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LA TRANSPOSITION DE L'ART MILITAIRE EN MARKETING

Senda Baghdadi, Mustapha Zghal

Direction et Gestion | « La Revue des Sciences de Gestion »

2008/1 n°229 | pages 11 à 19


ISSN 1160-7742
ISBN 9782916490113
DOI 10.3917/rsg.229.0011
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2008-1-page-11.htm
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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 229 – Marketing 11

La transposition de l’art militaire

Le comportement
en marketing
par Senda Baghdadi et Mustapha Zghal

L
’expérience militaire, telle qu’elle était présentée par de
nombreux auteurs est un domaine tellement vaste et
complexe, qu’une étude, aussi profonde soit – elle ne peut
ambitionner de la cerner avec précision. L’aspect que nous en
donnerons dans cet article sera nécessairement simplifié et limité
à certaines données essentielles se rapportant à notre recherche.
Notre objectif est de faire le rapprochement entre l’art de la guerre
et la pratique du marketing.
P. Kotler et R. Singh (1981) stipulent que « Le marketing est
simplement une forme civilisée de guerre dans laquelle la plupart
des batailles sont gagnées avec des mots, des idées et des
pensées disciplinées ». Partant de cette affirmation, on se pose
Senda Baghdadi la question, comment et pourquoi l’approche militaire a-t-elle été
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Enseignante permanente adoptée en marketing ?
La stratégie militaire est l’art de conduire les forces armées afin
IHEC de Carthage d’assurer la victoire. La confrontation et la rencontre de l’autre
(Tunisie) sont au cœur du débat stratégique.
Etymologiquement, les mots « stratège » et « stratégie » sont
d’origine grecque, le premier, ό στρατηγός (stratêgos ou chef
général d’armée) dérivé de ό στρατός (stratos ou armée, foule)
et άγω (ago ou conduire), le deuxième ή stratηγικη (stratêgia ou
le commandement d’une armée, la charge du stratège). Les grecs
utilisaient les mots ή stratηγικη επιστήμη « stratégie episteme »
pour désigner la science du chef d’armée ou ή stratηγικη σοφία
« stratêgen sophia » pour désigner le savoir du chef d’armée.
La stratégie militaire est « La science et l’art d’employer les
forces politiques, économiques, psychologiques et militaires
d’une nation ou d’un groupe de nations, en vue d’apporter le
plus vaste soutien aux politiques adoptées en temps de paix ou
de guerre » (G.C.G. Fiévet, 1993).
Mustapha Zghal Sur la base de l’expérience militaire, des conditions politiques
Professeur émérite et militaires, du potentiel économique et moral d’un pays, des
FSEG de Tunis nouveaux modes de combat, des vues et du potentiel de l’ennemi
(Tunisie) probable, la stratégie étudie les conditions et la nature de la guerre
à venir, les méthodes propres à la préparer et à la conduire, les
services des forces armées et les fondements de leur utilisation

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12 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 229 – Marketing

stratégique ; de même que les bases du soutien matériel et ou Liddell Hart. Maints stratèges militaires comme Von Clausewitz,
technique, voire du commandement dont dépend la conduite de Charles de Gaulle, Liddel Hart, Mao Tsé Toung, Staline, Beaufre,
la guerre et des forces armées. La conduite des armées suppose Sun Tzu et autres, méritent d’être cités. Dans le monde des
le choix du milieu, du temps et des moyens. Cependant leur affaires, toute réflexion stratégique s’inspire le plus souvent des
combinaison de manière optimale et l’engagement en position de pensées de Clausewitz et de Sun Tzu.
Le comportement

