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Dans les premières années, l'activité est d'abord exclusivement composée de prêts court-terme. Il
s'agit d'avances sur récoltes qui permettent aux agriculteurs de vivre mieux. Viendront ensuite les
prêts à moyen puis long terme qui leur permettront de s'équiper, d'acheter du bétail. Ce n'est
qu'en 1920 qu'apparait, sous l'égide de Louis Tardy, l'Office national du Crédit agricole, devenu
en 1926 Caisse nationale du Crédit Agricole.
En 1963, l’État haïtien a mis en place un Bureau de Crédit Agricole (BCA) spécialisé dans le
financement des petites et moyennes exploitations agricoles. Le système de financement adopté à
partir de 1991 s’appuie sur les services des intermédiaires financiers telles que les coopératives et
associations agricoles. Mais à cause des risques élevés des activités agricoles et les faibles
remboursements, ces institutions de refinancement ont réorienté le prêt vers le secteur
commercial. La part du secteur agricole ne représentait plus que 20 % des prêts accordés et les
taux d’intérêt pratiqués pouvaient atteindre 60 %.
Actuellement les prêts du BCA sont accordés contre le dépôt d’un cash collatéral de 30 % du
montant demandé. Le montant des prêts peut varier entre 27,000 gourdes (1) et 10 millions de
gourdes. La durée du prêt s’étale sur 12 à 18 mois avec un taux d’intérêt de 1,5 % par mois. Les
1
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A9dit_agricole. 23/11/2020.
fonds alloués au BCA par l’État en 2007/08 s’élevaient à 36 millions de gourdes. Ce volume de
financement, équivalant à 35 % environ du budget d’investissement du BCA, ne permet de
satisfaire que 10 % de la demande nationale.
Nouvelliste
Le crédit2, c’est ce qui fait surtout défaut au secteur agricole. Cette problématique est récurrente
dans les ateliers tenus sur l’agriculture. La situation n’était pas différente lors de l’atelier sur
l’agriculture de santé publique organisé par les ministères de l’Agriculture et de la Santé
publique le mois dernier. Le manque de crédit ou faute d’un système de crédit inclusif dans le
secteur agricole a un impact négatif sur la production dans le pays. De l’avis de la majorité des
intervenants, c’est cette situation qui explique la nonchalance des jeunes à cette branche
d’activité.
Le numéro un de la Coordination nationale de sécurité alimentaire (CNSA), Harmel Cazeau, a
mis l’accent sur cette situation lors de l’atelier susmentionné. Selon les chiffres avancés par les
autorités de Damien, le pays compte environ un million d’exploitants agricoles et 58% de la
population du pays travaille dans l’agriculture.
2
https://lenouvelliste.com/article/174727/pour-un-systeme-de-credit-agricole-inclusif. 23/11/2020.
Selon les données rendues publiques par le Centre international pour l’agriculture tropicale
(CIAT), le pays dispose de 1.7 million d’hectares de terre cultivables, soit 60% de sa superficie
totale. Ce nombre ne cesse de diminuer. Les mesures incitatives font d'ailleurs défaut. Le crédit
agricole demeure en effet l’un des facteurs qui pourra stimuler le retour de la jeunesse à cette
branche d’activité, c’est du moins l’avis d’Evens Henrice qui coordonne le programme de
soutien aux chaînes de production (ANCRE) au ministère de l’Agriculture.
Le pays a déjà fait l’expérience de programmes de crédit bien structurés. Les initiatives
publiques dans ce domaine ne datent pas d’hier. Ce qui retient le plus l’attention des archivistes
c’est la création dans les années 50 de l’Institut haïtien de crédit agricole et industriel (IHCAI)
qui sera suivi de l’Institut de développement agricole et industriel (IDAI) qui, selon le ministère
de l’Agriculture, aura connu plus de succès avec les crédits supervisés. Enfin, à la fin des années
80, la Banque nationale de développement agricole et industriel (BNDAI), qui ne durera que peu
de temps, s’éteignit sous des pressions politiques et financières. Depuis, c’est le déclin.
Les résultats obtenus avec la présence de ces institutions donnent lieu de croire que leur absence
fait beaucoup de mal au secteur, ce qui porte plus d’un à encourager Damien à jeter les bases
d’un système de financement agricole et rural qui lui permettra de relever les défis de
développement auxquels il fait face. Depuis 2006, plusieurs tentatives, en ce sens, ont été
entreprises. En témoigne la mise sur pied d’une Commission technique sur le crédit rural
(CTCR) en août de cette année. Ce mécanisme avait pour mission de faciliter l’accès au crédit
pour les populations vivant en milieu rural de manière à encourager l’entrepreneuriat agricole et
la création d’emplois.
