé-
stade de cystadénocarcinome mucineux où la mutation p53 rieur à 192 ng/mL est encore en faveur d'une lésion mucineuse
est aussi fréquemment observée. Les principales indications avec une sensibilité de 52 à 78 % et une spécificité de 63 à 91 %.
et caractéristiques de la cytoponction sous échoendoscopie En ce qui concerne le cystadénocarcinome, celui-ci est sus-
dans l'approche diagnostique des tumeurs kystiques les plus pecté lors de la présence de nodules muraux, de végétations
importantes sont rapportées dans le tableau 5.5. Il faut signa- endokystiques, d'une paroi épaisse et irrégulière hypoécho-
ler qu'en cas de forte suspicion de tumeur pseudopapillaire gène en échoendoscopie avec une forme composante tissu-
et solide, la cytoponction est déconseillée en raison du risque laire. Lors de la cytoponction, les taux de CA 19.9 et d'ACE
de dissémination péritonéale (d'autant plus que l'imagerie est sont souvent plus élevés que dans un cystadénome mucineux
souvent suffisante pour établir le diagnostic). sans que cela soit spécifique. Il a été rapporté que le dosage du
La cytologie est non contributive dans plus de 50 % des cas TPA (tissue polypeptide antigen) intrakystique était contribu-
et on s'attachera à la recherche du mucus plus spécifique d'une tif avec un taux très élevé (> 100 000 U/mL). L'analyse cytolo-
lésion mucineuse (en gardant à l'esprit qu'une contamination gique, lorsqu'elle met en évidence des cellules néoplasiques,
digestive par du mucus épithélial duodénal ou gastrique est confirme le diagnostic de cystadénocarcinome mucineux et
toujours possible). Le dosage de l'ACE semble le plus contri- permet de le différencier de l'adénocarcinome pancréatique.
butif pour le diagnostic des tumeurs kystiques en sachant que À l'inverse, l'absence de cellules malignes à l'analyse cytolo-
les taux communément retenus sont supérieurs à 400 ng/mL gique ne permet pas de conclure à la bénignité de la lésion.
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 131

Tableau 5.5 Principales indications et caractéristiques de la cytoponction sous échoendoscopie


dans l'approche diagnostique des principales tumeurs kystiques (hors TIPMP).
Cystadénome séreux Cystadénome mucineux Tumeur pseudopapillaire
et solide
Indications • Doute diagnostique avec un Doute diagnostique avec un Cytoponction non recommandée
cystadénome mucineux pseudokyste ou une TIPMP
• Forme macrokystique (10 %)
Analyse du liquide • Amylase < 5 000 U/mL • Amylase ≤ 5 000 U/mL ACE et CA 19-9 bas
• Lipase < 2 000 U/mL • Lipase ≤ 2 000 U/mL
• ACE < 5 ng/mL • ACE > 400 ng/mL
• CA 19.9 < 50 U/mL • CA 19.9 > 50 000 U/mL
Anatomopathologie Cellules épithéliales détectées Présence de mucus, cellules Pas de mucus, histologie si
dans moins de 50 % des cas, MUC1 épithéliales dans moins de 50 % possible
négatif des cas, MUC1 positif
Biologie moléculaire Non contributive • P53 muté Non contributive
• KRAS muté
• GNAS non muté
ACE : antigène carcinoembryonnaire ; CA 19.9 : carbohydrate antigène 19.9 ; TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas.

En dehors des lésions « classiques », les tumeurs plus rares


(neuroendocrine ou métastases à forme kystique) n'ont pas
de profil spécifique en ce qui concerne les taux de mar-
queurs tumoraux intrakystiques. Ce sera donc la cytologie
qui pourra apporter des éléments du diagnostic en sachant
qu'elle est moins contributive qu'une histologie réalisée à
partir de carottes biopsiques.
Enfin, deux autres diagnostics différentiels sont impor-
tants en ce qui concerne ce type de tumeurs : les pseudo-
kystes et les TIPMP. Les pseudokystes sont en général
évoqués devant des antécédents de pancréatite aiguë (ou
de syndrome douloureux abdominal aigu évocateur dans
les antécédents) et/ou de pancréatite chronique calcifiante.
Parfois, l'anamnèse est moins évocatrice et le diagnostic dif-
férentiel se posera donc avec un cystadénome mucineux : les
taux de lipase et d'amylase intra kystiques sont très élevés
dans les pseudokystes (> 20 000 U/mL) et le liquide est en A
général très inflammatoire à l'analyse cytologique.
Pour ce qui est des TIPMP (cf. infra), le string test est en
général positif, la cytologie pourra détecter des structures
papillaires évocatrices du diagnostic alors que le taux des
marqueurs tumoraux intrakystiques est variable et large-
ment moins fiable que pour les autres tumeurs kystiques.
L'échoendoscopie peut enfin apporter la réalisation d'une
microscopie confocale dans le diagnostic des lésions kys-
tiques. Cette technique requiert un apprentissage alors que
peu de centres sont encore équipés de cette technique qui
consiste à amener une fibre de très petite taille permettant
une analyse microscopique en 2D au contact de la paroi
interne du kyste, grâce à l'aiguille de cytoponction sous
injection IV de fluorescéine. L'épithélium kystique apparaît
nettement en temps réel : les performances diagnostiques
sont à plus de 90 % (avec un taux de complication de l'ordre B
d'1 % : pancréatite aiguë), en particulier pour distinguer un
Fig. 5.13 Microscopies confocales réalisées après ponction sous
cystadénome séreux (caractérisé par des bandes vasculaires
échoendoscopie de lésions kystiques pancréatiques. A. Aspect en
typiques) des lésions mucineuses comme TIPMP ou cysta- microscopie confocale avec fluorescence de cystadénome séreux avec
dénome mucineux. Là encore, les indications de la micros- visualisation d'un réseau capillaire abondant (bande claire : flèche noire ;
copie confocale concernent ces lésions de plus de 2 cm, de flèche noire en pointillé  : globules rouges). B. Aspect en microscopie
type macrokyste et pour lesquels l'imagerie ne peut trancher confocale avec fluorescence d'une TIPMP des canaux secondaire avec
pour l'un ou l'autre des diagnostics (Fig. 5.13). aspect régulier mucineux et papillaire de l'épithélium (flèches noires).
132 Traité de pancréatologie

Algorithme de prise en charge diagnostique hypertension portale ou une hémorragie digestive par éro-
Devant une lésion kystique pancréatique sans antécédent sion duodénale ou gastrique.
de pancréatite aiguë ou chronique, l'algorithme de prise En cas de cystadénome mucineux sans carcinome invasif
en charge diagnostique repose sur le caractère micro- ou détecté à l'analyse anatomopathologique, le pronostic est
macrokystique de la lésion à l'imagerie. En présence d'une excellent avec une survie après résection de 100 % à 5 ans.
lésion microkystique, le diagnostic principal à évoquer est En cas de transformation maligne, la survie après résection
le cystadénome séreux. En présence d'une lésion macrokys- est de 44 % à 3 ans et de 26 % à 5 ans [2, 6–8].
tique, une TIPMP doit être évoquée en cas de communi-
cation du kyste avec le canal de Wirsung. En cas de doute Tumeur pseudopapillaire et solide du pancréas
diagnostique, une échoendoscopie associée à une cytoponc- Les tumeurs pseudopapillaires et solides du pancréas ont un
tion doit être réalisée (Fig. 5.14). faible potentiel de dégénérescence avec une évolution lente,
mais 5 à 15 % développeront des métastases, d'où la nécessité
Évolution de réaliser une résection chirurgicale dès le diagnostic posé.
Le pronostic après résection de cette tumeur kystique est
Cystadénome séreux excellent avec un taux de survie à 5 ans de plus de 95 % [6].
Le cystadénome séreux est une tumeur bénigne qui reste stable
sur le plan de l'aspect et de la taille dans le temps, même si de Traitement
très rares cas de dégénérescence ont été décrits dans la littéra-
L'objectif de la prise en charge des tumeurs kystiques du
ture (moins de vingt cas rapportés). L'augmentation de taille
pancréas est :
n'est pas un facteur de risque de dégénérescence mais peut,
■ de ne pas opérer les tumeurs qui n'ont aucun risque de
dans de très rares cas, se compliquer sous forme de compres-
dégénérescence ;
sion duodénale ou biliaire, d'hémorragie digestive par érosion
■ de réaliser une exérèse chirurgicale pour les autres
gastrique, d'hémopéritoine par rupture d'un cystadénome
tumeurs, en fonction du risque de dégénérescence.
séreux hypervascularisé, d'hypertension portale par throm-
La finalité de cette prise en charge est de ne pas opérer (et
bose de la veine splénique ou de pancréatite chronique [5, 6].
donc ne pas sur-traiter), les malades qui n'en ont pas besoin car
ils ont une tumeur qui ne va pas dégénérer ou dont le risque
Cystadénome mucineux de dégénérescence est faible au cours du temps et/ou chez qui
Le principal risque du cystadénome mucineux est la trans- le risque encouru par la chirurgie (complications et mortalité)
formation maligne (15 % des cas) en cystadénocarcinome serait supérieur au risque de conserver leur tumeur kystique.
mucineux avec une évolution péjorative par extension A contrario, il ne faut pas sous-traiter les malades en ne leur
locorégionale et/ou métastatique. L'évolution peut aussi se proposant pas la chirurgie pancréatique alors qu'ils ont des
faire sous la forme de manifestations cliniques telles qu'une tumeurs à haut risque de dégénérescence. Les seules tumeurs
pancréatite aiguë, une obstruction duodénale, une fissura- bénignes ou qui n'ont aucun risque de dégénérescence qui ont
tion intra-abdominale, un ictère par compression de la voie une indication chirurgicale sont celles qui sont responsables
biliaire principale ou fistulisation kystobiliaire avec une d'une symptomatologie clinique invalidante, le plus souvent
obstruction de mucus dans la voie biliaire principale, une par compression (voies biliaires, duodénum, vaisseaux).

LÉSION KYSTIQUE PANCRÉATIQUE

Pas d'antécédent de pancréatite aiguë


Antécédent de pancréatite aiguë ou de pancréatite chronique
Pancréatite chronique connue
ou reconnue (calcifications)

MICROKYSTIQUE MACROKYSTIQUE

CYSTADÉNOME Communication avec le


PSEUDOKYSTE SÉREUX canal de Wirsung ?
(80 % des lésions kystiques
pancréatiques)
NON OUI
DOUTE
CYSTADÉNOME TIPMP
ÉCHOENDOSCOPIE MUCINEUX
± CYTOPONCTION

Fig. 5.14 Algorithme schématique du diagnostic des lésions kystiques pancréatiques. TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse
du pancréas.
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 133

Une prise en charge chirurgicale par exérèse à visée


carcinologique est recommandée en cas de tumeurs
kystiques du pancréas malignes ou à risque de dégéné-
rescence. Cette chirurgie peut être, en fonction de la
topographie, une duodénopancréatectomie céphalique,
une pancréatectomie gauche avec ou sans conservation
splénique, et plus rarement une pancréatectomie partielle
voire une énucléation. Le chapitre 9, « Chirurgie, radiolo-
gie et endoscopie interventionnelle des affections du pan-
créas », détaille les différents types de chirurgies ainsi que
leurs complications.

Cystadénomes séreux
Les cystadénomes séreux sont des tumeurs kystiques
bénignes dont le risque de dégénérescence est quasi nul. La
chirurgie n'est recommandée que chez les patients ayant des
symptômes causés par la compression des organes de voisi- A
nage (par exemple : la voie biliaire principale, l'estomac, le
duodénum ou la veine porte).

Cystadénome mucineux
Le cystadénome mucineux est une tumeur dont le risque de
dégénérescence est corrélé à sa taille. Le risque de carcinome
invasif est de moins de 4 % pour une tumeur inférieure à
40 mm et de plus de 20 % pour une tumeur supérieure ou
égale à 40 mm [6, 8, 9].
Selon les recommandations européennes, l'indication
chirurgicale est certaine pour les cystadénomes mucineux
supérieurs ou égaux à 40 mm [1]. La chirurgie est aussi
recommandée pour les kystes symptomatiques et/ou avec
des facteurs de risque de dégénérescence, comme la pré-
sence de nodules muraux ou d'une prise de contraste parié-
tale à l'imagerie, indépendamment de leur taille (Fig. 5.15 et
5.16). Pour les cystadénomes mucineux asymptomatiques et B
sans facteurs de risque de dégénérescence de 30 à 40 mm,
Kyste pancréatique
l'indication chirurgicale dépend d'autres facteurs tels que à paroi fine
l'âge, les comorbidités, le risque chirurgical et les préfé- sans végétations
rences du patient.
Pour les kystes de moins de 30 mm, le diagnostic de cys-
tadénome mucineux peut être difficile et être confondu avec
une autre lésion kystique. Il est donc recommandé de les
surveiller [1].

Tumeurs pseudopapillaires et solides


La résection chirurgicale des tumeurs pseudopapillaires
et solides est recommandée quelle que soit la taille de
la tumeur. Elle permet d'améliorer la survie globale des
patients. En cas de tumeur pseudopapillaire et solide loca-
lement avancée, récidivante ou métastatique, une approche
chirurgicale dite « agressive » avec résection complète est
recommandée [1, 6].
C
Fig.  5.15 Images de cystadénome mucineux opéré. A, B.
Surveillance Cystadénome mucineux de la queue du pancréas de 8 cm de diamètre
L'IRM pancréatique est la méthode de choix pour la surveil- (flèches blanches). C. Pièce de pancréatectomie avec le même cystadé-
lance des patients porteurs d'une tumeur kystique pancréa- nome mucineux (cercle blanc en pointillé) (rate : flèche noire).
tique [1].
134 Traité de pancréatologie

A B

C D
Fig. 5.16 Images de cystadénocarcinome mucineux opéré. A-C. Imagerie par échographie, scanner et IRM du cystadénocarcinome (étoile
blanche puis noire en C) avec composante charnue tissulaire (flèche blanche). D. Cette composante tissulaire est retrouvée sur la pièce opératoire
(flèche blanche) d'une duodénopancréatectomie céphalique.

Cystadénomes séreux nome séreux et TIPMP des canaux secondaires avec une
Selon les recommandations européennes, les formes asymp- composante multikystique (plusieurs micro- et macrokystes
tomatiques découvertes sur un examen d'imagerie médicale agglomérés) est souvent difficile, motivant une surveillance
de façon fortuite doivent être surveillées pendant un an. de principe de type TIPMP (cf. infra).
Après un an, il n'est pas nécessaire de réaliser d'autres ima-
geries de surveillance. Une simple surveillance clinique est Cystadénomes mucineux
recommandée. Selon les recommandations européennes, les cystadénomes
En cas de diagnostic incertain de cystadénome séreux, mucineux de moins de 40 mm asymptomatiques et sans fac-
une surveillance identique à celle des TIPMP des canaux teurs de risque de dégénérescence doivent être surveillées
secondaires est recommandée. Cette surveillance repose par un examen clinique, le dosage du CA 19.9 sérique et un
sur un examen clinique, le dosage du CA 19.9 sérique et un examen morphologique par IRM pancréatique, par échoen-
examen morphologique de type IRM pancréatique ou par doscopie ou par une association des deux examens tous les
échoendoscopie (souvent réalisés en alternance) tous les six six mois pendant la première année de suivi, puis une fois
mois pendant la première année de suivi puis une fois par par an tant que le kyste n'évolue pas et que le patient est apte
an [1, 5]. En effet, le diagnostic différentiel entre cystadé- à la chirurgie [1].
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 135

Le cystadénome mucineux est majoritairement unique et gérant que la dégénérescence est associée à la durée de la
la résection complète d'un kyste non dégénérée est un trai- TIPMP [1-3, 9, 12]. Certains facteurs de risque ont été sug-
tement curatif, ne nécessitant pas de surveillance postopéra- gérés comme le tabac, un antécédent personnel de diabète
toire. En cas de cystadénome mucineux réséqué présentant ou un antécédent familial de cancer du pancréas. Le tabac
un carcinome invasif, une surveillance postopératoire simi- n'est pas un facteur de risque de TIPMP mais pourrait accé-
laire à celle réalisée après chirurgie pour adénocarcinome lérer l'évolution vers le cancer sur une TIPMP connue. Un
pancréatique doit être réalisée [9]. antécédent personnel de diabète serait un facteur de surve-
nue de TIPMP de même qu'un antécédent familial de cancer
Tumeurs pseudopapillaires et solides du pancréas. Ce dernier serait aussi un facteur de survenu
Les tumeurs pseudopapillaires et solides du pancréas n'ont de cancer sur TIPMP.
pas d'indication de surveillance car l'indication de résec-
tion chirurgicale doit être posée dès le diagnostic. La réci- Histoire naturelle
dive et l'apparition de métastases à distance sont rares mais Les TIPMP se développent selon un processus séquentiel
possibles, avec un taux de récidive de 6,6 % à dix ans après allant de la dysplasie de bas grade à la dysplasie de haut grade
la chirurgie [10], incitant à une surveillance prolongée. puis à l'adénocarcinome invasif. Rappelons que seuls au
Aucune recommandation claire n'est décrite dans la littéra- maximum 10 % des adénocarcinomes du pancréas se déve-
ture quant à la durée de suivi, aux examens recommandés ni loppent sur TIPMP. Les TIPMP des canaux secondaires ont
à leur fréquence. une propension nettement moindre à la dégénérescence que
les formes avec atteinte du canal principal ou mixte. En effet,
Tumeurs kystiques d'étiologie indéterminée le risque de cancer à 5 ans est estimé à 2,5 à 3 % à 5 ans mais
En cas de lésion kystique d'étiologie indéterminée infé- les lésions évoluent au-delà avec augmentation de taille et un
rieure à 15 mm, une surveillance pendant trois ans pourra risque de cancer à 10 ans de l'ordre de 5 % et de l'ordre de
être proposée avec examen clinique, dosage du CA  19.9 7,5 % à 15 ans. Pour ce qui est des TIPMP du canal principal
sérique et un examen morphologique de type IRM pancréa- ou mixte, le risque de dégénérescence est élevé, de l'ordre de
tique ou par échoendoscopie tous les six mois pendant la 37 % à 3 ans et de 45 à 50 % à 5 ans. La mutation de l'onco-
première année de suivi, puis une fois par an. Au-delà de gène KRAS (chapitre 6) participe fortement à ce processus
trois ans de surveillance, si le kyste indéterminé de petite de cancérisation (mutation oncogénique ponctuelle de KRAS
taille reste stable, une surveillance tous les deux ans pourra dans 50 à 90 % des TIPMP). D'autres lésions précancéreuses
être réalisée. Les lésions kystiques d'étiologie indéterminée sont présentes au sein du pancréas atteint de TIPMP : ce
supérieures à 15 mm doivent, quant à elles, être surveillées sont les PanIN pour pancreatic intraepithelial neoplasia (cha-
tous les six mois pendant la première année, puis tous les pitre 6). Ce sont des lésions intraépithéliales dysplasiques
ans après la première année de suivi, préférentiellement par asymptomatiques des petits canaux pancréatiques, non
IRM pancréatique ou par échoendoscopie [1]. invasives, ne dépassant pas la membrane basale. Elles font
le lit de l'adénocarcinome classique (non développé à partir
des TIPMP). Ces lésions n'ont donc pas de rapport avec les
Tumeurs intracanalaires papillaires TIPMP mais leur coexistence rend compte des cas d'adéno-
et mucineuses du pancréas carcinomes associés aux TIPMP, c'est-à-dire à distance des
lésions de TIPMP (8 % de toutes les TIPMP selon la littéra-
Définition et épidémiologie ture). Ceci rend compte de l'importance d'examiner aussi le
Les tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du parenchyme pancréatique lors de la mise en place d'un pro-
pancréas (TIPMP) sont une dilatation kystique des canaux gramme de surveillance des TIPMP non opérées (cf. infra).
pancréatiques par prolifération anormale d'un épithé- L'histoire naturelle des TIPMP est finalement mal
lium papillaire à cellules mucipares. Ces cellules mucipares connue, mais la littérature en faveur d'une évolution lente
sécrètent du mucus à l'origine d'une obstruction des canaux de cette pathologie kystique, avec un délai moyen entre le
pancréatiques et d'une dilatation en amont du ou des canaux premier symptôme et le diagnostic de 3 à 4 ans [12-17]. Ces
obstrués. Elles sont classées en trois groupes en fonction du lésions sont le plus souvent asymptomatiques et les signes
type de canaux pancréatiques sur lesquelles elles se déve- révélateurs sont soit une pancréatite aiguë, soit des symp-
loppent : les canaux secondaires, le canal principal ou les deux tômes qui rendent compte d'une évolution locorégionale de
(appelées TIPMP mixtes). Les TIPMP sont des lésions pré- TIPMP dégénérées comme l'ictère ou les douleurs solaires.
néoplasiques canalaires de l'adénocarcinome pancréatique. Compte tenu de la fréquence des lésions de découverte for-
Les TIPMP sont des tumeurs fréquentes, particulière- tuite, il sera important de connaître les situations à risque de
ment chez les sujets âgés. La prévalence dans la population dégénérescence.
générale de ces lésions est de 7 % dans la population générale
et dépasse 10 % après 60 ans [1, 9, 11, 12]. Parmi les tumeurs Anatomopathologie
mucineuses kystiques du pancréas, 60 % d'entre elles sont
des TIPMP [12]. L'âge médian de survenue des TIPMP est Analyse macroscopique
de 65 ans (62 à 67 ans), avec un sex-ratio hommes/femmes Il existe une atteinte unique du canal principal dans 45 %
de 2/1. Les patients ayant une TIPMP associée à un carci- des cas de TIPMP, une atteinte des canaux secondaires
nome invasif sont plus âgés de 3 à 5 ans par rapport aux dans 40 % des cas et une atteinte mixte dans 15 % des cas.
patients porteurs d'une TIPMP sans carcinome invasif, sug- L'atteinte du canal principal est souvent longue et continue,
136 Traité de pancréatologie

alors que l'atteinte des canaux secondaires est souvent limi- aiguë (40 à 60 % des cas) : il s'agit souvent de pancréatites
tée à un groupe de canaux pancréatiques. Il existe dans aiguës bénignes et récurrentes, parfois idiopathiques en l'ab-
10 % des cas une atteinte diffuse du pancréas. Les TIPMP se sence de bonne visualisation de la TIPMP au cours de l'épi-
localisent préférentiellement au niveau des canaux de la tête sode de pancréatite. Une pancréatite aiguë sévère ne survient
du pancréas dans 60 % des cas (le plus souvent au niveau que dans 3 % des cas. Les autres symptômes révélateurs sont
du crochet du pancréas), dans 20 % des cas dans le corps des douleurs abdominales chroniques, des signes de pan-
et dans 20 % des cas dans la queue du pancréas. Tout type créatite chronique, d'une stéatorrhée, d'un diabète de novo
de lésion et de diffusion est possible, ce d'autant plus que (10 à 20 % des cas) ou d'un ictère obstructif (5 à 20 % des
les progrès de l'imagerie (en particulier l'IRM) permettent cas). L'ictère obstructif est souvent révélateur d'une TIPMP
de mettre à évidence des lésions des canaux secondaires de dégénérée. Néanmoins, l'ictère peut être observé en cas de
petites tailles, souvent à distance de la lésion principale dont compression de la voie biliaire principale par une TIPMP
la localisation prédomine au niveau de la tête. volumineuse et sans signe franc de dégénérescence ou en
cas de fistule entre le canal pancréatique et la voie biliaire
Analyse microscopique principale, avec obstruction de cette dernière par du mucus.
Les TIPMP sont classées en deux stades par la 5e édition des La stéatorrhée est symptomatique d'une insuffisance pan-
classifications de l'OMS des tumeurs du système digestif [2] : créatique exocrine, conséquence d'une pancréatite obstruc-
les TIPMP de bas grade (qui regroupent les TIPMP ancien- tive d'amont secondaire à l'obstruction complète du canal
nement classées de bas grade et de grade intermédiaire), les pancréatique principal par accumulation de mucus ou par
TIPMP de haut grade avec dysplasie sévère, aussi appelées le processus tumoral. Le diabète de novo est aussi la consé-
carcinome in situ. Cette dernière forme pourra évoluer vers quence d'une pancréatite obstructive d'amont [1, 9, 12, 15].
une TIPMP avec adénocarcinome invasif. En cas de forme dégénérée, la symptomatologie se rap-
On retrouve trois sous-types histologiques : gastrique, proche de celle des tumeurs pancréatiques malignes avec
intestinal et biliopancréatique. Les tumeurs intracana- une altération de l'état général, des douleurs abdominales
laires papillaires oncocytaires sont maintenant reconnues intenses et permanentes, un amaigrissement ou un ictère. La
comme une entité distincte, donc différente des TIPMP [2]. découverte fortuite d'une TIPMP a considérablement aug-
L'adénocarcinome pancréatique infiltrant développé sur menté avec l'extension des indications d'examens d'imagerie
TIPMP peut être de deux types différents : un type colloïde médicale et l'amélioration de la résolution de ceux-ci. Ainsi,
muqueux développé sur les TIPMP de sous-type intestinal 25 à 35 % des patients chez qui une TIPMP est diagnosti-
et un type tubulaire (ou canalaire) développé sur les TIPMP quée sont strictement asymptomatiques.
de sous-type biliopancréatique et gastrique. Les caractéris-
tiques et le type de dégénérescence des TIPMP sont rappor- Diagnostic positif
tés dans le tableau 5.6 [2, 3, 18] (Fig. 5.17 à 5.20). Sur le plan biologique, il n'existe pas de biomarqueur san-
guin spécifique de la TIPMP quel que soit son grade, sauf
Circonstances de découverte en cas de dégénérescence où le dosage de l'ACE et surtout
Les symptômes conduisant à la découverte de la TIPMP du CA 19.9 peut être envisagé. La lipase sanguine peut être
sont la conséquence soit de l'obstruction par le mucus des observée en cas d'obstruction du canal de Wirsung (mucus,
canaux pancréatiques ou biliaires ou de l'évolution locoré- TIPMP du canal principal ou mixte) et bien sûr de pancréa-
gionale de la dégénérescence tumorale. L'obstruction par le tite aiguë.
mucus induit des manifestations cliniques intermittentes et Le diagnostic positif de TIPMP repose essentiellement
récidivantes [12]. Dans les cas de TIPMP symptomatique (60 sur différents examens d'imagerie non invasifs (échogra-
à 70 % des cas), le motif le plus fréquent est une pancréatite phie, scanner et IRM) et invasifs (échoendoscopie et CPRE).

Tableau 5.6 Classification anatomopathologique des TIPMP.


Sous-type gastrique Sous-type biliopancréatique Sous-type intestinal
Fréquence 70 % 10 % 20 %
Topographie fréquente Canaux secondaires Canal principal Canal principal
Imunohistochimie :
• CK7/CK8/CK18/CK19 + + +
• CK20 – – +
• MUC1 – + –
• MUC2 – – +
• MUC5AC + + +
• MUC6 ± + –
• CDX2 – – +
Type de dégénérescence Adénocarcinome pancréatique Adénocarcinome pancréatique Adénocarcinome colloïde
canalaire canalaire
TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas.
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 137

A
A

B B
Fig. 5.17 Aspects microscopiques de TIPMP bénigne et maligne. Fig. 5.18 Aspects microscopiques de TIPMP en dysplasie de bas
A. TIPMP mixte avec atteinte du canal principal (flèches noires) et des et haut grade. A. TIPMP des canaux secondaires en dysplasie de bas
canaux secondaires (flèches blanches). B.  TIPMP avec dysplasie de grade. B. TIPMP avec dysplasie de haut grade (flèche ouverte). Source :
haut grade (petites flèches noires) et foyers de carcinome infiltrant Lamps LW, Kakar S. Diagnostic Pathology. Hepatobiliary and Pancreas.
(flèches noires). Source  : Lamps LW, Kakar S. Diagnostic Pathology. Philadelphie : Elsevier, 2017 (2e éd.).
Hepatobiliary and Pancreas. Philadelphie : Elsevier, 2017 (2e éd.).
de contraste. L'atteinte du canal pancréatique principal se
Examens radiologiques manifeste par une dilatation de celui-ci, segmentaire ou dif-
Échographie abdominale fuse, sans obstacle pancréatique ou ampullaire identifiable.
Le canal pancréatique principal est considéré comme dilaté
L'échographie abdominale est peu sensible et peu spéci- lorsqu'il mesure plus de 3 mm. Le diagnostic de TIPMP du
fique pour le diagnostic des TIPMP. Elle peut cependant canal principal sera fortement suspecté lorsque son diamètre
permettre d'évoquer le diagnostic par visualisation d'une sera au-delà des 5 mm. L'atteinte des canaux secondaires se
dilatation du canal pancréatique principal ou de canaux situe préférentiellement dans le crochet du pancréas et se
secondaires. Elle est souvent réalisée en première intention manifeste par une dilatation de canaux secondaires commu-
devant un syndrome douloureux abdominal. niquant avec le canal pancréatique principal. Elle est souvent
visualisée sous forme de petites hypodensités d'allure liqui-
Scanner abdominal avec produit de contraste dienne, regroupées en « grappe de raisin » et séparées par de
Le scanner abdominal avec produit de contraste permet de fins septa. Des calcifications intracanalaires développées sur
faire le diagnostic de TIPMP. Les structures kystiques de la des bouchons de mucus peuvent être observées par scan-
TIPMP sont hypodenses au temps sans injection de produit ner. Une inflammation de la glande pancréatique avec une
138 Traité de pancréatologie

A A

B
B Fig.  5.20 Aspects microscopiques de TIPMP de type pancréa-
Fig.  5.19 Aspects microscopiques de TIPMP en dysplasie de tobiliaire. A.  TIPMP des canaux secondaires type pancréatobiliaire.
bas grade de type gastrique. A. TIPMP des canaux secondaires en B.  TIPMP de type pancréatobiliaire après marquage immunohisto-
dysplasie de bas grade de type gastrique. B. TIPMP avec dysplasie de chimique modéré par MUC6 (en marron  : flèches noires). Source  :
bas grade de type gastrique après marquage immunohistochimique Lamps LW, Kakar S. Diagnostic Pathology. Hepatobiliary and Pancreas.
par MUC6 (en marron  : flèches noires). Source  : Lamps LW, Kakar Philadelphie : Elsevier, 2017 (2e éd.).
S. Diagnostic Pathology. Hepatobiliary and Pancreas. Philadelphie  :
Elsevier, 2017 (2e éd.).
IRM pancréatique
infiltration de la graisse péripancréatique peut être obser- L'IRM pancréatique est plus sensible que le scanner pour
vée en cas de découverte d'une TIPMP à la suite d'une pan- identifier la communication entre un kyste et un canal pan-
créatite aiguë. En cas de pancréatite chronique obstructive créatique, ainsi que la présence de nodules muraux, de septa
d'amont, des calcifications pancréatiques et une atrophie du et le caractère multiple de la TIPMP. Une dilatation régulière
parenchyme sont visualisées au scanner. La visualisation de du canal pancréatique principal de plus de 5 mm est très sus-
nodules muraux tissulaires au sein des kystes avec rehausse- pecte de TIPMP du canal principal, surtout si la dilatation est
ment après injection de produit de contraste est fortement segmentaire. L'IRM permet de visualiser le mucus qui est net-
en faveur d'une dégénérescence de la TIPMP. Les formes tement en hypersignal T2 mais qui ne peut pas être différencié
avec cancer invasif se ont la même sémiologie que les adé- du liquide pancréatique. L'IRM présente une grande sensibi-
nocarcinomes « classiques » (non développés à partir des lité pour différencier la présence de nodules muraux et de
TIPMP) si ce n'est la présence d'une composante kystique mucus. En effet, le nodule mural apparaît comme une lacune
à la tumeur qui peut envahir voie biliaire, vaisseaux, tronc pariétale pouvant être rehaussée après injection de produit
céliaque, etc. (Fig. 5.21 à 5.24). de contraste (gadolinium). L'atteinte des canaux secondaires
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 139

est visualisée sous la forme d'images kystiques de dimensions pancréatique principal). À noter que lors de la duodénos-
variées en hypersignal sur les séquences pondérées T2 et en copie lors d'une CPRE, il existe dans 18 à 30 % des cas une
hyposignal sur les séquences pondérées T1, ne se rehaussant béance de l'ampoule de Vater avec issue de mucus, signe
pas après injection de produit de contraste (Fig. 5.21 à 5.24). pathognomonique de cette pathologie (Fig. 5.25) [12]. La
CPRE va permettre de mettre en évidence une dilatation du
canal pancréatique principal et/ou de canaux secondaires
Examens endoscopiques communiquant avec le canal pancréatique principal. Du
Cholangio-pancréato-graphie par voie rétrograde mucus peut être prélevé mais le rendement pour le diagnos-
endoscopique (CPRE) tic du stade de dysplasie est faible.
La CPRE était, il y a quelques années, l'examen de réfé-
rence alors qu'elle a maintenant un rôle mineur. Elle est Échoendoscopie
actuellement réservée pour certains diagnostics difficiles, L'échoendoscopie est indispensable en cas de doute diagnos-
pour éventuellement étudier la longueur de l'extension de tique sur la nature de la lésion lorsqu'elle mesure plus de
la TIPMP du canal pancréatique principal avant une résec- 15 mm et que les résultats de la ponction pourraient modi-
tion chirurgicale ou pour une prise en charge thérapeutique fier la prise en charge. L'ensemble du parenchyme doit être
(mise en place d'une prothèse biliaire en cas d'ictère ou examiné. Le caractère béant de l'ampoule de Vater doit être
d'une prothèse pancréatique en cas de pancréatite récidi- aussi recherché grâce à la vision foroblique de l'endoscope.
vante secondaire à l'accumulation de mucus dans le canal L'échoendoscopie permet de mieux localiser la TIPMP, de

VBP
VBP

A B

C D
Fig. 5.21 Imagerie de TIPMP des canaux secondaires. A, B. Vue en scanner (A) et CP-IRM d'une TIPMP céphalique (flèche blanche) d'un canal
secondaire (canal pancréatique normal). VBP : voie biliaire principale. C, D. Vue en IRM (A. Coupe. B. CP-IRM) (B) d'une TIPMP céphalique (flèche
blanche) d'un canal secondaire (canal pancréatique normal).
140 Traité de pancréatologie

A B

C D

E F
Fig.  5.22 Imagerie IRM de TIPMP des canaux secondaires. A-F.  Vue CP-IRM de TIPMP unique ou multiples (flèches blanches) des canaux
secondaires (en B et F, les flèches en pointillé indiquent la présence d'un pancréas divisum).
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 141

A B

C D

E F
Fig. 5.23 Imagerie par scanner et IRM de TIPMP du canal principal. A-F. Vue en scanner (A) et CP-IRM (B-F) de TIPMP du canal principal
(flèche blanche) focalisé (A-F) ou diffus (E). En C, la TIPMP est céphalique avec sténose suspecte isthmique (flèche blanche en pointillé) et pancréa-
tite chronique obstructive d'amont.
142 Traité de pancréatologie

Fig.  5.25 Imagerie par IRM et CPRE d'une TIPMP mixte avec
atteinte des canaux secondaires et du canal principal. A.  Vues
en CP-IRM d'une TIPMP mixte avec atteinte diffuse du canal principal.
B. Même patient : CPRE avec opacification du canal principal (mucus
en soustraction) et des canaux secondaires dilatés. En encart, présence
de mucus faisant issue par la papille duodénale principale en duodé-
noscopie (pathognomonique).
B
Fig.  5.24 Imagerie par IRM de TIPMP mixte avec atteinte des du kyste permet d'identifier la présence de mucus, qui est
canaux secondaires et du canal principal. A, B. Vues en CP-IRM de un argument fortement en faveur d'une TIPMP. La présence
TIPMP mixtes avec atteinte des canaux secondaires (flèches blanches de mucus sera fortement évoquée par un string test positif
en pointillé) et du canal principal (flèches blanches) (en A, pancréas et par les colorations faites en cytologie [12]. Une valeur de
divisum, flèche pleine blanche). l'ACE supérieure à 192 ng/mL dans le liquide kystique est
en faveur d'une lésion mucineuse avec une sensibilité de 52
mesurer la taille exacte des kystes et de mettre en évidence
à 78 % et une spécificité de 63 à 91 %. Néanmoins, le dosage
une communication entre la TIPMP et le canal pancréatique
n'est pas toujours fiable et un taux d'ACE bas (< 9 ng/mL)
principal lorsqu'il existe une atteinte des canaux secondaires.
peut être aisément rencontré au cours des TIPMP. Une ana-
La présence d'un épaississement de paroi ou d'un nodule
lyse de biologie moléculaire, si elle est possible, recherchera
mural est bien différenciée du mucus intrakystique qui,
la mutation de GNAS (exon 8, codon 201), qui est spécifique
pour sa part, est hyperéchogène, régulier, sous la forme d'un
de la TIPMP, et la mutation de KRAS (exon 2, codon 12) est
anneau détaché de la paroi alors que les nodules muraux
en faveur d'une dégénérescence de la TIPMP.
sont hypo- ou isoéchogènes et indissociables de la paroi du
kyste [12]. En cas de doute entre un bouchon de mucus et
un nodule mural, une injection intraveineuse de produit Bilan d'imagerie initial devant une TIPMP
de contraste (SonoVue®) pourra être réalisée (cf.  supra). Le bilan initial du diagnostic de TIPMP non dégénérée doit
L'échoendoscopie permet finalement de confirmer le diag- comporter [1, 6] :
nostic de TIPMP avec une fiabilité de 80 à 94 % (Fig. 5.26). ■ un scanner abdominal sans et avec injection de produit de
La cytoponction permet une analyse cytologique du contraste (injection triphasique) et coupes fines inférieure à
liquide intrakystique et permet parfois une analyse anato- 1,5 mm centrées sur le pancréas. Une reconstruction vascu-
mopathologique par ponction d'un nodule mural ou d'une laire doit être réalisée sur la phase artérielle en cas de projet
composante tissulaire de la TIPMP. L'analyse cytologique chirurgical de type duodénopancréatectomie céphalique ;
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 143

A B

C D
Fig. 5.26 Imagerie par échoendoscopie de TIPMP avec atteinte des canaux secondaires et du canal principal. A. TIPMP d'un canal secon-
daire (flèche blanche) communiquant avec le canal principal (flèche blanche en pointillé). B. TIPMP d'un canal secondaire (flèches blanches) de
type multikystique. C. TIPMP d'un canal secondaire « en doigt de gant » (flèches blanches) communiquant avec le canal principal (flèche blanche en
pointillé). D. TIPMP du canal principal (flèches blanches : dilatation à plus de 10 mm) se jetant dans la papille principale (flèche blanche en pointillé).

■ une IRM pancréatique avec coupes fines et épaisses (2 cm) Tableau 5.7 Facteurs de risque de dégénérescence
centrées sur l'ampoule de Vater et sur le corps du pancréas, cliniques et radiologiques des TIPMP selon la
hyperpondérées en T2, avec et sans injection de gadoli- conférence de consensus internationale de 2017.
nium et séquences de cholangio-pancréato-graphie ;
Facteurs de risques élevés Facteurs de risques
■ l'échoendoscopie est facultative dans le bilan initial mais « inquiétants »
est indispensable en cas de doute diagnostique sur la
• Atteinte du CPP avec • Atteinte du CPP avec une
nature de la lésion lorsqu'elle mesure plus de 15 mm et
dilatation > 10 mm dilatation entre 5 et 9 mm
que les résultats de la ponction pourraient modifier la • Masse tissulaire • TIPMP d'un canal secondaire
prise en charge, de même que la réalisation d'une image- parenchymateuse ≥ 30 mm
rie avec produit de contraste intraveineux (SonoVue®). (composante tissulaire) • Paroi kystique épaissie
Pour les formes dégénérées ou suspectes de dégénéres- • Nodule tissulaire mural • Changement brutal de
cence, le bilan initial et d'extension doit être équivalent à intrakystique > 5 mm avec calibre du CPP avec atrophie
prise de contraste au scanner parenchymateuse distale
celui du cancer du pancréas (chapitre 6).
• Ictère obstructif par la TIPMP • Nodule tissulaire mural
• Cytologie « positive » intrakystique < 5 mm avec
Critères cliniques et d'imagerie
(présence de cellules prise de contraste
évoquant une dégénérescence cancéreuses) • Pancréatite aiguë
Les TIPMP sont des lésions précancéreuses de l'adénocarci- • Élévation sérique du CA 19.9
nome pancréatique. Rappelons que le risque de dégénéres- • Adénopathies
• Croissance de la lésion
cence est de 50 à 60 % en cas d'atteinte du canal principal
kystique > 5 mm en 2 ans
ou mixte, alors qu'il est de 7 à 15 % dans le cas d'atteinte
des canaux secondaires seuls. Il existe des facteurs de risque CA 19.9 : carbohydrate antigène 19.9 ; CPP : canal pancréatique principal ;
TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas.
de dégénérescence qui sont classés en deux catégories : ceux
qui sont liés à un haut risque de dégénérescence et ceux
associés à un risque modéré (relatif) de dégénérescence dits déterminés par la dernière conférence de consensus inter-
« signes inquiétants ». Ces facteurs de risque sont rapportés nationale, en 2017, et ont permis de conduire des études de
dans le tableau 5.7 (Fig. 5.27, 5.28 et 5.29) [15, 19]. Ils ont été validation en pratique. En effet, chez les patients porteurs
144 Traité de pancréatologie

A
A

B B
Fig.  5.28 Imagerie par échoendoscopie de TIPMP avec atteinte
des canaux secondaires et présence de nodules pariétaux.
A. Lésion dans laquelle les flèches blanches indiquent les deux nodules
pariétaux intrakystiques (la cytoponction et l'exérèse a confirmé la pré-
sence d'une dysplasie de haut grade). B. Lésion avec un nodule pariétal
(8 mm) ne prenant pas le contraste Doppler et indiquant la réalisation
d'un examen avec produit de contraste SonoVue® (Fig. 5.29).

lance qu'une chirurgie. Dans cette optique, la conférence de


consensus européenne a déterminé des critères cliniques et
radiologiques pouvant amener à l'indication opératoire : il
s'agit de critères absolus et de critères relatifs qui sont pour
beaucoup similaires aux critères à haut risque et inquiétants
de la conférence de consensus internationale. Ils sont colli-
gés dans le tableau 5.8 [9]. Ces critères ont été récemment
validés à partir d'une série chirurgicale qui confirme qu'un
C
ou plusieurs critères absolus sont pertinents en matière de
Fig. 5.27 Imagerie par IRM d'une TIPMP dégénérée avec atteinte prédiction de dégénérescence et justifient bien la chirurgie.
mixte. A-C. Vues en CP-IRM de TIPMP mixtes avec critères de dégé- Pour ce qui est des critères relatifs, un seul critère semble
nérescence  : dilatation du canal principal à plus de 10  mm (flèches insuffisant et le chiffre de 3 serait plus pertinent [20].
blanches), composante tissulaire (flèches blanches en pointillé) au
niveau de l'atteinte des canaux secondaires.
Diagnostic différentiel
d'une TIPMP avec critères de haut risque de dégénéres- Plusieurs diagnostics différentiels sont rencontrés en pra-
cences, le risque de mortalité spécifique est de 40 % avec tique : il s'agit surtout du problème des lésions multikys-
risque de cancer à 5 ans supérieur à 50 % et une survie à tiques comme peuvent se présenter les cystadénomes séreux
5 ans d'uniquement 60 %. Ces formes représentent donc une et si la communication avec le Wirsung est difficile à affir-
indication opératoire (cf. infra). À l'opposé, les patients por- mer ou à infirmer. L'analyse du liquide de cytoponction
teurs de TIPMP avec signes « inquiétants » ont une survie peut aider avec mise en évidence du caractère mucineux du
à 5 ans de 96 %. Ceci oriente donc plus vers une surveil- liquide (string test, cytologie), ainsi que le dosage des mar-
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 145

A B

C D
Fig. 5.29 Imagerie par échoendoscopie de TIPMP avec atteinte d'un canal secondaire et présence d'un nodule pariétal, caractérisée
par échographie de contraste. A, B. Lésion avec un nodule pariétal visualisé avant injection intraveineuse de produit de contraste SonoVue®
(A. Image native [flèche blanche : nodule 8 mm]. B. Image en contraste avant injection du produit). C, D. Lésion avec un nodule pariétal visua-
lisé 1  minute après injection du produit de contraste SonoVue® (C.  Image native [flèche blanche  : nodule]. D.  Nodule visible [flèche blanche]
1 minute après injection de produit de contraste en comparaison avec l'enregistrement avant injection [B], confirmant la nature tissulaire de l'image
[diagnostic différentiel avec du mucus] et le caractère suspect).

queurs tumoraux dont le taux peut être aussi bas au cours des canaux secondaires. Le problème est d'autant plus cru-
des cystadénomes séreux que les TIPMP. cial que certaines TIPMP du canal principal s'accompagnent
Le diagnostic différentiel avec le cystadénome muci- de lésions d'authentique pancréatite chronique obstructive
neux est toujours possible pour des TIPMP des canaux d'amont (Fig. 5.23). En effet, la sténose ou l'obstruction par
secondaires uniques et de structure macrokystique. Seront le mucus peuvent générer cette obstruction. On retiendra
à prendre en compte : la communication avec le canal prin- en faveur de la pancréatite chronique un canal de Wirsung
cipal à la CP-IRM et la localisation préférentielle au niveau irrégulier, une dilatation sacciforme diffuse des canaux
du petit pancréas. secondaires, des pseudokystes par rétention des calcifica-
Un problème récurrent est celui de la pancréatite chro- tions. Néanmoins, ces dernières sont possibles au cours des
nique qui présente aussi une dilatation du canal principal et TIPMP (calcification du mucus). Dans ces cas difficiles,
146 Traité de pancréatologie

Tableau 5.8 Critères cliniques et radiologiques


pour indication de la chirurgie des TIPMP selon la Encadré 5.1. Découverte d'une lésion
conférence de consensus européenne de 2018 [9]. kystique pancréatique : que recueillir,
que faire et que dire ?
Indications absolues Indications relatives
• Atteinte du CPP avec • Atteinte du CPP avec une Recueillir
dilatation ≥ 10 mm dilatation entre 5 et 9,9 mm
• Nodule tissulaire mural • TIPMP d'un canal

Les symptômes : pancréatiques ou non ? Ancienneté ? Signes
intrakystique ≥ 5 mm avec secondaire ≥ 40 mm généraux ?
prise de contraste au scanner • Critère évolutif : ■
Les antécédents : pancréatite aiguë ? Famille ?
• Ictère obstructif par la augmentation de la taille ■
Le dosage du CA 19.9 sérique en l'absence de cholestase.
tumeur d'un canal secondaire ■
Les données de l'imagerie (échographie, TDM, CPRM) :
• Cytologie « positive » ≥ 5 mm par an
– taille ;
(dysplasie de haut grade/ • Nodule tissulaire mural
cancer) intrakystique ≤ 5 mm avec – nombre ;
prise de contraste – localisation ;
• Pancréatite aiguë causée par – communication avec le canal principal ou non ;
la TIPMP – signes « inquiétants » ;
• Diabète de novo – taille du canal de Wirsung.
• Élévation sérique du CA 19.9
(> 37 U/mL) Que faire ?
CPP : canal pancréatique principal ; TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et ■
Discuter de l'indication d'une échoendoscopie en fonction
mucineuse du pancréas. du doute diagnostique, de la taille, de la présence d'un
nodule, de la dilatation du canal principal, etc. ».
l'analyse fine de l'imagerie qui sera multiple (TDM, CP-IRM ■
Concertation pluridisciplinaire  : gastroentérologue, radio-
et échoendoscopie) est nécessaire, éventuellement dans un logue, chirurgien, anatomopathologiste.
centre référent, également assorti de la cytoponction d'un ■
Décider soit d'une surveillance (et du délai) ou d'un
des éléments kystiques le plus volumineux. traitement (drainage d'un pseudokyste ou chirurgie d'une
La transformation kystique des acini est une entité his- tumeur kystique).
tologique d'individualisation récente. Sa nature néoplasique
Que dire ?
ou non néoplasique fait l'objet d'un débat mais son carac-
tère bénin semble acquis, aucun cas de transformation ■
Expliquer encore et toujours la complexité des tumeurs
maligne n'ayant été constaté. Elle touche préférentiellement kystiques.
la femme ayant une quarantaine d'années. Les lésions sont ■
Montrer les radiographies – en particulier la CPRM souvent
découvertes de manière fortuite ou à l'occasion de douleurs « parlante » –, dessiner s'il le faut, rassurer car la surveillance
abdominales et c'est un diagnostic différentiel des TIPMP est importante et l'adhérence du patient est primordiale.
des canaux secondaires. Dans sa forme la plus typique, il ■
Expliquer la balance bénéfice-risque des différentes attitudes.
s'agit de formations kystiques intrapancréatiques multiples,
mais sans communication visible avec le canal principal,
regroupées en périphérie de la glande et contenant souvent Encadré 5.2. Échoendoscopie et lésions
des calcifications. kystiques pancréatiques
De manière générale, que ce soit pour les TIPMP ou pour
les autres tumeurs kystiques pancréatiques, les pseudokystes
Pourquoi ?
issus des pancréatites aiguës et les autres tumeurs à forme
kystique peuvent naturellement être autant de diagnostics ■
Doute diagnostique.
différentiels comme les tumeurs neuroendocrines ou les ■
Signes inquiétants dont nodule.
métastases pancréatiques à forme kystique, les tumeurs de ■
Augmentation de taille durant le suivi.
voisinage comme les lymphangiomes kystiques (Fig. 5.30 et ■
Changement de morphologie durant le suivi.
5.31) (Tableau 5.2). La maladie de von Hippel-Lindau réa- Comment ?
lise au niveau du pancréas des lésions kystiques qui sont soit
Taille exacte.
des kystes séreux simples, soit de véritables cystadénomes

Pancréas adjacent et canal de Wirsung.


séreux mais aussi des tumeurs neuroendocrines (cha-

Nodule et composante tissulaire (Doppler).


pitre 8). Dans beaucoup de ces cas, le contexte, l'imagerie,

Mucus ou nodule ?
la cytoponction et, parfois, la chirurgie assureront le dia-

Voies biliaires, ganglions, région céliaque, vaisseaux.


gnostic final. Le tableau 5.9 synthétise tous les aspects épi-

démiologiques, cliniques, radiologiques et moléculaires des Cytoponction ?


principales lésions kystiques incluant les pseudokystes. Par ■
Macrokyste de plus de 2  cm  : diagnostic différentiel entre
ailleurs, les encadrés 5.1 et 5.2 résument respectivement : lésion mucineuse et séreuse.
■ la conduite à tenir en pratique pour le diagnostic, le trai- ■
Doute sur une TIPMP.
tement et l'approche du patient porteur d'une lésion kys- ■
TIPMP avec nodule quelle que soit la taille.
tique pancréatique ; ■
Composante tissulaire.
■ la place de l'échoendoscopie dans la prise en charge des ■
Doute avec une tumeur kystique rare.
lésions kystiques pancréatiques. ▶
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 147



Que faire et demander ? String test, cytologie (mucus ?), dosage Traitement des TIPMP
ACE, lipase si suspicion de pseudokyste, mutation KRAS. Le traitement des TIPMP est chirurgical. Comme pour les
autres tumeurs kystiques du pancréas, l'enjeu est de ne pas
Autres techniques (centres spécialisés)
opérer les patients dont la TIPMP a peu ou aucun de risque

Analyse en échographie de contraste avec SonoVue® pour de dégénérescence au cours du temps, mais d'opérer les
caractérisation de nodule (tissulaire versus mucus, prise de patients dont le risque de dégénérescence de la TIPMP est
contraste). important afin d'éviter la résection au stade de cancer.

Microscopie confocale (diagnostic des lésions macrokystiques). Les chirurgies pancréatiques sont les mêmes que celles

Drainage d'un pseudokyste sous échoendoscopie. décrites pour les tumeurs kystiques (chirurgie d'exérèse car-
cinologique) avec les mêmes risques et conséquences posto-
pératoires (chapitre 9). La particularité de la chirurgie pour
TIPMP repose sur le fait que l'étendue de la résection pan-
créatique doit être adaptée à la prolifération adénomateuse
ou carcinomateuse au niveau des canaux pancréatiques afin
de diminuer le risque de récidive et de dégénérescence tumo-
rale. Une analyse anatomopathologique extemporanée de la
tranche de section pancréatique est donc nécessaire en pero-
pératoire afin de rechercher la présence de lésions de dysplasie
et de lésions de TIPMP. En cas de positivité de cette tranche
(dysplasie de haut grade), une résection complémentaire pan-
créatique est indiquée, jusqu'à l'obtention d'une tranche saine
ou la réalisation d'une pancréatectomie totale [4]. Pour les
TIPMP, il faut donc noter la possibilité de réaliser une duodé-
nopancréatectomie totale pour les formes étendues.
La résection chirurgicale est indiquée en cas de présence
d'au moins un des facteurs de risque élevés de transforma-
tion maligne et/ou critère absolu selon les recommandations
européennes avec, en bref, atteinte du canal de Wirsung avec
A une dilatation supérieure ou égale à 10 mm, la présence
d'une masse tissulaire parenchymateuse (composante tissu-
laire de la TIPMP), la présence d'un nodule mural intrakys-
tique supérieure ou égale à 5 mm prenant le contraste, un
ictère obstructif ou une cytologie positive (dysplasie de haut
grade/cancer) à la ponction sous échoendoscopie [1].
En présence d'un ou de plusieurs facteurs de risque rela-
tifs de dégénérescence, l'indication chirurgicale dépendra de
l'existence de comorbidités et du nombre de ces facteurs :
B atteinte du canal pancréatique principal avec une dilatation
entre 5 et 9 mm, TIPMP d'un canal secondaire supérieur
ou égal à 40 mm, une augmentation de taille d'une TIPMP
de canal secondaire supérieure ou égale à 5 mm par an, un
nodule mural intrakystique inférieur à 5 mm prenant le
contraste, une pancréatite aiguë, un diabète de novo, une
élévation sérique du CA 19.9. Plus le nombre de facteurs de
risque relatifs est important, plus le risque de transforma-
tion maligne est élevé [1].
Rappelons que chez les patients surveillés pour une
TIPMP des canaux secondaires, le risque d'apparition d'un
carcinome invasif est, par dégénérescence de la TIPMP ou à
distance de celle-ci, de 3,3 %, 6,6 % et 15 % respectivement à
5, 10 et 15 ans de surveillance [14]. Le risque de carcinome
invasif augmentant avec le temps et avec l'âge, la résection
doit donc être discutée chez les patients de moins de 50 ans
sans comorbidité, présentant au moins un facteur ou plu-
sieurs signes inquiétants (risque relatif de dégénérescence),
C pour lesquels une surveillance prolongée serait nécessaire.
Fig.  5.30 Imagerie de diagnostics différentiels des tumeurs Les algorithmes de prise en charge de la TIPMP selon les
kystiques vraies pancréatiques. A, B. Transformation kystique des recommandations européennes [1] et de prise en charge de
acini : multiples lésions kystiques réparties de façon diffuse (A. CP-IRM) la TIPMP des canaux secondaires selon les recommanda-
sans communication avec le canal principal à la CPRE (flèches blanches) tions internationales [15] sont développés respectivement
(B). C. Tumeur neuroendocrine à forme kystique (flèche blanche). dans les figures 5.32 et 5.33.
148 Traité de pancréatologie

Tableau 5.9 Tableau récapitulatif des caractéristiques des lésions kystiques du pancréas
les plus fréquentes.
Cystadénome Cystadénome TIPMP Tumeur Pseudokyste
séreux mucineux pseudopapillaire pancréatique
et solide
Sex-ratio H/F 3/1 1/20 2/1 1/10 Variable en fonction
de l'étiologie de la
pancréatite
Âge moyen 58 ans 48 ans 65 ans 28 ans Variable en fonction
de l'étiologie de la
pancréatite
Circonstances de Symptomatique Symptomatique Symptomatique (65 à Symptomatique Contexte de
découverte (40 %) : (80 %) : 75 %) : (< 50 %) : pancréatite aiguë
• douleurs • douleurs • pancréatite aiguë • douleur ou de pancréatite
abdominales abdominales (40 à 60 %) abdominale chronique
• nausées (70 %) • ictère obstructif (5 • masse abdominale
• amaigrissement, • pancréatite aiguë à 20 %) palpable
ictère (< 10 %) (10 %) • diabète de novo • nausées
• pancréatite aiguë • nausées (10 à 20 %) Fortuit (> 50 %)
(< 5 %) Fortuit (20 %) • stéatorrhée
Fortuit (60 %) Fortuit (25 à 35 %)
Caractéristiques • Microkystes • Macrokyste à paroi • Lésion macro- ou • Lésion bien limitée • Lésion à contours
radiologiques multiples épaisse (> 2 mm) microkystique uni avec une capsule nets, liquidienne,
hypodenses avec avec calcifications ou multiloculaire épaisse, avec des à parois fines,
cicatrice fibreuse périphériques, • Unique ou degrés divers pouvant contenir
centrale parfois cloisonné multifocal de composantes des débris
• Aspect en « nid • Absence de solides et nécrotiques et des
d'abeilles » microkystiques kystiques septa
• Rehaussement • Parenchyme
de la capsule adjacent
après injection présentant
de produit de des lésions de
contraste pancréatite
• Calcifications
périphériques
(30 %)
Imagerie Imagerie typique
Localisation Corps et queue du Corps et queue du Pancréas total Corps et queue du Pancréas total
pancréatique pancréas (50–75 %) pancréas (> 98 %) pancréas (68 %)
Taille 1 à 25 cm 2 à 35 cm (moyenne : 1 à 20 cm 9 cm (moyenne) Variable
6 cm)
Communication avec Non Non Oui Non Non
le canal pancréatique
Critères Exceptionnels Nodule tissulaire • Atteinte du CPP ≥ Traitement Aucun
radiologiques mural 10 mm exclusivement
suspects de malignité Taille ≥ 40 mm • Ictère obstructif chirurgical
• Présence d'une
masse tissulaire
parenchymateuse
• Nodule mural
intrakystique ≥
5 mm et prenant
le contraste
• Une cytologie
positive (dysplasie
de haut grade/
cancer) à la
ponction
(Suite)
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 149

Tableau 5.9 Suite.


Cystadénome Cystadénome TIPMP Tumeur Pseudokyste
séreux mucineux pseudopapillaire pancréatique
et solide
Cytoponction • Amylase < 5 000 U/ • Amylase ≤ 5 000 U/ • Amylase ACE et CA 19.9 bas • Amylase > 5 000 U/
mL mL > 5 000 UI/L mL
• Lipase < 2 000 U/ • Lipase ≤ 2 000 U/ • ACE > 192 ng/L • Lipase > 2 000 U/
mL mL • CA 19.9 élevé si mL
• ACE < 5 ng/mL • ACE > 400 ng/mL dégénérescence • ACE < 192 ng/L
• CA 19.9 < 50 U/mL • CA 19.9 > 50 000 U/ • GNAS muté • CA 19.9 bas
• MUC1 négatif mL • KRAS muté si
• MUC1 élevé dégénérescence
• P53, KRAS mutés
• GNAS non muté
ACE : antigène carcinoembryonnaire ; CA 19.9 : carbohydrate antigène 19.9 ; TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas

A B

C D
Fig. 5.31 Imagerie d'autres diagnostics différentiels des tumeurs kystiques vraies pancréatiques. A, B. Kyste lymphoépithélial à l'écho-
graphie (A) et IRM (B). C, D. Localisation pancréatique d'une maladie de von Hippel-Lindau : multiples kystes séreux simples mais possibilité de
cystadénome séreux vrai (flèches blanches).
150 Traité de pancréatologie

Suspicion radiologique
de TIPMP

Pas d'indication à la Indication absolue Patient contre-indiqué pour


Indication relative
chirurgie de chirurgie la chirurgie
à la chirurgie
(un critère ou plus)

Patients avec des


Patients sans Pas de suivi
Tous les 6 mois

À un an du diagnostic : comorbidités (ou une


comorbidités Chirurgie
• Examen clinique espérance de vie
significative et au
• Dosage du Ca 19.9 courte) et seulement
moins une indication
• IRM et/ou EE une indication
relative de chirurgie/
relative à la chirurgie
Patients avec des
Après la 1re année comorbidités Surveillance à vie des
de surveillance : significatives et au patients ayant
Tous les ans

• Examen clinique Surveillance Tous les 6 mois moins deux été opérés
• Dosage du Ca 19.9 intensive : indications relatives par pancréatectomie
• IRM et/ou EE • Examen clinique de chirurgie partielle
• Dosage
du Ca 19.9
• IRM et/ou EE
* Indications absolues : cytologie positive pour une dysplasie de haut grade/maligne,
masse solide, ictère (causé par la tumeur), nodules muraux prenant le contraste
(> 5 mm), dilatation > 10 mm du canal pancréatique principal

** Indications relatives : augmentation > 5 mm/an, taux élevés de Ca 19.9 sériques


(≥ 37 U/ml), dilatation de 5 à 9,9 mm du canal pancréatique principal, diamètre
du kyste ≥ 40 mm, apparition d'un diabète de novo, pancréatite aiguë (causée
par la TIPMP), nodules muraux prenant le contraste (≤ 5 mm)

Fig. 5.32 Arbre décisionnel de la prise en charge thérapeutique et de la surveillance des TIPMP, selon les recommandations euro-
péennes pour la prise en charge des tumeurs kystiques du pancréas [1]. CA 19.9 : carbohydrate antigène 19.9 ; EE : échoendoscopie ; IRM :
imagerie par résonance magnétique ; TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas.

Plusieurs cas particuliers se posent aussi : l'indication chez des patients pouvant avoir accès à une chirurgie pan-
du traitement en cas de pancréatite aiguë comme seul cri- créatique. Il est inutile de réaliser une surveillance d'une
tère d'inquiétude et d'indication relative de la chirurgie et TIPMP chez un patient ayant de multiples comorbidités et
le cas des TIPMP du canal principal ou mixte pour lequel ne pouvant pas accéder à une chirurgie, puisqu'en cas d'ap-
l'indication opératoire est récusée ou lorsque le patient ou la parition de signes de dégénérescence, la résection chirurgi-
patiente refuse l'opération. En ce qui concerne la pancréatite cale ne sera pas possible.
aiguë, s'il s'agit d'une TIPMP du canal principal ou mixte, La surveillance doit être réalisée sur toute la glande pan-
la chirurgie est indiquée. S'il s'agit d'une atteinte d'un canal créatique et non seulement sur la zone de la TIPMP car existe
secondaire, l'opération sera discutée en fonction du nombre un risque augmenté de cancer pancréatique à distance de cette
de récidives et de l'intervalle de temps en pesant la bénéfice- TIPMP [1]. Les patients atteints de TIPMP peuvent nécessiter
risque en fonction des antécédents et de l'âge du patient ou une surveillance tout au long de leur vie. Or, l'exposition aux
de la patiente. Certaines équipes ont proposé la sphinctéro- rayonnements ionisants augmenterait le risque de développer
tomie endoscopique pancréatique pour « libérer » le mucus un cancer : c'est pourquoi l'IRM pancréatique et l'échoendos-
du canal principal et de la TIPMP. Cette sphinctérotomie copie sont des examens morphologiques de choix pour la réa-
est aussi indiquée dans les TIPMP du canal principal avec lisation de cette surveillance au long cours. Néanmoins, en cas
pancréatites aiguës et contre-indication opératoire. Un drai- d'évolution du kyste et/ou de suspicion de dégénérescence, la
nage du canal de Wirsung peut être effectué par cathéter à réalisation d'un scanner abdominal est nécessaire.
ballonnet, la prothèse pancréatique n'ayant pas d'indication Selon les recommandations européennes, la surveillance de
dans ce cas. Malgré tout, les TIPMP du canal principal ou la TIPMP repose sur un examen clinique, le dosage du CA 19.9
mixte vont évoluer à court ou moyen terme et, dans la moi- sérique et un examen morphologique de type IRM pancréatique
tié des cas, vers la dégénérescence avec signes compressifs ou par échoendoscopie (souvent réalisés en alternance). Chez
et envahissement locorégional et/ou métastatique. Une fis- les patients n'ayant pas d'indication de résection chirurgicale
tule pourra parfois se constituer entre le canal de Wirsung au diagnostic de la TIPMP, la surveillance sera effectuée tous
et l'estomac, drainant spontanément la sécrétion muqueuse. les 6 mois pendant la première année de suivi puis une fois par
an (Fig. 5.32) [1]. La surveillance des TIPMP des canaux secon-
daires est nécessaire car il existe une progression de la maladie
Surveillance des TIPMP chez 10 à 15 % des patients durant 3 à 5 ans de suivi. Compte
Surveillance d'une TIPMP non opérée tenu de la survenue de transformations malignes au long cours
La surveillance doit être réalisée pour les TIPMP qui ne pré- (au-delà de 5 ans de surveillance), il est nécessaire de continuer
sentent pas de facteurs de risque de transformation maligne la surveillance des patients atteints de TIPMP tant qu'ils sont
Chapitre 5. Tumeurs kystiques du pancréas 151

Y a-t-il un des facteurs de risque élevés de malignité ?


1 - Ictère obstructif chez un patient ayant une lésion kystique de la tête du pancréas
2 - Nodule mural avec prise de contraste ≥ 5 mm
3 - Canal pancréatique principal ≥ 10 mm

Oui Non

Y a-t-il un des facteurs de risque relatifs de malignité ?


Clinique : Pancréatitea
Radiologique : 1) Kyste ≥ 30 mm, 2) Nodule mural avec prise de contraste < 5 mm, 3) Prise de contraste
de la paroi kystique, 4) Diamètre du canal pancréatique principal entre 5 et 9 mm, 5) Modification brutale
Chirurgie du diamètre d'un canal pancréatique associé à une atrophie pancréatique distale, 6) Adénomégalie,
si patient
7) Augmentation du taux de Ca 19.9 sérique, 8) Augmentation de la taille du kyste ≥ 2 5 mm en 2 ans
opérable

Si oui : écho-endoscopie
Non

Y a-t-il un des facteurs de risque


de malignité présents ? Quelle est la taille du kyste
Oui Non le plus volumineux ?
1 - Nodule mural ≥ 5 mmb
2 - Suspicion d'atteinte du canal pancréatique principal
3 - Cytologie : malignité suspecte ou confirmée Non-concluant

< 1 cm 1-2 cm 2-3 cm > 3 cm

Scanner/IRM dans 6 mois Scanner/IRM tous les 6 mois Écho-endoscopie dans 3 à 6 mois, puis Surveillance rapprochée en alternant
puis tous les 2 ans si pas pendant 1 an puis tous les augmenter l'intervalle jusqu'à 1 an, l'IRM et l'écho-endoscopie tous
d'évolution ans pendant 2 ans puis en alternant l'IRM avec l'écho-endoscopie. les 3 à 6 mois. La chirurgie est
augmenter l' intervalle La chirurgie est à envisager chez les fortement conseillée chez les patients
jusqu'à 2 ans si pas patients jeunes, opérables et nécessitant jeunes et opérables
d'évolution une surveillance prolongée

Fig.  5.33 Arbre décisionnel de la prise en charge thérapeutique et de la surveillance des prises en charge des TIPMP des canaux
secondaires, selon les recommandations internationales [15]. a. La pancréatite peut être une indication de chirurgie pour le soulagement des
symptômes. b. Le diagnostic différentiel peut être de la mucine. La mucine est mobile au changement de position du patient, peut être évacuée
au lavage du kyste et n'a pas de signal Doppler. Un nodule tumoral vrai est suspecté devant l'absence de mobilité, la présence d'un signal Doppler
et une cytoponction du nodule révélant un aspect tissulaire. c. La présence d'une paroi épaissie, de mucus intracanalaire ou de nodules muraux
suggère une atteinte du canal principal.

opérables. Par contre, les TIPMP des canaux secondaires dont le l'adénocarcinome « classique » en cas de résection R0 et surtout
diamètre est inférieur à 1 cm et qui se révèlent non évolutives sur en l'absence de ganglion métastatiques (N0). Pour les autres
plus d'un an peuvent être raisonnablement surveillées tous les adénocarcinomes invasifs développés sur TIPMP, le pronostic
2 ans. Enfin, chez un patient porteur d'une TIPMP et ayant un rejoint malheureusement celui de l'adénocarcinome classique.
antécédent d'adénocarcinome pancréatique chez deux parents
au premier degré (syndrome du cancer pancréatique familial) Surveillance postopératoire
ou porteur d'une mutation germinale à risque (BRAC1, BRCA2,
etc.) (chapitre 6), l'exérèse de la TIPMP n'est pas de mise (sauf Une surveillance au long cours est recommandée après
critère[s] absolu[s]) mais la surveillance doit s'organiser de résection d'une TIPMP aussi longtemps que le patient est
façon annuelle en alternant IRM et échoendoscopie. apte à subir une exérèse pancréatique complémentaire. Les
patients ayant une dégénérescence de leur TIPMP avec
adénocarcinome invasif à l'analyse anatomopathologique
Surveillance d'une TIPMP opérée
doivent bénéficier d'un suivi identique à celui après résec-
Récidive et pronostic tion d'un cancer du pancréas. En présence d'une dyspla-
La récidive d'une TIPMP est possible 5 à 10 ans après résec- sie de haut grade ou d'une TIPMP de canal principal, les
tion chirurgicale, le risque étant similaire pour les TIPMP patients doivent être surveillés de façon rapprochée tous les
du canal principal ou des canaux secondaires : 7 à 8 %. Les 6 mois pendant les deux premières années puis tous les ans.
TIPMP réséqués avec une dysplasie de bas grade ont un faible Une TIPMP de bas grade découverte à l'analyse histologique
risque de récidive après chirurgie : 5,4 à 10 %, avec une survie doit être surveillée de la même façon que les TIPMP non
médiane sans récidive de 52 mois. Les TIPMP réséqués avec réséquées. Les patients ayant une TIPMP résiduelle sur le
une dysplasie de haut grade sont à plus haut risque de réci- pancréas restant qui n'ont pas de dysplasie de haut grade
dive : supérieur à 50 %, avec une survie médiane sans récidive ou d'atteinte du canal principal doivent être également
de 29 mois [1, 21]. En ce qui concerne les TIPMP dégénérées surveillés de la même façon que les TIPMP non réséquées.
avec adénocarcinome invasif, le pronostic serait meilleur que Le suivi est recommandé par IRM ou échoendoscopie [1].
152 Traité de pancréatologie

Conclusion [6] Daudé M, Bournet B, Buscail L. Kystes pancréatiques. EMC (Elsevier


Masson SAS, Paris), Hépatologie, 7-108-A-10, www.em-consulte.
Rappelons que les tumeurs kystiques du pancréas repré- com/en/article/988673 ; 2015.
sentent 20 % des lésions kystiques pancréatiques où les pseu- [7] Jang KT, Park SM, Basturk O, Bagci P, Bandyopadhyay S, Stelow EB,
dokystes sont majoritaires. Ces derniers surviennent dans et  al. Clinicopathologic characteristics of 29 invasive carcinomas
un contexte d'antécédent de pancréatite aiguë et/ou de pan- arising in 178 pancreatic mucinous cystic neoplasms with ovarian-
type stroma: implications for management and prognosis. Am J Surg
créatite chronique alors que les tumeurs kystiques sont très
Pathol 2015 ;39:179–87.
souvent diagnostiquées de façon fortuite. Il faut alors faire [8] Keane MG, Shamali A, Nilsson LN, Antila A, Millastre Bocos
la part des tumeurs mucineuses (cystadénomes mucineux J, Marijinissen Van Zanten M, et  al. Risk of malignancy in
et TIPMP) des autres lésions (cystadénome séreux, tumeurs resected pancreatic mucinous cystic neoplasms. Br J Surg
pseudopapillaires et solides, tumeurs rares) et établir un 2018 ;105:439–46.
pronostic et une conduite à tenir. L'analyse des signes cli- [9] Tanaka M, Fernández-del Castillo C, Adsay V, Chari S, Falconi
niques et de l'imagerie s'impose au cours d'une concertation M, Jang JY, et al. International consensus guidelines 2012 for the
entre gastroentérologues, chirurgiens et radiologues pour management of IPMN and MCN of the pancreas. Pancreatology
tenter, d'une part, d'établir la nature de la lésion et, d'autre 2012 ;12:183–97.
part, fixer la conduite à tenir. Il s'agira soit d'une surveil- [10] Papavramidis T, Papavramidis S. Solid pseudopapillary tumors of the
pancreas: review of 718 patients reported in English literature. J Am
lance, soit d'une chirurgie qui sera décidée en fonction du
Coll Surg 2005 ;200:965–72.
potentiel de dégénérescence de la tumeur et de la présence [11] Chang YR, Park JK, Jang JY, Kwon W, Yoon JH, Kim SW. Incidental
éventuelle de signes prédictifs de cette dégénérescence. pancreatic cystic neoplasms in an asymptomatic healthy population of
21,745 individuals: Large-scale, single-center cohort study. Medicine
(Baltimore) 2016 ;95, e5535.
Compléments en ligne [12] Bournet B, Culetto A, Buscail L. Tumeur intracanalaire papil-
laire mucineuse du pancréas. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Ils
Hépatologie, 7-106-A-18, www.em-consulte.com/medecine/
sont indiqués dans le texte par un picto . Ils proposent des article/1107895 ; 2017.
figures et des vidéos complémentaires. Pour voir ces com- [13] Sohn TA, Yeo CJ, Cameron JL, Hruban RH, Fukushima N, Campbell
pléments, connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/ KA, et al. Intraductal papillary mucinous neoplasms of the pancreas:
e-complement/477623 et suivez les instructions. an updated experience. Ann Surg 2004 ;239:788–97.
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152.e1 Traité de pancréatologie

VP

VMS

Fig.  e5.1 Vue échoendoscopique d'une tumeur endocrine à


forme kystique (flèches blanches).
Fig. e5.2 Polykystose hépatorénale avec atteinte pancréatique.

