Vous êtes sur la page 1sur 54

Février

2003

NUMÉRO 4

Les BDS (Business Development Services)

L’actualité
des services
aux entreprises
➤ Clusters et réseaux d’entreprises

MINISTÈRE DES AFFAIRES


ÉTRANGÈRES - DGCID
L’actualité des services aux entreprises 2

onjour, la présente édition s’attachera au Et qu’en est-t-il de l’appui ? Un cluster/réseau, ou des

B thème des clusters et réseaux en portant une


attention particulière aux liens d’affaires qui
les constituent.
liens d’affaires, peuvent-ils se développer seuls ou
nécessitent-ils un catalyseur externe ? Dans quels
contextes peut-on soutenir efficacement le dévelop-
pement d’un cluster/réseau ou de liens d’affaires ?
Dans la plupart des pays en développement, les pe-
Vaut-il mieux agir sur les entreprises (au niveau micro-
tites et très petites entreprises représentent la ma-
économique) ou plus indirectement au niveau de
jorité des entreprises et de l’emploi. Elles sont de
leur environnement (méso-économique) ? Quelles
plus en plus exposées à la concurrence et aux exi-
sont les modalités de ces types de services, qui en
gences locales et internationales en termes de qua-
sont les prestataires, les bénéficiaires, quelle est leur
lité, de production, d’offre de produits et services.
portée, la durée et de l’appui ? Autant de questions
Les réseaux et clusters leur offrent l’opportunité de
auxquelles cette publication apporte des éléments
se regrouper pour atteindre des économies d’échelle
de réponse aussi bien conceptuels que concrets. Vous
et une efficacité collective, de s’organiser en se spé-
trouverez des analyses, expériences et méthodes d’in-
cialisant et se complétant les unes les autres, de
tervention en différents contextes : en Italie, les ré-
mener des recherches et actions communes, de
seaux/clusters se sont développés « naturellement » ;
communiquer et d’échanger des informations. Ces
au Danemark, en Inde, ou encore en Thaïlande, ce
formes d’organisations leur permettent de s’organi-
développement a été canalisé par des politiques vo-
ser de façon souple et réactive.
lontaristes de différentes ampleurs ; au Zimbabwe,
Quelles formes peut prendre la collaboration de ces le projet Manicaland a été mené afin de développer
entreprises selon le contexte et l’objectif recher- des liens d’affaires entre entreprises et créer une cul-
ché ? Comment les différents acteurs (entreprises, ture de coopération ; au Kenya, l’action s’est centrée
agences gouvernementales, système bancaire, as- sur une forme particulière d’appui, les visites d’é-
sociations d’entreprises, coopératives, etc.) s’asso- change organisées entre entreprises.
cient-ils entre eux à cette fin ? Ont-ils besoin d’un
gestionnaire intermédiaire, d’un médiateur com- Ainsi, de différents contextes découlent différentes
mun ou d’un autre média leur permettant de tra- modalités, types et ampleurs d’interventions. Parmi
vailler ensemble ? Les textes de la partie « Idées, les expériences que nous vous présentons, certains
concepts et politiques » en particulier nous mon- projets sont en cours, d’autres sont en phase de re-
trent qu’il n’existe pas de typologie unique des clus- trait ou terminés. Qu’en est-il de leur réplicabilité ?
ters ou des réseaux, bien que tous les différencient De la mesure de leur impact ? De l’évaluation de leur
principalement selon leur stade de développement, efficacité ? Des questions centrales que vous trou-
de la naissance à la maturité. verez en filigrane dans les textes que nous vous pré-
sentons.
Bonne lecture, et excellente année 2003 !

Photo de couverture de Pascal Berqué. Un artisan au Sénégal travaillant sur un touret à meuler.

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
3

Sommaire Mode d’emploi

« Les clusters industriels et la promotion des PME « L’actualité des services aux entreprises » est un
dans les pays en développement », Eileen Fisher, produit d’information de la Direction générale de la
Rebecca Reuber, 2000 p. 5 coopération internationale et du développement
(DGCID)1 à destination des opérateurs, des prati-
● Idées, concepts et politiques ciens et des partenaires au développement. Les pré-
cédentes parutions sont consultables et télécharge-
➤ « Clusters : l’expérience italienne et ses enseigne-
ables sur le site internet du ministère français des
ments pour les pays émergents », Patrizio Bianchi, Lee
Affaires étrangères : www. france.diplomatie.fr/
M. Miller, Silvano Bertini, 1997
solidarite/economie/bds/.
p. 6 à 10
La formule s’articule autour de quatre parties, iden-
➤ « Une politique proactive originale d’appui aux ré-
tifiables par des couleurs et une thématique spéci-
seaux : le cas danois », compilation à partir de diffé-
fiques.
rents textes p. 11 à 13
➤ « Le concept de cluster : les réseaux coopératifs ● Idées, concepts et politiques
et la réplicabilité », Coral Ingley, 1999 (couleur bleu-vert)
p. 14 à 17
Des analyses portant sur l’évolution des démarches
➤ « Les clusters de PME, l’acquisition de capacités d’appui, les axes d’intervention des bailleurs et les
technologiques et le développement : le concept, la problématiques du moment.
pratique et les leçons politiques », M.C.J. Caniels,
H.A. Romijn, 2002 p. 18 à 22
● Études de cas (couleur orange)
● Études de cas Description et analyse de démarches et de pro-
grammes nouveaux, différents ou originaux mis
➤ « Les clusters africains et l’industrialisation : de en œuvre dans une large variété de contextes.
la théorie à la réalité », Dorothy McCormick, 1999
p. 23 à 28
● Outils d’action (couleur bordeaux)
➤ « Renforcer le secteur informel au Kenya par des
visites d’échanges », Jim Tanburn, 1995 p. 29 à 33 L’ensemble des phases de la vie d’un programme :
de l’identification au retrait, en passant par la
➤ « Liens stratégiques et avantage compétitif : re-
conception, la mise en œuvre, l’évaluation.
cherche-action sur les réseaux de petites entreprises
en Inde », C. Richard Hatch, 2001 p. 34 à 38
● Informations utiles (couleur violet)
➤ « Vers une stratégie de développement de clusters
et de réseaux de PME en Thaïlande : note de dis- Actualité, bibliographie additionnelle, présentation
cussion pour les partenaires », C. Richard Hatch, d’un site internet, d’un ouvrage récent, ou de toute
2002 p. 39 à 43 autre information complémentaire sur le thème ou
plus généralement pertinente sur les services d’ap-
➤ « Les liens d’affaires au Zimbabwe : le projet
pui aux entreprises.
Manicaland », John Grierson, Donald C. Mead et
Edward Kakora, 1999 p. 44 à 47

● Outils d’action
1 La
➤« Le développement de clusters et de réseaux de DGCID a confié au GRET la tâche de réaliser sur une base
PME : le programme de l’Onudi », Onudi, 2001 trimestrielle une synthèse en français de textes et d'analyses
consacrées à l'appui aux entreprises. Ce troisième numéro a
p. 48 à 53 ainsi mobilisé Aurélie de Lalande (traduction et synthèse),
Hélène Gay (PAO), Christine Poursat (coordination) et Sandra
● Informations utiles p. 54 Barlet (traduction et synthèse d'ensemble).

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
4

Glossaire : quelques termes utiles pour faciliter la lecture

➤ Liens d’affaires : ce sont les opérations commerciales entre des entreprises distinctes à but lucra-
tif. On évoque le vocable « lien d’affaires » lorsqu’il s’agit de multiples transactions au sein d’une re-
lation établie. La coopération dite verticale a lieu lorsque des entreprises impliquées dans différen-
tes étapes de la chaîne de production/de distribution travaillent ensemble. Une action commune
horizontale se réfère à la collaboration entre concurrents.
➤ Cluster : selon l’Onudi, Porter (1998), Schmitz (1992), Humphrey & Schmitz (1995), c’est une
concentration sectorielle et géographique d’entreprises qui ont des activités similaires, produisent
des produits connexes ou complémentaires, et qui donc se trouvent face à des défis et opportunités
communs. Des entreprises en cluster ne collaborent pas forcément. Se regrouper peut donner lieu pour
elles à des économies externes telles que l’émergence de prestataires spécialisés de matières pre-
mières, de composantes, ou au développement d’un bassin de compétences sectorielles spécifiques
et de services spécialisés dans les domaines technique, financier et en gestion. Le terme de « clus-
ter » n’est pas normalisé et cette notion est déclinée et varie selon les vocables nationaux.
Ainsi, en France on parlera de « système productif local » (SPL). Cette appellation adoptée par la
Datar (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) en 1997 désigne un grou-
pement d’entreprises et d’institutions géographiquement proches et qui collaborent dans un même
secteur d’activité. Elle est utilisée ailleurs qu’en France, par exemple au Brésil, où l’on distingue sys-
tème productif local et système local d’innovation].
En Italie, on utilisera plutôt le terme « pôle », « district » ou « grappe » industriel(le). Porter (1990) dé-
finit le district – ou cluster – industriel comme une concentration d’expertises entre des secteurs et
entreprises étroitement liés, dans laquelle un investissement extensif dans les facteurs de production
spécialisés déclenche une spirale positive de croissance.
➤ Réseau : c’est un groupe d’entreprises qui coopèrent dans un projet de développement en se com-
plémentant les unes des autres et en se spécialisant afin de surmonter leurs problèmes communs,
d’atteindre une efficacité collective, et de pénétrer des marchés inatteignables individuellement. On
pourra par exemple parler de réseaux d’exportateurs ou de créateurs d’entreprises. Le réseau d’en-
treprises n’est pas nécessairement lié à une localité. Il peut comme le cluster mener à l’efficacité col-
lective. Les économies externes tendent à y être faibles mais les bénéfices de l’action commune peu-
vent être substantiels. L’Onudi définit le réseau horizontal comme étant composé uniquement de
petites et moyennes entreprises (PME) et le réseau vertical comme réseau où PME et grandes entre-
prises sont impliquées. Qu’ils soient horizontaux ou verticaux, les réseaux peuvent être développés
indépendamment du cluster.

Chaque parution rassemble une série de « fiches » Vos attentes, commentaires et réactions
qui correspondent chacune à une synthèse en fran-
çais d’un texte initialement publié en anglais. Ce travail vous est destiné, à vous de le valider ou de
Ceci répond à une attente mainte fois exprimée, à le faire évoluer. Merci de nous faire connaître vos avis,
savoir faciliter l’accès d’un public francophone aux remarques et suggestions aux adresses suivantes :
écrits et analyses émanant d’autres coopérations. ➤ gilles.beville@diplomatie.gouv.fr
➤ poursat@gret.org

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
5

Un texte introductif très complet ! sentielle pour établir la confiance minimale requise
pour collaborer : c’est le « capital social ».
« Les clusters industriels et la promotion des PME Cinq cas d’étude de clusters contribuant au déve-
dans les pays en développement », « Industrial clus- loppement économique vous sont exposés. De plus,
ters and SME promotion in developing countries », des programmes de « bonnes pratiques » en ma-
Eileen Fisher, Rebecca Reuber, Secrétariat du tière de développement des PME sont exposés au tra-
Commonwealth1, note de la série Commonwealth vers de deux fonctions du développement :
Trade and Enterprise Papers, 2000. ➤ le renforcement des capacités de l’entreprise :
Ce livre fait partie d’un programme de conseil et de programmes de formation CEFE (ce qui signifie Éco-
formation que mène le secrétariat du Common- nomies basées sur les Compétences, Formation
wealth sur la compétitivité industrielle et le déve- d’Entreprise) de la Coopération allemande, chèques-
loppement des PME dans ses pays membres. Il vise conseil, Centres d’information technique de l’Onudi
à encourager la discussion et à permettre aux pays (SPX : ce sont 54 centres dans 30 pays, qui propo-
du Commonwealth de mieux comprendre les poli- sent des informations techniques et permettent aux
tiques visant à la croissance des PME et à leur com- entrepreneurs, fournisseurs et sous-traitants de se
pétitivité dans un environnement économique inter- rencontrer) ;
national de plus en plus ouvert. Le cluster y est défini ➤ le renforcement des capacités du cluster : déve-
en intégrant la dimension géographique. loppement de services, de réseaux.
Ce livre nous présente en premier lieu les PME et les Les auteurs traitent ensuite de l’optimisation de l’of-
clusters ainsi que leur rôle dans le développement fre de services d’appui aux PME sous plusieurs angles :
économique ; il définit et caractérise chacun et jus-
➤ les principes d’une conception de l’offre efficace
tifie leur promotion. Le soutien non financier aux
sont l’orientation par la demande, la viabilité, la
PME (information, formation, mise en relation, ser-
conception de programmes personnalisés, une ap-
vices à l’entreprise) est justifié par la volonté crois-
proche participative, la stimulation de la compéti-
sante de proposer aux entreprises des services qui
tion, le développement de réseaux entre les four-
les rendent compétitives et indépendantes. Par cette
nisseurs de services, et les analyses de coûts/
approche, les services et politiques visent à com-
bénéfices ;
bler des failles de marché qui désavantagent les
➤ les facteurs limitant l’utilisation efficace de BDS
PME. Quant aux clusters, leur promotion est justi-
fiée non seulement car elle intègre cette concep- sont les lourdeurs administratives, la mauvaise seg-
tion, mais aussi par deux principales raisons : d’une mentation et le ciblage non approprié du marché,
part les entreprises apprennent de leurs relations la communication inefficace ;
avec les autres entreprises (avec leurs clients/four- ➤ la mesure des résultats des BDS se fait en termes
nisseurs ou entre entreprises similaires), et d’autre de portée, d’efficacité, d’efficience (rapport coût/ef-
part une compréhension/cohésion commune est es- ficacité) et de pérennité.
Enfin, les auteurs concluent par l’importance de
maintenir un équilibre : entre les besoins généraux
1 NDT : le Commonwealth est une organisation multilatérale qui
et ceux spécifiques du cluster ; entre les approches
compte 54 pays membres qui travaillent ensemble aux niveaux
traditionnelles des services et celles fondées sur le
gouvernemental et non gouvernemental sur un grand nombre
de dossiers comme la promotion de la démocratie, du bon gou- marché ; et entre les dynamiques à court terme et
vernement et des valeurs humaines fondamentales. celles à long terme du cluster.

