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ELMORCHID FSJES-Marrakech 2021/2022

Chapitre 2
L’intermédiation financière

La question de l’intermédiation financière est à la fois ancienne et nouvelle. Ancienne, dans la


mesure où depuis longtemps les théories monétaires, telles que celle de Gurley et Shaw qui
date déjà d’une quarantaine d’années, l’étudient en distinguant la finance directe et la finance
indirecte. Nouvelle, parce que la globalisation financière actuelle est régie par une règle que
l’on peut appeler des "4 D" : décloisonnement des marchés, déréglementation des activités et
désintermédiation des financements et désengagement de l’État. La révolution financière des
années 80 et l’accélération de la mondialisation de l’économie dans les années 90 justifient
donc que l’on se pose la question de la place de l’intermédiation financière dans l’ensemble
du système de financement et de la réalité du processus de désintermédiation.

De manière générale, l’intermédiation financière est l’activité développée par les agents
financiers qui s’interposent pour faciliter l’adéquation en quantité de l’offre à la demande de
capitaux. On distingue donc deux types d’intermédiations à savoir : l’intermédiation du bilan ;
intermédiation active et l’intermédiation du marché ; intermédiation passive.

Section 1. Les Opérations financières


Trois opérations financières peuvent être envisagées.

1.1.. Opération n°1 : des titres émis aux titres acquis

Une institution financière (IF) émet des titres, par exemple des obligations pour une valeur de
100 DH, auprès des agents financiers ou non financiers. Elle capte ainsi des ressources (de la
monnaie) qu’elle peut ensuite employer en accordant des crédits ; elle acquiert alors un titre
de créance sur l’agent en bénéficiant des crédits. Dans ce cas, la causalité va des ressources
(somme versée par les agents à capacité de financement en paiement des titres émis par l’IF)
vers les emplois (somme versée par l’IF en contrepartie des titres émis par les agents à besoin
de financement).

Toutes les IF peuvent effectuer cette opération, mais c’est surtout le rôle des IF dont les
ressources sont uniquement constituées de capitaux propres ou/et d’emprunts sur le marché
financier.

Dans ce cas, on peut parler d’une intermédiation de représentation : l’IF permet la rencontre
de prêteurs et d’emprunteurs ne pouvant ou ne voulant pas s’engager directement sur le
marché financier.

Sa rémunération repose sur la marge entre intérêts reçus sur les titres acquis et les intérêts sur
les titres émis.

1..2. Opération n° 2 : des dépôts aux crédits

Une IF capte des fonds en accordant des intérêts sur les sommes collectées représentant les
dépôts de la clientèle. Ces derniers permettent l’octroi de crédits.
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Dans ce cas encore, la causalité va des ressources (les dépôts de la clientèle) vers les emplois
(les crédits accordés). La rémunération de l’IF repose sur la marge entre les intérêts perçus sur
les crédits et les intérêts versés sur les dépôts.

On peut parler d’une intermédiation de transformation permettant de concilier la diversité des


échéances demandées par les utilisateurs de crédits et les épargnants.

En finançant des crédits à toutes échéances (souvent à long terme) par des ressources souvent
à court terme, l’IF prend un risque d’immobilisation (notons que ce risque apparaît aussi dans
les opérations n°1 où les IF émettent des titres sûrs, à court et moyen termes, facilement
transformables en monnaie, auprès des agents à capacité de financement, leur permettant
d’acquérir des titres à long terme, plus risqués et moins liquides, auprès des agents à besoins
de financement). Toutes les IF susceptibles de capter des dépôts de la clientèle
(essentiellement les banques) peuvent effectuer cette opération.

1.3. Opération n° 3 : des crédits vers les dépôts

Un agent non financier (A) demande un crédit à son IF pour un montant de 100DH. Ici, nous
retrouvons la causalité traditionnelle : des ressources (dette envers l’IF) vers les emplois
(dépôts auprès de l’IF). Cette causalité s’inverse pour l’IF qui, en développant son actif
(créance sur A), augmente son passif (dépôt de l’agent A). Ainsi, lorsque l’IF accorde un
crédit de 100DH à l’agent A, ce dernier peut effectivement dépenser ces 100DH comme s’il
avait réellement déposé au préalable. Il y a eu création de monnaie, privilège des seules
banques. On peut parler dans ce dernier cas d’une intermédiation de transformation anticipée.