Ainsi, les initiatives ne manquent pas. En plus des activités du ministère de l’Agriculture, la
Banque de la République d’Haïti (BRH), dans sa politique pro-croissance, conçoit des
programmes visant prioritairement cette branche d’activité. Des institutions financières privées
lui ont emboîté le pas et le crédit agricole est plus disponible qu’il l’était il y a quelques années.
Des assises ont été tenues et des recommandations faites aux instances décisionnelles. Toujours
est-il que les résultats escomptés sont loin d’être satisfaisants. Il revient, dans ce cas, non
seulement de renforcer les initiatives privées, mais également de favoriser l’émergence
d'institutions financières dans le milieu rural avec une emphase sur le secteur agricole.
Le système de crédit comme un facteur qui influe sur la production de la famille paysanne.
Traduction tirée du texte de maitrise de l’Agronome Franck Saint Jean, réalisée à Cap-rouge
Commune de Cayes-Jacmel, Janvier 2017.
La libéralisation financière réduit la puissance de la banque centrale pour réguler la
circulation de la monnaie au profit de tous ainsi que les banques publiques dans ses capacités à
fournir des services à la population, renforçant les banques privées. Le système de crédit est un
autre facteur affectant la production agricole familiale. Seulement 20 à 25% des fonds collectés
sous forme de dépôts d'épargne va au système de crédit comme dit le professeur Camille
Chalmers et que ce portefeuille, en grande partie, est distribué à Port-au-Prince dans des besoins
de crédit non-productifs. Les entrevues et les enquêtes montrent que le crédit du système en
milieu rural est contrôlé par des programmes de microcrédit des grandes banques privées,
d'autres petits banques plus proches de la population comme Fonkoze, AFAM, Resous
Konfyans, Espwa, des usuriers et ONG, avec de taux d’intérêt entre 2,5 à 4% par mois à savoir
25-48% par an. Ce système ne correspond pas à la nécessité d'investissement de la production
agricole parce que les agriculteurs finissent par endetter, appauvris et les exploitations familiales
sont décapitalisées.
Les femmes sont souvent les groupes qui vont prendre le crédit pour faire bouger sa
petite économie domestique. Mais parfois, elles admettent qu'une partie du crédit sont utilisés
dans l'achat de semences et souvent aller même á hypothéquer une portion de terre pour essayer
de développer des cultures à cycle court comme le chou, haricot, piment, etc. Un aspect
sociologique important c’est qu’il y a de négociation et entente, parfois non, au niveau du couple
pour solliciter le crédit. Quant il y a d’un accord, le couple ensemble fait face à la situation
surtout s’ils doivent recourir á la vente d’une portion de terre ou des animaux pour rembourser le
prêt. Quand il n'y a pas de l'accord, la femme va seul à prendre le crédit et quand elles se
rencontrent dans des difficultés de remboursement, elle tombe dans une situation désespérée, ce
qui les emmène dans des actions inhabituelles : le jeu de loterie, le sexe d’intérêt, créant des
conflits, divorce et violence au sein de la famille.
L'histoire des groupes de femmes à Cap-rouge n’est pas différent de ce que décrit
Amélie Kiyindou de Congo Brazzaville, "les microcrédits sont présentées comme un moyen de
sortir de la pauvreté, mais en réalité, les intérêts exigent á ce que les femmes payent plus de ce
qu'elles gagnent, donc elles asservissent ses types de prêts ". Alors, l’inadéquation entre ce que
dit la constitution haïtienne et la pratique observée est réelle, jusqu'à ce qu’on peut dire où est
l'équité économique, le coopérativisme, la justice sociale qu’ordonne la constitution lorsque les
dirigeants acceptent que certains groupes de pouvoir économique trichent á la masse des femmes
et des hommes paysans pour qu’ils soient endettés et ruinés.
Certains élèves de l'école que l'agriculture agro écologique estiment que l’agriculture
n’est pas possible sans le crédit agricole, admettent que l'État a cette obligation, il peut faire une
évaluation de la motivation des personnes qui demandent le crédit pour déterminer les gens qui
ont rapport vraiment avec la production agricole. Pour les paysans de Cap-Rouge, le système de
microcrédit actuel est une violence économique qui provoque des turbulences sociales autour de
la famille et de la communauté. Les femmes de Cap-rouge meurent par son incapacité pour aller
à l'hôpital pour effectuer une césarienne, elles obtiennent des maladies incurables ou des enfants
sans père, le divorce est à la mode alors que la faim fait la loi.