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Idées, concepts et politiques ■

Clusters : l’expérience
italienne et ses
enseignements pour
The Italian SME
les pays émergents
experience and
possible lessons
for emerging
countries,
par Patrizio Bianchi,
Lee M. Miller, Le modèle industriel italien est reconnu ment de biens de consommation, sou-
Silvano Bertini, dans le monde entier comme un exem- vent en lien avec l’industrie de la mode,
ple de développement endogène, basé ou d’autres produits considérés typique-
Italie, mars 1997.
sur des petites et moyennes entreprises ment italiens. Les PME italiennes sont
(PME) compétitives et fortement ancrées également de gros exportateurs de pro-
dans leurs communautés. Quelles sont duits alimentaires et agro-industriels.
les possibilités de reproduire la compé- Certains producteurs de biens intermé-
titivité et la stabilité sociale par le biais diaires sont également des exportateurs
de ces mécanismes dans d’autres parties de longue date. Les entreprises de pro-
du monde ? Cet article tente de mettre duction textile de Prato, près de Florence,
en avant les principales caractéristiques constituent peut-être l’exemple le plus
de l’expérience italienne et d’en tirer des célèbre. L’Italie est également un expor-
leçons pour les pays émergents et les tateur phare de machines-outils, de ma-
programmes d’appui de l’Onudi. chines textile, de machines agricoles, etc.
Les exemples les plus probants sont les
machines agricoles produites à Reggio-
Emilia et les machines automatiques de
Texte rédigé par Bologne.
LA SPÉCIFICITÉ
Nomisma (Italie) et Pourquoi les petites entreprises italien-
publié par l’Onudi DES PME ITALIENNES
nes sont-elles si compétitives ? La réponse
(Organisation
se trouve dans leur regroupement. Ces
des Nations unies
pour le développement entreprises ne doivent pas être regardées
L’importance des PME en Italie comme des entités individuelles mais
industriel).
comme appartenant à des groupes d’en-
L’Italie est connue pour sa forte concen- treprises, ou clusters (voir la définition
tration de petites entreprises : 98 % de dans le glossaire) qui leur permettent de
ses entreprises industrielles compren- réaliser ce qu’elles ne parviendraient ja-
nent moins de 100 employés. La taille mais à faire individuellement.
moyenne d’une entreprise industrielle Le terme de cluster tel qu’il est utilisé
italienne est de 7 employés. L’Italie est dans ce document englobe aussi bien les
un cas unique dans l’Union européenne groupes composés exclusivement de
car son économie se caractérise par un micro-entreprises et de PME que ceux
coût du travail et un PIB par habitant éle- qui incluent des grandes entreprises et
vés, associés à la présence majoritaire l’ensemble de leurs sous-traitants. Certains
de micro et petites entreprises. clusters peuvent être basés sur un pro-
Le modèle italien démontre qu’une forte cédé de production unique, tandis que
économie ne repose pas nécessairement d’autres regroupent une gamme d’acti-
sur de grandes entreprises. Les petites en- vités interconnectées. Les clusters per-
treprises italiennes reconnues au niveau mettent aux entreprises de collaborer de
international tendent à exporter des pro- façon intensive bien qu’un fort degré de
duits de haute qualité. Il s’agit générale- concurrence existe entre elles. Par exem-

Accédez au texte original sur : www.unido.org/userfiles/RussoF/Itexsum.pdf

6
Clusters : l’expérience italienne et ses enseignements pour les pays émergents 7

ple, elles se répartissent le processus de mes de flexibilité des entreprises. Elle plexe et ne peut être totalement englo-
production, divisé en phases distinctes ; permet aux entreprises d’être notamment bée par un terme générique.
des petites entreprises spécialisées se par- flexibles sur la taille de leur production Les auteurs classifient trois catégories de
tagent le processus de production et s’as- puisqu’elles peuvent organiser la réponse cluster : embryonnaire, consolidé et ma-
socient, en fonction des besoins du mar- aux commandes de manière flexible, ture. Ces catégories correspondent sou-
ché. Ce modèle permet une grande sous-traiter davantage de travail en cas vent à l’âge du cluster, mais pas toujours.
flexibilité et des réponses rapides aux be- d’accroissement de la demande, et moins Certains clusters ne parviendront pas à
soins du marché que les grandes entre- si la demande diminue. dépasser le stade embryonnaire tandis
prises ne sont souvent pas en mesure d’of- Ce type de collaboration requiert de la que d’autres, récents, atteindront rapide-
frir. Il est important ici de préciser que coordination. Les clusters sont généra- ment le stade de la consolidation ou de
ces entreprises sont interdépendantes lement dotés de la présence de structu- la maturité.
mais n’entretiennent pas nécessairement res institutionnelles chargées d’organi- ➤ Un cluster est embryonnaire quand
de relations de dépendance formelle les ser l’activité économique du pôle. Les son activité se limite au marché local ou
unes par rapport aux autres. études de cas italiennes révèlent que ces régional. Il est constitué d’entreprises qui
Le nombre de clusters italiens varie selon structures jouent un rôle clé dans la fa- sous-traitent pour des grandes entrepri-
les sources. Les statistiques de 1995 de cilitation des activités de coopération ses, généralement situées hors du contex-
l’Istat (Institut central des statistiques) in- entre les entreprises, et entre les entre- te local.
diquent l’existence de 199 clusters, em- prises et les institutions. La forme que
➤ Un cluster est consolidé quand il est
ployant 42,5 % des travailleurs de l’in- prennent ces institutions varie selon le
en mesure de conquérir un marché plus
dustrie. cluster, mais leur rôle de catalyseur des
large et compte davantage d’entreprises
collaborations reste le même. À Parme,
à la spécialisation accrue. Cette consoli-
on aura par exemple le Consortium du
dation se traduit par l’acquisition d’une
Les secrets de l’avantage Parmesan, à Reggio-Emilia l’Association
identité plus affirmée en tant que cluster.
compétitif des clusters : des petits entrepreneurs, etc.
➤ La maturité d’un cluster s’accompagne
spécialisation, coopération L’organisation de la production et la pré-
d’une réelle capacité d’innovation, diri-
et flexibilité sence des structures institutionnelles inter-
gée vers la production de biens de plus
médiaires favorisent toutes deux la crois-
forte valeur ajoutée, dans la perspective
sance du système en encourageant
La spécialisation permet aux entreprises d’une expansion internationale.
l’entrée de nouvelles entreprises dans le
de concentrer leurs ressources sur ce qu’el- cluster. Grâce au réseau local, une nou- Un autre élément à considérer est la po-
les savent faire de mieux. Elle autorise un velle entreprise peut s’installer avec un sition géographique des systèmes de pro-
meilleur contrôle qualité. Cependant, elle capital limité (il lui suffit d’être en me- duction : dans des communautés rura-
suppose une répartition du travail entre sure d’assumer une des phases de pro- les, dans des villes de taille moyenne,
les entreprises. Une firme ne peut se spé- duction, ou l’une de ses composantes) et dans les zones industrielles de grandes
cialiser sur une certaine phase du pro- un risque d’échec limité (au moins au dé- villes.
cessus de production que si d’autres fir- part, l’entreprise n’a pas besoin de créer ➤ En général, les systèmes mis en place
mes à ses côtés se concentrent sur les de réseau commercial). Les structures dans les zones rurales se concentrent sur
phases complémentaires. L’avantage de intermédiaires fournissent les services un secteur unique de production, en rai-
la spécialisation concerne autant le clus- élémentaires d’appui aux entreprises, fa- son du manque de services qualifiés et de
ter comme entité que les entreprises in- vorisent une confiance accrue entre les ressources humaines à leur disposition.
dividuelles. Le développement d’un clus- entrepreneurs et garantissent de faibles ➤ Les systèmes basés dans les villes
ter s’accompagne d’une spécialisation coûts administratifs et légaux. Les études moyennes sont plus diversifiés, même
accrue des compétences techniques et de cas confirment que les zones où la s’ils s’inscrivent dans une même filière
commerciales des ressources humaines coopération entre entreprises est la plus technologique et/ ou ont une même cible
locales. Les travailleurs locaux, techni- intense sont celles où la présence des commerciale. Parfois, divers systèmes de
ciens, gestionnaires et consultants pas- structures intermédiaires est la plus forte. production sont présents dans la même
sent fréquemment d’une entreprise à l’au-
zone en même temps.
tre. De même, les infrastructures et les
➤ Les systèmes situés dans des grandes
instituts de formation au sein du cluster
Les divers modèles villes, au-delà de leur diversification, ont
se spécialisent fortement. Le savoir-faire
accumulé au niveau local est la princi-
du développement local aisément accès à des ressources humai-
pale motivation des nouvelles entreprises nes qualifiées, en raison de la présence
de production qui viennent s’installer. d’entreprises de services, d’universités et
De nombreux modèles de développe-
de centres de recherche, et disposent d’in-
Cette manière de travailler suppose un ment local ont été réunis sous le terme
frastructures suffisantes.
très haut degré de collaboration entre les de cluster. Une meilleure connaissance
firmes. Cette collaboration est impor- du phénomène révèle que malgré les si- Notons également qu’un cluster peut être
tante non seulement en termes de dispo- militudes entre les systèmes, la réalité isolé ou implanté au sein d’un cluster
nibilité des ressources mais aussi en ter- des regroupements de PME est plus com- plus vaste, régional, auquel il serait lié

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Clusters : l’expérience italienne et ses enseignements pour les pays émergents 8

par des similarités technologiques ou Les conditions nécessaires vention doivent être continuellement sui-
commerciales. C’est le cas de l’anneau à la mise en place de PME vies et évaluées. Afin d’obtenir un
de clusters qui entoure Florence, tous liés compétitives consensus, elles devraient être conçues
à l’industrie de la mode. par les divers acteurs du développement
Enfin, les clusters sont en constante évo- local. Malgré la nécessité de souplesse
Le développement des PME doit être
lution. Ces dix dernières années, les clus- des programmes d’action, certaines gran-
avant tout considéré comme un phéno-
ters ayant atteint la maturité avaient ten- des lignes peuvent être dessinées en fonc-
mène spontané, guidé certes par des po-
dance à accroître leur niveau de tion du stade d’évolution des clusters.
litiques d’action gouvernementales, mais
concentration industrielle (par le biais
non pas déterminé par elles. La création
de fusions-acquisitions). Pendant ce ● Les clusters embryonnaires
d’entreprise est généralement mue par
temps, d’autres clusters se créaient, par- Les zones géographiques caractérisées
des choix autonomes et individuels, dans
ticulièrement dans le sud de l’Italie ; cer- par des groupes d’entreprises apparte-
des contextes économiques et sociaux
tains à partir d’activités traditionnelles nant au même secteur peuvent être consi-
souvent dominés par l’incertitude. Au
et d’autres par la mise en place de ré- dérées comme des clusters potentiels.
moment de penser des programmes d’ac-
seaux de sous-traitance par les entrepri- Ces zones peuvent aussi bien regrouper
tion en faveur de la création d’entreprise,
ses du nord du pays. des artisans spécialisés que des groupes
il est nécessaire de créer les conditions
favorables à la formation d’entreprises d’entreprises sous-traitantes, ou bien en-
via des initiatives spontanées. Pour ce core des usines d’entreprises étrangères
faire, les barrières institutionnelles doi- localisées dans des zones industrielles
LEÇONS À RETENIR DU vent être baissées et un climat positif gé- spécialisées.
FONCTIONNEMENT DES PME néré en termes de perspectives de mar- La probabilité que ces regroupements
ET DES POLITIQUES chés et de profits. d’entreprises se développent en clusters
MISES EN PLACE EN ITALIE Les considérations macro-économiques dépend d’une série de variables com-
évoquées ci-dessus doivent être envisa- plexes. Si la plupart des conditions sont
gées parallèlement à des initiatives plus réunies, ces regroupements de firmes
Est-il possible de tirer des leçons de ce localisées dont l’objectif est la promo- peuvent être considérés comme des clus-
modèle afin de les appliquer aux pays tion spécifique des clusters. Ainsi, la ters embryonnaires.
émergents ? Peut-on développer une mé- conception et mise en place d’un pro- La phase embryonnaire est bien sûr la
thodologie générale de développement gramme d’action en faveur des clusters plus délicate. À ce stade, les concepteurs
des PME à partir de l’expérience ita- devrait s’appuyer sur l’analyse de la si- des programmes d’appui doivent avant
lienne ? Ces questions ne sont pas nou- tuation macro-économique. Une ana- tout :
velles et les réponses peu simples. lyse de la zone d’intervention ciblée de-
vrait également influer le programme ➤ éliminer les obstacles à l’expansion
L’expérience italienne est là pour dé-
d’action. de la production et à la création d’en-
montrer que la mise en place d’un même
treprises (simplifier les procédures ad-
programme d’action dans plusieurs
ministratives, créer les infrastructures né-
contextes donnera des résultats écono-
Trois types de clusters, trois cessaires à l’installation de firmes indus-
miques différents en raison de la diver-
types de programmes d’action trielles, mettre en place des structures
sité des caractéristiques culturelles, so-
d’appui judiciaires) ;
ciales et institutionnelles du contexte.
Les programmes d’action doivent donc L’examen de l’expérience italienne ré- ➤ appuyer les entreprises locales en ter-