VP

VMS

Fig. e5.3 Ponction sous échoendoscopie d'une TIPMP dégénérée


(flèches blanches) avec multiples nodules intra-kystiques

Fig. e5.4 Échoendoscopie d'une TIPMP des canaux secondaires.


TIPMP (flèches blanches) avec mucus sur la paroi (flèche blanche en
pointillé) (VP : veine porte).
152.e2 Traité de pancréatologie

A B C

D E F
Fig. e5.5 Vue en tomodensitométrie de tumeurs pseudopapillaires et solides (flèches blanches).
Chapitre
6
Cancer du pancréas
PLAN DU CHAPITRE
Définition et épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 Diagnostic positif de l'adénocarcinome
Facteurs de risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154 pancréatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
Facteurs de risque endogènes . . . . . . . . . . . . . . 154 Modes de révélation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
Facteurs de risque exogènes . . . . . . . . . . . . . . . 155 Examens biologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
Facteurs protecteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155 Examens radiologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
Lésions précancéreuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156 Laparoscopie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
Néoplasies intraépithéliales pancréatiques . . . 156 Dépistage et diagnostic précoce . . . . . . . . . . . . . . 174
Tumeurs kystiques à potentiel Situations de dépistage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
dégénératif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156 Diagnostic différentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176
Affections pancréatiques chroniques Pancréatite chronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176
prédisposantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156 Pancréatite autoimmune . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176
Histologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157 Autres tumeurs pancréatiques
Génétique et épigénétique du cancer et de la région périampullaire . . . . . . . . . . . . . 176
du pancréas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158 Traitement du cancer du pancréas . . . . . . . . . . . . 177
Génétique somatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158 Principes du traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177
Épigénétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159 Indications thérapeutiques . . . . . . . . . . . . . . . . 180
Rôle de l'inflammation dans la carcinogenèse Surveillance après traitement
pancréatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 et conduite à tenir en cas de récidive . . . . . . . 184
Processus métastatique et rôle Pronostic de l'adénocarcinome
du microenvironnement tumoral . . . . . . . . . . . . . 161 pancréatique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
Rôle de la cellule cancéreuse pancréatique . . . 161 Essais cliniques et innovations
Rôle du microenvironnement tumoral . . . . . . . 162 thérapeutiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186
Hétérogénéité du cancer du pancréas . . . . . . . . . 163 Que peut apporter la recherche
Hétérogénéité à l'échelle tumorale pour améliorer le pronostic du cancer
et évolutive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 du pancréas ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
Hétérogénéité à l'échelle moléculaire . . . . . . . 163 Pour le diagnostic. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
Hétérogénéité à l'échelle immunitaire. . . . . . . 163 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189

Définition et épidémiologie cancer lié au diagnostic souvent tardif avec des symptômes de
début parfois aspécifiques. D'autre part, il s'agit d'une tumeur
L'adénocarcinome est la forme histologique la plus fréquente rapidement évolutive avec une extension locale et métasta-
du cancer du pancréas (90 %). Il s'agit d'une tumeur dévelop- tique par voie lymphatique, nerveuse et sanguine. Dans deux
pée aux dépens du pancréas exocrine, plus particulièrement tiers des cas, la lésion apparaît dans la tête du pancréas [1–3].
à partir des cellules épithéliales des canaux pancréatiques. En Bien qu'elle soit le seul traitement curatif de l'adénocarci-
France, environ 15 000 nouveaux cas de cancer du pancréas nome pancréatique, la résection chirurgicale à visée curative
sont diagnostiqués par an (homme : 54 %). Son incidence ne peut être réalisée que chez 10 à 15 % des patients, car
dans notre pays a doublé chez les hommes et triplé chez les 85 % des cancers présentent déjà, lors de leur diagnostic,
femmes entre 1982 et 2012. Ceci correspond à une incidence une extension péripancréatique et/ou métastatique, et une
annuelle de 9 à 10 pour 100 000 habitants. Il s'agit d'un réel maladie métastatique concerne plus de 50 % des patients au
problème de santé publique car l'incidence augmente avec des moment du diagnostic. Lorsque la résection chirurgicale est
cas survenant chez des patients de plus en plus jeunes. Les possible, la survie globale à 5 ans, quel que soit le stade du
données actuelles prédisent que l'adénocarcinome du pan- cancer, est de 15 à 20 %. Il reste le cancer digestif dont le pro-
créas sera la deuxième cause de mortalité par cancer en 2025 nostic est le plus défavorable, avec un taux de survie globale
dans les pays occidentaux et ce en l'absence de progrès dans sa à 5 ans, tous stades confondus, de 7 à 8 % [1–3].
prise en charge. L'âge moyen au diagnostic chez la femme et À côté des cancers du pancréas exocrine, il existe des
l'homme est respectivement de 73 et 68 ans, tandis que celui cancers développés aux dépens du tissu endocrine (ancien-
du décès est respectivement de 76 et 70 ans. Ce taux de mor- nement appelés carcinomes neuroendocrines, rentrant
talité proche de l'incidence traduit le mauvais pronostic de ce actuellement dans la cadre des carcinomes endocrines à
Traité de pancréatologie
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154 Traité de pancréatologie

petites et grandes cellules selon la classification de l'Orga- Facteurs de risque


nisation mondiale de la santé (OMS) de 2017). Elles sont
beaucoup plus rares et représentent 1 à 2 % des tumeurs Facteurs de risque endogènes
malignes du pancréas (chapitre 7). La présentation clinique On distingue des facteurs de risque dits « endogènes », qui
est identique aux cancers exocrines sauf quand il existe une dépendent du patient lui-même, et des facteurs de risque
sécrétion anormalement élevée d'hormone (comme la gas- « exogènes », dépendant de l'environnement de ce dernier.
trine, l'insuline, le glucagon ou le VIP) au cours de laquelle Dans le cadre des facteurs de risque endogènes, il existe des
se surajoute le syndrome dit « sécrétoire ». Les tumeurs neu- formes familiales de cancer pancréatique. Elles sont rares
roendocrines pancréatiques bien différenciées ont en géné- mais il faut l'évoquer s'il existe un antécédent familial de
ral un meilleur pronostic que l'adénocarcinome du pancréas cancer du pancréas. Les cancers du pancréas familiaux sont
exocrine. Les autres tumeurs malignes sont représentées par définis par la survenue d'un adénocarcinome chez au moins
les métastases d'autres cancers (sein, poumon, rein, méla- deux apparentés au premier degré, ou en présence d'au moins
nome, côlon, etc.), les lymphomes (0,5 %) et les tumeurs trois cas de la même branche quels que soient le degré de
rares (encadré 6.1) [1]. parenté et l'âge de survenue. Le risque de développer un can-
cer du pancréas augmente avec le nombre d'apparentés atteint
dans la famille. Certaines formes familiales de cancer (syn-
drome sein-ovaire, mélanome, syndrome de Lynch) peuvent
Encadré 6.1. Les différentes tumeurs aussi prédisposer au cancer du pancréas (patients porteurs
malignes du pancréas de mutations de BRCA1, BRCA2, PALB2, CDKN2A ou des
gènes du MMR tels que MLH1, MSH2, PMS2, MSH6). Enfin,

Adénocarcinome canalaire : 90 à 93 % le syndrome de Peutz-Jeghers (affection rare qui réalise une

Formes rares d'adénocarcinome (acinaire, adénosquameux, polypose hamartomateuse intestinale) prédispose aussi au
mixte acinaire-ductal, hépatoïde, médullaire, indifférencié, cancer du pancréas (mutation du gène LKB1/STK11). Dans
etc.) : 1 à 2 % le cadre de tous ces facteurs dit « génétiques », le risque relatif

Carcinome neuroendocrine : 2 % de développer une néoplasie est très hétérogène allant de 5 à

Métastase d'un cancer primitif (rein, sein, poumon, côlon, 130 avec un risque cumulatif à 50 ans allant de 5 à 40 %. Ces
mélanome, ORL, sarcome, etc.) : 1 % formes génétiques de cancer du pancréas représenteraient 5

Cystadénocarcinome : 0,5 % à 10 % des adénocarcinomes. Les situations et syndromes de

Tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse prédisposition héréditaires indiqués dans le tableau 6.1 sont
du pancréas (TIPMP) dégénérée : 2 % donc associés à un risque augmenté de développer un adéno-

Lymphome : 0,5 % carcinome du pancréas. Il faut enfin noter qu'aucune muta-

Tumeurs rares (pseudopapillaire et solide dégénérée, tion germinale n'est actuellement identifiée dans près de 85 %
pancréatoblastome, plasmocytome malin, etc.) : 0,5 % des cas de cancer pancréatique familial (contexte d'agrégation

Tableau 6.1 Principaux syndromes héréditaires de prédisposition à l'adénocarcinome pancréatique.


Histoire familiale et syndromes Gène(s) Risque relatif % parmi les Autres cancers liés
de prédisposition héréditaires impliqué(s) de cancer du cancers du
pancréas* pancréas familiaux
2 apparentés au 1er degré d'AP Inconnus 4–6 80–85 ?
≥ 3 apparentés au 1er degré d'AP Inconnus 20–40 80–85 ?
Cancers héréditaires du sein et de BRCA1 2–4 1–5 Sein, ovaire, prostate, côlon,
l'ovaire BRCA2 2–10 mélanome
PALB2 2–6
Pancréatite héréditaire PRSS1 50–80 1–4 –
Mélanomes multiples héréditaires P16/CDKN2A 10–25 2–3 Mélanome, rein, ORL, glioblastome,
(FAMMM) plèvre
Syndrome de Peutz-Jeghers LKB1/STK11 100–130 1–3 Côlon, estomac, intestin grêle, sein,
col utérin, ovaire, testicule
Syndrome de Lynch hMLH1 4–8 1–3 Côlon, endomètre, intestin grêle,
hMSH2 estomac, voies urinaires, ovaire, voies
hMSH6 biliaires
PMS1/2
Ataxie-télangiectasie ATM ? <2 Hémopathies, sein, estomac
Syndrome de Li-Fraumeni TP53 ? <2 Sarcomes, sein, hémopathies,
cerveau, surrénale
AP : adénocarcinome pancréatique ; FAMMM : familial atypical multiple mole melanoma ; ORL : oto-rhino-laryngologie.

En général chiffré à l'âge de 50 ans.
Chapitre 6. Cancer du pancréas 155

familiale non syndromique) et, à l'inverse, des mutations ger- Facteurs protecteurs
minales (BRCA1 et BRCA2, ATM, PALB2, MLH1, CDKN2A Bien que ce point reste débattu pour certains, des conditions
et TP53) peuvent être identifiées chez des patients sans anté- et facteurs protecteurs du cancer du pancréas ont été identi-
cédents familiaux de cancer [4]. fiés, le risque relatif allant de 0,59 à 0,83. Il s'agit, entre autres,
Parmi les facteurs endogènes, non génétiques, l'obésité de la consommation de fruits et légumes, de vitamines D
et le diabète sont des facteurs bien reconnus. En ce qui et E, d'antioxydants, de l'activité physique, de l'allergie, de
concerne l'obésité, le risque relatif est chiffré à 2,76 ; il est à l'asthme, des traitements par statine et metformine.
1,94 pour ce qui est du diabète. Il s'agit dans ce cas-là d'un
diabète ancien, à différencier d'un diabète récent (quelques
mois) qui serait attribuable au cancer lui-même mais dont la PANCRÉATITE
physiopathologie n'est pas clairement établie (Fig. 6.1) [2, 5]. CHRONIQUE
GÉNÉTIQUE
Facteurs de risque exogènes
Le facteur bien établi est le tabac (risque relatif : 1,6 à 2,6 –
risque multiplié par trois) qui est présent chez 25 à 30 % des
patients atteints de cancer du pancréas au diagnostic et qui
serait impliqué dans près de 21 % des décès par adénocar-
TABAC
cinome pancréatique. Parmi les autres facteurs exogènes, la AUTRES ?
part attribuable de chacun d'eux dans la carcinogenèse pan-
créatique reste à définir. On relève, entre autres, le régime Obésité
alimentaire avec une alimentation riche en protéines et en Diabète
graisses animales, une activité physique réduite, l'alcool, le Alcool
Métaux lourds, etc.
café, l'exposition aux métaux lourds (arsenic, plomb, etc.), la
parodontite, l'infection à Helicobacter pylori (risque relatif :
1,1 à 1,5) (Fig. 6.2). Fig. 6.1 Répartition des facteurs de risque du cancer du pancréas.

PanIN-1 PanIN-2 PanIN-2 PanIN-3 Adénocarcinome

MUTATION 35 % 75 % 75 à 95 %
ONCOGÈNE KRAS

MUTATION p16 /CDKN2A 30 %


60 % 70 à 80 %

MUTATION TP53 12 % 70 %

MUTATION SMAD4/DPC4 35 %
55 %

Fig. 6.2 Lésions précancéreuses de l'adénocarcinome du pancréas et cinétiques des altérations génétiques. Haut : différentes PanIN
(pancreatic intraepithelial neoplasia). PanIN-1 et 2 sont dites « de bas grade ». PanIN-1  : l'épithélium est régulier mais il y a accumulation de
mucus au pôle apical avec un noyau basal ; PanIN-2 (fort et faible grossissement) : le noyau est hyperchromatique avec perte de sa polarité basale ;
PanIN-3 (ou PanIN de haut grade) : architecture micropapillaire avec atypie cytologique, perte de polarité nucléaire avec nucléole très visible. Bas :
les altérations génétiques somatiques de type mutation ponctuelle de l'oncogène KRAS, mutations/méthylation/délétion des gènes suppresseurs
de tumeurs p16/CDKN2A, TP53 et SMAD4/DPC4 apparaissent dès le stade de PanIN-2 avec un maximum au stade d'adénocarcinome. Source :
Lamps LW, Kakar S, Diagnostic Pathology. Hepatobiliary and Pancreas. Philadelphie : Elsevier, 2017 (2e éd.).
156 Traité de pancréatologie

Lésions précancéreuses Tumeurs kystiques à potentiel dégénératif


Des tumeurs kystiques bénignes pancréatiques peuvent
Néoplasies intraépithéliales pancréatiques dégénérer : il est important de les diagnostiquer et de les
Elles sont appelées PanIN (pancreatic intraepithelial neopla- opérer quand elles présentent des signes cliniques et radio-
sia) Elles représentent des lésions intraépithéliales dyspla- logiques de dégénérescence [9].
siques asymptomatiques des petits canaux pancréatiques, Il s'agit des TIPMP, du cystadénome mucineux et, pour
non invasives, ne dépassant pas la membrane basale. La une moindre part, de la tumeur pseudopapillaire et solide
petite taille des PanIN rend illusoire leur détection par (chapitre 5).
imagerie par résonance magnétique (IRM) ou scanner. Le potentiel de dégénérescence des TIPMP varie en fonc-
L'observation de ces lésions est généralement fortuite sur tion du type d'atteinte canalaire. En effet, le risque évolutif vers
pièces de résection pancréatique. On distingue trois grades l'adénocarcinome des TIPMP atteignant les canaux secon-
de PanIN  : les PanIN-1 (se subdivisant en PanIN-1A et daires est relativement faible : il est chiffré à 3,3 % à 5 ans, 5
PanIN-1B), les PanIN-2 et les PanIN-3 qui « hébergent » à 6,6 % à 10 ans et de l'ordre de 10 à 15 % à 15 ans. Il n'en
le carcinome in situ. Cette classification dépend du degré est pas de même pour les TIPMP atteignant le canal principal
d'atypie architecturale et cytologique de l'épithélium cana- ou de type mixte (canal principal et canaux secondaires) pour
laire pancréatique. lesquelles le risque de dégénérescence est de 35 % à 3 ans et
Le processus se produit ainsi  : l'épithélium normale- 50 % à 5 ans. Il est classique d'observer que le pronostic des
ment plat et régulier des branches secondaires canalaires TIPMP dégénérées, après résection, est meilleur que celui de
va adopter une architecture papillaire croissante pour fina- l'adénocarcinome « classique » (non développé à partir d'une
lement présenter une atypie cellulaire sévère avec mitose TIPMP). Ce meilleur pronostic n'est observé qu'en l'absence
fréquente, précédant le carcinome invasif (Fig. 6.2). Les d'envahissement ganglionnaire. En effet, le pronostic des
PanIN de bas grade sont, somme toute, des lésions fré- TIPMP dégénérées réséquées et de statut N1 (TIPMP dégé-
quentes : elles sont présentes dans 16 à 80 % des pancréas nérées invasives pour la plupart) est aussi mauvais que celui de
normaux et ce en l'absence de néoplasie. Par contre, les l'adénocarcinome canalaire. Il est donc important de proposer
PanIN de haut grade sont presque exclusivement asso- une chirurgie aux patients porteurs de TIPMP du canal prin-
ciées évoluerait à des adénocarcinomes (82 % des cancers cipal et de surveiller les TIPMP des canaux secondaires afin de
s'associent à des PanIN). Néanmoins, seulement 1 % des dépister des signes indicateurs de dégénérescence. Il s'agit de
PanIN évoluerait en cancer pancréatique. Par conséquent, signes cliniques et radiologiques dits « inquiétants » qui ont été
il est classique de considérer les PanIN de bas grade comme définis par des conférences de consensus pour guider les indi-
des lésions bénignes en l'absence de mutations ponctuelles cations opératoires des TIPMP. Il s'agira d'indications relatives
clés en particulier KRAS. Des événements génétiques clés comme l'existence d'un diamètre du canal de Wirsung entre 5
favorisent donc la transition de PanIN-1 à PanIN-2, ce qui et 9,9 mm et/ou celui du canal secondaire supérieur ou égale
conduirait à un développement « sans retour en arrière » à 40 mm. Les principales indications absolues sont la présence
en cancer canalaire pancréatique. Les modèles murins d'un ictère, d'un nodule mural supérieur à 5 mm de diamètre
transgéniques exprimant l'oncogène KRAS reproduisent et prenant le contraste, d'un diamètre du canal de Wirsung
très bien ce concept de néoplasie en plusieurs étapes au supérieur à 10 mm (chapitre 5) [8, 9].
fur à mesure que l'oncogène KRAS est activé par mutation Une autre lésion kystique à potentiel de dégénérescence
ponctuelle et que les gènes suppresseurs de tumeurs sont est le cystadénome mucineux, dont le risque est chiffré à
inactivés (cf. infra). Il faut ajouter que les lésions de PanIN plus de 20 % à 10 ans. Les lésions de plus de 4 cm de diamètre
sont très fréquentes à la périphérie des adénocarcinomes et/ou avec un nodule mural supérieur à 5 mm de diamètre
pancréatiques, ce qui a permis de mieux comprendre leur prenant le contraste doivent être opérées. Enfin, les tumeurs
rôle dans l'oncogenèse pancréatique. Les PanIN augmen- pseudopapillaires et solides (ou tumeur de Frantz) sont
tent en nombre avec l'âge. Leur prévalence est donc aug- certes rares et de risque de dégénérescence limité (2 à 20 %
mentée dans le parenchyme pancréatique adjacent des seraient malignes). Néanmoins, compte tenu de ce risque de
adénocarcinomes, chez les patients à haut risque de cancer dégénérescence, leur exérèse est en général discutée.
du pancréas (facteurs endogènes génétiques) et au cours de
la pancréatite chronique, qu'elle soit d'origine alcoolique ou
génétique. Les patients ne présentent aucune symptomato-
Affections pancréatiques chroniques
logie relative aux PanIN. Les canaux contenant des PanIN prédisposantes
ne sont pas dilatés et sont donc, encore une fois, non acces- Certaines affections constituent une prédisposition à l'adé-
sibles aux examens morphologiques habituels. Elles sont nocarcinome pancréatique : la pancréatite chronique calci-
plus fréquentes dans la tête que dans la queue du pancréas. fiante alcoolique et la pancréatite chronique héréditaire (la
Il a été récemment suggéré que la présence de PanIN peut part relative des cancers du pancréas issus de ces affections
être suspectée chez des patients à risque (patients à haut ne dépasse pas 5 %).
risque de cancer dans le cadre de cancers pancréatiques Dans le cadre de la pancréatite chronique alcoolique, la
familiaux) grâce aux données de l'échoendoscopie avec probabilité actuelle de développer un adénocarcinome pan-
haute fréquence. La présence multifocale de PanIN serait créatique est de l'ordre 4 % à 20 ans. Le rôle conjugué de
associée à une atrophie focale du parenchyme détectable en l'alcool et du tabac a été fortement évoqué. Compte tenu de
échoendoscopie. Ces données ne sont pas encore validées la faible fréquence in fine de l'adénocarcinome développé sur
dans la pratique courante [6–8]. pancréatite chronique, le dépistage n'est pas recommandé, ce
Chapitre 6. Cancer du pancréas 157

d'autant moins que le diagnostic est difficile à faire car surve- créatique, l'espérance de vie de ces malades est identique à
nant sur une pancréatite chronique évoluée au stade calcifié celle de la population générale, sans doute en raison d'une
avec d'importants remaniements canalaires et parenchyma- meilleure hygiène de vie excluant la consommation d'alcool.
teux (chapitre 4 et infra, « Infradiagnostic différentiel »). Le risque de cancer existe aussi chez les patients porteurs
Dans le cadre de la pancréatite héréditaire due à la muta- de mutations du gène SPINK1 et ce d'autant plus qu'ils sont
tion du gène PRSS1, le risque est plus élevé. Le risque cumulé fumeurs [4]. Le risque de cancer sur pancréatite chronique
de cancer à 50 et 75 ans est respectivement de 11 % et 49 % liée à une mutation du gène CFTR ou TRPV6 n'est pas
pour les hommes et 8 % et 55 % pour les femmes. Le taba- démontré.
gisme et le diabète sucré sont les principaux co-facteurs
associés. Ces chiffres plus élevés que pour la pancréatite
chronique alcoolique s'expliquent sans doute par une durée
plus longue d'exposition au risque. La recommandation de
Histologie
ne pas fumer est impérative chez un porteur de mutation du Sur le plan histologique, il s'agit principalement d'un
gène PRSS1. Malgré ce risque élevé d'adénocarcinome pan- adénocarcinome plus ou moins différencié (Fig.  6.3).

A B

C D
Fig. 6.3 Aspects anatomopathologiques de l'adénocarcinome pancréatiques. A. Adénocarcinome bien différencié : glandes adénocarcino-
mateuses – flèches blanches) avec stroma dense prédominant dans le tissu tumoral (étoiles blanches). B. Adénocarcinome peu différencié : cellules
adénocarcinomateuses isolées (pas d'organisation – flèches blanches) avec morphologie très hétérogène (stroma peu dense – étoiles blanches).
C.  Invasion lymphatique (lymphatiques marqués par flèches blanches) par les cellules adénocarcinomateuses (flèches blanches). D.  Invasion
périneurale par des glandes adénocarcinomateuses (flèches blanches ; nerfs marqués par les étoiles blanches). Source  : Lamps LW, Kakar S,
Diagnostic Pathology. Hepatobiliary and Pancreas. Philadelphie : Elsevier, 2017 (2e éd.).
158 Traité de pancréatologie

L'adénocarcinome pancréatique se développe à partir Génétique et épigénétique


des cellules épithéliales canalaires et représente, avec
ses variantes histologiques, la très grande majorité des
du cancer du pancréas
tumeurs solides primitives du pancréas. La plupart des Génétique somatique
adénocarcinomes sont bien ou moyennement différenciés,
Le rôle de la génétique somatique et des altérations épi-
caractérisés par des formations canalaires, glandulaires ou
génétiques a été bien démontré par l'étude des lésions
tubulaires développées dans un stroma desmoplastique.
précancéreuses pancréatiques qui président à la carci-
Les adénocarcinomes bien différenciés sont caractérisés
nogenèse pancréatique. Ces lésions vont de l'hyperpla-
par des formations canalaires, glandulaires ou tubulaires
sie papillaire canalaire, en passant par l'hyperplasie avec
avec parfois des projections papillaires endocanalaires,
dysplasie, pour aboutir au cancer in situ et à l'adénocarci-
des cellules éosinophiles, un index mitotique peu impor-
nome invasif. En effet, les lésions de type PanIN se carac-
tant. Dans les adénocarcinomes moyennement différen-
térisent par une mutation précoce de l'oncogène majeur
ciés, les formations canalaires, glandulaires et tubulaires
de ce cancer, l'oncogène KRAS, puis de façon successive
sont plus irrégulières, les cellules plus souvent éosino-
et dans le temps une inactivation des gènes suppresseurs
philes, l'index mitotique plus élevé. L'adénocarcinome
de tumeur, principalement p53, p16/CDKN2A/MTS1 et
peu différencié est rare, avec des plages massives sans
enfin DPC4 (deleted in pancreatic cancer) (encadré 6.2 ;
structures canalaires, un stroma souvent inflammatoire,
Fig. 6.2) [6–8, 10].
parfois nécrotique et hémorragique. Les cellules sont
La mutation de KRAS est de type mutation ponctuelle
pléomorphes sans activité sécrétoire et l'index mitotique
portant majoritairement sur le codon 12 (75 à 95 % des
est élevé. Il n'y a pas de marqueur immunohistochimique
cancers pancréatiques ; remplacement de la séquence
spécifique de l'adénocarcinome pancréatique. Certains
GGT, codant pour la glycine par une autre séquence, le
marqueurs sont utiles pour distinguer des adénocarci-
plus fréquemment GAT/acide aspartique, GTT/valine ou
nomes de lésions non carcinomateuses. En règle générale,
CGT/arginine ; respectivement mutations G12D, G12V,
les adénocarcinomes du pancréas expriment les mucines
G12R). La mutation supprime l'activité GTPase de la pro-
– MUC1, MUC3, MUC5/6  –, ainsi que d'autres glyco-
téine p21-RAS qui reste liée au GTP et figée dans son état
protéines – carbohydrate antigène (CA) 19.9, CA 12.5,
activé. Il se produit alors une suractivation des signaux
antigène carcinoembryonnaire (ACE). Comme les cellules
« prolifératifs, invasifs et de transformation » en aval de
épithéliales canalaires, les adénocarcinomes expriment les
RAS comme la voie RAF/MAPK (mitogen-activated pro-
cytokératines 7, 8, 18, 19, alors que la cytokératine 20 n'est
tein kinase), phosphatidylinositol3-kinase (PI3-kinase)
généralement pas exprimée. Les marqueurs des tumeurs
(Fig. 6.4) [7].
endocrines sont négatifs (chromogranine, synaptophy-
La mutation de l'oncogène KRAS est aussi présente dans
sine), de même que les enzymes pancréatiques : trypsine,
les TIPMP ; plus récemment le gène GNAS a été identifié
chymotrypsine et lipase.
comme muté de façon élective dans les TIPMP mais le rôle
Il existe des variantes histologiques de l'adénocarci-
exact de cette mutation dans le processus de dégénéres-
nome pancréatique, parmi lesquelles nous pouvons citer
cence des TIPMP reste encore peu connu. La mutation de
les carcinomes médullaires, caractérisés par la faible dif-
KRAS est aussi présente dans les cystadénomes mucineux,
férentiation et l'aspect syncytial des cellules, une assez
dont le risque de dégénérescence est estimé à 50 %. Il faut
bonne limitation en périphérie et un nombre élevé de
enfin souligner que l'étude de l'oncogène KRAS a permis la
lymphocytes intratumoraux. Ces tumeurs ne comportent
compréhension des phénomènes de prolifération et d'inva-
en général pas de mutation du gène KRAS, contrairement
sion non contrôlées de la cellule cancéreuse pancréatique,
aux adénocarcinomes canalaires classiques et sont ordi-
le développement de modèles murins transgéniques repro-
nairement associées à une instabilité des microsatellites ;
duisant la carcinogenèse pancréatique humaine (enca-
les carcinomes adénosquameux (1 à 4 %), dans lesquels la
dré 6.3). De plus, la recherche de la mutation de l'oncogène
composante malpighienne doit représenter au moins 30 %
KRAS est applicable en clinique. En effet, la recherche est
du tissu tumoral et qui seraient plus fréquents au niveau
possible par amplification génique au sein des biopsies
de la queue du pancréas. Ils sont considérés de très mau-
pancréatiques et dans le sang circulant (biopsies liquides).
vais pronostic ; les carcinomes hépatoïdes, composés de
Cette recherche peut être utile au diagnostic et le sera peut-
grandes cellules polygonales au cytoplasme éosinophile
être un jour pour la prise en charge thérapeutique et l'éva-
étendu, qui expriment l'α-fœtoprotéine. Leurs marqueurs
luation du pronostic [7].
immunohistochimiques plus spécifiques sont ceux du
La protéine p53 est une phosphoprotéine nucléaire qui
carcinome hépatocellulaire (Hep  Par-1, ACE et CD10).
possède : des effets inhibiteurs sur le cycle cellulaire via l'acti-
D'autres formes sont plus rares comme les cancers aci-
vation de la CDKI p21 (CDKI pour cyclin-dependant kinase
naires (très différenciés) ou d'autres formes mixtes de
inhibitor), des effets proapoptotiques et de réparation de
type cancer acinoductal (encadré 6.1). Malgré cette dif-
l'ADN. Elle agit en se fixant sur l'ADN pour activer des fac-
férenciation (cellules acinaires, sécrétion de lipase), les
teurs de transcription, cette fixation étant abolie (avec perte
cancers acinaires sont des tumeurs volumineuses et très
de sa fonction) par la survenue de mutations intragéniques
agressives. L'hyperlipasémie est inconstante mais peut être
du gène p53 (plusieurs centaines de mutations décrites à ce
responsable d'une panniculite nodulaire (syndrome de
jour). Ces mutations sont présentes dans près de 76 % des
Weber-Christian) avec nécrose de la graisse sous-cutanée
cancers du pancréas avec, en parallèle, une perte d'hétéro-
et polyarthralgies.
zygotie propre aux gènes suppresseurs de tumeur, plus pré-
Chapitre 6. Cancer du pancréas 159

Encadré 6.2. À propos de la génétique du cancer du pancréas

Oncogène KRAS La protéine TP53 agit comme un facteur de transcription



L'événement génétique majeur dans l'adénocarcinome canalaire et se lie à l'acide désoxyribonucléique (ADN) pour activer la
du pancréas est la mutation ponctuelle de l'oncogène KRAS. Ce transcription des gènes régulant la réparation de celui-ci, le
gène code pour la protéine KRAS qui est activée en permanence cycle cellulaire et l'apoptose. Jusqu'à 75  % des cancers du
du fait de la mutation, ce qui maintient les processus cellulaires pancréas présentent des mutations inactivantes de la TP53. Cette
de prolifération, de transformation, d'invasion et de survie. inactivation mutationnelle est un événement tardif au cours de

La mutation la plus fréquente se produit sur le codon 12 de la carcinogenèse (0 % dans la PanIN-1 à 12 % dans la PanIN-3).
l'exon  2, soit sur le premier ou le deuxième nucléotide  : la Gène suppresseur de tumeur CDKN2A
GGT de type sauvage codant pour la glycine est convertie en
Le gène CDKN2A code pour plusieurs protéines dont p16(INK4A)
acide aspartique GAT (G12D-c.35 G > A) (40 %), GTT valine
et p14(ARF). Toutes deux fonctionnent comme des suppresseurs
(G12V-c.35 G > T) (33 %), CGT arginine (G12R-c.34 G > C)
de tumeurs, en inhibant le cycle cellulaire (p16) et prévenant
(15  %), GCT alanine (G12  A-c.35  G  >  C), AGT sérine
la dégradation de TP53 (p14) ; p16 est le gène suppresseur de
(G12S-c.34 G > A) ou TGT cystéine (G12C-c.34 G > T).
tumeur le plus fréquemment inactivé dans le cancer du pancréas.

D'autres mutations ponctuelles, moins fréquentes, se
Cette inactivation est observée chez 60 à 95 % des patients et
produisent sur le codon 13 de l'exon 2 (G13D, G13C, G13S,
ce par délétion homozygote, mutation intragénique et inhibition
G13R) (7  %), le codon  61 de l'exon  3 (Q61H, Q61L, Q61K,
épigénétique par méthylation du promoteur. Ces modifications
Q61R) (1 à 2 %), le codon 117 (K117) et le codon 146 (A146)
invalidantes surviennent à des stades tardifs de la carcinogenèse
de l'exon 4 (< 1 %).
pancréatique.

La mutation de KRAS est un événement précoce au cours de
la carcinogenèse pancréatique et se produit dans 35  % des Gène suppresseur de tumeur DPC4
lésions PanIN-1 et atteint 75 % dans les lésions PanIN-3. SMAD4/DPC4 (pour mothers against decapentaplegic

La détection des mutations de KRAS peut être effectuée dans homolog  4/deleted in pancreatic cancer  4) est soumis à une
une variété d'échantillons biologiques, y compris des échantillons délétion fréquente ou à une mutation intragénique dans le 55 %
de tissus tumoraux frais et fixés ou des échantillons de biopsie, des cancers du pancréas. SMAD4 est un acteur clé dans la voie
des matériaux d'aspiration à fine aiguille et des échantillons de signalisation β du TGFβ et active la transcription des facteurs
cytologiques, ainsi que dans le sang et le plasma totaux. inhibiteurs du cycle cellulaire, en particulier p21. Ainsi, la perte

Les principales méthodes actuellement utilisées pour la de SMAD4 entraîne celle de l'inhibition de la croissance et une
détection de la mutation de KRAS en pratique clinique sont prolifération incontrôlée. L'inactivation se produit à un stade
le NGS (next-generation sequencing) et la digital PCR (chip- tardif, soit 31 % des PanIN-3.
based ou droplet) (sensibilité de 0,01 à 1  %, c'est-à-dire,
rapport mutant/sauvage). Autres mutations géniques
Amplification génique de l'EGFR, mutation de BRAF, suppression,
Gène suppresseur de tumeur TP53 duplication ou réarrangement de plusieurs gènes comme MYC,
La mutation du locus de la protéine tumorale 53 (TP53) est la AKT2, NTRK.
mutation ponctuelle la plus courante dans le cancer humain.

cisément au niveau du bras court du chromosome 17 (cette tout, 50 % d'inactivation de DPC4). De plus, une mutation
perte d'hétérozygotie est observée dans près de 100 % des de DPC4 est systématiquement associée à une mutation de
cancers pancréatiques). MTS1 (encadré 6.2) [8].
MTS1 est un gène qui code pour la protéine p16/
CDKN1A, qui est CDKI-impliquée dans la régulation néga-
tive du cycle cellulaire. P16/CDKN1A est inactivée dans Épigénétique
près de 80 % des cas. Les mécanismes d'inactivation sont les Les modifications épigénétiques désignent l'ensemble des
suivants : mutations (surtout exon 2, 40 %), délétion homo- caractères qui sont héritables au cours des divisions cel-
zygote (40 %) et hyperméthylation des îlots CpG (20 %). lulaires mais qui n'impliquent aucun changement de la
Une perte d'hétérozygotie est par ailleurs détectée sur le séquence d'ADN. Les modifications post-traductionnelles
chromosome 9p21 dans 85 % des cancers pancréatiques. des histones et la méthylation de l'ADN sont les deux types
Le gène DPC4 a été identifié comme gène suppresseur de de modification épigénétique les plus étudiés en raison de
tumeur pour le cancer pancréatique. Il code pour la protéine leur impact majeur sur la transcription. Le lien entre épi-
SMAD4 qui fait partie des protéines de la transduction du génétique et cancer provient du fait que les dérégulations
signal initiée par le TGF-β et en conséquence de son effet épigénétiques, principalement la méthylation de l'ADN,
inhibiteur sur la prolifération cellulaire. Une délétion homo- participent fréquemment à la carcinogenèse par l'inactiva-
zygote du chromosome 18q est observée dans 30  % des tion des gènes suppresseurs de tumeur. La méthylation de
cancers pancréatiques. D'autre part, une mutation de DPC4 l'ADN consiste à ajouter un résidu méthyle (CH3) sur la
s'associe à une perte allélique dans 20 % des cas (soit, en cytosine précédant une guanosine, connue sous le nom de
160 Traité de pancréatologie

Facteurs de croissance
Ligand Cytokines
Hormones Milieu extracellulaire
Récepteur
Membrane

CAAX Cytoplasme
GRAB2 CAAX
SOS
P21-KRAS P21-KRAS
GAP G12D
GDP GTP
GEF
+
1 2 3 4 5 6

RALGEFs PKC PI3K MEKK 3/6 MEKK1 RAF


p85/p110
NF-kB p38MAPK MEKK 4/7 MEK 1/2
RAL A/RAL B AKT
JNK ERK 1/2
mTOR

Endocytose/exocytose Survie Prolifération Transformation Invasion


Fig. 6.4 Activation de la protéine KRAS et de ses voies de signalisation intracellulaires. Après la liaison des récepteurs facteurs de croissance
(tyrosine kinase ou récepteurs couplés à une protéine G), GRB2 s'associe au facteur d'échange de nucléotides guanine SOS et interagit avec p21-
KRAS. La protéine KRAS doit être fixée à la membrane plasmique pour être active. Un isoprénoïde farnésyl est lié de manière covalente au résidu
cystéine par des farnésyl-transférases sur le motif KRAS CAAX. Une fois que cette association membranaire est efficace, le KRAS peut être activé
lorsqu'il est lié au GTP. Le cycle GTP-GDP intrinsèque de KRAS est régulé par les GEF qui stimulent l'échange de nucléotides et par les GAP qui accé-
lèrent l'activité d'hydrolyse intrinsèque du GTP de KRAS. La mutation ponctuelle du gène KRAS entraîne un changement d'acide aminé qui lui-même
va altérer l'activité intrinsèque de l'activité de la GTPase et empêcher les GAP de promouvoir la conversion de la GTP en GDP : p21-KRAS est ainsi
liée de façon permanente à la GTP et active les voies de signalisation en aval et donc les facteurs de transcription nucléaire, puis la prolifération, la
survie et la transformation des cellules. 1 : voie de RALA/B ; 2 : voie du NF-κB ; voie de la PI3K ; 4 : voie de p38 ; 5 : voie des JNK ; 6 : voie des MAPK.
CAAX : motif C-terminal de KRAS site de la farnésylation ; GRB2 : growth factor receptor-bound protein 2 ; SOS : son of sevenless ; GDP : guano-
sine diphosphate ; GTP : guanosine triphosphate ; GEF : guanine nucleotide exchange factor ; GAP : GTPase-activating proteins ; RAL : RASL-like ;
NF-κB : nuclear factor kappa B ; MAPK/MEK : mitogen-activated protein kinase ; MEKK : MAPK kinase ; ERK : extracellular signal-regulated kinases ;
JNK : c-Jun-N-terminal kinase ; PI3K : phosphoinositide 3-kinase ; AKT : protéine kinase B ; mTOR : mammalian target of rapamycin ; RAF : rapid
accelerated fibrosarcoma. D'après [7].

Encadré 6.3. Apports des modèles animaux dans la compréhension de la carcinogenèse


pancréatique

Les modèles transgéniques animaux sont actuellement PanIN, du stade PanIN-1A au stade PanIN-3.
incontournables ; ils ont ouvert une nouvelle voie dans l'étude ■
Ceci confirme le rôle initiateur essentiel joué par l'oncogène
de la carcinogenèse pancréatique expérimentale. KRAS dans la carcinogenèse pancréatique.

Il s'agit pour la plupart de modèles murins qui ciblent ■
Toutefois, une faible proportion (10 %) des souris développe
l'expression constitutive de l'oncogène KRAS pendant le des tumeurs de phénotype canalaire à un âge avancé suggérant
développement embryonnaire. la nécessité d'un événement additionnel pour que les lésions

La mutation KRAS-G12D est introduite, après une cassette précancéreuses progressent jusqu'au stade du cancer.
lox-stop-lox (LSL) empêchant la transcription, dans un allèle ■
Ceci est la base de nombreux modèles ou il combine la mutation
du gène RAS. La version oncogénique de KRAS est alors de KRAS à d'autres altérations génétiques comme l'inactivation
induite, à des niveaux physiologiques, après excision de la de suppresseurs de tumeurs comme il est observé dans la
cassette LSL par la recombinase Cre exprimée sous le contrôle pathologie humaine TP53, SMAD4, CDKN2A : ceci aboutit à la
des promoteurs des facteurs de transcription PDX1 ou PTF1, formation de tumeurs invasives entourées d'un stroma dense.
spécifiques des cellules souches pancréatiques. ■
Il s'agit de modèles animaux pertinents permettant d'étudier le

Ces souris génétiquement modifiées (transgéniques) miment rôle de certaines molécules dans le développement du cancer
fidèlement la pathologie humaine, 100  % des souris du pancréas mais aussi de tester de nouvelles approches
reproduisant les différentes lésions précancéreuses de type thérapeutiques.
Chapitre 6. Cancer du pancréas 161

dinucléotides CpG (p pour phosphate). Cette modification lésions inflammatoires chroniques pancréatiques chez ces
est catalysée par une famille d'ADN méthyltransférases souris KC (injection chronique de céruléine) avec délétion
(DNMT1, 3a et 3b). Les dinucléotides CpG ne sont pas en plus de TP53 et p16 permet d'obtenir une pénétrance
également espacés dans le génome et sont fréquemment de 100 % des PanIN et 20 % de cancer. Avant l'apparition
regroupés dans l'île CpG. Soixante pour cent des gènes du de cancer chez ces animaux se produit une dédifférencia-
génome humain présentent une ou plusieurs îlots CpG dans tion acinaire et acinoductulaire avec installation de lésions
leur promoteur et peuvent donc être potentiellement inac- inflammatoires et fibrotiques de pancréatite chronique et
tivés par méthylation. L'altération du profil de méthylation apparition de PanIN. Le stress oxydatif (avec activation de
de l'ADN est une caractéristique du cancer et est associée à COX, de NF-κ-β et de STAT) joue un rôle majeur dans ces
une surexpression des DNMT. En contrepartie, il y a aussi processus [9, 10].
des gènes dont le promoteur peut être hypométhylé avec la Un des exemples typiques de dégénérescence au cours
même implication sur la carcinogenèse. Au cours du can- de la pancréatite chronique est représenté par la pancréatite
cer du pancréas, certains gènes sont inactivés par hyper- héréditaire avec mutation germinale du gène PRSS1. Il y a
méthylation. Le plus commun est le gène CDKN2 mais ce une incidence élevée d'adénocarcinome pancréatique après
phénomène a été aussi relevé pour les gènes SPARC, MLH1, 50 ans (majorée par la consommation chronique de tabac)
E-cadhérine ou CLDN5. D'autres gènes sont inactivés par et une grande fréquence de PanIN-3. Cela illustre bien que
hypométhylation comme mésothéline, claudine-4, Maspin ou le processus de dégénérescence s'étale sur plus de 30 à 40 ans
S100P. Il faut enfin noter que ces phénomènes de méthyla- puisque les premiers signes de cette maladie apparaissent
tion/hypométhylation sont observés déjà au stade de PanIN dans la jeune enfance ou l'adolescence.
suggérant que ces altérations épigénétiques participent à la
carcinogenèse pancréatique [7].
D'autre part, la spécificité de la répression génique par Processus métastatique et rôle
interférence à acide ribonucléique (ARN) provient de petits
ARN guides d'environ 21 à 23  nucléotides, les miARN du microenvironnement tumoral
(microRNA ou miR). Les miARN se positionnent comme Rôle de la cellule cancéreuse pancréatique
des molécules essentielles dans le contrôle du développe-
ment, de la prolifération et, plus récemment, de l'onco- Le potentiel oncogénique de la cellule pancréatiques est mul-
genèse. L'altération de l'expression de différents miARN, tiple elle cumule à elle seule les pouvoirs d'autosuffisance de
notamment impliqués dans le contrôle de la prolifération croissance cellulaire, de migration et de pouvoir métasta-
et de l'apoptose ou dans le déclenchement et la progression tique, de résistance à l'apoptose, de négligence de la répa-
tumorale, a récemment été rapportée. Certains miARN ration d'ADN, de résistance à l'immunité cellulaire, de mise
exercent des propriétés oncogéniques ou antioncogéniques. en place/maintien de la vascularisation tumorale. En ce qui
Les résultats des études concernant le cancer du pancréas concerne l'autosuffisance de croissance, la cellule cancéreuse
font état d'une surexpression et d'une sous-expression de produit un nombre important de facteurs de croissance sti-
miARN. À titre d'exemple, une expression élevée intratu- mulant sa propre prolifération (mécanisme autocrine) mais
morale de miR-21, miR-155 miR-203, miR-222, miR-10b aussi celles des cellules tumorales adjacentes (mécanisme
est prédictive de mauvais pronostic chez les patients opé- allocrine). Parmi ces facteurs de croissance figurent l'EGF,
rés et réséqués, de même que la baisse de l'expression de le TGFα, la gastrine ou le FGF. De même, la division illi-
miR-34a. Il est important de noter que ces miR peuvent mitée et la résistance à l'apoptose sont aussi conférées par
être dosés dans le sang, la salive et les biopsies tumorales, l'activation permanente de la protéine RAS mutée qui,
ouvrant la porte à l'utilisation du dosage des miR comme par l'intermédiaire de ses signaux de transduction, active
biomarqueurs. différents processus intracellulaires qui maintiennent les
fonctions de transformation, prolifération, survie, invasion,
endocytose et de reprogrammation métabolique. Parmi
Rôle de l'inflammation ces signaux de transduction on distingue le système PLC-
NFκB, PI3kinase-p85/p110-AKT-mTOR, MEKK-MAPK,
dans la carcinogenèse pancréatique MEKK-JUN, RAF-MEKK-ERK ou RALGEF-RALA/B. À
La pancréatite chronique alcoolique est la forme la plus côté de la mutation de KRAS, les mutations de la télomérase,
commune des processus inflammatoires chroniques pan- de p16 (codant une CDKI), de DPC4 (codant une protéine
créatiques chez l'humain Le rôle de l'alcool et du tabac SMAD4 signal de transduction du TGFβ) ou TP53 sont
est bien reconnu dans la genèse des lésions de pancréatite aussi responsables d'un « emballement » du cycle cellulaire
chronique. Le développement d'un cancer sur pancréatite de la cellule cancéreuse pancréatique et d'une résistance à
chronique est aussi connu mais ce phénomène reste finale- l'apoptose (Fig. 6.4 et 6.5). Dans le cadre du processus d'in-
ment rare (seulement 4 % des cas après 25 ans d'évolution vasion tumorale, la cellule cancéreuse affiche une surexpres-
des pancréatites chroniques alcooliques). Pour reproduire sion des facteurs d'invasion comme les métalloprotéinases
au mieux la pathologie humaine et explorer certains méca- (MMP-2, MMP-3 et MMP-9) qui dégradent de la matrice
nismes d'initiation du cancer, le lien entre inflammation et extracellulaire et la diminution de l'expression de leurs inhi-
oncogenèse pancréatique a été montré et analysé en soumet- biteurs (TIMP-1) mais aussi la perte d'expression de facteurs
tant ces souris transgéniques mutées KRAS (souris KC) à réduisant la mobilité cellulaire (E-cadhérine). En parallèle,
des protocoles d'induction de pancréatite chronique. Dans la sécrétion de facteurs angiogéniques entretenant la micro-
les souris KRAS muté seules, la pénétrance des PanIN va de vascularisation tumorale facilite la migration et les métas-
10 à 100 % mais il y a peu ou pas de cancer. L'induction des tases (VEGF, T/U-PA, PDGF, FGF, etc.) (Fig. 6.5). Tout ceci
162 Traité de pancréatologie

CELLULES IMMUNOSUPPRESSIVES

+ CELLULES ADÉNOCARCINOMATEUSES
IL-10, IL-1A PANCRÉATIQUES
TAM TGFB
VEGF, PDGF, FGF
MMP, IGF1

EGF, FGF, IL-6 + CAF

MDSC +

– PDL1, IDO +
VEGF, PDGF,

NK LT – TGFB1

CELLULES EFFECTRICES
MICRO-ENVIRONNEMENT
Fig.  6.5 Interactions entre la cellule cancéreuse, le système immunitaire et le microenvironnement dans la progression locale et
métastatique du cancer du pancréas. Les cellules cancéreuses pancréatiques interagissent avec le microenvironnement tumoral qui est composé
de fibroblastes associés au cancer (cancer-associated fibroblasts [CAF]) de vaisseaux, de fibres de collagènes, d'une matrice extracellulaire, de
nerfs (partie droite de la figure). Il y a une relation étroite entre les cellules cancéreuses et les CAF par des sécrétions de facteurs de croissance, de
migration et de production de matrice extracellulaire qui vont faciliter la mobilité, l'invasion et le processus métastatique. Sur la partie gauche sont
représentées les principales cellules immunitaires en relation avec les cellules cancéreuses pancréatiques : les cellules immunosuppressives (TAM
[tumor-associated macrophage] et MDSC [myeloid derived stem cells]) et les cellules effectrices natural killer (NK) et lymphocytes T effecteurs (LT).
Il y a une relation d'activation réciproque entre les cellules cancéreuses et les TAM qui eux-mêmes avec les MDSC vont inhiber les T effecteurs et
NK. Ces derniers seront aussi inhibés par les cellules cancéreuses via la production de ligand PD-L1 et de l'indoléamine 2,3-dioxygénase (IDO). Tout
ceci concourt à supprimer toute réponse immunitaire antitumorale locorégionale.

implique l'acquisition d'une mobilité et migration cellulaire tumorale, d'inflammation, de zones d'hypoxie et d'hypovas-
accrues participant au processus d'envahissement locorégio- cularisation tumorale, tous ces phénomènes pouvant consti-
nal (vaisseaux, organes adjacents et péritoine) et métasta- tuer un frein à la pénétration des drogues anticancéreuses.
tique par voie sanguine et lymphatique. Il faut rajouter à cela Un des acteurs importants du microenvironnement tumoral
la capacité des cellules cancéreuses pancréatiques de migrer est la « cellule étoilée pancréatique » (PSC [pancreatic stellate
par voie nerveuse non seulement neuronale mais aussi péri- cell]), elle-même issue des « fibroblastes associés au cancer »
nerveuse. Les neurotrophines comme le NGF (nerve growth (CAF [cancer associated fibroblasts]). Les PSC sont caracté-
factor) et le BDNF (brain-derived neurotrophic factor) jouent risées par l'expression de l'α-SMA (α-smooth muscle actin) ;
un rôle important dans ce processus [11–15]. elles secrètent des facteurs solubles (cytokines et facteurs
de croissance) et des protéines de la matrice extracellulaire.
Elles sont régulées positivement par la voie Sonic hedgehog
Rôle du microenvironnement tumoral (SHH) et jouent un rôle important dans les relations épi-
Le microenvironnement tumoral du cancer du pancréas thélium canalaire/stroma et surtout cellules tumorales. Un
joue aussi un rôle important : il est composé de la matrice dialogue s'établit ainsi entre cellules adénocarcinomateuses
extracellulaire, de fibres de collagène, de fibroblastes, de et PSC dans le sens d'entretenir « prolifération, migration/
cellules immunitaires, de nerfs, de macrophages, de cellules invasion et production de matrice extracellulaire » via des
inflammatoires, de cellules endothéliales et de néovaisseaux. mécanismes de sécrétion paracrine. Les cellules cancé-
Il est aussi communément appelé le « stroma tumoral » pou- reuses sécrètent certains facteurs de croissance comme le
vant occuper entre 40 à 80 % de la tumeur. Il se met en place VEGF, PDGF ou TGFβ1 qui vont stimuler la division et la
très précocement au cours de la carcinogenèse puisqu'au migration des PSC qui vont aussi produire de la matrice
stade de PanIN-2 et PanIN-3 sont déjà présents fibroblastes, extracellulaire. En retour, les PSC vont elles-mêmes sécréter
cellules immunitaires, fibres de collagène et microvaisseaux. d'autres facteurs qui sont autant de stimulants de la crois-
On lui prête plusieurs rôles avec constitution de la fibrose sance, du pouvoir invasif et de la migration des cellules
Chapitre 6. Cancer du pancréas 163

cancéreuses pancréatiques (IGF-1, βFGF, SDF-1, PDGF, Tableau 6.2 Différentes classifications moléculaires
MMP). L'ensemble de ce « dialogue » entretient la constitu- de l'adénocarcinome pancréatique issues d'études
tion et la « vie » du microenvironnement dans le sens d'un génomiques et transcriptomiques.
pouvoir invasif et métastatique accru de l'adénocarcinome Auteur, référence, Sous-types Classification
pancréatique (Fig. 6.5). En synthèse, le microenvironne- année pronostique
ment joue un rôle pronostic évident de par ce pouvoir sur
Collisson et al. Nat Classical Classical a
la modulation du processus métastatique (cf. infra) ; il joue Med 2011 ; 17 : Quasi-mesenchymal un meilleur
aussi un rôle en modulant la pénétration des drogues anti- 500-3 [11] Exocrine pronostic que
cancéreuses vers les cellules tumorales. En effet, le stroma Quasi-mesenchymal
fibreux dense constitue une barrière physique et génère une Moffitt et al. Nat Classical Basal-like et
forte pression interstitielle et de l'hypoxie. Ces propriétés Genet 2015 ; 47 : Basal-like activated stroma
font l'objet de stratégies thérapeutiques innovantes qui sont 1168-78 [12] Normal and sont de plus mauvais
évaluées à l'échelle préclinique et au cours de phases pré- activated stroma pronostic
coces (cf. infra) [7, 12]. Bailey et al. Nature Squamous Squamous
2016 ; 53 :47-52 [13] Pancreatic (similaire à Quasi-
progenitor mensenchymal) et
Hétérogénéité du cancer Immunogenic de plus mauvais
du pancréas ADEX pronostic
Mueller et al. Expression haute Mauvais pronostic
Hétérogénéité à l'échelle tumorale Nature 2018 ; 554 : ou non de KRAS des cancers avec
et évolutive 62-8 [14] mutant expression de KRAS
Qian et al. JAMA mutant et activation
La conformation macroscopique de l'adénocarcinome pan-
Oncol 2018 ; 4 : des signaux
créatique peut être variable dans sa taille et sa composition e173420 [15] KRAS-dépendants
relative en stroma et plages de cellules tumorales. Il est dif-
ADEX : aberrantly differentiated endocrine exocrine.
ficile pour autant d'en tirer des conclusions en matière de
pronostic et de génie évolutif. Si la taille et la différenciation
(cf. infra) sont des facteurs pronostiques assez reconnus, il NGS dans l'approche diagnostique et thérapeutique de plus
y a des « petites » tumeurs qui sont d'emblée métastatiques en plus de tumeurs permettra peut-être d'appliquer ce type
alors que certaines de plus gros volume n'auront qu'une évo- d'analyse au cancer du pancréas. Cela nécessite le choix d'un
lution locorégionale prédominante avec des métastases tar- panel de gènes dit « relevants », en nombre plus réduit que
dives. De même, à taille et évolution locale comparables, le celui des différentes études publiées et qui pourront avoir un
pronostic pourra être radicalement différent malgré un trai- rôle dans l'évaluation du pronostic en pratique courante. Il
tement identique. L'exemple peut être donné des tumeurs faut rajouter que toutes ces études ont été réalisées à partir
réséquées chirurgicalement qui parfois ont une évolution de pièces opératoires, ce qui ne concerne finalement que 15
très défavorable malgré leur caractère « a priori curable » à 20 % des patients en pratique. Nous sommes en attente des
et avec une récidive locorégionale et métastatique rapide études menées sur biopsies qui diront ou non si ces premiers
en postopératoire. Ceci a suscité et motive de nombreuses résultats sont applicables aux tumeurs non résécables « loca-
études moléculaires à partir des cellules cancéreuses elles- lement avancées et/ou métastatiques ». En ce qui concerne
mêmes, du microenvironnement tumoral et de l'ensemble l'intérêt thérapeutique, la présence de mutations tumorales
de la tumeur primaire et/ou métastatique. ou constitutionnelle des gènes BRCA1 et BRCA2 confère
une sensibilité aux traitements par sels de platine mais aussi
Hétérogénéité à l'échelle moléculaire aux inhibiteurs de poly(adénosine diphosphate-ribose)
polymérase (PARP) dont l'activité de réparation d'ADN,
En effet, de nombreuses études ont été menées essentielle-
indépendante de BRCA peut conférer un gain de réparation
ment à partir de pièces opératoires de cancer pancréatique
de l'ADN tumoral (cf. infra) [11–16].
(après microdissection tissulaire ou non), elles ont exploré
génomique, transcriptomique et signature épigénétique.
Le but était de mettre en évidence un profil spécifique et Hétérogénéité à l'échelle immunitaire
différentiel d'expression moléculaire ayant un intérêt pro- Les adénocarcinomes pancréatiques sont riches en cellules
nostique et éventuellement thérapeutique. Plusieurs pro- immunitaires et pourtant l'immunité antitumorale naturelle
fils ont été publiés : ils sont résumés dans le tableau 6.2 et stricto sensu est peu active sur l'initiation et la progression
concernent essentiellement le transcriptome (profils d'ex- des tumeurs exocrines pancréatiques. En effet, les cellules
pression des gènes basés sur l'expression des ARN messa- tumorales interagissent avec des cellules immunosuppres-
gers). Ces profils ont en effet un intérêt pronostique et ont sives et des cellules effectrices. Les cellules immunosup-
été corrélés aussi au degré de différenciation de la tumeur et pressives telles que les TAM ou les MDSC vont quant à elles
de sous-types histologiques. Ils ne sont pas applicables en être stimulées par les sécrétions tumorales comme IL-10,
pratique courante car ils requièrent de la microdissection IL-6, IL-1A, COX2, GM-CSF avec en retour production de
et une analyse à large échelle nécessitant une plateforme de facteurs angiogènes et prolifératifs vers les cellules tumo-
biologie moléculaire. De plus, le coût de ces analyses ne per- rales et surtout inhibition des cellules effectrices comme
met pas encore d'obtenir ces résultats en pratique clinique NK et T effecteurs CD8 et CD4 Th1. Ces mêmes cellules
courante. Néanmoins, l'accessibilité au séquençage de type effectrices vont être aussi inhibées sous l'effet de l'expression
164 Traité de pancréatologie

et sécrétion de molécules issues de la cellule cancéreuse plusieurs semaines ou mois une colopathie fonctionnelle,
pancréatique elle-même comme l'indoléamine 2,3-dioxygé- un syndrome dyspeptique ou une affection rhumatismale.
nase (IDO) ou PD-L1 (programmed cell death ligand 1 des L'élément déterminant est représenté par un amaigrissement
récepteurs PD1) présents à la membrane des T effecteurs. important qui lui, malheureusement, n'est pas toujours pré-
Néanmoins, l'expression de PD1 et PD-L1 reste faible au coce. La découverte d'une masse épigastrique palpable, fixée
niveau des cellules cancéreuses pancréatiques. Ces phéno- latéralement mais soulevée par les battements aortiques, est
mènes immunitaires, de même que la répartition des cellules souvent tardive au cours de l'évolution. La douleur est la tra-
impliquées, restent très hétérogènes. Tout ceci peut rendre duction quoi, qu'il en soit, d'un envahissement de la région
compte de l'absence d'efficacité des traitements par immu- cœliaque ; elle est le reflet d'un mauvais pronostic.
nothérapie avec inhibiteur de point de contrôle (immune
checkpoint) anti-PD1 et anti-PD-L1 (Fig. 6.5). Amaigrissement, asthénie et anorexie
L'amaigrissement, l'asthénie et l'anorexie sont constants à la
Diagnostic positif période d'état ; ils sont non spécifiques et de survenue tar-
de l'adénocarcinome pancréatique dive. Ils peuvent se rencontrer comme signes cliniques de
début et précéder les autres symptômes.
Modes de révélation
Le type et la chronologie des manifestations cliniques Diabète
dépendent principalement du site de la tumeur primitive et Le diabète est présent dans 50 % des cas. Il peut être récent
de son stade au diagnostic. L'adénocarcinome localisé dans (< 2 ans), il est alors causé soit par le cancer lui-même (ou
la tête (70 %–80 %) est plus rapidement symptomatique que diabète de type IIIc), soit s'intégrer dans le cadre d'un syn-
celui du corps ou de la queue du pancréas (20 %–30 %), ce drome paranéoplasique ou être la résultante d'une atrophie
dernier étant souvent diagnostiqué à un stade plus avancé pancréatique (pancréatite chronique obstructive) en amont
[1, 17–19]. d'une sténose néoplasique du canal de Wirsung. Le diabète
peut être ancien (facteur de risque, mieux documenté pour
Ictère le diabète de type II) et faire alors l'objet d'une décompensa-
L'ictère représente le signe essentiel du cancer de la tête du tion qui devra donner l'alerte.
pancréas. Il est typiquement cholestatique et se caractérise
par son installation insidieuse, avec une évolution conti- Autres manifestations cliniques
nue, sans rémission et ce en l'absence de crise douloureuse Les autres manifestations cliniques représentent de 10 à
ou d'épisode hyperthermique (on parle d'ictère nu). Il s'ac- 20 % des circonstances de diagnostic mais peuvent aussi
compagne de selles décolorées (couleur mastic), d'urines accompagner ou précéder les symptômes « classiques ».Ce
foncées (couleur bière brune), de prurit (qui précède par- peut être un amaigrissement isolé, une diarrhée chronique
fois l'apparition de l'ictère), de troubles digestifs (dyspepsie ou stéatorrhée par obstruction canalaire néoplasique, une
et constipation fréquentes), d'une anorexie, d'une stéator- fièvre prolongée, un syndrome tumoral abdominal isolé,
rhée et d'un amaigrissement souvent important. L'examen une hémorragie digestive (liée à une hypertension portale
clinique met en évidence une hépatomégalie et surtout segmentaire avec rupture de varices gastriques ou œso-
une grosse vésicule perçue sous la forme d'une « tumeur » phagiennes, à un envahissement de la paroi duodénale
ovoïde, lisse, mobile avec les mouvements respiratoires ou à une wirsungorragie), une diarrhée liée à une insuf-
et palpable sous l'auvent hépatique (loi de Courvoisier- fisance pancréatique exocrine par obstacle précoce des
Terrier). Il peut parfois permettre un diagnostic précoce canaux pancréatiques, une thrombophlébite profonde et/
pour des tumeurs périampullaires obstruant le cholédoque ou une embolie pulmonaire, un syndrome anxiodépressif,
très précocement. des hypoglycémies inexpliquées, un syndrome de Weber-
Christian (cytostéatonécrose sous-cutanée par diffusion
Syndrome douloureux abdominal vasculaire des enzymes pancréatiques) accompagnant
Le syndrome douloureux abdominal représente finalement souvent les cancers acinaires. Une condition particulière à
la symptomatologie la plus fréquente (60 à 80 % des cas), connaître est représentée par la pancréatite aiguë : en effet,
quelle que soit la localisation de la tumeur. Classiquement, il faudra faire la recherche systématique d'une tumeur pan-
elle apparaît surtout dans les localisations corporéales et créatique (en particulier d'un adénocarcinome) en cas de
caudales. Dans sa forme typique, la douleur réalise le syn- pancréatite aiguë dite « a priori idiopathique » chez un ou
drome pancréaticosolaire de Chauffard, de siège sus-ombi- une patiente de plus de 50 ans, c'est-à-dire une pancréatite
lical à irradiation transversale ou surtout transfixiante. Les sans cause évidente lors la poussée aiguë mais bénéficiant
crises douloureuses, d'abord peu intenses et espacées, vont d'un bilan à distance par cholangio-pancréato-graphie par
se rapprocher et s'accentuer pour aboutir à des paroxysmes imagerie par résonance magnétique (CP-IRM) et échoen-
extrêmement intenses, interdisant le décubitus dorsal et doscopie (chapitre 2).
imposant souvent des attitudes antalgiques (antéflexion du
tronc, attitude en chien de fusil, compression de la région Formes métastatiques et évoluées
sus-ombilicale). C'est une douleur qui nécessite rapide- Les formes métastatiques et évoluées peuvent aussi consti-
ment des antalgiques de palier 3. Cette symptomatologie tuer des circonstances de découverte en particulier d'une
n'est pas toujours aussi évocatrice et peut simuler pendant hépatomégalie irrégulière de métastases hépatiques, d'une
Chapitre 6. Cancer du pancréas 165

ascite et/ou d'un syndrome occlusif et de douleurs abdo-


minales d'une carcinose péritonéale, de vomissements par Encadré 6.4. À propos du dosage sérique
sténose duodénale, d'un ganglion sus-claviculaire gauche du CA 19.9
(ou ganglion de Troisier), enfin de métastases pulmonaires,
Il est indétectable chez 5 à 7 % de la population qui sont du
osseuses ou médullaires.

groupe sanguin Lewis négatif.