supériorité relèvent du domaine de l’art de commander qui ne peut Se basant sur les pensées de Clausewitz et Sun Tzu, P. Kotler
être que le fait de gens avertis, consciencieux et responsables. et R. Singh (1981) établissant deux modèles regroupant respec-
Les années 80 étaient connues par une croissance économique tivement cinq stratégies offensives et six stratégies défensives.
lente, des ressources rares, la prolifération des ressources Les chercheurs marketing comme par exemple Dubois, Swinners,
technologiques à travers les nations. Tout ceci augmente bruta- Durô et Sandstrôm (1988) et bien d’autres ont adopté ces
lement les dépenses d’énergie, les barrières de commerce, le stratégies.
ralentissement économique, les tensions politiques, ce qui rend Dans un champ concurrentiel, l’entreprise doit adopter l’une des
la prospérité et la croissance difficiles à réaliser. Par conséquent, cinq stratégies offensives ou l’une des six stratégies défensives.
la rentabilité des sociétés se fait au détriment d’autres sociétés. Le marketing mix servira comme un moyen pour la mise en œuvre
Il devient nécessaire d’acquérir une part de marché plutôt qu’une de ces stratégies.
croissance du marché ; ce qui engendrera le changement du Ainsi notre article s’articule autour de deux parties. La première
marketing classique, basé sur le client, en marketing guerrier partie est consacrée à la stratégie offensive telle qu’elle a été
basé sur la concurrence, souci majeur des sociétés. présentée par le général chinois Sun Tzu d’un côté et telle qu’elle
Les stratégies centrées- concurrence poussent les managers à a été adoptée par le marketing d’un autre côté. La deuxième
chercher les principes des stratégies militaires. Tout au long de partie sera consacrée à la stratégie défensive présentée par le
cette période (années 80), les séminaires ont porté sur les titres général prussien Von Clausewitz et adoptée par les spécialistes
« marketing guerrier », « comment attaquer la concurrence », avec marketing. Ainsi, dans les deux parties nous présentons une
comme thème « la préparation pré- bataille », « les armes marke- approche théorique (l’art militaire) et une approche pratique
ting », « la guerre de guérilla » et « la formation d’attaque ». (domaine du marketing).
Les concepts constitutifs de la stratégie militaire ont été transférés
dans le domaine des affaires en particulier en Marketing. Les
hommes d’affaires emploient fréquemment le langage militaire 1. La stratégie offensive
pour décrire leur situation, et leur réaction, exemple « il y a guerre
des prix », «  borders clashes  », entre les principaux fabricants
d’ordinateurs et « une escalating arms race « entre les fabricants 1.1. La théorie militaire : la pensée
de cigarettes, ‘invasion du marché », « guerre de guérilla » dans le
stratégique selon Sun Tzu :
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marché des cafés. La publicité d’une société est son « arme de
propagande », ses forces de vente sont ses « shock troops » et sa « L’art de la Guerre »
recherche marketing est son intelligence. Ceci est dit à propos de la
« confrontation », « brinkmanship », « superweapons », « reprisals » L’art de la guerre, ouvrage composé de 13 articles, attira pour
et « psychological warfare » et tant d’autres mots utilisés. la première fois les Occidentaux en 1772 (i.e. plus de 2200 ans
Praticiens comme A. Ries et J. Trout (1990), R. Durö et B. Sandström après qu’il ait été rédigé par le guerrier) suite à une traduction
(1988), Philoleau et Mayotte (1994), et Clemons et Santamaria française du Père Amiot (missionnaire jésuite à Pékin, publié
(2002), théoriciens (universitaires) comme P. Kotler et R. Singh à Paris). Cet ouvrage a été d’une grande utilité pour l’Occident
(1981) (sont les premiers qui ont adopté l’approche militaire pour et plus particulièrement pour les industriels ainsi que pour les
désigner les réactions marketing offensives et défensives, depuis Japonais qui s’y sont intéressés de près.
les définitions se sont multipliées), James (1985), P. Kotler et
Turner (1998), ont utilisé le vocabulaire militaire en marketing.
Le langage militaire utilisé dans le monde des affaires en général
Les fondements de l’art militaire
et dans le domaine marketing en particulier n’est pas seulement Selon Sun Tzu (ou Sun Zi ou Sun Wu), cinq facteurs doivent être
descriptif mais il s’agit bien d’une pensée et d’une planification pris en compte pour réaliser une victoire à savoir la stratégie,
de la stratégie concurrentielle. le temps, le terrain, le général en chef et la règle (J.F. Phelizon,
A. Ries et J. Trout (1990) considèrent que le marketing est une 1999).
guerre entre deux parties où l’ennemi est le concurrent et que
l’objectif est la victoire ; chacune des deux parties tire de son
côté pour garder ou augmenter sa part de marché.
L’art de conduire la guerre
La concurrence accrue qui s’est développée au cours de ces Une fois que le général connaît bien sa position ainsi que celle
dernières années a ravivé l’intérêt des gestionnaires pour les de son adversaire et vérifie que les chances sont à ses côtés, il
écrits des stratèges militaires tels que Sun Tzu, Von Clausewitz doit mener le combat rapidement.

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« Connaissez l’ennemi et connaissez-vous vous-même ; en cent les mélodies sont si nombreuses qu’on ne saurait toutes les
batailles, vous ne courrez jamais aucun danger » et « Si vous écouter. A la guerre, il n’existe que deux approches possibles,
êtes à la fois ignorant de l’ennemi et de vous-même, vous êtes l’approche directe (utilisée pour préparer la bataille) et l’approche
sûr de vous trouver en péril à chaque bataille » (Sun Tzu, 1974). indirecte (est nécessaire pour remporter la victoire comme le
Il ajoute que la rapidité de l’action entraîne l’effet de surprise où climat), mais leurs combinaisons donnent lieu à d’inépuisables

Le comportement
l’adversaire n’est pas préparé à riposter. Le but est de préserver séries de manœuvres.
des vies humaines et d’éviter l’épuisement des provisions.