être souples et dynamiques, ouverts à vèle que pratiquement aucun cluster n’a mes de commercialisation et de promo-
toute sorte d’industrialisation tant que été créé suite à un programme d’action tion des produits locaux sur de nouveaux
celle-ci assure compétitivité, multipli- spécifique. Tous ont débuté comme des marchés, afin de donner une opportu-
cité des acteurs économiques et stabi- mécanismes spontanés d’adaptation au nité au système local de se spécialiser ;
lité sociale, telles qu’observées dans les marché. Les clusters évoluent avec le ➤ mettre en place des outils financiers
clusters les plus performants. temps : ils croissent, se transforment, pour les micro-entreprises si nécessaire.
L’expérience italienne nous apprend que s’ouvrent aux relations externes, se ré- Dans le contexte italien, la création d’en-
la formation de clusters implique : organisent ou déclinent. Le rôle des po- treprises a été facilitée par la présence de
litiques d’action consiste à accompagner capitaux accumulés au sein des familles,
➤ des pré-conditions macro-écono-
le processus d’évolution des clusters vers tant rurales qu’urbaines. Les pays émer-
miques et macro-institutionnelles ;
la consolidation, l’innovation technolo- gents sont souvent affectés par la pau-
➤diverses stratégies selon le stade de gique, l’internationalisation, etc. vreté en zone rurale et périurbaine, ce qui
maturité du cluster ;
Ce processus évolutif implique une adap- limite sévèrement les possibilités de créa-
➤des municipalités et structures inter- tation des politiques d’action en fonc- tion d’entreprises. La création d’entrepri-
médiaires actives ; tion du degré de développement des clus- ses dans ce contexte, même basée sur des
➤ une grande variété d’outils d’action et ters. Afin de permettre leur ajustement technologies simples, présente une réelle
d’acteurs. au niveau local, ces politiques d’inter- problématique car les ressources finan-

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Clusters : l’expérience italienne et ses enseignements pour les pays émergents 9

cières informelles sont rares et l’accès aux Suggestions de politiques trielle, de la décentralisation de la pro-
ressources institutionnelles difficile. d’intervention propres duction et de la promotion de la sous-trai-
à créer un environnement tance, particulièrement auprès des entre-
● Les clusters consolidés favorable aux PME prises étrangères et des grandes firmes ;
➤ la circulation de l’information concer-
Une fois passé le stade embryonnaire,
les clusters doivent entrer dans des dy- nant les lois d’incitation à la formation
Les PME sont souvent des acteurs éco-
namiques d’innovation. De nombreux d’entreprises, l’investissement et l’offre
nomiques faibles considérées individuel-
clusters risquent le déclin à ce stade, s’ils de microcrédit.
lement, mais elles peuvent devenir ex-
ne sont pas en mesure d’innover en ter- trêmement compétitives si elles travaillent Le second groupe d’actions d’interven-
mes de produits, de processus et d’or- dans un environnement favorable, c’est- tion comporterait :
ganisation. à-dire qui leur offre la complémentarité, ➤ la promotion des produits locaux sur
Au cours de cette phase, les deux pro- des activités communes, des biens col- les marchés étrangers ;
blématiques principales sont la réduc- lectifs et la stabilité institutionnelle. ➤ l’offre de formations spécifiques aux
tion des coûts et des risques liés à l’in- Dans les pays émergents, cet environ- procédés de production et à la gestion
novation. Les entreprises individuellement nement favorable doit être initié à partir des affaires, au travers de centres tech-
ne peuvent se permettre d’investir sur l’in- d’un plan stratégique d’action conçu sur niques et d’instituts de formation ;
novation car elles craignent d’être vite li- le long terme et comprenant deux ni- ➤ l’incitation à la création de réseaux
mitées par la concurrence locale. veaux d’action : d’entreprises et à la mise en place de ser-
Le rôle des politiques d’intervention dans ➤ le premier vise à promouvoir le déve- vices collectifs, au travers de centres de
ce contexte est de créer une identité com- loppement des PME en général, sans spé- services à l’offre sectorielle ;
mune aux entreprises locales, même cification sectorielle ; ➤ l’apport de soutien et conseil tempo-
concurrentes. Une fois celle-ci établie, raires en termes de gestion pour les PME
➤ le second consiste en des actions spé-
il est plus facile d’entreprendre des ac- locales ;
cifiques en fonction des secteurs d’acti-
tivités communes en termes de recher-
vité, dont les objectifs sont d’accroître ➤ l’offre d’appuis financiers sur le moyen/
che, formation, information sur les nou-
la compétitivité du cluster, de promou- long terme pour permettre aux entreprises
velles technologies, matériel innovant,
voir la mise en place de réseaux et la d’acheter des équipements techniques, d’a-
amélioration de la qualité et de l’effica-
coopération entre entreprises, d’amé- voir recours à des cabinets de conseil, etc.
cité, recherche de nouveaux marchés,
liorer la qualité des produits, etc. ➤ la spécialisation et l’amélioration de
approches commerciales, etc.
Ces deux niveaux d’action reflètent deux la qualité des infrastructures ;
À ce stade, des infrastructures propres
manières d’aborder le domaine, ils ne ➤ la création de liens internationaux pour
au transfert de technologies et à l’apport
constituent pas de séquence chronolo- les entreprises locales, avec la possibi-
de services doivent être mises en place.
gique. lité de fusions au travers de programmes
Renforcer l’environnement économique de collaboration internationaux ;
● Les clusters matures
est une pré-condition nécessaire à l’appui ➤ l’attraction d’investissements étrangers ;
Un cluster est arrivé à maturité quand il aux clusters. Le premier pas consiste à ana-
➤ la mise en relation des entreprises lo-
dispose d’une capacité d’innovation for- lyser la situation locale et à partir de là à
tement endogène. L’internationalisation cales avec des universités et centres de
considérer les obstacles à éliminer, les
devient alors une nécessité. Les possibi- recherche ;
meilleures stratégies de promotion, etc.
lités de croissance quantitative au niveau ➤ le renforcement des identités locales
Le premier groupe d’actions d’appui au
local sont limitées. et la stimulation de la circulation de l’in-
développement des PME inclurait :
Les systèmes tendent à se concentrer sur formation au travers des associations
➤ la construction d’infrastructures de d’entrepreneurs ;
des activités de plus forte valeur ajoutée base au niveau local (zones industriel-
et davantage spécialisées, et peuvent re- ➤ la stimulation de réseaux de collabo-
les, routes, eau, électricité, télécommu-
chercher la collaboration de systèmes ration institutionnelle au niveau inter-
nications) ;
externes complémentaires pour accroî- national.
➤ l’offre de formations professionnelles
tre leur degré de spécialisation. À ce
et la promotion de la culture entrepre-
stade, des initiatives de coopération entre
neuriale ;
clusters basés dans diverses régions et
parfois même divers pays se forment, ➤ l’offre de services aux micro-entrepri- Le rôle crucial joué par les
ainsi que des collaborations entre en- ses du secteur informel, afin de les inci- gestionnaires intermédiaires
treprises et institutions. ter à rejoindre le secteur formel ;
Les politiques d’intervention doivent se ➤ la réduction des coûts administratifs Les gestionnaires intermédiaires peuvent
concentrer sur la construction des in- et de la complexité des procédures bu- être toute organisation qui a un impact
frastructures modernes nécessaires à une reaucratiques pour les entreprises ; direct sur la vie économique : des agen-
action sur le marché international (trans- ➤ la privatisation des entreprises étatiques ces gouvernementales, des centres d’af-
ports et télécommunications). par le biais d’une réorganisation indus- faires, des associations d’entrepreneurs,

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Clusters : l’expérience italienne et ses enseignements pour les pays émergents 10

le système bancaire, des coopératives, économique et les stratégies d’ouverture confiance s’installe, qui facilite le dia-
des entreprises clés, etc. des marchés. La création et la réouver- logue, les transactions et la coopération.
Souvent, diverses institutions sont en re- ture de marchés doivent être menées gra- Ceci est un des facteurs clés du succès
lation avec les entreprises dans les clus- duellement et prudemment, afin de pré- des clusters italiens.
ters. Dans les clusters consolidés, un ges- venir les problèmes économiques et Les efforts de promotion des clusters de
tionnaire intermédiaire unique agit sociaux que cela pourrait poser. Les po- PME dans les pays émergents devraient
généralement comme point de référence liti- ques d’intervention devraient avoir s’organiser autour de quatre étapes fon-
pour l’ensemble des acteurs du cluster lieu sur le long terme, afin de permettre damentales :
et pour ceux basés à l’extérieur du clus- une mise en place progressive des chan-
➤ identification des clusters potentiels
ter également. gements macro-économiques et ce pour
et conception de projets pilotes pour leur
éviter notamment que les quelques gran-
Le niveau d’intervention approprié du développement, avec l’aide d’experts
des entreprises compétitives ne ferment.
gestionnaire intermédiaire auprès des internationaux ;
PME est le niveau local et régional. Les Les interventions dans les pays émer-
➤ analyse détaillée des contextes éco-
gestionnaires intermédiaires font partie gents présentent toujours le risque que
nomiques et institutionnels dans les zones
intégrante du système : ils sont proches l’appui financier et les programmes de
déterminées ;
des entreprises, accessibles et bien in- développement disponibles bénéficient
une fois de plus aux entreprises qui en ➤ renforcement des politiques de ges-
formés de leurs besoins. Ils ont des
ont le moins besoin ; soit en raison d’un tion locale à travers l’identification d’ins-
contacts avec des structures extérieures
manque d’information, soit parce que titutions leader, de programmes de for-
et jouent l’interface entre elles et les en-
les entreprises qui en ont vraiment be- mation, d’assistance technique décentra-
treprises du cluster.
soin ne sont pas en mesure de répondre lisée, de développement des ressources
L’efficacité des gestionnaires intermé- humaines, d’appui technique et finan-
de manière adéquate aux opportunités
diaires est liée au degré de développe- cier pour les nouvelles entreprises et d’ac-
qui se présentent. Dans cette opération
ment du cluster. Les clusters les plus dé- tivités collectives telles que les coopé-
délicate, la priorité est de ne pas créer
veloppés disposent généralement d’un ratives et consortiums ;
ou agrandir le fossé entre les entreprises
soutien institutionnel plus efficace.
innovantes et internationales et celles ➤ développement de la collaboration
Le renforcement d’un environnement liées à des activités ou des secteurs plus entre clusters par la mise en relation des
institutionnel positif suppose : traditionnels. Cette division est indési- entreprises et institutions locales avec
➤ la mise en réseau des acteurs fonda- rable non seulement car elle va à l’en- les réseaux/marchés internationaux.
mentaux au niveau local, afin d’éviter la contre de la croissance économique, Le principal élément à retenir de l’ex-
dispersion des ressources et d’accroître mais aussi parce qu’elle est susceptible périence italienne est certainement la
l’efficacité des interventions et l’inté- de créer de fortes tensions sociales pou- nécessité de renforcement ou de créa-
gration des diverses composantes de l’é- vant détériorer le processus de déve- tion d’un environnement favorable au
conomie locale dans le système ; loppement dans son ensemble. développement des dynamiques éco-
➤ de favoriser l’émergence d’institutions Un environnement qui puisse appuyer nomiques. Dans les pays émergents, la
locales qui agissent en catalyseurs et dé- la croissance des entreprises doit donc conception de politiques qui appuient
finissent les règles du développement être établi. Les PME en ont particulière- la formation de gestionnaires intermé-
stratégique pour le cluster en partenariat ment besoin en raison de la limitation diaires et de prestataires de services aux
avec divers acteurs locaux. de leurs ressources propres. Entourées PME est particulièrement importante.
Le succès du processus de renforcement de facilités de formation, de recherche, L’existence de ces organisations est cru-
institutionnel dépend grandement de la de centres d’affaires, de structures ad- ciale en raison de leur rôle de catalyseur.
conscience qu’en ont les institutions lo- ministratives décentralisées, de cabinets Seul un environnement institutionnel ca-
cales et les individus qui les composent. de conseil, etc., les PME sont beaucoup pable d’offrir la stabilité sociale et éco-
Communiquer autour d’exemples de plus à même de prospérer. nomique et les services externes néces-
consolidation institutionnelle réussie peut C’est dans ce contexte que les gestion- saires peut permettre à des PME de se
avoir un impact très positif sur la sensi- naires intermédiaires jouent un rôle pri- former, de survivre et d’apprendre à col-
bilisation à ces questions. mordial. Ce sont ces structures, ancrées laborer entre elles.
localement mais dotées de connections
régionales, nationales et même interna-
Quelques conseils tionales qui permettent aux PME d’être
des acteurs actifs, à la fois localement et
à l’intention des programmes
sur des marchés plus larges. Les PME bé-
d’appui aux PME de l’Onudi
néficient alors d’un environnement au-
dans les pays émergents quel elles se sentent appartenir. Quand
la communauté semble leur fournir tous
Repenser les politiques d’appui aux PME les éléments dont dépend leur croissance
dans les pays émergents implique de re- et leur permet d’intervenir dans la mise
penser les politiques d’ajustement macro- en forme de ces éléments, un climat de

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Idées, concepts et politiques ■