Il n'est ni utile ni recommandé pour le dépistage du cancer
Formes de dépistage du pancréas.
Il peut s'agir aussi du diagnostic de cancer développé ■
Il n'est pas utile pour le diagnostic des petits adénocarcinomes
sur une TIPMP ou un cystadénome mucineux ou une pancréatiques.
tumeur pseudopapillaire et solide lors de la surveillance ■
Un taux de CA 19.9 est habituellement élevé au cours des
et/ou de l'exérèse de ce type de lésion (cf. infra). Enfin, cholestases, qu'elles soient d'origine tumorale ou non.
plus rarement, la découverte peut être fortuite lors d'un ■
Le taux de CA  19.9 est aussi élevé dans d'autres cancers
examen tomodensitométrique (TDM) pour une autre digestifs et extradigestifs comme celui du côlon, de la vessie,
pathologie. du poumon, etc. :
– sa sensibilité pour le diagnostic du cancer du pancréas
Examens biologiques varie entre 40 et 80 %, variation dépendant notamment
Les examens biologiques peuvent révéler une choles- de la taille de la tumeur ;
tase ictérique (élévation du taux de γGT, phosphatases – sa spécificité pour le diagnostic du cancer du pancréas
alcalines, bilirubine totale et conjuguée), surtout pour varie entre 70 et 90 %.
les cancers de la tête du pancréas, parfois un syndrome

Un taux très élevé en présence d'une masse solide du
inflammatoire, un diabète ou une cytolyse hépatique pancréas et/ou de métastases hépatiques est très évocateur
modérée. Le CA  19.9 n'a pas les performances diag- d'un cancer du pancréas.
nostiques exigées pour être un marqueur fiable (enca-

Un taux normal en présence d'une masse solide du pancréas
dré 6.4). Sa sensibilité et sa spécificité sont de 80 % et et/ou de métastases hépatiques n'exclut pas le diagnostic de
80  %–90  %, respectivement, chez les patients sympto- cancer du pancréas.
matiques, c'est-à-dire avec une tumeur déjà évoluée. De

Les recommandations du dosage du CA  19.9 sont les
plus, la valeur prédictive positive est insuffisante pour le suivantes  : patient symptomatique avec une masse
diagnostic ou le dépistage de l'adénocarcinome pancréa- pancréatique évocatrice de cancer, pancréatite chronique
tique. Néanmoins, dans les cas exceptionnels de patients avec une masse suspecte, bilan préthérapeutique d'une
ayant une tumeur avancée (localement et/ou métasta- tumeur résécable ou potentiellement résécable, suivi post-
tique), avec retentissement sur l'état général, au moins thérapeutique (qu'il y ait résection ou non).
une tentative de biopsie diagnostique non contributive,

Au diagnostic, lorsque le taux de CA  19.9 est inférieur à
et une indication de chimiothérapie urgente, un faisceau 200 U/mL, il aide à prédire la résécabilité d'une tumeur. Au
d'arguments cliniques et radiologiques associés à un taux contraire, si ce taux dépasse 1 000 U/mL, il suggère fortement
de CA  19.9 sérique très élevé sans cholestase (>  10N son caractère métastatique.
ou >  1 000  U/L) peut être suffisant pour débuter une

Pour le suivi thérapeutique : la normalisation du taux après
chimiothérapie rapidement (décision bien sûr validée par chirurgie est de bon pronostic. De même, sa diminution sous
une réunion de concertation pluridisciplinaire d'oncolo- chimiothérapie ou radiothérapie, est en faveur d'un contrôle
gie). Au total, le dosage du CA 19.9 doit être interprété tumoral satisfaisant.
avec prudence, toujours couplé à un examen d'imagerie, à
intervalle de 2–3 mois et ses limites soigneusement expli-
quées au patient compte tenu du caractère anxiogène de Échographie
l'élévation d'un marqueur tumoral dans le sang (surtout si L'échographie est l'examen de première intention dans
l'élévation est isolée). Le dosage de l'ACE sérique quant à l'exploration d'un ictère ou d'un syndrome de masse pan-
lui possède une faible sensibilité de l'ordre de 30 à 40 % et créatique. Sa valeur diagnostique est assez élevée pour les
n'est pas recommandé. D'autres marqueurs sanguins sont tumeurs de plus de 2 cm de diamètre. Les tumeurs pancréa-
en cours de caractérisation, en particulier la mesure de tiques sont le plus souvent hypoéchogènes, à limites floues.
l'ADN tumoral circulant, le comptage de cellules tumo- On recherchera des signes indirects comme la dilatation des
rales circulantes et la recherche des vésicules extracellu- voies biliaires extra- et intrahépatiques, une dilatation du
laires circulantes. Ces approches ne sont pas validées en canal de Wirsung, une thrombose vasculaire veineuse (en
pratique clinique mais s'avèrent prometteuses (cf. infra) particulier de la veine porte [VP]) qui pourra être confir-
[18, 20, 21]. mée par le mode écho-Doppler. Elle permettra la réalisa-
tion d'une biopsie dirigée en cas de lésions métastatiques
Examens radiologiques hépatiques ou péritonéales, facilement accessibles sous
Les examens radiologiques ont un triple but : le diagnostic échographie.
positif de la masse pancréatique (situation, taille, aspect), la
confirmation de la nature de cette masse (solide ou mixte à TDM
la fois liquidienne et solide) et la réalisation du bilan d'ex- La TDM est l'examen de référence pour  : visualiser la
tension préthérapeutique [1, 17–20]. tumeur et son retentissement, évaluer son stade et juger
166 Traité de pancréatologie

de sa résécabilité. La TDM thoraco-abdomino-pelvienne veineuses péripancréatiques et périgastriques). La déter-


en coupes fines avec injection de produit de contraste est mination précise de l'atteinte vasculaire en imagerie peut
l'examen indiqué avec une analyse triphasique au moyen être difficile, notamment pour distinguer une infiltration
d'un angioscanner multidétecteur. L'épaisseur des coupes tumorale d'une zone de fibrose ou inflammatoire. Enfin, on
devra être inférieure ou égale à 0,5–1 mm, sans injection, notera l'éventuelle présence d'un ligament arqué. L'imagerie
puis après injection intraveineuse de produit de contraste au moment de l'évaluation doit impérativement être récente
iodé, une phase artérielle tardive, dite « parenchymateuse (moins de 4 semaines) car l'évolution des adénocarcinomes
pancréatique » (40–50  secondes après injection d'iode), pancréatiques peut être rapide et un délai plus long aug-
suivie d'une phase veineuse portale (65–70 secondes après mente le risque d'une découverte peropératoire de métas-
injection d'iode). Les adénocarcinomes pancréatiques tases non vues à l'imagerie pour une tumeur présumée
(tumeur primitive et métastases) apparaissent hypodenses résécable (> 20 %).
à la phase artérielle et isodenses/faiblement rehaussées en À noter bien sûr qu'en cas de métastases accessibles, le
phase portale. Des reconstructions multiplanaires doivent scanner ou tout simplement l'échographie seront privilégiés
être réalisées en complément pour l'étude des rapports vas- pour obtenir une histologie : il s'agira de métastases hépa-
culaires de la tumeur. Il est des formes difficiles d'interpré- tiques de taille significative, de métastases péritonéales, de
tation comme les formes infiltrantes plus ou moins diffuses. volumineuses tumeurs bien visibles et accessibles par voie
On s'attachera à mettre en évidence des signes de reten- transpariétale.
tissement de la tumeur comme une dilatation du canal de
Wirsung et une atrophie du parenchyme pancréatique en IRM
amont d'une zone suspecte. En synthèse, le compte rendu
L'IRM sera réalisée avec séquences de cholangio-pancréato-
doit préciser la taille de la tumeur, son aspect avant et après
graphie (CP) et avec injection de gadolinium. Elle est aussi
injection, sa localisation, la présence d'une sténose canalaire
sensible et spécifique que la TDM pour le bilan diagnostique
biliaire et/ou pancréatique et/ou d'une dilatation du canal
et d'extension de l'adénocarcinome pancréatique à l'étage
de Wirsung d'amont, les rapports vasculaires, la présence
abdominal mais ses performances pour l'étude de l'exten-
éventuelle d'une extension extrapancréatique contre-indi-
sion vasculaire sont moins bonnes. Son intérêt réside dans
quant la chirurgie : il s'agit de ganglions extrarégionaux,
le fait qu'elle peut mieux caractériser des lésions solides pan-
métastases hépatiques, péritonéales et/ou pulmonaires. En
créatiques non ou mal visibles en TDM (isodenses). D'autre
ce qui concerne les ganglions, la présence de ganglions dits
part, avant tout traitement (chirurgical ou non), une IRM
« régionaux » ne contre-indique pas la chirurgie mais est un
hépatique (avec séquences de diffusion) doit êre pratiquée
facteur pronostique défavorable. Pour ce qui est de la tête
devant tout adénocarcinome a  priori résécable, presque
du pancréas, les ganglions régionaux sont ceux du pédicule
résécable (borderline) ou localement avancé. En effet, il est
hépatique, de l'artère hépatique commune, de la VP, pylo-
important de s'assurer de l'absence de métastases hépatiques
rique, satellites des vaisseaux pancréaticoduodénaux et du
de petite taille, non vue à la TDM (infracentimétriques)
bord latéral droit de l'artère mésentérique supérieure. Pour
(Fig. 6.6, 6.7, 6.8 et 6.14). Il en est de même après traite-
ce qui est du corps et de la queue du pancréas, les ganglions
ment néoadjuvant pour des tumeurs borderline avant toute
régionaux sont ceux du long de l'artère hépatique commune,
décision de chirurgie. L'IRM de diffusion est en effet plus
du tronc cœliaque, de l'artère splénique et du hile splénique.
sensible que la TDM pour détecter les petites métastases
Par contre, les ganglions du hile hépatique, de la racine du
hépatiques. Cette attitude permet d'éviter une laparotomie
mésentère, du rétropéritoine ou de la région inter-aortico-
inutile chez 12 % des patients ayant un adénocarcinome pré-
cave sont considérés comme ganglions « extrarégionaux » ou
sumé résécable. Il existe de rares faux positifs (3,5 %) en par-
métastases et sont des facteurs de mauvais pronostic, contre-
ticulier en cas de foie de stéatose. On pourra, à la lumière de
indiquant une chirurgie d'exérèse. Il en va de même pour
cette IRM hépatique, discuter d'une ponction transpariétale
des ganglions régionaux à distance de la tumeur comme les
ou d'une cœlioscopie pour s'assurer de l'existence ou non de
ganglions cœliaques en présence d'une tumeur de la tête du
métastases hépatiques [20].
pancréas.
Soulignons que tous les éléments radiologiques du bilan
L'extension se fait au niveau des vaisseaux (VP, veine
d'extension, doivent être discutés en réunion de concerta-
mésentérique ou splénique, artères hépatique et mésenté-
tion pluridisciplinaire. Enfin, rappelons que la TDM thora-
rique, tronc cœliaque et ses branches), de la lame rétropor-
cique est systématique dans ce bilan d'extension.
tale, des ganglions et des organes adjacents ou à distance
(duodénum, estomac, colon, rate, foie, péritoine, os)
(Fig. 6.6 à 6.13). Il faut, si possible, réaliser une TDM tho- Échoendoscopie
racique dans le même temps à la recherche d'éventuelles L'échoendoscopie est réalisée au moyen d'un appareil de
métastases pulmonaires. L'évaluation de la résécabilité par vidéoendoscopie porteur d'une sonde échographique de
le scanner implique la description précise de l'atteinte vas- moyenne à haute fréquence, sectorielle linéaire électro-
culaire. Au niveau des artères, on s'attachera à évaluer la nique, permettant une analyse écho-Doppler et surtout
circonférence de contact, la présence d'un rétrécissement une cytoponction échoguidée. Elle doit être effectuée par
vasculaire ou d'une irrégularité des contours. Au niveau des un opérateur ou une opératrice entraîné(e) ayant l'expé-
veines régionales, on recherche une thrombose ou occlu- rience de l'endoscopie interventionnelle. L'échoendoscopie
sion et circulation collatérale (cavernome portal, signes digestive haute a certes pour principal intérêt de permettre
d'hypertension portale segmentaire avec voies de dérivation la réalisation de prélèvements à visée cytologique ou
Chapitre 6. Cancer du pancréas 167

VB

VB

A B

C D

VB VB

E F
Fig. 6.6 Aspects TDM et IRM d'adénocarcinomes pancréatiques résécables. A, B. Petit adénocarcinome de la tête du pancréas sans invasion
péripancréatique à la TDM (flèche blanche) avec dilatation de la voie biliaire principale et du canal de Wirsung. VB : vésicule biliaire. C, D. Vues en
TDM (B) et IRM (C) d'un petit adénocarcinome de l'isthme du pancréas (flèche blanche) avec dilatation du canal de Wirsung en amont. La lésion
est mieux détectée en IRM avec renforcement de l'aspect hypointense à l'injection de gadolinium.E, F. Vues en TDM d'un petit adénocarcinome
de la tête du pancréas (flèche blanche) avec dilatation de la voie biliaire principale (VB : vésicule biliaire).
168 Traité de pancréatologie

VB

A
A

C
Fig.  6.8 Vues et rapports vasculaires d'adénocarcinomes pan-
créatiques résécables en TDM et IRM. A. Petit adénocarcinome de
la tête du pancréas (flèche blanche) sans invasion péripancréatique
au TDM restant à distance des vaisseaux artériels et veineux (flèche
blanche en pointillé). B. Petit adénocarcinome de la tête du pancréas
(flèche blanche) sans invasion péripancréatique à l'IRM restant à dis-
C tance de vaisseaux artériels et veineux (flèche blanche en pointillé).
C.  Vue en CP-IRM d'un petit adénocarcinome résécable de l'isthme
Fig. 6.7 Aspects TDM et en CP-IRM d'adénocarcinomes pancréa-
du pancréas (flèche blanche) avec dilatation en amont du canal de
tiques résécables. A.  Petit adénocarcinome de la tête du pancréas
Wirsung et aspect de pancréatite chronique d'amont.
sans invasion péripancréatique à la TDM en coupe sagittale (flèche
noire) avec dilatation des voies biliaires et du canal de Wirsung. VB :
vésicule biliaire, qui est tendue selon la loi de Courvoisier-Terrier. B. Petit
adénocarcinome de la tête du pancréas en CP-IRM (flèche blanche)
avec dilatation de la voie biliaire principale. C.  Petit adénocarcinome
de la tête du pancréas en CP-IRM (flèche blanche) avec dilatation de la
voie biliaire principale et du canal de Wirsung (aspect de pancréatite
chronique d'amont).
Chapitre 6. Cancer du pancréas 169

A A

VMS
C
Fig.  6.10 Vues et rapports vasculaires d'adénocarcinomes pan-
créatiques localement avancés en TDM. A. Adénocarcinome de la
tête du pancréas (flèche blanche) avec envahissement supérieur à 180°
de l'AMS et de la VMS (flèche blanche en pointillé). B. Adénocarcinome
du corps du pancréas (flèche blanche) avec envahissement du tronc
cœliaque en arrière (flèche blanche en pointillé). C. Adénocarcinome
C
de la tête du pancréas avec envahissement de la lame rétroportale et
Fig.  6.9 Vues et rapports vasculaires d'adénocarcinomes pan- de l'AMS (flèches blanches en pointillé). AMS  : artère mésentérique
créatiques borderline en TDM. A.  Adénocarcinome de la tête du supérieure ; VMS : veine mésentérique supérieure.
pancréas en TDM avec contact inférieur à 180° avec l'AMS et la VMS
(flèches blanches en pointillé). VMS : veine mésentérique supérieure.
B, C.  Adénocarcinome de la tête du pancréas en TDM avec contact
étendu en hauteur avec la VMS (< 180°). Vue sagittale en C.
170 Traité de pancréatologie

VB

A
A

VB

B
Fig.  6.12 Vues et rapports vasculaires d'adénocarcinomes pan-
créatiques localement avancés en TDM. A.  Adénocarcinome du
corps du pancréas (flèche blanche) avec envahissement de l'aorte en
arrière (flèche blanche en pointillé). B. Adénocarcinome du corps du
pancréas (flèche blanche) avec envahissement des vaisseaux cœliaques
B et carcinose péritonéale (flèches blanches en pointillé), avec ascite
(étoiles blanches).
Fig. 6.11 Vues et rapports vasculaires d'un adénocarcinome pan-
créatique localement avancé en TDM. A, B (vue sagittale). Adéno-
dépendant. En conséquence, l'échoendoscopie ne constitue
carcinome de la tête (flèche blanche) avec envahissement supérieur à
180° de la VMS (flèches blanches en pointillé). VB : vésicule biliaire.
pas l'examen de référence pour l'évaluation de l'atteinte vas-
culaire qui est finalement très bien assurée par le scanner.
Néanmoins, en ce qui concerne l'extension veineuse (veine
histologique (chapitre 1). Néanmoins, elle peut aussi être mésentérique supérieure, porte, confluent mésentéricoporte,
utile au diagnostic et apporter des informations complé- veine splénique), l'échoendoscopie est parfois plus sensible
mentaires à la TDM concernant l'extension locorégionale. et précise pour évaluer le degré d'envahissement de la paroi
L'échoendoscopie est en effet plus précise pour la visuali- et de la lumière des vaisseaux. Dans certains cas, l'infiltra-
sation des petites tumeurs et/ou les lésions isodenses au tion cœliaque est bien mise en évidence pour les lésions de
scanner. Toutefois, les cas de petites tumeurs sont mal- l'isthme ou de corps localement avancées. Cette infiltration
heureusement rares. L'adénocarcinome apparaît comme tissulaire peut être même biopsiée. L'échoendoscopie a par
une masse tissulaire hypoéchogène, irrégulière dans ses contre une place primordiale dans le diagnostic et la prise
contours avec pseudopodes et des zones infiltratives vers les en charge du cancer pancréatique compte tenu de la réali-
éléments anatomiques adjacents (vaisseaux, paroi digestive, sation d'une cytoponction dirigée et de l'obtention d'une
région cœliaque, rate, etc.) (Fig. 6.15). L'ensemble des élé- preuve histologique (encadré 6.5 ; Fig. 6.16). Les valeurs
ments du bilan d'extension est plus difficile à colliger du fait diagnostiques de la cytoponction pancréatique pour le dia-
de variantes anatomiques artérielles hépatiques fréquentes gnostic d'adénocarcinome sont élevées : elles sont de l'ordre
(jusqu'à 10 % des patients) et de son caractère opérateur- de 85 % pour la sensibilité et de 100 % pour la spécificité. Il
Chapitre 6. Cancer du pancréas 171

faut noter que, dans certains cas, des métastases hépatiques


et ganglionnaires sont aussi accessibles à la cytoponction, de
même que de l'ascite cloisonnée ou non, permettant aussi
d'obtenir la confirmation diagnostique cytologique ou his-
tologique d'adénocarcinome.
Il est des cas où la cytoponction est non contributive
(environ 10 à 20 % attestant d'une valeur prédictive néga-
tive qui n'atteint pas plus de 75 à 80 %). Plusieurs explica-
tions sont possibles pour ces faux négatifs : tumeur riche
en réaction stromale, pancréatite d'amont avec aspect du
parenchyme hypoéchogène mimant une infiltration tumo-
rale, lésion mixte tissulaire et kystique dans le cadre d'une
TIPMP dégénérée, mauvais choix de l'aiguille, faible expé-
rience que l'opérateur ou de l'opératrice. Dans ces cas-là,
une deuxième cytoponction est indiquée, quitte à changer
A d'opérateur ou d'opératrice mais aussi du type d'aiguille de
ponction.
En conséquence, l'échoendoscopie est indiquée dans les
cas suivants :
■ diagnostic douteux à la TDM et à l'IRM (masse pancréa-
tique de diagnostic incertain) afin de confirmer l'adéno-
carcinome ou d'éliminer d'autres affections (en particulier
pancréatite chronique ou pancréatite autoimmune pseu-
dotumorale, lymphome, métastases, tumeur endocrine) ;
■ une forte suspicion d'adénocarcinome non visualisé par
les autres examens d'imagerie, notamment en cas de sté-
nose du canal pancréatique principal ;
■ une lésion non résécable non métastatique ou presque
résécable (dite borderline) pour laquelle un traitement
par chimiothérapie et/ou radiothérapie néoadjuvante
B est nécessaire (et donc la confirmation préalable de
l'adénocarcinome) ;
Fig.  6.13 Vues d'adénocarcinomes pancréatiques métasta- ■ une tumeur avec des métastases qui sont difficilement
tiques en TDM. A. Adénocarcinome de la queue du pancréas (flèche accessibles à une ponction sous échographie externe ou
blanche) avec deux métastases du foie droit (flèches blanches en poin- sous TDM ;
tillé). B. Adénocarcinome du corps du pancréas (flèche blanche) avec ■ si une cholangio-pancréato-graphie rétrograde endos-
envahissement de la veine splénique et métastase du foie droit (flèche
copique (CPRE) est envisagée pour réaliser un geste de
blanche en pointillé).
drainage biliaire, l'échoendoscopie sera réalisée dans le
même temps pour une cytoponction. Le double geste
n'apporte pas de morbidité supplémentaire, évite la répé-
tition des anesthésies et raccourcit les délais de prise en
charge du patient.
Des améliorations techniques ont été apportées ces
dernières années à l'échoendoscopie, comme la sonoélas-
tométrie, l'échographie de contraste ou l'endomicrosco-
pie confocale. Ces techniques n'ont pas fait l'objet d'une
validation suffisamment robuste pour les recommander
en pratique courante pour le diagnostic positif et différen-
tiel du cancer du pancréas. Néanmoins, l'échographie de
contraste pratiquée après injection veineuse de SonoVue®,
composé d'hexafluorure de soufre et de microbulles, per-
met d'étudier la vascularisation de lésions solides (tumeurs,
pseudotumeurs ou nodules) et de différencier dans certains
cas des lésions inflammatoires (comme les pancréatites
autoimmunes) ou très vascularisées (comme les tumeurs
neuroendocrines), ce que l'on n'observe pas dans les cas
d'adénocarcinomes. Cela ne dispense pas de la cytoponction
mais permet d'avoir des éléments d'orientation supplémen-
Fig. 6.14 Vue d'un adénocarcinome de l'isthme du pancréas en taires en cas de diagnostic difficile.
CP-IRM. La sténose tumorale est indiquée par la flèche blanche avec Enfin, dans certains cas, des lésions métastatiques hépa-
dilatation du canal de Wirsung en amont. tiques, des ganglions, de l'ascite de faible abondance, voire
172 Traité de pancréatologie

VMS

A B

VBP

C D
Fig. 6.15 Photos d'échoendoscopie d'adénocarcinomes pancréatiques (appareil sectoriel). A. Adénocarcinome céphalique (flèche blanche)
envahissant la lumière de la VMS sur 2 cm de long (flèche blanche en pointillé), lésion isodense avec liseré hypoéchogène périphérique. VMS :
veine mésentérique supérieure. B. Adénocarcinome du corps du pancréas (flèche blanche), lésion hypoéchogène, hétérogène restant à distance
de la veine splénique. C. Lésion de l'isthme du pancréas hypoéchogène (flèche blanche), hétérogène dans ses structures et ses contours avec
envahissement du confluent mésentéricoporte en arrière (flèche blanche en pointillé). D. Aspect de TIPMP dégénérée comprimant le cholédoque
avec nodule intrakystique (flèche blanche) et composante tissulaire (flèche blanche en pointillé). VBP : voie biliaire principale.

Encadré 6.5. Quand et comment obtenir une preuve cytopathologique d'un adénocarcinome ?

Quand ? Quelques aspects techniques



Doute diagnostique avec une lésion bénigne, en particulier ■
Les aiguilles utilisées pour la ponction sous échoendoscopie
pancréatite autoimmune, qui ne relève pas d'une résection ont un calibre allant de 19 à 20 et 22 G, munie d'un biseau
chirurgicale. fenêtré ou non (aiguilles de type Procore®). La plupart des

Tumeur non résécable mais sans cible tumorale facilement aiguilles ont une gaine souple permettant d'aborder la
accessible par voie transpariétale, pour avoir une preuve tumeur dans toutes ses localisations, en particulier le petit
histologique avant de débuter le traitement médical de la pancréas.
maladie métastatique. ■
Des carottes biopsiques doivent être obtenues, ce qui

Tumeur potentiellement résécable (borderline) si un traitement nécessite la réalisation de plusieurs passages jusqu'à
néoadjuvant est envisagé. obtention d'un matériel de bonne qualité. Même si le premier
passage est fructueux en matériel, un second passage est
Comment ?
recommandé.

Par voie transpariétale sous contrôle échographique ou TDM ■
Certains milieux de transport permettent d'éliminer les
pour une métastase hépatique connue et accessible. éléments figurés du sang pour améliorer l'analyse histologique

Par voie échoendoscopique pour accéder à la tumeur primaire et réduire le risque de coagulum. Les carottes biopsiques sont
(voie transduodénale pour la tête, voie transgastrique pour fixées in fine dans le formol.
l'isthme, le corps et la queue) mais aussi parfois à des métastases ■
Un rinçage de l'aiguille, après avoir récupéré le matériel
hépatiques, à des ganglions suspects d'être métastatiques. tissulaire, permet la récupération de matériel cellulaire sur

Chapitre 6. Cancer du pancréas 173


lequel l'amplification génique et les études de biologie ni nécessaire avant la résection chirurgicale pour une
moléculaire (en particulier NGS) permettent l'étude de la maladie résécable d'emblée.
mutation KRAS mais aussi de BRCA1 et BRCA2. ■
Une biopsie non informative ne doit pas retarder la résection
chirurgicale en cas de forte suspicion clinique de cancer
Deux points importants
pancréatique résécable d'emblée.

La preuve cytohistologique de malignité n'est pas systématique

A B

C D
Fig.  6.16 Photos d'échoendoscopie d'adénocarcinomes pancréatiques (appareil sectoriel). A.  Tumeur du corps du pancréas (flèche
blanche), lésion hypoéchogène, hétérogène dans sa structure et ses contours (pseudopodes). B. Même lésion lors de la cytoponction (aiguille
de 22 G et biseau : flèche blanche en pointillé) et la carotte biopsique résultante en incrustation (nombreuses glandes adénocarcinomateuses
montrées par les flèches noires au sein d'un tissu de fibrose et de zones hématiques). C. Volumineuse tumeur du corps (flèche blanche) avec
zones vides d'échos nécrotiques (étoiles blanches). D. Même lésion avec ponction à l'aiguille de 20 G (flèche blanche en pointillé) et la carotte
biopsique résultante (fort grossissement de cellules adénocarcinomateuses marquées en immunohistochimie avec anticorps anti-MUC1  :
flèches noires).

des zones infiltrantes tissulaires de la région cœliaque sont cytoponction sous échoendoscopie. Il faut rappeler que c'est un
tout à fait accessibles sous échoendoscopie avec biopsie examen nécessitant de l'expérience, avec ses échecs (absence de
[18, 20, 22, 23]. cathétérisme sélectif) et des complications (pancréatite aiguë,
perforation, hémorragie) (chapitre 9). La mise en place d'une
CPRE prothèse nécessite une sphinctérotomie, le choix de la prothèse
La CPRE n'a actuellement peu ou plus d'indications à visée dia- dépendant du traitement ultérieur « palliatif ou curatif » (cf. infra).
gnostique dans le cadre du cancer du pancréas. Elle ne présente Cette prothèse biliaire ne doit être mise en place qu'après une
d'intérêt thérapeutique que pour drainer une sténose biliaire. Un imagerie complète et de qualité de sorte que l'indication de drai-
brossage cytologique à visée diagnostique d'une sténose d'allure nage biliaire soit posée à bon escient et idéalement en RCP, ceci
tumorale peut être réalisé au cours de la procédure mais sa sen- en présence d'opérateurs endoscopistes et/ou de chirurgiens
sibilité en matière de diagnostic est bien inférieure à celle de la spécialisés. Un contexte d'urgence est néanmoins représenté par
174 Traité de pancréatologie

la survenue d'une angiocholite ou d'un taux de bilirubine san- stratégie thérapeutique chez un nombre limité de patients
guin élevé (> 250 μmol/L) avec prurit invalidant. En effet, l'ictère avec tumeur supposée résécable, à l'issue d'un bilan d'image-
intense contre-indique temporairement chimiothérapie et/ou rie moderne et rigoureusement exécuté. Si cette dernière n'est
résection chirurgicale et entraîne une altération de l'état général pas systématique, elle peut être discutée dans les cas suivants :
du patient. En cas de doute sur la nature ou sur la résécabilité ■ avant la résection d'une volumineuse tumeur du corps ou
de la tumeur en situation d'urgence, une prothèse biliaire courte de la queue ;
métallique couverte doit être privilégiée. Enfin, en cas d'échec de ■ en cas de taux élevé de CA 19.9 (seuil > 130 à 400 U/mL)
cathétérisme des voies biliaires malgré les techniques mises en qui est un facteur de mauvais pronostic ;
œuvre (fils guides, précoupe à la pointe ou au sphinctérotome), ■ lorsqu'un traitement néoadjuvant ou d'induction est
l'abord transhépatique antérograde sera sollicité pour mettre en envisagé pour éliminer de façon définitive toute métas-
place drain externe ou drain mixte, voire prothèse biliaire. tase péritonéale et/ou hépatique de petite taille.
La figure 6.17 résume la prise en charge diagnostique du can-
cer du pancréas intégrant l'imagerie, la ponction sous échoen-
doscopie et la CPRE pour mettre en place une prothèse biliaire. Dépistage et diagnostic précoce
En l'absence de risques exogènes prépondérants, il est difficile
Tomographie par émission de positons de déterminer des groupes de personnes à risque, ce d'autant
au 18-fluorodésoxyglucose plus que l'on manque cruellement de marqueurs tumoraux
La tomographie par émission de positons au 18fluorodésoxy- circulants fiables et accessibles en pratique clinique quoti-
glucose (TEP-FDG) ne fait pas partie du bilan systématique dienne ou au dépistage. Néanmoins, l'existence de facteurs
de l'adénocarcinome pancréatique. En effet, elle est incons- favorisants intrinsèques d'ordre génétique et certaines affec-
tamment informative, en particulier dans les variantes d'adé- tions précancéreuses ont fait proposer la réalisation d'exa-
nocarcinome produisant de la mucine ou paucicellulaires mens radiologiques de dépistage (CP-IRM, échoendoscopie).
ou en cas de diabète mal équilibré. D'autre part, des lésions
inflammatoires non tumorales (comme les pancréatites Situations de dépistage
autoimmunes) peuvent causer des faux positifs. La valeur de
cet examen pour améliorer le diagnostic et l'évaluation pré- Les situations de dépistage sont représentées par les pancréa-
thérapeutique des patients atteints de cancer pancréatique par tites génétiques liées à des mutations du gène PRSS1 mais aussi
rapport aux autres examens disponibles reste donc discutée. les autres cas de pancréatites chroniques génétiques avec muta-
tions des gènes SPINK1, CTRC ou CFTR. Un dépistage doit
être aussi organisé chez tous les apparentés au 1er degré des cas
Laparoscopie index des familles de cancers pancréatiques familiaux (au mini-
La laparoscopie permet de détecter et de biopsier de petites mum deux cancers du pancréas au 1er degré ou trois cancers au
métastases péritonéales et/ou hépatiques et de modifier la 2e degré), chez tout patient avec un syndrome de Peutz-Jeghers

SUSPICION CLINIQUE D'ADÉNOCARCINOME DU PANCRÉAS

BILAN BIOLOGIQUE

TDM THORACO-ABDOMINO-PELVIEN ± IRM DE DIFFUSION

RÉSÉCABLE BORDERLINE LOCALEMENT MÉTASTATIQUE


AVANCÉ

BIOPSIE MÉTASTASE
ÉCHOENDOSCOPIE AVEC CYTOPONCTION

SI ICTÈRE MISE EN PLACE DUNE PROTHÈSE BILIAIRE

ADÉNOCARCINOME CONFIRMÉ

RÉUNION DE CONCERTATION PLURIDISCIPLINAIRE D'ONCOLOGIE

Fig. 6.17 Algorithme de diagnostic d'un adénocarcinome du pancréas.


Chapitre 6. Cancer du pancréas 175

par mutation constitutionnelle du gène LKB1/SKT11), chez


tout porteur ou porteuse d'une mutation des gènes BRCA1, Encadré 6.6. Chez qui et comment
BRCA2 et PALB2 ayant un apparenté au 1er degré porteur d'un peut-on exercer un dépistage du cancer
cancer du pancréas (ou deux apparentés quel que soit le degré) du pancréas ?
et chez tout patient porteur d'une mutation CDKN2A/p16INK4
ou ayant un syndrome de Lynch avec un apparenté au 1er degré Cas où ce dépistage est recommandé
porteur de cancer du pancréas. L'échoendoscopie et la CP-IRM ■
Pancréatite héréditaire liée à des mutations du gène PRSS1.
(avec séquences de CP-IRM et de diffusion) sont les meilleurs ■
Pancréatites chroniques génétiques (mutation du gène
examens (on pourra proposer un scanner en cas de contre- SPINK1).
indication) pour ce dépistage. Les examens seront pratiqués de ■
Chez tous les apparentés au 1er  degré des cas index des
façon annuelle CP-IRM et échoendoscopie Le dépistage doit familles de cancers pancréatiques familiaux (au minimum
débuter à partir de 40 ans pour les pancréatites génétiques et à deux cancers du pancréas au 1er  degré ou trois cancers au
partir de 50 ans ou 10 ans avant le cas index pour le syndrome 2e degré).
du cancer pancréatique familial. ■
Tout patient avec un syndrome de Peutz-Jeghers (mutation
Il faut rajouter qu'un dépistage doit aussi être réalisé chez constitutionnelle du gène LKB1/STK11).
les patients porteurs de lésions précancéreuses reconnues ■
Tout porteur d'une mutation des gènes BRCA2 et PALB2
comme les TIPMP et les cystadénomes mucineux. Rappelons ayant un apparenté au 1er  degré porteur d'un cancer du
que le risque de dégénérescence des TIPMP est plus élevé dans pancréas (ou deux apparentés quel que soit le degré).
les formes atteignant le canal principal ou les formes mixtes ■
Tout patient porteur d'une mutation CDKN2A/p16INK4 ou
(50 % de cancer à 5 ans) que pour les formes touchant les ayant un syndrome de Lynch avec un apparenté au premier
canaux secondaires (au moins 5 % à 10 ans). Il faut rechercher degré porteur d'un cancer du pancréas.
les signes cliniques, biologiques et radiologiques préoccupants
qui ont été définis pour guider les indications opératoires de Cas où ce dépistage n'est pas recommandé
TIPMP : elles sont relatives en cas de pancréatite aiguë, appa- ■
Pancréatite chronique alcoolique et pancréatite autoimmune.
rition d'un diabète, d'élévation du taux de CA 19.9 sérique,
d'un diamètre du canal de Wirsung compris entre 5 et 9,9 mm Comment et quand faire ce dépistage ?
et/ou un canal secondaire supérieur ou égal à 40 mm de dia- ■
L'échoendoscopie et l'IRM (avec séquences de CP-IRM et
mètre, d'une augmentation de taille de kyste de 5 mm par an, de diffusion) sont les meilleurs examens (scanner en cas de
d'un nodule supérieur à 5 mm de diamètre ; les indications contre-indication).
deviennent absolues en cas d'ictère, de nodule mural supérieur ■
Tous les ans, en alternant IRM et échoendoscopie.
à 5 mm de diamètre et prenant le contraste, d'un diamètre du ■
À partir de 40  ans pour les pancréatites génétiques et à
canal de Wirsung supérieur à 10 mm, d'une cytologie suspecte partir de 50 ans ou 10 ans avant le cas index pour le cancer
et d'une masse tissulaire. En ce qui concerne les cystadénomes pancréatique familial.
mucineux, le pourcentage de formes dégénérées est de l'ordre Cas particulier des lésions précancéreuses comme
de 20 %. Une taille de lésion de plus de 4 cm de diamètre et/ les TIPMP et les cystadénomes mucineux
ou la présence d'un nodule mural supérieur à 5 mm de dia-
mètre prenant le contraste doivent mener à l'opération. La sur-

Le risque de dégénérescence des TIPMP est plus élevé dans
veillance de ces lésions (TIPMP, cystadénome mucineux) est les formes atteignant le canal principal ou les formes mixtes
en général annuelle sous forme de CP-IRM, éventuellement (50 % de cancer à 5 ans) que pour les formes touchant les
complétée par une échoendoscopie avec cytoponction (enca- canaux secondaires (10 à 15 % à 10 ans).
dré 6.6) [4, 18, 20, 24].

Il faut rechercher des signes cliniques, biologiques et
radiologiques préoccupants, définis pour guider les
indications opératoires de TIPMP  : elles sont relatives en
Diagnostic précoce
cas de pancréatite aiguë, d'élévation du taux de CA 19.9
Le diagnostic précoce, quant à lui, est possible mais les sérique, d'un diamètre du canal de Wirsung compris
situations sont moins claires et c'est la « vigilance clinique » entre 5 et 9,9 mm et/ou un canal secondaire supérieur ou
qui guidera la réalisation des examens. Il faut se poser le égal à 40 mm, d'une augmentation de taille de kyste de
problème d'un cancer du pancréas « éventuellement au 5 mm par an ; les indications deviennent absolues en cas
début », chez un patient de plus de 50 ans dans un contexte d'ictère, de nodule mural supérieur à 5 mm de diamètre et
d'altération de l'état général avec des douleurs épigastriques prenant le contraste, d'un diamètre du canal de Wirsung
ou abdominales récentes et après un bilan endoscopique supérieur à 10  mm, d'une cytologie suspecte et d'une
normal. À côté de ce tableau assez évocateur, l'existence de masse tissulaire.
douleurs dorsolombaires ou de douleurs abdominales traî- ■
Les cystadénomes mucineux de plus de 4  cm de diamètre
nantes et mal systématisées sur le même terrain doit aussi et/ou avec un nodule mural supérieur à 5 mm de diamètre
alarmer le praticien. Une autre situation est constituée par prenant le contraste doivent être opérés.
l'apparition récente (moins de 12 mois) d'un diabète chez ■
La surveillance de ces lésions est en général annuelle
un ou une patiente de plus de 50 ans, avec de surcroît une sous forme de CP-IRM, éventuellement complétée par
perte de poids supérieure à 10 %, en l'absence d'antécédent échoendoscopie avec cytoponction.
familial de diabète ou de surpoids (IMC < 25 kg/m2). La
176 Traité de pancréatologie

tissulaire volontiers infiltrante et envahissant les vaisseaux.


Encadré 6.7. Chez qui et comment L'échoendoscopie sera bien sûr elle aussi utile assortie d'une
peut-on faire un diagnostic précoce cytoponction afin de mettre en évidence cellules atypiques
de cancer du pancréas ? ou tumorales. Certaines équipes, dont la nôtre, appliquent
la recherche systématique de la mutation de l'oncogène
Cas où il faut se poser le problème d'un cancer KRAS dans le matériel de cytoponction qui peut orienter le
du pancréas diagnostic vers la malignité quand la mutation est détectée

Chez un patient de plus de 50  ans, dans un contexte
[7, 22].
d'altération de l'état général  : des douleurs épigastriques
ou abdominales récentes avec bilan endoscopique normal, Pancréatite autoimmune
ictère rétentionnel, douleurs dorsolombaires. La pancréatite autoimmune (PAI) dans sa forme pseudo-

Patient avec apparition récente d'un diabète (< 12  mois)  : tumorale (que ce soit une PAI de type 1 ou 2) est un autre
âgé de plus de 50  ans, avec perte de poids supérieure à diagnostic différentiel difficile. Avant la connaissance plus
10 %, en l'absence d'antécédent familial de diabète ou de approfondie de la PAI, des résections pour suspicion de
surpoids. cancer du pancréas étaient assez fréquemment pratiquées.

Chez un patient ayant une pancréatite chronique connue Depuis, les données cliniques et paracliniques se sont affi-
(encadré  2), ce d'autant plus qu'il y a apparition (ou nées et l'on s'attachera à l'aspect du pancréas à l'imagerie
décompensation) d'un diabète, d'une perte de poids, d'une (hypertrophie diffuse sans infiltration péripancréatique
cholestase ou d'un ictère. ou vasculaire, canal de Wirsung moniliforme, compor-

Chez un patient ayant une pancréatite aiguë dite tement typique aux différentes séquences IRM, etc.). Au
« idiopathique », ce d'autant plus qu'il a plus de 50 ans. moindre doute, l'échoendoscopie avec cytoponction (et
Comment faire ce diagnostic précoce ? éventuellement biopsies de la papille duodénale) éliminera
Scanner et IRM ont toutes leur indication mais au moindre
le diagnostic de cancer et permettra parfois un diagnostic
doute l'échoendoscopie sera proposée.
histologique de PAI. D'autre part, la présence de localisa-
tions extrapancréatiques et, en dernier recours, la réponse
à la corticothérapie seront autant d'arguments en faveur de
la PAI (chapitre 4).

même vigilance doit être de mise chez un ou une patiente Autres tumeurs pancréatiques
posant le problème d'une pancréatite aiguë dite « idio-
pathique », ce d'autant plus qu'elle survient après 50 ans. et de la région périampullaire
Enfin, chez un patient porteur d'une pancréatite chronique Les autres tumeurs solides pancréatiques incluent notam-
connue, il faudra suspecter une greffe d'adénocarcinome ment les tumeurs neuroendocrines, les lymphomes et les
devant l'apparition (ou la décompensation) d'un diabète, métastases mais aussi les tumeurs rares comme les sar-
d'une perte de poids, d'une cholestase ou d'un ictère, ce comes, les tumeurs stromales, les pancréatoblastomes, les
d'autant plus que le patient est sevré et après une période tumeurs de Kaposi. À défaut d'un diagnostic préopéra-
de rémission de sa maladie. Le diagnostic précoce peut être toire par cytoponction, c'est l'histologie de la pièce d'exé-
fait par scanner et CP-IRM qui ont toutes leur indication rèse qui assurera la confirmation de la nature histologique
mais, au moindre doute, l'échoendoscopie sera proposée exacte. Néanmoins, le diagnostic de tumeur neuroen-
(encadré 6.7). docrine peut être évoqué si la tumeur est fonctionnelle
et le syndrome endocrinien au premier plan. En cas de
tumeurs non fonctionnelles, seul le syndrome tumoral est
Diagnostic différentiel présent (avec des signes peu différents de ceux de l'adéno-
carcinome) et, outre le dosage de la chromogranine san-
Pancréatite chronique guine, l'histologie seule assurera le diagnostic de nature.
La pancréatite chronique dans sa forme pseudotumorale est Des exemples de tumeurs pancréatiques, diagnostics dif-
un diagnostic différentiel difficile car elle peut, elle aussi, férentiels de l'adénocarcinome pancréatique, sont donnés
évoluer à long terme vers un adénocarcinome (chapitre 3). dans les figures 6.18, 6.19 et 6.20.
On s'attachera à l'existence d'une altération de l'état général, En cas d'ictère rétentionnel par obstacle sur les voies
à une reprise des douleurs pancréatiques après une période biliaires extrahépatiques, deux diagnostics sont particuliè-
asymptomatique, à l'apparition d'un ictère, à des douleurs rement importants à poser : celui du cholangiocarcinome
solaires, autant d'arguments pour l'adénocarcinome. Il faut et celui de l'ampullome malin. Le cholangiocarcinome du
aussi signaler qu'un adénocarcinome comprimant le canal hile hépatique réalise un ictère cholestatique associé ou non
de Wirsung peut s'associer à une pancréatite chronique à une angiocholite et la voie biliaire principale intrapan-
dite « d'amont » (ou obstructive) avec lésions canalaires créatique est non dilatée. En cas de cholangiocarcinome du
typiques et calcifications. Dans ce cas-là, il ne faudra pas cholédoque, les symptômes sont similaires à ceux du can-
se laisser abuser par des signes cliniques et radiologiques cer pancréatique. Le diagnostic est assuré par le scanner, la
typiques d'une pancréatite chronique alors qu'un obstacle CP-IRM et l'échoendoscopie, voire l'opacification des voies
tumoral est responsable des lésions. La TDM avec injection biliaires sous CPRE (associée au non à une cholangiosco-
de produit de contraste est utile pour détecter une masse pie rétrograde avec le système SpyGlass™ permettant des
Chapitre 6. Cancer du pancréas 177

Traitement du cancer du pancréas


Principes du traitement
Bilan préthérapeutique
Afin d'envisager une prise en charge du patient sur le plan
thérapeutique, il sera nécessaire de confirmer la nature
histologique et de réaliser un bilan d'extension. Rappelons
que le diagnostic de cancer du pancréas sera obtenu par
l'analyse anatomopathologique d'une ponction-biopsie de
la tumeur primitive sous échoendoscopie ou d'une métas-
tase guidée sous échographie, TDM ou échoendoscopie.
En cas de tumeur résécable d'emblée, la confirmation sera
faite par l'analyse anatomopathologique de la pièce opéra-
toire ou en cours d'intervention si malheureusement des
métastases, non vues en préopératoire, sont identifiées par
le chirurgien.
Le bilan préthérapeutique doit prendre en compte tous
A
les éléments anamnestiques, cliniques et morphologiques
recueillis chez le patient. Ce bilan doit être conduit si pos-
sible sur un temps assez court afin de faire rentrer le patient
dans le parcours de soins le plus rapidement possible. La
décision sera prise lors d'une réunion de concertation pluri-
disciplinaire d'oncologie digestive comportant au minimum
un oncologue, un chirurgien, un radiologue, un patholo-
giste. Compte tenu de la multiplicité des intervenants dans la
prise en charge d'un cancer du pancréas (gastroentérologue
opérateur en endoscopie interventionnelle, radiologue
interventionnel, oncologue, chirurgien digestif, anesthé-
siste-réanimateur, radiothérapeute, oncologue digestif), il
est préférable d'adresser les patients dans un centre référent
pour ce cancer.
Le bilan préthérapeutique commence par l'appréciation
des antécédents et des comorbidités ainsi que par celle de
l'âge et de l'état général du patient. En effet, certains antécé-
B dents vont conditionner la réalisation ou non de la chirurgie
pancréatique, chirurgie réputée lourde, mais aussi du type
Fig.  6.18 Photos de TDM d'autres tumeurs malignes pancréa- de chimiothérapie. La détermination d'un score de perfor-
tiques, diagnostics différentiels de l'adénocarcinome. A. Cysta- mance clinique (appelé aussi performance status [PS]) est
dénocarcinome du corps du pancréas avec métastase hépatique de primordiale à la prise de décision (encadré 6.8). Chez les
même morphologie sous la forme d'une lésion kystique avec forte patients de plus de 75 ans, l'avis d'un ou d'une oncogériatre
composante tissulaire maligne (flèches blanches). B. Lymphome pan-
est fortement recommandé.
créatique sous forme d'une lésion infiltrative de toute la loge pancréa-
tique (flèches blanches).
Le bilan d'extension recommandé repose sur l'examen
clinique, le scanner thoraco-abdomino-pelvien (mode spi-
ralé avec injection de produit de contraste), éventuellement
l'IRM de diffusion hépatique en cas de projet chirurgical
biopsies endobiliaires). L'ampullome malin se manifeste par pour éliminer des métastases qui n'auraient pas été vues en
un ictère cholestatique capricieux, volontiers fébrile, sans TDM, l'échoendoscopie et en fonction des cas le TEP-scan.
grosse vésicule. Le diagnostic est confirmé par le scanner, la Au terme de ce bilan, on pourra apprécier le caractère résé-
duodénoscopie et l'échoendoscopie. L'exérèse chirurgicale cable ou non de la tumeur et/ou son caractère métastatique.
est souvent possible pour une tumeur dont le pronostic est Il y a une forme intermédiaire qui est la tumeur dite bor-
meilleur que celui du cancer du pancréas. Il faut souligner derline (presque résécable), pour laquelle on peut espérer
que dans le cadre de l'ampullome malin stricto sensu, on dis- une résécabilité secondaire après une chimiothérapie ou
tingue les tumeurs de type intestinal (carcinome lieberkuh- une radiochimiothérapie néoadjuvante. Les caractéristiques
nien), biliopancréatique, mixte, faisant exclusion des autres des différentes tumeurs en préopératoire qui déterminent le
histologies comme le carcinome endocrine, le sarcome, caractère résécable ou non sont colligées dans le tableau 6.3
la tumeur stromale, etc. Le taux de survie du sous-type et l'encadré 6.9.
intestinal est globalement meilleur que celui du sous-type
biliopancréatique.
178 Traité de pancréatologie

A B

C D
Fig. 6.19 Photos de TDM d'autres tumeurs solides pancréatiques, diagnostics différentiels de l'adénocarcinome. A-C. Tumeurs neuroen-
docrines (flèches noires et blanche). D. Métastase pancréatique d'un adénocarcinome rénal (flèche blanche).

Soins de support et traitement de la douleur nelle est souvent de mise dans la phase de soins palliatifs des
Le cancer pancréatique est une affection grave, douloureuse, tumeurs avancées et/ou en récidive ou progression. En ce qui
avec de nombreux troubles digestifs comme nausées, vomisse- concerne la douleur, en particulier pour les tumeurs du corps
ments, diarrhée et syndrome occlusif en fonction du stade et de du pancréas, la prescription de morphinique est requise dans
la localisation de la tumeur. Aussi, la prise en charge psycholo- la plupart des cas en attendant l'effet antalgique de la chimio-
gique, antalgique, nutritionnelle (lutte contre la sarcopénie) est thérapie qui est malgré tout inconstant. Dans le cadre de dou-
cruciale. Sur le plan psychologique, la consultation d'annonce leurs difficiles à traiter avec escalades des doses de morphine,
doit d'abord comporter des détails sur le parcours de soins et on aura recours à une neurolyse des plexus nerveux cœliaques.
sur les différents traitements possibles. La prescription d'an- Cette dernière est pratiquée par voie radiologique (TDM) ou
xiolytique et/ou d'antidépresseur n'est pas systématique mais sous échoendoscopie avec infiltration des ganglions cœliaques
l'accompagnement du patient et de l'entourage (dit « aidants par de l'alcool absolu. Elle permet de diminuer les doses de
soignants ») est important. Les autres soins de support font morphiniques et peut être répétée dans le temps. La technique
appel au maintien d'un état nutritionnel optimal associé à de neurolyse du plexus cœliaque sous échoendoscopie est
l'exercice physique. Une prévention primaire des complica- décrite dans la figure 6.21 [18, 20, 25, 26]. Par voie radio-
tions thromboemboliques peut être indiquée chez les patients logique, il est possible de pratiquer une alcoolisation du plexus
à haut risque selon le score de Khorana (anémie nécessitant cœliaque et des nerfs splanchniques.
la prescription de facteurs de croissance, hyperleucocytose Quelle que soit la technique, le traitement est bien toléré au
supérieure à 11 000/mm3 avant traitement, IMC supérieur à prix de phénomènes diarrhéiques le plus souvent passagers.
35 kg/m2). Outre les traitements des phénomènes obstructifs
(cf. infra), les traitements symptomatiques des effets secon-
daires de la chimiothérapie, il ne faudra pas négliger le trai- Traitement des symptômes obstructifs
tement des nausées, des troubles du transit et de l'insuffisance Dans la prise en charge des patients porteurs d'un can-
pancréatique exocrine très fréquente. L'assistance nutrition- cer de la tête et de l'isthme du pancréas, on peut donc
Chapitre 6. Cancer du pancréas 179

être confronté à l'apparition d'un ictère, soit au moment de l'état général du patient (somnolence, constipation,
du diagnostic, soit au cours de l'évolution de la mala- anorexie), fait repousser l'indication d'une chirurgie de
die (encadré  6.10). Cet ictère peut majorer l'altération résection première (si le taux de bilirubine totale est com-
pris entre 130 et 250 μmol/L) et constituer en outre une
contre-indication à la mise en route (ou à la poursuite) du
traitement par chimiothérapie (si > 1,5 N, en particulier
pour l'irinotécan). L'endoscopie interventionnelle va per-
mettre la mise en place d'une prothèse métallique dans la
voie biliaire principale pour permettre la disparition de
l'ictère. Cette prothèse sera placée au cours d'une CPRE :
en cas de tumeur non résécable, on choisira une prothèse
non couverte alors que si la tumeur est potentiellement
résécable, on optera pour une prothèse couverte courte
(≤ 6 cm). La mise en place de la prothèse requiert une
sphinctérotomie après opacification sélective de la voie
biliaire principale et mise en évidence de la sténose tumo-
rale (Fig. 6.22 et 6.23). En cas d'échec de cathétérisme de
la voie biliaire ou d'un abord impossible de l'ampoule
de Vater par endoscopie en raison d'une sténose tumo-
A rale de la deuxième portion du duodénum, on choisira
la voie radiologique antérograde pour mettre en place

Encadré 6.8. Score de performance clinique


(PS) de l'OMS : à évaluer dans la phase
initiale préthérapeutique du cancer
du pancréas et au cours du suivi

Score 0 : capable d'une activité identique à celle précédant la
maladie.

Score  1  : activité physique diminuée, mais ambulatoire et
capable de mener un travail.

Score  2  : ambulatoire et capable de prendre soin de soi-
même ; incapable de travailler et alité(e) moins de 50 % du
B temps.

Score 3 : capable seulement de quelques activités ; alité(e) ou
Fig. 6.20 Photo de d'échoendoscopie d'autres tumeurs pancréa- en chaise plus de 50 % du temps.
tiques, diagnostics différentiels de l'adénocarcinome. A. Tumeur ■
Score 4 : incapable de prendre soin de soi-même ; alité(e) ou
neuroendocrine (flèche blanche). B. Métastase pancréatique d'un adé- en chaise en permanence.
nocarcinome mammaire (flèche blanche).

Tableau 6.3 Caractéristiques anatomiques évaluées sur l'imagerie préopératoire qui déterminent
le caractère résécable ou non d'un cancer du pancréas (NCCN 2015).
Vaisseau Résécable Borderline Non résécable*
en contact
VP-VMS IVT < 180 % sans IVT ≥ 180 % Occlusion chirurgicalement
irrégularité du IVT < 180 % avec irrégularité du calibre de la veine et/ non reconstructible ou envahissement des
calibre de la veine ou occlusion tumorale non reconstructible principales veines jéjunales
AMS Libre, pas de IVT < 180 % IVT ≥ 180 %
contact
AHC Libre, pas de Contact court, quel que soit le degré de circonférence, Chirurgicalement non reconstructible
contact dans l'envahissement du tronc cœliaque ou de l'origine
de l'AHC, chirurgicalement reconstructible
TC Libre, pas de IVT < 180 % IVT ≥ 180 %
contact
AMS : artère mésentérique supérieure ; AHC : artère hépatique commune ; IVT: interface/contact vaisseau-tumeur ; NCCN : National Comprehensive Cancer
Network (États-Unis) ; TC : tronc cœliaque ; VMS : veine mésentérique supérieure ; VP : veine porte.

Les cancers même résécables ou borderline avec métastase(s) sont considérées par défaut « non résécables ».Le caractère « chirurgicalement reconstructible »
suppose la possibilité de résection veineuse et reconstruction par une prothèse.
180 Traité de pancréatologie

Encadré 6.9. Bilan préthérapeutique


du cancer du pancréas

Patient

L'âge, les antécédents personnels et familiaux (cancer ?), les TC Ao
comorbidités, l'opérabilité.
Les symptômes de la maladie : perte de poids, douleur et son
AMS

intensité, ictère, occlusion.



L'état général et nutritionnel, le « moral », l'entourage et le
mode de vie.

Les signes de métastases : hépatomégalie, ascite, ganglions, A
syndrome occlusif.

Le score de performance clinique.

Risques de thrombose veineuse profonde.

La biologie : bilirubine, albumine, CA 19.9.
Tumeur

Taille, localisation, extension locale (en particulier vasculaire)
et à distance.

Confirmation histologique par cytoponction si elle est
borderline, non résécable ou métastatique.

Indication d'un drainage biliaire ou non.

Classification en RCP  : « résécable, borderline, localement
avancée, métastatique ». B
Annonce

Consultation d'annonce du diagnostic.

Exposé du parcours de soins et effets indésirables/
complications des traitements et de la chirurgie.

Proposition d'inclusion dans un essai clinique.

Les sérologies virales, statut vaccinal et recherche d'un déficit
en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) par mesure
de l'uracilémie (si comprise entre 16 et 150 ng/mL : déficit
partiel ; si > 150 ng/mL : déficit complet).

la prothèse biliaire : après ponction d'une voie biliaire C


dilatée intrahépatique sous échographie, un fil-guide Fig.  6.21 Photos d'échoendoscopie d'une alcoolisation antal-
sera placé dans la voie biliaire principale sous contrôle gique des plexus cœliaques. A. Vue transgastrique haute de l'aorte
radiologique après opacification. Le fil-guide permet- (Ao), de l'origine du tronc cœliaque (TC) et de l'artère mésentérique
tra le passage d'un drain mixte, d'un drain mixte et/ou supérieure (AMS). B. Ponction avec aiguille de 19 G au-dessus de l'ori-
d'une prothèse biliaire métallique expansive (chapitre 9). gine du tronc cœliaque (flèche blanche en pointillé) et injection de
Depuis peu, il est possible de poser sous contrôle échoen- 5 mL de ropivacaïne à visée antalgique (flèche blanche) (diminuer les
doscopique des prothèses dites « d'apposition luminale » douleurs postinfiltration). C. Injection de 15 mL d'alcool absolu (flèche
blanche), donnant un nuage dense au plan échographique (étoiles
(dites aussi « prothèses diabolos ») entre la voie biliaire
blanches).
principale et de la première portion du duodénum.
Toutefois, leur place dans la prise en charge des cancers
de la tête du pancréas n'est pas encore clairement définie.
Enfin, l'option de dérivation biliaire par voie chirurgicale (chapitre 9). Dans les cas contraires, si l'état général auto-
(anastomose hépaticojéjunale) peut être choisie, en par- rise une chimiothérapie, une dérivation chirurgicale de type
ticulier au cours d'une laparotomie pour lésion résécable anastomose gastrojéjunale sera proposée.
dont la résection apparaît finalement contre-indiquée
durant l'intervention. Indications thérapeutiques
En cas d'obstruction duodénale, deux options sont pos-
sibles. Elles seront choisies en fonction de l'état général du Prise en charge initiale systématique
patient et de son espérance de vie : la prothèse métallique Elle va passer par un bilan préthérapeutique bien conduit
duodénale sera mise par voie endoscopique si l'espérance et ce le plus rapidement possible, avec tous les éléments
de vie est inférieure à 6 semaines (maladie multimétasta- importants à la décision de traitement que sont l'évalua-
tique) ou chez un ou une patiente en mauvais état général tion du score de performance, l'évaluation nutritionnelle et
Chapitre 6. Cancer du pancréas 181

Encadré 6.10. Le drainage biliaire en cas


de sténose de la voie biliaire au cours
d'un cancer du pancréas

Pourquoi ?

Pallier les symptômes invalidant de l'ictère par rétention.

Permettre la réalisation de la chimiothérapie (notamment
irinotécan si le taux de bilirubine est supérieur à 1,5 N) :
– drainage préopératoire en cas de chirurgie différée et/ou
de bilirubine comprise entre 130 et 250 μmol/L ;
– systématique dans le cadre de tumeurs non résécables
(localement avancées et/ou métastatiques).
Comment ?

Si possible par CPRE et par un opérateur entraîné.

Après une sphinctérotomie biliaire, mise en place d'une A
prothèse.

Si la chirurgie d'exérèse est prévue, pose d'une prothèse
métallique couverte courte (≤ 6 cm de long).

Si la tumeur est non résécable, pose d'une prothèse
métallique non couverte.

En cas d'abouchement d'un canal cystique, une prothèse
plastique est parfois préférée pour éviter une cholécystite.

En cas d'échec de la CPRE, le drainage sera réalisé par voie
antérograde radiologique.
Quand ?

Le plus tôt possible pour faire rentrer le patient dans
le projet thérapeutique et maintenir l'état général et
nutritionnel.

Si une cytoponction sous échoendoscopie est nécessaire,
il est préférable de la réaliser au cours du même temps
endoscopique et avant la CPRE, sans gêner le geste et B
permettant de mesurer la longueur de la sténose biliaire.

psychologique, l'appréciation de l'entourage, le traitement


éventuel de l'ictère, l'obtention dans la plupart des cas d'une
preuve cytopathologique d'adénocarcinome, un bilan d'ex-
tension le plus précis possible. Quelle que soit l'indication
retenue par la RCP, la consultation d'annonce médicale et
paramédicale (prérequis de la prise en charge selon le plan
Cancer) sera nécessaire pour expliquer le parcours de soins
en oncologie, en particulier lorsque le patient relève d'une
prise en charge par chimiothérapie et soins de support.
L'aide d'une infirmière coordinatrice de soins oncologiques
et d'une psychologue fait partir de ce dispositif. De plus, la
chimiothérapie fera partie de la prise en charge de la plupart C
des patients, que ce soit en situation néoadjuvante, adjuvante
ou palliative (exceptés ceux avec un état général très altéré). Fig. 6.22 Clichés de CPRE avec mise en place d'une endoprothèse
Les différents schémas de chimiothérapie s'accompagnent biliaire pour adénocarcinome de la tête du pancréas avec
d'effets indésirables nécessitant surveillance clinique et bio- compression de la voie biliaire principale. A. Opacification sur fil-
guide avec sténose tumorale du cholédoque intrapancréatique (flèche
logique (en particulier hématologique) et des traitements
blanche) et dilatation des voies biliaires en amont (flèche blanche
préventifs contre les nausées et vomissements ou l'aplasie. en pointillé). B.  La prothèse est montée sur fil-guide ; elle apparaît
Soulignons l'importance d'un temps d'éducation thérapeu- encore dans sa gaine (flèche blanche). C. Après largage de la prothèse
tique nécessaire à la prise en charge des effets secondaires métallique, les voies biliaires se vident du produit de contraste (flèche
attendus et des traitements proposés. Le rôle d'un apport blanche en pointillé) après la levée de l'obstacle par expansion de
nutritionnel suffisant (nécessitant un suivi systématique l'endoprothèse (flèche blanche).
182 Traité de pancréatologie

niques (vascularisation locorégionale : cf. infra) à la chirur-


gie doivent être bien identifiées. Le bilan radiologique est
primordial avec une relecture des images en réunion de
concertation pluridisciplinaire pour bien différencier le
caractère « résécable d'emblée » de la tumeur versus une
lésion borderline, qui relèvera quant à elle d'un traitement
néoadjuvant dit « d'induction ». À l'issue du bilan ini-
tial puis de l'analyse de la pièce d'exérèse, la tumeur sera
typée selon la classification TNM qui est résumée dans les
tableaux 6.4 et 6.5.

Adénocarcinome de la tête du pancréas


Pour l'adénocarcinome de la tête du pancréas, une duodé-
nopancréatectomie par laparotomie sera proposée avec un
curage d'au moins 15 ganglions. La résection jusqu'au bord
droit de l'artère mésentérique supérieure est fortement
recommandée (lame rétroporte). La lymphadénectomie
A étendue et la résection artérielle en bloc ne sont pas recom-
mandées car elles n'améliorent pas la survie à long terme.
La présence d'une artère hépatique droite ou d'un ligament
arqué ne contre-indique pas définitivement une tentative de

Tableau 6.4 Détails de la classification TNM 2017


du cancer du pancréas.
Catégorie T Taille de la tumeur mesurée dans sa plus
grande dimension
T1 Tumeur ≤ 2 cm
T1a ≤ 0,5 cm
T1b > 0,5 cm et < 1 cm
T1c > 1 cm et ≤ 2 cm
T2 Tumeur > 2 cm et ≤ 4 cm
T3 Tumeur > 4 cm
T4 Tumeur envahissant tronc cœliaque, AMS et
AHC
B Catégorie N Adénopathies régionales

Fig.  6.23 Clichés de CPRE avec mise en place d'une endopro- N0 Pas de métastase ganglionnaire
thèse biliaire pour adénocarcinome de la tête du pancréas avec N1 1 à 3 ganglions métastatiques régionaux
compression de la voie biliaire principale. A. Opacification sur fil-
N2 ≥ 4 ganglions métastatiques régionaux
guide avec sténose tumorale très serrée du cholédoque intrapancréa-
tique (flèche blanche) et dilatation des voies biliaires en amont (flèche Catégorie M Métastases à distance
blanche en pointillé). B. Après largage de la prothèse métallique (flèche M0 Absence
blanche), les voies biliaires se vident du produit de contraste après la
levée de l'obstacle par expansion de l'endoprothèse (flèche blanche en M1 Présence
pointillé) ; aérobilie visible au niveau du hile hépatique. AHC : artère hépatique commune ; AJCC : American Joint Committee on
Cancer ; AMS : artère mésentérique supérieure.

par diététicienne expérimentée) et de l'activité physique est


important à expliquer au patient tout en proposant égale- Tableau 6.5 Synthèse des stades pTNM de la
classification TNM 2017 du cancer du pancréas.
ment un soutien psychologique [19].
Stade IA T1 N0 M0
Tumeur opérable/résécable d'emblée Stade IB T2 N0 M0
Après une évaluation préthérapeutique rigoureuse, seuls Stade IIA T3 N0 M0
15 à 20 % des patients pourront bénéficier d'une chirurgie
Stade IIB T1-T3 N1 M0
de résection première de type R0 (marges R0), c'est-à-dire
à visée curative. Soulignons que cette chirurgie doit être Stade III Tout T-T4 N2 tout N M0
réalisée dans le mois qui suit l'évaluation initiale et ce dans Stade IV Tout T Tout N M1
un centre expert pour la chirurgie pancréatique. Il va sans AJCC : American Joint Committee on Cancer.
dire que les comorbidités et les contre-indications tech-
Chapitre 6. Cancer du pancréas 183

résection carcinologique, mais doit être recherchée en préo- sont aussi possibles à long terme comme l'insuffisance pan-
pératoire. Une supplémentation par immunonutrition est de créatique exocrine, le diabète, la diarrhée chronique et les
mise en préopératoire, de même qu'une antibioprophylaxie troubles nutritionnels. La duodénopancréatectomie cépha-
périopératoire. Cette antibiothérapie sera éventuellement lique n'est généralement pas recommandée après 80 ans, y
prolongée en fonction des résultats du prélèvement de bile compris chez les patients avec une cirrhose et/ou avec une
peropératoire et de l'écologie bactérienne constatée à l'ana- hypertension portale sévère [17–19, 27].
lyse de ce prélèvement (chapitre 9).
Chimiothérapie adjuvante
Adénocarcinome du corps ou de la queue La chimiothérapie adjuvante est ensuite indiquée pendant
du pancréas 6 mois. Elle est à débuter dans les 3 mois postopératoires,
Pour l'adénocarcinome du corps ou de la queue du pan- si possible, et chez tous les patients après résection d'un
créas, sera pratiquée une splénopancréatectomie gauche par adénocarcinome pancréatique, quels que soient les statuts
laparotomie avec un curage ganglionnaire. Une approche de T, N et R. Le standard actuel est une trichimiothérapie asso-
la droite vers la gauche de type RAMPS (radical antegrade ciant l'oxaliplatine, l'irinotécan et du 5-FU selon un schéma
modular pancreatosplenectomy) est fortement conseillée. FOLFIRINOX modifié. Si le patient est non éligible pour
La voie d'abord laparoscopique est une option dans cette le FOLFIRINOX (patient fragile, complication postopéra-
indication mais uniquement au cas par cas, pour les petites toire), il est possible de recourir à une monochimiothérapie
tumeurs du pancréas gauche (chapitre 9). par gemcitabine. La prescription de 5-FU (LV5-FU2 simpli-
Il faut rajouter qu'un examen pathologique extempo- fié) ou gemcitabine plus 5-FU oral (capécitabine) sera dis-
rané est systématique pour écarter un envahissement de la cutée au cas par cas et validée en RCP [28–30].
tranche de section pancréatique et éventuellement élargir
le geste. Par ailleurs, les indications de la pancréatectomie Tumeurs borderline
totale sont très rares et concernent les tumeurs intracana- Leur prise en charge doit se faire idéalement dans un centre
laires papillaires et mucineuses diffuses dégénérées ou une expert et si possible dans le cadre d'un essai clinique. En rai-
nouvelle tumeur (ou plus rarement une récidive locorégio- son du risque élevé de résection R1 (marges de résections
nale unique) localisée sur le pancréas restant. Enfin, si la envahies après analyse pathologique) et malgré l'absence
tumeur est résécable mais le malade non opérable, la prise d'étude de haut niveau de preuve, un traitement d'induction
en charge se fera comme une tumeur localement avancée est souvent préféré à une chirurgie d'emblée. La faisabilité
(essentiellement une chimiothérapie si l'état général le per- et la tolérance de celle-ci semblent correctes. Les taux de
met). Rappelons que le drainage biliaire sous CPRE (ou en résection R0, de réponses tumorales majeures, et de survie
cas d'échec par voie radiologique antérograde) au moyen prolongée dans le sous-groupe des malades opérés, sont
d'une prothèse métallique, courte de préférence, se fera prometteurs. Le but du traitement néoadjuvant est de trois
avant une chirurgie des tumeurs résécables uniquement s'il ordres :
existe une angiocholite, un taux de bilirubine totale supé- ■ avoir un temps d'observation suffisant (2 à 4 mois) pour
rieur à 250 μmol/L ou si la chirurgie est retardée (notamment identifier une tumeur agressive, avec une évolution
si un traitement néoadjuvant est décidé car un doute persiste métastatique précoce, qui ne relèvera pas d'une chirurgie
sur la résécabilité). d'exérèse (20 à 30 % des tumeurs borderline) ;
Le diagnostic anatomopathologique d'une résection R0 ■ obtenir une réponse tumorale pour augmenter les
requiert un examen précis des marges de résection et ce à chances de résection ultérieure de type R0 ;
l'aide d'un encrage multicolore effectué par le chirurgien ■ traiter précocement une possible maladie micrométasta-
et ce au niveau des trois marges de résection (VMS/VP, tique.
AMS et marge pancréatique postérieure). Une résection R0 Dans les essais en cours, cette stratégie d'induction
est définie comme l'existence d'une distance entre cellules se base le plus souvent sur une chimiothérapie à base de
tumorales et marge de résection supérieure à 1  mm. La FOLFIRINOX ou de gemcitabine plus nab-paclitaxel et chez
préparation de la pièce pour anatomopathologie doit être des patients en bon état général (PS de 0 ou 1). La nécessité
faite pour repérage des contacts vasculaires et repérage de de faire suivre cette chimiothérapie d'une chimioradiothé-
la voie biliaire principale. L'examen pathologique est éga- rapie (chimiothérapie à base de capécitabine) est actuelle-
lement standardisé. La pièce opératoire doit être classée ment discutée et non systématique. Il semblerait que celle-ci
selon les classifications histologiques de 2010 de l'OMS et augmente le taux de réponse histologique chez les patients
de 2017 de l'American Joint Committee on Cancer (AJCC) opérés avec résection de leur tumeur. Il est difficile d'évaluer
(Tableaux 6.4 et 6.5). la réponse tumorale après traitement d'induction par l'ima-
La mortalité après duodénopancréatectomie céphalique gerie. En effet, il persiste souvent un aspect infiltratif péri-
est de l'ordre de 3 % dans les centres spécialisés mais peut tumoral y compris au contact des vaisseaux qui ne préjugent
aller jusqu'à 10 %. La morbidité en rapport avec cette chirur- pas forcément d'une résécabilité future. En d'autres termes, la
gie est de l'ordre de 20 à 30 % (hémorragie, fistules, infec- corrélation entre la réponse radiologique et la réponse anato-
tions). Dans le cas de la splénopancréatectomie, les résultats mopathologique n'est pas bonne. Toutefois, la diminution de
sont meilleurs avec une mortalité inférieure à 2 % et une la taille tumorale, la meilleure visualisation du contact entre
morbidité de 12 % (chapitre 9). Pour les tumeurs non extir- la tumeur et les vaisseaux et/ou le rétablissement du calibre
pables, la chirurgie palliative de dérivation biliaire et/ou vasculaire doivent inciter à réaliser une exploration chirurgi-
digestive peut être proposée. Après résection, des séquelles cale en vue d'une résection R0. D'autres critères d'efficacité
184 Traité de pancréatologie

sont : l'absence d'apparition de métastases à distance et une nal-IRI (irinotécan nanoliposomal) après une 1re ligne par
diminution significative, voire une normalisation du taux de gemcitabine (en France, on ne dispose pas du rembourse-
CA 19.9 par rapport au taux mesuré en préthérapeutique. ment pour l'irinotécan nanoliposomal). Après une première
En cas de résection secondaire, un traitement adjuvant sera ligne par FOLFIRINOX, on proposera un protocole à base
discuté en RCP en fonction de l'état clinique du patient et de de gemcitabine. Des essais sont en cours pour valider l'uti-
l'analyse de la pièce d'exérèse [19]. lisation du nab-paclitaxel en 2e ligne de la prise en charge
La survie des patients traités par chirurgie puis chimio- de certaines formes particulières d'adénocarcinome pan-
thérapie adjuvante est de 15 à 20 % à 5 ans avec une sur- créatique, faisant appel à une caractérisation moléculaire
vie globale médiane allant de 20 à 35 mois, la survie sans des tumeurs et/ou de l'ADN constitutionnel des patients.
récidive médiane entre 10 et 12 mois et ce en fonction de Les tumeurs des patients porteurs d'une mutation germinale
certains facteurs comme le caractère R0 ou non, l'envahisse- des gènes BRCA1 ou BRCA2 (moins de 5 % des patients)
ment vasculaire ou non, l'état général postopératoire. sont plus sensibles aux dérivés de platine (et de façon plus
générale aux agents entraînant des lésions de l'ADN). Un
Tumeurs localement avancées essai récent a par ailleurs confirmé l'intérêt d'un inhibiteur
Le traitement de référence des adénocarcinomes locale- de PARP, l'olaparib (Lynparza®), en traitement d'entretien
ment avancés est la chimiothérapie qui, contrairement après réponse à une chimiothérapie à base de sel de platine
aux tumeurs borderline, ne doit pas prendre l'appellation (type FOLFIRINOX) dans cette population qui apporte
de « néoadjuvante » car la résection secondaire n'est pas la un gain substantiel de survie sans progression. En cas de
règle. Elle peut être tout de même envisagée dans certains fusion du gène NTRK (< 2 % des patients), le larotrectinib
cas favorables. On doit donc parler de chimiothérapie « d'in- et l'entrectinib (inhibiteur de la TRK [tropomyosin receptor
duction ». Cette chimiothérapie ne sera instituée que chez kinase]) peuvent être efficaces, en l'absence d'autres options
les patients en bon état général avec un PS compris entre 0 thérapeutiques [18–20, 32–35].
et 2. La gemcitabine est la chimiothérapie de référence. La Les autres formes d'adénocarcinome pancréatique
chimiothérapie par FOLFIRINOX (patients avec un PS de (comme l'adénocarcinome à cellules acineuses ou adénos-
0-1) ou gemcitabine plus nab-paclitaxel (PS de 0–2) reste quameux) et les cystadénocarcinomes relèvent des mêmes
une option. Une réévaluation de l'opérabilité potentielle en indications thérapeutiques.
cas de bonne réponse tumorale est de mise à chaque La survie médiane des patients porteurs d'un cancer du
contrôle. La chirurgie secondaire peut être proposée s'il y pancréas métastatique va de 8,5 à 11 mois pour la survie glo-
a une très bonne réponse (clinique, imagerie, CA  19.9), bale et de 5 à 6,5 mois pour la survie sans progression. La
avec absence d'apparition de métastases et chez un patient survie à 5 ans va de 0 à 2 %.
opérable. En cas de contrôle tumoral se pose le problème de Les principales indications de traitement chirurgical
l'option d'une chimioradiothérapie avec capécitabine après et de chimiothérapie sont colligées dans le tableau 6.6. La
au moins 3 à 6 mois de contrôle tumoral par chimiothérapie figure 6.24 résume la conduite à tenir au plan du traitement
systémique. Il s'agit d'une radiochimiothérapie de clôture de l'adénocarcinome pancréatique en fonction du stade en
qui requiert un avis d'experts à discuter en RCP chez des sachant que les essais cliniques sont encore et toujours à
patients sélectionnés [20, 31, 32]. privilégier.
Chez les patients avec un PS de 3-4, les soins de supports
exclusifs seront seuls proposés. Chez ces patients, le traite- Surveillance après traitement
ment endoscopique (prothèse biliaire et/ou duodénale) sera et conduite à tenir en cas de récidive
préféré à la chirurgie s'ils sont symptomatiques.
La survie médiane des patients porteurs de cancer du Après résection chirurgicale à visée curative
pancréas localement avancés est de 8 à 15 mois en ce qui Après résection chirurgicale à visée curative, une surveil-
concerne la survie globale et de 5 à 8 mois en ce qui concerne lance clinique et paraclinique peut être utile pour diagnosti-
la survie sans progression. La survie à 5 ans est de 11 %. quer précocement les récidives Elle s'appuie sur un examen
clinique, un dosage du taux de CA 19.9 sérique s'il était élevé
Tumeurs métastatiques au diagnostic et une TDM thoraco-abdomino-pelvienne,
tous les 3 mois pendant la période la plus à risque de réci-
Chez les patients pouvant recevoir une chimiothérapie, les
dive (2–3 ans) puis selon un rythme plus espacé tous les
indications dépendront de l'âge, du PS et du bilan hépatique.
6–12 mois jusqu'à 5 ans.
Pour un âge inférieur à 75 ans, un PS de 0–1 et un taux de bili-
rubine inférieur à 1,5 fois la normale, une chimiothérapie par
FOLFIRINOX ou gemcitabine plus nab-paclitaxel sera propo- Chez les patients sous chimiothérapie première
sée. En cas de PS de 2 et un taux de bilirubine supérieur ou Chez les patients sous chimiothérapie première, la surveil-
égal à 1,5 fois la normale ou en présence de comorbidités, la lance proposée pourrait être un examen clinique (douleur,
gemcitabine seule reste le standard. Pour ces mêmes patients, poids, signes obstructifs, etc.), un dosage du CA 19.9 sérique
et en l'absence de comorbidités, le traitement par 5-FU plus et une TDM thoraco-abdomino-pelvienne avec injection de
oxaliplatine (FOLFOX) reste une option. Chez les patients produit de contraste tous les 2 mois en situation néoadju-
avec un PF de 3 ou 4, seuls les soins de confort sont appliqués. vante ou d'induction, tous les 2 à 3 mois en situation avancée,
Les traitements de deuxième ligne ne s'appliquent qu'aux en particulier métastatique. En cas de récidive locorégionale
patients avec un PS si possible de type 0–1 : il s'agira d'une (30 %), le patient doit être traité selon le schéma des formes
chimiothérapie par 5-FU plus oxaliplatine ou par 5-FU plus non résécables.
Chapitre 6. Cancer du pancréas 185

Tableau 6.6 Principales indications thérapeutiques de 1re et 2e ligne de l'adénocarcinome pancréatique


en fonction du stade initial et du caractère progressif ou non (les écarts de médianes de survie sont aussi
donnés en fonction de ces différents stades).
Statut préthérapeutique de la 1re ligne 2e ligne Survie médiane
tumeur
Résécable Résection Traitement adjuvant : gemcitabine + capécitabine 26 mois
ou FOLFIRINOX
Non résécable borderline et/ Radiochimiothérapie Tumeur stable ou réponse: exploration chirurgicale 6–18 mois
ou non résécable localement néoadjuvante ou ou poursuite de la chimiothérapie
avancé (PS = 0/1) FOLFIRINOX Tumeur progressive : gemcitabine ou FOLFOX
Non résécable borderline et/ Gemcitabine FOLFOX ou nab-paclitaxel + gemcitabine or 6–8 mois
ou non résécable localement Soins palliatifs si PS > 2 irinotécan-nanoliposomal + 5-FU ou soins palliatifs
avancé (PS = 2)
Métastatique PS = 0/1 : FOLFIRINOX FOLFOX ou nab-paclitaxel + gemcitabine ou 6–11 mois
ou nab-paclitaxel + irinotécan-nanoliposomal + 5-FU ou soins palliatifs
gemcitabine
PS = 2 : gemcitabine
PS > 2 : soins palliatifs
PS : score de performance clinique (performance status).

ADÉNOCARCINOME DU PANCRÉAS

BILAN D'EXTENSION, RCP ± TRAITEMENT DE L'ICTÈRE

RÉSÉCABLE (15 à 20 %) NON RÉSÉCABLE (80 à 85 %)

LOCALEMENT MÉTASTATIQUE
CHIRURGIE BORDERLINE
AVANCÉ

TRAITEMENT
RÉSECTION R0-R1 NÉO-ADJUVANT CHIMIOTHÉRAPIE 1re LIGNE
(en fonction de l'âge et du PS)
ou ESSAI THÉRAPEUTIQUE
ou SOINS PALLIATIFS
CHIMIOTHÉRAPIE ADJUVANTE

CHIMIOTHÉRAPIE
2e ligne

Fig. 6.24 Schématisation de la prise en charge thérapeutique de l'adénocarcinome pancréatique en fonction du stade de la maladie.
RCP : réunion de concertation pluridisciplinaire ; PS : performance status.