Les points faibles et les points forts


Les principes de la stratégie offensive Il est nécessaire d’analyser nos forces et nos faiblesses ainsi
L’objectif dans le combat n’est pas l’adversaire (concurrent) en que celles de l’adversaire afin de réagir en conséquence.
personne mais sa stratégie. « Généralement, celui qui occupe le terrain le premier et attend
« Ce qui est de la plus haute importance dans la guerre, c’est l’ennemi est en position de force ; celui qui arrive sur les lieux plus
de s’attaquer à la stratégie de l’ennemi » (Sun Tzu). Il faut aussi tard et se précipite au combat est déjà affaibli « (Sun Tzu, 1974).
une bonne connaissance de l’ennemi et de soi-même pour agir Il ajoute, celui qui attend l’ennemi sur le champ de bataille est
et conduire la troupe avec confiance. prêt à se battre. Celui qui arrive le second sur le champ de bataille
Il y a cinq principes de base d’une bonne conduite de la troupe perd l’initiative. Il risque de devoir se battre sans être prêt.
à savoir : Par exemple, dans l’innovation, celui qui a pris l’initiative est
– « Lorsque vous possédez une supériorité à dix contre un, encer- en position de force, il maîtrise la nouvelle technologie, son
clez-le (Stratégie d’encerclement) produit etc., Celui qui n’a pas innové peut prendre le devant dans
– A cinq contre un, attaquez-le (stratégie d’attaque frontale) le cas où il applique le principe de Sun Tzu : attaquer un point que
– A deux contre un, divisez-le (stratégie d’attaque de côté) l’ennemi a négligé ou a oublié. « Être assuré de prendre ce que
– Si vous êtes de forces égales, vous pouvez engager le vous attaquez, c’est attaquer un point que l’ennemi ne protège
combat pas, être assuré de tenir ce que vous défendez, c’est défendre
– Si vous êtes inférieur en tous points, soyez capable de vous un point que l’ennemi n’attaque pas » (Sun Tzu, 1974).
dérober, car une petite armée est une proie facile pour une plus
puissante (stratégie d’écart).
Tumu dit « laissez l’ennemi prendre l’initiative de l’attaque, par
La manœuvre
la suite vous pourrez probablement tirer parti d’un point faible » Pour réussir une manœuvre, il faut susciter au sein du groupe
(Sun Tzu). un bon moral, avec un esprit d’organisation, avoir des conditions
matérielles et saisir les opportunités.
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La préparation du combat
Le succès du combat provient d’une bonne connaissance des
Les neufs recommandations
concurrents, des opportunités, et des menaces qui se présen- Le chef militaire doit tenir compte de neufs variables pour réaliser
tent, ainsi que la connaissance des forces et des faiblesses de la victoire :
l’entreprise. Un grand stratège saura se placer dans une position – « Le commandement en chef doit recevoir son mandat du souve-
invulnérable, mais il ne pourra jamais être certain de la vulnéra- rain pour mobiliser la population et rassembler l’armée ;
bilité de son adversaire. – Il ne faut pas dresser le camp sur un terrain en contrebas ;
– Sur un terrain propice aux communications, unissez-vous à
vos alliés ;
L’énergie – Sur un terrain dénudé, ne vous attardez pas ;
Une bonne organisation et une bonne maîtrise de la situation ne – Sur un terrain clos, l’ingéniosité est requise ;
peuvent qu’engendrer la victoire. Il s’agit de mettre en place la – Sur un terrain mortel, battez-vous ;
troupe dans chaque unité. Une bonne combinaison des membres – Il y a des routes à ne pas prendre, des troupes à ne pas frapper,
du groupe est une base de la victoire. L’énergie qui génère une des villes à ne pas assaillir et des terrains à ne pas disputer ;
armée bien commandée ressemble à celle des galets qui dégrin- – Il existe des cas où les ordres du souverain n’ont pas besoin
golent du haut de la montagne. d’être exécutés
Sun Tzu stipule « qu’en règle générale, dans la bataille, utilisez – Un général qui possède une connaissance parfaite des neufs
la force normale pour en gagner le combat ; utilisez la force variables sait comment mener ses troupes » (C. Marmuse,
extraordinaire pour remporter la victoire ». Il ajoute » au combat, 1992).
seules existent la force normale et la force extraordinaire, mais
leurs combinaisons sont illimitées, nul esprit humain ne peut Donc selon le général Sun Tzu, c’est la situation du terrain et
les saisir toutes ». Il n’existe que cinq notes de musique mais les circonstances qui détermineront l’action. Il faut être en éveil

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14 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 229 – Marketing

pour la connaissance de la conduite de l’ennemi et agir en L’utilisation des agents secrets


conséquence.
Les agents secrets sont indispensables à la guerre, c’est sur leurs
informations que le chef d’armée prend une décision.
La tactique et la veille stratégique En conclusion, les principes de Sun Tzu sont une source d’inspira-
Le comportement

Il s’agit d’une stratégie purement militaire qui indique les principes à tion non négligeable dans le monde des affaires, les entreprises
respecter pour occuper le terrain et profiter des points faibles. japonaises, coréennes ou chinoises s’y référaient et actuellement
tout le monde des affaires quel que soit le pays.