Une politique proactive


originale d’appui aux
réseaux : le cas danois

La réaction du gouvernement :
L’HISTORIQUE le programme de réseaux
DU PROGRAMME
Ce texte
est une compilation Le gouvernement danois part du cons-
de plusieurs textes : tat de l’expérience italienne : en Italie,
Des lacunes au niveau national les régions où l’emploi provient des pe-
● « Principles for promoting
clusters & networks tites entreprises se multiplient. La stra-
of SMEs », John Humphrey, En 1989, l’élimination des barrières doua- tégie des PMI du nord de l’Italie présente
Hubert Schmitz, Institute nières était déjà en ligne de mire avec ainsi une voie alternative pour atteindre
for Development Studies l’ouverture du marché unique européen la masse critique désirée. Le gouverne-
(IDS), étude commissionnée à venir en 1992. De plus, le Danemark ment danois définit le réseau comme la
par l’Onudi, no 1, octobre 1995 ; coopération entre entreprises en vue d’a-
connaît à cette période un déficit com-
● « Entreprenariat mercial croissant. méliorer leur compétitivité, et en parti-
et développement local », culier en vue de créer de nouvelles op-
Sergio Arzeni, Le programme est déclenché en 1989 par
la prise de conscience et la reconnais- portunités commerciales.
Jean-Pierre Pellegrin,
Développement territorial, sance que les PME sont au centre de l’é- Dès 1989, il décide de renforcer ses pe-
L’Observateur de l’OCDE conomie danoise et qu’elles sont mal tites entreprises en lançant un programme
no 204, février-mars 1997 ; équipées pour faire face à une concur- de création de réseaux afin de les en-
● des extraits du troisième rence devenant mondiale. Une étude courager à collaborer pour renforcer leur
texte de la partie « Idées, menée par McKinsey & Company pour compétitivité et leur permettre de s’im-
concepts et politiques », le gouvernement danois avait au préala- planter sur de nouveaux marchés en s’or-
traitant du concept de ble montré l’importance pour les petites ganisant en réseaux, en montant des pro-
cluster (page 14) ; jets communs, en utilisant les services
et moyennes entreprises (PME) d’attein-
● des extraits de l’étude de
dre une masse critique. Ceci découlait d’un médiateur. Le programme comporte
cas sur l’Inde : « Liens
de l’identification d’un problème princi- aussi un volet financier destiné d’une
stratégiques et avantage
compétitif : recherche-action pal : les 7 300 fabricants danois sont trop part à couvrir le coût d’une étude de fai-
sur les réseaux petits pour être compétitifs sur un mar- sabilité préliminaire, et d’autre part cou-
de petites entreprises en ché européen ouvert et concurrentiel. vrant jusqu’à 50 % des frais de gestion
Inde » (page 34) ; Le Danemark manque de « locomotives » du réseau. De plus, dans un effort pour
● des extraits de l’étude de
industrielles mais dispose toutefois de pe- promouvoir l’atteinte de la masse cri-
cas sur la Thaïlande : « Vers tique, le gouvernement a assoupli la ré-
tites et moyennes industries (PMI) bien
une stratégie glementation anti-trust.
de développement équipées et employant du personnel qua-
de clusters et de réseaux de lifié. Cependant, une des contraintes ma- Les projets conjoints mis en place dans le
PME en Thaïlande : note de jeures pesant sur les PMI danoises est leur cadre de ce programme peuvent avoir pour
discussion manque d’historique de coopération pour objet le développement d’une nouvelle
pour les partenaires » réagir ensemble à ces difficultés et s’or- gamme de produits, l’accès au marché ou
(page 39) . ganiser pour développer de nouvelles op- la mise au point de nouveaux processus
portunités commerciales. de production qu’une entreprise seule ne
pourrait réaliser. Des synergies entre les
entreprises sont alors imaginées pour éta-
blir des agents et des distributeurs sur de
nouveaux marchés et mettre en commun
des produits individuels en les intégrant à
des gammes complètes de produits.
Accédez aux originaux des deux premiers textes utilisés dans ce document :
www.unido.org/userfiles/PuffK/humphrey.pdf et www1.oecd.org/publications/observer/204/027-029f.pdf

11
Une politique proactive originale d’appui aux réseaux : le cas danois 12

pour l’industrie et le commerce, crée un Royaume-Uni), le programme a globa-


LES DÉFIS À RELEVER comité de pilotage du secteur privé. lement été un succès, et ce sous plusieurs
L’équipe est formée afin de développer angles :
un projet national de réseaux : campa- ➤ il a atteint en cinq ans une échelle de
Le programme de réseaux vise à stimu- gne médias pour placer le réseau au cen- 5 000 entreprises impliquées dans la for-
ler massivement les entreprises danoises tre du discours commercial national, im- mation de réseaux, sur un groupe cible
afin de surmonter leur résistance à la plication des leaders commerciaux sur de 10-12 000 entreprises ;
coopération. tous les aspects du programme, pro-
➤ ce décollage en force a permis d’in-
Le gouvernement danois a commencé gramme de formation de médiateurs,
tégrer le réseau à la culture commerciale
par mettre en place une bourse « ré- bourses « défis » pour les réseaux inno-
danoise. L’idée et souvent aussi la pra-
seaux », assez souple à obtenir. Il s’est vants, et palette d’incitations pour que
tique se sont répandues largement et le
attaché à changer la culture commer- les entreprises établissent des réseaux
réseau est devenu une option naturelle
ciale identifiée comme plutôt indivi- qui leur permettent d’exporter plus. La
pour considérer les nouveaux défis com-
dualiste en organisant un comité de pi- communauté d’affaires réagit en premier
merciaux ;
lotage du secteur privé cherchant à lieu négativement. Le comité de pilotage
cherche par tous les moyens à atteindre ➤ l’enquête intermédiaire a révélé que
joindre les PME par tous les médias pos-
les PME de tout secteur et à toute loca- 75 % des entreprises participantes esti-
sibles. Il a recruté et formé des média-
tion : journaux, présentations télévisées, ment que le réseau améliore leur capa-
teurs pour les réseaux, provenant es-
conférences, présentations aux organis- cité concurrentielle. 90 % souhaitaient
sentiellement de cabinets de conseil
mes professionnels, courriers directs aux continuer la pratique du réseau au-delà
privés, de centres de transfert de tech-
entrepreneurs. de la période du subventionnement.
nologies, de cabinets d’expertise comp-
table et banques commerciales. Les résultats sont en effet encourageants :
moins de 18 mois après le début des for-
De nombreuses difficultés doivent alors
Recruter et former mations, à la fin de la première phase
être surmontées :
des médiateurs du projet, plus de 3 000 des 7 300 fa-
➤ afin de créer un intérêt pour le réseau,
bricants danois sont activement impli-
il faut montrer des exemples d’initiati- qués dans un ou plusieurs réseaux, for-
ves pertinentes et qui touchent les peti- Parmi les candidats au programme de
mels ou non : transformation alimentaire,
tes entreprises locales ; formation de médiateurs de réseaux, 40
habillement, meubles, travail du métal,
sont sélectionnés et formés (ils paient
➤ le second point critique est d’identi- machinerie sont représentés, ainsi que
pour suivre le cours) durant des séries
fier une idée de réseau qui soit viable ; d’autres secteurs. Avec la croissance du
de séminaires de deux jours, compre-
➤ ensuite, il s’agit de convaincre un nombre de réseaux, et lorsque que leur
nant essentiellement des études de cas
groupe d’entreprises de se lancer dans impact sur les exportations des PME de-
afin que leurs connaissances puissent
cette idée et de faire en sorte qu’elles vient évident fin 1991, le ministère du
être rapidement opérationnelles. Une ca-
s’approprient le projet et sa progression ; Commerce et de l’Industrie se retire en
ractéristique notable du modèle danois
annonçant « les réseaux ont pris leur
➤ enfin, il faut les persuader de l’intérêt est que le rôle de médiateur est assumé
envol au Danemark et fonctionnent à
et de la nécessité d’une étude de faisa- par un particulier indépendant qui guide
présent indépendamment »1.
bilité préalable à la poursuite du projet. le processus de coopération entre les en-
treprises. Ce projet a ainsi rapidement réussi à faire
Ces défis sont les difficultés à surmonter
coopérer des entreprises qui au départ
qui ont été confiées aux médiateurs de
avaient une culture commerciale assez
réseaux. À cette fin, des cas de « meil-
hostile envers lui en développant un sec-
leures pratiques » leur ont été donnés
teur privé chef de file, en assurant la cou-
sous forme de méthodologies, d’outils
LES RÉSULTATS verture de l’information, une bourse
et de matériels de promotion.
« défi », et une formation pour créer une
offre en « catalyseurs » (les médiateurs).
Le succès est au rendez-vous… Le résultat, c’est que ce projet a démontré
que le réseau est une stratégie commer-
LA MISE EN ŒUVRE ciale appropriée dans les nations indus-
L’initiative danoise de réseaux a pris fin,
en tant que programme subventionné trialisées où les entreprises ont soit des
par le gouvernement, en 1993. D’après ressources limitées soit des difficultés à
Changer la culture commerciale l’évaluation intermédiaire (conduite par atteindre le seuil d’efficacité dans leurs
Gelsing & Knop, 1991) et des vues d’ob- opérations clés.
Première étape, donc, créer une culture servateurs externes (Pyke, 1994) et inter-
de coopération entre les entreprises da- nes (information orale et écrite fournie
noises par la participation et l’informa- par Martinussen, DTI Business Network 1
« Networking has taken a life on its own in
tion. L’opérateur du ministère, l’Agence Centre, Danemark, et Business Net, Denmark ».

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Une politique proactive originale d’appui aux réseaux : le cas danois 13

… Mais dans quelle mesure ? modèles, et formation pour créer une


offre de médiateurs de réseaux. Ces trans-
ferts de l’expérience danoise signifient
La première évaluation formelle des ré-
qu’il y a d’une part une recherche conti-
seaux danois, le rapport Amphion (1996),
nue pour l’amélioration des pratiques et
relativise ces premières conclusions. Ce
pour leur adaptation à différents contex-
rapport, salué pour sa contribution à l’a-
tes, et d’autre part que la réplicabilité est
mélioration de la situation économique
possible.
du pays (Flowcs Williams, 1996) qui avait
d’ailleurs débuté dès 1987, met en avant ➤ La question politique principale

les problèmes liés à la mesure de l’effi- concerne le degré de subventionnement.


cacité : Au Danemark, le programme a été, bien
que limité dans le temps, largement fi-
➤ bien que les deux tiers des entreprises
nancé par le gouvernement. Au contraire,
trouvent que les réseaux leur étaient bé-
au Royaume-Uni, les entreprises ont lar-
néfiques, les trois quarts des réseaux ont
gement payé pour les services. L’avantage
disparu à la date de l’évaluation ;
de l’exemple danois est qu’il a accéléré
➤ de plus, les trois quarts des fonds at- le décollage et a permis au programme
tribués n’ont pas été utilisés ou ont été d’atteindre plus aisément une grande
alloués à des projets qui n’existent plus échelle. L’exemple anglais présente lui
en 1996. l’avantage de provoquer une implication
Les conclusions étaient donc d’une part plus forte des entreprises participantes
que le programme avait échoué à ré- et donc d’encourager la pérennité du
soudre certains problèmes structurels, programme.
en particulier celui de la coopération
entre entreprises, et d’autre part, que la
mise en œuvre du programme avait été
inadéquate car il n’y avait pas eu de cible
spécifique autre la création « réussie »
des réseaux en elle-même. « Réussie »
étant défini selon des indicateurs prin-
cipaux d’évaluation du succès associés
d’une part à la continuité du programme
et d’autre part à la stabilité des structu-
res des réseaux (Neergaard et Nielsen,
1997).
La mesure de l’efficacité du programme
restait donc problématique.

Une expérience toutefois


réplicable et répliquée

➤ L’expérience danoise a servi de mo-


dèle et le savoir-faire en promotion de
réseaux a été exporté dans plusieurs au-
tres pays industrialisés : dans certaines
régions espagnoles, au Portugal, en
France, en Norvège, aux États-Unis, au
Canada, en Australie, en Nouvelle-
Zélande. D’autre part, il a aussi servi à
définir des politiques de réseaux dans
des pays en développement (voir entre
autres les études de cas que nous vous
proposons sur l’Inde et sur la Thaïlande)
et ses principales caractéristiques ont été
largement suivies : programme d’infor-
mation, bourses « défi » pour les réseaux

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Idées, concepts et politiques ■

Le concept de cluster :
les réseaux coopératifs et
la réplicabilité

The cluster
concept :
cooperative Les responsables politiques et chercheurs tinence de ce concept dans la gestion des
networks and accordent une importance croissante aux petites entreprises.
replicability, clusters industriels et réseaux, forme al-
Coral Ingley, 1999. ternative de collaboration des petites et
moyennes entreprises (PME). Le cluster et
le réseau en effet permettraient aux PME
LE CONCEPT DE CLUSTER
d’être plus compétitives sur le marché
mondial et d’atteindre collectivement des
objectifs qu’elles ne pourraient pas se fixer
individuellement en gagnant en échelle Le concept de cluster industriel de Porter
et en portée, ce qui auparavant était l’a- (1998) – présenté dans le glossaire – a
panage des grandes entreprises. fourni le cadre d’initiatives de réseaux
De plus, les PME jouent un rôle essen- dans plus de douze pays développés. Les
tiel dans la croissance des économies de liens entre les entreprises et l’adoption
marché. En particulier, elles contribuent de stratégies de coopération sont des
largement à la création d’emplois dans thèmes bien documentés, ce qui reflète
des pays tels les États-Unis, le Royaume- l’intégration croissante des marchés et
Uni, le Canada ou la Nouvelle-Zélande, des économies. Ce concept, développé
où les petites entreprises présentent un au XIXe siècle par Marshall, existe en pra-
taux de croissance de l’emploi supérieur tique depuis des siècles et a gagné en
aux autres. Elles jouent ainsi un rôle es- importance auprès des politiques en tant
Actes de la conférence que moyen permettant à des entreprises
sentiel dans la dynamisation des éco-
de Naples, ICSB de coopérer pour gagner un avantage
(International Council nomies nationales, encouragent les ex-
portations et le commerce régional et économique.
for Small Business).
international. Les districts industriels (définition dans
Ce document s’attache tout d’abord au le glossaire) de petites entreprises sont
fondement théorique de la formation du promus à partir du postulat que les in-
cluster, puis présente des études de clus- dustries traditionnelles ne sont pas vouées
ters en différenciant les clusters nouveaux à mourir : la production artisanale peut
des clusters matures. Les clusters matu- fournir un modèle pour une industrie de
res qui sont mis en débat proviennent haute technologie. Le succès des districts
respectivement d’Europe de l’Ouest et industriels en Europe serait fondé sur un
d’Amérique du Nord, où ils sont spon- système qui socialise le risque au travers
tanément nés et existent aujourd’hui. de nombreuses institutions publiques et
Cette étude présente ensuite les pro- privées.
grammes initiés ces dix dernières années Enfin, troisième notion, les réseaux (dé-
en Scandinavie et en Australasie1 en di- finition dans le glossaire). La création de
rection de clusters nouveaux. La dernière réseaux comme dispositif d’entraide entre
partie de ce document traite des ques- PME est, selon Arzeni et Pellegrin (1997),
tions conceptuelles émergeant du débat fondée sur le principe qu’un groupe d’en-
autour du modèle du réseau et de la per- treprises est mieux équipé qu’une en-
treprise (en particulier une PME), et que
1
NDT : ensemble géographique formé par la
l’action commune offre des ressources
Nouvelle-Guinée, l’Australie et la Nouvelle- dont l’entreprise individuellement ne
Zélande. peut pas bénéficier.