Si la maladie est évolutive après une première ligne de leure prise en charge globale du patient (en particulier, les
chimiothérapie, se discutera, toujours en RCP, l'indication soins de support), une meilleure sélection pour la chirurgie et
ou non d'une 2e ligne. Dans le cadre des cancers localement les essais cliniques de chimiothérapie de phase 3. Néanmoins,
avancés, si après 6 mois de traitement la tumeur est stable, se rappelons que le taux de survie à 5 ans reste encore très faible.
discutera une radiothérapie dite « de clôture ». Sont donc importants à évaluer et à relever : l'âge, les
antécédents et comorbidités, le PS, l'état nutritionnel (en
particulier la perte de poids) et psychologique, la présence
Pronostic de l'adénocarcinome pancréatique de douleurs abdominales (en particulier solaires) dès le dia-
Il faut rappeler que le bilan préthérapeutique est primordial gnostic, le bilan d'opérabilité. Le taux de CA 19.9 peut aussi
(encadré 6.10) pour évaluer les possibilités thérapeutiques apporter une information pronostique dans deux circons-
du cancer du pancréas. Même si cet arsenal thérapeutique est tances : lorsqu'il est inférieur à 200 U/mL, il aide à prédire la
encore assez limité, le fait de traiter le patient influence mal- résécabilité d'une tumeur ou, au contraire, un dépassement
gré tout le pronostic. En effet, même si les progrès de la prise de 1 000 U/mL suggère fortement son caractère métastatique.
en charge ne sont pas à la hauteur de ce que l'on voudrait, la Pour ce qui est des tumeurs résécables, le pronostic est
survie des patients a été doublée en 20 ans grâce à une meil- principalement déterminé par les facteurs liés à la tumeur :
186 Traité de pancréatologie

son diamètre, sa différenciation, l'existence d'un envahisse-


ment ganglionnaire et/ou des marges chirurgicales (statut Encadré 6.11. Éléments du pronostic
N0, N1, R0 ou R1). D'autre part, sont de bon pronostic : l'ad- du cancer du pancréas
ministration d'une chimiothérapie adjuvante suivie de résec-
tion, la normalisation du taux de CA 19.9 au cours du suivi Facteurs liés au patient
postopératoire (si ce dernier était élevé en préopératoire) ■
L'âge et les antécédents sont des facteurs importants car ils
ou sa diminution sous chimiothérapie ou radiothérapie. conditionnent la chirurgie et la chimiothérapie (en particulier
Il faut souligner que l'âge n'est pas un critère pour récuser d'importantes comorbidités).
les patients dans le cadre d'une chirurgie à visée curative. ■
Le score de performance clinique.
En effet, chez les patients âgés, la faisabilité et l'efficacité ■
L'état nutritionnel et mental.
sur la survie de la chirurgie pancréatique d'exérèse ont été ■
La présence de douleurs abdominales « volontiers solaires »
bien démontrées (y compris chez des patients âgés de plus dès le début de la maladie.
de 80 ans). En revanche, et même lorsque la chirurgie peut ■
Un amaigrissement de plus de 10 % du poids du corps.
techniquement être réalisée, il est justifié d'y renoncer chez ■
Un taux d'albumine inférieur à 35 g/L.
les patients présentant des comorbidités lourdes, un PS altéré ■
La survenue d'une maladie thromboembolique après le
(> 2) ou une dénutrition sévère malgré des soins de support diagnostic de la maladie.
optimaux, et ce quel que soit l'âge de ces patients [19, 20].
La survie des cancers du pancréas opérés (et réséqués) Facteurs liés à la tumeur
est exprimée en survie sans récidive, survie globale et survie ■
Le caractère résécable ou non.
médiane et parfois en pourcentage de survie. Cette survie ■
La taille de la tumeur.
a été significativement augmentée depuis ces dix dernières ■
La présence de métastases et le nombre de sites atteints.
années grâce encore une fois à la meilleure sélection des ■
Le caractère N1 et R1 d'une tumeur réséquée.
patients pour une chirurgie curative mais aussi à la chimio- ■
Un taux de CA  19.9 sérique supérieur à 1 000  U/L en
thérapie adjuvante. Les chiffres à ce jour sont les suivants : l'absence de cholestase.
chez les patients avec un score clinique (0–1) autorisant une
Facteurs liés au parcours du patient
chimiothérapie par FOLFIRINOX, la survie médiane sans
récidive et la survie globale sont de respectivement 21 et ■
Prise en charge dans un centre expert ou non.
54 mois. Ces chiffres sont inférieurs avec la gemcitabine ou ■
Délai d'obtention du bilan d'extension et de l'histologie.
la gemcitabine plus la capécitabine mais s'adressant à tous les ■
Délai de mise en œuvre du traitement.
patients (quel que soit le score de performance clinique) et ■
Qualité des soins de support.
pouvant recevoir une chimiothérapie : survie médiane sans
récidive et survie globale de respectivement 13 et 26 mois.
Quoi qu'il en soit, la chimiothérapie adjuvante apporte un % de survie
bénéfice de survie quel que soit le stade T, N ou R à l'analyse 100
de la pièce de résection.
En ce qui concerne les tumeurs avancées, qu'elles soient
localement avancées ou métastatiques, les facteurs liés au 75 TRAITEMENT
patient (cf. supra) et au volume tumoral (tumeur primitive CURATIF
et métastases) jouent un rôle pronostique majeur. En effet,
l'altération de l'état général (PS ≥ 2), un âge supérieur à
65 ans, une albuminémie inférieure à 35 g/L, une qualité de 50
vie altérée, une baisse du poids du corps de plus 10 %, la
présence de métastases synchrones et leur localisation hépa-
tique, le nombre de sites métastatiques et un taux sérique 25
élevé de CA 19.9, la survenue d'une maladie thromboem- TRAITEMENT
bolique après le diagnostic sont associés négativement à la PALLIATIF
0
survie. Si l'état général, l'état nutritionnel, le bilan hématolo-
gique et hépatique le permettent, la chimiothérapie pourra 10 20 30 40 50 mois
être appliquée. Cette dernière a amélioré le pronostic des
Fig. 6.25 Représentation des courbes de survie de l'adénocarci-
tumeurs localement avancées. Les chiffres s'inscrivent ainsi : nome pancréatique en 2020. Courbe continue : patients traités de
survie médiane sans progression de 5 à 6 mois (tumeurs façon palliative pour un cancer localement avancé et/ou métastatique
localement avancées), survie médiane globale de 7 à (traitement de l'obstruction biliaire et digestive et chimiothérapie, soins
12 mois. Les principaux éléments du pronostic du cancer du de supports ou soins palliatifs) ; courbe en pointillé : patients opérés à
pancréas sont colligés dans l'encadré 6.11. visée curative suivie d'une chimiothérapie adjuvante.
La figure 6.25 matérialise la survie actuelle des patients
atteints d'un cancer du pancréas qu'ils soient traités de façon
palliative (localement avancés ou métastatiques) ou cura-
Essais cliniques
tive (chirurgie d'exérèse plus chimiothérapie adjuvante). et innovations thérapeutiques
Les principaux chiffres de survie en fonction du stade de la Au moment de la rédaction de cet ouvrage, certains essais
tumeur sont colligés dans l'encadré 6.12. thérapeutiques sont en cours de réalisation, en particulier
Chapitre 6. Cancer du pancréas 187

BRCA2 (augmentation de la survie sans progression lorsque


Encadré 6.12. Chiffres de survie du cancer le traitement est administré en entretien de la chimiothéra-
du pancréas en fonction du stade pie par sels de platine – essai POLO). Même si la propor-
tion de ces patients est faible (moins de 5 %), c'est un bon
Cancers résécables ou borderline et réséqués exemple de traitement « à la carte » ouvrant d'autres perspec-

Survie à 5 ans : 15 à 20 %. tives dans le cadre de ce cancer où l'arsenal thérapeutique

Survie médiane globale : 20 à 35 mois. est encore pauvre (encadré 6.13). En effet, les gènes BRCA1

Survie médiane sans récidive : 10 à 12 mois. et BRCA2 encodent des protéines impliquées notamment
dans la transcription, la régulation du cycle et la réparation
Cancers localement avancés non résécables d'ADN, lors de cassures double brin, par le mécanisme de la

Survie à 5 ans : 11 %. réparation par recombinaison homologue. En cas de déficit

Survie médiane globale : 8 à 15 mois. par mutation BRCA de ces protéines, le relais est pris par

Survie médiane sans progression : 5 à 8 mois. des voies alternatives nettement moins stables sur le plan
génomique ; découle de cette mutation un potentiel carcino-
Cancers métastatiques
gène. La mutation des gènes BRCA1 et BRCA2 confère donc

Survie à 5 ans : 0 à 2 %. une instabilité génomique rendant aussi théoriquement les

Survie médiane globale : 8,5 à 11 mois. tumeurs sensibles aux sels de platine (incluant oxaliplatine),

Survie médiane sans récidive : 5 à 6,5 mois. agents alkylants se liant à l'ADN. La cellule possède néan-
* Chiffres en fonction de l'état général, des comorbidités, du moins des mécanismes de compensation en cas de déficit
caractère R0 ou R1 en cas de résection, etc. (encadré 6.11). de réparation de l'ADN. Parmi ces mécanismes, il existe
l'effet des PARP enzymes qui, comme les protéines BRCA,
sont impliquées dans la réparation de l'ADN pour les cas-
sous la houlette de groupes coopérateurs français. Les prin- sures simple brin. Ces voies de réparation de l'ADN sont
cipaux essais sont cités et choisis car ils modifieront peut- complémentaires et si l'une des voies est déficiente et que
être la pratique future. l'on bloque l'autre, on aboutit, par le phénomène de létalité
synthétique, à la mort cellulaire par apoptose. C'est le but de
Chimiothérapie l'utilisation des inhibiteurs de PARP pour le traitement des
En ce qui concerne les cancers opérables et résécables tumeurs avec mutation constitutionnelle (voire somatique)
d'emblée, un essai vise à évaluer la toxicité et l'efficacité des BRCA1 ou BRCA2 comme le cancer du pancréas [36].
de deux types de chimiothérapies néoadjuvantes telles que D'autres thérapies ciblées sont développées à l'échelle
FOLFIRINOX et FOLFOX (phase  II, essai PANACHE- préclinique (cellule ou animal) et clinique (phases pré-
PRODIGE 48). En ce qui concerne les tumeurs borderline, coces). Il s'agit, par exemple, du ciblage de KRAS avec des
l'essai PANDA vise à évaluer l'efficacité du FOLFIRINOX approches très variées comme l'interférence ARN, la vac-
modifié (Tableau 6.6) suivi ou non d'une radiochimiothéra- cination, les inhibiteurs de farnésyl transférase, les petites
pie concomitante sur la résécabilité et le pronostic (phase II, molécules inhibant les liaisons SOS-RAS ou la protéine
essai PRODIGE 44). Pour les tumeurs localement avancées, RAS mutée. D'autres thérapies ciblées visent les systèmes
même si pour les patients avec un bon score de performance de transduction activés par RAS avec les inhibiteurs de la
clinique le protocole FOLFIRINOX est souvent appliqué cascade RAF-MEK-ERK, les inhibiteurs de PI3K, AKT ou
en pratique, l'essai NEOPAN (phase  III, PRODIGE  29) mTOR, les inhibiteurs de RAL.
conclura ou non si ce protocole est réellement supérieur à
la gemcitabine seule. Pour ce qui est des tumeurs métas- Immunothérapie
tatiques, de multiples essais évaluant l'intérêt d'une thé- Même si les premiers essais d'immunothérapie ont été déce-
rapie ciblée en association ou en relais d'une 1re ligne par vants, des approches précliniques et de phases précoces cli-
FOLFIRINOX chez les patients en bon état général sont en niques sont développées. Il s'agit de l'immunothérapie non
cours. Certains essais ciblent des anomalies moléculaires spécifique par administration d'IL-10, de TLR ligand (Toll-like
des cellules cancéreuses, d'autres ciblent le microenvironne- receptors) ou d'inhibiteurs d'IDO. L'immunothérapie spéci-
ment tumoral (CAF, etc.) et/ou le système immunitaire avec fique fait appel à des stratégies d'anticorps monoclonaux (anti-
des stratégies de combinaison thérapeutique car les essais mésothéline, -MUC1, -HER2, -EGFR, -VEGFR, -PD-L1), de
d'immunothérapie par anti-PD1 ont déçu dans le cancer du stratégie vaccinale par des peptides ou des lysats cellulaires/
pancréas. bactériens (exemples : OSE2101 [Tedopi®] ou mélange d'épi-
topes et d'antigène tumoraux, GV1001 ou peptide de la télo-
Thérapies ciblées mérase, GVAX ou cellules tumorales exprimant le GM-CSF).
Inhibiteurs de PARP Enfin, l'immunothérapie adoptive fait appel aux CART-cells et
Dans le cadre de cancers avec mutations germinales et consiste à transférer génétiquement des cellules modifiées avec
somatiques de BRCA1 et BRCA2, il a été observé une meil- un récepteur antigénique chimérique. Dans le cas du cancer
leure sensibilité non seulement aux sels de platine mais aux du pancréas, l'antigène candidat est la mésothéline.
inhibiteurs de la PARP, comme l'olaparib. Un essai récent
appliquant ces observations dans le cancer du pancréas a Ciblage du microenvironnement
montré un effet suspensif de cet inhibiteur administré chez Le microenvironnement peut être ciblé via soit des inhibi-
des patients porteurs de la mutation germinale de BRCA1 ou teurs des voies moléculaires régulant la fonction des cellules
188 Traité de pancréatologie

Encadré 6.13. Pourquoi traiter les patients Encadré 6.14. Quel est l'intérêt de la biopsie
atteints du cancer du pancréas par des liquide dans le cas du cancer du pancréas ?
inhibiteurs de PARP ?
Définition de la biopsie liquide

Les gènes BRCA1 et BRCA2 encodent des protéines
impliquées notamment dans la transcription, la régulation du

Prélèvement de sang périphérique le plus souvent ou d'autres
cycle et la réparation d'ADN, lors de cassures double brin, par liquides corporels (urine, liquide céphalorachidien, salive)
le mécanisme de la réparation par recombinaison homologue. dans le but d'y analyser des composants tumoraux.
En cas de déficit par mutation BRCA de ces protéines, le relais Que peut-on rechercher et mettre en évidence ?
est pris par des voies alternatives nettement moins stables sur ■
Les fragments libres d'ADN (cfDNA), présents dans le plasma
le plan génomique ; découle de cette mutation un potentiel
pouvant provenir de cellules non tumorales et/ou tumorales.
carcinogène. ■
L'ADN tumoral circulant (ctDNA), qui correspond à la fraction

La mutation des gènes BRCA1 et BRCA2 confère donc une
de cfDNA qui provient de la tumeur et qui reflète ainsi les
instabilité génomique rendant aussi théoriquement les
altérations moléculaires spécifiques à celle-ci : dans le cas du
tumeurs sensibles aux sels de platines (incluant l'oxaliplatine),
cancer du pancréas, c'est la recherche de mutation de KRAS
agents alkylants se liant à l'ADN.
qui est appliquée par ddPCR (droplet digital polymerase

La cellule possède des mécanismes de compensation en cas
chain reaction).
de déficit de réparation de l'ADN. ■
Les cellules tumorales circulantes (CTC) isolées ou en

Parmi ces mécanismes, existe l'effet des PARP enzymes
petits agrégats (clusters), s'étant détachées activement
qui, comme les protéines BRCA, sont impliquées dans la
ou passivement de la masse tumorale pour entrer dans la
réparation de l'ADN pour les cassures simple brin.
circulation sanguine.

Ces voies de réparation de l'ADN sont complémentaires et ■
Les exosomes sont des microvésicules produites par les
si l'une d'elles est déficiente et que l'on bloque l'autre, on
cellules (non tumorales et tumorales) par exocytose, pouvant
aboutit, par le phénomène de létalité synthétique, à la mort
contenir différentes protéines et acides nucléiques (ARN,
cellulaire par apoptose.
ADN, miR).

C'est le but de l'utilisation des inhibiteurs de PARP pour le
traitement des tumeurs avec mutation constitutionnelle Cas particulier du cancer du pancréas
(voire somatique) des BRCA1 ou BRCA2. ■
L'intérêt dans le diagnostic et le dépistage est encore limité

Ces médicaments exploitent donc ce « talon d'Achille » des car si la sensibilité est satisfaisante dans le cas de tumeurs
cellules cancéreuses  : elles sont de plus susceptibles d'être métastatiques, cette dernière chute pour les tumeurs petites
synergiques avec des agents entraînant des cassures de l'ADN et/ou résécables.
comme la radiothérapie, les inhibiteurs de topo-isomérase I ■
L'intérêt pronostique a été, par contre, souligné par plusieurs
ou des agents alkylants comme les sels de platine. études, en particulier par le dosage des exosomes et des
cellules tumorales circulantes.

Le diagnostic de récidive postopératoire et le suivi post-
thérapeutique par la biopsie liquide sont aussi un enjeu
étoilées, des fibroblastes associés au cancer, soit de la tran-
important dans le cancer du pancréas.
sition épithéliomésenchymateuse comme les inhibiteurs de
SHH, de NOTCH ou les analogues stables de la somatos-
tatine. Le microenvironnement peut aussi être ciblé via la
dissociation de la matrice extracellulaire comme la hyaluro- la tumeur. Il existe une hétérogénéité entre les méthodes uti-
nidase (PEGPH20 ou hyaluronan). lisées pour isoler les éléments tumoraux circulants ainsi que
les cibles choisies pour leur identification. Il est rapporté que
les performances pour le diagnostic du cancer du pancréas
Que peut apporter la recherche varient en fonction de la technique mais aussi du stade de
pour améliorer le pronostic la maladie : 30 à 50 % des tumeurs résécables sont positives
du cancer du pancréas ? contre 50 à 100 % de cas positifs pour les cancers localement
avancés et/ou métastatiques. Une valeur pronostique signi-
Pour le diagnostic ficative est démontrée dans 50 à 70 % des études cliniques,
Les biopsies liquides ont un potentiel non négligeable dans quel que soit le type de biopsie liquide. Les grandes études
le cadre du diagnostic. En effet, ce sont des biomarqueurs prospectives sur des cohortes homogènes de patients font
non invasifs libérés dans le sang circulant ou d'autres milieux défaut. Une façon d'améliorer les performances diagnos-
biologiques (salive, urine, etc.) (encadré 6.14). Des études tiques et pronostiques serait d'utiliser une approche techno-
pilotes ont été menées chez des patients porteurs d'un cancer logique combinée pour la détection des cellules tumorales
du pancréas afin d'évaluer l'intérêt et la valeur diagnostique circulantes, des exosomes et de l'ADN tumoral circulant.
de la détection des éléments tumoraux circulants tels les Il faut noter que les biopsies liquides font déjà partie de la
cellules tumorales circulantes, l'ADN tumoral circulant sans pratique clinique courante dans le cadre des cancers du pou-
cellules (au moyen de la recherche de la mutation KRAS), mon ou des cancers du sein [37].
les exosomes (vésicules extracellulaires transportant ADN, D'autre part, les études à large échelle de transcrito-
ARN et protéines tumorales) ou les plaquettes induites par mique, génomique et épigénomique ont certes permis
Chapitre 6. Cancer du pancréas 189

d'établir l'hétérogénéité moléculaire des cancers du pan- Ces résultats encourageants nous incitent toutefois à
créas avec des composantes reflétant un pronostic très maintenir une recherche active dans ce domaine.
différent. Néanmoins, ces études ont été menées pour la Enfin, soulignons le rôle important des soins de support
plupart à partir de cancers réséqués et sont difficilement pour les patients et l'entourage pour l'amélioration d'un des
applicables en pratique courante du fait de la complexité et piliers de la pris en charge : la qualité de vie.
du coût de ces analyses. L'avenir appartient très certaine-
ment à l'application de techniques de type NGS, réalisées
à partir de biopsies de tumeur primaires ou métastases en Compléments en ligne
faisant un choix de marqueurs bien précis pouvant aider au Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Ils
diagnostic, pronostic et choix thérapeutique. La recherche sont indiqués dans le texte par un picto . Ils proposent des
de mutation KRAS et celle de BRCA1 et BRCA2 est à inté- figures et une vidéo compémentaires. Pour voir ces complé-
grer d'ores et déjà dans ce panel. ments, connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/
e-complement/477623 et suivez les instructions.
Pour le traitement
Fig. e6.1 Cytoponction sous échoendoscopie de l'ascite dans le
Les nouvelles cibles thérapeutiques sont certes détectées lors cadre d'un adénocarcinome pancréatique avec carcinose périto-
des études moléculaires dites « à large échelle » mais elles néale. L'ascite est désignée par des étoiles blanches. FG : foie gauche.
doivent être avant tout caractérisées et testées à l'échelle Fig.  e6.2 Cytoponction sous échoendoscopie d'un adénocarci-
cellulaire et des modèles animaux pertinents, en particulier nome pancréatique atypique avec renforcement postérieur des
transgéniques. C'est le rôle de la recherche fondamentale qui échos évoquant en premier lieu une TNE. Le renforcement posté-
établit la preuve de concept de futurs médicaments. À titre rieur est montré par les étoiles blanches.
d'exemple, des études récentes effectuées sur des modèles Fig. e6.3 Mise en place d'une prothèse duodénale pour sténose
animaux ont prouvé le rôle du microenvironnement et de tumorale symptomatique et dans le cadre de la prise en charge
ses composantes en ciblant la voie de SHH qui, par son palliative d'un cancer de la tête du pancréas. A. Repérage par le
coloscope, le patient est déjà porteur d'une prothèse métallique biliaire
inhibition, améliore la biodistribution et la biodisponibilité
(flèche en pointillé avec aérobilie). B. Opacification du deuxième duo-
intratumorale de la chimiothérapie, le stroma lui-même par dénum, la sténose est objectivée par la flèche blanche. C.  Mise en
administration de hyaluronidase et le knock-out moléculaire place du kit de prothèse au travers de la sténose grâce à un fil-guide
de la PI3kinase (invalidation de l'expression de la PI3K par et sous contrôle endoscopique et radioscopique. D. La prothèse com-
transgenèse de soustraction) qui vont réduire « la barrière mence à être larguée sous contrôle radioscopique au niveau de sa por-
stromale tumorale » et améliorer le pronostic, les vaisseaux tion distale (flèche en pointillé). E. La prothèse est totalement ouverte
via les inhibiteurs de l'angiotensine qui améliorent l'effet de (flèche en pointillé). F.  Opacification de la prothèse avec franchisse-
la chimiothérapie, la sécrétion des cellules étoilées pancréa- ment/ouverture de la sténose (flèche blanche).
tiques qui, quand elle est inhibée, voit l'effet thérapeutique Fig. e6.4 Algorithme de prise en charge thérapeutique du cancer
de la gemcitabine amélioré. du pancréas localement avancé.
D'après Neuzillet C, Gaujoux S, Williet N, Bachet JB, Bauguion L,
Colson Durand L et al. Thésaurus national de cancérologie digestive
Conclusion (TNCD). Dig Liver Dis 2018 ; 50 : 1257-71.
Fig. e6.5 Algorithme de prise en charge thérapeutique du cancer
Même si les progrès de l'imagerie, des traitements cyto- du pancréas métastatique. PS : performance status.
toxiques et de la chirurgie ont été conséquents durant ces D'après Neuzillet C, Gaujoux S, Williet N, Bachet JB, Bauguion L,
vingt dernières années, nous manquons de marqueurs bio- Colson Durand L et al. Thésaurus national de cancérologie digestive
(TNCD). Dig Liver Dis 2018 ; 50 : 1257-71.
logiques et de traitements efficaces et ciblés pour améliorer
Fig.  e6.6 Résultat d'une cytoponction sous échoendoscopie
de façon très significative le pronostic du cancer du pan- d'une masse tissulaire pancréatique : la microbiopsie qui est dans
créas. Néanmoins, les progrès réalisés sont les suivants : le formol (flèche noire) est considérée comme de bonne qualité
■ identification de groupes de patients et de lésions pré- technique car suffisamment abondante et non hémorragique.
cancéreuses (TIPMP) à risque qui pourront bénéficier vidéo. e6.1 Cytoponction sous échoendoscopie d'un adénocar-
d'une imagerie précise et des prélèvements réalisés sous cinome pancréatique.
échoendoscopie ;
■ classification initiale des tumeurs et évaluation du statut
du patient qui permet de les orienter rapidement vers une Références
stratégie de prise en charge actuellement bien établie ; [1] Ryan DP, Hong TS, Bardeesy N. Pancreatic adenocarcinoma. N Engl J
■ cette stratégie est mise en œuvre par une équipe multidis- Med 2014 ;371:1039–49.
ciplinaire, ce qui doit faire privilégier la prise en charge [2] Bouvier AM, Uhry Z, Jooste V, Drouillard A, Remontet L, Launoy
d'un patient atteint de cancer du pancréas par un centre G, et al. Focus on an unusual rise in pancreatic cancer incidence in
référent pour cette pathologie ; France. Int J Epidemiol 2017 ;46:1764–72.
■ chimiothérapie, même classique (incluant gemcitabine et [3] Rahib L, Smith BD, Aizenberg R, Rosenzweig AB, Fleshman JM,
FOLFIRINOX nab-paclitaxel), qui a permis depuis vingt Matrisian LM. Projecting cancer incidence and deaths to 2030: The
ans une amélioration de la survie, passant de 6 à 12 mois unexpected burden of thyroid, liver, and pancreas cancers in the
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pour les patients métastatiques, de 8 à 18 mois pour les
[4] de Mestier L, Védie AL, Salfati D, Rebours V, Hammel P. Cancer du
patients porteurs de tumeurs localement avancés et de 17 pancréas : causes, formes génétiques et dépistage. Hépato-Gastro
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190 Traité de pancréatologie

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190.e1 Traité de pancréatologie

FG

Fig.  e6.1 Cytoponction sous échoendoscopie de l'ascite dans Fig.  e6.2 Cytoponction sous échoendoscopie d'un
le cadre d'un adénocarcinome pancréatique avec carcinose adénocarcinome pancréatique atypique avec renforcement
péritonéale. L'ascite est désignée par des étoiles blanches. FG : foie postérieur des échos évoquant en premier lieu une TNE. Le
gauche. renforcement postérieur est montré par les étoiles blanches.

A B C

D E F
Fig.  e6.3 Mise en place d'une prothèse duodénale pour sténose tumorale symptomatique et dans le cadre de la prise en charge
palliative d'un cancer de la tête du pancréas. A. Repérage par le coloscope, le patient est déjà porteur d'une prothèse métallique biliaire
(flèche en pointillé avec aérobilie). B. Opacification du deuxième duodénum, la sténose est objectivée par la flèche blanche. C. Mise en place du
kit de prothèse au travers de la sténose grâce à un fil-guide et sous contrôle endoscopique et radioscopique. D. La prothèse commence à être
larguée sous contrôle radioscopique au niveau de sa portion distale (flèche en pointillé). E. La prothèse est totalement ouverte (flèche en pointillé).
F. Opacification de la prothèse avec franchissement/ouverture de la sténose (flèche blanche).
190.e2 Traité de pancréatologie

ADÉNOCARCINOME DU PANCRÉAS LOCALEMENT AVANCÉ

ÉLIGIBLE POUR UNE CHIMIOTHÉRAPIE ?

OUI
NON

CHIMIOTHÉRAPIE : GEMCITABINE
Options : FOLFIRINOX – GEMCITABINE + nab-PACLITAXEL
SOINS DE SUPPORT

TUMEUR CONTROLÉE ?

NON OUI

POURSUITE CHIMIOTHÉRAPIE
SI RÉSÉCABLE : CHIRURGIE

TUMEUR CONTROLÉE ?
CHIMIOTHÉRAPIE
2e ligne NON OUI

PAUSE

Fig. e6.4 Algorithme de prise en charge thérapeutique du cancer du pancréas localement avancé.


D'après Neuzillet C, Gaujoux S, Williet N, Bachet JB, Bauguion L, Colson Durand L et al. Thésaurus national de cancérologie digestive (TNCD). Dig
Liver Dis 2018 ; 50 : 1257-71.

ADÉNOCARCINOME DU PANCRÉAS MÉTASTATIQUE

PS 2 ET/OU bilirubine > 1,5 N


PS 0-1 ET bilirubine < 1,5 N PS 3-4
ET/OU CO-MORBIDITÉS

CHIMIOTHÉRAPIE: FOLFIRINOX
CHIMIOTHÉRAPIE :GEMCITABINE SOINS DE SUPPORT
ou GEMCITABINE + nab-PACLITAXEL

PROGRESSION ET PS 0-1 PROGRESSION ET PS 2


PS 3-4

CHIMIOTHÉRAPIE CHIMIOTHÉRAPIE
e e
2 ligne 2 ligne
GEMCITABINE ou À BASE DE 5 FU
CHIMIOTHÉRAPIE À BASE DE 5 FU
(FOLFOX –LV5FU2)
ESSAI THÉRAPEUTIQUE

Fig. e6.5 Algorithme de prise en charge thérapeutique du cancer du pancréas métastatique.


PS : performance status. D'après Neuzillet C, Gaujoux S, Williet N, Bachet JB, Bauguion L, Colson Durand L et al. Thésaurus national de
cancérologie digestive (TNCD). Dig Liver Dis 2018 ; 50 : 1257-71.
190.e3 Traité de pancréatologie

Fig.  e6.6 Résultat d'une cytoponction sous échoendoscopie


d'une masse tissulaire pancréatique : la microbiopsie qui est dans
le formol (flèche noire) est considérée comme de bonne qualité
technique car suffisamment abondante et non hémorragique.
Chapitre
7
Tumeurs neuroendocrines
pancréatiques
PLAN DU CHAPITRE
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191 Imagerie isotopique métabolique
Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191 par TEP au 18FDG . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207
Épidémiologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192 Autres techniques d'imagerie isotopique . . . . 209
Facteurs de risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192 Diagnostic différentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
Classifications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192 À l'étape clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
Rôle de l'anatomopathologie À l'étape paraclinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210
dans la prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194 Traitement des tumeurs neuroendocrines
Pronostic des TNE pancréatiques . . . . . . . . . . . 194 pancréatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210
Tableaux cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210
TNE pancréatiques non fonctionnelles . . . . . . . 195 Traitement des symptômes liés
TNE pancréatiques fonctionnelles. . . . . . . . . . . 195 aux sécrétions hormonales . . . . . . . . . . . . . . . . 212
Cas particulier des NEM1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197 À propos de la chirurgie des TNE digestives . . . 212
Examens complémentaires pour le diagnostic Traitement des TNE pancréatiques
et la prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198 différenciées non métastatiques . . . . . . . . . . . . 212
Examens biologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198 Traitement des TNE digestives
Examens d'imagerie et endoscopiques . . . . . . . . 199 différenciées métastatiques. . . . . . . . . . . . . . . . 213
Échographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 Traitement des tumeurs neuroendocrines
Tomodensitométrie (TDM). . . . . . . . . . . . . . . . . 199 pancréatiques de haut grade
IRM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202 (TNE G3 et CNE) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215
Endoscopie et échoendoscopie digestive . . . . . 202 Surveillance après traitement . . . . . . . . . . . . . . 216
Imagerie isotopique des récepteurs de la Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217
somatostatine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
Tomographie par émission de positons
(TEP) aux analogues de la somatostatine
marqués au gallium 68 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207

Introduction variable, d'évolution lente mais avec un potentiel d'évolu-


tivité locorégionale ou métastatique. Les survies observées
Définition sont longues, même en situation métastatique. Certaines
Les tumeurs neuroendocrines (TNE) sont des tumeurs pri- TNE pancréatiques s'intègrent dans des syndromes de
mitives pancréatiques rares, développées aux dépens des prédisposition familiale. Les spécificités de ce groupe de
îlots endocrines du pancréas (islet cell endocrine tumors). tumeurs justifient une prise en charge spécialisée, une
Elles appartiennent au groupe des tumeurs gastro-entéro- relecture anatomopathologique (dans le cadre du réseau
pancréatiques dérivant de l'endoderme ou du neuroecto- TENpath, réseau national de référence pour le diagnostic
derme. Elles sont caractérisées par leur capacité à produire anatomopathologique des TNE) et une discussion des dos-
des peptides hormonaux tels que l'insuline, la gastrine ou le siers en réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP)
glucagon. On distingue les tumeurs fonctionnelles, lorsque dédiées (RCP RENATEN, réseau national de référence pour
cette production hormonale est responsable de symptômes, la prise en charge des TNE) [1]. C'est l'exemple même d'une
des tumeurs non fonctionnelles en l'absence de symptôme « médecine » pluridisciplinaire car faisant intervenir à tout
lié à une hypersécrétion. Les TNE fonctionnelles et non moment du « parcours patient » les oncologues, les patholo-
fonctionnelles représentent respectivement 20 et 80 % des gistes, les radiologues, les chirurgiens, les hépatogastroen-
TNE pancréatiques. Il s'agit d'un groupe de tumeurs hété- térologues, les endocrinologues, les praticiens de médecine
rogènes, le plus souvent bien différenciées, de pronostic nucléaire et les généticiens.

Traité de pancréatologie
© 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 191
192 Traité de pancréatologie

Épidémiologie côlon et rectum → pancréas → autres. Les TNE pancréa-


Les TNE pancréatiques sont des tumeurs rares mais dont tiques sont au 4e rang par ordre de fréquence ; cependant,
l'incidence a augmenté au cours des dernières décennies. elles sont associées à un taux de survie à 10 ans moins
L'incidence actuelle est de l'ordre de 0,6 cas par an pour favorable que les autres tumeurs (de l'intestin grêle et de
100 000 habitants. L'augmentation de l'incidence observée l'appendice notamment) [2, 3].
est en grande partie liée à une amélioration des capacités de
détection de ces tumeurs en imagerie et à l'augmentation de Facteurs de risque
l'incidence des TNE de découverte fortuite (dits « incidenta- Des facteurs de risque ont été identifiés dans la survenue
lomes pancréatiques »). des TNE pancréatiques : antécédent familial de cancer au
L'âge moyen au moment du diagnostic est de 67 ans, premier degré (RR = 2,19), tabagisme actif (RR = 1,34),
avec une prédominance masculine (plus de 52  % alcoolisme chronique (RR = 2,44) et diabète (RR = 2,76).
d'hommes). Les TNE pancréatiques représentent moins L'obésité, quant à elle, n'a pas été formellement identifiée
d'1 % de toutes les tumeurs digestives et environ 20 % de comme un facteur de risque.
l'ensemble des TNE digestives. Les sites les plus fréquem- Dans 5 % des cas, les TNE pancréatiques surviennent
ment touchés sont représentés sur le tableau  7.1 avec, dans un contexte familial héréditaire. Il s'agit essentiel-
par ordre de fréquence : intestin grêle → appendice → lement de la néoplasie endocrinienne multiple de type 1
(NEM1) et de la maladie de von  Hippel-Lindau (VHL).
Tableau 7.1 Incidence des TNE en fonction Dans ce contexte, les TNE pancréatiques sont souvent mul-
de leur localisation. tifocales et sont marquées par un risque élevé de récidive
dans le pancréas restant après résection chirurgicale. Elles
Localisation Ratio des TNE digestives semblent cependant moins agressives comparées aux TNE
Grade bas/ Haut grade Total pancréatiques sporadiques. Le tableau 7.2 résume les quatre
intermédiaire syndromes de prédisposition génétique dans les TNE pan-
Intestin grêle 31,7 % 0,1 % 31,8 % créatiques : NEM1, VHL (chapitre 8), neurofibromatose de
type 1 (NF1, maladie de von Recklinghausen) et sclérose
Côlon/rectum 19,1 % 1,8 % 20,9 %
tubéreuse de Bourneville [2, 3].
Appendice 20,1 % 0,02 % 20,2 %
Pancréas 16,1 % 1,0 % 17,1 %
Classifications
Estomac 6,1 % 0,8 % 7,0 % La nouvelle classification de l'Organisation mondiale de la
Foie/voies 1,4 % 0,3 % 1,7 % santé (OMS) publiée en 2017 repose sur la différenciation
biliaires cellulaire (morphologie cellulaire) et le grade tumoral. Le
Œsophage 0,6 % 0,8 % 1,4 % grade histopronostique est défini par l'indice mitotique
TNE : tumeur neuroendocrine.
(nombre de mitoses pour 10 champs à fort grossissement)
et l'index de prolifération Ki67 correspondant au pourcen-

Tableau 7.2 Les syndromes de prédisposition génétique dans les TNE pancréatiques.
Nom Gène (locus) % des formes génétiques Transmission Principales atteintes
de TNE pancréatiques
Néoplasie Ménine (11q13) 70–90 % Autosomique Adénomes parathyroïdiens, TNE
endocrinienne dominante pancréatiques, tumeurs hypophysaires,
multiple de type 1 surrénaliennes
Maladie de VHL (3p25.3) 12–17 % Autosomique Hémangioblastomes cervelet et rétine,
von Hippel-Lindau dominante tumeurs rénales, kystes et TNE pancréatiques,
phéochromocytome
Neurofibromatose NF1 (17q11.2) < 10 % Autosomique Taches pigmentaires cutanées, neurofibromes,
de type 1 dominante gliomes, macrocéphalie, TNE pancréatiques et
duodénales, phéochromocytome
Sclérose tubéreuse TSC1 et TSC2 < 5 % Autosomique Macules hypomélaniques, vitiligo,
de Bourneville (9q34 et 16p13.3) dominante angiomyolipome rénal, hyperplasie
pneumocytaire, lymphangioléiomymatose
pulmonaire, épilepsie
TNE : tumeur neuroendocrine.
Chapitre 7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques 193

Tableau 7.3 Classification anatomopathologique tage de cellules tumorales marquées par l'anticorps MIB1)
OMS 2017 et 2019 des TNE pancréatiques. (Tableau 7.3) [4, 5] (Fig. 7.1 et 7.2).
Ces éléments permettent d'établir une classification
Grade Indice mitotique (pour Indice de prolifération
10 grands champs/2 mm2) Ki67 (en %) histopronostique (OMS 2017) qui distingue notamment
les tumeurs bien différenciées (TNE pancréatiques de
G1 <2 <3
grade  1 à 3) des carcinomes neuroendocrines (CNE)
G2 2–20 3-20 peu différenciés : TNE G1 = grade G1 et bien différen-
G3 > 20 > 20 ciée ; TNE G2 = grade G2 et bien différenciée ; TNE G3 =
grade G3 et bien différenciée ; CNE G3 = grade G3 et peu
CNE > 20 > 20
différenciée ; MiNEN : pour tous les grades confondus dès
CNE : carcinome neuroendocrine ; OMS : Organisation mondiale de la santé ; lors que l'on retrouve une néoplasie mixte neuroendocrine
TNE : tumeur neuroendocrine.
Bas grade : G1 et G2 ; haut grade : G3 et CNE.

A A

B B
Fig.  7.1 Anatomopathologie de tumeur neuroendocrine bien Fig. 7.2 Anatomopathologie de tumeur neuroendocrine peu dif-
différenciée. A.  Histologie classique. B.  Marquage fort typique à la férenciée. A. Histologie classique. B. Marquage fort du Ki67. Source :
chromogranine. Source  : Lamps LW, Kakar S. Diagnostic Pathology. Lamps LW, Kakar S. Diagnostic Pathology. Hepatobiliary and Pancreas.
Hepatobiliary and Pancreas. Philadelphie : Elsevier, 2017 (2e éd.). Philadelphie : Elsevier, 2017 (2e éd.).
194 Traité de pancréatologie

et non neuroendocrine. Les TNE G1 et G2 sont dites « de En cas d'évolution inhabituelle, ou de virage dans l'évo-
bas grade » alors que les TNE G3 et CNE sont dites « de lution de la pathologie, de nouveaux prélèvements doivent
haut grade ». être réalisés. En effet, le grade tumoral est souvent plus élevé
La classification TNM (8e édition de l'UICC, révisée en sur des métastases métachrones que sur la tumeur primitive
2017) permet d'apprécier l'extension de la maladie au niveau initiale.
locorégional, ganglionnaire et à distance (Tableau 7.4) [6, 7]. Pour les TNE bien différenciées, le diagnostic de mali-
gnité reste basé sur l'extension locorégionale (ganglion-
naire) ou métastatique.
Rôle de l'anatomopathologie En raison de la rareté et de l'hétérogénéité de ces
dans la prise en charge tumeurs, une relecture anatomopathologique dans le réseau
Le diagnostic anatomo-pathologique d'une TNE pancréa- français expert TENpath est recommandée. La relecture
tique repose sur des critères morphologiques cellulaires est notamment préconisée pour statuer entre une TNE de
associés à une expression en immunohistochimie d'au grade 3 bien différenciée et un CNE peu différencié. Dans
moins deux marqueurs parmi la chromogranine  A, la ces cas précis des marqueurs sont en cours d'évaluation
synaptophysine, ou le CD56. Sur des biopsies ou sur une (p53, Rb, DAXX, ATRX) dans un objectif thérapeutique en
pièce de résection chirurgicale, le rôle du médecin anato- rapport avec des profils de sensibilité aux chimiothérapies
mopathologiste est capital pour évaluer le grade tumoral différents.
et la différentiation qui ont une forte valeur pronostique
(Fig. 7.1 et 7.2).
Pronostic des TNE pancréatiques
Les principaux critères de mauvais pronostic au moment du
Tableau 7.4 Classification TNM, 8  édition e diagnostic sont une tumeur peu différenciée, un grade his-
de l'UICC – 2017. tologique élevé, un stade métastatique d'emblée.
Les sites métastatiques les plus fréquemment identifiés
Tumeur Tx Tumeur non évaluable
sont le foie, le péritoine, le poumon, et l'os. La survie glo-
T0 Pas de tumeur identifiable bale est de l'ordre de 50 % à 5 ans, tous stades confondus,
T1 Tumeur limitée au pancréas < 2 cm mais le pronostic des TNE pancréatiques est très hétérogène
(Tableau 7.5).
T2 Tumeur limitée au pancréas 2 à 4 cm
Des études récentes suggèrent également comme cri-
T3 Tumeur limitée au pancréas > 4 cm ou qui tères péjoratifs le sexe masculin, un âge supérieur à 80 ans.
envahit le duodénum ou le cholédoque
Inversement, un âge inférieur à 50 ans au moment du diag-
T4 Tumeur limitée qui envahit les organes adjacents nostic est associé à une meilleure survie à 5 ans [2].
(estomac, rate) ou gros vaisseaux (TC, AMS)
Ganglions Nx Statut non évaluable
N0 Absence de métastase ganglionnaire
Tableaux cliniques
N1 Présence de métastase(s) ganglionnaire(s) Les TNE pancréatiques peuvent être découvertes à l'occa-
sion de symptômes en rapport avec la sécrétion hormonale
Métastases Mx Statut non évaluable
(pour les tumeurs fonctionnelles), devant des symptômes
M0 Absence de métastase à distance aspécifiques liés au volume tumoral, ou bien, de plus en
M1 Métastases à distance plus souvent de façon fortuite lors d'un examen d'imagerie.
M1a : métastases hépatiques Dans le cadre d'une prédisposition génétique (NEM1, VHL,
M1b : métastases extrahépatiques NF1, etc.), ce sont souvent les examens de surveillance qui
M1c : métastases hépatiques et osseuses amènent au diagnostic. Enfin, en cas de carcinome neu-
AMS : artère mésentérique supérieure ; TC : tronc cœliaque. roendocrine peu différencié, c'est une altération de l'état
D'après [4, 5]. général ou un syndrome tumoral rapidement évolutif (dou-

Tableau 7.5 Pronostic des TNE du pancréas en fonction du grade et de l'extension tumorale.
Localisation Pronostic
Grade bas/intermédiaire Haut grade
Extension locale Extension Extension à Extension locale Extension Extension à
locorégionale distance locorégionale distance
5 ans 10 ans 5 ans 10 ans 5 ans 10 ans 1 an 5 ans 1 an 5 ans 1 an 5 ans
Pancréas 94,0 % 91,1 % 75,8 % 49,3 % 30,7 % 17,9 % 49,2 % 0,0 % 59,4 % 0,0 % 14,4 % 0,0 %
CNE : carcinome neuroendocrine ; TNE : tumeur neuroendocrine.
NB : bas grade et intermédiaire = G1 et G2 respectivement ; haut grade = G3 et CNE.
D'après [2, 25].
Chapitre 7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques 195

leurs, ictère, métastases, etc.) qui conduit habituellement à de jeûne peut confirmer le diagnostic (baisse de la glycémie
des examens radiologiques et au diagnostic. inférieure ou égale à 0,45 g/L au cours de l'épreuve en milieu
spécialisé) en association avec le bilan d'imagerie qui per-
met d'identifier la lésion pancréatique.
TNE pancréatiques non fonctionnelles Les insulinomes sont habituellement bénins mais 5 à
Le diagnostic des tumeurs non sécrétantes est classique- 10 % ont une évolution maligne, avec la survenue de métas-
ment réalisé à un stade avancé (locorégional ou métas- tases pour lesquelles la sécrétion hormonale peut être diffi-
tatique), devant des symptômes aspécifiques ou liés à un cile à contrôler. L'importance du volume tumoral (diamètre
volume tumoral important. En réalité il s'agit le plus souvent tumoral supérieur à 2 cm) est un élément faisant craindre
d'incidentalomes (découverte fortuite) dans 39 % des cas, une évolution maligne.
habituellement résécables au moment du diagnostic, ce qui
autorise un meilleur pronostic. Gastrinomes
Les gastrinomes représentent la deuxième TNE pancréa-
TNE pancréatiques fonctionnelles tique fonctionnelle en matière de fréquence, mais la plus
Les TNE pancréatiques sécrétantes, de par la sécrétion fréquente en cas de NEM1. Il existe une sécrétion inappro-
d'hormones ou peptides, sont responsables de syndromes priée de gastrine responsable d'ulcères gastroduodénaux
cliniques souvent spécifiques à l'origine du diagnostic. multiples, récidivants, volontiers compliqués (hémorragie,
Par ordre de fréquence on peut distinguer l'insulinome, perforation), de diarrhée, d'œsophagite peptique résistante
le gastrinome, le glucagonome et le VIPome. Les caractéris- au traitement médical (syndrome de Zollinger-Ellison). Il
tiques de ses tumeurs sont résumées dans le tableau 7.6. existe de gros plis fundiques à l'endoscopie digestive haute
(par effet trophique de la sécrétion tumorale de gastrine) et
Insulinomes des petites tumeurs endocrines à cellules entérochromaffine-
Les insulinomes sont sporadiques dans plus de 90 % des like ou ECLomes (secondaires elles aussi à l'hypersécrétion
cas, et surviennent dans le cadre d'un syndrome de prédis- de gastrine). Au plan biologique, on note une hypergastri-
position dans 5 à 10 % des cas. Ils sont responsables d'une némie à jeun, un débit acide basal élevé. Le diagnostic peut
sécrétion inappropriée d'insuline. Le diagnostic est habituel- être confirmé par le test dynamique à la sécrétine qui induit
lement porté devant une tumeur de petite taille, de l'ordre une élévation paradoxale de la gastrinémie (en particulier
du centimètre, responsable d'hypoglycémies organiques. Le en cas de gastrinémie normale, soit moins de 10 % des cas)
diagnostic est évoqué devant la triade de Whipple qui asso- (encadré 7.1 ; Fig. 7.3). Malheureusement, l'approvisionne-
cie des signes cliniques de neuroglucopénie (tremblements, ment de la sécrétine est de plus en plus difficile à l'heure
céphalées, sueurs, palpitations, troubles neurologiques, épi- actuelle car la production est limitée. On notera aussi le fait
lepsie, confusion, etc.), une glycémie basse, et la correction que la prise d'inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) peut
des symptômes lors de la normalisation de la glycémie. On avoir un effet freinateur sur les phénomènes diarrhéiques.
notera aussi une prise de poids. Au plan biologique, on note Les gastrinomes sont malins d'emblée (extension gan-
une hypoglycémie, une élévation de l'insulinémie, de la glionnaire ou métastatique) dans 40 % des cas et ils sont
proinsulinémie, et du peptide C. En résumé, les valeurs for- associés dans 20 % des cas à une NEM1. L'âge moyen de
tement évocatrices d'insulinomes sont : une proinsulinémie survenu est de 60 ans. Il conviendra d'instaurer en urgence
supérieure à 5 pmol/L, un C-peptide supérieur à 0,6 ng/mL un traitement par IPP à vie, avec une dose de départ de
et une glycémie inférieure ou égale à 0,45 g/L. Une épreuve 60 mg/j d'oméprazole, qu'il ne faudra jamais suspendre.

Tableau 7.6 Principales caractéristiques des tumeurs endocrines fonctionnelles pancréatiques.


Type de tumeur Signes cliniques Signes biologiques Tests hormonaux et dynamiques
Insulinome Triade de Whipple (tremblements, sueurs, Glycémie < 0,5 g/L Épreuve de jeûne de 72 h
palpitations, céphalées, confusion, etc.) Élévation peptide C et proinsuline
Gastrinome⁎ Diarrhée, ulcères gastroduodénaux Hypersécrétion acide Hypergastrinémie
basale Test à la sécrétine : élévation paradoxale
de la gastrine
Glucagonome Diabète, perte de poids, anémie, érythème Hyperglycémie Élévation du glucagon
nécrolytique migrateur
VIPome⁎⁎ Diarrhées aqueuses, douleurs abdominales Hypokaliémie, Élévation du VIP
achlorhydrie
VIP : vasoactive intestinal peptide.

Syndrome de Zollinger Ellison ;
⁎⁎
Syndrome de Verner-Morrison.
196 Traité de pancréatologie

Encadré 7.1. À propos de la gastrine


et de son dosage dans le sang

Peptide hormonal sécrété par les cellules  G de l'antre
gastrique (mais il existe aussi des cellules G dans le duodénum
et le pancréas).

Responsable de la sécrétion acide par les cellules pariétales
en réponse à une stimulation vagale en début de repas, puis
par l'arrivée des nutriments dans la cavité gastrique.

Agit sur ses récepteurs à sept domaines transmembranaires
(couplés à une protéine G) situés au pôle basal des cellules
pariétales du fundus gastrique.

Sa sécrétion est inhibée par la somatostatine sécrétée par les
cellules D antrales.

La gastrinémie se dose dans le sang circulant par radio-
immunologie compétitive  : son taux est normalement
compris entre 13 et 115 ng/L à jeun.

En cas de gastrinome, sa valeur peut atteindre 10 à 50 fois la
normale.

En cas de doute sur l'origine d'une hypergastrinémie, ou si
un gastrinome est suspecté, mais la gastrinémie est basse ou
discrètement élevée, on a recours au test à la sécrétine.

Le test à la sécrétine consiste à injecter 1 UI/kg en intraveineuse Fig. 7.4 Schéma anatomique du triangle de Passaro et Stabile.
puis à doser la gastrinémie tous les quarts d'heure pendant Le triangle en pointillé délimite la zone anatomique de développement
préférentiel des gastrinomes. Dessin : Cyrille Martinet.
une heure  : normalement, le taux de gastrine baisse par
rapport au dosage basal (réalisé avant l'injection de sécrétine) ;
en cas de gastrinome, il y aura une « stimulation paradoxale » Le risque évolutif est représenté par les hémorragies diges-
du taux de gastrine circulante. tives hautes, les perforations gastroduodénales. Les gas-

Les causes non tumorales d'hypergastrinémie sont la maladie trinomes sont très majoritairement de siège duodénal ou
de Biermer, la gastrite atrophique (surtout fundique), les pancréatique (80 à 90 % des cas - plus rarement ganglion-
infections à Helicobacter pylori, la vagotomie, l'insuffisance naire, gastrique, mésentère, etc.) et sont localisés au plan
rénale chronique, les ulcères gastriques ou duodénaux, les anatomique dans le triangle de Passaro et Stabile (Fig. 7.4),
cancers gastriques, le phéochromocytome. dans l'aire duodénopancréatique (ils sont multiples dans
près de 50 % des cas).

pg/mL M. X : ulcère résistant aux IPP

500
Sécrétine : 100 UI IVD
Gastrinémie

100

–15 0 15 30 45 60 min
A

pg/ml Mme Y : ulcère + TNE + gastrinémie normale


Gastrinémie

500
Sécrétine : 100 UI IVD

Syndrome ZE
100

–15 0 15 30 45 60 min
B
Fig. 7.3 Exemples de courbes de test dynamique à la sécrétine. A. Courbe normale avec baisse de la gastrinémie sous sécrétine. B. Courbe
fortement en faveur d'un gastrinome : stimulation paradoxale du taux de gastrinémie sous sécrétine.
IPP : inhibiteur de la pompe à protons ; IVD : intraveineuse directe ; syndrome ZE : syndrome de Zollinger-Ellison.
Chapitre 7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques 197

Glucagonomes L'hyperparathyroïdie est l'atteinte endocrinienne la plus


Les glucagonomes sont des TNE pancréatiques rares, d'évolu- fréquente au cours de la NEM1 avec une pénétrance de près
tion maligne, en général de grande taille, qui s'accompagnent de 100 % à l'âge de 60 ans. Les tumeurs surrénaliennes sur-
d'une altération de l'état général, d'un amaigrissement massif. viennent chez 20 à 70 % des patients, avec possibilité d'hy-
Ils sont responsables d'une sécrétion inappropriée de gluca- persécrétion si la taille est supérieure à 1 cm.
gon, induisent des troubles de la glycorégulation. Ils peuvent Plus rarement, peuvent survenir des tumeurs carcinoïdes
être à l'origine de signes cutanés très évocateurs comme bronchiques (plus fréquentes chez les femmes) et thymiques
l'érythème nécrolytique migrateur (nécrose superficielle de (plus fréquentes chez les hommes) entre 39 et 50 ans, des
l'épiderme sur les zones de frictions). tumeurs cutanées de type angiofibromes ou collagénomes,
des cancers du sein (RR : 2,83). Des cas de méningiomes ont
également été décrits.
VIPomes Devant une TNE pancréatique, la recherche d'une NEM1
Les VIPomes sont très rares. Ils sont responsables d'une est recommandée, en particulier chez les patients de moins
sécrétion inappropriée de VIP (peptide vasointestinal), de 40–50 ans, surtout en cas de TNE multiples, en cas de
induisent des diarrhées aqueuses (syndrome de Verner- syndrome de Zollinger-Ellison, d'autres atteintes tumorales
Morrison ou choléra pancréatique secondaire à la stimula- du spectre et des antécédents familiaux (encadré 7.2).
tion de la sécrétion intestinal par le VIP via l'activation de Il est important d'évoquer le diagnostic de NEM1
l'adénylate cyclase membranaire des entérocytes), des dou- quand :
leurs abdominales, une déshydratation, une hypokaliémie, ■ il y a moins deux tumeurs du spectre : adénomes parathy-
un amaigrissement. roïdiens (hyperparathyroïdie dans 90 % des cas, survenue
entre 20 et 55 ans), des tumeurs pancréatiques (30 à 80 %
Autres TNE sécrétantes des cas - responsables de 50 % des décès – le plus souvent
Les autres TNE sécrétantes sont très rares, en rapport avec asymptomatiques et multiples), des tumeurs hypophy-
une sécrétion de somatostatine (somatostatinome associant saires (antéhypophyse) ;
diarrhée, diabète, lithiase biliaire, amaigrissement), d'ACTH
(adrenocorticotropic hormone), de PTHrp (parathyroid-hor-
mone-related peptide ou protein), etc. Encadré 7.2. À propos de la NEM1
Il faut enfin souligner qu'un syndrome sécrétoire secon-
daire, ou même un changement de sécrétion, peut parfois ■
Transmission autosomique dominante.
survenir au cours de l'évolution, en particulier en cas de ■
Mutation du gène de la ménine (11q13), à transmission
métastases. Dans ces cas-là, il conviendra alors de le confir- autosomique dominante avec forte pénétrance. Il n'existe
mer par de nouveaux dosages. pas de corrélation génotype/phénotype.

Association des tumeurs des parathyroïdes (90 % des cas –
hyperparathyroïdie), de l'antéhypophyse, de la sphère
Cas particulier des NEM1 duodénopancréatique (30 à 80 % des cas), des surrénales,
La NEM1 est le syndrome de prédisposition héréditaire le plus rarement du thymus, des bronches ou du tube digestif.
plus fréquemment associé aux TNE duodénopancréatiques. ■
Elles sont multiples et de petite taille (< 1–2 cm).
Elle affecte 1/30 000 personnes. Elle est due à une mutation ■
Le diagnostic doit être évoqué chez des patients jeunes
du gène de la ménine, à transmission autosomique domi- (moins de 40–50 ans) :
nante avec forte pénétrance. Il n'existe pas de corrélation – soit la présence de deux tumeurs du spectre comme une
génotype/phénotype (Tableau 7.2). hyperparathyroïdie, une TNE pancréatiques et des tumeurs
Le syndrome associe des tumeurs endocrines des hypophysaires (20  % des gastrinomes s'associent à une
parathyroïdes (hyperparathyroïdie essentiellement), de NEM1) ;
l'hypophyse, de la sphère duodénopancréatique, des sur- – soit la présence d'une tumeur du spectre et un parent au
rénales, plus rarement du thymus, des bronches ou du 1er degré atteint de NEM1.
tube digestif. ■
Le diagnostic repose sur :
Les TNE pancréatiques surviennent chez 30 à 80 % des – l'interrogatoire ;
patients atteints de NEM1 et constituent la première cause – la biologie  : bilan phosphocalcique, gastrinémie, bilan
de mortalité en lien avec celle-ci. Elles sont habituellement d'insulinome en cas d'hypoglycémies, sous unité α ;
multiples, de petite taille (moins d'1 à 2 cm) et le plus sou- – la recherche des tumeurs du spectre ;
vent non fonctionnelles. – la recherche d'une mutation de la ménine.
198 Traité de pancréatologie

■ ou en cas de présence d'au moins une tumeur du spectre


associée à un antécédent familial au 1er degré de NEM1. Encadré 7.3. À propos
Lorsque l'on suspecte une NEM1, le dépistage et le diag- de la chromogranine A sérique
nostic se feront : ■
Seul marqueur sérique général qui doit être mesuré dans le
■ sur l'interrogatoire des symptômes (syndrome d'hypersé- cadre de tumeurs neuroendocrines pancréatiques.
crétion ?), les antécédents familiaux ; ■
Le taux normal à jeun est compris entre 27 et 94 ng/mL.
■ sur les examens biologiques : bilan phosphocalcique (cal- ■
Sa sensibilité augmente avec le volume tumoral, en cas de
cium ionisé, calciurie des 24 heures, phosphorémie, PTH tumeur fonctionnelle, pour les tumeurs bien différenciées
[parathyroid hormone], vitamine D), gastrinémie, dosage (taux plus élevé en cas de tumeurs avancées), pour les TNE
de l'insulinémie, proinsulinémie, C-peptide et glycémie pancréatiques.
concomitante (en cas de suspicion d'insulinome), sous ■
La spécificité est faible à moyenne en raison de faux positifs :
unité α (commune aux hormones hypophysaires hCG, – prise d'IPP ;
TSH, FSH et LH – tumeurs non sécrétantes) ; – insuffisance rénale ;
■ si l'âge est inférieur à 50 ans, la présence de tumeurs évo- – insuffisance cardiaque ;
catrices et/ou multiples : – syndrome de Cushing ;
– rechercher des adénomes hypophysaires, surré- – gastrite atrophique immunologique (maladie de Biermer)
naliens, des tumeurs carcinoïdes bronchiques et ou non ;
thymiques, – hypergastrinémie (tumorale ou non).
– rechercher des mutations constitutionnelles du
gène de la ménine après recueil du consentement
éclairé.
Signalons enfin que le syndrome carcinoïdien (diarrhée, ■ Bilan phosphocalcique en cas de suspicion de NEM1
flush, malaises, insuffisance cardiaque droite, etc.) est essen- (recherche d'une hyperparathyroïdie primaire).
tiellement l'apanage des tumeurs carcinoïdes volontiers ■ Le dosage systématique des hormones spécifiques est
métastatiques qui se développent à partir de l'intestin grêle, inutile dans le bilan initial des TNE pancréatique non
de l'appendice, du côlon, du rectum, des bronches, plus fonctionnelles. Ce n'est qu'en cas de symptôme évocateur
rarement de l'estomac, du duodénum, de l'ovaire. d'hypersécrétion hormonale qu'un dosage spécifique est
indiqué :
– bilan spécifique selon la symptomatologie dans les
Examens complémentaires pour tumeurs fonctionnelles (Tableau 7.6) :
le diagnostic et la prise en charge - dosage de la gastrinémie dans le syndrome de
Zollinger-Ellison, avec un test à la sécrétine si le dia-
Examens biologiques gnostic n'est pas affirmé,
■ Dosage de la chromogranine A sérique : il s'agit du seul - dosage du peptide C, de la proinsuline, de la gly-
marqueur sérique général qui doit être mesuré systéma- cémie (et si possible lors d'un épisode d'hypo-
tiquement dans le cadre de tumeurs endocrines pancréa- glycémie) avec test de jeûne en cas de suspicion
tiques. C'est le marqueur le plus sensible en lien avec d'insulinome,
le volume tumoral (taux plus élevé en cas de tumeurs - dosage du glucagon en cas de suspicion d'un
avancées) et la sécrétion hormonale. Il constitue un élé- glucagonome,
ment pronostique mais également de suivi en cours de - dosage du VIP en cas de suspicion d'un VIPome,
traitement. L'interprétation du résultat est parfois dif- - test de freination en cas d'hypercorticisme.
ficile du fait d'une faible spécificité. En effet, le taux de Les tests dynamiques doivent être réalisés en milieu spé-
chromogranine A peut-être élevé en cas de traitement cialisé, en centre expert en raison des effets indésirables
par IPP, en cas d'hypergastrinémie en général (gastrite potentiellement grave du test à la sécrétine (hémorragie et
atrophique, maladie de Biermer), ou d'insuffisance perforation digestive) et de l'épreuve de jeûne (hypoglycé-
rénale. Ce dosage est donc interprétable en cas de gas- mie profonde).
trinémie élevée (comme au cours du gastrinome). Il doit Le dosage des 5-HIA urinaires (5-hydroxy-indol-acetic
idéalement être réalisé après 14 jours d'arrêt des IPP (au acid – dosage avec régime adapté) n'est pas indiqué
minimum 7 jours), ce qui n'est pas recommandé en cas pour le bilan des TNE pancréatiques. Il n'est utile que
de syndrome de Zollinger Ellison en raison du risque de pour les TNE intestinales (intestin grêle surtout) de type
complication ulcéreuse à l'arrêt des IPP (encadré 7.3). carcinoïde.
Chapitre 7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques 199

Examens d'imagerie
et endoscopiques
Le bilan d'imagerie est primordial pour le diagnos-
tic, la caractérisation, le bilan d'extension et le suivi
des TNE pancréatiques. Les examens d'imagerie sont
complémentaires avec une place importante pour
l'imagerie standard (scanner, imagerie par résonance
magnétique [IRM]) et un rôle tout particulier de l'ima-
gerie isotopique.

Échographie
L'échographie classique transpariétale, bien que peu
sensible et opérateur-dépendante garde une place dans
le bilan et la détection des TNE pancréatiques. En par-
ticulier, l'injection de produit de contraste échogra-
phique améliore la sensibilité de la technique pour la
détection des TNE pancréatiques et de leurs métastases
(SonoVue® ). L'échographie peropératoire a, quant à elle, Fig.  7.5 Vue scanographique d'une TNE caudale pancréatique.
une place capitale pour la localisation peropératoire des TNE de grande taille mais asymptomatique (flèche blanche).
TNE pancréatiques et le bilan d'une maladie métasta-
tique hépatique.

Tomodensitométrie (TDM)
Scanner abdominopelvien
Le scanner abdominopelvien avec injection de produit de
contraste iodé (trois temps) doit comporter systématique-
ment un temps d'acquisition artériel tardif (à 30 s) puis un
temps portal (70–90 s) car certaines TNE ne sont visibles
qu'à l'un ou l'autre des deux temps. Les TNE présentent la
caractéristique habituelle d'être des tumeurs bien vascula-
risées au temps artériel ; certaines ne sont d'ailleurs visibles
qu'au temps artériel. Il existe donc habituellement un rehaus-
sement à la phase artérielle et un lavage à la phase portale,
à la différence des adénocarcinomes. Des acquisitions tar-
dives sont parfois nécessaires pour mettre en évidence des
TNE pancréatiques fibreuses. Le scanner participe au bilan A
d'extension locorégional en recherchant notamment une
thrombose veineuse mésentérique ou portale, voire une
extension artérielle (rare). Il permet d'identifier une exten-
sion ganglionnaire péripancréatique ou à distance.
Le scanner permet également un bilan d'extension au
niveau hépatique. Comme la tumeur primitive, les métas-
tases hépatiques ont habituellement un comportement
hypervasculaire au temps artériel caractéristique. Certaines
TNE pancréatiques et leurs métastases sont par ailleurs
volontiers kystiques, ce qui peut parfois faire errer le diag-
nostic (Fig. 7.5 à 7.12).

B
Fig. 7.6 Vues IRM d'une TNE kystique caudale pancréatique. TNE
de petite taille, kystique asymptomatique de type « incidentalome »
(flèches blanches).
200 Traité de pancréatologie

B
Fig.  7.7 Vues scanographiques d'une TNE céphalique pancréa-
tique avec métastase hépatique. A, B. Forme hypovasculaire que
ce soit la tumeur primitive (flèche blanche) ou la métastase (flèche
blanche en pointillé) (B : après injection de produit de contraste).

C
Fig.  7.8 Vues IRM d'une TNE céphalique pancréatique avec
métastases hépatiques. A-C. TNE primitive caudale (flèche blanche)
avec métastases hypervasculaires (flèches blanches en pointillé).
Chapitre 7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques 201

A B

C D
Fig. 7.9 Vues scanographiques d'une TNE occupant tout le pancréas avec envahissement veineux. A-C. TNE primitive de tout le pancréas
(flèches blanches) avec envahissement veineux important (flèches blanches en pointillé) (C, D).

A B
Fig. 7.10 Vues IRM d'une TNE occupant corps et queue du pancréas pancréatique avec métastases hépatiques. A, B. TNE primitive
corps et queue du pancréas (flèches blanches) avec métastases hépatiques dont certaines sont kystiques (flèches blanches en pointillé).
202 Traité de pancréatologie

Scanner thoracique IRM rachidienne ou corps entier


Le scanner thoracique complète le bilan d'extension pour les Une IRM rachidienne ou corps entier peut être pro-
TNE pancréatiques métastatiques ou localement avancées, à la posée dans les situations métastatiques pour objecti-
recherche de localisations secondaires pulmonaires ou médias- ver d'autres localisations, en particulier osseuses ou
tinales. Il est également utile pour rechercher une tumeur pri- péritonéales.
mitive thoracique (bronches, thymus) dans le cadre des NEM1.

Endoscopie et échoendoscopie digestive


IRM
Endoscopie œsogastroduodénale
IRM avec injection de gadolinium
L'endoscopie œsogastroduodénale a pour but de localiser
L'IRM avec injection de gadolinium est aussi utile pour la les tumeurs de type gastrinome au niveau du cadre duo-
détection des TNE pancréatiques, surtout celles mesurant dénal se projetant dans le triangle de Passaro et Stabile. Il
plus de 2 cm. Sa sensibilité paraît toutefois inférieure à celle permet de réaliser des biopsies confirmant le diagnostic,
de l'échoendoscopie, notamment pour les tumeurs de plus sauf si la lésion est sous-muqueuse. Il permet également
petite taille. L'IRM permet également de préciser les rapports de dépister les TNE gastriques de type  2 (ECLomes)
de la tumeur par rapport au canal pancréatique principal (de dans le cadre d'un syndrome de Zollinger-Ellison. Les
Wirsung), afin d'aider à l'élaboration de la stratégie chirurgi- biopsies fundiques permettront alors d'identifier une
cale en évaluant les possibilités d'énucléation (Fig. 7.5 à 7.12). hyperplasie des cellules ECL (entérochromaffines-like)
(Fig. 7.13).
IRM hépatique avec séquences de diffusion
L'IRM avec séquences de diffusion est plus sensible que la
TDM pour la détection de métastases hépatiques et osseuses. Échoendoscopie duodénopancréatique
Ainsi, l'IRM hépatique avec séquences de diffusion est sys-
tématiquement recommandée pour le bilan d'extension des L'échoendoscopie duodénopancréatique est un examen très
TNE pancréatiques. utile pour le bilan d'extension des tumeurs duodénales ou
En complément ou en alternance avec le scanner, l'IRM périampullaires paraissant résécables et ce pour évaluer leur
peut permettre le suivi d'une TNE pancréatique métasta- taille, l'invasion pariétale et l'extension ganglionnaire régio-
tique et l'évaluation de la réponse aux traitements. nale éventuelle.
L'échoendoscopie est aussi pertinente pour le bilan des
IRM cérébrale TNE pancréatiques paraissant résécables pour évaluer la
taille tumorale, les rapports vasculaires de la tumeur et la
Une IRM cérébrale peut être utile pour mettre en évidence distance par rapport au canal pancréatique principal. Les
des métastases cérébrales en cas de signes neurologiques, en TNE apparaissent sous la forme de tumeurs rondes ou
particulier dans un contexte métastatique connu.
Chapitre 7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques 203

A B

C D
Fig. 7.11 Vues d'insulinomes de tailles différentes. A, B. Petit insulinome céphalique invisible au temps portal (A) mais visible au temps artériel
(flèche blanche : scanner). C, D. Insulinomes de petite (C) et plus grande taille (D) (flèches blanches).

Fig. 7.12 Image scanographique chez un patient porteur d'une


NEM1. Deux TNE non fonctionnelles du corps (solide) et de la queue
(kystique) (flèches blanches) associées à un gastrinome duodénal avec Fig. 7.13 Vue endoscopique d'ECLomes fundiques dans le cadre
un ganglion satellite en arrière (flèches blanches en pointillé). d'un syndrome de Zollinger-Ellison. Les ECLomes sont montrés par
des flèches blanches au sein de gros plis fundiques (flèche blanche en
pointillé).
204 Traité de pancréatologie

ovalaires, bien vascularisées (renforcement postérieur des


échos), avec des limites périphériques habituellement nettes,
homogènes, avec un fin liseré hypoéchogène ou hyperé-
chogène périphérique (Fig. 7.14). La vision en hautes fré-
quences (10 à 12 MHz) est importante car elle peut révéler
à elle seule de petites lésions non visibles aux fréquences de
6 à 7,5 Mhz. L'injection de produit de contraste échogra-
phique permet d'objectiver le caractère hypervasculaire de
ces tumeurs (SonoVue® ). L'échoendoscopie est particulière-
ment importante dans le cas des petites tumeurs telles qu'on
les rencontre dans le cadre des NEM1 et des insulinomes
(Fig. 7.15).
L'échoendoscopie permet la réalisation de biopsies
échoguidées à l'aiguille fine pour un diagnostic de nature
(Fig. 7.16). Ces prélèvements permettent le plus souvent de
confirmer le diagnostic de TNE pancréatique et d'évaluer
l'index de prolifération. Ils ne sont toutefois pas systéma-
A tiques (inutiles si le résultat n'est pas susceptible de modifier
la décision thérapeutique).

Imagerie isotopique des récepteurs


de la somatostatine
L'évaluation de l'expression des récepteurs de somatosta-
tine est utile dans un objectif d'imagerie diagnostique et de
stratégie thérapeutique. Ces récepteurs sont habituellement
fortement exprimés dans les TNE pancréatiques bien diffé-
renciées à la différence des TNE peu différenciées. Ainsi, la
plupart des TNE pancréatiques peuvent être visualisées par
fixation d'un analogue de somatostatine radioactif.
La scintigraphie des récepteurs à la somatostatine (SRS)
au 111Indium-pentétréotide (OctreoScan® – analogue de la
somatostatine marqué à l'Indium111) est un examen spéci-
fique qui cible les récepteurs à la somatostatine, surtout les
récepteurs de type 2 (SST2) (encadré 7.4 ; Fig. 7.17) [8, 9].
Il nécessite deux acquisitions à 4 et 24 heures après injec-
B tion. Sa sensibilité et sa spécificité sont respectivement de
90 % et 80 % pour le diagnostic des TNE pancréatique de
Fig. 7.14 Vues en échoendoscopie de TNE non fonctionnelles du
plus d'1 cm de diamètre. Cependant, la sensibilité est faible
corps du pancréas. A.  Aspect hypoéchogène avec contours hype-
réchogène et renforcement postérieur signant l'hypervascularisation
pour les tumeurs de petite taille. La résolution spatiale est
(flèche blanche). B. Aspect très hypoéchogène avec contours irrégu- faible mais le couplage avec une TDM permet de localiser
liers (flèches blanches). avec précision les foyers de fixation. Il s'agit d'acquisition
de type SPECT-CT (single-photon emission computed tomo-
Chapitre 7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques 205

A B

C D
Fig. 7.15 Vues en échoendoscopie de d'insulinomes pancréatiques. A. Corps : aspect isoéchogène avec liseré hypoéchogène (flèche blanche).
B. Tête : aspect hypoéchogène vu essentiellement en haute fréquence (flèche blanche). C. Corps : aspect isoéchogène avec liseré hypoéchogène
(flèche blanche). D. Aspect hypoéchogène sans liseré (flèche blanche).