La connaissance du terrain
La connaissance du lieu de combat, l’analyse de l’environnement, 1.2. La pratique du marketing
la comparaison aux ennemis ; le calcul des distances, le degré
de difficulté du terrain, sont des conditions sine qua non de la « L’art de la guerre décrit une philosophie tout à fait originale de la
victoire ; à ce propos Sun Tzu stipule que « celui qui sait quand conduite de la guerre où le stratège s’attache davantage à déjouer
il faut combattre et quand il ne le faut pas sera victorieux ». Il les plans de l’ennemi et à assurer sa propre protection qu’à
ajoute « Connaissez l’ennemi, connaissez vous vous-même, votre rechercher la destruction de l’armée adverse. Largement utilisée
victoire ne sera jamais menacée. Connaissez le terrain, connaissez par Mao Tse Tung, cette conception est aujourd’hui regardée avec
les conditions météorologiques, votre victoire sera alors totale ». intérêt par les stratèges d’entreprises qui y trouvent des modes
Avec la connaissance du terrain, le chef de l’armée peut décider d’actions plus « économiques « et souvent plus efficaces » (M.
s’il faut livrer bataille ou différer l’engagement. Gervais, 1997).
Les principaux auteurs qui ont adapté et traduit chaque variable
dans le monde des affaires sont A. Ries et J. Trout (1990) et
Les neufs types de terrain C. Marmuse (1992) soit :
Le terrain peut être classé en : – Une bonne harmonie entre le peuple et les dirigeants, ce qui
– Terrain de dispersion : Lorsqu’on se bat sur son propre territoire, influencera moralement le peuple pour combattre à la vie et à
il faut tenir les troupes rassemblées et ne pas livrer bataille ; la mort : ce qu’on appelle dans le monde des affaires discipline,
– Terrain frontière : lorsqu’on pénètre légèrement chez l’ennemi, motivation. Un bon moral apparaît comme vital.
il ne faut pas rester par crainte d’y être provoqué au combat ; – Une bonne qualité de commandement est une condition essen-
– Terrain-clef : Dans des territoires où quelques personnes peuvent tielle pour le bon moral des troupes : autorité avec humanité,
vaincre une troupe nombreuse, ne pas laisser l’initiative à équité, courage…
l’ennemi, mais ne pas chasser l’adversaire dont la force est – Le terrain : en marketing c’est l’espace, le marché, le domaine
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supérieure surtout s’il l’occupe avant vous ; d’activité, le positionnement. Il s’agit de la facilité et de la
– Terrain de communication : également accessible ; difficulté de parcourir les distances, la chance ou l’échec offert.
– Terrain de convergence : limité par trois autres ; C’est l’opportunité et la menace qui s’offrent à l’entreprise.
– Terrain sérieux : pénétration profonde chez l’ennemi ; – Les conditions météorologiques : c’est le jeu réciproque des
– Terrain difficile : montagnes, défilés, marais… dans ce cas, forces naturelles, conduite des opérations militaires selon le
il faut rester maître de tout ce qui environne, il faut avancer froid, la chaleur : c’est l’environnement.
ensemble ; – La méthode ou l’organisation : c’est la politique marketing : La
– Terrain encerclé : entrée par un goulot, une voie resserrée ; connaissance des conditions atmosphériques (environnement),
– Terrain mortel : on ne peut survivre qu’en se battant » (C. le terrain (domaine d’activité) permet de prévoir les moments les
Marmuse, 1992). plus propices pour ordonner la troupe. Les qualités du général
Quel que soit le type de terrain, il faut agir rapidement et jouer sur et de l’organisation influenceront de façon certaine le moral
l’effet de surprise tout en gardant un bon moral dans la troupe. des troupes au combat. Dans les affaires, si nous inculquons
dans les esprits « eux ont pu pourquoi pas nous », ils seront
motivés pour arriver puisqu’ils se sentent impliqués dans la
L’attaque par le feu : stratégie de la terre brûlée survie de l’entreprise.
Selon Sun Tzu il y a cinq manières d’utiliser le feu à la guerre : L’objectif des stratégies offensives est de prendre l’initiative
– Brûler le camp de l’ennemi pour tuer ses soldats ; d’attaque pour augmenter la part de marché, et d’essayer d’avoir
– Brûler les provisions de l’ennemi ; la place du leader. En général, la stratégie offensive est employée
– Brûler son matériel ; par les entreprises challengers, qui devraient être capables
– Incendier ses entrepôts et magasins. d’exercer une offensive contre le leader.
Cette stratégie consiste à trouver une faiblesse dans la force du
En Marketing, cette stratégie consiste à détruire les arguments concurrent et en général du leader et à l’attaquer sur ce point-là.
et les actions commerciales du concurrent. Cette faiblesse peut être dans le produit (qualité, emballage, etc.),

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dans la distribution (force de vente, réseau, etc.), ou dans la Au lieu d’une bataille sanglante entre les concurrents, les sociétés
publicité. essayent de servir le même marché. L’entreprise qui adopte
Exemple d’un atout qui se transforme en faiblesse : le cas Avis cette stratégie lancera un produit qui doit apparaître nouveau
Dans un message publicitaire par AVIS (location de voitures) : Le aux yeux des consommateurs. Il s’agit de satisfaire les besoins
slogan est « louez chez AVIS. Les files d’attentes à nos comptes des clients auxquels le concurrent ne s’intéresse pas ou ignore.