Accédez au texte original sur : www.sbaer.uca.edu/Research/1999/ICSB/99ics027.htm

14
Le concept de cluster : les réseaux coopératifs et la réplicabilité 15

familles s’introduisent dans les réseaux, portation, une version de ce modèle à


LES CLUSTERS NOUVEAUX ont des partenaires et accords commer- plusieurs phases a été développée. Le
ET LES MATURES ciaux multiples et partagent leurs risques premier tiers de l’initiative a consisté à
et récompenses. Comme dans les clus- créer des « groupes d’action commune »
ters européens, elles peuvent à la fois (« Joint action groups », ou « Jags »), qui
Pour comprendre les clusters matures, être fortement compétitives et collabo- sont des réseaux « souples » (« soft net-
beaucoup d’études se sont concentrées rer : elles ont de multiples connexions works »). Par la suite, des réseaux « durs »
sur les districts industriels européens, qui (ou « guanxi ») sous-tendant une struc- (« hard networks »), fondés sur l’appro-
représentent des clusters « naturels » ture typique de participations croisées, che des médiateurs danois, ont été éta-
(c’est-à-dire qui se sont formés seuls). de connections familiales, et un système blis. La différence principale entre ces
Ces clusters matures ont évolué dans le de pratiques commerciales complexes deux types de réseaux est que les Jags,
temps et sont profondément ancrés dans fondé sur les économies d’échelle et sur ou réseaux souples, abordent les ques-
leur contexte géographique, institution- les échanges commerciaux entre entre- tions générales du secteur, alors que les
nel et culturel. La majorité des études prises chinoises. réseaux durs se concentrent plus direc-
sur ces clusters présente les traits géné- Quant aux clusters nouveaux, les études tement sur la génération d’entreprises ad-
raux du modèle et se concentre sur ses se sont centrées sur ceux nés dans le ditionnelles rentables et sont générale-
différents aspects sous l’angle des attri- cadre d’un programme de développe- ment des centres de profits. Les Jags sont
buts et de leur importance dans l’éta- ment d’un secteur au niveau national. nationaux et sectoriels alors que les ré-
blissement du cluster. seaux « durs » concernent une zone géo-
Parmi ces programmes d’intervention, les graphique restreinte. Plus de 35 Jags et
Ainsi, Piore et Sabel (1984) ont étudié programmes scandinaves ont représenté plus de 100 réseaux durs ont été créés
les clusters de la région Émilie-Romagne un prototype pour d’autres interventions ces sept ou huit dernières années.
du nord de l’Italie – souvent qualifiée de dans les pays nordiques. Ainsi, Yla-Anttila
« Troisième Italie » – qui ont rendu la ré- Un trait commun à ces études (sauf pour
(1994) a étudié le développement du
gion prospère. Ils ont en particulier porté Rabellotti et Schmitz) est leur nature sta-
concept de cluster industriel en Finlande,
leur attention sur la spécialisation flexi- tique : elles sont descriptives et définis-
et a remarqué que les organisations au
ble dans la production. sent les attributs spécifiques d’un réseau
sein des clusters du pays, fortes et en ra-
à l’aide d’études de cas effectuées à un
Schmitz et Musyck (1994) ont eux consi- pide croissance, étaient fortement inter-
moment particulier. La recherche sur les
déré des clusters dans quatre régions en dépendantes et souvent en synergie.
programmes de développement de nou-
Europe et se sont attachés à étudier le
Chaston (1996) et Arzeni et Pellegrin veaux clusters a été limitée, peut-être de
rôle des institutions publiques et privées
(1997) ont décrit un modèle – inspiré de part la jeunesse de certains programmes
dans l’apport de crédit et de services
la « Troisième Italie » – à plusieurs pha- comme ceux d’Australie ou de Nouvelle-
d’appui. Les caractéristiques principales
ses développé par l’Institut technologique Zélande.
qui en sont ressorties sont les mesures
danois pour surmonter les faiblesses struc-
d’investissement dans les ressources hu-
turelles (en particulier la prédominance
maines et les programmes de formation.
de petites entreprises). Le programme
Rabellotti (1995) a mené une des quel- (1989-1992) cherchait à promouvoir la
ques études transnationales existantes survie et la croissance des PME et à com- LE DÉVELOPPEMENT
en comparant des clusters de fabrication penser la baisse des opportunités d’em- DE RÉSEAUX
de chaussures : deux en Italie et deux à ploi dans les grandes entreprises. Un trait ET LA PERFORMANCE
Mexico. Les similarités trouvées entre les caractéristique du modèle danois est que
clusters de ces deux pays étaient les fai- le rôle de médiateur est assumé par un
bles liens entre les entreprises et le rôle particulier indépendant qui guide le pro- Dans un réseau, stabilité et développe-
des organisations de soutien qui n’est cessus de coopération entre les entrepri- ment sont liés, et les périodes d’évolu-
pas apparu comme crucial. ses. Des expériences ont été menées d’a- tion graduelle, non linéaire, sont sou-
Schmitz (1995) s’est intéressé au même près ce modèle dans le Pays de Galles et vent suivies de changements radicaux.
secteur dans une région brésilienne et a au sud-est de l’Angleterre (1993), en Selon Axelsson et Easton (1992), un ré-
trouvé que la plupart des caractéristiques Norvège, et plus récemment au Canada, seau industriel est par nature dynamique
de ce cluster répondait au modèle éla- en Australie et en Nouvelle-Zélande. En et n’est jamais en équilibre : durant l’é-
boré par Rabellotti. Australie, le programme « Business net- volution graduelle, les éléments qui ont
En Chine, un grand nombre d’entrepri- work Programme » (BNP) a été établi au mené à la création du réseau sont ren-
ses coopératives sont liées entre elles par niveau national en 1994 pour aider les forcés et les acteurs cherchent à élabo-
des accords verbaux et par la confiance. entreprises à établir et développer des ré- rer des façons de faire, ce qui peut
Ces réseaux ressemblent fortement aux seaux, et visait à créer plus de mille ré- conduire à un réseau plus intégré. Par
exemples européens dans leurs attributs seaux en quatre ans. la suite, le changement radical peut pro-
essentiels : ils sont fondés sur la famille, En Nouvelle-Zélande, où comme en venir, à la fois de tensions internes au
le clan, la localité de naissance ou le Finlande on trouve quelques clusters pro- réseau ou d’un changement dans son
dialecte (Anwar, 1996, Tanser, 1994). Les ductifs capables de se développer à l’ex- environnement externe. Ces affirma-

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Le concept de cluster : les réseaux coopératifs et la réplicabilité 16

tions sont confirmées par la recherche soutien gouvernemental n’étaient pas ➤ il y a un biais dans la sélection, la lo-
empirique. assez pris en compte. Fulop (1997) a rap- calisation géographique étant en soi une
Ainsi, Sanexian (1995) a examiné les dy- porté, après enquête auprès de la moitié preuve de la présence d’avantages spé-
namiques structurelles et l’adaptabilité des entreprises impliquées, que le pro- cifiques locaux ;
de deux des plus importants clusters hors gramme était sain et rentable, d’après une ➤ la recherche n’a pas su différencier l’ac-
d’Europe : la Silicon Valley en Californie mesure sur les ventes, les niveaux de pro- tivité industrielle de l’activité organisa-
et la Route 128 entourant Boston, dans duction et les profits nets. Buttery et tionnelle. Lorsque l’on parle d’activité in-
le Massachusetts. Buttery (1997) ont étudié 22 réseaux aus- dustrielle, la proximité des partenaires et
traliens et ont trouvé que les réseaux ne la performance sont substituables. L’acti-
Les deux clusters sont nés dans les an-
répondaient pas aux attentes initiales de vité organisationnelle dépend quant à
nées 60 comme des lieux d’invention et
leurs membres : les réseaux qualifiés elle des ressources naturelles, qui ne sont
d’entreprenariat dans le domaine de l’é-
comme étant les meilleurs étaient ceux pas substituables ;
lectronique. Après une phase prospère,
où des aspects socio-relationnels tels la
ils ont été secoués dans les années 70 ➤ la mesure des performances est in-
confiance s’étaient développés.
par la concurrence japonaise pour la adéquate. En effet, aucun compromis
Silicon Valley, et par le développement Le programme a ainsi plus mis l’accent d’évaluation et de mesure des perfor-
des ordinateurs personnels concurren- lors de la phase de création du réseau mances des réseaux n’est atteint : il n’y
çant les fabricants de mini-ordinateurs sur l’assistance financière directe que sur a pas de critère de définition du succès
pour la Route 128. le soutien informel (qui a lui un rôle in- d’un programme de réseau.
direct), pourtant exprimé par les entre-
En 1991, la Silicon Valley – qui est pro- En se fondant sur la recherche de
prises comme plus utile.
che du modèle du cluster industriel (base Neergaard et Nielsen (1997) sur les pro-
très flexible d’entreprises qui peut donc Le rôle qu’un gouvernement doit jouer
grammes danois, il semble évident que
mieux réagir aux aléas économiques) – auprès des acteurs lorsqu’il établit un ré-
les indicateurs principaux d’évaluation
avait rebondi avec une nouvelle vague seau semble donc plus approprié dans
du succès d’un programme étaient as-
de petites entreprises prêtes à tirer pro- le domaine de l’assistance directe pour
sociés à sa continuité et à la stabilité des
fit des nouvelles opportunités de mar- établir des échanges d’informations et
structures des réseaux.
ché. La Route 128 n’a quant à elle pas des systèmes de veille concurrentielle et
l’assistance financière directe à ce stade ➤ La longévité ne peut pas servir de cri-
connu un tel renouveau. Dans son étude
n’est pas aussi importante. tère pour mesurer la performance du pro-
du cluster de fabrication de chaussures
gramme danois car beaucoup de réseaux
de la Sinos Valley au Brésil, Schmitz L’analyse de Goldfinch et Perry (1997)
n’ont pas survécu au programme. Sous
(1995) a conclu que dans ce cas d’étude, du programme de réseaux durs en
cet angle, le programme en Nouvelle-
un cluster, développé et organisé suivant Nouvelle-Zélande reste plus circonspect
Zélande n’était pas non plus une réus-
les marchés et l’organisation locale des quant à l’applicabilité du modèle danois
site, et on peut être plus mitigé pour
producteurs, augmente la capacité des et suggère que l’impact du programme
l’Australie (Akoorie, 1998). Selon Neer-
entreprises à s’adapter. Les réseaux d’en- dépend de la qualité des médiateurs lors
gaard et Nielsen, si on utilise comme cri-
treprises chinoises fondés sur la famille de la création du réseau. Akoorie (1998),
tère des facteurs non structurels, comme
rencontrent aussi les défis d’une concur- lui, cite Hawkins (1997) et conclut que
la rentabilité, la part de marché de l’en-
rence accrue et de marchés changeants. ce programme est un succès. Sur 71 ré-
treprise et l’amélioration de la compéti-
Tanzer (1994) et Anwar (1996) soutien- seaux, seulement 6 exportent, et selon
tivité individuelle, alors on peut faire une
nent que, bien qu’il y ait des exceptions, Hawkins, environ la moitié des réseaux
interprétation plus positive. Neergaard et
l’insistance à garder la propriété et la serait encore en développement.
Nielsen en concluent que les réseaux
gestion au sein de la famille tend à li- Enfin, peu de littérature existe concer- peuvent se développer en plusieurs sta-
miter la taille et la complexité que ces nant l’efficacité des réseaux industriels des : une première génération de réseaux
entreprises peuvent atteindre. sur la stimulation de l’exportation. artificiellement imposés peut servir au
Ainsi, si ces études indiquent que cer- développement d’une seconde généra-
tains clusters semblent pouvoir s’adap- tion de réseaux naturels. D’autre part, les
ter aux changements, elles ne dégagent concepts de durabilité et de longévité po-
aucun modèle ni ne présentent les condi- sent des problèmes additionnels en ter-
tions de succès d’un cluster. QUESTIONS CONCEPTUELLES mes d’évaluation des performances du
La première évaluation formelle des ré- réseau car les alliances en réseaux ne
seaux danois est le rapport Amphion sont pas forcément faites dans une op-
(1996), qui a fait ressortir que la mesure Le soutien au concept de réseau est loin tique de long terme et peuvent repré-
de l’efficacité du programme était pro- d’être unanime : la recherche sur les ré- senter un arrangement transitoire entre
blématique. seaux en relation avec les regroupements des partenaires du réseau.
En Australie, le Bureau of Industry industriels et les liens entre organisations ➤ Le changement structurel sur le long
Economics (BIE) a évalué en 1995 un pro- suggère que les prescriptions politiques terme n’est pas un critère valable, car, si
gramme de réseaux établi en 1990 et a défendant les regroupements sont par plu- l’on adopte une perspective de politique
conclu que les aspects non financiers du sieurs aspects imparfaites (Akoorie, 1998) : sectorielle, on ne peut dire si les pro-