Encadré 7.4. La somatostatine, ses récepteurs et ses analogues stables

Somatostatine et Tyr3-octreotate (TATE) pour la scintigraphie à l'OctreoScan®



C'est un est un neuropeptide hormonal ubiquitaire de 14 (111Indium-pentetréotide), le TEP gallium ou la radiothérapie
(hypothalamus) et 28 (estomac, pancréas, intestin) acides interne vectorisée.
aminés avec des fonctions inhibitrices multiples sur les Récepteurs de la somatostatine
sécrétions endocrines (hormones de croissance, gastrine, ■
Il s'agit de récepteurs à sept domaines à transmembranaires
insuline, glucagon, etc.) et exocrines (estomac, pancréas,
couplés aux protéines G.
intestin, etc.) mais aussi sur la prolifération cellulaire. ■
Ils sont au nombre de cinq : SST1, SST2, SST3, SST4 et SST5.

La somatostatine naturelle (somatostatine-14) a une durée de ■
Seuls les récepteurs SST2, SST3 et SST5 ont une bonne (SST3
vie très courte nécessitant une administration par perfusion.
et SST5) à très bonne (SST2) affinité pour les analogues stables

Des analogues stables ont donc été développés (octapeptides) :
de la somatostatine.
l'octréotide et le lanréotide. Des formules galéniques ont permis ■
Les TNE sont riches en récepteurs de la somatostatine, en
de développer des formes retards : octréotide LP (intramusculaire)
particuliers les TNE pancréatiques avec expression surtout de
et Lanréotide autogel® (sous-cutanée profonde).
SST2.

D'autres analogues ont été élaborés pour être couplés via ■
Le récepteur SST2 transmet la plupart des effets anti-
un agent liant (dodecane tetraacetic acid [DOTA]) à des
sécrétoires et antiprolifératifs de la somatostatine et de ses
isotopes (111Indium, 90Yttrium, 177Lutetium, 225Actinium)  : le
analogues.
pentetréotide, Tyr3-octreotide (TOC), 1-Nal3-octreotide (NOC)

206 Traité de pancréatologie



L'expression du récepteur SST2 dans les TNE est corrélée à la et 30  mg), le traitement antitumoral des TNE métastatiques
fixation tumorale lors de la scintigraphie à l'OctreoScan®, au non progressives (octréotide LP 30 mg et Lanréotide autogel®
pronostic des TNE bien différenciées et à la réponse antisécrétoire. 120 mg).

Les analogues de la somatostatine sont bien tolérés au prix de
Traitements par analogue de la somatostatine
troubles digestifs (diarrhée, ballonnements), d'un déséquilibre

Les indications au cours des TNE sont le traitement du glycémique chez les patients ayant un diabète préexistant ou
syndrome carcinoïdien et des hypersécrétions de glucagon et non, de lithiase vésiculaire et, plus rarement, d'insuffisance
VIP (octréotide 100 μg en perfusion ou octréotide LP 10, 20 pancréatique exocrine.

A B

C D
Fig. 7.16 Vue en échoendoscopie d'une TNE non fonctionnelle bien différenciée de la tête du pancréas avec cytoponction. A, B. Lésion
hypoéchogène du petit pancréas (flèches blanches) avec aiguille de cytoponction (B) (flèche blanche en pointillé). C. Carotte biopsique en colora-
tion classique (flèche blanche) avec fort grossissement en encart (flèche noire). D. La même carotte biopsique après marquage à la synaptophysine
(marquage homogène et très intense signant le diagnostic de TNE [flèche noire en pointillé]).
Chapitre 7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques 207

Tomographie par émission de positons


(TEP) aux analogues de la somatostatine
marqués au gallium 68
Les nouvelles techniques d'imagerie isotopiques des récep-
teurs de somatostatine associent une TEP à de nouveaux
radionucléides couplés à un analogue de somatostatine : le
gallium 68 – DOTA – peptides (-TOC, -NOC, -TATE). La
TEP au gallium (68Ga-DOTATOC, ou 68Ga-DOTANOC,
ou 68Ga-DOTATATE) a une meilleure sensibilité que la
SRS pour la détection des TNE pancréatiques en raison
d'une très forte affinité de l'analogue pour les récepteurs de
somatostatine et d'une meilleure résolution spatiale liée à la
TEP. Elle permet de détecter plus de 90 % des insulinomes.
Comparé à la SRS, la TEP au gallium est un examen plus
simple sur le plan pratique, moins irradiant (3,5 mSv contre
A
10 mSv pour l'OctreoScan® ) et qui ne nécessite qu'une seule
acquisition à une heure après l'injection.
Si elle est disponible, la TEP au gallium est recomman-
dée (de préférence à la SRS) chez tous les patients ayant
une TNE pancréatique différenciée métastatique ou un
risque de métastases régionales ou à distance, en particulier
quand un bilan d'extension précis est indispensable (notam-
ment lorsqu'une prise en charge chirurgicale est envisagée)
(Fig. 7.19 et 7.20).
L'imagerie des récepteurs de somatostatine (SRS ou TEP
au gallium) est donc utile pour la détection des tumeurs pri-
mitives, le bilan d'extension, mais aussi en situation métas-
tatique pour évaluer l'expression tumorale des récepteurs de
somatostatine et déterminer la stratégie thérapeutique en
posant éventuellement l'indication de radiothérapie interne
vectorisée (RIV).
B En revanche, l'imagerie des récepteurs de somatostatine
n'est pas indiquée dans le bilan des TNE pancréatiques peu
Fig.  7.17 Immunohistochimie d'un pancréas normal humain et
différenciées (CNE).
d'une TNE bien différenciée avec un anticorps antirécepteur de
la somatostatine SST2. A. Marquage avec un anticorps antirécepteur
de la somatostatine SST2 uniquement des îlots de Langerhans (flèches Imagerie isotopique métabolique
noires – marquage brun) alors que les acini ne sont pas marqués
(flèches en pointillé). B.  Marquage avec un anticorps antirécepteur
par TEP au 18FDG
de la somatostatine SST2 d'une TNE bien différenciée pancréatique : Le principe de la TEP au 18fluorodeoxyglucose (FDG) est
marquage membranaire intense en brun et diffus (flèches blanches). fondé sur le métabolisme tumoral. L'intérêt de l'examen
Photos : Dr Philippe Rochaix, institut Claudius-Regaud, Toulouse. dépend du degré de différenciation. La rentabilité diagnos-
tique est faible pour les TNE bien différenciées de bas grade
graphy, « tomographie à émission monophotonique »). La (avec faible index de prolifération : < 10 %). Sa principale
SRS permet l'identification de 90 % des gastrinomes, mais indication est représentée par les carcinomes neuroendo-
de seulement 40 à 50 % des insulinomes (au sein desquels crines peu différenciés ou en cas de TNE bien différen-
le récepteur SST2 est moins fréquemment exprimé). Elle ciée de grade élevé (Ki67  > 10  %), ou en cas d'imagerie
permet de mettre en évidence une extension locorégionale des récepteurs de somatostatine négative chez un patient
(ganglionnaire), des métastases à distance intra- ou extra- métastatique.
abdominales. Elle est essentiellement recommandée pour le L'hypermétabolisme révélé par la TEP au 18FDG est asso-
bilan d'extension des TNE pancréatiques bien différenciées cié à un pronostic péjoratif, surtout en cas de négativité de
(Fig. 7.18). l'imagerie des récepteurs de somatostatine.
208 Traité de pancréatologie

A B

C D
Fig. 7.18 Scintigraphie aux récepteurs de la somatostatine après injection d'OctreoScan® d'une TNE de la tête du pancréas. A, B. Images
scintigraphiques ; la tumeur est bien visible en hypersignal (flèches blanches). C, D. Couplage des images au TDM (SPECT imaging) localisant bien
la TNE sur la tête du pancréas (flèches blanches et noires).
Chapitre 7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques 209

A B

C D
Fig. 7.19 Scanner, IRM et TEP au gallium 68 d'une TNE bien différenciée de grade 2 du corps du pancréas. A, B. Images scanographique
et IRM de la tumeur hypervasculaire du corps du pancréas (flèches blanches). C, D. Images du TEP gallium avec couplage des images au TDM
localisant bien la TNE sur le corps du pancréas (flèches blanches).

Ainsi, si son résultat est susceptible de modifier la prise Le tableau 7.7 résume la place des examens d'imagerie
en charge, la TEP au 18FDG peut être réalisée pour toute dans la prise en charge des TNE duodénopancréatiques. Le
TNE pancréatique, quels que soient le grade et l'expression tableau 7.8 résume l'intérêt, les inconvénients et les indica-
des récepteurs de somatostatine, car sa positivité est un mar- tions des examens complémentaires dans le diagnostic et la
queur de mauvais pronostic. prise en charge des tumeurs neuroendocrines pancréatiques.

Autres techniques d'imagerie isotopique Diagnostic différentiel


La TEP au 18fluoro-dihydroxyphenylalanine (FDOPA) éva-
lue le métabolisme des transporteurs des acides aminés et À l'étape clinique
l'activité des décarboxylases. Elle est particulièrement utile Dans le cadre des tumeurs fonctionnelles se posera le pro-
pour les TNE intestinales sécrétant de la sérotonine. Elle blème d'une maladie peptique résistante aux IPP (ulcères
paraît moins utile que la TEP au gallium pour le bilan des gastroduodénaux, œsophagite) et le dosage répété de la
TNE pancréatiques. La scintigraphie au GLP1 (glucagon-like gastrine et les examens morphologiques devront recher-
peptide 1) peut être indiquée pour la détection des insuli- cher une tumeur duodénopancréatique. Devant une diar-
nomes non localisés par les autres examens d'imagerie. rhée chronique avec altération de l'état général se posera le
210 Traité de pancréatologie

problème d'une maladie du grêle mais tout syndrome car-


cinoïdien, gastrinome ou VIPome devra être éliminé. Les
hypoglycémies pourront être fonctionnelles et les dosages
hormonaux et l'épreuve du jeune devront être faits en milieu
spécialisé endocrinologique. Enfin, devant un syndrome
tumoral « ictère, douleurs solaires, amaigrissement » ou un
tableau de métastases, en particulier hépatiques, le diagnos-
tic différentiel principal sera celui de l'adénocarcinome pan-
créatique, plus fréquent que les TNE pancréatiques.

À l'étape paraclinique
C'est le problème d'une masse pancréatique solide, kystique
ou mixte dont les caractéristiques radiologiques pourront
orienter vers sa nature endocrine ou non : taille, caractère
hypervasculaire, nombre, localisation (triangle du « gastri-
A nome » de Passaro et Stabile). L'imagerie nucléaire sera d'un
bon secours en ce qui concerne les TNE bien différenciées.
Toutefois, l'histologie (cytoponction pancréatique, biopsie
d'une métastase hépatique) devra être proposée in fine si
tous les arguments ne concordent pas vers le diagnostic de
TNE. Encore une fois, l'adénocarcinome est fréquent mais
les métastases pancréatiques sont aussi souvent très vas-
cularisées et multiples. Citons enfin les formes kystiques
qui sont parfois diagnostiquées sur la pièce opératoire. Il y
a aussi une forme proche des insulinomes, la nésidioblas-
tose, qui est rare, mais aussi responsable d'hypoglycémies.
Enfin, la coexistence de tumeurs kystiques vraies (comme
les tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du
pancréas [TIPMP]) et d'incidentalomes n'est pas rare.

Traitement des tumeurs


neuroendocrines pancréatiques
B Introduction
Fig. 7.20 TEP au gallium 68 d'une petite TNE bien différenciée de Tous les cas doivent être discutés en RCP experte dédiée
la queue du pancréas. A. Image scanographique d'une tumeur de aux TNE, c'est-à-dire dans le cadre du réseau RENATEN.
type « incidentalome » et de petite taille de la queue du pancréas bien Il est important pour toute décision d'avoir toutes les don-
vascularisée (flèche blanche). B. Confirmation de la nature neuroendo-
nées concernant tout d'abord le patient en ce qui concerne
crine après fixation par le TEP gallium (flèche blanche).
ses antécédents (famille et comorbidités préexistantes), ses

Tableau 7.7 Place des examens d'imagerie dans la prise en charge des tumeurs neuroendocrines
duodénopancréatiques.
Type de TNE Imagerie conventionnelle Imagerie nucléaire
TDM IRM Scintigraphie TEP-scanner
récepteur SMS
abdominopelvienne thoracique hépatique cérébrale 68
Ga-DOTA-TOC 18
FDG
TNE bien × en fonction × × Si scintigraphie À discuter
différenciée négative pour l'intérêt
pronostique
CNE peu × × × × ×
différencié
CNE : carcinome neuroendocrine ; 18FDG : fluorodésoxyglucose ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; SMS : somatostatine ; TDM : tomodensitométrie ;
TEP : tomographie par émission de positons ; TNE : tumeur neuroendocrine digestive.
Chapitre 7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques 211

Tableau 7.8. Résumé de l'intérêt, inconvénients et indications des examens complémentaires


dans le diagnostic et la prise en charge des tumeurs neuroendocrines pancréatiques.
Type d'examen Avantages et intérêt Inconvénients Indications Remarques
Examens biologiques Dosages hormonaux Tests dynamiques Confirmation d'une Toujours garder la
et biochimiques, tests en centre expert hypersécrétion même méthode de
dynamiques hormonale dosage
TDM TDM abdominopelvienne Bilan initial exhaustif Injection de Bilan initial, Examen non spécifique
APC Examen simple produit de préopératoire
contraste iodé Suivi du patient
Faux négatifs
TDM thoracique APC Bilan Tumeurs avancées, T4
sus-diaphragmatique ou N +
IRM IRM hépatique (injection Bilan des métastases – Bilan initial Sensibilité +++ pour
de gadolinium et hépatiques, rapports/ Suivi du patient la détection des
séquences de diffusion) canal pancréatique métastatique métastases hépatiques
(± abdominale) principal
IRM cérébrale Dépistage des – Systématique pour CNE À réaliser si signe
métastases cérébrales grade 3 clinique
Scintigraphie récepteur SMS Cartographie Peu sensible Bilan initial Examen spécifique
spécifique des TNE mais pas d'intérêt
pour les tumeurs peu
TEP TEP- 68Ga-DOTA-TOC Très sensible Difficile d'accès Si scintigraphie non
différenciées
informative (insulinome)
TEP-18FDG Intérêt pronostique – Si Ki67 > 10 % Examen non spécifique
CNE peu différencié
Endoscopie Endoscopie digestive Examen de la Geste invasif Bilan des gastrinome, Utile avant
haute muqueuse, détection Opérateur- TNE gastrique type 2 l'échoendoscopie
des gastrinomes dépendant Détection des TNE
(échoendoscopie) pancréatiques
Échoendoscopie Détection et biopsies Biopsie non
échoguidées systématique
APC : avec produit de contraste ; CNE : carcinome neuroendocrine ; 18FDG : fluorodésoxyglucose ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; SMS :
somatostatine ; TDM : tomodensitométrie ; TEP : tomographie par émission de positons ; TNE : tumeur neuroendocrine.

symptômes (ancienneté, évolution dans le temps, gène au


quotidien, complications, maîtrise ou non d'une hypersé- Encadré 7.5. Éléments à réunir pour la prise
crétion hormonale, etc.), son état général et psychologique en charge des tumeurs neuroendocrines
(performance status : cf. chapitre 6), son entourage. D'autre pancréatiques et leurs facteurs de pronostic
part le bilan préthérapeutique doit fournir un maximum
de données concernant la tumeur : son grade, sa taille, sa Éléments concernant le patient
progression, la positivité des examens nucléaires et lesquels, ■
Âge, sexe et antécédents  : comorbidités préexistantes et
la résécabilité ou non de la tumeur primitive pancréatique, famille (NEM1).
la présence de métastases, le dosage de la chromogranine A ■
Symptômes  : ancienneté, évolution dans le temps, gêne au
et les dosages spécifiques en cas de tumeur fonctionnelle. quotidien, complications, contrôle ou non d'une hypersécrétion
Dans le cadre des métastases, sera important à connaître, en hormonale.
cas de métastases hépatiques, le volume tumoral et le taux ■
État général et psychologique, performance status, entou-
d'atteinte métastatique hépatique, la présence de métas- rage, qualité de vie.
tases extrahépatiques (os, péritoine, etc.). Enfin, la qualité
de vie au sens large sera à mettre en regard du pronostic de Éléments concernant la tumeur
la tumeur. En effet, certaines tumeurs, même métastatiques ■
Grade, index de prolifération par la mesure du Ki67.
ont une évolution lente (les patients atteints de TNE peuvent ■
Statut de la tumeur primaire : taille, progression, la positivité
avoir une survie très prolongée supérieure à 5-10 ans) ce des examens nucléaires et lesquels (en particuliers récepteurs
qui permettra d'évaluer la balance du bénéfice de certains à somatostatine), sécrétion ou non, résécabilité ou non.
traitements tout en évaluant la vitesse de progression [1, 2]. ■
Statut des métastases : hépatiques et/ou autres métastases, en
L'encadré 7.5 résume le bilan préthérapeutique et les princi- cas de métastases hépatiques : pourcentage d'envahissement
paux facteurs du pronostic des TNE pancréatiques. (< ou > à 50 %).

212 Traité de pancréatologie


Principaux éléments du pronostic À propos de la chirurgie

Le sexe masculin et un âge supérieur à 80  ans sont de
des TNE digestives
pronostic plus péjoratif. La chirurgie des TNE pancréatiques doit être réalisée dans

Un âge inférieur à 50 ans est de meilleur pronostic. des centres experts. Les indications et la stratégie peuvent en

Sont de mauvais pronostic : effet être influencées par la présence d'une NEM1 ou d'un
– une tumeur peu différenciée ; syndrome de von Hippel-Lindau. Ces syndromes doivent
– une tumeur de grade histologique élevé (G3 et CNE) ; être recherchés avant toute chirurgie. Rappelons que toute
– la présence de métastases d'emblée ; intervention chirurgicale doit être discutée dans le cadre
– une tumeur fonctionnelle ; d'une RCP RENATEN. Elle dépend du bilan d'extension et
– l'absence d'expression des récepteurs de la somatostatine. surtout des facteurs pronostiques. Il faut obtenir le contrôle
de toute hypersécrétion hormonale avant cette chirurgie. En
cas de TNE fonctionnelle, avant et pendant l'anesthésiste
Traitement des symptômes et l'acte opératoire, un traitement antisécrétoire doit être
institué. Il s'agira : d'IPP à forte dose pour le gastrinome,
liés aux sécrétions hormonales d'analogues stables de la somatostatine pour le syndrome
Le traitement antisécrétoire est une priorité ; il doit être carcinoïde, les VIPomes ou les glucagonomes et enfin du
démarré en urgence dès que le prélèvement sanguin pour bon contrôle de la glycémie pour l'insulinome [1]. Il faudra,
doser les marqueurs plasmatiques est réalisé, sauf pour le en cas de doute sur l'existence d'un phéochromocytome,
syndrome de Zollinger Ellison, qui exige de commencer mesurer la concentration plasmatique ou urinaire de la
immédiatement les IPP. métanéphrine et la normétanéphrine, avant toute biopsie,
En effet, pour le syndrome de Zollinger-Ellison, le trai- anesthésie ou chirurgie.
tement repose sur les IPP à doses adaptées à la réponse cli-
nique et endoscopique. Les doses initiales recommandées
sont 40 à 60 mg deux fois par jour d'équivalent oméprazole. Traitement des TNE pancréatiques
Les patients doivent être prévenus de la nécessité de traite- différenciées non métastatiques
ment au long cours et de la nécessité absolue de ne jamais Chirurgie des TNE pancréatiques sporadiques
interrompre ce traitement. La résection chirurgicale doit toujours être envisagée.
En ce qui concerne l'insulinome, il est important de faire Elle doit être considérée même s'il existe une extension
l'éducation du patient et de son entourage sur le risque locorégionale. Elle est bien sûr récusée si le risque opéra-
d'hypoglycémie, les mesures hygiénodiététiques et la néces- toire est trop élevé. Toute résection pancréatique doit être
sité de « resucrage » en cas de syndrome confusionnel. La associée à un curage ganglionnaire (au minimum 13 gan-
résection chirurgicale de la TNE pancréatique responsable glions) sauf en cas d'énucléation [11]. Si une énucléation
de l'hypersécrétion d'insuline est nécessaire. En attendant, est envisagée (cas par exemple des petits insulinomes) et
il faut prescrire du diazoxide (5-10 mg/kg/j en augmentant ce pour une TNE pancréatique ayant des caractéristiques
progressivement les doses). Dans les formes réfractaires, se pronostiques favorables (taille ≤ 2 cm, grade G1, asympto-
discutent, dans des centres experts, les analogues stables matique), un « picking ganglionnaire » doit tout de même
de la somatostatine (notamment le pasiréotide analogue se être réalisé. Chez les patients porteurs de TNE pancréa-
liant à tous les récepteurs de somatostatine – en autorisation tique à haut risque de récidive postopératoire, une cholé-
temporaire d'utilisation [ATU]) ou des biothérapies (évéro- cystectomie doit être systématiquement discutée. En effet,
limus ou sunitinib). si un traitement doit être appliqué ultérieurement par les
Pour ce qui est du VIPome et du glucagonome, les ana- analogues de la somatostatine et/ou par CEIAH, il existera
logues de la somatostatine seront prescrits à doses adaptées respectivement des risques de lithiase vésiculaire ou cho-
aux symptômes. lécystite ischémique [12]. Après chirurgie d'une TNE pan-
Dans le cadre d'un syndrome carcinoïde, qui sera rencon- créatique, aucun traitement adjuvant n'est théoriquement
tré lors d'une NEM1 avec carcinoïdes extrapancréatique (en recommandé.
particulier, les bronches), le traitement repose sur les ana-
logues stables de la somatostatine à longue durée d'action.
La dose prescrite est généralement celle utilisée à visée anti-
Conduite à tenir et suivi des petits
tumorale (octréotide LP 30 mg/28 j ou Lanréotide autogel® incidentalomes pancréatiques
120 mg/28 j) [10]. En ce qui concerne les incidentalomes pancréatiques (de
Si le syndrome fonctionnel est non contrôlé, et ce quel découverte fortuite) dont la taille est inférieure ou égale à
que soit son type, on aura recours à des traitements à visée 2 cm, une surveillance peut être proposée sans résection
antitumorale pour réduire le volume tumoral, en particulier chirurgicale [10].
celui des métastases hépatiques. On discutera de la chimio- Néanmoins, certains critères sont à réunir pour opter
thérapie, de la radiothérapie interne vectorisée (RIV), de la vers cette surveillance :
(chimio)embolisation intra-artérielle hépatique (CEIAH) ■ découverte fortuite ;
ou de la chirurgie de réduction tumorale. ■ absence de symptôme et caractère non fonctionnel ;
Chapitre 7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques 213

■ TNE bien différenciée de type G1 prouvée histologique- des imageries consécutives (imagerie entre 3 et 12 mois
ment (éventuellement G2 mais avec un Ki67 bien mesu- d'intervalle).
rable et inférieur 5 %) ; ■ Les métastases qui s'accompagnent d'une hypersécrétion
■ d'une taille est inférieure à 2 cm (stade T1) ; hormonale non ou mal contrôlée malgré un traitement
■ un aspect radiologique typique de TNE de bas grade à symptomatique (gastrinome, insulinome, glucagonome,
l'imagerie : prise de contraste marquée à la phase arté- VIPome).
rielle en scanographie ou en IRM, positivité de l'imagerie ■ L'existence d'un volume tumoral métastatique hépatique
des récepteurs de la somatostatine (scintigraphie à l'oc- supérieur à 50 % de la surface du foie et/ou des symp-
tréoscan ou TEP gallium) ; tômes liés à la masse tumorale (douleur, compressions,
■ pas la moindre suspicion de métastase ganglionnaire ou etc.) [1, 15, 16].
à distance, pas de dilatation canalaire pancréatique ou
biliaire à l'imagerie ; Métastases hépatiques non ou peu progressives
■ pas de progression de la lésion sur les différentes image- et macroscopiquement résécables
ries de suivi. ■ Est considérée comme une progression lente, une aug-
Le suivi des petits incidentalomes pancréatiques non mentation de la taille de la tumeur inférieure ou égale à
réséqués peut être réalisé par IRM si cette dernière permet la 20 % selon les critères RECIST (avec 12 mois d'intervalle)
visualisation parfaite de la TNE. Le rythme de cette surveil- [1].
lance est généralement de tous les 6 mois la première année, ■ La résection et/ou la destruction de toutes les métas-
suivie d'un examen tous les ans. La chirurgie doit être envi- tases visibles doit toujours être discutée, dans la mesure
sagée devant toute augmentation de taille, bien que le seuil du possible. En ce qui concerne la destruction, elle se
ne soit pas bien défini. Une autre option est proposée par fait la plupart du temps par radiofréquence percutanée
la radiofréquence guidée sous échoendoscopie qui permet ou peropératoire), qui est d'ailleurs souvent associée à la
l'ablation des petites TNE pancréatiques [13] (chapitre 9). chirurgie [15].
Cette technique est toujours en cours d'évaluation mais ■ Dans d'autres cas, la résécabilité est constatée de façon
pourrait être intéressante chez les patients à haut risque secondaire à un traitement antitumoral. La discussion de
chirurgical ou refusant cette chirurgie. la chirurgie est alors systématiquement faite lors d'une
RCP RENATEN, quitte à proposer cette chirurgie en
Traitement des TNE rentrant deux temps.
dans le cadre de la NEM1 ■ Dans tous ces cas, il n'y a pas d'indication d'un traitement
Les indications chirurgicales sont identiques aux TNE pan- adjuvant.
créatiques sporadiques. Il y a tout de même le problème par-
ticulier des gastrinomes qui seront discutés au cas par cas et TNE pancréatiques associées à des métastases
ce en fonction de la taille et de la localisation [1, 10]. Toute non résécables
la cavité abdominale doit être systématiquement explorée ■ Dans le cadre de métastases avec un envahissement hépa-
en peropératoire. S'il s'agit d'un gastrinome, il est important tique inférieur à 50 %, absence de progression, un Ki67
de réaliser une exploration du duodénum par palpation soi- inférieur à 10 % et pas de symptômes, il y a indication
gneuse, transillumination endoscopique et éventuellement d'un traitement par analogues stables de la somatostatine
duodénotomie pour chercher de petites tumeurs qui sont (Lanréotide autogel® 120 mg en sous-cutanée profonde
souvent infracentimétriques. Soulignons l'intérêt, dans ce tous les 28 jours ou octréotide LP 30 mg en intramuscu-
type de maladie, d'un bilan endoscopique (mené jusqu'au laire tous les 28 jours [17, 18]. Ce traitement peut aussi
D3) et échoendoscopique (basses et hautes fréquences) pré- être appliqué en cas de progression lente des tumeurs.
opératoire minutieux et précis. Dans ce contexte, la prise en La surveillance seule peut être aussi une alternative en
charge de ces patients en milieu médicochirurgical, radiolo- l'absence de signes de progression.
gique et endocrinien spécialisé dans la prise en charge TNE ■ Dans le cadre de métastases avec progression et/ou symp-
et des NEM1 est souhaitable. En effet, le traitement conser- tomatiques malgré un traitement bien conduit, c'est la
vateur peut être proposé mais au prix d'un bilan rigoureux chimiothérapie qui est indiquée. Elle l'est aussi si l'enva-
prédécisionnel et de surveillance, avec suivi du dossier en hissement hépatique est supérieur à 50 % et/ou un chiffre
RCP RENATEN. L'abstention chirurgicale est de mise pour de de Ki67 supérieur à 10 % et en cas de progression
les TNE pancréatiques non fonctionnelles dont la taille est « rapide ». Les principaux protocoles de chimiothérapie
inférieure ou égale à 2 cm [14]. Enfin, en cas d'hyperpara- sont : l'association streptozotocine et du 5-FU (présen-
thyroïdie, cette dernière doit être opérée avant ou pendant la tant une néphrotoxicité qui est à surveiller), l'association
chirurgie des TNE pancréatiques. dacarbazine et LV5-FU2 ou l'association témozolomide
et capécitabine [1].
Traitement des TNE digestives ■ Les traitements de seconde ligne, quant à eux, compor-
teront de la chimiothérapie (cf. protocoles de première
différenciées métastatiques ligne ci-dessus) ou des biothérapies à base de sunitinib
Quelles métastases traiter ? (37,5 mg/j – inhibiteur des récepteurs à tyrosine kinase)
■ Les métastases hépatiques mais aussi extrahépatiques ou d'évérolimus (10 mg/j – inhibiteur sélectif de mTOR
qui présentent une progression en taille et en nombre sur [mammalian target of rapamycin]) [1, 19] (Fig. 7.21).
214 Traité de pancréatologie

B
Fig. 7.21 Vues scanographiques de métastases hépatiques non
résécables d'une TNE bien différenciées traitées par évérolimus
après échec de la chimiothérapie. A.  Scanner au terme d'une
chimiothérapie de première ligne : métastases multiples occupant plus B
de 50 % du volume hépatique (flèches blanches). La tumeur primaire
Fig.  7.22 Vues artériographiques avant et après chimioemboli-
pancréatique est également de grand volume (étoile blanche). B. Après
sation de multiples métastases hépatiques d'une TNE pancréa-
traitement par thérapie ciblée par évérolimus, réduction significative
tique. A. Vue avant chimioembolisation : les métastases multiples sont
de la taille des métastases hépatique (selon RECIST – flèches blanches)
visibles (flèches blanches) avec deux lésions primitives pancréatiques
dont une nécrotique (flèche blanche en pointillé) et de la tumeur pri-
(flèches blanches en pointillé). B.  Après chimioembolisation  : pas de
maire pancréatique (étoile blanche).
visualisation artériographique des métastases mais une visualisation
des lésions primitives pancréatiques (flèches blanches en pointillé).
■ Si la maladie prédomine au niveau hépatique, la CEIAH
pourra être proposée [1, 16, 20]. L'indication doit être
validée encore une fois en RCP RENATEN en présence la CEIAH sont : présence d'une anastomose biliodiges-
d'un(e) radiologue interventionnel(le). Il s'agit en effet tive, endoprothèse biliaire en place, dilatation des voies
d'un geste avec risque élevé de morbidité (nausées et biliaires et thrombose portale complète (Fig. 7.22).
vomissements, douleurs de l'hypochondre droit, pic ■ La RIV au 177Lu-DOTATATE quant à elle, a aussi son
fébrile, fièvre prolongée, cholécystite, abcès, hématome, indication  : le taux de réponse objective est de 55  %
etc.), nécessitant donc des mains expertes. avec un taux de stabilité de 30 %. Ces résultats ont été
■ La CEIAH est en général effectuée par injection d'un observés chez les patients atteints de TNE pancréatique
mélange streptozotocine (ou l'adriamycine) et le Lipiodol® métastatique dont une survie sans progression médiane
(fixation dans les capillaires) avec en fin de procédure était de 30 mois [21]. Un des conditions à son application
adjonction de Curaspon® (gélatine permettant l'occlu- est la présence d'une expression tumorale forte et homo-
sion artérielle tumorale). Afin de réduire la morbidité et gène des récepteurs de la somatostatine à la SRS (soit un
sans réduire l'efficacité, le traitement peut se faire en 2 à grade de Krenning ≥ 2) ou à la TEP au Ga-DOTA (avec
3 séances espacées de 4 à 8 semaines, permettant de seg- fixation tumorale ≥ fixation hépatique) [8, 15, 22, 23]
menter le foie [20]. Les contre-indications absolues pour (encadré 7.6).
Chapitre 7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques 215

non résécables. Toutefois, cette attitude n'est pas systémati-


Encadré 7.6. À propos de la RIV quement recommandée en l'absence d'études prospectives
solides et compte tenu de la morbidité possible de la chirur-
Définition gie, en particulier la duodénopancréatectomie céphalique

C'est une radiothérapie médicamenteuse systémique qui [1,11]. Cette chirurgie pourrait être appliquée à une TNE
entraîne une irradiation prolongée à très bas débit. grade 1 ou 2 peu ou pas évolutive, développée principale-

La RIV au cours des TNE repose sur l'utilisation à visée ment aux dépens du corps ou de la queue du pancréas avec
thérapeutique de radio-isotopes véhiculés par molécules chirurgie moins invasive et sans contre-indication ultérieure
chimiques ciblant les récepteurs de la somatostatine in vivo. pour des traitements locaux à visée hépatique comme la

Ces substances chimiques sont des analogues stables de la CIEAH (anastomose biliodigestive). Dans ce contexte, les
somatostatine (pentetréotide, Tyr3-octreotate, etc.) couplée indications de duodénopancréatectomie céphalique sont
à des isotopes 111Indium, 99Yttrium et 177Lutetium. donc exceptionnelles [20].
La figure 7.23 résume la prise en charge des TNE métas-
Conditions de réalisation tatiques pancréatiques bien différenciées de grades 1 et 2.

Une scintigraphie à l'OctreoScan® ou mieux un TEP au
gallium  68 est indispensable pour poser l'indication d'une Traitement des autres localisations
RIV. métastatiques

Il faut avoir une fixation de l'ensemble des sites tumoraux,
Chez 10 à 20  % des patients atteints de TNE digestive
équivalente ou supérieure à celle du foie.
métastatique des métastases osseuses sont diagnostiquées :

L'indication est posée en RCP RENATEN avec participation
elles sont parfois symptomatiques et semblent associées à
d'un praticien de médecine nucléaire.
un pronostic péjoratif reflétant une maladie a priori plus
Principales indications et résultats agressive. L'augmentation d'incidence des métastases

Les principales indications sont les TNE bien différenciées osseuses peut être aussi due à une imagerie de plus en
associées avec des métastases non résécables et présentant plus sensible comme la TEP au Ga-DOTA et la TEP à la
ou non des signes fonctionnels invalidants et mal contrôlés. FDOPA. En cas de symptômes (douleur, signes de com-

Le 177Lu-DOTATATE apparaît efficace dans les TNE de grades 1 pression médullaire) un certain nombre de les traitements
et 2 avancées. peuvent être proposés comme la radiothérapie, la chirur-

Les effets secondaires sont l'atteinte rénale (pouvant gie, l'ablation par radiofréquence ou la cryothérapie. Les
diminuer par la perfusion d'acides aminés) et la toxicité bisphosphonates (inhibiteurs de la résorption osseuse
médullaire (surtout en cas de métastases osseuses). Cette avec blocage de l'activité des ostéoclastes) ou le denosu-
toxicité est moindre avec le 177Lu-DOTATATE par rapport aux mab (anticorps monoclonal humain qui cible le RANKL
autres composés. [receptor activator of nuclear factor κ-B ligand]) lui aussi
inhibiteur de la résorption osseuse, peuvent également être
indiqués. En cas de de carcinose péritonéale, la résection,
si elle est envisageable, peut être appliquée.
■ Rappelons que d'autres moyens de destruction sont pos-
sibles comme la radiofréquence des métastases hépa-
tiques, en particulier en peropératoire. Traitement des tumeurs neuroendocrines
■ D'autres options existent dont l'application dépend du
centre et des experts présents ainsi que de leur expé- pancréatiques de haut grade
rience  : radioembolisation à 99Yttrium, chirurgie de (TNE G3 et CNE)
réduction tumorale ou la transplantation hépatique. Différence entre TNE G3 et CNE
La chirurgie de réduction tumorale ou debulking des Les TNE de haut grade sont représentées par les TNE G3
Anglo-Saxons, est en général discutée chez les patients bien différenciées et les CNE. Ils se caractérisent par un
atteints d'un syndrome fonctionnel mal contrôlé mal- index Ki67 > 20 %, une forte agressivité biologique et sont
gré un traitement antisécrétoire optimal. La transplan- principalement diagnostiqués à un stade métastatique.
tation hépatique, quant à elle, peut être envisagée en La distinction entre TNE G3 et CNE est difficile car elle
cas de métastases hépatiques diffuses non résécables, repose sur la différenciation cellulaire et l'index Ki67 mais
non évolutives, avec un chiffre Ki67 bas (< 5–10 %), aussi l'expression de certains marqueurs comme p53, Rb,
en l'absence de métastases extrahépatiques, chez un Récepteur SST2, TTF1 et DAXX/ATRX. Il est donc impor-
patient jeune (moins de 55 à 60 ans), chez qui la tumeur tant de soumettre ces cas à un spécialiste pathologiste des
primitive a déjà été réséquée et après un recul évolutif TNE du réseau TENPath. Faire la différence entre ces deux
suffisant à partir du diagnostic de la maladie métasta- types de tumeurs de haut grade est important car les TNE G3
tique [24]. ont un meilleur pronostic (survie médiane de 40 à 55 mois)
que le CNE (survie médiane de 9 à 18 mois). Le traitement
Exérèse de la TNE pancréatique primitive peut aussi être différent. Fait important, poser le diagnos-
en cas de métastases non résécables tic de TNE G3 ou de CNE signifie l'initiation urgente d'un
Il est possible d'obtenir un gain de survie après résection traitement antitumoral [1,25]. La décision, encore une fois,
de la TNE pancréatique primitive associée à des métastases devra se faire dans le cadre d'une RCP RENATEN.
216 Traité de pancréatologie

TNE PANCRÉATIQUES BIEN DIFFÉRENCIÉES GRADES 1–2 MÉTASTATIQUES

RÉSECTION CHIRURGICALE POSSIBLE ?


OUI NON

Métastases potentiellement ÉVALUATION DU PROFIL ÉVOLUTIF


résécables
Chimiothérapie puis réévaluation
OU
FAVORABLE* DÉFAVORABLE**
Métastases résécables
Chirurgie en un ou deux temps
en fonction du caractère uni-, bilobaire,
ou complexe ANALOGUE DE LA CHIMIOTHÉRAPIE
SOMATOSTATINE ou thérapie ciblées***
OU (lanréotide)
ou surveillance
Transplantation hépatique
Patients jeunes sélectionnés PROGRESSION

CHIMIOTHÉRAPIE THÉRAPIES CIBLÉES***


CEIAH
RIV

Fig. 7.23 Algorithme de prise en charge des TNE métastatiques pancréatiques bien différenciées de grades 1 et 2 [16]. * Profil évolutif
favorable : TNE non fonctionnelle, grade 1-2 faible (Ki67 < 10 %), asymptomatique et a priori stable en progression. ** Profil évolutif défavorable :
TNE fonctionnelle, grade 2 fort, masse tumorale importante, symptomatique et/ou en progression. *** Sunitinib et éverolimus. CEIAH : chimioem-
bolisation intra-artérielle hépatique ; RIV : radiothérapie interne vectorisée ; TNE : tumeur neuroendocrine.

Traitement des TNE de haut grade Surveillance après traitement


non métastatiques Surveillance des TNE différenciées
Une résection chirurgicale à visée curative doit toujours être non métastatiques
envisagée. Néanmoins, certaines conditions doivent être Il faut garder toujours à l'esprit que dans ce type de tumeur,
réunies : la chirurgie doit être réalisable dans les 4 semaines la récidive métastatique métachrone peut survenir plu-
qui suivent le diagnostic, il ne doit pas y avoir de métastases sieurs années après le traitement initial. En conséquence,
à distance, les risques de morbidité et de mortalité devront les patients doivent être bien informés de la nécessité d'une
être acceptables. Il faut garder à l'esprit que le risque de réci- surveillance prolongée (au moins 20 ans, voire à vie).
dive est tout de même élevé. Contrairement au TNE de bas Pour ce qui est des TNE avec résection chirurgicale
grade, une chimiothérapie adjuvante (association étoposide à visée curative, la surveillance est clinique, biologique
et cisplatine/carboplatine) est recommandée si la résection (chromogranine A) et radiologique. L'objectif essentiel de
chirurgicale a été de type curatif (R0). Si la chirurgie ne peut la surveillance est de pouvoir proposer un traitement effi-
pas être envisagée, une chimiothérapie est proposée avec : cace en cas de récidive. L'imagerie doit être pratiquée après
association étoposide + cisplatine pour les CNE et plutôt 3 à 6 mois postchirurgie (imagerie classique et radioiso-
agents alkylants pour les TNE G3 [25]. topique), puis tous les 6–12 mois pendant 5 ans (imagerie
classique), puis tous les 12–24 mois pendant 10 ans puis tous
Traitement des TNE métastatiques les 5 ans. L'imagerie classique est représentée par la scano-
de haut grade graphie et l'IRM avec des séquences de diffusion. En effet,
Le traitement de première ligne des CNE métastatiques cette dernière est plus sensible pour la détection des petites
relève d'une chimiothérapie associant étoposide et cispla- métastases hépatiques et peut être proposée en alternance
tine (ou carboplatine). Les taux de réponse sont d'envi- avec la scanographie thoracoabdominale pelvienne, qui éva-
ron 40–50 %, avec une survie sans progression d'environ lue de manière plus précise les lésions extrahépatiques.
6–9 mois et une survie globale médiane d'environ un an [26]. Pour ce qui est de la NEM1, la surveillance est plus spé-
En ce qui concerne les TNE G3, l'association étoposide cifique. Elle est effectuée sur la clinique (symptômes fonc-
et cisplatine semble moins efficace : la prescription d'agents tionnels), la biologie (marqueurs initialement anormaux)
alkylants est alors préférée en sachant que la RIV et les bio- tous les ans. L'échoendoscopie est proposée tous les 5 ans en
thérapies pourraient être des options intéressantes [25]. l'absence initiale de tumeur pancréatique sinon tous les ans
Chapitre 7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques 217

en cas de tumeurs pancréatiques supérieures à 10–15 mm, gues même en situation métastatique. Enfin, certaines TNE
sinon tous les 3  ans. L'IRM annuelle pour surveillance pancréatiques s'intègrent dans des syndromes de prédispo-
hépatique et pancréatique se discute aussi en cas de risque sition familiale.
très élevé de métastases comme les tumeurs pancréatiques De par cette hétérogénéité, l'apport de l'imagerie clas-
de grande taille réséquées ou le syndrome de Zollinger sique et nucléaire, la diversité des traitements et des prises
Ellison. Se rajoute en cas de gastrinome, une endoscopie en charge radiologiques et chirurgicales, une approche
digestive haute en cas de symptômes ou à défaut tous les pluridisciplinaire est requise faisant intervenir oncologues,
3 ans pour recherche d'ECLomes. En ce qui concerne les pathologistes, radiologues, chirurgiens, hépatogastroentéro-
atteintes endocriniennes après des premières explorations logues, endocrinologues, praticiens de médecine nucléaire
spécialisées complètes : clinique tous les ans, dosages de la et généticiens.
calcémie, PTH, prolactine, sous-unité α tous les ans avec Compte tenu de « l'hyperspécialisation » requise en ce
IRM hypophysaire, TDM surrénalienne, TDM thoracique qui concerne l'anatomopathologie et les décisions théra-
tous les 5 ans si ces explorations sont initialement normales, peutiques tenant compte des symptômes, des paramètres
en l'absence de signe clinique ou biologique ou d'un risque d'imagerie, de la différenciation, de l'évolution et de la sur-
familial élevé. vie, la prise en charge doit être spécialisée avec une relecture
anatomopathologique, si nécessaire dans le cadre du réseau
Surveillance des TNE bien différenciées TENPath, et une discussion systématique des dossiers en
métastatiques RCP, les RCP RENATEN. Enfin, les essais cliniques de nou-
velles stratégies et de nouvelles molécules sont nombreux et
Après chirurgie des métastases hépatiques, une IRM avec encouragés [1].
diffusion ou une scanographie est à réaliser à 3 mois puis
tous les 3 à 6 mois en fonction de la suspicion clinique et/ou
biologique (dosage plasmatique de la chromogranine A) de
récidive tumorale. L'imagerie nucléaire initialement positive
Compléments en ligne
doit être réalisée dans les 6 à 12 premiers mois après chirur- Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Ils
gie, puis en cas de suspicion de récidive tumorale. En l'ab- sont indiqués dans le texte par un picto . Ils proposent des
sence de résection des métastases hépatiques, l'imagerie doit figures et des vidéos complémentaires. Pour voir ces com-
être proposée à 3 mois puis tous les 3 à 6 mois. L'évaluation pléments, connectez-vous sur http://www.em-consulte.
repose sur les critères RECIST 1.1 avec une évaluation com- com/e-complement/477623 et suivez les instructions.
parative avec examens d'imagerie de même nature comme
Fig.  e7.1 Schéma du spectre des atteintes viscérales de la
scanographie ou IRM. Les TNE ayant une croissance souvent néoplasie endocrinienne multiple de type 1.
lente, la progression tumorale doit être évaluée en comparant Fig. e7.2 TNE de grade 1 de l'isthme du pancréas. A et B. Vues en
un examen d'imagerie à celui correspondant à la meilleure IRM (flèches blanche en pointillé) C et D. Vue en échoendoscopie en
réponse. D'autre part, la progression tumorale doit parfois particulier en haute fréquence (D) (flèches blanches en pointillé).
être appréciée sur de longues périodes. Le suivi clinique et Fig. e7.3 Vue scanographique d'une TNE du corps du pancréas
biologique doit accompagner le suivi radiologique avec révi- métastatique au foie.
sion comparative des clichés en RCP RENATEN. Enfin, les Fig.  e7.4 Chimioembolisation de métastases hépatiques d'une
effets secondaires iatrogènes tardifs doivent être dépistés : TNE pancréatique. A. Vue scanographique avant chimioembolisation.
insuffisance rénale après streptozotocine ou RIV, insuffi- B. Vue en artériographie avant chimioembolisation. C. Vue en
scanographie après chimioembolisation.
sance cardiaque après sunitinib ou doxorubicine, atteinte
Vidéo  e7.1 Film d'échoendoscopie d'une TNE du corps du
médullaire après RIV ou agents alkylants [1]. pancréas avec tumeur surrénalienne et ponction de la lésion
pancréatique. Patiente porteuse d'une NEM1, la TNE pancréatique
Surveillance des CNE qui avoisine les 2 cm de diamètre fait l'objet d'une cytoponction.
En l'absence de métastases, l'imagerie (scanographie ou Vidéo e7.2 Énucléation chirurgicale d'une TNE pancréatique par
voie cœlioscopique.
IRM) doit être réalisée tous les 2 mois pendant 6 mois puis
Vidéo  e7.3 Pancréatectomie gauche par laparotomie pour
tous les 3 mois pendant 1 an puis tous les 6 mois pendant tumeur neuroendocrine de la queue du pancréas.
5 ans. Pour ce qui est des CNE métastatiques, le suivi doit
comporter des intervalles plus courts (2 mois) au moyen de
la scanographie thoraco-abdomino-pelvienne. Références
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Conclusion Intergroup clinical practice guidelines for diagnosis, treatment
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218.e1 Traité de pancréatologie

Hypophyse

Parathyroïdes

Bronches

Surrénales

Pancréas

Fig. e7.1 Schéma du spectre des atteintes viscérales de la néoplasie


endocrinienne multiple de type 1.

A B

C D
Fig. e7.2 TNE de grade 1 de l'isthme du pancréas. A et B. Vues en IRM (flèches blanche en pointillé) C et D. Vue en échoendoscopie en particulier en
haute fréquence (D) (flèches blanches en pointillé).
218.e2 Traité de pancréatologie

Fig. e7.3 Vue scanographique d'une TNE du corps du pancréas


métastatique au foie.

A B C
Fig.  e7.4 Chimioembolisation de métastases hépatiques d'une TNE pancréatique. A. Vue scanographique avant chimioembolisation.
B. Vue en artériographie avant chimioembolisation. C. Vue en scanographie après chimioembolisation.
Chapitre
8
Autres affections
du pancréas exocrine
PLAN DU CHAPITRE
Malformations et variations congénitales . . . . . . 219 Atteintes pancréatiques au cours
Pancréas divisum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219 des maladies générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227
Pancréas annulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220 Traumatismes du pancréas . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228
Anomalies de jonctions biliopancréatiques . . . 221 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228
Pancréas aberrant ou pancréas ectopique . . . . 221 Diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228
Autres anomalies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223 Classification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229
Maladies génétiques du pancréas exocrine . . . . . 223 Sévérité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229
Mucoviscidose . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223 Prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231
Maladie de von Hippel-Lindau . . . . . . . . . . . . . 225 Cas particulier du traumatisme
Autres maladies génétiques et congénitales . . 227 pancréatique chez l'enfant . . . . . . . . . . . . . . . . 231
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232

Malformations et variations rapide alors que le cathétérisme de la papille mineure per-


mettra d'opacifier le canal pancréatique corporéocaudal. Le
congénitales diagnostic peut également être porté par l'échoendoscopie en
Les malformations du pancréas sont directement expliquées suivant le canal pancréatique dorsal jusqu'à son abouchement
par son embryologie. Pour une meilleure compréhension, se anormal 2 cm au-dessus de la papille principale. Le diagnos-
reporter au chapitre 1, « Embryologie du pancréas ». tic peut également être porté en tomodensitométrie (TDM)
multidétecteur en s'aidant éventuellement de reconstruc-
tions curvilignes et MinIP (minimum intensity projection)
Pancréas divisum [2]. Le diagnostic peut être suspecté, en l'absence de visua-
Description et diagnostic lisation correcte des canaux, en cas d'atrophie ou de pan-
Le pancréas divisum est une anomalie issue de l'absence de créatite épargnant la tête. Toutefois, le diagnostic est le plus
fusion des canaux excréteurs des deux bourgeons pancréa- souvent réalisé par cholangio-pancréato-graphie par réso-
tiques ventral et dorsal. Sa prévalence est d'environ 10 %, ce qui nance magnétique (CPRM), qui montre le trajet horizontal
en fait la variation anatomique pancréatique la plus fréquente. du canal pancréatique principal qui précroise le cholédoque
Les canaux pancréatiques vont rester indépendants, avec [3]. Le caractère obstructif de la papille mineure sur le canal
un drainage du pancréas qui se fera majoritairement par pancréatique principal peut être étayé dans certains cas par la
un canal pancréatique principal (dérivé du bourgeon pan- visualisation d'une dilatation focalisée du canal pancréatique
créatique dorsal) qui se drainera dans la papille mineure. distal, dénommée donc santorinicèle [4]. La non-visibilité en
Le conduit cholédoque se drainera dans le duodénum avec imagerie par résonance magnétique (IRM) du canal ventral
un conduit pancréatique (dérivé du bourgeon pancréatique n'est pas synonyme d'absence dans la mesure où, lorsqu'il est
ventral) drainant le processus uncinatus, par l'intermédiaire présent, il est de petit calibre et non systématiquement acces-
de la papille majeure. Des variations ont été décrites faisant sible aux séquences de wirsungo-IRM dans l'état actuel de la
parfois parler de « pancréas divisum incomplet » (figure 8.1). technologie. Dans les cas de pancréas dorsal prédominant où
Le canal pancréatique principal (de Santorini dans ce cas) la fusion entre les deux ébauches a eu lieu mais où le drai-
est soumis à une forte pression, inadaptée à l'orifice de la nage du pancréas dorsal s'effectue préférentiellement vers
papille mineure. Cette différence peut expliquer la forma- la papille mineure, l'IRM montrera une disparité de calibre
tion d'un prolapsus appelé « santorinicèle » [1]. entre canaux principal et accessoire, celui s'abouchant dans
Les premières constatations ont été faites par l'opaci- la papille mineure étant de même calibre voire plus large que
fication de la papille majeure au cours de la cholangio- celui rejoignant le cholédoque (figure 8.2). Dans les cas dif-
pancréato-graphie rétrograde endoscopique (CPRE) qui met ficiles, une stimulation par la sécrétine peut être utile mais il
en évidence un canal court et une « parenchymographie » est de plus en plus difficile de s'en procurer [4].

Traité de pancréatologie
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220 Traité de pancréatologie

attribuée à la trop petite taille de la papille mineure eu égard


au volume de sécrétion produit par le pancréas dorsal [6]. A
également été évoquée l'association entre pancréas divisum et
mutations du gène CFTR ou SPINK1 comme génératrice de
pancréatites aiguës récurrentes [6]. En conséquence, après
avoir éliminé toutes les autres causes de pancréatite aiguë,
le pancréas divisum peut être incriminé, en particulier s'il
existe un santorinicèle témoignant de la « lutte » du suc pan-
créatique pour s'écouler par la papille « mineure » sur le plan
de sa taille et de sa fonction. Un traitement endoscopique peut
alors être proposé dans ce cas précis avec sphinctérotomie
de la papille mineure suivie d'un calibrage pendant deux fois
3 minutes par une prothèse plastique [6, 7].

A Pancréas annulaire
Description
Cette anomalie concerne 0,1 % de la population (une nais-
sance sur 15 000 environ). Elle traduit une anomalie de
migration du bourgeon pancréatique ventral, qui semble trop
adhérent au duodénum. Par le fait de cette adhérence duodé-
nale, la rotation incomplète de l'ébauche ventrale aboutit à
la constitution d'un anneau. Ce dernier est constitué soit de
tissus pancréatiques, soit de tissus fibreux, encerclant généra-
lement la deuxième portion du duodénum. Les hypothèses
avancées impliqueraient un défaut de la voie de signalisation
hedgehog [8]. Le duodénum est alors circonscrit par la glande
pancréatique de façon complète ou incomplète (figure 8.3).

Présentations cliniques et diagnostic


B
Cette conformation peut être à l'origine de deux tableaux
cliniques distincts [9, 10] :
■ tableau d'occlusion haute néonatale (70 % des cas), le plus
souvent associé à des tableaux d'atrésie digestive, sténose,
syndrome de Down, fistule œsotrachéale ;
■ tableau de pancréatites aiguës récidivantes à l'âge adulte
entre 30 et 60 ans (30 % des cas) avec parfois ulcères
gastroduodénaux.
Le diagnostic peut être fait par une opacification diges-
tive ; la sténose de la région périampullaire est en rapport
avec une compression extrinsèque. Le diagnostic est théori-
quement confirmé par la CPRE, le canal principal étant vu
dans la tête et dans le corps, communiquant avec un plus
petit canal drainant la tête qui contourne par l'avant la deu-
xième portion du duodénum. Toutefois, la CPRE est rare-
C ment pratiquée à l'heure actuelle pour une indication par
ailleurs souvent pédiatrique. Le diagnostic scanographique
Fig.  8.1 Schématisation du pancréas divisum et variations.
A. Forme classique. B, C. Variations moins fréquentes. Dessins : Cyrille
n'est pas toujours facile, les anomalies se limitant à une
Martinet. simple augmentation de volume de la tête du pancréas, asso-
ciée parfois à un épaississement circonférentiel de la paroi
du duodénum. La visualisation d'un anneau de parenchyme
Implication dans la pathologie pancréatique pancréatique complet est plus rare. Le terme de pancréas
Cette variation anatomique n'entraîne habituellement aucun semi-annulaire est réservé pour les cas où le duodénum n'est
symptôme ni aucune pathologie. Cependant, certains patients pas totalement encerclé par du tissu pancréatique. L'IRM est
développent des pancréatites et des douleurs qui peuvent susceptible de mieux distinguer le tissu pancréatique de la
être rapportées à cette anomalie. En effet, la prévalence du paroi duodénale. Les séquences de CPRM montrent, dans
pancréas divisum est plus élevée chez les patients présentant le meilleur des cas, l'anneau réalisé autour du duodénum
des douleurs abdominales chroniques [5]. Cette entité fait de par le canal ventral et communiquant avec le canal principal
plus partie de la liste des étiologies des pancréatites aiguës non [11]. Elles mettront en évidence, dans un tiers des cas, une
alcooliques non biliaires récidivantes, la responsabilité étant association avec un pancréas divisum.
Chapitre 8. Autres affections du pancréas exocrine 221

A B

C D
Fig. 8.2 Vues de CPRM de pancréas divisum. A. CPRM normale avec abouchement commun du canal de Wirsung et du canal cholédoque (flèche
blanche en pointillé). B-D. CPRM de pancréas divisum avec abouchement du canal de Wirsung dorsal dans la papille mineure (flèche blanche) et du
canal cholédoque dans la papille majeure (flèche blanche en pointillé). Le canal ventral est à peine visible (tête flèche blanche) en C et D.

d'atteinte de la voie biliaire principale, une anomalie de la jonc-


tion biliopancréatique est détectée dans 60 à 100 % des cas.
Cette anomalie se définit par une jonction biliopancréa-
tique anormalement longue, avec :
■ une longueur supérieure à 10 mm, pour une ampoule de
Vater mesurant habituellement 4,6 ± 2,6 mm ;
■ une jonction des conduits en situation extraduodénale,
avec absence du sphincter d'Oddi ;
■ un angle de raccordement des conduits supérieur à 30°.
Les classifications morphologiques les plus utilisées sont
celles de Kimura (figure 8.4) ou de l'Association française de
chirurgie simplifiée.
Cette conformation explique un reflux pancréatique
chronique dans les voies biliaires, en raison d'un régime
de pression plus élevé dans le pancréas (50 mmHg contre
30 mmHg dans le conduit cholédoque). Des complications
telles que des cancers des voies biliaires et de la vésicule
Fig. 8.3 Schéma du pancréas annulaire. Pancréas annulaire complet biliaire sont rapportées, surtout en cas de dilatation congé-
entourant la deuxième portion du duodénum (flèche rouge). Dessin : nitale des voies biliaires, et peuvent alors faire discuter une
Cyrille Martinet. chirurgie prophylactique [13, 14].

Anomalies de jonctions biliopancréatiques Pancréas aberrant ou pancréas ectopique


Les anomalies de jonctions touchent 0,1 à 1,5 % des indivi- Localisation
dus. Il s'agit d'une anomalie de la jonction entre le conduit Le pancréas aberrant ou ectopique, ou bien hétérotopique,
pancréatique principal et le canal cholédoque, résultant d'une désigne la présence de tissu pancréatique en situation ecto-
anomalie de fusion entre le bourgeon pancréatique ventral et pique dans le tractus gastrointestinal. Il s'agit d'un phéno-
le bourgeon cystique au 26e jour [12]. Elle est fréquemment mène rare, dont la prévalence est estimée entre 0,5 et 14 %
associée à une dilatation congénitale des voies biliaires. En cas en fonction des séries. Il est expliqué par la migration de
222 Traité de pancréatologie

Fig. 8.4 Classification de Kimura des ano-


malies de la jonction biliopancréatique.
Dessin : Cyrille Martinet.

tissus pancréatiques lors de la rotation du bourgeon ven-


tral. Il peut s'agir de quelques ilots pancréatiques ou de
pseudomasses, qui comportent des cellules exocrines, ou
endocrines pour les formes incomplètes, ou bien les deux
contingents pour les formes complètes. Elles siègent le plus
fréquemment dans la sous-muqueuse.
Les localisations préférentielles sont :
■ le cadre duodénal dans 30 à 35 % des cas ;
■ la paroi gastrique dans 30 % des cas ;
■ le jéjunum et l'iléon dans 15 % des cas.
Des localisations sont plus anecdotiques comme au sein
d'un diverticule de Meckel.

Symptômes et diagnostic
Le diagnostic est le plus souvent fortuit, ou peut être posé A
à l'occasion de douleurs pseudo-ulcéreuse, d'hémorragies
digestives, d'anémie occulte, d'invagination intestinale.
Les formes les plus fréquemment rencontrées sont :
■ la dystrophie kystique sur pancréas aberrant, regroupé
actuellement sous le terme « pancréatite paraduodénale »
évoluant dans le cadre d'une pancréatite chronique dans
75 à 80 % des cas (en général, des hommes alcoolotaba-
giques avec pancréatite chronique évoluée). L'anomalie
est isolée dans 20 à 25 % des cas (plutôt des femmes non
alcoolotabagiques). Il s'agit d'un tableau douloureux
et d'occlusion haute. Le diagnostic est posé à l'imagerie
sur un épaississement duodénal, avec des kystes dans la
paroi digestive, une tuméfaction de la tête du pancréas, B
ainsi qu'une sténose extrinsèque de la deuxième portion
du duodénum. Le diagnostic est posé principalement par Fig.  8.5 Pancréatite paraduodénale développée sur pancréa-
un scanner et une IRM pancréatiques appuyés par une tite chronique avec lésion kystique sur pancréas aberrant de la
échoendoscopie duodénopancréatique qui confirmera paroi duodénale. A.  Cliché scanographique avec kyste de la paroi
duodénale (flèche blanche) développé sur pancréas aberrant. La flèche
l'épaississement hétérogène diffus du duodénum (sou-
blanche montre les lésions de pancréatite chronique céphalique alcoo-
vent sténosé), avec des kystes bien limités par la couche lique. B. Même patient qu'en A, vue en échoendoscopie d'un kyste de
musculeuse. Le traitement passe par le sevrage de toute la paroi duodénale (flèche blanche) développé sur pancréas aberrant
boisson alcoolisée et du tabac voire l'évacuation endos- (en cours d'évacuation par ponction). Les flèches blanches en poin-
copique du kyste duodénal, une dérivation et/ou une exé- tillé (en A et B) montrent l'épaississement inflammatoire de la paroi
rèse chirurgicale (figure 8.5) [15] ; duodénale.
Chapitre 8. Autres affections du pancréas exocrine 223

■ la forme nodulaire gastrique, plus rare et moins symp-


tomatique. Elle se traduit par des nodules de moins
de 3 cm, siégeant dans la sous-muqueuse gastrique et
effaçant les plis gastriques (figure 8.6). La localisation
préférentielle reste l'antre gastrique. Les diagnostics dif-
férentiels principaux sont la tumeur stromale digestive
(GIST [gastrointestinal stromal tumor]), le léiomyome,
le lipome, la tumeur neuroendocrine, le lymphome. Les
formes symptomatiques sont rares avec douleur, hémor-
ragie, trouble de l'évacuation gastrique.

Autres anomalies A
L'agénésie du pancréas est rare et généralement incompa-
tible avec la vie. L'agénésie partielle (ou hypoplasie) est
également rare (parfois associée à un diabète juvénile).
L'agénésie du pancréas dorsal réalise l'aspect de pancréas
en boule, elle peut être vue de façon isolée ou dans le cadre
de certaines malformations complexes associant polysplé-
nie, malrotation du mésentère, continuation azygos [16].
Il y a aussi des anomalies du canal de Wirsung qui sont de
B
découvertes fortuites dans le cadre de douleurs abdominales
ou de pancréatites aiguës. Certaines n'ont aucune relation
avec les symptômes sauf l'ansa pancreatica, impliquée dans
la genèse de pancréatites (figure 8.7).

C
Fig.  8.7 Anomalies du canal de Wirsung en CPRM. A, B.  Canal
principal bifide (flèches blanches – incluant une bifidité du paren-
chyme). C. Ansa pancreatica.

A
Maladies génétiques
du pancréas exocrine
Mucoviscidose
Épidémiologie et pathogénie
La mucoviscidose est la plus fréquente des maladies géné-
tiques dans les pays occidentaux. Le gène impliqué est
localisé sur le chromosome 7 (7q31) et code pour une pro-
téine transmembranaire, CFTR (cystic fibrosis transmem-
brane conductance regulator), exprimée au niveau de très
nombreux appareils. CFTR forme un canal chlore, AMP
cyclique-dépendant, exprimé au pôle apical des cellules épi-
théliales glandulaires des canaux pancréatiques, biliaires,
des cryptes intestinales, de l'arbre trachéobronchique, des
B tubules rénaux, de l'appareil génital et des glandes sudo-
Fig. 8.6 Vue endoscopique de pancréas aberrants de l'antre gas- ripares. De transmission autosomique récessive, cette
trique. A, B.  La flèche blanche montre la lésion sous-muqueuse de mutation est présente chez 4 % de la population générale.
type pancréas aberrant avec un petit pertuis typique au sommet de la Il existe plus de 2 000 mutations de ce gène, de sévérités
lésion non ulcérée. différentes (c'est-à-dire produisant des anomalies plus ou
224 Traité de pancréatologie

moins importantes de la protéine CFTR). La plus fréquente


est la perte d'un résidu phénylalanine de l'exon 10, la muta-
tion ΔF508, identifiée chez 66  % des patients porteurs Polypes nasaux
d'une mucoviscidose. La maladie est présente uniquement sinusites
dans une fratrie et un enfant sur quatre de cette fratrie a Toux
statistiquement le même équipement génétique. Il n'y a Encombrement
Bronchectasies
donc aucun antécédent familial notable au-delà de la cellule
Infections
familiale considérée. Insuffisance
La protéine CFTR fonctionne comme un canal qui per- respiratoire
met l'échange d'ions chlorures entre l'intérieur et l'extérieur Ictère
de la cellule (chapitre 1). Lorsque son gène est muté, le canal Lithiase
dysfonctionne. Il en résulte notamment une diminution de Hépatopathie
chronique
l'eau excrétée au niveau des muqueuses et, en conséquence,
une inflammation et un épaississement du mucus qui le
recouvre. Ce phénomène entraîne l'apparition des symp-
tômes habituels de la mucoviscidose. Cette maladie est un IPE Iléus méconial
bon exemple de la relation structure/fonction des gènes. En Pancréatites Obstruction
effet, les différentes mutations identifiées engendrent des aiguë ou Diarrhée
dysfonctionnements dont la sévérité est variable. Ainsi, la chronique chronique
mutation ΔF508 expose, quant à elle, à une forme relative-
ment sévère de mucoviscidose. En d'autres termes, la pré-
sence de deux mutations sévères sur chaque chromosome
aboutit à la mucoviscidose classique. Seuls les patients por- Azoospermie
teurs d'une ou deux mutations dites « peu sévères » peuvent Infertilité
espérer conserver la fonctionnalité de l'organe jusqu'à l'âge
adulte, voire indéfiniment. Les mutations sont groupées en
cinq classes selon les modifications induites sur le canal Fig. 8.8 Spectre des atteintes viscérales de la mucoviscidose. IPE :
chlore CFTR, les classes I à III étant les plus sévères avec une insuffisance pancréatique exocrine.
insuffisance pancréatique exocrine dans 95 à 100 % des cas.
Les anomalies des classes IV et V s'accompagnent d'un état
de « suffisance » pancréatique. Au niveau gastrointestinal, près de 85  % des patients
On classe maintenant les mutations du gène CFTR et sont donc touchés par la mucoviscidose : ils ont une insuf-
trois catégories : fisance pancréatique, responsable d'une malabsorption des
■ le groupe A qui regroupe les mutations « classiques » res- graisses. Le mucus présent au sein du tractus intestinal
ponsable de la mucoviscidose ; favorise par ailleurs les arrêts du transit, les alternances
■ le groupe B comprend des mutations non classiques res- diarrhées/constipation, la malabsorption des nutriments
ponsables d'atteintes reliées à la mucoviscidose mais sans et des vitamines. Les hommes atteints de la maladie sont
« tableau classique » (les formes pancréatiques pures en généralement stériles : les canaux déférents qui permettent
font partie) ; d'évacuer les spermatozoïdes des testicules sont en effet obs-
■ les mutations des groupes C sont sans conséquence cli- trués in utero par un bouchon muqueux, provoquant leur
nique et celles du groupe D sans conséquences fonction- régression Les autres symptômes et affections apparaissent
nelles sur la protéine CFTR [17–20]. secondairement : cirrhose, diabète, insuffisance cardiaque.
Dès l'établissement du diagnostic, les personnes atteintes
de mucoviscidose sont suivies au sein de centres de soins
Signes cliniques, diagnostic et traitement spécialisés, les centres de ressources et de compétences de la
de la mucoviscidose mucoviscidose (CRCM).
La mucoviscidose est une maladie qui se manifeste le plus Le diagnostic repose sur le test de la sueur, en particulier
souvent dès la naissance ou les premiers mois de la vie. chez l'enfant (concentration de chlore sudoral supérieure à
L'épais mucus qui encombre les bronches entraîne en pre- 60 mmol/L). L'analyse génétique avec recherche de muta-
mier lieu l'installation d'une bronchopathie obstructive qui tions du CFTR est indiquée pour confirmer le diagnostic
fait le lit d'infections bactériennes et altère progressivement (en particulier dans les formes atypiques) et pour assurer
les capacités respiratoires du patient, entraînant à terme l'enquête familiale.
une insuffisance respiratoire. Trois bactéries prédominent : Grâce aux progrès de la prise en charge de la maladie, un
l'Haemophilus influenzae, le Staphylococcus aureus et sur- grand nombre de patients atteignent l'âge adulte. Néanmoins,
tout le Pseudomonas aeruginosa. Les autres manifestations d'autres problèmes se posent alors en ce qui concerne la
et complications sont représentées par l'iléus méconial reproduction (stérilité due à l'atteinte des canaux déférents,
chez le nouveau-né, le syndrome d'occlusion intestinale grossesses), les aspects psychosociaux d'une maladie chro-
distale chez l'enfant, les sinusites à répétition, l'insuffisance nique et grave et l'insertion professionnelle. Le traitement
pancréatique exocrine et endocrine, les arthropathies et repose sur : la kinésithérapie respiratoire, l'antibiothérapie
l'atteinte hépatobiliaire avec lithiase, stéatose hépatique et fréquente et adaptée aux antibiogrammes, ainsi que la prise
cirrhose (figure 8.8). en charge digestive (prescription d'extraits pancréatiques,
Chapitre 8. Autres affections du pancréas exocrine 225

traitement des troubles fonctionnels intestinaux et de la


lithiase biliaire) et nutritionnelle (supplémentation calo-
rique, alimentation entérale, supplémentation vitaminique
et oligoéléments). La transplantation pulmonaire est pro-
posée en cas d'insuffisance respiratoire sévère. Des progrès
sont en cours par l'utilisation de molécules actives sur le
CFTR ainsi que par les essais cliniques de thérapie génique.
Cette dernière consiste à pulvériser le gène CFTR complexé
à un vecteur liposomal ou viral dans l'arbre bronchique (stra-
tégie in situ). En parallèle de la thérapie génique, l'alternative
consiste à corriger le fonctionnement de la protéine CFTR.
Plusieurs équipes développent donc des molécules originales
qui interagiraient avec cette protéine pour lui permettre de
s'intégrer dans la membrane (correcteurs) ou pour amélio-
rer son fonctionnement lorsqu'elle est présente mais inac-
tive (médicaments dits « potentiateurs »). Ces médicaments A
peuvent être associés : par exemple, l'elexacaftor et le tezacaf-
tor sont des correcteurs de la protéine CFTR avec laquelle ils
se lient pour faciliter la maturation et le trafic intracellulaires
de la protéine F508del-CFTR afin d'augmenter la quantité
de protéines CFTR amenées à la surface cellulaire. Une autre
molécule, l'ivacaftor, potentialise la probabilité d'ouverture
(ou de régulation) du canal CFTR au niveau de la surface cel-
lulaire (l'association tezacaftor et ivacaftor vient d'avoir l'auto-
risation européenne de mise sur le marché).