Le comportement
sont moins longues ». Le terme « moins longue » est interprété L’attaque de flanc est dans la meilleure tradition de la philosophie
comme si les gens s’intéressent moins à cette société, d’où du marketing moderne. Elle tient à ce que le but du marketing
l’erreur. C’est sur ce point que l’attaque a eu lieu avec un message est de « découvrir des besoins et de les servir ».
plus attrayant. Les attaques de flanc ont une probabilité plus élevée d’être
P. Kotler et R. Singh (1981) présentent cinq stratégies offen- couronné de succès que des attaques frontales « Il s’agit de
sives : remplir un « trou vide » (P. Kotler et R. Singh, 1981).
Exemple : Le secteur automobile aux Etats-Unis
Des constructeurs d’automobiles allemands et japonais n’ont pas
L’attaque frontale voulu concurrencer des constructeurs d’automobiles américains
C’est la plus vielle forme d’offensive (James, 1985). Cette stratégie en produisant de grandes voitures, tapageuses « gaz-guzzling »
est la plus simple, mais certainement une des plus difficiles à mais ils ont trouvé un segment de consommateurs non servis qui
réaliser selon ces deux auteurs. Elle consiste à attaquer directe- demandent des petites voitures économiques. Ceci représente
ment les forces du concurrent plutôt que ses faiblesses, dans le le point faible des fabricants américains. Pour remplir ce vide
but avoué de les submerger. Cette stratégie n’est adoptée que dans le marché, Volkswagen en premier, attaque son concurrent
si l’attaquant possède une supériorité sur le concurrent, que ce américain en pénétrant sur son territoire avec de petites voitures.
soit sa force de vente, sa politique communication, son prix ou De son côté Toyota essaye d’entrer sur le marché américain sur
son produit. Dans le cas contraire, i.e. l’agresseur a une force le segment des petites voitures avec un prix inférieur à celui de
plus faible que le défenseur, une attaque frontale représente une Volkswagen. Les Américains, pour défendre leurs produits sur
mission suicidaire et qui n’a pas de sens. L’avantage concurren- leur marché, contre des nouveaux produits étrangers, doivent
tiel des Japonais est leur prix bas avec lequel ils conquièrent les pratiquer la contre-offensive, c’est-à-dire, en fabricant des petites
marchés américains et européens. voitures à bon prix.
La réussite de cette stratégie repose sur l’effet de surprise, ce qui
veut dire qu’elle ne doit pas être aperçue par les concurrents dans
L’attaque de flanc un premier temps, ce temps, pendant lequel le concurrent s’occupe
L’attaque de flanc a d’autres appellations à savoir « l’attaque d’autres segments et l’attaquant renforce ses moyens.
latérale », « la manœuvre de camouflage » ou « l’attaque de Le seul risque dans cette stratégie est la nécessité de procéder
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côté ». à des marchés tests sans oublier les études de marché, ce
La principale offensive de guerre moderne est la concentration qui laisserait suffisamment le temps au concurrent de s’en
de force contre la faiblesse. L’attaque de flanc utilise le principe apercevoir.
inverse de l’attaque frontale : l’attaquant doit donc concentrer Une fois le succès acquis, il faudrait continuer à suivre une
ses forces sur les faiblesses de l’adversaire, cela sous-entendant stratégie offensive : soit, par la stratégie de discount, soit par
que l’attaquant possède effectivement des forces supérieures la stratégie de produit (changer la forme, le conditionnement…)
(James 1985). Cette manœuvre a dans le domaine militaire, un soit par la stratégie d’innovation dans le mode de distribution
taux de réussite plus élevé que l’attaque frontale. (ouvrir un nouveau canal de distribution) et/ou par la stratégie
Pour A. Ries et J. Trout (1987), l’élément le plus important dans publicitaire.
la réussite de ce genre de manœuvre est d’avoir des ressources
suffisantes pour exploiter la percée. En effet, l’objectif à moyen et
long terme est de fragiliser le marché du leader. Cette stratégie
L’encerclement
d’attaque indirecte est utilisée surtout par les agresseurs possé- Cette stratégie est connue sous l’appellation de « débordement »,
dant des ressources moindres que l’adversaire. Deux types « enveloppement », » guerre d’usure » ou « guerre de mouvement ».
d’attaques par le flanc peuvent être envisagés selon P. Kotler et Elle consiste à attaquer le concurrent sur plusieurs fronts à la fois
R. Singh (1981) : le mouvement latéral géographique et le mouve- afin de le forcer à se défendre de tous côtés. Ce qui résultera un
ment latéral segmentaire (sur un segment de marché) : anéantissement des forces » : En combattant sur tous les fronts,
– En ce qui concerne l’attaque géographique, l’agresseur découvre vous arriverez à gagner des fronts » (R. Durö et B. Sandström,
le pays ou la région ou la ville dans lequel (laquelle) l’adversaire 1988). Cette stratégie ne peut être adoptée que si l’attaquant
n’est pas très performant. possède des ressources financières importantes.
– En ce qui concerne l’attaque segmentaire, le principe consiste à Exemple d’encerclement :
choisir en premier lieu un segment ou un secteur non convoité Gêner le concurrent dans ses lancements de produits nouveaux, le
par le produit existant. contre-carrer dans ses actions promotionnelles, jouer sur la gamme

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de produits nouveaux, en poussant certains d’entre eux par des Cette stratégie consiste à détruire les arguments et les actions
promotions percutantes, se servir de la distribution, abandonner du concurrent. Tzu (1974) dit que l’emploi de cette stratégie est
au concurrent un segment pour détourner son attention d’autres possible dans le cas où il n’y a pas d’autre solution.
où l’on va concentrer ses forces, etc.