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Le concept de cluster : les réseaux coopératifs et la réplicabilité 17

grammes de développement de réseaux dustriel ne peuvent pas être induites par


durs ont altéré la structure sectorielle en la politique. Akoorie (1998) pose aussi
promouvant la collaboration entre les en- la question de la mise en œuvre de la
treprises. Dans le cas du Danemark, l’a- collaboration entre entreprises.
mélioration économique semble être plus
une conséquence de changements dans
la politique macro-économique. Quant
aux initiatives en Australie et en Nouvelle-
Zélande, quatre années de recul sont in- CONCLUSIONS
suffisantes pour révéler un quelconque
impact majeur (Akkorie, 1998).
➤ Si les programmes australiens de ré- L’étude des réseaux inter-entreprises, en
seaux visaient à stimuler l’implication particulier parce qu’elle est liée à la po-
des plus petites entreprises à l’export, litique industrielle et au développement
l’impact a aussi été limité dans ce do- des compétences de petites entreprises,
maine : seulement 4 % des entreprises représente un domaine nouveau dans la
australiennes exportent et cela représente littérature sur la gestion. Cependant, le
en moyenne moins de 10 % de leurs re- paradigme du réseau est complexe et sa
venus (Akoorie, 1998) ; si 10 % des en- conceptualisation est incomplète. La lit-
treprises en Nouvelle-Zélande exportent, térature permet d’identifier une typolo-
95% des revenus à l’export sont géné- gie des structures des réseaux mais la
rés par seulement 150 entreprises. compréhension de la dynamique des ré-
Ainsi, bien que les fondements empi- seaux reste incomplète. Les débats sont
riques s’accordent et qu’il y ait certaines nombreux, en particulier sur la réplica-
caractéristiques clés communes, la théo- bilité du modèle de cluster et les poli-
rie sur les réseaux d’entreprises manque tiques, les évaluations des réseaux et les
dans ce contexte. Bien que les clusters mesures d’impact sur la performance
industriels de différentes régions aient sont critiquées.
des caractéristiques distinctes (dont beau- Le réseau peut valoriser la théorie du dé-
coup sont communes), la conceptuali- veloppement de la petite entreprise et a
sation de la politique industrielle et de des implications importantes sur la for-
la stimulation économique manque mulation des politiques et les pratiques
d’exemples empiriques. de gestion, qui doivent encore pour la
Concernant la conceptualisation du mo- plupart être explorées. Il reste beaucoup
dèle, la controverse est centrée sur la va- à apprendre sur l’efficacité des réseaux
riabilité d’un cluster à l’autre et sur l’u- et sur les effets des programmes conçus
nicité d’une part des attributs (socio- pour les initier. Les petites entreprises
culturels, historiques et spatiaux) de ont beaucoup à gagner de cette connais-
chaque cluster, et d’autre part des évo- sance qui leur permettra de mieux com-
lutions qui influencent leur structure et prendre les bénéfices en termes de com-
leur développement. Il est difficile de gé- pétitivité sur les marchés mondiaux que
néraliser les expériences, et l’incertitude leur collaboration peut leur offrir.
demeure quant à comment stimuler des
comportements coopératifs sans culture
de réseau.
Enfin, certains partagent le point de vue
que les facteurs associés aux clusters qui
réussissent ne seraient pas réplicables.
Amin (1989) cherche à savoir si les nou-
veaux districts industriels développeront
dans le temps les mêmes caractéristiques
que les districts qui ont le mieux fonc-
tionné, ou si une intervention externe
peut créer des réseaux à des endroits où
des conditions de base sont réunies. Il
défend l’idée que les composantes et les
relations complexes d’un système in-

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Idées, concepts et politiques ■

Les clusters de PME,


l’acquisition de capacités
technologiques
et le développement :
SME clusters,
acquisition
of technological
le concept, la pratique et
capabilities
and development :
les leçons politiques
concept, practice
and policy lessons,
Marjolein C.J. Caniëls
& Henny A. Romijn,
Pays-Bas,
février 2002. Ce document est une contribution au
débat politique sur la promotion d’une RECOUPER LES APPROCHES
croissance économique régionale et sur MICRO ET MÉSO
la compétitivité des petites et moyennes ÉCONOMIQUES
entreprises (PME) dans le cadre du dé-
veloppement. Un cadre analytique com-
prenant les points de vue complémen- L’approche méso-économique par l’ef-
taires des approches existantes est ainsi ficacité collective des entreprises et l’ap-
dressé et utilisé comme base de réfé- proche micro-économique par la capa-
rence pour la conception de la politique cité technologique de l’entreprise offrent
dans ces domaines. des points de vue qui se complètent lors-
Les deux approches existantes sont l’ap- qu’il s’agit d’étudier la compétitivité à
Soumis au Journal proche par l’efficacité collective au ni- long terme des PME.
of Industry, Competition veau méso-économique et l’approche Le schéma de la page suivante montre
and Trade. par la capacité technologique au niveau comment on peut recouper l’efficacité
micro-économique. L’approche intégrée collective, qui analyse les avantages pour
présentée dans ce texte a pour objectif une entreprise de faire partie d’un clus-
l’amélioration structurelle de la compé- ter industriel (et les répercussions pour
titivité régionale. le cluster des bonnes performances de
Ce nouveau cadre de travail permet de ses entreprises, et par effet de domino
déterminer comment on peut encoura- les avantages au niveau de la région), et
ger par le cluster (au sens de la défini- l’approche selon la capacité technolo-
tion de Schmitz donnée dans le glossaire) gique, qui étudie comment les proces-
l’apprentissage technologique au niveau sus internes à une entreprise affectent sa
de l’entreprise. Il offre aussi de nouvel- compétitivité à long terme. Une vaste
les directions politiques. Une étude em- palette d’avantages d’être en cluster pour
pirique d’une fabrique d’équipement les PME a été identifiée par de nom-
agricole dans la province de Punjab au breuses études ; en particulier la pre-
Pakistan illustre la valeur ajoutée de cette mière étude de cas que vous nous pré-
nouvelle approche. sentons (« les clusters d’entreprises
africains et l’industrialisation – de la théo-
rie à la réalité ») propose une réflexion
sur l’efficacité collective.

Accédez à un texte similaire des mêmes auteurs,


« SME clusters, acquisition of technological capabilities and development : a conceptual
framework » : www.tm.tue.nl/ecis/Working%20Papers/eciswp38.pdf

18
Les cluster de PME, l’acquisition de capacités technologiques et le développement 19

efforts d’investissement des entreprises


Intégrer les approches micro et méso-économiques :
pour maîtriser la production de ces nou-
une perspective analytique
veaux produits ; b) la présence de four-
nisseurs locaux spécialisés attirés par la
forte demande locale permet de baisser
Efficacité collective Capacité technologique
le prix d’intrants spécialisés ; c) la pos-
Pays
sibilité qu’ont les entreprises de rejoin-
Entreprise dre des réseaux d’innovateurs grâce aux
faibles coûts de transaction permettent
Cluster Effort technologique des avantages financiers par le partage
Proximité géographique des coûts et des risques ; d) de même,
des investissements collectifs plus im-
Apprentissage
portants sont possibles.
Avantages du regroupement
Les lignes III, IV, et V nous indiquent que
Capacités les effets de débordement des connais-
Entreprise technologiques sances d’autres entreprises peuvent com-
pléter les efforts internes d’une entreprise
Performance en les rendant plus efficaces.
Performance économique économique ➤ Les changements d’attitude et de mo-
du cluster de l’entreprise
tivation (ligne III) nous renvoient à l’ex-
position de personnes à de nouvelles
idées dans un environnement particu-
Performance économique Performance économique lier : c’est un processus qui agit sur leurs
du pays du pays
prédispositions mentales et va leur faire
préférer le changement à la stabilité.
➤ L’apprentissage informel sur le tas per-
met la formation de capital humain (ligne
IV) en agissant sur l’évolution des atti-
Comment les mécanismes qui permet- « spillovers effects ») de connaissances
tudes des personnes (ici sur l’attitude en-
tent aux entreprises de tirer des avan- (iii) par les changements de motivations
vers le travail). Tout comme le méca-
tages du regroupement (niveau méso- et d’attitudes, (iv) par la formation de ca-
nisme III, il implique un vaste effort
économique) se traduisent-ils au sein de pital humain (apprentissage informel sur
(colonnes A à D).
chacune (niveau micro-économique) en le tas / in situ), ou enfin (v) par le trans-
des efforts technologiques plus impor- fert de technologies. ➤ Enfin, le transfert de technologies (ligne

tants ou plus efficaces ? Répondre à cette V) agit entièrement sur l’offre ; il opère
➤ au niveau micro-économique les types
interrogation nous permettra de com- de trois manières : les mouvements de
d’efforts technologiques que les entre- main-d’œuvre qualifiée entre entreprises
prendre comment le processus le clus- prises font généralement. Ils se concen-
ter peut : (colonne A) ; les journaux commerciaux,
trent essentiellement sur l’embauche, la rencontres, foires et divers forums d’é-
➤ catalyser l’apprentissage technologique formation, la recherche d’information ou changes entre personnes (colonnes
de l’entreprise ; la R&D. C&D) ; et les interactions entre utilisa-
➤ lui permettre de développer des ca- Examinons de plus près ce tableau : teurs et producteurs (aussi C&D), qui ont
pacités et une meilleure performance souvent lieu lorsque des innovations sont
➤ La ligne I présente un mécanisme as-
économique ; mises en œuvre ou perfectionnées. Les
socié aux avantages directs sur les coûts
➤ contribuer à la croissance économique effets de débordement de connaissances
lors de la production des entreprises en
régionale. cluster : une telle économie de coûts pro- par les transferts de technologies inter-
vient d’une forte demande. agissent souvent avec des économies d’é-
Les éléments de réponse sont de deux
chelle, de couverture et de transaction.
ordres (cf. tableau page suivante) ; il faut ➤ La ligne II montre que les économies
déterminer : d’échelle, de couverture et de transac- Toutefois, les clusters engendrent aussi
➤ au niveau méso-économique les types tion dans l’accumulation de connais- parfois des effets négatifs non décrits dans
d’avantages qui résultent du regroupe- sances peuvent avoir quatre effets signi- notre tableau, et en particulier trois :
ment lorsque les entreprises forment un ficatifs sur l’effort technologique : a) les ➤ une concurrence excessive entre des
cluster. Ces avantages portent sur les éco- clusters peuvent générer une demande petits producteurs non capables de dif-
nomies d’échelle, de couverture et de minimale critique pour de nouveaux pro- férencier leurs produits peut mener à une
transaction dans (i) la production ou dans duits ou services spécialisés qui ne pour- baisse des marges, laissant peu de res-
(ii) l’accumulation de connaissances ; raient pas être produits de façon renta- sources disponibles pour les améliora-
les effets de débordement (ou en anglais ble ailleurs. Ceci stimule en retour les tions technologiques ;

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Les cluster de PME, l’acquisition de capacités technologiques et le développement 20

Les avantages directs du regroupement en fonction des efforts technologiques de l’entreprise

Efforts technologiques / A B C D
Avantages du regroupement Embauche Formation Recherche Recherche
d’information et développement

I. Économies d’échelle, Le coût unitaire est plus bas car la grande taille du marché laisse plus de ressources pour l’effort
de couverture et de transaction technologique.
dans la production

II. Économies d’échelle, a) Un grand marché local entraîne une demande critique minimale en innovation et induit des efforts
de couverture et de transaction technologiques pour développer ces innovations.
dans l’accumulation
de connaissances b) La présence de prestataires spécialisés baisse les coûts de transaction, ce qui facilite, simplifie et
rend moins cher l’accès aux intrants spécialisés nécessaires à l’effort technologique.

c) De faibles coûts de transaction facilitent les efforts technologiques


communs et conduisent ainsi à une économie de coûts.

d) De faibles coûts de transaction stimulent un effort technologique


additionnel dans les projets associés et complémentaires. Ceci à son tour
facilite l’accès à et la génération d’informations et connaissances nouvelles.

III. Effets de débordement des L’exposition, l’effet de démonstration et la contagion stimulent la demande en effort technologique.
connaissances : évolution de la
motivation et des comportements

IV. Effets de débordement a) L’exposition, l’effet de démonstration et la contagion stimulent la demande en effort technologique.
des connaissances :
formation d’un capital humain b) Contribution
par l’apprentissage informel directe et libre
sur le tas par l’accumulation
de compétences
dans tout le secteur.

V. Effets de débordement Contribution directe a) Contribution directe et libre à la connaissance


des connaissances par le transfert et libre par les par les journaux commerciaux, les rencontres,
de technologies mouvements de les foires, etc.
main-d’œuvre qualifiée
entre entreprises. b) Contribution directe et libre par l’interaction
entre les utilisateurs et les producteurs.