Manifestations pancréatiques
de la mucoviscidose
Rappelons que les enfants atteints de mucoviscidose (muco-
viscidose classique) naissent le plus souvent avec un pan-
créas totalement détruit et une insuffisance pancréatique
exocrine totale dès la naissance, concourant à leur dénutri- B
tion. Se pose alors la question de corriger de l'insuffisance
pancréatique exocrine par les extraits dont la biodisponibi- Fig.  8.9 Vues IRM d'une lipomatose pancréatique d'une muco-
viscidose à l'âge adulte. A, B. Le pancréas est remplacé par du tissu
lité et l'efficacité peuvent être évaluées par le dosage de la
graisseux (flèches blanches).
stéatorrhée sous extraits pancréatiques. Ceci pose des pro-
blèmes quotidiens d'adaptation de la ration alimentaire et
calorique avec prescription parfois de fortes doses d'extraits CFTR ou CTRC-CFTR. En effet, la combinaison des deux
pancréatiques. La difficulté est d'autant plus forte en cas de gènes mutés est responsable de pancréatites aiguës récur-
nutrition entérale associée ou d'atteinte intestinale surajou- rentes et/ou de lésions de pancréatites chroniques.
tée. Le pancréas sur le plan morphologique s'atrophie ; il Il est évident que ce diagnostic de pancréatite aiguë récur-
est remplacé par du tissu graisseux ; on parle de lipomatose rente ou de pancréatite chronique génétique ne sera retenu
associée à la mucoviscidose (figure 8.9). qu'après avoir éliminé les autres causes (chapitre 2) [21, 22].
En présence de mutations moins sévères ou de mutations Ce sera surtout chez les sujets jeunes (moins de 35 ans) qu'il
hétérozygotes, la fonction pancréatique exocrine peut être faudra poser ce type de diagnostic [23].
préservée : existe alors un risque de pancréatite aiguë réci-
divante. Il s'agit là encore d'un gène facilitateur de pancréa- Maladie de von Hippel-Lindau
tites aiguës à répétition. Ces pancréatites surviennent chez
des patients qui n'ont pas de symptômes « respiratoires » Épidémiologie et génétique
de mucoviscidose, qui sont le plus souvent dits « suffisants La maladie de von Hippel-Lindau (VHL) est une affection
pancréatiques ». L'augmentation de viscosité du suc pan- héréditaire multisystémique à transmission autosomique
créatique pourrait être entre autres un des mécanismes phy- dominante, avec une grande variabilité phénotypique et
siopathogéniques. Certaines mutations ont été identifiées à l'origine de tumeurs. Ces tumeurs atteignent le système
comme susceptibles de s'associer à des poussées de pancréa- nerveux central et la rétine (hémangioblastomes), les reins
tite aiguë, notamment l'allèle poly T [20]. Tout comme le (kystes et cancer), les surrénales (phéochromocytomes), le
gène SPINK1, l'association à un pancréas divisum favorise- pancréas (kystes et tumeurs solides) et le sac endolympha-
rait aussi la survenue des pancréatites chez les patients avec tique. Il s'agit d'une phacomatose dont la prévalence est esti-
mutation peu sévères du gène CFTR. Il y a aussi nécessité de mée à 1/53 000 et l'incidence à 1/36 000. Elle débute le plus
rechercher la mutation d'autres gènes dits « facilitateurs » car souvent à l'âge adulte (mais 15 % des cas se révèlent avant
la combinaison de mutations comme CFTR-SPINK1, CASR- l'âge 15 ans) [24]. Le sex-ratio est de 1.
226 Traité de pancréatologie

Cette maladie est donc provoquée par la mutation ger- de l'oreille interne avec perte de l'audition (10 % des cas)
minale du gène VHL lequel est localisé sur le chromosome (figure 8.10). Les paragangliomes de la tête et du cou sont
3p25-3. Il est constitué de trois exons et code pour une pro- rares.
téine de 213 acides aminés [24]. Il s'agit en fait d'un gène
suppresseur de tumeur exprimé dans les tissus du fœtus et Atteinte pancréatique de la maladie de VHL
de l'adulte humains. Il exerce un rôle clé dans la régulation Les lésions pancréatiques de la maladie de VHL consistent
négative (inhibition) de facteurs induits par l'hypoxie tels en kystes séreux vrais, cystadénomes séreux et tumeurs
que le HIF (hypoxia-inducible transcription factor – HIF1α neuroendocrines. Les lésions kystiques sont multiples
et HIF2α), le VEGF (vascular endothelial growth factor) (figure 8.11). Les métastases pancréatiques de cancer du rein
(cible du HIF qui augmente la synthèse de son acide ribonu- sont exceptionnelles. Les rares observations d'hémangioblas-
cléique [ARN] messager), TGF (transforming growth factor) tomes signalées sont peu ou pas documentées sur les plans
α et β ou l'HGF (hepatocyte growth factor). En cas de muta- histologique et immunohistochimique. L'adénocarcinome
tion de VHL, la protéine VHL sera incapable de dégrader faisait classiquement partie de la liste des lésions pancréa-
les facteurs angiogéniques qui vont donc être surexprimés tiques de la maladie de VHL. Cette notion a été remise en
et actifs, générant des tumeurs hypervascularisées. De plus, cause car les grandes séries de patients n'ont pas observé
dans les cellules des tumeurs apparaissant lors de de la mala- de cas d'adénocarcinome pancréatique. Les lésions pan-
die de VHL, l'hypoxie entraîne une surexpression du HIF créatiques peuvent constituer l'unique atteinte de la mala-
qui ne sera plus dégradé par la protéine VHL mutée entraî- die dans 8 % des cas. Lorsque la mutation n'est pas encore
nant une production incontrôlée de VEGF, érythropoïétine déterminée, cette atteinte permet de poser le diagnostic de
et autres facteurs proangiogéniques [24, 25]. maladie de VHL chez un sujet ayant une histoire familiale
Des corrélations génotype-phénotype ont été établies. démonstrative. Les tumeurs neuroendocrines représentent
Une classification est fondée sur la présence ou l'absence de 10 à 17 % des lésions pancréatiques. Elles sont multiples (2
phéochromocytome [24, 25] : à 5) dans la moitié des cas (des cas rares de nésidioblastose
■ le type I associe hémangioblastome du cervelet, atteinte ont été aussi décrits). Les tumeurs neuroendocrines sont
rénale et pancréatique mais sans association à un phéo- les seules lésions pancréatiques ayant un potentiel métasta-
chromocytome. Les altérations géniques sont des délé- tique. Le risque de transformation maligne est corrélé à la
tions, insertions ou mutations non-sens induisant la taille des tumeurs et il est admis que les lésions mesurant
synthèse d'une protéine VHL tronquée ; plus de 2 à 3 cm doivent être réséquées [26, 27].
■ le type  IIA associe hémangioblastome du cervelet et
phéochromocytome (atteinte rénale et pancréatique rare
ou absente) et mutations de VHL de type faux sens ;
■ dans le type  IIB, tous les organes cibles peuvent être
atteints, les mutations altèrent une région essentielle de la
protéine VHL qui entre en contact avec l'élongine C ; Tumeurs du sac
■ enfin, un type IIC est caractérisé par le développement Endolymphatique
isolé de phéochromocytomes. (0-11 %)

Hémangioblastomes
Hémangioblastomes
Description de la maladie Rétiniens (45-57 %)
SNC (46-75 %)
La maladie peut survenir à tout âge (moyenne : 26 ans) et
débute habituellement par des hémangioblastomes rétiniens
(multiples et bilatéraux dans 50 % des cas). Ils sont souvent
asymptomatiques mais peuvent provoquer un décollement
de la rétine, un œdème maculaire, un glaucome et une perte
de vision. Les hémangioblastomes du système nerveux cen- Phaeochromocytomes
tral sont révélateurs dans 40 % des cas et sont observés chez Kystes et SNC (19-25%)
cancers du rein
60 à 80 % des patients. Ils sont surtout localisés dans le cer-
(30-70 %)
velet mais aussi dans le tronc cérébral et la moelle épinière.
Ils sont bénins mais peuvent être symptomatiques par com-
pression des tissus adjacents. Dans le cervelet, ils entraînent Tumeurs kystiques et
généralement une hypertension intracrânienne, des cépha- neuroendocrines
lées, des vomissements et une ataxie des membres et du pancréatiques
tronc. La formation de kystes rénaux multiples est très fré- (18-77 %)
quente avec un risque très élevé de cancer à cellules claires
ou tubulopapillaires (30 à 60 % des cas). Certains phéochro-
mocytomes peuvent être asymptomatiques ou causer une
Kystes épididymaires
hypertension (11 à 19 % des cas). Sont aussi présents des (15-50 %)
kystes de l'épididyme chez l'homme et des ligaments larges
chez la femme, des kystes multiples du pancréas (majorité
des cas), des tumeurs neuroendocrines non sécrétantes Fig. 8.10 Spectre des atteintes viscérales de la maladie de VHL.
pancréatiques ou les tumeurs du sac endolymphatique SNC : système nerveux central.
Chapitre 8. Autres affections du pancréas exocrine 227

l'enfance. Ce suivi régulier, la détection et la prise en charge


rapides des tumeurs doivent réduire la morbidité et la mor-
talité de la maladie dont pronostic dépend de la présence ou
non de tumeurs multiples, les cancers rénaux étant la première
cause de décès, suivis des hémangioblastomes du système ner-
veux central. L'âge d'espérance de vie moyenne est de 50 ans.

Autres maladies génétiques


et congénitales
Ces maladies rares se traduisent le plus souvent par un défi-
cit pancréatique sécrétoire exocrine et des manifestations
dès l'enfance comme les lipomatoses associant stéatorrhée
et dénutrition : le syndrome de Shwachman et le syndrome
de Johanson-Blizzard pour lesquels des anomalies morpho-
logiques et médullaires sont aussi présentes. Le syndrome de
Pearson associe aussi une insuffisance pancréatique exocrine et
Fig. 8.11 Multikystose pancréatique dans le cadre de la maladie médullaire ; il rentre dans le cadre des cytopathies mitochon-
de VHL. Aspect IRM de kystes et cystadénomes séreux pancréatiques driales [28]. Le syndrome de Shteyer est lié à une mutation
(flèches blanches). dans le gène COX4/2. La mutation germinale de HNF-1β est
responsable d'une maladie autosomique dominante associant
une atteinte rénale (kystes, insuffisance), des anomalies géni-
Diagnostic tales, une atteinte hépatique biologique mais aussi un diabète
Le diagnostic repose sur la présence d'une tumeur carac- avec au plan pancréatique hypoplasie (et possibilité d'IPE), plus
téristique du spectre de la maladie (atteinte de la rétine ou rarement kystes pancréatiques et tumeurs solides (adénocarci-
hémangioblastomes du système nerveux central ou can- nome et TNE). Il associe aussi une insuffisance pancréatique
cer du rein) ET d'antécédents familiaux. En l'absence de exocrine à une anémie dysérythropoïétique et une hyperostose
ces critères (il faut savoir que dans 20 % des cas, il s'agit calvariale. La littérature rapporte enfin différents cas de déficits
de mutations de novo), la présence de plusieurs tumeurs isolés en enzymes pancréatiques : lipase, colipase, lipase et coli-
est requise, par exemple : deux hémangioblastomes ou un pase, trypsinogène, entérokinase. Le déficit isolé en amylase est
hémangioblastome et un cancer à cellule claire du rein. En physiologique durant la très jeune enfance et ne semble pas être
association avec l'imagerie cérébrale et abdominale, il faudra associé à une insuffisance pancréatique exocrine persistante au
pratiquer une numération formule sanguine à la recherche cours de la vie [28]. Rappelons que la pancréatite chronique
d'une polyglobulie, un dosage des métanéphrines sanguines héréditaire est plus fréquente que les syndromes sus-cités ; elle
et urinaires à la recherche d'un phéochromocytome et une est traitée dans le chapitre 4 de cet ouvrage.
cytologie urinaire dans le cadre d'un éventuel cancer rénal.
L'échoendoscopie, assortie éventuellement d'une cyto- Atteintes pancréatiques au cours
ponction, sera nécessaire pour confirmer une tumeur neu- des maladies générales
roendocrine pancréatique. Un cas fréquent est la découverte
fortuite de lésions pancréatiques kystiques chez un patient Il s'agit d'atteintes rares pour des maladies dites « de sys-
asymptomatique. Le contexte clinique est primordial et tème », appartenant aux groupes des vascularites, des granu-
l'association avec des tumeurs rénales ou cérébrales permet lomatoses ou des connectivites.
le plus souvent de poser le diagnostic. Un diagnostic anté- La plupart des atteintes se manifestent par des poussées
natal par analyse moléculaire des cellules du liquide amnio- de pancréatite aiguë au cours des vascularites comme la
tique ou des villosités choriales est proposé si une mutation périartérite noueuse (PAN), la granulomatose à polyangéite
responsable a déjà été identifiée dans la famille. Un conseil (PGA, ou syndrome de Wegener), la polyangéite microsco-
génétique devrait être proposé aux patients et aux familles. pique (PAM), la maladie de Kawasaki, le purpura rhuma-
Le diagnostic différentiel inclut la néoplasie endocrinienne toïde (vascularite à IgA) ou la maladie de Behçet.
multiple de type  1, la neurofibromatose, la polykystose Des cas de pancréatites aiguës ont aussi été décrits au
rénale, la sclérose tubéreuse de Bourneville, les syndromes cours des connectivites comme le lupus, la sclérodermie, la
de Birt-Hogg-Dubé et du phéochromocytome-paragan- polyarthrite rhumatoïde, la dermatomyosite ou le syndrome
gliome héréditaire associés à des mutations des sous-unités des antiphospholipides (SAPL).
de la succinate déshydrogénase (SDHB, SDHC, SDHD). Dans le cadre du syndrome de Gougerot-Sjögren, il est clas-
sique que le syndrome sec s'étende à la sécrétion exocrine pan-
créatique qu'il faudra détecter par le dosage de l'élastase fécale.
Traitement et pronostic Une forme pseudotumorale d'atteinte pancréatique peut
La prise en charge thérapeutique est de type pluridisciplinaire. être rencontrée au cours du syndrome hyperéosinophi-
En ce qui concerne le pancréas, seules les tumeurs neuroendo- lique et, bien sûr, au cours de la pancréatite autoimmune
crines relèvent d'une chirurgie dès que la taille dépasse le seuil (chapitre 4). La sarcoïdose peut faire l'objet d'une atteinte
des 2 à 3 cm de diamètre (chapitre 7). Le suivi doit être à vie pancréatique sous forme de rares cas de pancréatite aiguë
avec suivi biologique et évaluations : ophtalmologique, céré- mais surtout d'infiltration granulomateuse avec infiltration
brale par IRM, abdominale par scanners et IRM. Les patients à parenchymateuse et/ou canalaire (canal de Wirsung et cho-
risque devraient être soumis à un programme de dépistage dès lédoque), voire des formes pseudotumorales.
228 Traité de pancréatologie

Citons enfin de très rares cas d'atteinte pancréatique au s'explique par la topographie rétropéritonéale de la glande
cours de l'histiocytose langerhansienne, la porphyrie, l'amy- pancréatique [31].
lose ou l'angiœdème héréditaire.
Biologie
L'apport de la biologie dans la démarche diagnostique des
Traumatismes du pancréas traumatismes du pancréas repose sur le dosage sanguin de la
Généralités lipase. L'élévation de la lipase est malheureusement modérée
et non spécifique dans les six premières heures après le trau-
Les traumatismes du pancréas sont rares. Ils représentent
matisme. Il n'y a pas de corrélation entre le taux d'enzyme et
entre 2 et 5 % des traumatismes fermés de l'abdomen, tou-
la gravité de l'atteinte pancréatique. Le taux de lipase initial
chant majoritairement l'enfant et l'adulte jeune, avec une
est normal dans 40 % des cas de traumatisme pancréatique.
prédominance masculine [29–31]. Son diagnostic est rendu
Par contre, la sensibilité du dosage augmente avec le temps, et
difficile par son association fréquente avec d'autres lésions
l'hyperlipasémie est rapportée jusque chez 90 % des patients
d'organes intra-abdominaux, ainsi que par le caractère
présentant un traumatisme pancréatique [30].
souvent aspécifique et différé de la symptomatologie et des
signes radiologiques.
On distingue deux principaux mécanismes responsables Examens complémentaires
de traumatismes du pancréas : les traumatismes pénétrants Le rôle des examens d'imagerie est prépondérant dans l'éva-
(armes à feu ou blanches) et les traumatismes à ventre fermé luation des traumatismes pancréatiques, à la fois pour leur
(blunt trauma), le plus souvent lors d'accidents de la voie diagnostic, leur classification en matière de sévérité et leur
publique (AVP). En Europe, la majorité des traumatismes suivi. L'interprétation est cependant difficile, avec des signes
pancréatiques sont des traumatismes à ventre fermé (deux aspécifiques, et souvent indiscernables de ceux d'une pan-
tiers des cas), en rapport avec un AVP dans 70 % des cas créatite. La présence de multiples lésions d'organes au bilan
[29]. Le mécanisme principal est la compression de la por- initial constitue un signal d'alerte, devant faire évoquer la
tion céphalo-isthmique pancréatique sur le billot des corps possibilité d'une atteinte pancréatique coexistante, et pous-
vertébraux rachidien [29, 31] (figure 8.12). ser à la rechercher attentivement.
Les traumatismes pancréatiques sont associés à d'autres
lésions viscérales dans 90 % des cas chez l'adulte [29, 31], Échographie
notamment hépatiques (26 % des cas) et du tube digestif (grêle Malgré sa facilité d'accès et de réalisation, l'échographie peut
et colon : 25 % des cas), pouvant expliquer leur diagnostic à difficilement permettre de porter le diagnostic de lésions
retardement quand les lésions associées sont au premier plan. pancréatiques. Elle reste très utile dans le bilan en urgence
des polytraumatisés (FAST-écho).
Diagnostic
Clinique Scanner abdominal injecté
Le diagnostic clinique est souvent difficile, avec des signes C'est l'examen de référence pour les patients présentant un
non spécifiques, souvent peu marqués à la phase précoce, traumatisme abdominal avec une hémodynamique conser-
parfois masqués par l'atteinte associée d'autres organes. Ceci vée ou stabilisée. La présence de fractures vertébrales L1-L2
doit alerter les radiologues et faire analyser attentivement
l'espace rétropéritonéal. La sensibilité du scanner injecté est
de l'ordre de 80–90 %. Celle-ci dépend de son délai de réali-
sation après le traumatisme. Le pancréas peut paraître nor-
mal chez 20 à 40 % des patients traumatisés pancréatiques
si l'examen est réalisé dans les douze premières heures du
traumatisme [3], en particulier chez les enfants chez qui le
délai d'apparition d'images scanographiques est le plus long.
La corrélation entre résultats scanographiques et constata-
tions peropératoires est de seulement 55 %. La détection
d'une atteinte majeure du canal pancréatique au scanner
injecté est de l'ordre de 40 % [31].
Les signes diagnostiques peuvent être classés en directs
(spécifiques) et indirects (non spécifiques) [31] :
■ les signes directs regroupent entre autres les cas présen-
tant une lacération ou une fracture parenchymateuse, un
œdème focal ou diffus de la glande ou encore un hématome
intrapancréatique, signe très spécifique (Fig. 8.13 à 8.15) ;
■ les signes indirects regroupent entre autres l'inflamma-
tion de la graisse péripancréatique, un épanchement
Fig. 8.12 Mécanisme principal des traumatismes fermés du pan- péripancréatique, une dilatation du canal pancréatique
créas. L'isthme du pancréas est comprimé entre la zone de compression ou encore la présence d'une lame d'épanchement entre
du traumatisme (flèche rouge) et le « billot vertébral » (flèche bleue). le pancréas et la veine splénique, retrouvée jusque dans
Chapitre 8. Autres affections du pancréas exocrine 229

90 % des cas de traumatismes pancréatiques, ce qui est


très évocateur.

IRM et pancréato-IRM
L'IRM est devenue la méthode non invasive de référence
pour affirmer une atteinte canalaire pancréatique, élé-
ment essentiel du diagnostic, de la prise en charge et de la
survenue de complications. Sa sensibilité diagnostique
pour l'atteinte  du canal pancréatique principal s'élève à
97 % au niveau de la tête, 83 % au niveau de la queue [31].
Complémentaire de la TDM, elle permet d'apporter une
analyse plus fine de l'atteinte canalaire.

CPRE
Fig. 8.13 Scanner : fracture corporéocaudale du pancréas. La frac- La CPRE est la méthode invasive de référence et la plus sen-
ture corporéocaudale est indiquée par la flèche rouge. sible pour affirmer une atteinte canalaire pancréatique [31].
Son intérêt est aussi thérapeutique, à la fois en phase aiguë
avec mise en place d'une prothèse intracanalaire, mais aussi
à distance pour traiter des complications type pseudokyste et
fistules pancréatiques. Elle est uniquement envisageable chez
des patients stables. Les signes en faveur d'une atteinte cana-
laire sont la visualisation d'une extravasation de produit de
contraste, d'une obstruction canalaire ou les deux. Cependant,
cet examen est invasif avec un taux de complication de 3 à
5 %, la complication la plus habituelle étant le développement
d'une pancréatite dans les vingt-quatre premières heures après
le geste. L'impossibilité de cathétériser le canal de Wirsung ou
une pancréatographie inadéquate survient dans 30 % des cas.

Classification
Deux classifications des lésions traumatiques du pancréas
sont utilisées afin de classer les lésions par ordre croissant
de gravité, de déterminer le siège des lésions (tête, corps ou
queue), le type d'atteinte (contusion, hématome, lacération
ou fracture complète), mais surtout de préciser la présence
Fig. 8.14 Scanner : rupture de l'isthme pancréatique. La fracture
ou l'absence d'une atteinte du canal de Wirsung, élément
isthmique est indiquée par la flèche rouge. fondamental de la prise en charge. Dans 50 % des cas, les
localisations sont multiples [29].
La classification de Lucas a été établie en 1977 [32],
sur des données d'imagerie TDM ou sur les constatations
peropératoires. Les recommandations et les stratégies thé-
rapeutiques françaises s'appuient majoritairement sur cette
classification (figure 8.16) [29].
Il existe aussi la classification de l'American Association
for the Surgery of Trauma (AAST) [33] (Tableau 8.1) sur
laquelle reposent les recommandations internationales.

Sévérité
Mortalité
La mortalité des traumatismes pancréatiques varie entre
5 et 30 % [6] des cas. Les lésions pancréatiques en elles-
mêmes sont responsables du décès dans 5 à 10 % des cas,
lié au retard de diagnostic, le plus souvent par sepsis grave/
nécrose/défaillance multiviscérale. Les autres causes de
décès sont en rapport avec les lésions associées.
Fig.  8.15 Scanner  : fracture de la tête du pancréas associée à Les principaux facteurs pronostiques de mortalité [30, 34]
un saignement de l'arrière-cavité des épiploons. La fracture est ont été regroupés dans un score prédictif de mortalité : le PIMS
indiquée par la flèche rouge, le saignement par la flèche bleue. (pancreatic injury mortality score) (Tableau 8.2).
230 Traité de pancréatologie

I II III

IVa IVb

Fig. 8.16 Classification de Lucas des traumatismes du pancréas. Classe I : contusion ou lacération pancréatique avec une atteinte parenchy-
mateuse limitée ; canal de Wirsung intact ; pas d'atteinte duodénale. Classe II : lacération, perforation ou section complète du corps et de la queue
avec atteinte du canal de Wirsung ; pas d'atteinte duodénale. Classe III : écrasement, perforation ou section complète de la tête pancréatique ;
pas d'atteinte duodénale. Classe  IVa  : atteinte combinée duodénopancréatique ; atteinte pancréatique limitée. Classe  IVb  : atteinte combinée
duodénopancréatique ; atteinte pancréatique sévère (rupture du canal de Wirsung). D'après [29].

Tableau 8.1 Classification de l'AAST pour Tableau 8.2 Score de gravité des traumatismes


les traumatismes du pancréas. du pancréas (PIMS).
Grade Lésion Description Critères Points
I Hématome • Hématome mineur Âge > 55 ans
Lacération • Lacération superficielle
Oui 5
• Sans lésion canalaire
Non 0
II Hématome • Hématome majeur
Lacération • Lacération majeure État de choc
• Sans lésion canalaire ou sans perte
Oui 5
tissulaire
Non 0
III Transsection • Transsection ou lésion traumatique du
Lacération parenchyme distal Atteinte vasculaire majeure
• Avec lésion canalaire
Oui 2
IV Lacération • Transsection ou lésion traumatique
Non 0
parenchymateuse proximale
• Avec atteinte de l'ampoule de Vater Nombre de lésions d'organe associées
AAST : American Association for the Surgery of Trauma. 0 0
1 1
Morbidité 2 2
La morbidité des traumatismes pancréatiques varie entre 30 ≥3 3
et 50 % [34] des cas. La morbidité propre à l'atteinte pan- Grade AAST
créatique est estimée aux alentours de 20 % (principalement
les fistules pancréatiques, les pseudokystes (figure 8.17) et I 1
les abcès intra-abdominaux) [34, 35], le reste provenant des II 2
lésions associées.
(Suite)
Chapitre 8. Autres affections du pancréas exocrine 231

Tableau 8.2 Suite.
Critères Points
III 3
IV 4
V 5
Score total …/20
Groupes de risque PIMS Mortalité estimée
Faible 0–4 Faible (< 1 %)
Moyen 5–9 Moyen (15–17 %)
Élevé 10–20 Élevée (50 %)
AAST : American Association for the Surgery of Trauma ; PIMS : pancreatic
injury mortality score.
Fig.  8.17 Scanner  : pseudokyste post-traumatique de l'arrière
cavité des épiploons. Le pseudokyste est indiqué par la flèche rouge.

Tableau 8.3 Principes de traitement des traumatismes du pancréas.


Surveillance en milieu Chirurgie en urgence Surveillance
chirurgical Exploration du pancréas ± laparotomie Prothèse (endoscopie)
écourtée Chirurgie ± différée
Instabilité – + – ou + –
hémodynamique
Lésions viscérales associées – + + –
Atteinte du canal de Wirsung – + – +

La morbidité propre de l'atteinte pancréatique est un lésionnel pancréatique et viscéral, la prise en charge chirur-
facteur de risque de survenue de complications extrapan- gicale spécifique pourra aller d'un simple drainage intra-
créatiques, notamment les complications de réanimation abdominal à une chirurgie d'exérèse, en un ou plusieurs
intensive : syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), temps, par une équipe spécialisée [29, 36].
insuffisance rénale aiguë, pneumopathie, défaillance multi- La prise en charge endoscopique ne peut s'envisager qu'en
viscérale, etc. Celles-ci augmentent avec le grade AAST de la cas de traumatisme du canal pancréatique, pour la pose d'une
lésion pancréatique [30, 34]. prothèse ou l'amélioration du drainage transpapillaire [37],
chez un patient stable hémodynamiquement et le plus rapi-
dement possible après le traumatisme, pour avoir le maxi-
Prise en charge mum de chance de succès, par une équipe entraînée [37].
La prise en charge d'un traumatisé du pancréas doit être faite
dans un centre spécialisé. Cette prise en charge va dépendre
de trois paramètres : Cas particulier du traumatisme
■ l'état hémodynamique du patient ; pancréatique chez l'enfant
■ la présence ou non de lésions associées ; Les traumatismes pancréatiques sont rares chez l'enfant
■ une atteinte ou non du canal de Wirsung. (< 5 %) et surviennent généralement après un mécanisme
À partir de ces trois paramètres, la prise en charge va aller à ventre fermé, le plus classiquement après une chute à vélo
de la simple surveillance à la chirurgie d'urgence, en pas- avec impact contre le guidon. La mortalité est d'environ 5 %
sant par la possibilité de chirurgies répétées ou d'endoscopie et la morbidité d'environ 25 %. Les traumatismes pancréa-
interventionnelle. Pour guider la prise en charge, la classifi- tiques sont la principale cause de pancréatite aiguë et de
cation AAST est la plus utilisée dans les recommandations pseudokyste chez l'enfant [38].
internationales [33], celle de Lucas est la plus utilisée dans Les modalités diagnostiques restent les mêmes que celles
les recommandations françaises [32]. disponibles chez l'adulte. La sensibilité diagnostique d'un
Les principales prises en charge sont synthétisées dans le traumatisme pancréatique est d'environ 75 % [38], mais le
tableau 8.3. diagnostic de l'atteinte canalaire n'est que d'environ 50 %.
Les malades à surveiller sont ceux correspondant aux Contrairement à l'adulte, cette sensibilité diagnostique ne
stades Lucas I ou AAST I/II ; ils ont une mortalité inférieure semble pas ou peu augmenter avec le temps. La CPRE est
à 5 % et une morbidité inférieure à 20 % [29]. peu utilisée, compte tenu de son caractère invasif et de ses
Pour les autres situations, le premier objectif est la sta- risques de pancréatite post-CPRE [38].
bilisation hémodynamique du malade, si besoin au prix La prise en charge de l'enfant reste très débattue, entre
d'une laparotomie écourtée [29, 35, 36]. En fonction de l'état une attitude non opératoire ou opératoire. L'immense
232 Traité de pancréatologie

[3] Bret PM, Reinhold C, Taourel P, Guibaud L, Atri M, Barkun AN.


Encadré 8.1. À propos des traumatismes Pancreas divisum: evaluation with MR cholangiopancreatography.
du pancréas Radiology 1996 ;199:99–103.
[4] Manfredi R, Costamagna G, Brizi MG, Spina S, Maresca G, Vecchioli

Les traumatismes du pancréas sont rares. Ils représentent A, et al. Pancreas divisum and “santorinicele”: diagnosis with dynamic
entre 2 et 5 % des traumatismes fermés de l'abdomen. MR cholangiopancreatography with secretin stimulation. Radiology

Deux types de traumatismes  : pénétrants (armes à feu ou 2000 ;217:403–8.
blanches) et à ventre fermé, le plus souvent au cours d'AVP. [5] Klein SD, Affronti JP. Pancreas divisum, an evidence-based review:

Si le diagnostic clinique est difficile, la TDM est essentielle pour part I, pathophysiology. Gastrointest Endosc 2004 ;60:419–25.
obtenir un bilan lésionnel abdominal global et pancréatique. [6] Heyries L, Barthet M, Sahel J. Anomalies congénitales du pancréas.
In: Lévy P, Ruzsniewski P, Sauvante A, editors. Traité de pancréatolo-

L'IRM est également essentielle pour obtenir un bilan
gie clinique. Paris: Flammarion Médecine-Sciences ; 2005. p. 349–57.
lésionnel canalaire pancréatique.
[7] Fujimori N, Igarashi H, Asou A, Kawabe K, Lee L, Oono T, et al.

L'imagerie sera répétée en cas de forte suspicion clinique, Endoscopic approach through the minor papilla for the management
sans preuve d'imagerie formelle à l'admission. of pancreatic diseases. World J Gastrointest Endosc 2013 ;5:81–8.

La mortalité varie entre 5 et 30 % et la morbidité entre 30 et [8] Hebrok M, Kim SK, St Jacques B, McMahon AP, Melton DA.
50 %, principalement liées à des fistules et à des abcès. Regulation of pancreas development by hedgehog signaling.

L'évaluation du pronostic et la prise en charge reposent sur Development 2000 ;127:4905–13.
deux classifications qui prennent en compte : [9] Dowsett JF, Rode J, Russell RC. Annular pancreas: a clinical, endosco-
– le type de contusion (contusion, hématome, lacération ou pic, and immunohistochemical study. Gut 1989 ;30:130–5.
fracture) ; [10] Yogi Y, Shibue T, Hashimoto S. Annular pancreas detected in adults,
diagnosed by endoscopic retrograde cholangiopancreatography:
– la présence ou non d'une atteinte du canal de Wirsung.
report of four cases. Gastroenterol Jpn 1987 ;22:92–9.

Le traitement dépendra de l'état hémodynamique, des
[11] Leyendecker JR, Elsayes KM, Gratz BI, Brown JJ. MR cholangiopan-
lésions associées et de l'atteinte du canal de Wirsung. creatography: spectrum of pancreatic duct abnormalities. AJR Am J

Les trois types d'attitudes thérapeutiques sont la surveillance Roentgenol 2002 ;179:1465–71.
en milieu chirurgical, la chirurgie en urgence avec exploration [12] Jona JZ, Babbitt DP, Starshak RJ, LaPorta AJ, Glicklich M, Cohen RD.
pancréatique ou la mise en place d'une prothèse pancréatique Anatomic observations and etiologic and surgical considerations in
par CPRE avec possible chirurgie différée. choledochal cyst. J Pediatr Surg 1979 ;14:315–20.
[13] Inoue Y, Nakamura H. Aplasia or hypoplasia of the pancreatic unci-
nate process: comparison in patients with and patients without intes-
tinal nonrotation. Radiology 1997 ;205:531–3.
majorité des traumatismes pancréatiques pédiatriques de [14] Sugiyama M, Haradome H, Takahara T, Abe N, Tokuhara M, Masaki
grades I et II sont traités de façon non opératoire ; plus de la T, et al. Anomalous pancreaticobiliary junction shown on multidetec-
moitié des grades III-V également, avec de très bon taux de tor CT. AJR Am J Roentgenol 2003 ;180:173–5.
succès [10]. La morbidité est plus élevée en cas de prise en [15] Buscail E, Buscail L. La pancréatite paraduodénale. Hépato-Gastro
charge opératoire retardée ou différée. Oncol Digest 2019 ;26:332–42.
[16] Guclu M, Serin E, Ulucan S, Kul K, Ozer B, Gumurdulu Y, et  al.
Agenesis of the dorsal pancreas in a patient with recurrent acute pan-
Conclusion creatitis: case report and review. Gastrointest Endosc 2004 ;60:472–5.
[17] Fanen P, Wohlhuter-Haddad A, Hinzpeter A. Genetics of cystic fibro-
Les traumatismes pancréatiques sont rares, mais sont pour- sis: CFTR mutation classifications toward genotype-based CF thera-
voyeurs d'une morbidité et d'une mortalité élevées. Leur pies. Int J Biochem Cell Biol 2014 ;52:94–102.
diagnostic est difficile, car souvent associés à d'autres lésions [18] Ooi CY, Dorfman R, Cipolli M, Gonska T, Castellani C, Keenan K,
intra-abdominales, mais doit être réalisé le plus rapidement Freedman SD, Zielenski J, Berthiaume Y, Corey M, Schibli S, Tullis E,
possible pour avoir de meilleurs résultats. Il ne faut pas hési- Durie PR. Type of CFTR mutation determines risk of pancreatitis in
patients with cystic fibrosis. Gastroenterology 2011 ;140:153–61.
ter à répéter le dosage de la lipase sanguine et les examens
[19] Whitcomb DC. Genetic risk factors for pancreatic disorders.
d'imagerie en cas de suspicion initiale ou de dégradation Gastroenterology 2013 ;144:1292–302.
secondaire. L'élément essentiel au plan pronostique et thé- [20] Gelrud A, Sheth S, Banerjee S, Weed D, Shea J, Chuttani R, et al.
rapeutique réside dans l'existence d'une atteinte ou non du Analysis of cystic fibrosis gener product (CFTR) function in patients
canal pancréatique principal. La gestion des traumatisés du with pancreas divisum and recurrent acute pancreatitis. Am J
pancréas doit être confiée aux équipes chirurgicales expertes Gastroenterol 2004 ;99:1557–62.
en chirurgie pancréatique (initialement ou transfert après [21] Jalaly NY, Moran RA, Fargahi F, Khashab MA, Kamal A, Lennon
stabilisation hémodynamique) et nécessite des discussions AM, et al. An evaluation of factors associated with pathogenic PRSS1,
multidisciplinaires répétées entre les radiologues, chirur- SPINK1, CTFR, and/or CTRC genetic variants in patients with idio-
giens et gastroentérologues endoscopistes (encadré 8.1). pathic pancreatitis. Am J Gastroenterol 2017 ;112:1320–9.
[22] Weiss FU, Skube ME, Lerch MM. Chronic pancreatitis: an update on
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Chapitre 8. Autres affections du pancréas exocrine 233

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Chapitre
9
Chirurgie, radiologie et
endoscopie interventionnelle
des affections du pancréas
PLAN DU CHAPITRE
Chirurgie du pancréas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235 Traitement de la sténose bénigne
Chirurgies d'exérèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235 et maligne de la voie biliaire principale . . . . . . 268
Chirurgie palliative et de dérivation. . . . . . . . . 250 Traitement des pseudokystes . . . . . . . . . . . . . . 269
Complications immédiates. . . . . . . . . . . . . . . . . 253 Traitement de la nécrose infectée . . . . . . . . . . 271
Complications tardives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255 Traitement des fistules pancréatiques . . . . . . . 274
Radiologie interventionnelle du pancréas . . . . . . 256 Traitement de la dystrophie kystique
Traitement des complications vasculaires . . . . . 256 duodénale sur pancréas aberrant
Drainage des pseudokystes (pancréatite paraduodénale) . . . . . . . . . . . . . . 274
et des collections nécrotiques . . . . . . . . . . . . . . 260 Traitement des sténoses duodénales . . . . . . . . 274
Traitement de l'obstruction biliaire . . . . . . . . . 262 Traitements innovants et antitumoraux in situ 276
Endoscopie interventionnelle des affections Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276
pancréatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263
Rôle de l'endoscopie dans la prise en charge
de la douleur de la pancréatite chronique . . . 263

Chirurgie du pancréas à enlever en monobloc la tête du pancréas, le duodénum, la


région antropylorique et la voie biliaire principale (Fig. 9.1A)
Chirurgies d'exérèse [1, 2]. Le rétablissement de la continuité pancréatique,
Les pancréatectomies regroupent les résections partielles et biliaire et digestive se réalise le plus souvent selon le mon-
totales du pancréas et ont des indications variées : des lésions tage de Child (Fig. 9.1B). Elle est indiquée pour des tumeurs
bénignes (tumeur kystique bénigne symptomatique, par malignes ou bénignes de la tête du pancréas mais aussi pour
exemple), des lésions inflammatoires (pancréatite chronique la résection de tumeurs ampullaires, duodénales ou du bas
calcifiante invalidante), des lésions à potentiel de dégéné- cholédoque. Dans de rares cas, elle est indiquée pour une
rescence (tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pathologie non tumorale de la tête du pancréas [1, 2].
pancréas, cystadénome mucineux, tumeur pseudopapillaire En cas de suspicion ou de tumeur maligne avérée, le pre-
et solide du pancréas, par exemple) et des lésions malignes mier temps de la chirurgie consiste à rechercher une contre-
(adénocarcinome pancréatique, par exemple). Devant cette indication à la duodénopancréatectomie céphalique, avant
variété d'indications, il existe de nombreuses techniques les sections pancréatiques, jéjunales et gastriques qui sont
chirurgicales différentes en fonction de la nature bénigne des points de « non-retour » de cette chirurgie. Après avoir
ou maligne de la lésion et de sa localisation. La majorité éliminé une contre-indication à la chirurgie, la duodéno-
des pancréatectomies induisent une morbidité postopéra- pancréatectomie céphalique (DPC) pourra être réalisée. Elle
toire significative. Il est donc nécessaire d'évaluer la balance comprend deux phases distinctes [1, 2] :
bénéfice-risque avant toute chirurgie pancréatique, en fonc- ■ la phase de résection, qui consiste à enlever en mono-
tion de l'opérabilité du patient, du pronostic de sa patholo- bloc la tête du pancréas à droite de l'isthme, le duodé-
gie et du type d'intervention. num, l'antre gastrique, la première anse jéjunale et la
voie biliaire principale associée à une cholécystectomie
(Fig. 9.1A). En cas de suspicion ou de tumeur maligne
Duodénopancréatectomie céphalique avérée, un curage ganglionnaire sera associé ;
La duodénopancréatectomie céphalique (ou procédure de ■ la phase de reconstruction, qui consiste le plus fré-
Whipple) est l'exérèse pancréatique la plus réalisée et consiste quemment en un montage de Child  : anastomoses
Traité de pancréatologie
© 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 235
236 Traité de pancréatologie

A B
Fig. 9.1 Duodénopancréatectomie céphalique. A. Limites de résection en cas de conservation antropylorique (1) et en cas d'antrectomie (2).
B. Reconstruction après duodénopancréatectomie céphalique selon le montage de Child : anastomoses pancréaticojéjunale, hépaticojéjunale et
gastrojéjunale précolique. Source : Buc E, Sauvanet A. Duodénopancréatectomie céphalique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Tech Chir-Appar Dig
2011 ; 6 : 1-24 [Article 40-880-B].

pancréaticojéjunale, hépaticojéjunale et gastrojéjunale et de l'isthme pancréatique à la recherche de nodules de


précolique (Fig. 9.1B). D'autres montages peuvent aussi carcinose péritonéale. Le décollement coloépiploïque se
être réalisés, notamment avec réalisation d'une anasto- poursuivra à droite jusqu'au tronc veineux gastrocolique
mose pancréaticogastrique. de Henlé, qui est la réunion des veines gastroépiploïques
droites, colique supérieure droite et souvent colique
Installation et voie d'abord médiane (Fig. 9.2A).
L'exploration se poursuit par l'abaissement de l'angle
Le patient est en décubitus dorsal et l'opérateur est placé
colique droit et la mobilisation du bloc duodénopancréa-
à la droite de celui-ci. La voie d'abord la plus utilisée est
tique de dehors en dedans par la manœuvre de Kocher,
la laparotomie sous-costale ou transversale droite, plus
permettant de libérer la face antérieure de la veine cave
ou moins étendue à gauche de la ligne médiane. L'abord
inférieure, la terminaison de la veine rénale gauche, la face
mini-invasif par cœlioscopie (conventionnelle ou par
antérieure de l'aorte et l'origine de l'artère mésentérique
robot) est de plus en plus utilisé dans la DPC, mais reste
supérieure (AMS) (Fig. 9.2B).
peu fréquent [1, 2].
Un picking des ganglions inter-aortico-caves devra être
réalisé après mobilisation du bloc duodénopancréatique,
Exploration le plus souvent de façon systématique en cas de tumeur
L'exploration doit être minutieuse et consiste à rechercher maligne. En cas de positivité de ce picking à l'examen extem-
une contre-indication à la DPC avant tout geste de résec- porané, la résection doit être contre-indiquée.
tion. En cas de découverte de lésions suspectes de carcinose La suite de l'exploration se poursuit par la vérification de
péritonéale ou de métastases, une analyse histologique l'absence d'extension tumorale aux vaisseaux mésentériques
extemporanée doit être réalisée. Le foie est inspecté et palpé et à la racine du mésentère. La racine du mésentère est exa-
à la recherche de métastases et la recherche d'une carcinose minée en soulevant le mésocôlon transverse à la recherche
péritonéale est effectuée de façon systématique, quadrant d'un envahissement du mésocôlon transverse droit. La veine
par quadrant par examen des coupoles diaphragmatiques, mésentérique supérieure (VMS) est disséquée jusqu'au bord
de l'intestin, du côlon, du mésentère, du mésocôlon, du cul- inférieur de l'isthme pancréatique à la recherche d'un enva-
de-sac de Douglas et des fascias de Toldt. Le décollement hissement tumoral de l'axe mésentéricoporte (Fig. 9.2C).
coloépiploïque commence par la partie moyenne du méso- Cette dissection doit être poursuivie pas à pas jusqu'à la
côlon transverse et se poursuit de la gauche vers la droite, terminaison du tronc splénomésaraïque sur le bord gauche
permettant l'ouverture de l'arrière-cavité des épiploons et de la VMS. Cette dissection doit être circonférentielle, per-
l'exposition de la région cœliaque, du corps, de la queue mettant de chercher un envahissement tumoral de la racine
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 237

A B

C D

1 2 3

4
5
E F
Fig. 9.2 Duodénopancréatectomie céphalique : exploration et évaluation de la résécabilité. A. Exposition de la tête et du corps du pancréas,
par décollement coloépiploïque, permettant de récliner l'estomac vers le haut, décollement duodénopancréatique et abaissement de l'angle
colique droit. B. Décollement duodénopancréatique (manœuvre de Kocher) : celui-ci est poussé jusqu'au bord gauche de la veine cave inférieure,
ce qui expose la face postérieure du bloc duodénopancréatique, ainsi que la veine rénale gauche, l'origine de l'artère mésentérique supérieure
et celle du tronc cœliaque. C. Début de la tunnellisation rétro-isthmique : dissection ascendante de la face antérieure de la veine mésentérique
supérieure. D. Mobilisation de la veine mésentérique supérieure, permettant d'exposer la lame rétroportale et l'artère mésentérique supérieure.
E. Palpation de la face postérieure de la lame rétroportale et de l'AMS à la recherche d'un envahissement tumoral. 1. Duodénum. 2. Tumeur.
3.  Vaisseaux mésentériques supérieurs. 4.  Aorte. 5.  Veine cave inférieure. F.  Dissection de l'artère hépatique au pied du pédicule hépatique,
incluant la faux de l'artère hépatique commune (découverte après dissection des ganglions homonymes) et l'origine de l'artère hépatique propre
et de l'artère gastroduodénale. L'exposition a été améliorée par la ligature-section de l'artère pylorique (gastrique droite). Le tronc porte est visible
entre le bord supérieur de l'isthme et la faux de l'artère hépatique commune. Source : Buc E, Sauvanet A. Duodénopancréatectomie céphalique.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Tech Chir-Appar Dig 2011 ; 6 : 1-24 [Article 40-880-B].
238 Traité de pancréatologie

du mésentère, du mésocôlon transverse droit, de la lame pancréatiques (Fig. 9.3C). En cas de DPC pour tumeur
rétroportale et de l'AMS à la palpation (Fig. 9.2D). Un enva- intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas
hissement tumoral est aussi recherché par la palpation en (TIPMP), un examen extemporané de la tranche de sec-
arrière de la lame rétroportale et de l'AMS (Fig. 9.2E). En tion pancréatique doit être réalisé afin de rechercher la
cas d'envahissement tumoral de l'AMS prouvé par l'analyse présence de lésions de dysplasie et de TIPMP. En cas de
extemporanée, la résection doit être contre-indiquée. En cas positivité de cette tranche (dysplasie de haut grade), une
d'envahissement tumoral de la VMS ou de la veine porte, résection complémentaire pancréatique est indiquée
une exérèse avec résection veineuse et reconstruction est jusqu'à l'obtention d'une tranche saine ou la réalisation
possible [3]. d'une pancréatectomie totale.
L'exploration se poursuit par la dissection du pédicule
hépatique si celle-ci n'a pas été réalisée précédemment. La Section de la première anse jéjunale et décroisement
présence d'une artère hépatique droite est recherchée au La première anse jéjunale est sectionnée par agrafage-
bord postérieur droit du pédicule hépatique afin d'éven- section à environ 15 cm en aval de l'angle duodénojéjunal
tuellement la préserver lorsqu'elle existe. La dissection et et le mésentère est sectionné et ligaturé de façon rétro-
le curage ganglionnaire sont réalisés du pédicule jusqu'au grade, jusqu'à libération complète de la première anse. La
tronc cœliaque, permettant d'éliminer un éventuel enva- manœuvre du décroisement est ensuite réalisée par mobi-
hissement artériel qui contre-indiquerait la résection. lisation de la première anse qui est récupérée par la droite,
Cette dissection nécessite la ligature-section de l'artère permettant ainsi de pédiculiser totalement le bloc duodéno-
pylorique (artère gastrique droite) (Fig. 9.2F). Le curage pancréatique sur la lame rétroportale (Fig. 9.3D).
ganglionnaire du pédicule hépatique et du tronc cœliaque
est envoyé en analyse extemporanée. En cas de positivité Résection de la lame rétroportale
de l'extemporané, la contre-indication à la résection n'est Le bloc duodénopancréatique est tracté prudemment vers
pas formelle mais peut se discuter en fonction du terrain la droite, permettant la dissection de la lame rétroportale
et de la pathologie sous-jacente du patient (âge, comor- pas à pas. La lame rétroportale correspond au tissu lym-
bidités et autres données de l'exploration). La dissection phatique et nerveux situé entre le bord droit de l'AMS et
du pédicule se poursuit par celle de la face antérieure le pancréas. Les veines collatérales au bord droit et à la
de la veine porte au-dessus du pancréas, permettant de face postérieure de l'axe mésentéricoporte sont ligatu-
« rejoindre » le plan de dissection rétro-isthmique de rées et sectionnées ainsi que les branches pancréatiques
la VMS, afin de s'assurer de l'absence d'envahissement inférieures et supérieures (Fig. 9.3E). La dissection de la
tumoral veineux majeur [1, 2]. lame rétroportale doit être réalisée en emportant la par-
La décision de poursuivre la résection ou de s'orienter tie latérale droite de la gaine de l'AMS afin d'augmenter
vers une chirurgie de dérivation palliative est prise à la fin le taux de résécabilité complète R0 [3]. Après section de
de cette phase d'exploration. la lame rétroportale, la pièce est envoyée en analyse ana-
tomopathologique. En cas de suspicion ou d'adénocarci-
Phase de résection nome pancréatique avéré, l'orientation et le marquage de
Pédicule hépatique la pièce opératoire doivent être réalisés par le chirurgien
La phase de résection poursuit l'exploration par la réali- afin d'optimiser l'analyse anatomopathol ogique (mar-
sation de la cholécystectomie après ligature-section du quage de la lame rétroportale, de l'axe mésentéricoporte
canal cystique et de l'artère cystique. La voie biliaire prin- et de l'AMS) [1, 2].
cipale est sectionnée, un prélèvement bactériologique de
la bile peut être effectué et doit même être systématique- Phase de reconstruction
ment réalisé en cas d'endoprothèse biliaire afin de détec- Le rétablissement de la continuité digestive selon le mon-
ter la présence éventuelle de germes biliaires résistants tage de Child est le plus classique et comprend la réalisa-
aux antibiotiques. L'artère gastroduodénale est repérée au tion d'une anastomose pancréaticojéjunale en amont d'une
bord supérieur du pancréas et est liée et sectionnée après anastomose hépaticojéjunale, qui est elle-même en amont
une épreuve de clampage permettant d'affirmer l'absence d'une anastomose gastrojéjunale précolique (Fig. 9.1B). La
de sténose significative du tronc cœliaque (Fig. 9.3A). Le distance entre l'anastomose pancréaticojéjunale et l'anas-
moignon de l'artère gastroduodénale est laissé long, afin tomose hépaticojéjunale est de 20 cm et la distance entre
de pouvoir l'emboliser plus facilement en cas d'hémorragie l'anastomose hépaticojéjunale et l'anastomose gastrojéjunale
postopératoire. est de 60 à 70 cm afin de limiter le reflux alimentaire vers la
voie biliaire et le pancréas. Une anastomose pancréaticogas-
Antrectomie trique peut aussi être réalisée en fonction des habitudes de
L'antrectomie est réalisé par agrafage-section à environ l'opérateur, selon des modalités variables.
4 cm en amont du pylore, après avoir sectionné les vaisseaux
gastroépiploïques droits et les vaisseaux de la petite cour- Anastomose pancréaticodigestive
bure (Fig. 9.3B). Deux types d'anastomoses pancréaticodigestives sont pos-
sibles : l'anastomose pancréaticojéjunale, la plus réalisée,
Section de l'isthme pancréatique et l'anastomose pancréaticogastrique. Il n'a pas été démon-
L'isthme pancréatique est sectionné à l'aplomb de l'axe tré de supériorité de l'une ou l'autre de ces anastomoses,
mésentéricoporte, après ligature des arcades artérielles notamment en matière d'apparition de fistule pancréatique
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 239

A B

1
2

C D

E
Fig. 9.3 Duodénopancréatectomie céphalique : phase de résection. A. Dissection du pédicule hépatique et section de la voie biliaire principale.
La vésicule est détachée, le canal hépatique commun est sectionné et le cholédoque est abaissé. L'abaissement du bloc duodénopancréatique a
également nécessité la ligature-section de l'artère gastroduodénale. B. Section gastrique. Après section des arcades de la grande et de la petite
courbure, la section gastrique est faite à l'aide d'une agrafeuse et une antrectomie est réalisée. C. Section de l'isthme pancréatique. D. Libération
et décroisement de l'angle duodénojéjunal en arrière des vaisseaux mésentériques supérieurs. E. Exposition de la lame rétroportale par libération
de la partie postérieure de l'axe veineux mésentéricoporte. Source : Buc E, Sauvanet A. Duodénopancréatectomie céphalique. Encycl Méd Chir
(Elsevier, Paris), Tech Chir-Appar Dig 2011 ; 6 : 1-24 [Article 40-880-B].
240 Traité de pancréatologie

postopératoire [4]. Le choix du type d'anastomose pancréa- réalisée à travers une courte gastrotomie antérieure qui sera
ticodigestive sera réalisé en fonction des préférences du refermée par la suite. Une sonde nasogastrique en aspira-
chirurgien. tion sera mise en place en fin d'intervention quelle que soit
la technique d'anastomose pancréaticogastrique afin de
Anastomose pancréaticojéjunale décomprimer l'estomac et d'aspirer une éventuelle fistule
La première anse jéjunale est passée en transmésocolique pancréatique.
à travers le mésocôlon transverse et est positionnée au
contact de la tranche pancréatique. Cette brèche transmé- Anastomose hépaticojéjunale
socolique sera refermée en fin d'intervention. L'anastomose L'anastomose hépaticojéjunale est réalisée 20 à 30 cm en
pancréaticojéjunale est classiquement une anastomose ter- aval de l'anastomose pancréaticojéjunale. L'opérateur doit
minolatérale en deux plans de fil résorbable, avec un plan s'assurer de la bonne vascularisation de la voie biliaire prin-
d'adossement (postérieur et antérieur) et un plan wirsungo- cipale, qui peut être recoupée en amont en cas de doute sur
jéjunal. Des points séparés sont préférés au surjet en cas de sa vitalité. Cette anastomose est classiquement une anasto-
pancréas normal ou mou. Cette anastomose est à l'origine mose terminolatérale confectionnée avec deux hémisurjets
de la majorité des complications postopératoires, d'autant de fil résorbable. Si la voie biliaire principale est fine, une
plus que le pancréas est normal ou mou et que le canal de anastomose à points séparés peut être réalisée (Fig. 9.6).
Wirsung est fin.
Plusieurs variantes ont été proposées afin de réduire le Anastomose gastrojéjunale
risque de fistule pancréatique postopératoire : invagination L'anastomose gastrojéjunale est réalisée 60 à 70 cm en aval
(intussusception) du pancréas dans le jéjunum (Fig. 9.4A, de l'anastomose hépaticojéjunale. L'anse jéjunale est mon-
9.4B et 9.4C), intubation du canal de Wirsung par un drain tée soit en précolique, selon la technique de Child, soit en
perdu (Fig. 9.4D) ou par un drain externalisé (Fig. 9.4E). À transmésocolique. Elle est anastomosée classiquement en
ce jour, l'efficacité de ces techniques pour réduire le taux de terminolatéral sur tout ou partie de la tranche gastrique
fistule pancréatique postopératoire n'a pas été démontrée [5]. par deux hémisurjets de fil résorbable. Dans le cas d'une
La technique de l'invagination permet de recouvrir la totalité anastomose gastrojéjunale montée en transmésocolique, il
de la tranche pancréatique par le jéjunum. La tranche pan- est nécessaire de fermer la brèche du mésocôlon transverse.
créatique est mobilisée sur 4 cm. Il existe trois techniques L'anastomose précolique semble réduire le taux de gastro-
différentes d'invagination de l'anastomose pancréaticojéju- parésie postopératoire comparativement à l'anastomose
nale : terminoterminale « classique » (Fig. 9.4A), selon Peng transmésocolique [7].
avec éversion et destruction de la muqueuse jéjunale [6]
(Fig. 9.4B) et selon Blumgart, qui associe une anastomose Drainage
mucomuqueuse à l'invagination de la tranche pancréatique Un drainage est habituellement mis en place en fin d'inter-
dans le jéjunum (Fig. 9.4C). vention, généralement par un drain non aspiratif au contact
L'anastomose pancréaticojéjunale avec un drain perdu des anastomoses pancréaticojéjunale et hépaticojéjunale.
consiste à positionner un drain de petit calibre et court, qui Il permet théoriquement d'éviter la formation de collec-
sera fixé au pancréas par du fil résorbable et laissé en place à tions postopératoires, notamment en cas de fistule d'une
travers l'anastomose (Fig. 9.4D). La mise en place d'un drain anastomose, mais son efficacité n'a pas été démontrée.
externalisé lors de l'anastomose pancréaticojéjunale peut Il permet aussi de réaliser des dosages sur le liquide de
être réalisée avec un drain de type transcystique qui sera drainage, permettant de détecter précocement une fistule
externalisé à travers le jéjunum fixé à la paroi abdominale pancréatique ou biliaire et de mettre en place un traitement
(Fig. 9.4E) [1, 2]. approprié précoce. Classiquement, un ou deux drains non
aspiratifs sont mis en place : une lame extériorisée dans
Anastomose pancréaticogastrique le flanc gauche et divisée en deux parties au contact des
L'anastomose pancréaticogastrique est réalisée soit par anastomoses pancréaticojéjunale et hépaticojéjunale ou
suture directe entre la tranche pancréatique et la face pos- deux drains distincts extériorisés dans le flanc droit pour
térieure de l'estomac (Fig. 9.5A), soit par invagination du le drain au contact de l'anastomose hépaticojéjunale et le
moignon pancréatique dans l'estomac (intussusception) flanc gauche pour le drain au contact de l'anastomose pan-
(Fig. 9.5B). En cas d'anastomose directe, celle-ci est réalisée créaticojéjunale [1, 2].
soit à points séparés, soit par un surjet de fil résorbable en
extramuqueux sur l'estomac en fonction de la consistance Pancréatectomies caudales
du pancréas et de la taille du canal de Wirsung. Le canal Les pancréatectomies caudales (gauches ou distales)
de Wirsung pourra être maintenu ouvert par deux fils trac- consistent à reséquer tout ou partie de la portion corporéo-
teurs de part et d'autre du canal. En cas d'invagination du caudale à gauche de l'artère gastroduodénale. Elles sont plus
moignon pancréatique dans l'estomac, le moignon pan- simples et sont mieux tolérées que la duodénopancréatecto-
créatique doit être mobilisé sur environ 4 cm afin de pou- mie céphalique. La majorité des pancréatectomies gauches
voir l'enfouir dans l'estomac, par une incision sur sa face sont réalisées actuellement par cœlioscopie, notamment
postérieure. La suture pancréaticogastrique sera réalisée en cas de lésion bénigne ou à faible malignité. En cas de
par un plan d'adossement (antérieur et postérieur) et peut pathologie tumorale maligne ou de pancréatite chro-
se faire par voie endogastrique ou exogastrique. En cas de nique associée à une inflammation importante, l'exérèse
suture endogastrique, la suture pancréaticogastrique sera en monobloc du pancréas gauche et de la rate est la règle
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 241

3 cm
B

C
Fig. 9.4 Duodénopancréatectomie céphalique : reconstruction par anastomose pancréaticojéjunale. A. Anastomose pancréaticojéjunale
avec invagination, de type terminoterminal « classique ». Schéma de gauche : Détail du passage des points d'invagination. Schéma de droite :
Vue d'ensemble après serrage des points et fixation du bord libre du jéjunum. B. Anastomose pancréaticojéjunale avec invagination selon Peng
[7]. Schéma de gauche : Éversion du grêle et destruction de la muqueuse sur 3 cm. Schéma du milieu : Anastomose entre la muqueuse du grêle
et la capsule pancréatique. Schéma de droite : Aspect après suppression de l'éversion et suture de l'extrémité jéjunale à la capsule pancréatique.
C. Anastomose pancréaticojéjunale terminolatérale selon Blumgart. Schéma de gauche : Confection du plan postérieur avec point en U chargeant
également toute l'épaisseur de la tranche pancréatique et anastomose mucomuqueuse sur le canal de Wirsung. Schéma de droite : Les mêmes
fils chargent ensuite la paroi du grêle en avant puis sont serrés sur la capsule antérieure ; on adosse ensuite la paroi latérale du grêle sur la capsule
pancréatique antérieure pour couvrir le plan précédent. (Suite ci-contre.)
242 Traité de pancréatologie

E
Fig. 9.4 Suite.
D.  Anastomose pancréaticojéjunale intubée avec drain perdu. E.  Anastomose pancréaticojéjunale intubée avec drain externalisé. Schéma de
gauche : Vue d'ensemble après fixation du drain et de l'anse à la paroi abdominale. Schéma de droite : Coupe schématique montrant l'introduction
du drain dans le canal pancréatique principal. Source : Buc E, Sauvanet A. Duodénopancréatectomie céphalique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris),
Tech Chir-Appar Dig 2011 ; 6 : 1-24 [Article 40-880-B].

B
Fig. 9.5 Duodénopancréatectomie céphalique : reconstruction par anastomose pancréaticogastrique. A. Anastomose pancréaticogastrique
directe. Vue de l'anastomose en cours de réalisation. Le plan antérieur, correspondant au bord gauche de l'incision sur la face postérieure de l'estomac,
est fait en premier. B. Anastomose pancréaticogastrique par intussusception. Schéma de gauche : Plan antérieur après adossement du pancréas à la
face postérieure du corps gastrique. Schéma du milieu : Intussusception du pancréas dans l'estomac. Schéma de droite : Montage final. Source : Buc
E, Sauvanet A. Duodénopancréatectomie céphalique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Tech Chir-Appar Dig 2011 ; 6 : 1-24 [Article 40-880-B].
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 243

20 − 30 cm

A B
Fig. 9.6 Duodénopancréatectomie céphalique : anastomose hépaticojéjunale. A. Confection du plan postérieur par surjet. B. Anastomose
hépaticojéjunale sur voie biliaire fine : après création d'un refend antérieur sur le canal hépatique commun, le plan postérieur peut être fait par
surjet et le plan antérieur est confectionné à points séparés. Source : Buc E, Sauvanet A. Duodénopancréatectomie céphalique. Encycl Méd Chir
(Elsevier, Paris), Tech Chir-Appar Dig 2011 ; 6 : 1-24 [Article 40-880-B].

(splénopancréatectomie gauche). En cas de préservation Exploration et décollement coloépiploïque


de la rate, il est nécessaire de conserver soit les vaisseaux L'intervention débute par la recherche de métastases,
spléniques, soit les vaisseaux de l'arcade vasculaire de la notamment hépatiques, et d'une carcinose péritonéale,
grande courbure et les vaisseaux gastroépiploïques gauches. quadrant par quadrant. En cas d'adénocarcinome pan-
La splénopancréatectomie gauche pour cancer sera détail- créatique, la présence de métastases ou de nodules de
lée dans ce chapitre ainsi que les pancréatectomies gauches carcinose péritonéale confirmés à l'analyse extemporanée
avec conservation de la rate [1, 8]. contre-indique la résection chirurgicale. Le décollement
coloépiploïque est réalisé à droite jusqu'à la veine gastroé-
Splénopancréatectomie gauche piploïque droite et à gauche jusqu'à l'angle colique gauche
Installation et voie d'abord qui est abaissé. Le décollement coloépiploïque permet de
Par laparotomie, voie d'abord la plus utilisée, le patient rentrer dans l'arrière-cavité des épiploons et de visualiser la
est en décubitus dorsal et l'opérateur est placé à la droite lésion pancréatique, l'isthme, la face inférieure du pancréas
de celui-ci. L'incision est une sous-costale gauche, plus ou et l'artère splénique (Fig. 9.7A).
moins étendue à droite de la ligne médiane.
La pancréatectomie caudale par abord coelioscopique Résection de la droite vers la gauche
est de plus en plus répandue et est validée pour les lésions La résection de la droite vers la gauche (centrifuge) est la
bénignes et malignes. L'installation du patient dépend des plus réalisée car elle permet de dévasculariser le pancréas
habitudes des opérateurs ainsi que de la technique de dis- gauche et la rate avant de les mobiliser. La technique de la
section (centrifuge de la droite vers la gauche ou centripète RAMPS (radical anterograde modular pancreatosplenec-
de la gauche vers la droite). Le patient peut être installé tomy) est largement utilisée pour la résection des cancers
en décubitus dorsal (séries occidentales), préféré en cas du pancréas gauche et associe une section pancréatique
de dissection de la droite vers la gauche, ou en décubitus première au niveau de l'axe mésentéricoporte, un curage
latéral droit, préféré en cas de dissection de la gauche vers ganglionnaire locorégional avec un curage central du bord
la droite (séries asiatiques). En cas d'installation en décu- gauche de l'AMS et du bord gauche du tronc cœliaque et
bitus dorsal, cinq trocarts sont utilisés : le trocart optique la résection du fascia prérénal gauche [9]. Cette technique
est positionné en périombilical et deux trocarts opérateurs permettrait d'obtenir une meilleure marge postérieure, un
sont placés de part et d'autre du trocart optique sur les meilleur taux de R0 ainsi qu'un meilleur curage ganglion-
lignes médioclaviculaires droite et gauche. Un quatrième naire comparativement à la résection de la gauche vers la
trocart est positionné en sous-xiphoïdien qui permettra de droite. Il existe deux plans de dissection de la RAMPS en
tracter l'estomac vers le haut afin d'exposer l'arrière-cavité fonction de l'extension du curage ganglionnaire : la RAMPS
des épiploons. Un cinquième trocart positionné dans le antérieure conserve la glande surrénale gauche alors que la
flanc gauche sur la ligne axillaire gauche permettra d'aider RAMPS postérieure emporte tout le fascia prérénal avec la
à l'exposition. glande surrénale gauche [10]. Le premier temps consiste à
244 Traité de pancréatologie

A B

C D

E
Fig. 9.7 Pancréatectomie caudale : résection de la droite vers la gauche. A. Décollement coloépiploïque poussé à droite jusqu'à l'artère
gastroépiploïque droite et à gauche jusqu'à l'angle colique gauche. Exposition de la face antérieure du pancréas en sectionnant toutes les
adhérences avec la face postérieure de l'estomac. L'incision de la racine du mésocôlon transverse est faite selon la ligne en pointillé et peut être
prolongée vers la gauche pour abaisser l'angle colique gauche. B. Exérèse de la droite vers la gauche : la mobilisation du bord inférieur de l'isthme
dégage la face antérieure de l'axe mésentéricoporte ; la mobilisation du bord supérieur de l'isthme permet de repérer la face antérieure de la
veine porte et les origines des artères hépatiques et spléniques. C. Exérèse de la droite vers la gauche : section de l'isthme en protégeant l'axe
mésentéricoporte. D. Exérèse de la droite vers la gauche : la section des vaisseaux spléniques et des vaisseaux courts gastrospléniques dévascularisent
presque complètement la pièce, qui est libérée de droite à gauche dans le plan situé en arrière des vaisseaux spléniques. E. Fermeture élective
du canal pancréatique principal (schéma de gauche) puis suture de la tranche pancréatique (schéma de droite). Source : Dokmak S, Sauvanet A.
Pancréatectomies gauches. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Tech Chir-Appar Dig 2011 ; 6 : 1-15 [Article 40-880-D].
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 245

mobiliser le bord inférieur de l'isthme pancréatique afin de tion des infections à germes encapsulés) et hématologiques
dégager la face antérieure de l'axe mésentéricoporte. Au bord (destruction plaquettaire) de la rate. Les pancréatectomies avec
supérieur de l'isthme, sont repérées la face antérieure de la conservation de la rate sont habituellement réalisées de la droite
veine porte ainsi que les artères hépatiques et spléniques vers la gauche (« centrifuge »), qu'il y ait résection des vaisseaux
(Fig. 9.7B), permettant de réaliser le curage ganglionnaire spléniques ou non [1, 8].
qui sera poursuivi jusqu'au bord gauche du tronc cœliaque
et de l'AMS en cas d'adénocarcinome pancréatique. L'artère Pancréatectomie avec conservation de la rate et des vaisseaux
splénique est ligaturée et sectionnée puis la tranche pancréa- L'avantage de la conservation des vaisseaux spléniques est
tique est sectionnée à l'isthme (Fig. 9.7C). La section de la d'assurer une meilleure vascularisation de la rate, de dimi-
tranche pancréatique peut être réalisée par agrafage méca- nuer ainsi le risque d'ischémie splénique et celui d'hyper-
nique, au bistouri ou au dissecteur ultrasonique. tension portale. L'inconvénient de cette technique avec
La section de la veine splénique est réalisée après la section conservation des vaisseaux spléniques est l'augmentation
pancréatique, au plus près de son abouchement dans la veine de la difficulté technique et du temps opératoire. Cette
porte. La dissection est ensuite poursuivie de la droite vers la technique chirurgicale commence par une pancréatectomie
gauche en arrière du pancréas en emportant le fascia prérénal gauche standard comme décrite ci-dessus. Après section de
jusqu'au hile splénique. La veine mésentérique inférieure a été la tranche pancréatique, l'opérateur libérera progressivement
liée et la veine rénale gauche est mise à nu. La pièce opératoire le pancréas gauche des vaisseaux spléniques et effectuera
est retirée en monobloc après ligature-section des vaisseaux des ligatures électives des collatérales artérielles et veineuses
gastroépiploïques gauches, des vaisseaux gastriques posté- (Fig. 9.8A). En cas de nécessité de ligaturer la veine splé-
rieurs et des vaisseaux courts (Fig. 9.7D). Lorsque la section nique, l'artère splénique devra aussi l'être. À l'inverse, en cas
pancréatique est réalisée au bistouri ou au dissecteur ultra- de nécessité de ligaturer l'artère splénique, la veine splénique
sonique, la tranche céphalique est suturée par ligature élec- pourra être conservée. Après résection du pancréas caudal,
tive du canal de Wirsung et points séparés sur le parenchyme le traitement de la tranche pancréatique sera identique à la
(Fig. 9.7E). En cas d'agrafage-section du pancréas, la tranche splénopancréatectomie gauche décrite ci-dessus [11].
pancréatique céphalique est suturée par l'agrafage mécanique.
Il n'existe actuellement aucune différence entre l'agrafage Pancréatectomie avec conservation de la rate et résection
mécanique et la suture manuelle de la tranche pancréatique des vaisseaux (technique de Warshaw)
quant au taux de fistule pancréatique postopératoire. Cette technique chirurgicale peut être réalisée de façon
Plusieurs techniques peuvent être utilisées pour traiter programmée ou s'avérer nécessaire lorsqu'il y a un échec
la tranche pancréatique afin de diminuer le risque de fistule de conservation des vaisseaux spléniques lors d'une pan-
pancréatique : application de colle biologique, application de créatectomie gauche avec préservation de la rate. Ce type
patchs hémostatiques ou renforcement de la suture par un de pancréatectomie commence par une pancréatectomie
patch graisseux ou musculoaponévrotique. À ce jour, aucune gauche standard comme décrite plus haut. Après section de
de ces techniques n'a démontré son efficacité dans la préven- la tranche pancréatique, les vaisseaux spléniques sont liés et
tion de l'apparition d'une fistule pancréatique. Un drainage sectionnés à leur origine. Le pancréas gauche est progressive-
non aspiratif pourra être positionné au contact de la tranche ment décollé du mésogastre postérieur avec les vaisseaux
pancréatique et sera extériorisé dans le flanc gauche [1, 8]. spléniques. Après pédiculisation complète du pancréas
caudal sur les vaisseaux spléniques, ceux-ci sont ligaturés et
Pancréatectomies avec conservation de la rate sectionnés une deuxième fois au niveau du hile splénique
Les pancréatectomies avec conservation de la rate peuvent être (Fig. 9.8B). La vascularisation splénique sera donc effectuée
indiquées pour les tumeurs inflammatoires, bénignes ou à faible par les vaisseaux de l'arcade vasculaire de la grande courbure
malignité (tumeurs neuroendocrines). Elles peuvent être réali- et les vaisseaux gastroépiploïques gauches. Un écho-Doppler
sées par laparotomie ou par abord cœlioscopique. La résection splénique permettra de contrôler la qualité du flux artériel
associée des vaisseaux spléniques dépendra de la localisation et et veineux spléniques. Après résection du pancréas caudal,
de la nature de la lésion ainsi que de la présence de phénomènes le traitement de la tranche pancréatique sera identique à la
adhérentiels et inflammatoires autour des vaisseaux spléniques. splénopancréatectomie gauche décrite ci-dessus [1, 8].
La conservation des vaisseaux est parfois impossible en cas d'in-
flammation locale, de compression tumorale sur les vaisseaux, Pancréatectomie médiane
de tumeur de faible malignité (petite tumeur neuroendocrine, La pancréatectomie médiane est la plus récente des pancréatec-
par exemple) ou de problème technique (hémorragie ou sténose tomies « réglées ». Elle est associée à un curage ganglionnaire
veineuse consécutive à une suture) lors de la tentative de pré- très limité et est essentiellement indiquée pour les tumeurs
servation des vaisseaux. La conservation de la rate sera possible bénignes ou à malignité réduite (cystadénome mucineux sans
en cas de conservation des vaisseaux spléniques ou en cas de signes de dégénérescence et tumeur endocrine, principale-
conservation des vaisseaux de l'arcade vasculaire de la grande ment) qui, du fait de leur potentiel de malignité ou de leur
courbure et des vaisseaux gastroépiploïques gauches lorsque la contact avec le canal pancréatique principal, ne peuvent pas
pancréatectomie gauche est associée à la résection des vaisseaux accéder à une énucléation pancréatique. La pancréatectomie
spléniques. Le risque principal de la pancréatectomie gauche médiane est une alternative à la pancréatectomie gauche, per-
avec conservation de la rate est la dévascularisation splénique mettant ainsi de préserver le parenchyme pancréatique et de
dans moins de 10 % des cas. La conservation de la rate a pour réduire le risque de diabète induit, mais qui ne réduit pas le
avantage de conserver les fonctions immunologiques (préven- taux de complications postopératoires [1, 12].
246 Traité de pancréatologie

A B
Fig. 9.8 Pancréatectomie caudale avec conservation de la rate. A. Pancréatectomie gauche avec conservation de la rate et de ses vaisseaux :
après section de l'isthme, mobilisation du pancréas séparé des vaisseaux spléniques par ligatures-sections successives de toutes leurs collatérales
pancréatiques. B. Pancréatectomie gauche sans splénectomie avec résection des vaisseaux spléniques : section des vaisseaux spléniques distaux
à proximité du hile de la rate. La continuité des vaisseaux gastroépiploïques gauches et des branches hilaires des vaisseaux spléniques doit
être respectée. Les veines gastroépiploïques droite et gauche n'ont pas été représentées par souci de clarté. Source : Dokmak S, Sauvanet A.
Pancréatectomies gauches. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Tech Chir-Appar Dig 2011 ; 6 : 1-15 [Article 40-880-D].