2. La stratégie défensive
Le comportement

La stratégie d’écart
La stratégie d’écart est appelée aussi stratégie de contourne-
ment. L’attaquant n’affronte pas le concurrent directement mais 2.1. La théorie militaire : la pensée
sur des marchés où il n’est pas présent ; ceci en diversifiant les
produits, les marchés ou les technologies. Exemple de Colgate et
stratégique selon Carl von Clausewitz :
de la société Procter et Gamble. Colgate n’a pu dépasser la part « De la guerre »
de marché de Procter dans le savon, la stratégie adoptée était
la différenciation dans d’autres domaines et dans d’autres lieux Carl Von Clausewitz, un général prussien, fut le grand philosophe de
géographiques : une série d’acquisitions suivies dans le textile la guerre. Son traité intitulé « De la guerre » (Krief) date de 1832,
et le produit d’hôpital, le cosmétique et la gamme d’articles de traduit en français par Camille Rougeron « Les principes stratégi-
sport et de l’alimentation. ques d’une conduite de toutes les guerres victorieuses ».
Contrairement à la logique de Sun Tzu qui stipule qu’il faut attaquer
la stratégie de l’adversaire afin de le conduire à abandonner la
La stratégie de guérilla lutte, autrement, chercher la paix en évitant la mort ; le but de
La guérilla est adoptée lorsqu’un parti plus faible doit lutter contre la guerre selon Carl Von Clausewitz est de tuer l’adversaire pour
un parti plus puissant. Le principe de cette stratégie constitue à avoir la paix une fois pour toutes. Il s’agit de l’anéantissement
« trouver un segment de marché qui soit suffisamment petit pour total de l’ennemi.
être défendable et devenir un leader. Ce segment peut être petit Pour Carl Von Clausewitz, « attaquer le concurrent contre ses
géographiquement, en volume ou en n’importe quel autre aspect forces pour remporter la victoire une fois pour toutes… La victoire
difficilement attaquable par une grande entreprise ». Il s’agit de devrait se gagner par l’utilisation d’une force de grande dimension
petites attaques localisées et intermittentes. Cette stratégie contre la force principale de l’ennemi ». Il s’agit de s’opposer
consiste à harceler l’ennemi par des attaques ponctuelles et directement au concurrent en utilisant les armes défensives
répétées, dans le but de lui arracher des parts de marché (James, à savoir les variables marketing mix (les quatre P : «  Product »,
1985). La faiblesse d’un concurrent peut aider le guérillero à mener « Price », « Place », « Promotion »)
son attaque. Par exemple dans les grandes entreprises, seuls les « La forme défensive de la guerre est par elle- même plus forte
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cadres supérieurs rencontrent les clients, les employés ne les que la forme offensive… Nous soutenons d’une manière absolue
rencontrent jamais. Le guérillero peut attaquer le concurrent sur que dans la forme de guerre que nous appelons défensive, non
ce point faible en constituant une organisation souple où tout le seulement la victoire est plus probable, mais qu’aussi elle peut
personnel est sur le terrain, capable de riposter très vite en cas atteindre la même étendue et la même efficacité que dans
d’un changement. Autres exemples d’actions de guérillero : prix l’offensive » (Von Clausewitz).
sélectif, action promotionnelle, surenchère, publicité. La stratégie militaire relève de l’art de préparer un pays et ses forces
Les approches employées dans cette stratégie sont : soit une armées à la guerre et de conduire la guerre. » Art de coordonner
approche géographique, tout produit distribué sur le plan national ; l’action des forces militaires, politiques, économiques et morales
soit une approche démographique, choisir une cible en fonction impliquées dans la conduite d’une guerre moderne ou dans la
de l’âge, du sexe, de la catégorie socioprofessionnelle ; soit une préparation de la défense d’une nation ou d’une coalition ». « Art
approche par secteur, choisir un secteur industriel ; soit une de présenter un plan de campagne, de diriger une armée sur les
approche par produit, se concentrer sur des produits uniques ; points décisifs ou stratégiques et de reconnaître les points sur
soit une approche par le prix en utilisant la stratégie d’écrémage lesquels il faut, dans les batailles, porter les plus grandes masses
(Ce sont des entreprises qui opèrent dans le haut de gamme). de troupes pour assurer le succès «. (Von Clausewitz, 1832).
Certains auteurs classent les stratégies de guérilla et d’attaque L’approche de Clausewitz se résume en trois préceptes et cinq
de flanc parmi les stratégies offensives, d’autres les classent principes de base :
séparément. Nous avons opté pour le premier classement et nous
avons suivi celui de P. Kotler et R. Singh (1981), car ces deux
stratégies ont comme objectif, d’attaquer le concurrent sur ses
2.1.1. Les trois préceptes de Clausewitz
points faibles. Autre stratégie offensive : la terre brûlée – Il ne faut engager la guerre que sur les terrains où nous avons
Cette stratégie ne figure pas dans le modèle de P. Kotler et R. Singh des atouts (la supériorité)
(1981) mais elle est adoptée par plusieurs autres auteurs, principa- – Sur les terrains où nous avons des atouts, il faut concentrer
lement A. Ries et J. Trout (1987), R. Durö et B. Sandström (1988). toutes les forces

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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 229 – Marketing 17

– Bien préparer les atouts dans une position d’intérêt straté- Lâcher des segments qui ne sont pas très rentables pour être
gique… capable de renforcer notre position et entrer dans de nouveaux
segments. Contrairement à P. Kotler et R. Singh (1981) qui
expliquent que les leaders, sous l’attaque, ne doivent pas placer
2.1.2. Les cinq principes de base toutes leurs ressources dans le renforcement de leur produit