➤ dans les clusters où le secret est diffi- de politiques. Elle propose une gamme
cile à garder et où la protection des in- LES IMPLICATIONS POLITIQUES plus riche d’instruments d’intervention
novations est inexistante, les effets de DE L’APPROCHE INTÉGRÉE sur les clusters que l’approche par l’ef-
débordement des connaissances peu- ficacité collective seule.
vent conduire à réduire les incitations à L’approche intégrée présente des avan-
innover pour celui qui les produit ; Une approche plus volontariste tages particuliers dans les situations ou
➤ dans les communautés résistantes au et dynamique que celle la coopération intensive entre entrepri-
changement des barrières considérables par l’efficacité collective ses est difficile à créer et/ou à maintenir.
peuvent être dressées contre les efforts En effet, cette approche est plus volon-
d’amélioration technologique. Cette approche intégrée des niveaux tariste que celle par l’efficacité collective
micro et méso-économique offre une va- et vise à activement renforcer la
leur ajoutée distincte pour la conception coopération entre entreprises (alors que

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Les cluster de PME, l’acquisition de capacités technologiques et le développement 21

l’approche par l’efficacité collective la ment plus efficaces lorsqu’elles sont com- Le point de vue
considère comme une donnée de base). plétées par des politiques de coopéra- de l’efficacité collective
Ainsi, des mesures visant à améliorer la tion incitant les entreprises engagées dans
connaissance individuelle, et par consé- des activités similaires et complémen-
La littérature existante suggère que la
quent la diffusion spontanée d’informa- taires à coopérer ;
collaboration et le fait d’être activement
tions entre les entreprises peuvent se mon- ➤ le cadre de cette approche permet en réseau peuvent au mieux constituer
trer efficaces. De même, viser un nombre d’encourager l’accumulation des capa- une explication partielle de la croissance
restreint d’entreprises pionnières par des cités des entreprises se trouvant déjà dans de l’industrie :
programmes comme l’amélioration des des clusters.
pratiques de travail ou de la qualité peut ➤ il n’y a pas de tradition de collabora-
Enfin, même si l’approche intégrée a de tion horizontale entre les entreprises de
être suffisant. Les effets de débordement
nombreux avantages, sa valeur ajoutée la chaîne de production car les colla-
qui vont suivre assureront la diffusion de
peut être amoindrie par des effets néga- borateurs ne se font pas confiance ;
ces nouvelles connaissances et compé-
tifs (déjà cités) émanant de la formation
tences dans le cluster par des effets de ➤ la coopération verticale fonctionne un
du cluster et qui peuvent être significa-
démonstration (lignes du tableau III et peu mieux aux différentes étapes de la
tifs, en particulier dans les clusters où les
IVa), par une accumulation de savoir-faire chaîne de production car les relations
entreprises ont un très faible niveau tech-
dans l’industrie (case IVb), par des mou- sont plus complémentaires que concur-
nologique. Illustrons cette affirmation
vements de main-d’œuvre entre les en- rentielles.
par un cas d’étude : la fabrication d’é-
treprises (case V-A), ou encore par la cir- Dans le contexte socioculturel environ-
quipement agricole.
culation des informations et des connais- nant, et en tenant compte des collabo-
sances (lignes Va et Vb). rations passées, il sera sans aucun doute
Cette approche est relativement plus dy- difficile d’engranger et de maintenir un
namique et plus centrée sur l’intervention comportement de coopération active, en
que l’approche par l’efficacité collective. UNE ILLUSTRATION particulier entre proches concurrents.
L’intervention est autant que possible di- EMPIRIQUE : LA FABRICATION
rigée vers la création de dynamiques d’ap- D’ÉQUIPEMENT AGRICOLE La perspective
prentissage en vue d’atteindre l’objectif
de la capacité technologique
politique d’amélioration structurelle de
la compétitivité régionale. L’effort tech-
La fabrication d’équipement agricole est
nologique est encouragé, et on agit sur et Cette approche explique la croissance
une industrie très importante dans les
en fonction des effets de débordement passée de cette industrie par un ensem-
pays en développement lorsqu’ils en ar-
des connaissances : une fois que des en- ble de déterminants assez différents :
rivent au stade de l’absorption et de l’ac-
treprises ont adopté une nouvelle tech- ➤ les résultantes de la forte demande en
cumulation initiale de connaissances sur
nique, cette technique se répandra pro- équipement agricole, conséquence de
les principes basiques de construction
bablement et contribuera à la diffusion la modernisation agricole, ont incité à
mécanique.
du savoir par l’effet de démonstration et innover : la hausse du pouvoir d’achat
les autres mécanismes identifiés (lignes des fermiers, couplée à des manques sai-
III et IV du tableau). Le contexte sonniers de main-d’œuvre, les ont incité
à investir dans la mécanisation des équi-
pements, ce qui a à son tour induit une
Une approche plus englobante Le Punjab pakistanais est une région agri-
demande locale minimum critique pour
que celle par la capacité cole fertile connue car elle a largement
se procurer des nouveaux équipements
technologique de l’entreprise adopté dès la fin des années 50 les pra-
agricoles ;
tiques modernes de culture. La moderni-
sation agricole a été soutenue par une in- ➤ les éléments de l’offre présentent une
L’approche intégrée s’intéresse aux pro- dustrie d’équipement agricole consé- industrie dotée d’une infrastructure scien-
cessus d’amélioration technologique au quente, organisée en 8 clusters princi- tifique et technologique plutôt meilleure
niveau de l’entreprise qui sont applica- paux comportant chacun de 50 à 60 pe- que d’autres secteurs composés de pe-
bles au niveau du cluster. L’approche par tites entreprises. L’industrie a émergé dans tites entreprises industrielles. La raison
la capacité technologique de l’entreprise les années 60. En 1990, elle employait est que cette industrie est liée à un des
ne fait pas assez attention au regroupe- 5 000 personnes et était capable de fa- secteurs économiques prioritaires qu’est
ment géographique et ses directives po- briquer plus de 50 types d’articles allant l’agriculture.
litiques ne tiennent pas compte des avan- de simples pièces d’équipement à des piè- L’approche par la capacité technologique
tages de l’apprentissage et de la crois- ces plus complexes, amovibles et d’acier conseille aux politiques de se concen-
sance au sein du cluster. L’approche in- de haute qualité. Des innovations dans la trer sur le renforcement des aspects insti-
tégrée, elle, le permet : conception des produits ont été au fur et tutionnels : par exemple, on peut cher-
➤ les mesures conventionnelles de ca- à mesure introduites, mais des problèmes cher à améliorer la couverture et le
pacité technologique sont potentielle- de qualité ont persisté dans la production. contenu de certains programmes d’ex-

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Les cluster de PME, l’acquisition de capacités technologiques et le développement 22

tension technique et de formation afin plus efficaces, si par exemple elles te- sur l’effort technologique et sur l’ap-
de les rendre plus efficaces. naient compte des mécanismes de dif- prentissage améliorent l’impact de ces
fusion locale ou des coûts de transac- politiques. De plus, les mécanismes sous-
tion discutés précédemment. Une tendant l’apprentissage technologique
Les nouvelles compréhensions intervention bien ciblée qui isole une dans les clusters pourraient être pris en
politiques proposées entreprise et lui propose du conseil ou compte lors de la conception des poli-
par l’approche intégrée de la formation technique sera plus ef- tiques. En particulier, la sélection d’en-
ficace que si l’effort porte sur un groupe treprises pionnières engendrera proba-
large. Ceci permettra de former une en- blement des dividendes, de par les effets
On peut toutefois en apprendre plus sur
treprise « avant-gardiste », pionnière, qui de débordement de connaissances.
le développement de cette industrie en
ensuite pourra jouer un rôle de cataly- En somme, l’approche intégrée nous sug-
appliquant le cadre micro et méso-éco-
seur dans le cluster en diffusant les gère trois façons de proposer des poli-
nomique dressé plus haut. Reprenons
connaissances et attitudes innovantes. tiques plus centrées sur la promotion de
deux illustrations de mécanismes de
croissance identifiés par l’approche par la compétitivité des PME. La première,
la capacité technologique, et intégrons- c’est l’objet lui-même des politiques :
les dans notre cadre d’analyse élargi : stimuler l’apprentissage technologique.
CONCLUSIONS La seconde, c’est la couverture géogra-
➤ l’effet positif de l’effort technologique
phique : se concentrer sur les clusters in-
de l’entreprise émane d’une part des
dustriels. Et la troisième, c’est la moda-
avantages en termes de coûts de transac-
Le cadre analytique élaboré dans cette lité de mise en œuvre sélectionnée :
tion et d’autre part des importants effets
étude élargit l’approche par l’efficacité cibler quelques entreprises pionnières.
de débordement sur le marché local du
travail. En particulier, le fait que l’équi- collective qui était généralement utili-
pement agricole soit concentré dans le sée pour étudier la croissance écono-
cluster facilite l’établissement de forma- mique régionale et la compétitivité des
teurs spécialisés, privés et publics, atti- PME dans le cadre du développement.
rés par une forte demande pour leurs ser- Ceci est possible car on ouvre la « boîte
vices. Ceci permet de baisser les coûts noire » de l’entreprise en utilisant la lit-
des ateliers pour embaucher des tra- térature sur l’acquisition de capacités
vailleurs compétents sur le marché local technologiques au niveau de l’entreprise.
(mécanisme ligne IIb, colonnes A & D) La classification proposée nous éclaire
car ces prestataires sont reconnus et vont sur comment le développement des ca-
jusqu’à délivrer des certificats de for- pacités au niveau de l’entreprise peut
mation. Ces prestataires spécialisés être encouragé par le processus de for-
contribuent aussi à l’effet de déborde- mation de cluster.
ment sur le marché local du travail (mé- Les principaux apports politiques de ce
canisme ligne V, colonne A) par des mou- cadre de travail peuvent être résumés
vements de main-d’œuvre qualifiée entre comme suit :
les entreprises ; ➤ les politiques qui font déjà partie d’une
➤ des effets de débordement importants approche par l’efficacité collective – au-
sur le marché des produits nous four- trement dit la promotion du développe-
nissent un autre exemple intéressant : ment actif de réseau – seront probable-
des fermiers importent de nouveaux mo- ment plus efficaces lorsqu’elles visent
dèles d’équipements et sont par là une expressément à stimuler l’apprentissage
source d’information importante pour la technologique plutôt qu’à aussi couvrir
conception de nouveaux produits. La toutes sortes d’activités ciblées sur la pro-
connaissance se répand rapidement (mé- duction. Les collaborations ciblées sur
canisme ligne Va, colonnes C & D), le l’apprentissage dynamique ont proba-
transfert de technologies résulte avant blement l’impact le plus durable sur la
tout de contacts essentiellement infor- compétitivité industrielle ;
mels et de l’observation. ➤ les politiques qui cherchent à stimu-
Ces exemples nous permettent de tirer ler l’innovation technologique par la ca-
plus de conclusions politiques qu’avec pacité technologique (par l’offre ou par
les deux approches partielles. En parti- la demande) deviennent plus efficaces
culier, ils suggèrent que bien que les po- lorsqu’elles ciblent les clusters plutôt que
litiques scientifiques et technologiques des secteurs de façon générale. Les di-
mentionnées plus haut aillent dans la verses répercussions identifiées dans cette
bonne direction, elles pourraient être étude du regroupement des entreprises

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Études de cas ■

Les clusters africains


et l’industrialisation :
de la théorie à la réalité
African enterprise
clusters and
industrialisation :
theory and reality,
Dorothy Cette étude examine l’argument théo- cluster permet aux entreprises de sur-
rique selon lequel la formation de clus- monter ces contraintes : elle encourage
McCormick,
ters géographiques et sectoriels permet l’efficacité collective, qui augmente l’a-
Université de aux entreprises de surmonter les contrain- vantage compétitif de l’entreprise ; elle
Nairobi, Kenya, tes liées à la croissance et au dévelop- facilite une croissance graduelle ; enfin,
septembre 1999. pement. Du point de vue théorique, l’é- elle permet de répondre plus simplement
tude souligne la force de l’efficacité aux crises et opportunités. Peu de litté-
collective ainsi que des variables contex- rature concerne l’Afrique. Le matériel
tuelles. Six études de cas illustrent des bibliographique suggère d’une part que
différences importantes entre ces varia- la formation d’un cluster aide le pro-
bles, et montrent que chaque groupe a cessus d’industrialisation, et d’autre part
son propre rôle à jouer dans le proces- que l’environnement socio-économique
sus d’industrialisation. Les clusters « fon- agit sur la formation du cluster.
dateurs » préparent l’industrialisation en
améliorant l’accès des producteurs au
marché, leur permettant de produire plus ;
les clusters « industrialisant » présentent LES CLUSTERS
des signes bien plus clairs d’efficacité
ET L’INDUSTRIALISATION
collective car la spécialisation et la dif-
NAISSANTE
World Development, férenciation des entreprises conduisent
numéro spécial sur les à des liens productifs bilatéraux ; enfin,
clusters industriels les clusters « industriels complexes » vi-
dans les pays sent des marchés plus grands et sont gé- L’industrialisation, c’est à la fois le dé-
en développement, néralement déjà compétitifs. Cette étude veloppement de la capacité d’un pays à
vol. 27, n° 9. se conclue par des implications pratiques convertir les matières premières en nou-
Texte publié par et tous pour les gouvernements africains, les veaux produits, et c’est aussi le système
droits réservés à qui permet à la production d’avoir lieu.
bailleurs de fonds et les entreprises.
Elsevier Science Ltd., Elle augmente l’efficacité de l’utilisation
Angleterre. ***
du travail et du capital. La formation de
Le développement en Afrique est forte- clusters aide les entreprises à croître et,
ment lié à la petite entreprise. Depuis plus largement, contribue à l’industria-
plus de vingt ans, les petites activités in- lisation.
formelles génèrent de l’emploi. Bien que
ces emplois soient souvent peu rémuné-
rateurs, ils permettent à des familles de
Les clusters et le changement
survivre, d’éduquer les enfants, et dans
certains cas de sortir de la pauvreté. Cette étude adopte la définition du clus-
La plupart de la littérature existante met ter présentée dans le glossaire.
l’accent sur les obstacles à la croissance L’industrialisation, tout comme le pro-
de l’entreprise. Cependant, la récente cessus plus général du développement
littérature internationale propose trois auquel elle appartient, implique une com-
voies par lesquelles la formation d’un plexité croissante dans la production, qui

Accédez à un texte similaire du même auteur : « Enterprise cluster in Africa : on the way to
industrialisation ? » : www.ids.ac.uk/ids/bookshop/dp/dp366.pdf.