Voie d'abord ranée afin de confirmer la nature de la lésion. En cas de


La pancréatectomie médiane peut être réalisée par laparoto- lésion maligne invasive à l'extemporanée, une conversion
mie par une incision transverse, bi-sous-costale ou médiane. de la pancréatectomie médiane par une duodénopan-
L'utilisation de la cœlioscopie reste exceptionnelle. créatectomie céphalique ou une splénopancréatectomie
gauche doit être réalisée en fonction de la localisation de
Exploration la lésion.
Le premier temps opératoire consiste à explorer la cavité Phase de reconstruction
abdominale à la recherche d'une extension tumorale périto-
néale, ganglionnaire ou métastatique qui remettrait en cause La tranche pancréatique droite est suturée par ligature
le diagnostic de lésion bénigne et qui contre-indiquerait la élective du canal de Wirsung et points séparés sur le paren-
pancréatectomie médiane. chyme. Le rétablissement de la continuité pancréatique du
Le pancréas est abordé après décollement coloépiploïque, pancréas corporéocaudal est réalisé soit par anastomose
abaissement de la racine du mésocôlon transverse. L'échographie pancréaticogastrique à la face postérieure de l'estomac, soit
peropératoire est pratiquée afin de localiser la lésion, notamment par anastomose pancréaticojéjunale sur anse en Y qui est
en cas de lésion profonde, et de préciser l'extension latérale de la ascensionnée en transmésocolique. L'épiploon est ensuite
tumeur afin d'évaluer la faisabilité de la pancréatectomie médiane. positionné sur la tranche pancréatique droite suturée, per-
À droite, il est nécessaire de pouvoir conserver une tranche de mettant d'isoler les tranches pancréatiques l'une de l'autre
pancréas sain à gauche de l'artère gastroduodénale afin de pou- (Fig. 9.9). Le drainage de la tranche céphalique et de l'anas-
voir suturer le pancréas dans des conditions favorables. À gauche, tomose pancréatique est habituellement réalisé par un drai-
il est nécessaire de conserver 6 à 8 cm de queue de pancréas sain nage non aspiratif [1, 12].
afin de conserver une fonction endocrine significative et de pou-
voir réaliser l'anastomose pancréatique. Duodénopancréatectomie totale
Le curage des ganglions de la faux de l'artère hépatique La duodénopancréatectomie totale (DPT) est d'indication rare,
est effectué et les artères hépatique, gastroduodénale et splé- réservée aux TIPMP diffuses, aux adénocarcinomes pancréa-
nique sont repérées. L'isthme pancréatique est disséqué au tiques diffus ou de forme multifocale ou, exceptionnellement,
bord inférieur du pancréas jusqu'à libération complète de la aux néoplasies endocriniennes multiples de type 1. Les suites
face postérieure de l'isthme pancréatique (Fig. 9.9) [1, 12]. de la DPT sont généralement compliquées, avec un handicap
sévère du fait du diabète induit par la résection de la totalité de
Phase de résection la glande pancréatique. Le seul avantage de cette chirurgie est
Le pancréas est sectionné à la jonction tête-isthme à droite d'éliminer le risque de fistule pancréatique postopératoire, qui
de la tumeur en s'assurant de préserver l'artère gastroduo- peut être à l'origine de complications gravissimes.
dénale. La face postérieure du pancréas isthmocorporéal Le plus souvent, la duodénopancréatectomie totale est
est ensuite mobilisée et séparée des vaisseaux spléniques une duodénopancréatectomie céphalique qui a été étendue
jusqu'à environ 2 cm à gauche de la tumeur. Le pancréas à toute la glande pancréatique. La décision de la totalisa-
est sectionné à gauche de la tumeur (Fig. 9.9). Après repé- tion de la pancréatectomie lors d'une DPC peut être prise
rage de la pièce, celle-ci est envoyée en analyse extempo- en peropératoire, notamment en cas de découverte d'une
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 247

A B

C D

F
Fig.  9.9 Pancréatectomie médiane. A.  Étendue de l'exérèse. À droite, l'exérèse est le plus souvent limitée par l'artère gastroduodénale. À
gauche, l'étendue de l'exérèse est limitée par le souci de préserver un pancréas caudal permettant une fonction endocrine appréciable, et qui
soit anastomosable au tube digestif. B. Mobilisation de l'isthme. L'artère hépatique a été mise sur lacs. Le péritoine de la racine du mésocôlon
transverse est incisé au bord inférieur de l'isthme et du corps. Le tunnel rétro-isthmique est fait de bas en haut. C. Section pancréatique à la
jonction tête-isthme. D. Mobilisation de la jonction isthme-corps de droite à gauche. La tranche céphalique a été suturée par ligature élective
du canal de Wirsung et points séparés sur le parenchyme. La jonction isthmocorporéale est progressivement séparée des vaisseaux spléniques
dont les collatérales sont liées et sectionnées. E. Section du pancréas à gauche de la tumeur, pratiquée à environ 2 cm du point où s'est arrêtée
la dissection des vaisseaux spléniques afin de favoriser la réalisation ultérieure de l'anastomose. F. Rétablissement de la continuité sur le pancréas
corporéocaudal : anastomose pancréaticogastrique. Ce procédé est exclusivement sus-mésocolique. (Suite ci-contre.)
248 Traité de pancréatologie

G H
Fig. 9.9 Suite.
G. Rétablissement de la continuité sur le pancréas corporéocaudal : anastomose pancréaticojéjunale en Y. H. Épiplooplastie recouvrant les vaisseaux
cœliomésentériques et séparant les deux tranches pancréatiques (la tranche corporéale est ici anastomosée à l'estomac). Source : Sauvanet A.
Pancréatectomies céphaliques et isthmiques avec préservation duodénale. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Tech Chir-Appar Dig 2011 ; 6 : 1-8
[Article 40-880-F].

TIPMP diffuse avec dysplasie de haut grade à l'analyse Phase de reconstruction


extemporanée sur les recoupes des tranches pancréatiques. Après la phase d'exérèse pancréatique, la première anse jéjunale
Le patient doit donc être informé au préalable de la possibi- est montée en transmésocolique et une anastomose hépaticojé-
lité de résection de toute la glande pancréatique, ainsi que de junale terminolatérale est réalisée. L'anastomose gastrojéjunale
ses conséquences au long cours [1, 13]. ou, en cas de préservation du pylore, duodénojéjunale, est ter-
minolatérale et est réalisée en précolique ou en transmésocolique
60 à 70 cm en aval de l'anastomose hépaticojéjunale (Fig. 9.10C)
Phase de résection [1, 13].
L'intervention débute avec la réalisation d'une DPC
(Fig. 9.10A). Les vaisseaux spléniques et la rate peuvent être
préservés, sauf en cas de tumeur invasive du pancréas dis- Énucléation pancréatique
tal ou d'adhérence tumorale serrée avec les vaisseaux splé- L'énucléation pancréatique est une technique qui consiste à
niques (Fig. 9.10B). réaliser une résection tumorale sans résection pancréatique,
La DPT peut aussi être une pancréatectomie gauche permettant ainsi de préserver la fonction pancréatique au prix
étendue vers la droite, notamment en cas de positivité de la d'une morbidité postopératoire élevée, essentiellement causée
tranche de section pancréatique pour TIPMP. Dans ce cas, par la fistule pancréatique. Cette chirurgie doit être réservée aux
une DPC complémentaire est indiquée, avec préservation de tumeurs pancréatiques bénignes à distance du canal pancréa-
la vascularisation gastrique restante [1, 13]. tique principal. Les principales indications de cette chirurgie sont
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 249

2 3 4

A B

C
Fig. 9.10 Duodénopancréatectomie totale. A. DPT ayant débuté par une DPC, suivie d'une résection du pancréas corporéocaudal par segments
successifs. Au cours de la pancréatectomie, les étapes vasculaires sont : 1. ligature des vaisseaux pancréatiques inférieurs ; 2. ligature de l'artère
pancréatique dorsale ; 3. dissection et, si possible, préservation de la veine gastrique gauche ; 4. dissection de l'artère splénique, au trajet souvent
sinueux, et de la veine splénique ; 5. dissection des branches des vaisseaux spléniques dans le hile de la rate. B. DPT avec antrectomie, splénectomie
et résection des vaisseaux spléniques. L'estomac n'est plus vascularisé que par l'artère et la veine gastriques gauches. C. Reconstruction après
DPT (avec conservation du pylore)  : anastomoses hépaticojéjunale et duodénojéjunale, effectuées sur la première anse ascensionnée, ici en
transmésocolique. Source : Sauvanet A. Duodénopancréatectomie totale et totalisation de pancréatectomie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Tech
Chir-Appar Dig 2011 ; 6 : 1-5 [Article 40-880-E].

l'insulinome (qui est bénin dans 90 à 95 % des cas), les tumeurs Voie d'abord
endocrines non sécrétantes de moins de 2 cm de découverte L'énucléation pancréatique peut être réalisée par laparo-
fortuite avec un index mitotique inférieur à 2 %, sans extension tomie par une incision transverse, sous-costale (droite
métastatique ou ganglionnaire, et les tumeurs kystiques pancréa- ou gauche en fonction de la localisation de la lésion) ou
tiques bénignes (cystadénome séreux symptomatique, cystadé- médiane en cas de patient longiligne. La cœlioscopie est
nome mucineux non dégénéré et TIPMP non infiltrante d'un fréquemment utilisée pour la réalisation d'une énucléation
canal secondaire). En cas de lésion limitée au crochet pancréa- pancréatique.
tique, l'énucléation est une alternative à la DPC [1, 14].
250 Traité de pancréatologie

Exploration créatectomie médiane sera préférée à la pancréatectomie gauche


Le premier temps opératoire consiste à explorer la cavité afin de préserver le parenchyme pancréatique et de limiter le
abdominale à la recherche d'une extension tumorale périto- risque d'apparition d'un diabète. En cas d'atteinte céphalique,
néale, ganglionnaire ou métastatique qui remettrait en cause une conversion en DPC ou un drainage au contact peut être
le diagnostic de lésion bénigne et qui contre-indiquerait proposé. En cas de drainage au contact, il existe un risque de
l'énucléation pancréatique. pancréatite à répétition par sténose du canal pancréatique prin-
En fonction de la localisation de la lésion pancréatique, le cipal [1, 14].
pancréas est abordé après décollement coloépiploïque, abaisse-
ment de la racine du mésocôlon transverse et, éventuellement, Chirurgie palliative et de dérivation
abaissement de l'angle colique droit ou gauche. L'échographie
Chirurgie palliative
peropératoire est indispensable en cas d'énucléation pancréa-
tique, que ce soit par laparotomie ou par cœlioscopie. Elle Une chirurgie palliative est parfois nécessaire chez les
permet de localiser la lésion, notamment en cas de lésion pro- patients ayant une pathologie pancréatique maligne non
fonde, de repérer le canal de Wirsung et d'évaluer la distance accessible à un traitement chirurgical curatif et ayant des
entre celui-ci et la tumeur (Fig. 9.11) [1, 14]. symptômes invalidants pour lesquels un traitement inter-
ventionnel endoscopique ou radiologique n'est pas possible
Intervention (par échec ou impossibilité de réaliser la procédure). Cette
chirurgie palliative peut être « programmée », ou être indi-
Après s'être assuré que la lésion n'est pas au contact du canal
quée, au cours d'une chirurgie en cas de découverte peropé-
pancréatique principal et qu'il n'y a pas de contre-indication
ratoire d'une contre-indication à la chirurgie à visée curative
à l'énucléation pancréatique, le parenchyme pancréatique est
par duodénopancréatectomie céphalique.
incisé au niveau de la partie la plus superficielle de la lésion. Le
En cas d'obstruction duodénale et biliaire par tumeur res-
plan de l'énucléation est trouvé et la tumeur est disséquée pas à
ponsable d'une occlusion digestive et d'un ictère, la chirurgie
pas, en restant au contact de celle-ci afin de ne pas léser le canal
palliative la plus fréquemment réalisée est la double dérivation
pancréatique principal (Fig. 9.12). Après résection complète
biliaire et digestive avec anastomose hépaticojéjunale sur anse
de la tumeur, une analyse histologique extemporanée est utile
en Y, associée à une anastomose gastrojéjunale latérolatérale [1].
afin de confirmer sa nature ainsi que son caractère bénin. En
cas de tumeur maligne à l'analyse extemporanée, une pancréa-
Intervention
tectomie « réglée » doit être réalisée par splénopancréatectomie
gauche ou DPC en fonction de la localisation de la tumeur. Le jéjunum est sectionné par agrafage-section au niveau de la
En cas de lésion du canal pancréatique principal, le traite- première ou deuxième anse grêle. La partie d'aval est ascen-
ment dépend de la localisation de cette plaie. À gauche, l'énu- sionnée en transmésocolique afin de réaliser l'anastomose
cléation sera convertie en pancréatectomie gauche, si possible hépaticojéjunale terminolatérale. La brèche mésentérique
sans splénectomie. En cas d'atteinte du canal pancréatique est refermée. Le jéjunum d'amont sera anastomosé sur l'anse
principal au niveau isthmique ou isthmocorporéal, une pan- montée en Y à 75 cm de l'anastomose hépaticojéjunale pour

A B
Fig. 9.11 Échographie peropératoire d'une tumeur endocrine. A. Une lame de parenchyme pancréatique (flèche) est présente entre la lésion
(astérisque) et le canal pancréatique principal (têtes de flèches) ; une énucléation est techniquement possible. B. La tumeur (astérisque) vient au
contact du canal pancréatique principal (flèches) : il s'agit d'une contre-indication à l'énucléation. Source : Sauvanet A, Dokmak S. Énucléation
pancréatique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Tech Chir-Appar Dig 2012 ; 7 : 1–6 [Article 40-880-G].
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 251

A B
Fig. 9.12 Énucléation pancréatique. A. Énucléation d'une tumeur n'affleurant pas la capsule pancréatique : le plan de clivage est trouvé après
incision du parenchyme pancréatique. B. Énucléation pancréatique. Source : Sauvanet A, Dokmak S. Énucléation pancréatique. Encycl Méd Chir
(Elsevier, Paris), Tech Chir-Appar Dig 2012 ; 7 : 1-6 [Article 40-880-G].

réaliser le pied de l'anse qui consiste en une anastomose jéju-


nojénunale terminolatérale. L'anastomose entre le jéjunum
et l'estomac est généralement réalisée par une anastomose
transmésocolique latérolatérale entre l'angle duodénojéjunal
et le pied de l'anse. Elle peut aussi être réalisée en précolique
sur l'anse montée, environ 50 cm en aval du pied de l'anse [1].

Chirurgie de dérivation
La pancréatite chronique calcifiante est une maladie inflam-
matoire chronique du pancréas pouvant être responsable de
douleurs abdominales invalidantes, une fibrose parenchyma-
teuse et une insuffisance pancréatique endocrine et exocrine.
La dérivation chirurgicale est préférée à une chirurgie d'exé-
rèse pancréatique souvent rendue difficile par l'inflammation
locale et pouvant aggraver une insuffisance pancréatique.
L'indication de la chirurgie de dérivation pour pancréatite
chronique calcifiante est la douleur chronique et/ou aiguë
répétée, après échec du traitement médical et/ou endosco-
pique. Une étude récente a montré que la chirurgie précoce
avait de meilleurs résultats que la prise en charge endosco-
pique sur la prise en charge des douleurs abdominales chez
les patients atteints de pancréatite chronique calcifiante [1, 15,
16]. Les deux principales chirurgies de dérivations pancréa-
tiques seront décrites dans ce chapitre : la dérivation wirsun-
gojéjunale sur anse en Y et l'intervention de Frey [1, 15, 16]. Fig. 9.13 Ponction à l'aiguille fine du canal de Wirsung au niveau
du corps. L'aiguille est enfoncée à 45°, guidée par la palpation directe
Voie d'abord du canal ou par l'échographie peropératoire. Source  : Aussilhou B,
Pour ces deux techniques chirurgicales, la voie d'abord pri- Cherif R, Dokmak S, Sauvanet A. Dérivation chirurgicale du canal
vilégiée est une laparotomie transverse ou médiane. de Wirsung dans la pancréatite chronique. Encycl Méd Chir (Elsevier,
Paris), Tech Chir-Appar Dig 2016 ; 11 : 1-14 [Article 40-881].
Abord du pancréas et repérage du canal de Wirsung
Un décollement coloépiploïque est réalisé, permettant traitement endoscopique endocanalaire, une analyse bacté-
d'aborder le pancréas. Il existe souvent une inflammation riologique du suc pancréatique doit être réalisée.
locale importante causée par les poussées de pancréatite
aiguës à répétition. La racine du mésocôlon transverse est Dérivation wirsungojéjunale sur anse en Y
mobilisée et la face antérieure du pancréas est libérée. La La dérivation wirsungojéjunale sur anse en Y est indiquée
position du canal de Wirsung est repérée par échographie en cas de pancréatite chronique calcifiante avec dilatation
peropératoire et par ponction à l'aiguille fine en prélevant du canal de Wirsung, plus ou moins associée à la présence
du suc pancréatique (Fig.  9.13). En cas d'antécédent de de calculs dans celui-ci. Le canal de Wirsung est incisé sur
252 Traité de pancréatologie

toute la longueur du corps du pancréas, à distance de l'artère (> 35–40 mm). Rarement, elle peut être réalisée en cas de
splénique à gauche et jusqu'à l'artère gastroduodénale à persistance des douleurs après dérivation wirsungojéjunale
droite (Fig. 9.14A et 9.14B). imputée à une hypertrophie de la tête du pancréas.
Les calculs présents dans le canal de Wirsung sont ensuite Après repérage du canal de Wirsung, l'ouverture de celui-
extraits à la pince à calcul. Après désobstruction du canal, ci est réalisée longitudinalement sur tout le corps pancréa-
une anastomose wirsungojéjunale latérolatérale sur une tique. Cette ouverture est, contrairement à la dérivation
anse en Y est réalisée. L'anse jéjunale est ascensionnée en wirsungojéjunale, associée à une résection pancréatique
transmésocolique lorsque cela est possible. Le pied de l'anse partielle par évidement de la tête du pancréas après ligature-
est réalisé selon la technique classique à 60–70 cm de l'anas- section des vaisseaux gastroépiploïques droits et de l'artère
tomose wirsungojéjunale (Fig. 9.14C et 9.14D) [1, 15, 16]. gastroduodénale. L'évidement de la tête du pancréas ne
doit pas dépasser la face postérieure du canal de Wirsung et
Intervention de Frey doit concerner 60 à 65 % du volume de la tête du pancréas
L'intervention de Frey est indiquée en cas de pancréatite (Fig. 9.15A). La voie biliaire principale doit être repérée lors
chronique calcifiante avec dilatation du canal de Wirsung, de cette intervention afin d'éviter de la léser (Fig. 9.15B).
plus ou moins associée à la présence de calculs dans celui- Une cholangiographie peropératoire peut être effectuée afin
ci, et une augmentation du volume de la tête du pancréas d'aider au repérage de celle-ci. Après évidement de la tête

A B

60–70 cm

C D

Fig. 9.14 Dérivation wirsungojéjunale. A. Ouverture du canal de Wirsung. L'ouverture doit rester à distance de l'artère hépatique mais surtout
de l'artère splénique, qui peut avoir un trajet sinueux. B.  Aspect du canal de Wirsung corporéocaudal après ouverture. Du côté céphalique,
l'ouverture est limitée par l'artère gastroduodénale et la profondeur du canal. C. Ouverture de l'anse jéjunale en Y sur son bord antimésentérique,
en regard de l'ouverture de Wirsung. D. Aspect en fin d'intervention : l'anse en Y mesure 60 à 70 cm. Source : Aussilhou B, Cherif R, Dokmak
S, Sauvanet A. Dérivation chirurgicale du canal de Wirsung dans la pancréatite chronique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Tech Chir-Appar Dig
2016 ; 11 : 1-14 [Article 40-881].
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 253

5 mm

A B

C
Fig. 9.15 Intervention de Frey. A. Évidemment de la tête du pancréas après ouverture du canal de Wirsung. B. Vue après ouverture du canal de
Wirsung corporéocaudal et évidement parenchymateux céphalique. C. Aspect de l'anastomose terminée. Source : Aussilhou B, Cherif R, Dokmak
S, Sauvanet A. Dérivation chirurgicale du canal de Wirsung dans la pancréatite chronique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Tech Chir-Appar Dig
2016 ; 11 : 1-14 [Article 40-881].

du pancréas et ouverture complète du canal de Wirsung sur Complications immédiates


toute sa longueur, une anastomose entre le pancréas (tête La mortalité postopératoire de la chirurgie pancréatique a
pancréatique évidée dans la portion céphalique et canal de été largement réduite depuis ces dernières décennies, pas-
Wirsung en position corporéocaudale) et une anse en Y est sant de plus de 20 % dans les années 1980 à moins de 4 %
réalisée (Fig. 9.15C) [1, 15, 16]. pour la duodénopancréatectomie céphalique et à 1 % pour
254 Traité de pancréatologie

la pancréatectomie gauche dans les centres experts [1, 4, La fistule pancréatique peut être responsable de l'appari-
17]. Malgré la baisse de la mortalité, la morbidité postopé- tion de collections intra-abdominales, le plus souvent infec-
ratoire reste très élevée : elle est de plus de 40 % après DPC tées, nécessitant un drainage percutané, endoscopique par
et d'environ 30 % après pancréatectomie gauche [4, 18]. La voie transgastrique ou chirurgicale. De plus, elle peut mettre
prise en charge des complications après chirurgie pancréa- en jeu le pronostic vital du patient par apparition d'une péri-
tique est de plus en plus conservatrice avec une diminution tonite postopératoire ou d'une hémorragie cataclysmique
des reprises chirurgicales et une augmentation des prises en par érosion artérielle par le suc pancréatique ou par rupture
charge par radiologie interventionnelle. d'un pseudoanévrysme artériel [1].
En présence d'une fistule pancréatique bien tolérée clini-
Fistule pancréatique quement sans péritonite, hémorragie ou sepsis, qui peut être
La fistule pancréatique est le « talon d'Achille » de la chirur- traitée par mise à jeun, nutrition parentérale totale, traite-
gie pancréatique. Elle est la complication la plus fréquente et ment par des inhibiteurs de la sécrétion pancréatique par
la plus grave après toute résection pancréatique. Elle est défi- somatostatineou ses dérivés et, éventuellement, drainage
nie par un groupe d'experts internationaux (International d'une collection profonde, permettant d'obtenir une guéri-
Study Group for Pancreatic Fistula [ISGPF]) et a été révisée son de la majorité des cas [1, 26].
en 2017 [19]. La fistule pancréatique cliniquement signifi-
cative est définie par l'augmentation du taux d'amylase dans Gastroparésie
le liquide de drainage à plus de trois fois le taux d'amylase La gastroparésie est définie par l'International Study Group
sérique associé à un drainage de la fistule pancréatique pen- of Pancreatic Surgery (ISGPS) comme la nécessité ou la
dant plus de 3 semaines ou à un état clinique nécessitant un réinsertion d'une sonde nasogastrique après le 3e jour post-
changement dans la prise en charge de la fistule pancréa- opératoire ou le défaut de reprise d'une alimentation orale
tique. Elle est définie de grade B ou C en fonction de sa sévé- avant le 7e jour postopératoire. Elle est définie de grade A,
rité (Tableau 9.1) [19]. B ou C en fonction de sa sévérité [25]. La gastroparésie
L'incidence de la fistule pancréatique postopératoire varie complique essentiellement la DPC et est la complication
de 3 à 45 % dans la littérature après chirurgie pancréatique [19]. la plus fréquente après celle-ci : sa prévalence varie de 20 à
Les principaux facteurs de risque d'apparition de fistule pan- 50 %, tous grades confondus, et est de 14 % pour les grades
créatique connus sont la qualité du parenchyme restant, le dia- cliniquement significatifs (grades B et C) [25, 27, 28]. Le
mètre du canal de Wirsung et l'obésité associée à un pancréas principal facteur de risque d'apparition d'une gastroparé-
« gras ». Un parenchyme pancréatique « sain » ou « mou » et un sie postopératoire après DPC est la présence d'une collec-
canal de Wirsung fin augmentent le risque de fistule pancréa- tion profonde intra-abdominale qui devra être recherchée
tique postopératoire [20]. Actuellement, aucun traitement pré- par scanner dès l'apparition de symptômes. En prévention,
ventif n'a fait preuve d'une grande efficacité dans la prévention seul un traitement préventif par prokinétiques de type éry-
de celle-ci. L'incidence de la fistule pancréatique cliniquement thromycine réduirait significativement l'incidence de cette
significative (grades B et C) est de 16 % après DPC [4], varie de complication [29]. Après le diagnostic d'une gastroparésie,
11 à 21 % [4, 21] après pancréatectomie caudale, varie de 10 à un traitement par mise à jeun, mise en place d'une sonde
30 % après pancréatectomie médiane ou énucléation pancréa- nasogastrique et érythromycine est habituellement efficace
tique [15, 22, 23]. La fistule pancréatique cliniquement signifi- en 1 à 3 semaines [1, 25, 27].
cative (grades B et C) est responsable d'une augmentation de
la morbidité et est associée à une augmentation de la morta- Hémorragie postopératoire
lité postopératoire jusqu'à 39 % [24, 26], majoritairement par L'hémorragie postopératoire complique 4 à 16 % des DPC
défaillance multiviscérale et hémorragie postopératoire causée et 2 à 3 % des pancréatectomies gauches [30]. Lorsqu'elle
par la fistule pancréatique. est « précoce », dans les 24 à 72 heures après la chirurgie,
la cause est souvent d'origine chirurgicale secondaire à un
problème technique, particulièrement au niveau de la lame
Tableau 9.1 Définition de la fistule pancréatite
cliniquement significative par l'ISGPF. rétroportale. Elle nécessite des mesures de réanimation pré-
coces ainsi qu'une réintervention chirurgicale rapide pour
Grade B Grade C décaillotage et hémostase. En cas d'hémorragie digestive par
Taux d'amylase du liquide de drainage supérieure à 3 fois le taux saignement de vaisseaux sous-muqueux de l'estomac, une
d'amylase sérique endoscopie à visée hémostatique est souvent nécessaire. Les
Drainage persistant > 3 semaines

Réopération⁎
hémorragies précoces sont souvent de bon pronostic [1, 30].
État clinique nécessitant un Défaillance d'un organe⁎ En cas d'hémorragie « tardive », au-delà de 72  heures
changement dans la prise en charge Décès⁎ après la chirurgie, celle-ci est associée dans la majorité
de la fistule pancréatique des cas à une fistule pancréatique et, parfois, à une fistule
Drainage percutané ou biliaire. Ces hémorragies sont généralement la conséquence
endoscopique⁎ d'une érosion artérielle par le liquide de la fistule pancréa-
Artériographie pour hémorragie⁎
tique ou d'une rupture d'un pseudoanévrysme artériel
Signes d'infection sans défaillance
d'organe⁎
(généralement au niveau du moignon de l'artère gastroduo-
dénale). Une hémorragie causée par la rupture d'un pseu-
ISGPF : International Study Group for Pancreatic Fistula.
⁎ Traitement/événement lié à la fistule pancréatique.
doanévrysme artériel se manifeste parfois en deux temps :
tout d'abord par une hémorragie dite « sentinelle », puis par
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 255

une récidive de cette hémorragie, qui peut être majeure. traitée, il existe un risque important d'ischémie du terri-
Le traitement de ces hémorragies tardives est difficile et toire cœliaque après la chirurgie. La présence d'une sténose
une hémorragie sentinelle doit faire réaliser en urgence un du tronc cœliaque doit donc être repérée avant tout geste
scanner abdominal avec injection afin de pouvoir déceler chirurgical de type DPC par un scanner préopératoire
et traiter précocement un pseudoanévrysme artériel [1, 30] avec reconstruction vasculaire. Un ligament arqué pourra
(cf.  ci-dessous partie « Radiologie interventionnelle du être sectionné en peropératoire, opération éventuellement
pancréas »). Le traitement de ces hémorragies tardives, qui associée à un pontage artériel ou à une pose de stent en cas
peuvent être cataclysmiques et entraîner le décès du patient, d'inefficacité de revascularisation après section du ligament
est une urgence absolue et est réalisé de plus en plus par trai- arqué [33]. Une sténose athéromateuse pourra être traitée
tement radiologique interventionnel (par embolisation ou par voie endovasculaire avec pose de stent avant la chirurgie
mise en place d'un stent couvert). Un traitement chirurgical [1, 28].
est parfois nécessaire, souvent en association avec le traite-
ment radiologique interventionnel, du fait de l'instabilité Complications tardives
hémodynamique du patient ou des complications septiques
associées. Le taux de mortalité en cas d'hémorragie tardive La chirurgie pancréatique a une morbidité postopératoire
est élevé, de 10 à 20 % [1, 28]. élevée dont la fréquence varie en fonction du type d'inter-
vention. En cas de pathologie maligne de mauvais pronostic,
Complications biliaires notamment en cas d'adénocarcinome pancréatique, l'évo-
lution au long cours est d'abord imputée par le pronostic
La fistule biliaire complique la DPC dans 1 à 5 % des cas de la pathologie sous-jacente. Un suivi postopératoire au
[1, 17, 28]. Elle est définie par l'International Study Group long cours, permettant de prévenir et de détecter les com-
of Liver Surgery (ISGLS) comme une augmentation de la plications tardives de la chirurgie pancréatique, est cepen-
concentration de bilirubine dans le liquide de drainage dant possible chez les patients opérés pour une pathologie
ou le liquide intra-abdominal à partir du troisième jour bénigne ou maligne de bon pronostic. Les complications
postopératoire, ou par la nécessité de réaliser un drainage tardives sont essentiellement représentées par l'insuffisance
chirurgical ou radiologique d'une collection de bile ou une pancréatique endocrine, l'insuffisance pancréatique exo-
réintervention chirurgicale pour cholépéritoine [31, 32]. crine et les troubles de la vidange gastrique. Les chirurgies
Cette complication est généralement bien tolérée en cas de de préservation du parenchyme pancréatique (énucléation
drainage efficace par le drain au contact de l'anastomose et pancréatectomie médiane) permettent de diminuer l'ap-
hépaticojéjunale mis en place lors de la DPC. Cette fistule parition de ces complications au long cours.
se tarit dans la majorité des cas avec un simple traitement
conservateur mais peut nécessiter parfois une réinterven- Insuffisance pancréatique exocrine
tion chirurgicale ou un drainage externe par voie radio-
logique percutanée. En postopératoire immédiat d'une et sa prise en charge
DPC, une sténose précoce de l'anastomose hépaticojéjunale Une insuffisance pancréatique exocrine est définie par un
peut induire une angiocholite aiguë pouvant nécessiter une dosage de l'élastase fécale inférieur à 200 μg/g de selles. Cette
réintervention chirurgicale ou un traitement par voie radio-
logique percutanée [1, 28].

Pancréatite aiguë
Une pancréatite aiguë peut rarement compliquer toute exé-
rèse pancréatique. Sa prévalence est de 2 à 3 % après DPC et
les formes de pancréatite aiguë grave avec coulées de nécrose
pancréatique restent exceptionnelles [1, 17, 28].

Complications ischémiques
Les complications ischémiques peuvent survenir après DPC
avec une prévalence d'environ 1 %. Elles sont essentielle-
ment d'origine artérielle et sont causées par un traumatisme
artériel lors de la dissection ou d'une sténose préexistante
du tronc cœliaque ou de l'artère mésentérique supérieure.
Lors de la DPC, l'artère gastroduodénale est ligaturée ainsi
que les arcades duodénopancréatiques, qui sont des voies de
dérivation en cas de sténose du tronc cœliaque ou de l'artère
mésentérique supérieure [32]. Dans 10 % de la population
générale, une sténose du tronc cœliaque est présente, par
compression externe par un ligament arqué ou par compres-
sion intrinsèque par sténose athéromateuse, dont la moitié
est significative sur le plan hémodynamique (Fig. 9.16). En Fig.  9.16 Sténose athéromateuse d'environ 50  % du tronc
cas de DPC associée à une sténose du tronc cœliaque non cœliaque.
256 Traité de pancréatologie

complication peut causer une dénutrition sévère, nécessi- Radiologie interventionnelle


tant un dépistage postopératoire systématique et précoce.
Elle est fréquente après DPC, même en cas de parenchyme
du pancréas
pancréatique sain : 50 à 80 % des patients opérés sont traités Traitement des complications vasculaires
au long cours par extraits pancréatiques afin de corriger une
insuffisance pancréatique exocrine, pouvant être respon- Rappels
sable d'une stéatorrhée, d'une dénutrition et d'une altération Hémorragies lors des pancréatites aiguës
de la qualité de vie. En cas de pancréatectomie caudale ou et chroniques
médiane sur pancréas sain, l'apparition d'une insuffisance La morbimortalité des pancréatites aiguës et chroniques est
pancréatique exocrine reste rare. En cas de duodénopan- notamment liée à leurs complications artérielles et veineuses
créatectomie totale, tous les patients doivent être traités par (chapitre 2). Tous les intermédiaires sont possibles entre des
extraits pancréatiques à vie, car 100 % des patients déve- situations asymptomatiques, de découverte purement radio-
loppent une insuffisance pancréatique totale et constante. logique (pseudoanévrysme de taille petite et stable durant
En cas de diarrhée persistante chez un patient traité par des années, hypertension portale segmentaire dans le terri-
extraits pancréatiques pour insuffisance pancréatique exo- toire gastroépiploïque) et des états où le pronostic vital est
crine, il faut se poser plusieurs questions : le patient prend-il menacé (rupture de pseudoanévrysme, rupture de varices
ses extraits/gélules ? N'y a-t-il pas un problème de biodispo- gastriques). L'hémorragie est toutefois rare. Ne serons pas
nibilité des extraits ? N'y a-t-il pas un autre mécanisme des traitées ici des complications vasculaires à distance, telles
diarrhées ? l'ischémie mésentérique, car elles ne relèvent pas de la
Il faut donc bien interroger le patient et bien expliquer radiologie interventionnelle.
le fait que la prise des extraits doit être permanente et à vie. La pancréatite aiguë déclenche plusieurs réactions patho-
La prise au milieu des repas est la meilleure. Si les extraits logiques (œdème, inflammation, vasospasme, agression
sont bien pris, il faut améliorer la biodisponibilité en fai- cellulaire, réaction sympathique, activation du complément)
sant ouvrir les gélules et mélanger les microgranules avec le qui contribuent à la thrombose et à l'ischémie. De plus, la
repas. Ceci évite, en cas de DPC, que les gélules s'ouvrent libération des enzymes pancréatiques entraîne une auto-
trop tard dans l'intestin grêle si elles sont rapidement éva- digestion qui concerne notamment la paroi des vaisseaux
cuées de l'estomac opéré. Pour améliorer leur effet, on peut voisins, provoquant des hémorragies diffuses ou contenues
aussi rajouter la prise d'un antisécrétoire gastrique (omé- sous forme de pseudoanévrysmes. L'élastase est une enzyme
prazole et dérivés) pour élever le pH jéjunal. Enfin, si ces agressive pour l'endothélium et les fibres musculaires lisses
mesures ne fonctionnent pas, il faudra poser le problème qu'elle digère, favorisant ainsi les hémorragies. C'est aussi à
d'une diarrhée motrice (lésions nerveuses au cours de la dis- partir des pseudokystes que peuvent se former des pseudoa-
section des vaisseaux) ou d'une pullulation microbienne sur névrysmes dès qu'une artère viscérale est incorporée dans
une anse digestive stagnante. S'impose alors la réalisation le processus. La répartition topographique des saignements
d'un test respiratoire au D-glucose qui, s'l est positif, amè- artériels se présente comme suit dans les pancréatites aiguës :
nera à la prescription d'une antibiothérapie pour traiter les l'artère splénique est concernée dans 60–65 % des cas, l'ar-
pullulations (métronidazole ou association colistine-genta- tère gastroduodénale dans 20–25 % des cas, les arcades duo-
mycine per os). dénopancréatiques dans 10–15 % des cas, l'artère hépatique
dans 5–10 % des cas et l'artère gastrique gauche dans moins
Insuffisance pancréatique endocrine de 5 % des cas [37].
Au cours des pancréatites chroniques, les saignements
Le risque de diabète est accru après une pancréatectomie
artériels ont des origines comparables mais en des propor-
caudale du fait de la localisation majoritairement caudale
tions différentes : l'artère gastroduodénale ou les arcades
des îlots de Langerhans. Il peut apparaître en postopératoire
pancréaticoduodénales sont impliquées dans 58 % des cas,
immédiat ou différé après plusieurs mois. En cas de paren-
l'artère splénique, ou l'une de ses branches, est impliquée
chyme normal, sa prévalence varie de 10 à 24 % après DPC,
dans 42 % des cas (chapitre 3).
de 8 à 60 % après pancréatectomie caudale, et de 100 % après
En fonction de leur topographie, ces pseudoanévrysmes
DPT et est d'environ 3 % après pancréatectomie médiane
peuvent entraîner des hémorragies intrapéritonéales, rétro-
[34, 35]. En cas de pancréatite chronique, sa prévalence aug-
péritonéales, intragastriques, pseudokystiques ou, plus rare-
mente à 40 % après DPC et à 80 % après pancréatectomie
ment, des wirsungorragies ou des hémobilies.
caudale. Le diabète induit par la chirurgie pancréatique peut
Les hémorragies peuvent également avoir une origine
être difficile à équilibrer, avec de nombreux accidents hypo-
veineuse. En effet, la veine splénique peut être victime de
glycémiques, entraînant une altération majeure de la qualité
plusieurs agressions au cours de la pancréatite aiguë : l'in-
de vie des patients.
flammation locorégionale, la compression par un abcès ou
un pseudokyste, la nécrose pancréatique entraînent souvent
Troubles de la vidange gastrique son obstruction. À défaut de pouvoir parler de thrombose
En cas de DPC, 30 à 40 % des patients souffrent de troubles de en l'absence de caillot fibrinocruorique macroscopique,
la vidange gastrique au long cours, parfois associés à un dum- la résultante est malgré tout l'apparition d'une hyperten-
ping syndrome, autant après DPC avec anastomose pancréa- sion portale segmentaire dont les conséquences peuvent
ticojéjunale qu'avec anastomose pancréaticogastrique [36]. être graves, voire mortelles, via des hémorragies digestives
Chez ces patients, un traitement par érythromycine au long hautes par rupture de varices gastriques ou des ruptures
cours est indiqué [29]. spontanées de rate [38].
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 257

La survenue d'un saignement diffus peut aussi s'obser- le caractère actif du saignement par la majoration d'extrava-
ver dans les nécroses extensives ; dans ces cas, il est difficile sation de produit de contraste entre ces deux temps. Le temps
d'individualiser en imagerie le vaisseau responsable. portal permet également l'évaluation des complications vei-
Pour se rendre compte de la gravité des complications neuses et permettrait une meilleure détection des petits pseu-
artérielles des pancréatites aiguës, il suffit d'observer le taux doanévrysmes. L'obtention d'images de qualité est facilitée par
de mortalité des patients non traités qui s'élève à près de la technologie moderne, les scanners ayant été largement per-
90 % alors qu'il passe sous la barre des 50 % lorsqu'un traite- fectionnés au cours des dernières décennies. L'apparition de
ment est mis en œuvre [39, 40]. scanners multibarrettes, l'acquisition hélicoïdale, la possibilité
L'histoire naturelle des pseudoanévrysmes est mal de coupes fines permettant des reconstructions tridimension-
connue. Si quelques-uns se compliquent de fissuration ou nelles, l'utilisation de produits de contraste iodés plus concen-
de rupture, d'autres se thrombosent spontanément et sont trés (400 mg/mL) ont augmenté la sensibilité de détection des
découverts fortuitement sur des scanners de surveillance. saignements actifs et des pseudoanévrysmes [41].
Ainsi, le protocole d'acquisition le plus communément
Hémorragies après chirurgie pancréatique admis dans ces situations est le suivant : une première acqui-
Elles surviennent dans 4 à 16 % des cas après DPC, et dans sition volumique sans injection de produit de contraste suivie
2 à 3 % des cas après splénopancréatectomie gauche (SPG). d'une acquisition biphasique, au temps artériel (25 s) et au
Depuis 2007, cette complication grave de la chirurgie pan- temps veineux (70 s) après injection de 100 à 150 cm3 de pro-
créatique a une définition précise, décrite par un groupe duit de contraste iodé non ionique d'une haute concentration
d'experts internationaux (l'ISGPS déjà mentionné). En (350 à 400 ng/mL) à un débit d'au moins 3,5 cm3 par seconde.
fonction du délai par rapport à la chirurgie initiale (infé- Si le scanner est l'examen de première intention chez les
rieur ou supérieur à 24 heures), on la qualifie de précoce ou patients stables de par son accessibilité, sa relative innocuité
de tardive. Elle peut naître du tube digestif (intraluminale) et sa rapidité, l'artériographie demeure l'examen de référence
ou de la cavité abdominale (extraluminale). Trois grades pour le diagnostic positif et étiologique de saignement actif.
de sévérité (A, B, C) sont ainsi définis selon les paramètres En ce qui concerne les patients à l'hémodynamique
suivants : le délai du saignement par rapport à la chirurgie d'emblée instable, il est possible de surseoir au scanner et de
initiale, son impact sur l'état clinique du patient, les actions passer directement à l'artériographie qui permettra à la fois
menées afin d'établir le diagnostic étiologique et les actions la confirmation diagnostique et la prise en charge thérapeu-
thérapeutiques entreprises afin de juguler l'hémorragie. tique. Lorsqu'il est réalisé, le scanner permet de raccourcir
Devant l'importance de la mortalité associée à l'hémor- la durée de l'angiographie en permettant de cathétériser
ragie post-pancréatectomie (10–20 % pour les hémorragies d'emblée le vaisseau responsable.
tardive) (cf. ci-dessus partie « Chirurgie du pancréas »), de
nombreux travaux se sont concentrés sur l'identification Artériographie cœliomésentérique
de facteurs de risque d'hémorragies postopératoires avec Historiquement, le traitement des hémorragies artérielles de
en substance un parenchyme pancréatique mou, friable, la pancréatite aiguë ne trouvait pas d'alternative à la chirurgie
gras, un diamètre fin du canal de Wirsung, un âge avancé, qui consistait en une laparotomie, une ligature artérielle et
une dénutrition, une infection intra-abdominale. La phy- une pancréatectomie partielle. Si cette option est encore d'ac-
siopathologie de l'hémorragie digestive après chirurgie tualité et reste parfois incontournable, les outils modernes de
péripancréatique peut s'expliquer par l'association d'un la radiologie interventionnelle viennent dorénavant s'asso-
environnement vasculaire très riche en artères et en arté- cier, dans ce domaine, à la réanimation médicale, à l'endos-
rioles, de traumatismes artériels peropératoires générés lors copie interventionnelle et à la chirurgie mini-invasive.
de la dissection et notamment lors du curage ganglionnaire, L'artériographie cœliomésentérique est l'examen de réfé-
de fuites de suc pancréatique protéolytique dans la cavité rence pour le diagnostic positif et étiologique ; elle tend à
abdominale (fistule pancréatique) et/ou d'une inflammation prendre une part croissante dans le traitement des hémor-
locale de la glande (pancréatite). Le remodelage vasculaire ragies compliquant les pancréatites.
ainsi créé est à l'origine d'une fragilisation artérielle pouvant
s'exprimer par une ulcération artérielle et/ou la formation Premier temps : diagnostic
de faux anévrysmes, responsables des hémorragies. Le premier temps est donc pour le diagnostic et la technique
La prise en charge radiologique des complications vascu- est la suivante :
laires au cours des pancréatopathies profite des progrès réali- ■ un abord artériel périphérique est réalisé, préférentielle-
sés non seulement en imagerie diagnostique mais également ment par ponction d'une artère fémorale commune ;
en radiologie interventionnelle. Il sera fait une mise au point ■ par cathétérisme du tronc cœliaque et de l'artère mésen-
sur la première avant de détailler les possibilités de la seconde. térique supérieure, l'opérateur tente d'identifier l'origine
du saignement ;
Diagnostic ■ le saignement peut être actif lors de l'artériographie et
Devant la suspicion d'hémorragie chez un patient ayant une il sera alors possible d'identifier un signe direct sous la
pancréatite ou en postopératoire, le premier examen à réaliser forme d'extravasation de produit de contraste ;
chez un patient stabilisé hémodynamiquement est un scan- ■ parfois, le saignement a cessé et seuls des signes indirects
ner sans et avec injection de produit de contraste. Le temps sont authentifiables sous la forme d'anomalies morpholo-
essentiel de l'acquisition est le temps artériel, bien que le temps giques vasculaires : les pseudoanévrysmes, correspondant
portal soit également nécessaire, afin d'évaluer l'abondance et à une extravasation de produit de contraste contenue.
258 Traité de pancréatologie

En cas de non-visualisation de ces signes directs ou indi-


rects, la technique peut être sensibilisée par l'allongement de
l'injection de produit de contraste, par la poursuite de l'ac-
quisition en phase veineuse ou par l'utilisation de dioxyde
de carbone comme produit de contraste [41].
Après identification de l'origine de l'hémorragie se pose
la problématique de la technique d'hémostase.

Second temps : hémostase


Le second temps est l'hémostase et les techniques sont
multiples.
Il faut retenir que l'embolisation directe du sac ané-
vrysmal par des coïls n'est pas souhaitable pour plusieurs
raisons :
■ premièrement, combler le sac pseudoanévrysmal de coïls
majore son risque de rupture [41–43] du fait de l'absence
de paroi organisée ; A
■ deuxièmement, cette technique augmente le coût et la
durée de l'intervention ;
■ troisièmement, cela complique le suivi scanographique à
cause des artéfacts métalliques [41] ;
■ enfin, contrairement à la neuroradiologie intervention-
nelle, qui ne peut que rarement se permettre d'emboliser
l'artère porteuse de la lésion hémorragique en raison de
la vascularisation artérielle terminale de l'encéphale, la
radiologie interventionnelle cœliomésentérique dispose
d'anastomoses plus riches, rendant les interventions moins
risquées.
La technique du « sandwich » consiste à emboliser, de part
et d'autre du pseudoanévrysme, l'artère aux dépens de laquelle
il est développé. Des « coils » ou microspires de platine dits « à
détachement contrôlé » et liées d'une couche d'hydrogel ou à un
copolymère résorbable constituent le matériel embolisé le plus
couramment. Prenons pour exemple une des applications les B
plus courantes qu'est le pseudoanévrysme hémorragique de l'ar-
tère splénique. L'embolisation de la partie proximale de l'artère
splénique en amont du pseudoanévrysme entraîne une diminu-
tion de l'apport artériel de celui-ci. Cependant, elle ne suffit pas à
tarir le flux car une alimentation rétrograde de l'artère splénique
et du pseudoanévrysme via l'arcade gastroépiploïque et les
arcades intrapancréatiques risque d'entretenir le saignement. De
ce fait, une double embolisation de l'artère splénique, à la fois en
amont et en aval du pseudoanévrysme, permet l'arrêt du saigne-
ment et ce, sans avoir cathétérisé directement le sac pseudoané-
vrysmal (Fig. 9.17). En rapprochant le plus possible le coïl distal
du pseudoanévrysme, on peut espérer de meilleures chances
de reconstitution du flux artériel splénique par des reprises en
charge anastomotiques et donc minimiser le risque d'infarctus
spléniques [41]. De plus, la réduction du flux artériel splénique
chez des patients porteurs d'une hypertension portale segmen-
taire pourrait diminuer le risque hémorragique de celle-ci.
L'embolisation de l'artère splénique avant nécrosectomie
chirurgicale a par ailleurs montré un bénéfice en matière C
de perte sanguine peropératoire et de risque de rupture de Fig.  9.17 Un pseudokyste de pancréatite chronique est
varices gastriques [37]. devenu un volumineux pseudoanévrysme qui est traité par
Parfois, l'artère aux dépens de laquelle se développe le embolisation selon la technique du sandwich. A.  Pseudokyste
pseudoanévrysme ne dispose pas de lit vasculaire macro- avec volumineux pseudoanévrysme (flèches blanches) (scanner).
scopique en aval du pseudoanévrysme : il est alors possible B. Reconstructions vasculaires du pseudoanévrysme (flèches blanches)
d'emboliser cette artère uniquement en amont du pseudoa- (scanner). C. Artériographie avec mise en place de coils à l'entrée du
névrysme, sans avoir recours à la technique du sandwich. pseudoanévrysme (flèche blanche en pointillé).
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 259

L'utilisation de particules résorbables de gélatine a été les complications hémorragiques des pancréatites. En effet,
décrite par certains auteurs, mais leur usage peut être hasar- ils présentent plusieurs inconvénients techniques. Les artères
deux en raison de sa résorption possible par les enzymes responsables de saignements dans ce contexte sont souvent de
pancréatiques qui aboutirait à la formation de microembo- petit calibre et sinueuses, peu adaptées aux stents rigides dont
lies pouvant entraîner une ischémie pancréatique [44] aux nous disposons actuellement. De plus, le risque de migration
conséquences graves. et de thrombose intrastent implique un risque d'ischémie
L'utilisation de colle, comme le n-Butyl cyanoacrylate viscérale. La mise en place d'un stent couvert impose la mise
(NBCA) ou de copolymère vinyle éthylène alcool (onyx) sous double antiagrégation plaquettaire, potentiellement
est envisageable lorsque l'anévrysme peut être cathété- iatrogène. Enfin, l'introduction d'un corps étranger majore le
risé mais que l'on ne peut atteindre la partie de l'artère risque de greffe infectieuse, ce qui n'apparaît pas souhaitable
afférente située en aval du pseudoanévrysme [37]. La dans un contexte de pancréatite.
colle présente l'inconvénient de pouvoir créer des com-
plications emboliques par reflux ou surdosage, ainsi, Complications non spécifiques de l'artériographie
Morishita et al. ont proposé une technique originale qui ■ Hématome du point de ponction : c'est la complication
consiste à cathétériser le sac anévrysmal, puis à contrô- la plus fréquente ; il survient dans 15 à 20 % des cas [46].
ler le flux sanguin local par injection d'adrénaline diluée. L'essentiel est de s'assurer de l'absence de saignement actif
Cette injection, qui entraîne une forte vasoconstriction associé. La topographie de l'abord artériel est essentielle dans
de l'artère porteuse en amont et en aval du pseudoané- la prévention des hématomes. Il est préférable de réaliser
vrysme, permet de remplir le sac pseudoanévrysmal de un abord fémoral commun. En effet, la ponction de l'artère
NBCA de manière plus sûre [45]. iliaque externe est fortement déconseillée en raison du risque
d'hématome rétropéritonéal. L'abord par les artères fémo-
Cas particulier des hémorragies postopératoires rales superficielle ou profonde majore le risque de complica-
Les stents couverts, apparus relativement récemment, et très tion par l'absence de support osseux durant la compression.
utiles pour contrôler les hémorragies post-DPC, secondaires à ■ La survenue d'un pseudoanévrysme du point de ponc-
la rupture d'un pseudoanévrysme du moignon de l'artère gas- tion est observée dans 1 % des artériographies diagnos-
troduodénale (Fig. 9.18), sont en revanche peu utilisés dans tiques et 8 % des artériographies thérapeutiques [44].

A B

C D E
Fig. 9.18 Pseudoanévrysme du moignon de l'artère gastroduodénale après DPC qui est traité par mise en place d'un stent.
A. Infiltration de la loge de pancréatectomie (flèche blanche) (scanner). B. Reconstructions vasculaires avec pseudoanévrysme du moignon de
l'artère gastroduodénale (flèche blanche en pointillé). C. Artériographie avec mise en évidence d'un pseudoanévrysme du moignon de l'artère
gastroduodénale (flèche blanche en pointillé). D. Artériographie avec mise en place du stent (flèche blanche en pointillé). E. Artériographie après
mise en place du stent (flèche blanche en pointillé : disparition du pseudoanévrysme).
260 Traité de pancréatologie

L'abstention thérapeutique est justifiée lorsque les condi- endoscopique, soit par chirurgie mini-invasive utilisant alors le
tions suivantes sont réunies : le pseudoanévrysme mesure drain percutané comme guide vers la nécrose [53, 54].
moins de 2 cm, sa taille est stable et il est paucisympto-
matique [47]. Le traitement, lorsqu'il est indispensable, Pseudokystes
peut être réalisé par compression guidée, si nécessaire par Les pseudokystes sont des collections, essentiellement liqui-
échographie (74,3 % de réussite) ou par injection percu- diennes, bordées par une paroi bien définie mais non épithé-
tanée de thrombine (96,6 % de réussite) [48]. liale, situées dans le tissu pancréatique ou péripancréatique.
■ Une fistule artérioveineuse survient chez 1 % des patients Le développement d'un pseudokyste ne se diagnostique
ayant un cathétérisme artériel transfémoral [49]. le plus souvent pas après 4 semaines d'évolution de la pan-
créatite aiguë [54].
Complications spécifiques de l'artériographie Les indications consensuelles de traitement d'un pseu-
■ Le « re-saignement » au cours des pseudoanévrysmes dokyste sont le caractère symptomatique (douleurs abdo-
peut relever d'une nouvelle artérioembolisation. minales, compression digestive ou des voies biliaires), la
■ L'ischémie et l'infarctus en particulier spléniques ne sont majoration de volume et la surinfection, la présence d'une
pas rares, mais ils sont habituellement bien tolérés clini- fistule pancréaticopleurale ou encore la compression des
quement et ne nécessitent pas de prise en charge spécifique. vaisseaux splanchniques [55].
Des ischémies digestives ont également été rapportées. Afin Si le traitement des pseudokystes est essentiellement le
de diminuer le risque d'ischémie, le site d'embolisation doit fait de l'endoscopie interventionnelle, la radiologie inter-
être le plus proche possible du pseudoanévrysme. Pour ce, ventionnelle peut également apporter sa contribution en
l'utilisation de microcathéters est souvent nécessaire. proposant un drainage percutané des pseudokystes non
accessibles par voie endoscopique. Les conditions de réa-
lisation d'un drainage percutané d'un pseudokyste sont les
Drainage des pseudokystes mêmes que celles du drainage percutané des collections
et des collections nécrotiques nécrotiques qui sera décrit ci-dessous. La présence d'un sai-
Rappels gnement intrakystique ou d'un pseudoanévrysme intrakys-
Collections nécrotiques tique représente une contre-indication formelle à toute
tentative de drainage. Ceci nécessite, comme pour les col-
Les collections nécrotiques peuvent s'infecter, habituelle- lections nécrotiques infectées, une analyse scanographique
ment entre la 3e et la 8e semaine, grevant alors lourdement minutieuse avant toute décision et réalisation d'un geste.
le pronostic de la maladie (chapitre 2). Les taux de mortalité
rapportés s'échelonnent entre 10 et 15 % pour les pancréa-
tites aiguës compliquées de nécrose stérile et entre 30 et Technique du drainage radiologique
35 % pour la nécrose infectée [50–52]. Ponction à l'aiguille
Les mécanismes à l'origine de l'infection des collections Grâce à la ponction à l'aiguille de la collection nécrotique,
nécrotiques pourraient être, par ordre de fréquence décrois- une analyse cytologique, bactériologique et mycologique
sant, la translocation intestinale, les microperforations du peut être réalisée en cas de doute clinicoradiologique sur
côlon transverse, la dissémination hématogène. la réalité de l'infection de la nécrose. Ceci permet aussi
La step-up approach est actuellement préconisée pour traiter d'adapter l'antibiothérapie. Le trajet balistique de cette
la nécrose infectée, à un stade si possible de « collection nécro- ponction doit suivre les mêmes règles que celles du drai-
tique organisée » (wall off necrosis) et à partir de la 4e semaine. nage. Il convient plus particulièrement de ne pas traverser
Une approche combinée, radiologique, gastroentérologique et une structure digestive pour éviter la contamination du
chirurgicale est donc appliquée dans un contexte de concerta- prélèvement.
tion pluridisciplinaire impliquant aussi les médecins anesthé- La ponction à l'aiguille à visée diagnostique serait utile
sistes-réanimateurs. Les trois principes fondamentaux de cette dans les situations suivantes : lorsqu'il existe plusieurs points
approche sont : retarder le plus possible ou éviter l'interven- d'appel cliniques potentiellement responsables de la fièvre,
tion chirurgicale, privilégier en première intention la pose de lorsqu'une infection précoce de la nécrose est suspectée (au
drains par voie radiologique ou endoscopique et employer des cours des dix premiers jours), lorsque l'imagerie met en évi-
techniques de nécrosectomie endoscopique ou chirurgicale dence la présence d'air au sein de la collection sans signe
mini-invasive, par voie rétropéritonéale, guidées par les drains. clinique franc d'infection de la nécrose. En effet, la présence
■ Dans un premier temps, si l'on suspecte une surinfection d'air au sein d'une collection nécrotique n'est ni sensible ni
précoce (avant 4 semaines) de la nécrose, la cytoponc- spécifique pour le diagnostic d'infection de la nécrose : si cet
tion est pratiquée afin d'adapter éventuellement une air peut être la résultante du métabolisme de germes anaéro-
antibiothérapie. bies, il peut aussi être le signe d'une fistule digestive.
■ Dans un deuxième temps, si l'état du patient se détériore,
un drainage percutané ou endoscopique est mis en place
pour évacuer le liquide infecté sous pression. Cette étape Technique du drainage
permet dans 35 % des cas d'améliorer l'état clinique du Les trajets de drainage sont définis au mieux sur le scanner.
patient ; dans ces cas, aucune nécrosectomie n'est réalisée. La balistique doit éviter l'intestin grêle, le côlon, les reins,
■ Dans un troisième temps, si l'état du patient ne s'améliore pas l'estomac, le foie et la rate afin de minimiser les risques d'in-
ou se détériore, une nouvelle tentative de drainage est entre- fection ou d'hémorragie iatrogène [56]. La voie d'abord du
prise et une nécrosectomie est indiquée soit par nécrosectomie drainage percutané est préférentiellement rétropéritonéale
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 261

car la majorité de ces collections sont développées aux dépens La mise en place du drain doit se faire dans des conditions
de la graisse rétropéritonéale. d'asepsie stricte afin d'éviter une infection nosocomiale. Les
Les balistiques les plus fréquentes sont les suivantes [57] : différents auteurs décrivent indifféremment l'usage de la
■ pour les collections de la queue du pancréas, l'espace para- technique de Seldinger ou du trocart, sans influence sur l'ef-
rénal antérieur gauche est abordé entre le côlon descendant ficacité ; le choix dépend de l'expérience de l'opérateur [57].
et les reins en arrière et l'intestin grêle et la rate en avant ; Lors de l'insertion du drain dans la collection, une aspi-
■ pour les collections de la tête du pancréas, l'espace para- ration mécanique manuelle est réalisée pour évacuer le plus
rénal antérieur droit est abordé entre le foie, le côlon de liquide possible. Cette étape permet également de pro-
ascendant et le rein. céder à des prélèvements qui feront l'objet d'analyses bac-
En cas d'impossibilité d'employer ces voies habituelles, les tériologiques, mycologiques, cytologiques et biochimiques.
voies transpéritonéales antérieures sont envisageables [57] : Le drain est placé en position déclive et ainsi le drainage
■ transhépatique, qui majore en théorie le risque de devient passif et se fait par gravité. Selon l'abondance, le
saignement ; nombre et le caractère communiquant des collections, il
■ transgastrique ; cette voie est moins souvent utilisée pour conviendra parfois de mettre en place plusieurs drains.
deux raisons : Le choix du diamètre du drain est conditionné par un des
– premièrement, le péristaltisme gastrique peut être res- problèmes majeurs des collections de pancréatite aiguë, à
ponsable de migration du drain, savoir leur caractère hétérogène. Elles contiennent souvent
– deuxièmement, si le pH de l'estomac est normal, le des composants solides issus de la nécrose de la glande pan-
liquide gastrique est habituellement stérile mais chez créatique ou de la liquéfaction incomplète de la graisse péri-
des patients hospitalisés en réanimation sous inhi- pancréatique, qui peuvent être responsables de l'obstruction
biteurs de la pompe à protons (IPP) pour prévenir du drain. Il faut donc utiliser des drains à double voie et de
l'ulcère de stress, la stérilité n'est alors plus garantie. calibre important, au minimum 14 F [57] et jusqu'à 24 F,
Les collections nécrotiques sont parfois cloisonnées, ren- voire au-delà. Afin de prévenir l'obstruction des drains, il
dant difficile la progression du drain au sein de la collection ; est nécessaire de les irriguer avec du sérum physiologique,
il est alors possible de tenter un débridement à l'aide d'un soit 3 à 4 fois par jour, soit en continu. Les Fig. 9.19, 9.20 et
guide rigide pour faciliter le passage du drain et améliorer 9.21 exposent différents cas de drainage de nécrose infectée.
l'efficacité du drainage.

A B

C D
Fig. 9.19 Nécrose pancréatique infectée drainée par voie transhépatique. A. Nécrose infectée à 4 semaines d'une pancréatite aiguë grave
(flèches blanches). B. Ponction à l'aiguille pour prélèvement bactériologique et mycologique (flèche blanche en pointillé). C, D. Dans le même temps,
cathétérisme et mise en place d'un drain externe de gros calibre dans la cavité nécrotique pour lavages et drainage (flèche blanche en pointillé).
262 Traité de pancréatologie

l'imputabilité du geste dans leur survenue, ce d'autant plus


qu'elles peuvent spontanément émailler l'histoire naturelle
de la pancréatite aiguë.

Traitement de l'obstruction biliaire


Au cours des maladies du pancréas, en particulier les
affections tumorales mais aussi la pancréatite chronique,
il peut se produire une compression de la voie biliaire
principale responsable d'une cholestase le plus souvent
ictérique.
A La plupart du temps, le drainage de cet ictère se fait
par voie endoscopique avec mise en place d'une pro-
thèse qui, il faut le rappeler, sera métallique expansive
le plus souvent : de type non couvert pour des tumeurs
non résécables, mais couvertes pour des tumeurs résé-
cables ou dans le cadre d'une pancréatite chronique.
L'alternative est également la mise en place de prothèses
plastiques qui sont, par contre, temporaires (chapitres 3
et 6 et ci-dessous partie « Endoscopie interventionnelle
des affections pancréatiques »).
Dans le cadre d'un échec du cathétérisme des voies
biliaires, mais aussi chez des patients avec un antécédent
de chirurgie en particulier DPC ou chirurgie de dériva-
tion, l'abord de la voie biliaire principale se fera par voie
radiologique.
Cet abord se fait par voie antérograde sous contrôle
B échographique avec ciblage des voies biliaires dilatées par
voie transpariétale. Le geste est débuté par une ponction
de ces voies biliaires dilatées, puis est suivi secondaire-
ment par la mise en place d'un fil-guide qui tente de fran-
chir la sténose biliaire. Sur ce fil-guide sera ensuite installé
un drain qui, idéalement, devra être un drain « mixte »,
c'est-à-dire avec une partie au-dessus de la sténose et une
autre partie au niveau du tube digestif, au niveau du duo-
dénum (Fig. 9.22).
En cas d'échec de franchissement de la sténose, ce sera la
mise en place d'un drain dit « externe », c'est-à-dire ne drai-
nant que les voies biliaires sus-sténotiques à partir du hile
ou des voies biliaires intrahépatiques.
La mise en place d'une prothèse peut se faire en un seul
C temps, après avoir installé le fil-guide et passé la sténose.
Cela peut se faire aussi ensuite, après un temps de drainage
Fig.  9.20 Nécrose infectée drainée par l'espace pararénal par un drain mixte ; ce drain sert à nouveau de guide pour
antérieur gauche. A.  Nécrose infectée à 4  semaines d'une mettre en place une prothèse expansive dans la voie biliaire
pancréatite aiguë grave (flèches blanches). B.  Mise en place d'un
principale pour traiter la sténose (Fig. 9.23).
drain (flèche blanche en pointillé) et opacification de la cavité
(flèche blanche). C.  Disparition de la cavité après 15  jours de
Il faut savoir qu'en cas d'obstruction de cette prothèse, et
drainage (flèche blanche). tout comme au cours de la cholangio-pancréatographie par
voie rétrograde endoscopique (CPRE), il est possible par la
même technique de mettre en place une deuxième prothèse
Complications de la cytoponction et du drainage à l'intérieur de la première pour traiter la sténose en réci-
Les complications potentielles de ces procédures sont dive. Des complications de ce geste sont rares mais peuvent
l'hémorragie, l'infection et la fistule digestive, par trauma- prendre la forme d'un hématome au point de ponction,
tisme lors de l'introduction de l'aiguille ou du drain. Ces d'une angiocholite, d'une hémobilie, d'une pancréatite
complications sont rares et il est souvent difficile d'affirmer aiguë.
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 263

F
A

B E G
Fig. 9.21 Nécrose pancréatique infectée étendue drainée par plusieurs voies. A, B. Nécrose infectée à 6 semaines d'une pancréatite aiguë grave ;
coupe horizontale et frontale montrant l'étendue en largeur et en hauteur (flèches blanches). C, D. Mise en place d'un drain par voie rétropéritonéale
(flèches blanches en pointillé). E. Mise en place d'un autre drain par voie pararénale antérieure gauche (flèche blanche en pointillé). F. Disparition de
la collection dans sa partie supérieure après 2 mois de traitement (flèche blanche). G. Idem pour la partie inférieure de la collection (flèches blanches).

Endoscopie interventionnelle être révélée par l'endoscopie voire la chirurgie (chapitre 3).


Selon les recommandations européennes (recommanda-
des affections pancréatiques tions de l'European Society of Gastrointestinal Endoscopy
Rôle de l'endoscopie dans la prise en [ESGE]) et tout récemment internationales, le traitement
charge de la douleur de la pancréatite endoscopique dans le cadre de la douleur de la pancréatite
chronique calcifiante doit être envisagé après l'échec d'un
chronique traitement médical bien conduit et si les conditions ana-
Rappels tomiques, le bilan préthérapeutique et l'environnement
Le traitement de la douleur au cours de la pancréatite médicochirurgical se prêtent à cette approche [58–61]. En
chronique passe tout d'abord par la mise en place de règles d'autres termes, il faut s'assurer que les indications existent
hygiénodiététiques (régime équilibré et suffisamment calo- pour instituer une procédure opératoire endoscopique
rique, vitaminothérapie), de l'arrêt de toute consommation et que le ou les opérateurs soient rompus à l'endoscopie
d'alcool (totale et définitive), ainsi que de l'intoxication interventionnelle biliopancréatique. En cas d'échec du trai-
tabagique, de la correction de l'insuffisance endocrine et tement endoscopique (persistance de la douleur ou réci-
exocrine. La stratégie de prise en charge médicamenteuse dive précoce) une nouvelle concertation pluridisciplinaire
de la douleur est dite step-up. On débute par les antalgiques (incluant les chirurgiens) s'impose.
de palier 1 pour finir par ceux de palier 3. Les traitements
adjuvants ont pour but d'agir en complément des traite- Prise en charge des calculs pancréatiques
ments antalgiques « classiques ». Il s'agit de classes médi- Les calculs pancréatiques peuvent être responsables à eux
camenteuses variées ; parmi elles, on retiendra notamment seuls de douleurs pancréatiques chroniques, en particu-
la prégabaline (Lyrica®) ou les antidépresseurs (notamment lier quand ils sont obstructifs au sein du canal principal.
tricycliques). Le risque des antalgiques de palier 3 reste Selon leur taille, deux types d'approche thérapeutique
celui de la toxicomanie et de la dépendance aux opiacés. Il sont possibles  : extraction endoscopique ou lithotritie
convient donc de déterminer rapidement si une cause peut extracorporelle.
264 Traité de pancréatologie

A B

C D
Fig. 9.22 Drainage antérograde transhépatique d'un obstacle de la voie biliaire principale par cancer de la tête du pancréas. A. Ponction
à l'aiguille par voie transhépatique (flèche blanche en pointillé) des voies biliaires dilatées en amont de l'obstacle tumoral (flèche blanche). B. Mise
en place d'un fil-guide au-delà de l'obstacle jusque dans la lumière duodénale (flèche blanche en pointillé). C. Mise en place d'un drain biliaire
mixte au-delà de l'obstacle jusque dans la lumière duodénale (flèche blanche en pointillé). D. Vue avec drain mixte en place (flèche blanche en
pointillé) ; les voies biliaires sont drainées dans la lumière duodénale (vidange du produit de contraste).

Calculs de moins de 5 mm fragmenter les calculs ; elle est considérée comme réussie
Pour ce qui est des calculs de moins de 5 mm, une extrac- si des fragments de moins de 3 mm sont obtenus. Cette
tion endoscopique d'emblée, sans fragmentation préalable, approche requiert toutefois une expérience avec un appareil-
peut être proposée en première intention, surtout si le ou lage ad hoc. La CPRE permet l'extraction des calculs frag-
les calculs sont en position céphalique. Toute extraction mentés immédiatement après la lithotripsie extracorporelle
endoscopique nécessite malgré tout la réalisation d'une mais ces derniers peuvent s'évacuer aussi spontanément. En
sphinctérotomie pancréatique première (Fig. 9.24). La litho- d'autres termes, l'approche endoscopique seule dans le cadre
tripsie intrapancréatique, techniquement plus complexe de calculs volumineux est souvent vouée à l'échec et non
(laser, hydraulique, volontiers dirigée sous pancréatosco- recommandée. Les résultats de la lithotritie extracorporelle
pie), présente des résultats très discordants dans les études. ont été rapportés lors d'études non contrôlées mais font état
Elle ne trouve sa place qu'au sein de centres très spéciali- d'une destruction des calculs dans 70 à 88 % des cas et d'un
sés et après échec des précédentes techniques et en cas de effet prolongé sur la douleur dans 78 % des cas, incluant des
contre-indication à la chirurgie. cas bien sélectionnés sans sténose ou anomalies canalaires
complexes et multiples [61–63].

Calculs de plus de 5 mm Prise en charge des sténoses canalaires


Dans le cadre de calcul(s) de plus de 5 mm de diamètre, pancréatiques
radio-opaque(s), et sans sténose pancréatique associée, le Elle fait appel à la mise en place d'une prothèse pancréatique
traitement recommandé en première intention est la litho- visant à « décompresser » le canal de Wirsung et à « cali-
tripsie extracorporelle. L'objectif de cette technique est de brer » une sténose dominante « supposée symptomatique ».
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 265

A B

C D
Fig. 9.23 Drainage antérograde transhépatique d'un obstacle tumoral de la voie biliaire principale avec mise en place d'une prothèse
métallique expansive. A. Ponction à l'aiguille par voie transhépatique des voies biliaires dilatées (flèche blanche) en amont de l'obstacle tumoral
médiocholédocien (flèche blanche en pointillé). B. Mise en place d'un fil-guide au-delà de l'obstacle jusque dans la lumière duodénale (flèche blanche
en pointillé). C. Mise en place d'une prothèse biliaire expansible jusque dans la lumière duodénale (flèche blanche en pointillé). D. Vue de la prothèse
qui commence à s'ouvrir (flèches blanches en pointillé) et début de vidange du produit de contraste à partir des voies biliaires intrahépatiques.