Il devrait y avoir non seulement un système de crédit spécial pour aborder le problème
de la production agricole mais pour encourager les activités non-agricoles capable de créer des
emplois supplémentaires dans les zones rurales. Amélie a proposé que les individus et les
institutions conscientes des conséquences néfastes sont tenus d'informer la population sur les
risques du cercle vicieux de la dette alors que les paysans du Cap-rouge parlent de changer le
paradigme politique pour une fois pour toute on arrive á sortir de cette situation d'exclusion,
d'exploitation, de marginalisation et de violence économique.
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Morceaux de terre où les esclaves ont produit leur nourriture de subsistance
agricole, l’élevage et le commerce tels que : coopérative, caisse populaire, mutuelle de solidarité,
etc ...
Le panorama de ce qu’on a observé répond á quelques narrations de James Scott,
citées par Vinay Gupta disant : l’occident oblige les paysans á opérer en cherchant à maximiser
les profits, ce qu'ils nient comme principe de la production paysanne familiale. En outre, il fait
valoir que les sociétés traditionnelles (pré-capitalistes) diffèrent sensiblement des sociétés
modernes (capitalistes) par rapport à la thèse de deux éléments. Les sociétés traditionnelles
conservent généralement une «éthique de subsistance» qui préfère la sécurité et la fiabilité des
avantages à long terme (p.13). Ce principe de « sécurité d'abord » conduit à encourager les
paysans à «minimiser les risques pour la subsistance.
"D'autre part, les relations informelles entre les membres des sociétés traditionnelles
fournissent des moyens de regroupement pour assurer la survie des individus. Coopération des
liens familiaux et de parenté, ainsi que la propriété et les droits de citoyenneté et obligations
établies, «soupapes de sécurité» pour les individus de sauvetage dans le temps de l'adversité : une
famille qui est en urgente difficulté espère l'aide des autres qui ont un meilleur une meilleure
situation en attendant d'échanger lorsque sa position est inversée "(p.168).
La production actuelle est faite par l'organisation de la famille paysanne pour obtenir
les aliments de base. Elle est soutenue par certains caractères culturels ancestraux, avec
l'utilisation de techniques de production harmonieuse et de mécanisme d'assistance mutuelle qui
lui permettent de se maintenir dans le temps. Il n’y a pas en réalité une différenciation ethnique
et culturelle dans la paysannerie haïtienne. Il s’agit des petites exploitations familiales avec un
modèle de gestion agro écologique, généralement des types de production biologique avec
l’utilisation principalement des engrais verts, d'autres impliquent une dynamique de production
plus intensive combinant l'utilisation des intrants organiques et chimiques. L'utilisation de
produits chimiques se fait pour certaines cultures comme le chou, le poivre et la banane.
Habituellement on trouve des exploitations qui n’ont jamais utilisé des engrais chimiques, alors
qu'il en existe d'autres avec utilisation abusive motivée par l’infertilité progressive du sol qui,
n’étant jamais au repos, ne peut se régénérer pour assurer le rendement attendu.
Les participants aux focus groupes considèrent l'agriculture comme un tout, une
combinaison symbiotique entre la production agricole et l'élevage, entre les espèces, sur la base
d'une rationalité reproductive. La production paysanne est manuelle avec utilisation des outils
légers et traditionnels. Elle est très dépendante des conditions pluviométriques et est basée sur la
gestion des connaissances ancestrales comme le cycle lunaire, les variations de l’activité solaire,
le vent etc. On rencontre des modèles exploitations de plus de cent ans et qui restent intacts. Il est
fort difficile de trouver la monoculture au niveau des exploitations familiales à Cap-Rouge, elles
sont généralement munies de cultures associées dans des zones écologiquement différentes où les
cultures ont un comportement et développement différents.
Dans cette forme de production paysanne, se caractérise la pluralité, en réponse à un
modèle de consommation diversifiée en calories, protéines et vitamines. Pour cela, il existe une
association des cultures de céréales, de tubercules, de légumineuses et d'élevage tels que
volailles, porc, bœuf, chèvre, ect. Cette forme de production actuelle à Cap-rouge n’est pas
différente de ce que Marcel Mazoyer a décrit dans son texte « La brève histoire de l'agriculture".