Le comportement
– Connaître ses propres forces et faiblesses ; actuel. Ils pensent que la stratégie de position et la stratégie
– Connaître les forces et faiblesses de l’adversaire pour dégager frontale (que nous allons voir ultérieurement) sont les stratégies
l’avantage du terrain ; les plus risquées dans la théorie militaire.
– Choisir le terrain où l’on va se battre (le terrain où nous possé- Ils relient cette approche au concept de la myopie marketing de
dons des atouts) T. Levitt (1960). Le fait d’avoir une vision trop étroite des activités
– Concentrer nos forces ; de l’entreprise conduit à ne poser que des gestes à caractère
– Choisir à partir des atouts le terrain, le moment et les tactique et à Court Terme, gestes qui mineront la position de l’entre-
moyens. prise à Long Terme. Les auteurs suggèrent des moyens permettant
Le général français Beaufre réputé pour la perspicacité exception- de mettre en œuvre une position de défense. Ces moyens sont,
nelle de ses analyses en matière de stratégie militaire, publia en la différenciation, les coûts, la promotion, la concentration des
1965 un ouvrage intitulé « introduction à la stratégie », considéré ressources, l’élargissement de la gamme et la protection contre
comme le plus complet. Nous n’allons pas aborder la pensée des prises de contrôle hostiles (James, 1985).
de Beaufre car elle se base sur celle de Clausewitz que nous Une forme particulière de la défense de position : La défense de
avons déjà évoquée brièvement, nous présenterons seulement position latérale
quelques définitions : R. Durô et B. Sandström (1988) expliquent que cette forme
« La stratégie est une méthode de pensée permettant de classer particulière de « défense fixe » consiste à renforcer les segments
et de hiérarchiser les événements, puis de choisir les procédés produit/marché spécifiques, les segments attaqués par les
les plus efficaces pour parvenir à l’objectif visé « concurrents et les segments déficients.
« C’est un corps de connaissances cumulatives », « C’est un
art et non une science… Le stratège peut se faire guider par
certaines règles, mais l’application des règles ne conduit pas
La défense d’avant-poste
nécessairement au succès ». Il s’agit de se protéger d’une entrée par surprise. Il faut protéger
Les principes des stratégies défensives sont appliqués dans le efficacement les zones vitales en créant par exemple une sous-
monde des affaires et en particulier en marketing. marque avec un prix bas. Ceci permet de contre- carrer une tentative
de guerre des prix tout en protégeant l’image de marque.

2.2. La pratique du marketing


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La défense préventive
Protéger la part de marché ou défendre la position concurren- Cette stratégie est connue sous les appellations de, stratégie
tielle, tel est l’objectif de la stratégie défensive. En général, la « active », stratégie du « Bluff », défense de « préemption »,
stratégie défensive est appliquée par le leader pour se défendre défense « offensive » (P. Kotler et R. Singh, 1981). Cette défense
de la manœuvre offensive du concurrent. Pour sa mise en œuvre, est particulière et l’utilisation en est rare. L’entreprise ici prend
l’entreprise doit utiliser le marketing mix comme moyen. l’initiative de combat alors qu’en général la stratégie défensive
Les approches les plus complètes viennent de P. Kotler et R. Singh place l’entreprise dans une situation d’un attaqué et non d’un
(1981) et de James (1985). Ils proposent six stratégies de défense attaquant. Il s’agit d’anticiper la réaction du concurrent et de
qui se présentent comme suit : s’en prendre à un adversaire avant qu’il ne s’en prenne à nous
et ce, dans le but de désorganiser sa manœuvre (James, 1985).
Un certain nombre de tactiques sont proposées dont la pénétra-
La défense de position tion préventive d’un segment de marché et le financement des
La défense de position est connue sous trois appellations, fournisseurs (James, 1985).
« défense de position », « guerre de position » ou « défense fixe ». Le principe consiste à faire appel aux manœuvres d’intimidation
La définition de cette stratégie de position consiste à préserver psychologique ou de dissuasion en faisant comprendre au concur-
la part de marché existante de l’entreprise en protégeant ses rent par exemple que l’entreprise va baisser le prix et augmenter
ventes par des actions tactiques axées sur des résultats à court la production (ceci en pratiquant une baisse de prix sur quelques
terme. Il s’agit de renforcer la position concurrentielle actuelle articles momentanément).
en la rendant imprenable, en utilisant toutes les ressources D’après P. Kotler et R. Singh (1981), cette stratégie, ou cette
disponibles. défense de préemption, inclut toutes les stratégies d’attaque
Fortifier les produits existants en révisant la qualité, le prix, la considérées (à savoir attaque frontale, de flanc, d’encerclement
distribution (circuit, force de vente…) ainsi que la communication. ou de contournement de guérilla).

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R. Durô et B. Sandstrôm (1988) expliquent que c’est une stratégie concurrents. La défense mobile consiste à conserver l’initiative
directe qui consiste à dissuader le concurrent de changer de en s’attaquant à son mix de produits par une série d’introductions
stratégie. Il s’agit de combiner plusieurs actions. Par exemple le planifiées, une amélioration continue du produit et un changement
fait de diminuer les prix pour les distributeurs et d’augmenter les du cycle de vie de celui-ci.
actions publicitaires, entraînera une augmentation des distribu-
Le comportement