Section 2. La raison d’être de l’intermédiation financière


Aux contacts directs, les prêteurs et les emprunteurs peuvent préférer des relations passant par
des intermédiaires financiers. Cette préférence peut avoir pour origine l’imperfection des
marchés. Pour reprendre les thèses de R. Coase, la firme (qu’elle soit bancaire ou non
bancaire) naît des imperfections des marchés dont elle permet de réduire les coûts de
transaction.

« Par coût de transaction, on entend les coûts de fonctionnement du système d’échange et,
plus précisément dans le cadre économie de marché, ce qu’il en coût de recourir au marché
pour procéder à l’allocation des ressources et transférer des droits de propriété » .

Ces coûts de transaction comprennent les coûts de recherche du candidat et du compromis, les
coûts de standardisation de certification et de contrôle de la bonne exécution des échanges.
Ainsi les agents qui détiennent une encaisse excédentaire ne savent pas à qui l’offrir, alors que
d’autres ne savent pas à qui demander les fonds permettant de combler leur déficit. Dans un
système économique dépourvu d’intermédiaires financiers, on imagine sans difficulté le
temps de la dépense d’énergie que devrait consacrer un agent économique souhaitant acheter
par emprunt l’appartement ou la voiture de ses rêves. En mettant une annonce dans les
journaux, en placardant les murs de son quartier ou en faisant du porte-à-porte, l’agent en
question mettrait sûrement plus de temps que n’en met l’intermédiaire financier pour
recueillir les fonds recherchés. Ce dernier permet des économies de coût de recherche et de
prospection. Inversement, grâce aux intermédiaires financiers, un prêteur n’a plus à
rechercher un emprunteur aux préférences absolument systématiques des siennes : opération
coûteuse, voire impossible. D’une part, entre deux agents, l’un souhaitant prêter 100DH,
l’autre désirant emprunter 1000DH, aucune transaction ne serait possible ; l’intermédiaire
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corrige cette incompatibilité en acceptant de capter de multiples dépôts de faible valeur


unitaire et d’accorder des prêts de forte valeur unitaire. D’autre part, l’intermédiaire peut
corriger l’incompatibilité apparaissant entre agents dont l’un souhaiterait prêter à un an, alors
que le second désirerait emprunter à dix ans ; l’intermédiaire joue un rôle d’écran en acceptant
des ressources (souvent à court terme) pour des prêts à long terme.

Par ailleurs, aux contacts directs, les agents peuvent préférer des relations passant par des
intermédiaires financiers en raison de leur comportement vis-à-vis du risque. Si nous
admettons que les agents non financiers et les intermédiaires n’ont pas la même aversion pour
le risque (ces derniers étant moins affectés que les premiers en raison de la variabilité de
leurs profits), il est alors possible de justifier leur l’existence par leur capacité à prendre en
charge une partie des risques dont les prêteurs et les emprunteurs souhaitent se dessaisir.

Section 3. Les risques de l’intermédiation financière


Les intermédiaires financiers prennent à leur compte les risques qu’auraient dû prendre les
épargnants. Le risque désigne un danger bien identifié, associé à l'occurrence à un événement
ou une série d'événements, parfaitement descriptibles, dont on ne sait pas s'ils se produiront,
mais dont on sait qu'ils sont susceptibles de se produire dans une situation exposante. Il
constitue la dimension la plus importante dans l'environnement bancaire. Pour une banque
celui-ci est l'essence de son activité et la source principale de son profit. Toutefois, la prise de
risque excessive a souvent été à l'origine des difficultés voir la défaillance des établissements
bancaires.

3.1. Le risque de contrepartie

Il s’agit d’un risque inhérent à l’activité d’intermédiation traditionnelle et qui correspond à la


défaillance de la contrepartie sur laquelle est détenue une créance. La banque subit alors une
perte en capital supérieure au gain qu’elle aurait pu espérer sur cette même contrepartie non
défaillante.