Ceci nécessite une voie d'abord sélective du canal de Wirsung,


suivie d'une sphinctérotomie pancréatique, voire d'une dila-
tation hydraulique de la sténose, puis la mise en place d'une
prothèse plastique de 7 à 10 F. La prothèse est changée tous
les 3 à 4 mois pendant 1 an car sujette à obstruction. Le geste
endoscopique peut aussi comporter une extraction préalable
de calculs pancréatiques volontiers proximaux au niveau de
la papille principale. Il est aussi possible de réaliser une dila-
tation canalaire et fractionnement des calculs par « forage »
avec un extracteur de Soehendra®. Par contre, la dilatation
seule de la sténose est à abandonner. Le but est de réduire
les phénomènes douloureux quand une « origine canalaire »
de la douleur est suspectée et de diminuer la consommation
d'antalgiques. L'utilisation de prothèses métalliques reste très
controversée.
Plusieurs choix sont possibles entre prothèses plastiques et
prothèses métalliques. L'ESGE recommande la mise en place
d'une seule prothèse pancréatique en polyéthylène de 10 F Fig. 9.24 Extraction de calculs de pancréatite chronique lors d'une
sur une période de calibrage d'1 an, même si le patient est CPRE. Vue en duodénoscopie : après sphinctérotomie pancréatique, au
asymptomatique [61–63]. La longueur de la prothèse dépend moyen du sphinctérotome (flèche blanche en pointillé), extraction de
calculs pancréatiques dans la lumière duodénale (flèches blanches).
266 Traité de pancréatologie

de la localisation de la sténose et de sa longueur. Le risque des On parle de succès technique si au moins une endopro-
prothèses plastiques est l'occlusion. Pour pallier ce risque, il thèse est mise en place au sein de la sténose. On parle de
est recommandé d'effectuer un changement des prothèses de succès clinique s'il n'y a pas de récidive douloureuse un an
façon régulière, tous les 3 mois. Il est possible de faire un chan- après la fin du traitement. Plusieurs études non contrôlées ont
gement « à la demande », lorsque les symptômes réapparaissent, été publiées depuis plus de 20 ans avec un suivi après mise
mais cela expose à des risques d'abcès pancréatique ou d'infec- en place de la prothèse allant de 14 à 75 mois : le succès tech-
tion. Pour un calibrage de qualité, il faut donc privilégier des nique est observé dans 85 à 98 % des cas et la suppression
prothèses de plus de 8,5 F. En effet, dans le cas d'une utilisation prolongée de la douleur (succès clinique) est observée dans 65
de prothèses de calibre inférieur, il y a trois fois plus de risque à 82 % des cas pour les séries de plus de 50 patients [62, 63].
d'échec. Par contre, le calibrage par plusieurs prothèses n'a pas En cas d'échec de calibrage par voie transpapillaire,
fait preuve d'une plus grande efficacité (Fig. 9.25 et 9.26). peuvent être proposés, par des centres experts, des drai-
Par contre, se pose la problématique de l'obstruction des nages du canal pancréatique sous échoendoscopie. Soit
prothèses plastiques. L'utilisation d'une prothèse métallique est réalisé un drainage transmural seul (anastomose wir-
totalement couverte (6 mm) a été proposée. Il n'y a pas, à sungogastrique), soit un drainage transpapillaire par tech-
notre connaissance, de réelle donnée sur la comparaison nique du rendez-vous (ou technique du téléphérique). Ces
de ces deux types de prothèses pour cette indication. Les procédures sont plus techniques et surtout plus morbides
prothèses métalliques semblent proposer des résultats inté- (pancréatite aiguë sévère, hémorragie, perforation, etc.).
ressants, mais doivent rester temporaires (d'où l'utilisation Elles sont réservées aux centres tertiaires après discussion
obligatoire d'une prothèse totalement couverte). Les com- pluridisciplinaire de pancréatologie ou dans le cadre de pro-
plications (sans en être) rapportées sont la migration dans tocoles de recherche.
31 % des cas et l'apparition d'une nouvelle sténose de novo Malgré un calibrage satisfaisant, environ 35 % des patients
du canal de Wirsung. présenteront des douleurs résiduelles et 15 à 25 % auront

A B

C D
Fig.  9.25 Sténose du canal de Wirsung hyperalgique dans le cadre d'une pancréatite chronique traitée par mise en place d'une
prothèse plastique. A.  Vue radiographique du duodénoscope avec opacification  : les calcifications radiovisibles sont indiquées par la flèche
blanche en pointillé. B. Opacification du canal de Wirsung avec aspect typique de pancréatite chronique ; canal de Wirsung moniliforme, kystes
par rétention et calculs (flèches blanches). C. Dilatation de la sténose céphalique (flèche blanche en pointillé). D. Fin de procédure avec prothèse
en vue radiographique et endoscopique en encart (flèches blanches en pointillé).
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 267

A B

C D
Fig. 9.26 Sténose du canal de Wirsung dorsal hyperalgique dans le cadre d'une pancréatite chronique sur pancréas divisum traitée
par la mise en place d'une prothèse plastique. A. Vue scanographique du calcul pancréatique avec dilatation du canal dorsal (flèche blanche).
B.  Opacification du canal de Wirsung par la papille accessoire  : canal de Wirsung dilaté avec calcul. C.  Après sphinctérotomie de la papille
accessoire, un fil-guide est monté dans le canal pancréatique (flèche blanche en pointillé) ; encart : vue en duodénoscopie de la papille accessoire
après sphinctérotomie avec le fil-guide (flèche blanche). D. Mise en place de la prothèse (flèche blanche).

une chirurgie. Cette dernière fera appel à une dérivation Infiltration antalgique du plexus cœliaque
wirsungojéjunale voire à des interventions de résection- Le principe de l'infiltration antalgique repose sur l'in-
dérivation (interventions de Frey et de Beger) (cf. ci-dessus jection, sous contrôle échoendoscopique, de 15  mL de
partie « Chirurgie du pancréas »). Récemment, des études ropivacaïne (Naropeine®), suivie (ou non) de celle de cor-
randomisées ont comparé le traitement endoscopique à la ticoïdes à base de triamcinolone ou de méthylpredniso-
chirurgie de dérivation (wirsungojéjunale) dite « précoce » lone (Solumédrol®). Cette injection est pratiquée par voie
dans le traitement de la douleur pancréatique. Les effectifs de transgastrique, au niveau de l'origine du tronc cœliaque
ces études étaient certes de taille moyenne (39 à 80 patients) qui est la région où se situent les deux ganglions nerveux
mais montraient la supériorité de la chirurgie de dérivation semi-lunaires. Dans le cas précis de la pancréatite chro-
sur la résolution ou diminution de la douleur à court et long nique calcifiante, le but de cette infiltration est « d'anes-
terme (18 mois) par rapport à l'endoscopie chez des patients thésier » de façon temporaire les relais ganglionnaires
au canal principal dilaté [64–66]. Le problème reste entier nerveux cœliaques. Si une injection de corticoïdes est pra-
quant à l'heure de la chirurgie, chez des patients souvent tiquée, elle vise à diminuer aussi la composante inflam-
dénutris et dont le sevrage n'est pas toujours facile à obtenir. matoire périnerveuse. Cette procédure est recommandée
À ce jour, néanmoins, l'abord endoscopique doit être encore en deuxième intention et permet très souvent de « passer
choisi en première intention avec une évaluation pré- et un cap douloureux aigu » en permettant de sevrer cer-
post-procédure stricte : il est en effet important d'appréhen- tains patients des opioïdes ou, du moins, de diminuer leur
der au mieux le mécanisme et les causes de la douleur de la posologie tout en agissant sur la composante « inflamma-
pancréatite chronique, et ce dans le cadre d'une concertation toire » de la douleur pancréatique. L'injection est possible
pluridisciplinaire, sans oublier la phase préalable incontour- aussi sous contrôle scanographique mais la voie échoen-
nable de « sevrage de l'alcool et si possible du tabac avec réta- doscopique, dans des mains expertes, est d'une approche
blissement d'un état nutritionnel correct ».
268 Traité de pancréatologie

plus facile, plus rapide et grevée de moins de complica- même temps. La sténose de la voie biliaire principale est
tions (chapitre 6). retrouvée dans 5 à 25 % des pancréatites chroniques calci-
Le taux de réponse selon les différentes méta-analyses est fiantes (chapitre 3).
de 51 à 59 % de résolution durable et significative des phé- Dans le cadre des tumeurs pancréatiques, en particuliers
nomènes douloureux [62, 63, 67, 68]. du cancer, l'ictère sera progressif, indolore et sans rémission,
Il faut conclure ce chapitre avec la notion importante et accompagné d'un prurit. Il va foncer au cours des jours
qu'en cas d'échec ou non des différentes approches endo- qui suivent son apparition nécessitant un drainage urgent
scopiques, la chirurgie trouvera sa place sous la forme d'une (chapitre 6).
désobstruction canalaire suivie d'une dérivation wirsun-
gojéjunale (le canal de Wirsung doit dans ce cas avoir un Principes du traitement endoscopique
diamètre d'au moins 8 mm) [64–66]. La chirurgie d'exérèse, En ce qui concerne la pancréatite chronique, la prise en
dans le cadre de la pancréatite chronique, devient de plus en charge endoscopique des sténoses biliaires ne doit s'envi-
plus rare. sager que lorsqu'elles sont symptomatiques et/ou en cas
d'une élévation asymptomatique de la bilirubine ou des
Traitement de la sténose bénigne phosphatases alcalines pendant plus d'un mois [62, 63].
et maligne de la voie biliaire principale Deux options sont possibles : soit calibrage par plusieurs
prothèses plastiques, avec un changement tous les 3 mois
Physiopathologie et symptômes sur une période d'un an, soit mise en place d'une prothèse
Au cours de la pancréatite chronique, les symptômes vont métallique. Les différentes études ont bien démontré que le
de la simple cholestase anictérique avec élévation franche, traitement par plusieurs prothèses plastiques simultanées
et parfois importante, du chiffre de la γGT et des phos- produit un succès clinique plus important que la mise en
phatases alcalines (5 à 10 N) jusqu'à l'ictère cholestatique, place d'une seule prothèse. Un changement régulier est
associé ou non à des douleurs d'origine biliaire voire à des indispensable dans les deux cas pour éviter les complica-
épisodes d'angiocholite. L'ictère est classiquement sans tions d'angiocholite et de sepsis par obstruction prothé-
prurit, secondaire à la sténose fibreuse du cholédoque tique. Le taux de réussite d'un calibrage à un an avec les
intrapancréatique. Il faudra, dans tous les cas, éliminer une prothèses plastiques est d'environ 65 à 75 % [62, 63, 67,
néoplasie pancréatique sous-jacente, ce qui n'est pas chose 69, 70].
facile dans le cas des pancréatites chroniques à forme Dans le cadre de l'utilisation d'une prothèse biliaire
pseudotumorale de localisation céphalique pancréatique. métallique, il n'est pas recommandé d'utiliser de prothèses
Une poussée d'hépatite alcoolique aiguë est toujours pos- non couvertes, qui sont inextirpables et à risque d'obstruc-
sible également sur ce terrain. Il est nécessaire de drainer tion, pour une pathologie non tumorale bénigne. Des études
la voie biliaire principale car le risque de cirrhose biliaire sont en cours (incluant l'aspect médicoéconomique) mais
secondaire est réel. Parfois, la sténose est due à un pseudo- l'avenir verra sûrement une généralisation de l'utilisation
kyste compressif ou à un calcul cholédocien qu'il faudra de la prothèse métallique dans cette indication (Fig. 9.27).
respectivement drainer ou extraire. Enfin, les phénomènes Il est important de rajouter qu'il faut tenir un registre des
douloureux concomitants sont parfois dus à une sténose patients porteurs de prothèse biliaire afin de les convoquer
canalaire pancréatique qui pourra être traitée dans le à nouveau systématiquement compte tenu d'une population

A B
Fig. 9.27 Sténose de la voie biliaire principale traitée par prothèse métallique expansible couverte. A. Opacification sélective de la voie
biliaire principale avec sténose régulière effilée du bas cholédoque intrapancréatique (flèche blanche). B. Mise en place de la prothèse métallique
expansible (flèche blanche en pointillé) ; encart : vue duodénoscopique avec la prothèse dans la lumière duodénale (flèche blanche en pointillé).
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 269

de patients parfois peu observante. Enfin, des prothèses tionnelle du pancréas ») avant d'envisager le drainage à
biliaires biodégradables ont été développées mais leur place distance de l'hémostase. Il faut souligner que les pseudo-
est encore à déterminer et leur coût est élevé. kystes à développement extrapancréatique relèvent plus
Sur le plan purement technique, il est nécessaire d'effectuer souvent d'un traitement et que la durée d'évolution est
une sphinctérotomie biliaire préalable. Rappelons que l'utili- aussi un critère important. En effet, un délai de 6 semaines
sation de fils guides permet d'éviter des cathétérismes répétés d'évolution est préconisé avant un traitement pour appré-
pancréatiques alors que c'est la voie biliaire qui est ciblée, de cier une éventuelle régression.
faciliter la mise en place des prothèses en évitant la perte de
leur trajet pendant la progression de la prothèse dans le canal Traitement endoscopique des pseudokystes
opérateur puis dans le cholédoque, de faciliter la mise en Un bilan préthérapeutique est nécessaire car ce dernier va
place d'une deuxième prothèse plastique si nécessaire. D'autre influencer la décision et les moyens. Ce bilan doit com-
part, les sphinctérotomes gradués et calibrés permettent un porter une échographie, une tomodensitométrie (TDM)
repérage précis pour choisir la longueur de ladite prothèse. voire une échoendoscopie simple. Cette dernière permet
Par contre, en cas d'échec initial (par exemple, sténose d'évaluer le caractère « bombant ou non » du kyste dans la
digestive associée) ou à plus long terme (en pratique dans lumière digestive, l'épaisseur de la paroi et la présence d'une
10 à 25 % des cas), une dérivation biliaire chirurgicale sera circulation veineuse collatérale s'il existe une hypertension
proposée après une préparation nutritionnelle [58, 62]. portale segmentaire (analyse par écho-Doppler). La discus-
Dans le cadre du cancer du pancréas, la technique est sion doit être pluridisciplinaire, un traitement radiologique
identique mais le choix de la prothèse sera fait en fonction ou endoscopique étant toujours proposé dans un premier
du caractère résécable ou non du cancer ou de la tumeur temps. Enfin, il faut toujours s'affranchir de complications
endocrine. Si elle est non résécable, le choix se porte sur des vasculaires, comme un pseudoanévrysme qui menace d'une
prothèses expansibles non couvertes (mais aussi partielle- hémorragie au décours d'un drainage et qui doit donc être
ment couvertes ou couvertes) qui peuvent être désobstruées préalablement embolisé.
en cas de problème voire sur la possible mise en place d'une La mise en place d'un drainage percutané sous contrôle
nouvelle prothèse dans la première prothèse. Si la tumeur TDM ou échographique est indiquée quand le kyste se
est résécable, le choix d'une prothèse expansible totalement développe à distance des cavités digestives (petit bassin,
couverte sera fait. Ce traitement endoscopique est en fait mésentère, flancs, etc.). Le drainage perendoscopique dit
choisi en premier dans les cas suivants : retard de la chirur- « transmural » est basé sur la mise en place d'une ou, ce
gie car l'ictère est trop important ou décision d'un traite- qui est préférable, deux prothèses plastiques double queue
ment néoadjuvant préalable. Rappelons qu'en cas d'échec du de cochon (7 à 10 F) entre le kyste et la lumière duodénale
cathétérisme, la voie antérograde radiologique sera choisie (kystoduodénostomie) ou gastrique (kystogastrostomie)
(cf. ci-dessus partie « Radiologie interventionnelle du pan- après cystostomie (Fig. 9.28). Si le kyste est communicant
créas »). Citons qu'il existe aussi des prothèses d'apposition avec le canal de Wirsung, le drainage peut se faire par voie
biliodigestive (système Axios™) dont le positionnement dans transpapillaire au cours de la CPRE en laissant une prothèse
cette indication précise n'est pas établi. pancréatique en place [72].
L'approche par échoendoscopie est actuellement proposée
Traitement des pseudokystes dans la plupart des cas (sauf pour le drainage transpapillaire)
car il évite au mieux les hémorragies et permet une grande
Physiopathologie et symptômes précision de mise en place de la ou des prothèses. Dans
Les pseudokystes compliquent les pancréatites aiguës certains cas, où des débris nécrotiques sont encore présents
dans le cadre de l'évolution des collections liquidiennes dans le pseudokyste et/ou celui-ci est le siège d'une infection
péripancréatiques aiguës [71, 72]. Ils se constituent au- manifeste (pus et débris), le choix se portera sur une pro-
delà de la 4e semaine d'évolution de la pancréatite aiguë thèse métallique autoexpansible couverte, dite « d'apposition
et se définissent comme une collection à prédominance pariétale » (prothèse « diabolo ») avec possibilité d'installa-
liquidienne à paroi bien définie. Les pseudokystes com- tion au travers de la prothèse d'un drain nasokystique de gros
pliquent environ 25 à 50 % des pancréatites aiguës et 30 à calibre pour lavage dans les jours suivants [73]. Dans tous les
40 % des pancréatites chroniques. Leur régression spon- cas, la ou les prothèses seront laissées en place au minimum
tanée est possible mais significativement moins fréquente 2 mois avant le retrait, sauf pour les prothèses métalliques
au cours de la pancréatite chronique par rapport à la pan- « diabolo » qui seront retirées à un mois [62, 67]. Un nouveau
créatite aiguë. Rappelons enfin qu'au cours de la pancréa- système a été développé où cystotome et prothèse sont pré-
tite chronique se produisent aussi des pseudokystes dits montés sur le même dispositif, permettant une mise en place
« par rétention », complication d'une rupture canalaire en en un seul temps et entièrement sous échoendoscopie, évi-
dehors de toute poussée aiguë. Seront à traiter par voie tant le temps radioscopique et permettant également la mise
endoscopique (qui est le principal mode de traitement) en place au lit d'un malade en réanimation (système Axios™
les pseudokystes symptomatiques et persistants avec com- long) (Fig. 9.29).
pression (douleur, occlusion haute, ictère perte de poids, Une des situations relativement fréquentes est celle d'un
saignement, rupture, fistulisation) ou infection (abcès). pseudokyste constitué après déconnexion pancréatique (le
En cas d'hémorragie, le traitement premier sera l'embo- plus souvent au décours d'une pancréatite aiguë nécrotique
lisation d'une artère ou d'un pseudoanévrysme par voie sévère). Le risque de récidive du pseudokyste est élevé dans
radiologique (cf. ci-dessus partie « Radiologie interven- ce cas tant que la déconnexion n'est pas traitée. La mise en
270 Traité de pancréatologie

A B C

D E F

Fig. 9.28 Drainage sous échoendoscopie d'un pseudokyste développé sur pancréatite chronique au moyen d'une prothèse plastique
double queue de cochon. A.  Visualisation préthérapeutique du pseudokyste en imagerie par résonance magnétique (IRM) (flèche blanche).
B.  Temps échoendoscopique avec ponction du pseudokyste (flèche blanche) à l'aiguille 19  G (flèche blanche en pointillé) du liquide kystique
pour bactériologie et mycologie. C.  Vision en scopie de l'aiguille de cytoponction au travers de laquelle on enroule un fil-guide enroulé dans
le pseudokyste (flèche noire en pointillé). D. Cystostomie (10 F : flèche blanche en pointillé) grâce au fil-guide laissé en place (flèche noire en
pointillé). E. Placement de la prothèse plastique double queue de cochon (flèche noire en pointillé) ; encarts : prothèse visible dans la lumière
gastrique et vue de la prothèse. F. Disparition du pseudokyste à un mois visible au scanner (la prothèse est encore en place : flèche blanche).

A B C

D E F
Fig. 9.29 Drainage sous échoendoscopie d'un pseudokyste développé sur pancréatite chronique au moyen d'une prothèse expansible métallique
d'apposition luminale de type Axios™. A. Visualisation préthérapeutique du pseudokyste rétrogastrique au scanner (flèches blanches) ; il existe aussi un
pseudokyste intrahépatique. B. Échoendoscopie avec visualisation du pseudokyste (flèche blanche) et de sa paroi sans vaisseaux en analyse par écho-Doppler
(flèche blanche en pointillé). C. Ponction du pseudokyste avec le système Axios™ avec libération de la collerette distale dans la cavité kystique (flèche blanche
en pointillé). D. Exemple de prothèse diabolo Axios™. E. Vision en scanner du pseudokyste drainé avec prothèse encore en place (flèche blanche en pointillé;
le pseudokyste a régressé – flèches blanches). F. Au scanner, disparition du pseudokyste à 2 mois ; la prothèse a été retirée (flèche blanche).
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 271

place d'une prothèse plastique transpapillaire par CPRE est fonction de la localisation de la collection nécrotique.
alors discutée si la déconnection n'est pas majeure. Dans Chacun des deux abords peut être également complé-
le cas contraire, le temps fait parfois le lit d'une atrophie mentaire. L'étape suivante, en cas d'échec, est l'approche
du pancréas d'amont, évolution préférable à une chirurgie mini-invasive chirurgicale avec nécrosectomie par voie
d'exérèse [74, 75]. rétropéritonéale suivie d'un drainage par gros drains. En
Le traitement des pseudokystes par la voie endoscopique dernier recours, on recourra à la laparotomie avec nécro-
est efficace avec résolution des symptômes dans le premier sectomie péritonéale. Chaque procédure sera débutée par
mois dans 90 % des cas et réduction complète du volume un prélèvement bactériologique et fongique systématique
du pseudokyste à court terme dans 40 à 50 % des cas (80 % de la nécrose. Rappelons que le traitement radiologique
dans les 2  mois). Les complications sont peu fréquentes consiste à mettre en place des drains de gros calibres
(10 à 13 % ; la mortalité est de 0,3 %) : hémorragie, surinfec- (12 à 24 F) sous contrôle scanographique (complété par
tion, perforation, migration [62, 67, 75]. Ces complications la radiologie si nécessaire), par voie rétropéritonéale,
sont de plus en plus rares grâce à l'amélioration particuliè- transgastrique ou transhépatique. Le drainage est suivi
rement significative des endoscopes, des techniques (utilisa- d'un lavage avec du sérum physiologique avec contrôle de
tion de l'insufflateur de CO2), des prothèses, de la formation la position et de l'évolution tous les 10 à 15 jours. Cette
des opérateurs et surtout de l'utilisation des échoendoscopes technique est applicable à la plupart des localisations de
à gros canal. En cas d'échec, situation rare qui concerne le la nécrose (cf. ci-dessus partie « Radiologie intervention-
plus souvent des pseudokystes anciens avec paroi très épais- nelle du pancréas »).
sie et inflammatoire, une dérivation chirurgicale avec anas-
tomose kystogastrique ou kystojéjunale peut être proposée. Nécrosectomie endoscopique
En conclusion, le traitement des pseudokystes qui s'ap- Le traitement endoscopique concerne essentiellement la
plique aux formes compliquées fait appel à la mise en place nécrose pancréatique et péripancréatique organisée et infec-
sous échoendoscopie, en seul temps, d'une à deux prothèses tée. La voie d'abord est surtout transgastrique. Une première
plastiques double queue de cochon laissées en place au technique, ancienne, consistait à repérer la zone nécrotique
moins 2 mois. Le succès prolongé est obtenu dans 80 à 90 % principale par échoendoscopie avec ponction en zone non
des cas (chapitres 2 et 3). vasculaire (avec prélèvements à visée bactériologique et fon-
Une autre indication, proche du cas des pseudokystes, gique) puis repérage du point de ponction par un fil-guide,
est le drainage des collections postopératoires (chirurgie si possible laissé en place. Dans un deuxième temps était
pancréatique), compressives et/ou infectées. Les deux tech- réalisées une cystostomie puis une dilatation au ballonnet
niques, prothèse double queue de cochon ou prothèse dia- du point de ponction sous contrôle endoscopique (duodé-
bolo, sont applicables avec un grand succès. noscope, gastroscope ou coloscope) puis une nécrosectomie
était effectuée au moyen d'une sonde de Dormia, d'une anse
Traitement de la nécrose infectée à filet ou d'un tripode. Un drain nasokystique était laissé en
place dans la cavité en fin de procédure pour lavages quoti-
Rappels diens ou une prothèse double queue de cochon. La procé-
Entre 10 à 20 % des patients avec pancréatite aiguë présentent dure pouvait être bien sûr réitérée en fonction du résultat
une atteinte nécrotique pancréatique ou péripancréatique. clinique et radiologique. II était nécessaire d'enlever la pro-
Cette nécrose va s'infecter dans près de deux tiers des cas thèse double queue de cochon en début de chaque séance
et la mortalité des pancréatites aiguë graves peut passer de (± dilatation de l'orifice au ballonnet) et d'en remettre une
15 à 30 % en cas d'infection de cette nécrose. Cette infection nouvelle après.
est bactérienne (origine digestive : entérocoque, Escherichia La deuxième technique, plus récente et plus efficace,
coli, etc.) et/ou fongique. L'infection de la nécrose concerne consiste à la mise en place en un seul temps sous contrôle
toutes les formes de pancréatites aiguës. L'approche doit être entièrement échoendoscopique d'une prothèse expan-
pluridisciplinaire avec un patient adressé dans un centre sive couverte de type diabolo (2 à 3 cm de long pour 12
prenant en charge ce type de complication tant sur le plan à 16 mm de diamètre). La procédure commence par une
radiologique, endoscopique, chirurgical que sur celui de ponction à l'aiguille de 19 G permettant d'aspirer du liquide
de la réanimation. L'infection survient en général entre la de la cavité nécrotique qui est ensemencé pour analyse sur
3e et la 4e semaine d'évolution de la pancréatite aiguë quand milieu aéroanaérobie et mycologique. Une fois l'aspiration
la nécrose commence à s'organiser avec une coque péri- faite, un fil-guide est enroulé dans la cavité nécrotique par
phérique et un contenu à la fois liquidien et solide. Il s'agit l'aiguille de cytoponction. Cette dernière est ensuite retirée,
de patients présentant des signes cliniques (fièvre, sepsis laissant en place le fil-guide sur lequel sera monté un cys-
sévère, vomissements, ictère, défaillance d'organe), bio- totome de 10 F permettant d'agrandir l'orifice et de mettre
logiques (élévation sanguine de la CRP) et de la procalcito- en place la prothèse diabolo sous contrôle endoscopique et
nine) et radiologiques (présence de bulles d'air dans la cavité radioscopique. Un nouveau système assure à la fois la cys-
nécrotique au scanner injecté) (chapitre 2). tostomie et la mise en place de la prothèse sous contrôle
Après concertation pluridisciplinaire et avec l'appui échographique (système Axios™) avec des prothèses à colle-
d'une imagerie par scanner récente, l'approche dite step-up rette un peu plus larges (Fig. 9.30) [78]. Une fois la prothèse
est actuellement choisie [67, 76, 77] : la première étape est diabolo installée, on peut éventuellement laisser en place
radiologique (chapitre 2 et cf. ci-dessus partie « Radiologie un drain de gros calibre (10 F) pour lavage quotidien pen-
interventionnelle du pancréas ») ou endoscopique en dant 2 ou 3 jours du liquide et de la nécrose, le temps que
272 Traité de pancréatologie

A B C

D E F

G H I
Fig. 9.30 Premier temps de la nécrosectomie pour collection nécrotique organisée et infectée, post-pancréatite aiguë grave : mise
en place d'une prothèse diabolo. A. Scanner avec collection nécrotique infectée (flèche blanche). B. Drainage radiologique premier qui n'est
pas assez efficace sur le syndrome infectieux avec nécrose solide (flèche blanche). C.  Premier temps échoendoscopique avec ponction (flèche
blanche en pointillé), aspiration de liquide pour bactériologie et mycologie et mise en place d'un fil-guide qui est enroulé dans la collection.
D. Temps radioscopique : fil-guide enroulé dans la cavité (flèche blanche), le drain radiologique est toujours en place (flèche blanche en pointillé).
E. Cystostomie 10 F grâce au fil-guide (flèche blanche). F. Mise en place de la prothèse diabolo (30 mm de long × 16 mm de large) (flèche blanche
en pointillé). G. Vue endoscopique endogastrique de la prothèse immédiatement après la pose : du liquide purulent s'écoule (flèche blanche) par
l'ouverture, qui n'est pas encore complète (ouverture complète en 24 à 48 heures). H. Après ouverture complète, on voit la nécrose solide dans
la cavité (flèche blanche) nécessitant une nécrosectomie endoscopique. I. Vue en scanner du drain radiologique et de la prothèse diabolo (flèche
blanche).

la prothèse atteigne son calibre maximal. Compte tenu du Les complications sont d'ordre hémorragique, rarement
calibre de la prothèse, le liquide et la nécrose peuvent s'éva- au moment de la mise en place mais plutôt lors des séances
cuer spontanément mais une nécrosectomie (volontiers de nécrosectomie à partir du tissu nécrotique ou par érosion
répétée) est souvent nécessaire. Elle est faite au moyen d'un de la prothèse sur la paroi gastrique ou au sein des gros vais-
gastroscope qui peut pénétrer dans la cavité nécrotique par seaux enchâssés dans la cavité nécrotique. Ces hémorragies
voie transprothétique. Une à trois séances sont souvent sont rarement fatales. La migration de la prothèse est possible
proposées à quelques jours d'intervalle et ce en fonction quand la cavité se referme (migration dans le tube digestif),
des résultats cliniques, biologiques et radiologiques (signes plus rarement dans la cavité elle-même. Dans ce dernier
d'infection, taille et contenu de la cavité). La nécrose est cas, elle doit être récupérée sous contrôle endoscopique (et
lavée et extraite avec différents instruments comme une radioscopie) après dilatation de l'orifice de cystostomie.
anse à filet, une sonde de Dormia, une anse diathermique. Si le sepsis n'est pas contrôlé, la nécrosectomie chirurgi-
Si la nécrosectomie est efficace, la cavité nécrotique ne doit cale est alors réalisée soit par voie rétropéritonéale (quali-
plus contenir que du tissu de granulation avec une taille de fié de « mini-invasive »), soit par voie transpéritonéale. Elle
plus en plus réduite (Fig. 9.31). La prothèse diabolo est lais- consiste à extraire la nécrose, laver et mettre en place de très
sée en place entre 4 et 6 semaines. gros drains de lavage [76].
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 273

A B

C D

E F
Fig.  9.31 Deuxième temps de la nécrosectomie pour collection nécrotique organisée et infectée, post-pancréatite aiguë grave  :
séances de nécrosectomie endoscopique. A. Vue à la première nécrosectomie : la prothèse est ouverte et l'endoscope est positionné dans
l'estomac à l'entrée de la prothèse (flèche blanche en pointillé) et la cavité est au fond (flèche blanche). B. La nécrose (flèche blanche en pointillé)
est enlevée étape par étape avec une anse à filet (flèche blanche). C. Nouvelle séance de nécrosectomie avec l'anse à filet (flèche blanche). D. la
nécrose est plus liquide et d'allure moins infectée (flèche blanche) ; la prothèse est toujours en place (flèche blanche en pointillé). E, F. Après quatre
séances de nécrosectomie, la cavité est le siège d'un tissu de granulation non infecté ; taille de la cavité s'est réduite.

Les expériences de nécrosectomie endoscopique s'accu- en place de cette approche pluridisciplinaire de la surveil-
mulent au sein des équipes entraînées et avec un recrute- lance et du cadencement des procédures interventionnelles.
ment de pancréatites aiguës graves. Le succès technique Néanmoins, le taux de mortalité, rappelons-le, a diminué de
est au-delà de 90  % mais le succès du traitement de la presque 50 % depuis l'instauration de l'approche step-up, en
nécrose infectée dépend bien sûr de l'étendue de cette centre tertiaire, passant donc de 30 à 15 à 18 % des pancréa-
nécrose, des défaillances viscérales existantes et de la mise tites aiguës avec nécrose infectée [79–81].
274 Traité de pancréatologie

Traitement des fistules pancréatiques accessoire, pour mettre en place une prothèse plastique
Dans le cadre des suites d'une pancréatite aiguë grave en cas d'obstruction par le kyste duodénal ou le proces-
nécrotique avec déconnexion du canal de Wirsung se sus inflammatoire de la pancréatite du sillon. Une autre
crée une fistule avec le péritoine ou la plèvre ou, plus option est enfin représentée par l'évacuation du contenu
rarement, le péricarde. Au cours de l'évolution de la de cette dystrophie avec une aiguille de 19 G sous contrôle
pancréatite chronique calcifiante, une rupture du canal échoendoscopique permettant de soulager le patient, de
de Wirsung peut aussi se produire à la faveur d'une obs- passer un cap difficile et d'instituer le traitement médical
truction calculeuse ou d'une ou plusieurs sténoses. Le [84–86]. L'échoendoscopie permet aussi de ponctionner
tableau clinique est celui d'une ascite riche en protides la partie pseudotumorale du sillon duodénopancréatique
et en lipase. La mise en évidence de la fistule pourra être pour éliminer toute néoplasie. Actuellement, pas plus de
faite au scanner et/ou par IRM. Dans tous les cas, le trai- 20 à 40 % des patients porteurs de dystrophie kystique
tement médical encadrera le ou les gestes endoscopiques de la paroi duodénale sur pancréas aberrant relèvent
avec nutrition (entérale ou parentérale) et analogues d'une chirurgie. Il s'agit d'une dérivation digestive pour
stables de la somatostatine. Le traitement consiste à la la plupart, voire d'une double dérivation biliodigestive,
mise en place d'une prothèse plastique visant à fermer ou parfois d'une duodénopancréatectomie céphalique en
l'orifice fistuleux que l'on aura visualisé après opacifica- cas de doute diagnostique entre pancréatite paraduodé-
tion rétrograde du canal de Wirsung. Parfois, la fistule nale et TIPMP dégénérée ou adénocarcinome.
est difficile d'accès car distale par rapport à la papille ;
une tentative sera faite de drainage du canal de Wirsung
par sphinctérotomie puis prothèse pancréatique courte. Traitement des sténoses duodénales
Le drainage endoscopique d'un pseudokyste communi- Dans le cadre des cancers de la tête du pancréas, l'évolu-
quant (ou non) sera parfois utile, surtout s'il comprime tion locale de la tumeur est responsable d'une compres-
le canal principal. Si la rupture du canal est complète sion et d'un envahissement du cadre duodénal (toutes
avec une importante déconnection, le traitement endos- les parties peuvent être concernées) (chapitre 6). Il s'agit
copique sera impossible et dans ce cas, la chirurgie d'un tableau d'occlusion haute qui pourra être traité
d'exérèse sera nécessaire. Le succès de la fermeture des par dérivation chirurgicale si l'état général est conservé
fistules par voie endoscopique est de l'ordre de 55 à et/ou si le pronostic à moyen terme est assez favorable.
100 % en fonction des séries et des conditions d'appa- À l'inverse, on choisira la mise en place d'une prothèse
rition de la fistule au cours d'une pancréatite chronique duodénale. Il s'agit de prothèses non couvertes dont la
ou d'une pancréatite aiguë nécrosante [82, 83] (Fig. 9.32 taille dépendra de la hauteur de la sténose et de sa locali-
et 9.33). sation. La mise en place se fait avec un endoscope à vision
directe et gros canal (gastroscope ou coloscope) et sous
Traitement de la dystrophie kystique contrôle radioscopique (Fig. 9.34). En d'autres termes, la
pose de ce type de prothèses concerne des patients dont
duodénale sur pancréas aberrant le pronostic à court terme est péjoratif, soit de l'ordre de
(pancréatite paraduodénale) 4 à 6 semaines. Se pose souvent le problème de l'abord
À la faveur de l'alcoolisme chronique accompagnant la de la voie biliaire principale après la mise en place de la
pancréatite chronique, une stimulation et inflammation prothèse duodénale. Il est parfois possible de changer la
d'une malformation/d'un résidu embryonnaire pancréa- prothèse biliaire au travers du grillage prothétique mais
tique de la paroi duodénale apparaît une cavité kystique l'échec est fréquent.
intraduodénale dont l'augmentation de taille provoque Des sténoses digestives, duodénales, secondaires à la
douleur, vomissements, perte de poids voire occlusion pancréatite chronique, en particulier la forme pseudo-
digestive haute. Le diagnostic peut être évoqué par le tumorale ou dans le cadre de la pancréatite paraduodé-
scanner, l'IRM et l'endoscopie digestive haute mais nale associée, posent le problème du rétablissement de la
l'échoendoscopie règle définitivement les problèmes continuité digestive pour une maladie bénigne. Si le trai-
de diagnostic différentiel avec un pseudokyste cépha- tement médical est inefficace, la dérivation chirurgicale
lique pancréatique : elle objective une cavité kystique à digestive sera plutôt choisie que l'exérèse. Notons une
contenu volontiers hétérogène dont la paroi est propre approche innovante du traitement des sténoses diges-
avec musculeuse et une partie de la sous-muqueuse duo- tives, en particulier bénignes, grâce à l'échoendoscopie et
dénale. Le traitement est le sevrage, la mise au repos du à une approche préalable d'endoscopie expérimentale. En
tube digestif en association avec l'effet antisécrétoire effet, la réalisation d'anastomoses gastrojéjunales grâce
des analogues stables de la somatostatine (chapitre 3). à l'utilisation de prothèses dites « d'apposition tissulaire
Certains auteurs ont proposé une « fenestration » par ou luminale » est possible. La procédure semble être plus
voie endoscopique de la dystrophie avec un sphincté- efficace avec une voie d'abord hybride avec une première
rotome. D'autres équipes ont proposé la mise en place étape transgastrique sous échoendoscopie et une seconde
d'une prothèse double queue de cochon entre la cavité par NOTES (natural orifice transluminal endoscopic sur-
kystique et la lumière duodénale. Une autre approche gery). Cette approche relève toutefois de centres hyper-
consiste à aborder la papille principale, voire la papille spécialisés [87].
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 275

A B

C D

E F
Fig. 9.32 Traitement par CPRE d'une fistule pancréatique développée sur pancréatite chronique au moyen d'une prothèse plastique.
A. Visualisation préthérapeutique de la fistule en amont d'une sténose du canal de Wirsung (CP-IRM) (flèche blanche en pointillé). B. Opacification
du canal de Wirsung par CPRE avec mise en évidence de la sténose canalaire (flèche blanche). C. Opacification du canal de Wirsung par CPRE avec
mise en évidence de la sténose canalaire (flèche blanche) et de la fistule en amont (flèche blanche en pointillé). D. Mise en place sur fil-guide d'une
prothèse plastique pancréatique longue pontant la sténose. E. Vision de la prothèse en place en fin de procédure (flèche blanche). F. Opacification
du canal de Wirsung par CPRE 3 mois après et au retrait de la prothèse (flèche blanche) : recalibrage de la sténose et disparition de la fistule.
276 Traité de pancréatologie

A B

C D
Fig.  9.33 Traitement par CPRE et drainage radiologique d'une fistule pancréatique développée sur pancréatite chronique.
A.  Opacification du canal de Wirsung par CPRE avec mise en évidence de lésions canalaires de pancréatite chronique (flèche blanche). B.  En
opacifiant tout le canal de Wirsung, visualisation d'une fistule à la jonction corps-queue (flèche blanche en pointillé). C.  Drainage par voie
radiologique (drain : flèche noire en pointillé) de la collection de l'hypochondre gauche (flèche blanche). D. Mise en place sur fil-guide d'une
prothèse plastique pancréatique longue fermant la fistule (flèche blanche).

Traitements innovants et antitumoraux radiothérapie des adénocarcinomes pancréatiques en intro-


in situ duisant des fiduciels dans la tumeur à irradier.
Compte tenu d'un ciblage radiologique précis du pancréas et
de ses tumeurs sous échoendoscopie, des traitements inno- Conclusion
vants ont été évalués ou sont en cours de développement.
Le plus abouti est la radiofréquence des tumeurs pancréa- L'endoscopie thérapeutique (interventionnelle) prend une
tiques, en particulier les tumeurs neuroendocrines avec des part très importante dans le traitement des pancréatopa-
succès très prometteurs [88] (Fig. 9.35). D'autres traitements thies. Les applications sont multiples, que ce soit le traite-
sont encore en cours d'évaluation, comme la chimiothéra- ment de la douleur, le drainage des pseudokystes et des
pie in situ des tumeurs kystiques ou la thérapie génique des cavités nécrotiques organisées et infectées, la fermeture des
adénocarcinomes pancréatiques avec injection intratumo- fistules, le traitement des sténoses biliaires et duodénales.
rale sous échoendoscopie de virus oncolytiques ou de gènes Les moyens sont multiples sans fuite en avant technologique
thérapeutiques d'immunothérapie ou de chimiosensibilisa- puisque les outils sont très adaptés et bien ciblés pour une
tion [89]. Enfin, signalons l'échoendoscopie pour guider la indication donnée. Les complications sont peu fréquentes
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 277

A B

C D
Fig. 9.34 Traitement endoscopique d'une sténose duodénale tumorale par évolution terminale d'un cancer du pancréas. A. Opacification
de la sténose de la partie supérieure de la 2e portion du duodénum (flèche blanche ; endoscope à vision directe – une prothèse biliaire métallique
est déjà en place – aérobilie montrée par la flèche blanche en pointillé). B. En opacifiant le duodénum, la voie biliaire est aussi opacifiée ; début
de largage de la prothèse (flèche blanche). C, D. Largage de la prothèse ; le produit de contraste disparaît de la prothèse duodénale expansive
métallique non couverte (flèche blanche) et de la prothèse biliaire (flèche blanche en pointillé).

mais, encore une fois, ce type d'approche doit être réalisé Compléments en ligne
par des opérateurs entraînés au sein de centres tertiaires
rompus aux maladies pancréatiques. La base reste la concer- Des compléments numériques sont associés à ce chapitre. Ils
tation pluridisciplinaire (radiologues, médecins nucléaires, sont indiqués dans le texte par un picto . Ils proposent des
pancréatologues, endoscopistes, chirurgiens, oncologues figures et des vidéos complémentaires. Pour voir ces com-
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dans toutes les composantes, qui sont souvent nécessaires au Fig. e9.1 Drainage radiologique de la nécrose pancréatique
cours des maladies du pancréas : la nutrition, l'addictologie, infectée étendue.
l'approche psychologique, le traitement de la douleur et le Fig. e9.2 Drainage radiologique de la nécrose pancréatique
recours à des oncologues spécialisés. infectée par une double voie d'abord.
278 Traité de pancréatologie

A B

C D F
Fig.  9.35 Traitement par radiofréquence dirigée sous échoendoscopie d'une tumeur neuroendocrine pancréatique. A, B.  Vues
échoendoscopiques sans et avec écho-Doppler de la tumeur neuroendocrine de la queue du pancréas (flèche blanche). C, D.  Procédure de
radiofréquence de la tumeur (flèche blanche en pointillé). E. Échoendoscopie avec échographie de contraste avant traitement. F. Échoendoscopie
avec échographie de contraste après radiofréquence : signal vide d'une lésion déshabitée. Photos : Pr Marc Barthet, CHU Nord, Marseille.

Fig. e9.3 Drainage radiologique de la nécrose pancréatique noma: A French multicentre prospective evaluation of resection mar-
infectée par une voie d'abord iliaque gauche. gins in 150 evaluable specimens. HPB (Oxford) 2014 ;16:20–33.
Fig. e9.4 Vues de nécrose pancréatique infectée au cours d'une [4] Cheng Y, Briarava M, Lai M, Wang X, Tu B, Cheng N, et  al.
nécrosectomie endoscopique transprothétique. Pancreaticojejunostomy versus pancreaticogastrostomy reconstruc-
Fig. e9.5 Drainage d'une collection post-pancréatectomie sous tion for the prevention of postoperative pancreatic fistula following
échoendoscopie avec mise en place d'une prothèse diabolo Axio™. pancreaticoduodenectomy. Cochrane Database Syst Rev [Internet]
Fig. e9.6 Drainage de la voie biliaire principale sous CPRE avec 2017. [cité 16 juin 2020] ; (9). Disponible sur www.cochranelibrary.
prothèse expansible métallique pour une sténose tumorale maligne. com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD012257.pub2/full.
Fig. e9.7 Traitement par thérapie génique in  situ sous [5] Maggiori L, Sauvanet A, Nagarajan G, Dokmak S, Aussilhou B,
échoendoscopie d'un cancer du pancréas localement avancé. Belghiti J. Binding versus conventional pancreaticojejunostomy after
A.  Tumeur avant injection. B.  Injection du produit de thérapie pancreaticoduodenectomy: A case-matched study. J Gastrointest Surg
génique donnant un nuage blanc intratumoral. Off J Soc Surg Aliment Tract ; 14 : 1395-400.
Vidéo e9.1 Drainage d'un pseudokyste par la mise en place sous [6] Peng S, Mou Y, Cai X, Peng C. Binding pancreaticojejunostomy is a
échoendoscopie de deux prothèses double queue de cochon. new technique to minimize leakage. Am J Surg 2002 ;183:283–5.
Vidéo e9.2 Nécrosectomie endoscopique après mise en place [7] Tani M, Terasawa H, Kawai M, Ina S, Hirono S, Uchiyama K, et al.
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Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 281.e1

Fig. e9.1 Drainage radiologique de la nécrose pancréatique infectée étendue.

Fig. e9.2 Drainage radiologique de la nécrose pancréatique infectée par une double voie d'abord.
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 281.e2

Fig. e9.3 Drainage radiologique de la nécrose pancréatique infectée par une voie d'abord iliaque gauche.
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 281.e3

Première séance Deuxième séance

Troisième séance Quatrième séance


Fig. e9.4 Vues de nécrose pancréatique infectée au cours d'une nécrosectomie endoscopique transprothétique.
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 281.e4

A B C

D E F
Fig. e9.5 Drainage d'une collection post-pancréatectomie sous échoendoscopie avec mise en place d'une prothèse diabolo Axios™.
A. Collection rétrogastrique. B et C. Collection vue en échoendoscopie. D et E. Largage sous échoendoscopie de la prothèse diabolo au niveau de
la paroi gastrique. F. Au TDM, collection affaissée avec prothèse en place.

A B C
Fig. e9.6 Drainage de la voie biliaire principale sous CPRE avec prothèse expansible métallique pour une sténose tumorale maligne.
A et B. Opacification de la voie biliaire principale avec cathéter monté sur fil guide : sténose serrée partie basse (flèche blanche). C. Mise en place
d'une prothèse expansible métallique.
Chapitre 9. Chirurgie, radiologie et endoscopie interventionnelle des affections du pancréas 281.e5

B
Fig.  e9.7 Traitement par thérapie génique in  situ sous
échoendoscopie d'un cancer du pancréas localement avancé
A. Tumeur avant injection. B. Injection du produit de thérapie génique
donnant un nuage blanc intratumoral.
Index

Lu-DOTATATE, 215
177
Ampullome B
fluorodeoxyglucose (FDG), 207
18
– malin, 177
5-fluorouracile (5-FU), 184 – vatérien, 41 Bicarbonate, 6
5-hydroxy-indol-acetic acid (5-HIA) Amylase, 6 Bilan
urinaire, 198 Anafranil®, 92 – d'extension, 18
Analyse – étiologique, 44
A – anatomopathologique – hépatique, 77
extemporanée, 147 – préthérapeutique, 180, 185
Accident de la voie publique – cytologique, 142 Bile, 15
(AVP), 228 Anastomose Bilirubine totale, 179
Acétylcholine, 8 – gastrojéjunale, 89, 236, 240, 250 Billot des corps vertébraux, 228
Acide – hépaticojéjunale, 236, 240 Biodisponibilité, 256
– aminé, 10 – pancréaticojéjunale, 236, 240 Biologie moléculaire, 142
– désoxyribonucléique (ADN) Anatomopathologiste, 146 Biopsie
– – méthylation, 159 Anesthésie, 18 – dirigée, 165
– désoxyribonucléique (ADN) Angiocholite, 28 – liquide, 158, 188
tumoral, 163 Anorexie, 164 – pancréatique, 100
– gras, 10 Ansa pancreatica, 223 Biothérapie, 212
– nucléique, 8 Anse Bisphosphonate, 215
– ribonucléique (ARN) – diathermique, 272 Bleu alcian (coloration), 128
– – méthylation, 161 – enY, 94, 246 Bourgeon
Acini, 3 – jéjunale, 238 – dorsal, 5
– transformation kystique, 146 Antalgique, 18 – ventral, 5
Acquisition 3D, 15 Antibiothérapie, 53 Bronchopathie obstructive, 224
Activité physique, 155 Anticoagulation préventive, 55
Addictologue, 91 Anticorps MIB1, 193 C
Adénocarcinome, 31, 108, 153 Antidépresseur, 178
– invasif, 135 Antigène carcinoembryonnaire (ACE), 123 Café, 155
Anti-inflammatoires non stéroïdiens Calcification, 15, 124
Adénopathie, 108
(AINS), 43
Adénosine monophosphate (AMP) Calcul, 38
Antrectomie, 238
cyclique, 10 – obstructif, 80
Anxiolytique, 178
Adénovirus, 43 – pancréatique, 12, 94, 263
Apparenté, 175
Adénylate cyclase, 10 Canal
Apport nutritionnel, 181
Adolescence, 47 Arme – chlore CFTR, 7
Affection dysimmunitaire, 112 – à feu, 228 – de Santorini, 3
Âge, 66 – blanche, 228 – de Wirsung, 5
Agénésie, 17, 223 Artère – déférent, 224
Agent – gastrique gauche, 256 – excréteur intralobulaire, 6
– alkylant, 216 – gastroduodénale, 2, 238 – intralobulaire, 3
Agent alkylant, 216 – hépatique, 2, 166 – pancréatique
Albuminémie, 56 – – droite, 182 – – principal, 3
Alcool, 39, 65 – mésentérique supérieure (AMS), 2 – – secondaire, 12
– absolu, 178 – splénique, 4 – principal, 135
Algologue, 91 Artériographie cœliomésentérique, 257 – – dilatation, 41
Algorithme, 45 Ascite, 52 – secondaire, 135
Alimentation Aspect moniliforme, 108 – – dilatation, 40
– entérale, 46 Assistance nutritionnelle, 178 Cancer, 41
– parentérale, 46 Asthénie, 164 – à cellules claires, 226
Allèle Asymptomatisme, 134 – acinaire, 158
– CEL-HYB, 42 Atlanta (consensus), 26 – du pancréas, 111, 153, 165
– poly T, 225 Atrophie, 166 Cancer-associated fibroblasts (CAF), 162
Allergie, 44 Atteinte médiastinale, 103 Cannabis, 43
Allodynie, 75 Autoactivation, 9 Capécitabine, 183
Altération épigénétique, 158 Autodigestion pancréatique, 24 Carbohydrate antigène 19.9
Amaigrissement, 75, 164 Autorisation de mise sur le marché (CA19.9), 123
American Association for the Surgery (AMM), 60 Carbohydrate-deficient transferrin
of Trauma (AAST), 229 Autosomique récessive, 73 (CDT), 80
Ampoule de Vater, 3 Axe veineux mésentéricoporte, 87 Carboplatine, 216
Ampullectomie, 43 Azathioprine, 112 Carcinogenèse, 159

283
284 Index

Carcinome Composante tissulaire, 128 Dihydropyrimidine déshydrogénase


– in situ, 122 Compression, 29, 91 (DPD), 180
– neuroendocrine, 154, 194 Concertations pluridisciplinaires, 12 Dilatation
Carcinose péritonéale, 165 Confusion, 29 – des canaux secondaires, 77
Carotte biopsique, 104 Connectivite, 227 – du canal de Wirsung, 166
Cathepsine B, 9 Consensus, 26 Douleur
Cathéter, 28 Consommation, 80 – abdominale, 30
– veineux central, 56 Contre-indications, 182 – aiguë, 75
Cavité Contrôle scanographique, 62 – de la pancréatite chronique, 263
– nécrotique, 62 Contusion, 229 – pancréatique, 100
– péritonéale, 62 Corps entier, 202 Drain, 62
Cellule Corticodépendance, 114 – externe, 262
– acinaire, 39 Corticothérapie, 65 – mixte, 262
– ductale, 72 Coupe fine, 13 – nasokystique, 271
– tumorale circulante (CTC), 188 Coxsackie, 43 – radiologique, 58
Centre de ressources et de compétences C-reactive protein (CRP), 31 Drainage, 2, 269
de la mucoviscidose (CRCM), 224 Critère – biliaire, 180
Cervelet, 226 – à haut risque, 144 – endoscopique, 49
Chimioembolisation intra-artérielle – absolu, 144 – percutané, 260
hépatique (CEIAH), 212 – relatif, 144 Droplet digital polymerase chain reaction
Chimiokine, 24 Crochet, 5 (ddPCR), 188
Chimiothérapie, 165 – du pancréas, 136 Dumping syndrome, 256
– adjuvante, 183 CT score index (CTSI), 31 Duodénopancréatectomie
Chirurgie, 60 Curage ganglionnaire, 183 – céphalique, 2
– bariatrique, 18 Cystadénocarcinome mucineux, 120, – totale (DPT), 246
– du pancréas, 235 123, 132 Duodénoscopie, 139
– palliative, 250 Cystadénome Duodénum, 2, 6
– pancréatique, 1 – mucineux, 41, 120–121 Dysplasie
Chirurgien, 61, 97, 177 – séreux, 120 – de bas grade, 135
Choc cardiovasculaire, 26 Cystostomie, 271 – de haut grade, 135
Cholangiocarcinome, 112 Cystotome, 269 Dystrophie kystique
Cholangio-pancréato-graphie Cytokératine, 158 – de la paroi duodénale, 77
– par résonance magnétique (CPRM), 15 Cytokine, 24 – sur pancréas aberrant, 222
– par voie rétrograde endoscopique – proinflammatoire, 73
(CPRE), 2, 80, 139 Cytologie, 131 E
Cholangioscopie, 176 Cytolyse, 40
Cholangite, 104 Cytomégalovirus (CMV), 42 Échelle visuelle analogique (EVA), 91
– sclérosante primitive, 100 Cytoponction, 18, 128 Échoendoscopie, 2
Cholécystokinine (CCK), 8 – interventionnelle, 18
Cholédoque, 2 D Échographie
Cholépéritoine, 255 – de contraste, 171
Cholestase anictérique, 102 Dacarbazine, 213 – peropératoire, 246
Chromogranine, 176 Debulking, 215 – transpariétale, 12
Chromosome, 159 Décaillotage, 254 ECLome, 195
Cirrhose biliaire secondaire, 88 Déconnexion, 49 Élastase fécale, 55
Cisplatine, 216 Découverte fortuite, 102 Embolisation, 50
Classification Défaillance – artérielle, 2
– de Kimura, 221 – cardiovasculaire, 26 Embryologie, 5
– de Lucas, 229 – d'organe, 26, 52 Endoprothèse, 266
– TNM, 182 – viscérale, 25 Endoscopie, 1–2
Coagulation intravasculaire disséminée Dégénérescence, 142 – interventionnelle, 231, 263
(CIVD), 29 Dénutrition, 56 – œsogastroduodénale, 94, 202
Codon12, 158 Dépendance, 90 Enfance, 47
Cœlioscopie, 166, 240 Dépistage, 165 Enquête génétique, 45
Colipase, 8 Dépression, 90 Entérovirus, 43
Colique hépatique, 47 Dérivation, 60 Entourage, 211
Colite ischémique, 50 – biliaire, 94 Énucléation, 133
Colle biologique, 245 – biliodigestive, 89 – pancréatique, 248
Collection – kystodigestive, 95 Envahissement vasculaire, 184
– aiguë nécrotique, 27 – wirsungojéjunale, 77, 251 Enzyme
– liquidienne aiguë, 27 Diabète, 12 – hépatique, 45
Collections, 26 – pancréatoprive, 76, 96 – lysosomiale, 8
Côlon, 49 Diagnostic, 23 Enzymes, 6
Communication, 138 – précoce, 175 Épanchement, 29, 228
– avec le canal principal, 146 Diamètre, 14 – médiastinal, 52
Comorbidité, 24, 32 Diarrhée motrice, 256 Épidémiologie, 69
Complications septiques, 53 Diazoxide, 212 Épigastrique, 75
Index 285

Épigénétique, 163 – GNAS, 130 Hypermétabolisme, 207


Essai clinique, 184 – KRAS, 130 Hyperméthylation, 159
Estomac, 21 – LKB1/STK11, 154 Hyperparathyroïdie, 41, 197
Étiologie, 24 – MTS1, 159 Hypersécrétion, 191
Évérolimus, 212 – NTRK, 159 – hormonale, 213
Examen – p16, 158 Hypertension portale segmentaire, 29
– cytobactériologique, 53 – p53, 130 Hypertriglycéridémie, 37
– Doppler, 18 – PALB2, 175 Hypodense, 17, 103, 166
– pathologique, 183 – PRSS1, 11, 41 Hypoéchogène, 47, 104, 108
Exérèse, 60 – SPINK1, 9, 42 Hypoglycémie, 96
– chirurgicale, 132 – suppresseur de tumeur, 158 Hypointense, 103
Exocytose, 6 – TRPV6, 42 Hypophyse, 197
Extension Généticien, 191 Hypovolémie, 52
– ganglionnaire, 195 Génétique somatique, 158 Hypoxia-inducible transcription factor
– locale, 180 Génomique, 163 (HIF), 226
– locorégionale, 194 Glande Hypoxie, 56
– lacrymale, 103
F – salivaire, 102–103 I
Glande acineuse, 6
Facteur de risque, 257 Glucagon, 7 Iatrogénie, 43
Fenestration, 274 Glucagonome, 195 Ictère cholestatique, 49
Fibrose, 12, 69 Glucide, 24 Îlots de Langerhans, 3
– rétropéritonéale, 108 Glucose, 11 Imagerie
Fièvre, 30 Glycémie, 57 – isotopique, 204
Fil-guide, 62, 262 Goitre, 103 – par résonance magnétique (IRM), 12
Fistule, 12 Grain de zymogènes, 6 – – de diffusion, 166
– biliaire, 255 Graisse rétropéritonéale, 12 – – rachidienne, 202
– pancréatique, 245 Granulomatose, 227 Immunoglobuline G4 (IgG4), 45
Fistulisation, 49 Grossesse, 44 Immunohistochimie, 100
FOLFIRINOX, 184 Immunonutrition, 183
– modifié, 183 H Immunosuppresseur, 112–113
FOLFOX, 184 Immunothérapie, 187
Fracture Haute fréquence, 18 Incidence, 23–24
– parenchymateuse, 228 Hémangioblastome, 225 Incidentalome, 192
– vertébrale, 228 Hématome, 259 Index
Fréquence – intrapancréatique, 228 – de prolifération Ki67, 192
– cardiaque, 33 Hémobilie, 256 – mitotique, 158
– respiratoire, 33 Hémoculture, 53 Infarctus, 260
Fuite protéique, 60 Hémodialyse, 57 – du mésentère, 50
Hémoglobine glyquée, 76 Infection, 26
G Hémopéritoine, 50, 90 – bactérienne, 43, 55
Hémorragie – de la nécrose, 55
Gallium 68, 207 – digestive, 50 – fungique, 55
Ganglions, 47 – intrakystique, 29, 50, 87 – urinaire, 28
Gastrine, 7 – postopératoire Infiltrat inflammatoire lymphocytaire, 100
Gastrinémie, 195 – – précoce, 254 Infiltration
Gastrinome, 195, 213 – – tardive, 254 – antalgique
Gastrite atrophique, 198 Hémorragies, 29 – – du plexus cœliaque, 267
Gastroentérologue, 61, 97 Hémostase, 50, 254 – du plexus cœliaque, 79
Gastrointestinal stromal tumor (GIST), 223 Hépatite virale, 42 – lymphoplasmocytaire, 111
Gastroparésie, 254 Hépatomégalie, 164 Inflammation, 12
Gemcitabine, 184 Hétérogénéité, 74, 77 Inhibiteur
– plus nab-paclitaxel, 183 Hétérozygotie, 73 – de Kazal-1, 9
Gène – perte, 159 – de la pompe à protons (IPP), 50, 96, 195
– ABCB4, 39 HISORt, 110 Innervation, 5
– BRAC1, 151 Histoire naturelle, 53 Instabilité génomique, 188
– BRAC2, 151 Histologie, 100 Insuffisance
– BRAF, 159 HNF-1β, 227 – pancréatique
– CASR, 42 Hormone, 154 – – endocrine, 256
– CDKN2A, 155, 159 Hospitalisation, 32 – – exocrine (IPE), 69
– CFTR, 11, 42 Hyaluronidase, 188 – – modérée, 76
– CLDN2, 39 Hydratation veineuse, 46 – – sévère, 76
– CPA1, 42 Hypercalcémie, 37 – rénale aiguë, 26
– CTRC, 42 Hypercatabolisme, 52 – respiratoire, 224
– de la ménine, 197 Hyperéchogène, 17, 104, 108 – – aiguë, 26
– DPC4, 158 Hyperlipasémie, 84 Insuffisance pancréatique exocrine, 12
– EGFR, 159 Hyperlipémie, 40 Insuline, 7
286 Index

Insulinémie, 195 Lobulation, 17 Mucosectomie, 43


Insulinome, 195 Lobules, 6 Mucoviscidose, 73
Insulinothérapie, 53 Localisation Mucus, 12, 128
International consensus diagnostic criteria – extrapancréatique, 28 Multikyste, 134
(ICDC), 110 – intrapancréatique, 28 Mutation, 130
Intervention de Frey, 252 LV5-FU2, 213 – germinale, 82
Intoxication – simplifié, 183 – ΔF508, 74, 224
– alcoolotabagique, 97 Lymphangiome kystique, 146 Mycophénolate mofétil, 114
– tabagique, 24 Lymphatique, 5
Involution graisseuse, 18 LymphocyteT, 100 N
Irinotécan, 179
– nanoliposomal, 184 M Natural killer (NK), 163
Ischémie, 37, 44, 255, 260 Natural orifice transluminal endoscopic
– mésentérique, 256 Macrokyste, 124, 146 surgery (NOTES), 274
Isodense, 166 Maladie Nécrose, 25
Isotopes – cœliaque, 31 – coulée, 31
– 111Indium, 205 – de Crohn, 102 – extrapancréatique, 26
– 225Actinium, 205 – de système, 227 – infectée, 18
– 177Lutetium, 205 – de vonHippel-Lindau, 146, 149, 192, 225 – pancréatique, 26
– 90Yttrium, 205 – génétique, 223 – – organisée, 27
– hépatique, 91 Nécrosectomie, 2, 61
J – inflammatoire – chirurgicale, 272
– – chronique de l'intestin (MICI), 102 – endoscopique, 271
Jéjunum, 49 – – de l'intestin, 99 Néfopam, 53
Jeûne, 37 – systémique, 41 Néoplasie endocrinienne multiple
– épreuve, 195 – thromboembolique, 186 de type 1 (NEM1), 192
– mise à jeun, 60 Malformation pancréatique, 44 Nerf vague, 8
Jonction biliopancréatique Manœuvre de Kocher, 2, 236 Nerve growth factor (NGF), 162
– anomalies, 5, 221 MAPK, 161 Nésidioblastose, 210
Marqueur, 215 Neurofibromatose, 192
K Masse solide, 165 Neurolyse, 178
MCTSI (modified CT severity index), 34 Neuropathie, 76
Kyste Médecin généraliste, 97 Next-generation sequencing (NGS), 163
– lymphoépithélial, 149 Médecine nucléaire, 191 Nociception, 74
– rénal, 226 Médicament, 40 Nodule, 146
– séreux, 226 – potentiateur, 225 – mural, 124, 147
Kystoduodénostomie, 269 Mélanome, 154 Nutrition artificielle, 56
Kystogastrostomie, 269 Mésocôlon transverse, 236
Mesure O
L – diététique, 65
– hygiénodiététique, 91 Obésité, 23
Lacération, 229 Métastase, 123 OctreoScan®, 204
Lame rétroportale, 166, 238 – extrahépatique, 211 Octréotide, 205
Lanréotide, 205 – métachrone, 194 – LP, 206
– autogel®, 206 – pancréatique, 41 Œdème, 25
Laparoscopie, 174 – pulmonaire, 166 Olaparib, 184
Laparotomie, 43 Métaux lourds, 155 Oligoélément, 58, 75
Lésion Microbiopsie, 107 Oncogène KRAS, 159
– granulocytaire épithéliale, 104 Microkyste, 124 Oncogériatre, 177
– kystique, 47, 119 Microlithiase, 39 Oncologue, 177
– – taille, 146 Microscopie confocale, 131 Opérabilité, 184
– non résécable, 171 Minilithiase, 39 Opioïde, 56
– précancéreuse, 189 Minimal access retroperitoneal pancreatic Oreille interne, 226
Leucocyte, 34 necrosectomy (MARPN), 61 Organisation mondiale de la santé
Ligament arqué, 166 Modèle (OMS), 119
Lipase, 6, 90 – murin transgénique, 158 Ostéoporose, 76
Lipide, 24 – transgénique, 160 Oto-rhino-laryngologie (ORL), 90
Lipiodol®, 214 Molécule Oxaliplatine, 183
Lipomatose, 225 – nouvelle, 217 Oxygénothérapie, 57
Liquide kystique, 142 Montage de Child, 238
Lithiase Morbidité, 18 P
– biliaire, 37 – postopératoire, 235
– résiduelle de la voie biliaire principale, 43 Morphine, 53 Pancréas
– vésiculaire, 31 Mortalité, 18, 23 – aberrant, 221
Lithotripsie – postopératoire, 253 – annulaire, 5, 220
– extracorporelle, 264 mTOR, 161 – corps, 2
– intrapancréatique, 264 Mucine, 158 – divisum, 5, 219
Index 287

– dorsal, 5, 219 Péripancréatique, 28 Protide, 24


– ectopique, 18, 221 Péritoine, 2 Prozymogènes, 8
– hypoéchogène, 12 Phacomatose, 225 Pseudoanévrysme, 50, 87, 256
– isthme, 2 Pharmacovigilance, 45 Pseudokyste, 27
– queue, 2 Phase – évacuation, 95
– sénile, 16 – précoce, 48 – rétentionnel, 87
– tête, 2 – tardive, 48 Pseudotumeur, 104
– ventral, 5 Phéochromocytome, 226 Pullulation microbienne, 256
Pancréatectomie, 66 Phlébite oblitérante, 104
– caudale, 240 Plaies, 44 Q
– gauche, 133 Plasmocyte, 100
– médiane, 245 – IgG4+, 107 Qualité de vie, 186
– partielle, 133 Platelet-derived growth factor (PDGF), 162
Pancreatic intraepithelial neoplasia Pleurésie, 50 R
(PanIN), 135, 156 Plexus
Pancréatite – cœliaque, 178
– aiguë, 25, 50 – solaire, 5 Radical anterograde modular
– – alcoolique, 37, 39 Poly(adénosine diphosphate-ribose) pancreatosplenectomy (RAMPS), 243
– – autoimmune (PAI), 37 polymérase (PARP), 163, 187 Radioanatomie, 1
– – bénigne, 32 Polykystose, 119 Radiochimiothérapie néoadjuvante, 177
– – génétique, 37 – rénale, 227 Radioembolisation, 215
– – iatrogène, 37 Polynucléaire, 25 Radiofréquence, 213, 276
– – idiopathique, 37 Ponction, 2 Radiologie, 1
– – infectieuse, 42 – à l'aiguille, 260 – interventionnelle, 2
– – médicamenteuse, 37 Pondération Radiologue, 61, 97
– – modérée, 32 – T1, 15 Radiothérapeute, 177
– – NON-A NON-B, 37 – T2, 15 Radiothérapie, 43, 215
– – obstructive, 37 Postopératoire, 43 – interne vectorisée (RIV), 207, 212
– – récidivante, 41 Prednisone, 116 Rate, 2
– – récurrente, 44, 112, 225 Prégabaline (Lyrica®), 92 – conservation, 245
– – sévère, 32 Pression intracanalaire, 41 Réanimateur, 61
– – toxique, 37 Preuve histologique, 170 Réanimation, 53
– autoimmune (PAI), 41 Prévalence, 123 Récidive, 53, 151
– – de type 1, 99–100 Prévention, 128 RECIST (critères), 213
– – de type 2, 99, 101 – primaire, 178 Reconstruction, 13
– – forme pseudotumorale, 100 Prise en charge pluridisciplinaire, 57 Rectocolite hémorragique (RCH), 102
– chronique (PC), 11, 69 Procalcitonine, 31 Régime pancréatique, 56
– – calcifiante, 45 Procédure de Whipple, 235 Réhydratation, 55
– – d'amont, 82 Produit de contraste, 13 Rein, 21
– – idiopathique, 82 Proenzymes, 8 RENATEN (réseau), 191, 213
– – obstructive, 82, 145 Programmed cell death Réponse inflammatoire systémique, 26
– – pseudotumorale, 83 – -ligand 1 (PD-L1), 164 Résécabilité, 166
– du sillon, 84 – protein 1 (PD1), 164 Résection
– héréditaire, 41 Proinsuline, 198 – chirurgicale, 173
– idiopathique, 44 Prolifération cellulaire, 159 – R0, 151
– obstructive, 41 Pronostic, 23, 158 Respiration artificielle, 57
– – d'amont, 86 Prophylaxie, 43 Rétine, 226
– paraduodénale, 77 Prostate, 47, 102 Rétropéritonéal, 31
– post-CPRE, 43 Protéines Ringer lactate, 56
– sévère, 26, 30 – enzymatiques, 6 Rituximab, 115
Pancréatologie, 12 Prothèse, 2 Ropivacaïne (Naropeine®), 79, 92
Pancréatoscopie, 264 – biliaire
Pancréatox®, 40 – – courte métallique couverte, 174 S
Papille accessoire, 84 – – métallique, 268
Paracétamol, 56 – couverte, 179 Santorinicèle, 82
Parasites, 43 – d'apposition pariétale, 269 Sarcoïdose, 227
Parathormonémie (PTH), 41 – – type diabolo, 58 Saturation en oxygène, 57
Patient, 146 – diabolo, 269 Scanner, 50
Patient-controlled analgesia (PCA), 56 – double queue de cochon, 271 – thoraco-abdomino-pelvien, 177
Pédiatrie, 46 – duodénale, 274 Scanographie, 14
Pédicule hépatique, 238 – expansive, 262 Scintigraphie des récepteurs à la
Peptide, 11 – métallique, 179, 269 somatostatine (SRS), 204
– C, 195 – – expansible, 94 Sclérodermie, 227
Performance status (PS), 177 – non couverte, 179 Sclérose tubéreuse, 192
Périartérite noueuse (PAN), 227 – pancréatique, 43, 60, 92, 264 Score
Péricardite, 52 – plastique, 268 – de Balthazar, 34
Periodic acid schiff (PAS), 128 – – double queue de cochon, 58 – de Khorana, 178
288 Index

– de Marshall, 26 Sténose, 12, 77 – portale, 77


– de Ranson, 32 – bénigne, 268 – veineuse, 50
– radiologique, 36 – canalaire, 41 Thymus, 197
– SOFA, 26 – du canal de Wirsung, 90, 94 Tissu péripancréatique, 26
Sécrétine, 8 – duodénale, 95 Tomodensitométrie (TDM), 12
Sécrétion – fibreuse, 87 Tomographie par émission de positons
– acide, 196 Stratégie step-up, 56 (TEP-scan), 108, 174
– endocrine, 1 Streptozotocine, 213 Toxicomanie, 90
– enzymatique, 6 String test, 128 TP53, 159
– exocrine, 1 Stroma, 158 Traitement
– hydroélectrolytique, 7 Suc pancréatique, 6 – curatif, 173
Sédiment vésiculaire, 37 Sujet jeune, 45 – néoadjuvant, 183
Sein, 154 Sunitinib, 212 – palliatif, 173
Sélénium, 76 Surrénale, 197 Tramadol, 56
Sels Surveillance, 146–147 Transcriptomique, 163
– biliaires, 8 – postopératoire, 151 Transformation lipomateuse, 17
– de platine, 187 Survie Translocation, 29
Sensibilité, 165 – globale, 184 Transmission autosomique
Septicémie, 28 – médiane, 184 dominante, 82, 197
Séquelle, 53 – sans récidive, 184 Transplantation hépatique, 215
Sevrage, 84 Symptôme suffisant pancréatique, 225 Traumatisme, 37
Sex-ratio, 135 Synaptophysine, 194 – à ventre fermé, 228
Signe Syndrome – du pancréas, 228
– de Cullen, 30 – carcinoïdien, 198 Triglycéride, 11
– de Grey-Turner, 30 – de détresse respiratoire aiguë Troisième secteur, 56
Tronc
– de Weber-Christian, 30 (SDRA), 26
– cœliaque, 2
– inquiétant, 143 – de Gougerot-Sjögren, 227
– splénomésentérique, 89
Single-photon emission computed – de Johanson-Blizzard, 227
Troponine, 31
tomography (SPECT-CT), 207 – de Lynch, 175 Trypsine, 8
Situation – de masse, 49 Trypsinogène, 6
– adjuvante, 181 – de masse pancréatique, 102 – cationique, 73
– néoadjuvante, 181 – de Peutz-Jeghers, 154 Tumeur
– palliative, 181 – de prédisposition familiale, 191 – bénigne, 132
Sludge, 37 – de réponse inflammatoire systémique – borderline, 119, 183
Soins (SRIS), 29, 33 – carcinoïde, 197
– continus, 55 – de Shwachman, 227 – fonctionnelle, 191
– de supports, 184 – de Zollinger-Ellison, 195 – hypervascularisée, 226
– palliatifs, 178 – dépressif, 53 – intracanalaire papillaire et mucineuse
– parcours, 177 – douloureux abdominal chronique, 102 du pancréas (TIPMP), 120
Somatostatine, 7, 254 – du cancer pancréatique familial, 151 – – dégénérée, 85
– analogue stable, 95, 274 – hyperéosinophilique, 227 – – des canaux secondaires, 156
– récepteurs, 205 – LPAC, 39 – – du canal principal, 156
– – de type 2 (SST2), 204 – occlusif, 31 – – mixte, 135
Somatostatinome, 197 Système – kystique, 119
Sonde – nerveux central, 226 – maligne, 41, 119
– de Dormia, 272 – vagal, 10 – neuroendocrine, 12, 41, 192
– électronique – – bien différenciée, 193
– – radiale, 18 T – – de bas grade, 194
– – sectorielle, 18 – – de grade 1, 193
– nasojéjunale, 58 T effecteurs, 163 – – de grade 2, 193
Sonic hedgehog (SHH), 188 Tabac, 65 – – de grade 3, 193–194
Sonoélastométrie, 171 Témozolomide, 213 – – de haut grade, 194
SonoVue®, 18 Température, 33–34 – – peu différenciée, 193
Sous-muqueuse gastrique, 223 Temps – potentiellement résécable, 165
Soutien psychologique, 182 – artériel, 257 – pseudopapillaire et solide (TPPS), 41
Spécificité, 165 – veineux, 257 – rare, 176
Sphincter d'Oddi, 3 TENpath (réseau), 191 – résécable, 165
– dysfonction, 41 Test
Sphinctérotomie, 43 – à la sécrétine, 196 U
– biliaire, 269 – à la sueur, 48
– pancréatique, 265 – respiratoire au D-glucose, 256 Ulcère (perforation), 31
Splénopancréatectomie gauche, 183 TGFβ, 75, 161 Uracilémie, 180
Stabilisation hémodynamique, 231 Thérapie
Statut N1, 156 – ciblée, 187 V
Stéatorrhée, 102 – génique, 225
Stéatose, 40 Thrombose, 29 Vaisseau, 166
– hépatique, 58 – artérielle, 49 – gastroépiploïque, 245
Index 289

Vascular endothelial growth factor VIPome, 195 – d'abord rétropéritonéale, 62


(VEGF), 162 Virus ourlien, 42 – rétropéritonéale, 271
Vascularite, 227 Viscosité, 128 – transpapillaire, 269
Végétation endokystique, 130 Vitamine, 58 – transpéritonéale, 272
Veine – D, 76 – transprothétique, 272
– mésentérique supérieure, 4 – liposoluble, 75 Vomissement, 30, 88
– porte, 4 Voie
– splénique, 4 – biliaire W
Ventilation non invasive, 57 – – dilatation congénitale, 221
Vésicule biliaire, 2 – – intrahépatique, 87 Wirsungorragie, 256
Videoscopic-assisted retroperitoneal – – principale, 3, 15, 268
debridement (VARD), 61 – – principale (VBP), 87

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