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Albert Camus, L’étranger.

Camus écrit l’Etranger en 1942, en pleine Seconde Guerre mondiale. La plupart de ses
œuvres seront marquées par cette guerre et par les sentiments nés de l’absurdité du monde et
besoin de révolter face aux crimes commis par les hommes. Celui-ci met en scène Meursault,
le personnage principal, accablé par son quotidien, refusant de jouer le jeu du conformisme
social, qui vit au jour le jour, ce qui va l’amener à tuer un arabe. Il va donc être condamné à
mort. Avant cet extrait, Meursault a reçu la visite de l’Aumonier qui lui propose un marché :
en échange du repentir et de la reconnaissance des valeurs religieuses, il lui promet son
admission dans le royaume de Dieu. Mais Meursault refuse de renier ses propres valeurs.
Nous pouvons donc nous demander quelle vision de la vie Meursault à travers cet extrait.
Dans un premier temps, nous verrons le rapport de Meursault avec la Nature et les sensations
qu’elle éveille en lui. Dans une deuxième partie, c’est le lien qu’il établit en pensée avec sa
mère qui va nous éclairer sur sa posture. Enfin, c’est sur son rapport au monde et aux hommes
que le texte, et l’œuvre se termine.
Marsault a souvent été en harmonie avec le monde, mais surtout avec la Nature.
En effet, les 9 premières lignes font apparaitre l’apaisement retrouvé en lien avec les
sensations provoquées par les éléments naturels. Dès la première ligne, le pronom rejeté en
début de phrase signifie le règlement de compte du litige entre lui et l’Aumonier. La virgule
signifie un rapport de cause à conséquence : geste violent qui amène une purification du
protagoniste. A la ligne suivante nous pouvons observer une ellipse temporelle qui va
provoquer une accélération du récit. « Je crois que j’ai dormi parce que je me suis réveillé
avec des étoiles sur le visage. » Cette phrase complexe, est composée d’une périphrase
métaphorique afin de désigner la nuit. Cela créer sublimation du langage. De surcroit, l’auteur
va chercher à créer cette poétisation du langage en interpellant nos sens. En effet, le sens
auditif est présent « bruits de campagnes » (l.4) ; ainsi qu’olfactif « des odeurs de nuit, de
terre » (l.5) ; et enfin, visuel avec les « étoiles » à la ligne (l.3). Les sensations sont mises en
valeurs fin de créer un état d’harmonie et de sérénité. Nous pouvons ajouter à cela que le mot
« paix » est associé au mouvement de la mer lors de la marée afin de provoquer le lyrisme
mais aussi les sensations provoquées par les éléments naturels. Ce vocabulaire mélioratif
témoigne de l’effet positif qu’a sur lui la nature. Par ailleurs, à la ligne 18 les étoiles
communiquent avec Marsault. Assurément, les étoiles lui font des signes. Cela va donc
souligner, son harmonie avec la nature.
La fin de cette première partie se traduit par la mort. « A ce moment, et à la limite de
la nuit, des sirènes ont hurlé. » (l.7). L’euphémisme métaphorique « à la limite de la nuit »
désigne le seuil de la mort. Une métaphore de la mort est montrée comme étant un voyage
dont les sirènes du bateau annonce le départ à l’aube.

Grace à cette communion avec la nature, Meursault sort changer de sa dispute avec
l’Aumonier, cette violence verbale l’a libéré. Dans cette deuxième partie nous allons voir sa
réconciliation avec sa mère décédée.
Dès la première phrase, une locution adverbiale qui introduit le changement de mentalité du
personnage envers sa mère. La mort évoquée dans la première partie permet de se rapprocher
de sa mère. Nonobstant, l’évocation de sa mère marque aussi une boucle narrative, puisque le
roman commençait par l’annonce de sa mort. Ainsi la boucle est bouclée. Ce rapprochement,
entre la mère et le fils est mis en exergue à la ligne l.11 grâce à l’anaphore. Ce que vit dans la
prison Meursault à la veille de sa mort, était aussi ressenti par sa mère dans son exile ou elle a
passé les derniers moments de sa vie. Le rapprochement de la mort permet de profiter de
chaque instant de la vie associée à la nature « carpe diem » comme l’a employé Horace dans
ses Odes. La mort prochaine de Meursault va inviter le lecteur à profiter de chaque instant en
comparant le jour à une fleur « cueille le jour ». Il reprend donc la tradition de la philosophie
épicurienne.
En outre, en comprenant sa mère, Meursault appréhende mieux sa propre situation. Le passé
de sa mère va l’aider à se réconcilier avec lui-même en attendant son châtiment. Le verbe de
perception « se sentir » (l.16) introduit la subjectivité. S’ajoute à cela le préfixe « re » qui
montre le retour vers l’origine que constitue la maternité. Etant au bord de la mort, il aimerait
reculer dans le temps afin de profiter des bons moments avec sa mère. Il se rend enfin compte
que sa vie touche à sa fin.

Ainsi, Meursault fait le bilan de sa vie, et se réconcilie avec son passé. Cependant, il
ne regrette rien et accepte pleinement ce qu’il attend, il ne craint pas son destin. Enfin, nous
allons voir dans ce dernier extrait, son rapport au monde et aux hommes.
Meursault se tourne vers son passé. « Cette grande colère m’avait purgé du mal » (l.16-17)
montre la colère que ressentait le personnage principal envers l’aumônier. Cependant, cette
colère l’a purgé. L’emploie du plus que parfait, montre que c’est une action révolue, elle n’a
plus de conséquences sur le présent. Cela va engendrer, l’apaisement. La mort est donc perçue
positivement, aujourd’hui c’est un homme lucide et serein. A la ligne 20-21 « j’ai senti que
j’avais été heureux, et que je l’étais encore. » L’emploie du plus que parfait « avait été »
montre que Meursault revoit passer sa vie. Cela montre également, avec l’utilisation de
l’imparfait qu’il peut attendre la mort avec sérénité. La mort se rapproche. A la dernière ligne,
le participe passé consommé appartient au champ lexical de l’achèvement. De plus, la
métaphore conclusive « pour que tout soit consommé » désigne la fin de la vie. En revanche,
le protagoniste n’a aucun regret. Meursault se sent supérieurs aux hommes qui le condamnent.
Il est lucide et révolté. Sacrifice public comme sacrifice exemplaire pour montrer sa
supériorité. Le désir d’être séparé des hommes est donc à son paroxysme.
In fine, cela illustre la philosophie de Camus. En effet, il ne s’agit pas de savoir
pourquoi Meursault a tué l’arable ; c’est un geste qui fait partie de l’absurdité de la vie et
Camus ne cherche pas à l’expliquer. Ce que Camus montre ici, c’est la valeur de la vie,
quelle qu’elle soit, et l’importance et d’assumer ses actes.

En somme, cette clausule ramène donc le calme et la sérénité dans l’esprit du héros.
En effet, à l’approche de la mort, Meursault s’abandonne à une communion avec la Nature
dans une harmonie sensorielle avec les éléments et se sent finalement prêt à vivre sa mort
comme une libération. Il est réconcilié avec la mort. On peut alors imaginer Meursault
heureux, comme Sisyphe condamné à rouler éternellement son rocher. En effet, en prenant
conscience de la vanité de ces espoirs. Sisyphe comme Meursault vont se rendre supérieurs à
ce que les écrase et exercer leur droits et la liberté et à la révolte.

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