teurs, en les convainquant qu’avec la publicité les consommateurs


vont acheter le produit, d’où l’augmentation de part de référen-
Le repli stratégique
cement dans les linéaires et par conséquent augmentation de Le repli stratégique est appelé aussi « retrait stratégique », « défense
la part de marché. en hérisson » ou « Hedgehog » (P. Kotler et R. Singh, 1981). Il
s’agit de se retirer du marché. Ce retrait peut être progressif, c’est
pourquoi nous parlons de « défense en hérisson ».
La contre- offensive Même les grandes entreprises ne peuvent pas disperser leurs
La stratégie contre- offensive est appelée aussi la contre-attaque. forces tout azimut, car leurs forces s’anéantissent, il s’agit dans
Elle consiste à répondre à une attaque en relançant l’adversaire ce cas d’abandonner les segments les moins significatifs et de
sur son terrain ou autre terrain mais en faisant mieux que lui renforcer la position concurrentielle en se concentrant sur des
(d’après Hubert Gatignon, il s’agit de surpassement). James segments-clés. C’est le principe de la stratégie de concentration
(1985) explique que le fait de distribuer des produits similaires de M. Porter (1997).
à ceux de l’attaquant, de raffiner sa promotion et d’adopter les Cette stratégie a une similitude avec la stratégie de défense de
méthodes de commercialisation de l’attaquant avec une qualité position, seulement cette dernière consiste à éliminer quelques
meilleure, garantit la réussite de la contre-attaque. segments pour entrer dans des nouveaux ; par contre, le repli
Le concurrent prend des initiatives en matière de produit, de prix, stratégique élimine quelques segments pour se concentrer sur
de distribution ou de publicité. L’adoption d’une contre-offensive les segments restants. Contre une attaque, nous nous spécial-
consiste à répondre sur le même ou sur un autre terrain, soit : isons.
–S ur le même terrain : Si le concurrent a attaqué par le produit, Les entreprises, dès le départ, adoptent la stratégie de spécialisa-
le prix, le mode de vente ou par la publicité, il suffit de trouver tion connue sous l’appellation de stratégie de créneau ou stratégie
son point faible sur un des éléments utilisés et de l’attaquer de concentration. Il s’agit d’être spécialiste dans un des éléments
sur ce point ; du marketing mix, par exemple se spécialiser sur une ligne ou
–S ur un autre terrain : chercher un segment qu’il a oublié d’exploiter, un article de produit, l’emplacement de la clientèle, la nature de
ou un des éléments du marketing mix qui présente des failles, la clientèle (haut de gamme, bas de gamme, moyenne gamme),
par exemple un produit qui ne possède pas de garantie, et suite le volume d’achat (distribution intensive, sélective, exclusive…),
à cette faiblesse localisée, nous pouvons l’attaquer. choisir un créneau et se spécialiser. « Il vaut mieux être un gros
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poisson dans une petite rivière, plutôt qu’un petit poisson dans
une grande rivière » (J.J. Lambin, 1987).
La défense mobile
La défense mobile est appelée aussi « défense en profondeur ».
Le principe consiste en ce que les entreprises essayent de tendre Conclusion
leurs domaines sur les nouveaux territoires qui peuvent servir
comme des centres futurs pour la défense ou contre-attaque. En guise de conclusion, nous pouvons avancer que cette recherche
C’est un élargissement et une diversification du marché (T. Levitt, a permis d’analyser et de mieux comprendre l’adoption de l’art
1960). Ce type de stratégie peut être utilisé par un attaqué militaire en marketing.
(considéré comme une stratégie défensive) ou par un attaquant Notre recherche montre la diversité et la complexité du champ
(considéré comme une stratégie offensive) en se déplaçant sur concurrentiel, ainsi que son impact sur le comportement défensif
d’autres terrains. C’est une stratégie d’innovation qui s’explique, des entreprises. Dans ce contexte, l’entreprise ne cherche plus
soit par une extension de la gamme (nouveau produit) soit la croissance, mais veut garder sa part de marché ou défendre
par une diversification (chercher des marchés nouveaux dans sa position concurrentielle.
lesquels des besoins sont en train d’apparaître et par la suite Le souci majeur n’est plus basé uniquement sur le client et la
offrir des produits inconnus ou mal commercialisés jusqu’ici). vente, mais sur la concurrence, élément-clé pour la survie de
C’est le principe même de T. Levitt (1960) dans sa théorie « le l’entreprise. Dans ce contexte, la concurrence est considérée
marketing de la myopie ». Le but est de permettre à l’entreprise comme l’ennemi (langage militaire), la victoire est l’objectif, et les
d’être assez flexible pour garder l’initiative avant et pendant une armes de défenses sont les variables du marketing mix.
attaque (James, 1985). Ainsi, nous sommes passés du principe du marketing classique
Pour A. Ries et J. Trout (1990), la meilleure défense est de au principe du marketing de combat ou marketing guerrier.
s’attaquer soi-même. Il vaut mieux perdre des parts de marché Malgré les apports théoriques présentées, cette recherche a
au profit de ses propres magasins que d’en perdre au profit des des limites qui sont autant de voies futures à développer. Tout

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d’abord, cette recherche ne fait pas état des critiques adressées Kawasaki G. (1996), Affolez vos concurrents, Editions First,
Paris.
à la transposition de l’art militaire en marketing. Aussi elle ne
présente pas une partie empirique. Par ailleurs il est intéressant Kotler P. et Singh R. (1981), Marketing warfare in the 1980s, The
de faire une recherche sur les principaux auteurs qui ont critiqué Journal of Business Strategy, vol.1, No.3, winter.
l’adoption du domaine militaire par les spécialistes marketing. Il Lambin J.-J. (1987), Marketing stratégique, Editions McGraw Hill,

Le comportement
est intéressant aussi de faire une étude auprès des entreprises p. 203, Paris.
tunisiennes afin de voir s’il existe réellement un marketing guerrier, Le grand Larousse. (1966).
si oui quelle est la stratégie la plus employée ? Quelle est la Levitt T. (1960), Marketing Myopia, Harvard Business Review,
stratégie qui leur a permis de défendre leur position concurren- July- Août, pp. 43-56.
tielle ? Et dans quel contexte ? Moorthy K.S. (1993), «  Competitive Marketing Strategies :
Game-Theoretic Models », dans Handbooks in Operations Research
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