3.2. Le risque d’illiquidité

Il s’agit également d’un risque inhérent à l’activité d’intermédiation traditionnelle puisque le


terme des emplois est toujours plus long que celui des ressources. Une banque incapable de
faire face à une demande massive et imprévue de retraits des fonds émanant de sa clientèle ou
d’autres établissements de crédit est dite illquide. Il est impossible de mesurer avec précision
l’exposition à ce risque, car les bilans bancaires ne décomposent pas les actifs et les passifs
par échéance.

3.3. Les risques de marché

Ce sont les risques de perte qui peuvent résulter des fluctuations des prix des instruments
financiers qui composent un portefeuille. Ils sont issus dune évolution défavorable du cœur du
prix d’un actif négocié sur un marché. On distingue trois catégories de risque de marché
correspondant aux actifs habituellement détenus par une banque :

- Le risque de taux issu de l’évolution à la hausse ou à la baisse des taux d’intérêt


attachés à une créance ou une dette.
- Le risque de change résulte d’une évolution défavorable du cours d’une devise
dans laquelle la banque détient des créances et des dettes.
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- Le risque de position sur action lié a l’évolution défavorable du cours des


actions figurant dans le portefeuille-titres d’une banque.

3.4. Le risque opérationnel

Il a été officiellement défini et pris en compte dans les documents soumis a consultation par le
comité de Bâle, comme le risque de perte pouvant résulter de procédures internes inadéquates
ou non appliquées, des personnes, des systèmes ou d’évènements externes.ces évènement de
risque sont les fraudes interne ou externe, les risques qui touchent aux relations clients, les
problèmes liés à la gestion du personnel, les dommages qui touchent les actifs physiques,
l’interruption totale ou partielle des systèmes ou des processus, et la mauvaises exécution de
certains processus qu’ils soient internes ou externes à la banque.

Le risque opérationnel est traité, à juste titre, comme un risque profondément différent du
risque de marché ou de crédit. De fait, ce risque a la particularité d'être plus difficile à
modéliser, mais plus simple à réduire. Plus simple à réduire, car un processus de gestion
adéquat, amélioré en permanence, peut contribuer à le diminuer en réduisant les facteurs
internes de risque. Plus difficile à modéliser, car l'historique des pertes de la banque en la
matière ne peut suffire à prévoir les pertes futures. Ceci est principalement dû à deux
phénomènes. Le premier vient de la rareté des événements considérés. Ceci nécessite la
mutualisation des bases de données. Le second phénomène vient de ce que certaines pertes se
raréfieront du fait de l'amélioration des processus internes de gestion du risque alors que
d'autres seront affectées par des changements d'ampleur ou d'environnement des différentes
activités de la banque.

Remarque

Il convient ensuite de distinguer intermédiation financière et intermédiation bancaire. Certes,


toutes deux sont des intermédiations de crédit et remplissent une fonction de transformation
de titres, mais cette transformation de titres est de nature bien différente dans l’un et l’autre
cas.

L’intermédiation financière (stricto sensu) consiste en une transformation d’échéance de


titres : les intermédiaires financiers "purs" font du long avec du court, pourrait-on dire. Leur
rôle principal est en effet de financer pour les entreprises des crédits à moyen et long terme
au moyen de la capacité de financement des agents non financiers excédentaires. Cette
capacité de financement peut être captée soit en offrant des titres longs en intervenant sur le
marché financier, et la transformation assurée est une transformation titres/titres qui porte
sur la durée des titres émis et acquis, soit des titres courts, et la transformation réalisée est
une transformation dépôts/titres : les dépôts d’épargne des ménages financent les crédits
demandés par les agents à besoin de financement. Ce sont alors "les dépôts qui font les
crédits". Dans les deux situations, il n’y a pas création de ressources de financement
nouvelles. Le financement est ici assuré, comme d’ailleurs tous ceux de la finance directe, sur
ressources d’épargne a priori.

L’intermédiation bancaire opère une transformation plus radicale puisqu’il s’agit d’une
transformation de nature des titres. La création monétaire consiste en effet, pour reprendre la
formule consacrée, en la "monétisation" de créances non monétaires. Ce sont "les crédits qui
font les dépôts" et il y a création de ressources nouvelles de financement ; la création
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monétaire équivaut à une promesse de production future et correspond à une anticipation


d’épargne.

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