23
Les clusters africains et l’industrialisation : de la théorie à la réalité 24

à son tour exige plus de confiance en- ➤ Les effets d’intrant intermédiaire sont Le contexte institutionnel
vers d’autres pour certaines activités des externalités associées à l’émergence
(Mead, 1994). La formation de clusters de fournisseurs de biens et services spé-
La théorie suggère que le cluster peut fa-
d’entreprises simplifie les changements : cialisés, qui soit proviennent du proces-
ciliter l’industrialisation. Ceci n’est pas
d’une part l’environnement s’adapte à la sus de spécialisation et de différencia-
toujours le cas dans la réalité, où de nom-
présence des entreprises en attirant tion, soit ont été attirés de l’extérieur. En
breux clusters restent bloqués à de faibles
consommateurs, entreprises et main- première instance, les entreprises du clus-
niveaux de production et de distribution.
d’œuvre. D’autre part, les entreprises sont ter y trouvent une opportunité pour leurs
Les opérations internes au cluster sont
encouragées à partager l’information et les activités et passent de la fabrication au
une explication partielle, et il faut cher-
connaissances, parfois en modifiant leurs commerce ou au service ; puis cette
cher au-delà pour plus d’informations,
opérations : le cluster les encourage à concentration d’entreprises qui ont une
au niveau du contexte institutionnel.
avancer en prenant des risques modérés demande homogène séduit et attire des
et calculables. fournisseurs de matières premières et Au-delà du marché et du gouvernement,
d’équipement. qui sont les soutiens principaux de l’a-
En somme, la formation d’un cluster sem-
nalyse économique, il n’est pas bien
ble pouvoir permettre à un pays africain ➤ Les effets de débordement technolo-
clair quant à quelles institutions doivent
donné de surmonter ou réduire certains gique (ou « spillovers ») mettent en jeu
être prises en compte. À ce jour, les ré-
obstacles à son industrialisation. Les gains la diffusion d’idées et de savoir-faire tech-
flexions sur le rôle des institutions dans
que les entreprises en tirent et qui ne se- nologiques. Le cluster les encourage en
le développement de clusters provien-
raient pas possibles sinon sont nommés stimulant les flux d’informations entre
nent en majorité d’Amérique du Sud et
« efficacité collective » : c’est l’avantage membres du cluster et personnes en re-
d’Asie, l’étude (Mitullah, 1998) sur le
concurrentiel dérivé des économies lo- lation avec le cluster. Puisqu’une des ca-
cluster de pêche au Kenya étant une ex-
cales externes et de l’action commune ractéristiques principales des pays en dé-
ception notable.
(Schmitz, 1995). veloppement est leur faible base techno-
logique, les effets de débordement tech-
nologique sont essentiels à l’améliora-
L’efficacité collective : tion et au développement industriel du
un cadre d’analyse cluster. SIX CLUSTERS
AFRICAINS
La définition ci-dessus insiste sur les deux
L’action commune
dimensions de l’efficacité collective
(Nadvi, 1996) : l’efficacité collective pas- La littérature sur la petite entreprise en
sive et l’efficacité collective active. Schmitz (1997) défend l’idée qu’une ac-
Afrique contient de nombreux exemples
L’efficacité collective passive est la ré- tion commune consciemment soutenue
d’entreprises qui n’ont jamais crû ni réus-
colte des bénéfices des économies ex- est nécessaire pour qu’un cluster secto-
si à se développer technologiquement.
ternes. L’efficacité collective active in- riel se développe. Il insiste sur l’aspect
Qu’en est-il des entreprises en cluster ?
clue la collaboration entre les entreprises « action commune » de l’efficacité col-
Six cas d’étude dans trois pays sont tirés
du cluster. lective et souligne l’importance des liens
des quelques exemples disponibles en
Les économies externes sur lesquelles entre les entreprises et leur réseau.
Afrique. L’auteur s’interroge ensuite pour
ce modèle insiste sont réalisées lorsque Il propose deux dimensions d’analyse savoir si la formation d’un cluster a aidé
les bénéfices sociaux sont supérieurs aux de l’action commune : le nombre d’as- ou non les entreprises impliquées à pro-
bénéfices privés : sociés, et la direction de la coopération gresser, et pourquoi.
➤ L’accès au marché est la plus univer- (qu’elle soit bi- ou multilatérale, verti-
selle économie externe pour les entre- cale ou horizontale).
prises d’un cluster. Le cluster attire des Enfin, il suggère que l’entretien de liens
Le choix des clusters étudiés
acheteurs, les produits et services d’une à l’intérieur d’un cluster, et entre un clus-
entreprise du cluster accèdent ainsi plus ter et ses acteurs externes importants, Les cas d’étude procèdent de quatre types
facilement à ce marché, physiquement peut contribuer à la croissance et au dé- d’activités et ont été sélectionnés selon
localisé dans le cluster. veloppement du cluster. l’information disponible.
➤ La mise en commun des marchés du Reste à voir si l’aspect actif de l’action Réunis, ils présentent plusieurs des prin-
travail est la concentration de savoir-faire collective (la coopération) est un ingré- cipaux sous-secteurs de la fabrication et
spécialisés qui se développent souvent dient nécessaire au succès d’un cluster du service de petite taille (cf. le tableau 1
dans les clusters de fabrication. Elle ré- en prenant en considération le coût de « Vue d’ensemble des clusters » page sui-
sulte de l’amélioration des compétences l’action commune (qui est essentielle- vante), et les trois pays couverts repré-
au sein du cluster et de l’attraction d’une ment un coût d’opportunité : par exem- sentent largement l’Afrique de l’Ouest,
main-d’œuvre compétente et bénéficie ple celui du temps investi dans l’action). de l’Est et du Sud car leur statuts d’an-
aussi bien aux entreprises qu’aux per- ciennes colonies britanniques les rap-
sonnes qui y travaillent. proche d’un point de vue institutionnel.

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Les clusters africains et l’industrialisation : de la théorie à la réalité 25

Tableau 1 : Vue d’ensemble des clusters

Cluster Entreprises Taille moyenne Produits Marchés Défis et tournants


de production de l’entreprise

KENYA
Eastlands 600 3,5 Vêtements Domestique : essentiellement Libéralisation du marché,
des villes rurales et secondaires. en particulier arrivée
de vêtements d’occasion.

Kamukunji 2 000 1-2 Produits Domestique : consommateurs, Libéralisation du marché et


en métal commerçants et entreprises. offre excédentaire de travail.

Ziwani 506 1,5 Réparation Particuliers à Nairobi, Libéralisation du marché.


de véhicule en particulier les propriétaires
de matatu (taxis brousse)
et de camions.

Le poisson 560 Pêche : 3-15 Poissons frais Essentiellement à l’export. Baisse de l’offre en poisson.
du lac Victoria* Commerce : 1-50 et transformés Limité sur le marché Chute des approvisionnements
Transformateurs domestique. et crise qualité de l’UE.
industriels : 25-300

GHANA
Suame 8 000 6 Réparation de Consommateurs domestiques Libéralisation du marché et
véhicule et et entreprises. offre excédentaire de travail.
travail du métal Exportations passives.

AFRIQUE DU SUD
Western Cape 538 126 Vêtements Domestique : chaînes de vente Ouverture de l’économie
au détail. sud-africaine.
Exportations.

* « Le poisson du lac Victoria » se réfère à une partie d’un cluster comprenant les transformateurs de poisson et à des activités liées à la plage
d’Uhanya. Les autres plages de pêche ne sont pas inclues.

Les économies du Kenya, tée industrielle est plus importante que de plusieurs segments distincts qui inter-
du Ghana et de l’Afrique du Sud celle du Ghana, à la fois en valeur ab- agissent faiblement les uns avec les au-
solue et relativement au PIB). tres. Les systèmes financiers, technolo-
L’Afrique du Sud est globalement plus dé- giques, les marchés, les institutions finan-
Le Kenya et le Ghana, très pauvres, en
veloppée mais un des résidus de l’apar- cières, les structures sociales, sont sou-
sont aux premiers stades de l’industria-
theid est la forte inégalité économique vent faibles et divisés d’après des consi-
lisation : ressources limitées, faible ni-
persistante ; les entreprises « noires » en dérations raciales ou ethniques.
veau d’éducation, sous-développement
des transports et de la communication, particulier rencontrent les mêmes limita-
systèmes financiers rigides, nombreuses tions en ressources que leurs pairs sur le
continent africain. L’Afrique du Sud est
Les aménagements
institutions inadaptées pour la croissance,
beaucoup plus industrialisée que les deux et les marchés des clusters
et entreprises manquant non seulement
de ressources financières, mais aussi d’in- autres pays, a un PIB et une valeur ajou-
formation concernant les intrants, les pro- tée industrielle aussi beaucoup plus forts. Les clusters diffèrent fortement quant à
blèmes et les marchés. Ce sont des pays Dans les pays africains, l’environnement l’espace qu’ils occupent : ceux qui sont
à faibles revenus. Le Kenya, bien qu’ayant institutionnel de l’activité commerciale composés de petites entreprises tendent
un plus faible PIB par habitant, est plus est faible et fragmenté et les systèmes à être localisés sur des zones plus res-
industrialisé que le Ghana (sa valeur ajou- commerciaux tendent à être composés treintes. Le plus petit, Ziwani, est étendu

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Les clusters africains et l’industrialisation : de la théorie à la réalité 26

sur un peu moins d’un hectare, et celui marquants étant une carence en poisson deux clusters ne semble bénéficier d’ef-
de Western Cape s’étend depuis la ville due à une surexploitation, et l’appari- fets de débordement.
de Cape sur les banlieues et communes tion de la salmonelle en 1997, qui a Enfin, les deux clusters n’ont pas du tout
avoisinantes. stoppé net les exportations, avec pour les mêmes types ou niveaux d’action
Les installations varient aussi fortement : conséquence dévastatrice une chute bru- commune. À Eastlands, les liens sont fai-
au grand air avec une concentration plutôt tale des prix de 50 %. bles entre les producteurs et la coopéra-
forte pour la fabrication et réparation auto- tion horizontale se confine à l’emprunt
mobile à Suame, Ziwani et Kamu-kunji, d’outils de base, aucune association com-
pour des entreprises qui n’ont pas toutes mune ou collaboration active n’existe.
accès à l’électricité ; des équipements neufs Être dans le cluster permet simplement
LA RÉALITÉ
et modernes à Western Cape jouxtés aux pour les fabricants d’accéder aux com-
DES CLUSTERS AFRICAINS merçants. Dans le cluster de Kamukunji,
ateliers de fabrication (« Cut-Make-and-
ET DE L’INDUSTRIALISATION l’association Jua Kali a été créée à la fin
Trim ») localisés chez les particuliers.
Généralement, ces clusters connaissent des des années 80 sous impulsion gouver-
difficultés au niveau sanitaire. nementale, et tous les artisans d’une lo-
Les clusters contribuent chacun à leur calité en sont membres. Cette associa-
Trois des quatre clusters composés de
façon au processus d’industrialisation. tion sert de lien avec le gouvernement
petites entreprises desservent en premier
Trois catégories ont été identifiées et sont pour mettre en œuvre les programmes à
lieu les marchés locaux. Au contraire,
présentées ci-dessous. destination des petits entrepreneurs.
les clusters du Lac Victoria et de Western
Quelques entreprises mènent des actions
Cape ont des stratégies visant activement
communes de production.
à atteindre les marchés nationaux et inter- Les clusters fondateurs :
nationaux : Western Cape représente un travail préparatoire
45 % de la production sud-africaine de à l’industrialisation Les clusters industrialisant
vêtements et exporte 10 % de sa pro-
duction, et le cluster de pêche du Lac
Victoria a exporté en 1995 plus de 12 Certains clusters posent les fondations de Ces clusters présentent des signes bien
tonnes de filets de perche du Nil vers l’industrialisation en développant un en- plus clairs d’une efficacité collective
l’Europe, le Japon, Israël et l’Amérique du vironnement productif, qui prépare d’une émergente. Les deux clusters de ce
Nord (pour 29 millions de $). certaine manière l’émergence de l’effi- groupe, Suame (réparation de véhicules
cacité collective. Les clusters d’Eastlands et travail du métal) et Ziwani (réparation
(vêtements) et de Kamukunji (produits en de véhicules) ont des entreprises plus
Les opportunités et défis métal) appartiennent à cette catégorie. spécialisées et différenciées. Ceci conduit
La principale économie externe de ces à des liens de production bilatéraux plus
clusters est l’amélioration de l’accès aux significatifs et en fin de compte à une
Cinq des six clusters ont été directement
marchés : la concentration respective de meilleure efficacité. Certaines entrepri-
affectés par la libéralisation des marchés
producteurs de vêtements et de métal- ses ont de plus hauts niveaux technolo-
domestiques et du commerce interna-
lurgistes attire consommateurs et com- giques, ce qui peut favoriser les effets de
tional : le cluster de vêtements d’Eastland
merçants. Ces derniers, qui portent les débordement technologique. Des asso-
s’est vu confronté à la forte concurrence
produits dans de plus petites villes et en ciations existent généralement mais sont
des habits d’occasion à bas prix ; au
zones rurales, jouent un rôle essentiel un lieu de lutte pour le pouvoir et ne
contraire, le cluster de Ziwani a profité
car le contrôle gouvernemental du com- fonctionnent pas très bien.
de la libéralisation puisqu’il a pu im-
porter plus de véhicules d’occasion et merce de marchandises a probablement L’accès au marché est facilité de diffé-
que la demande en réparation s’est ac- freiné la croissance des réseaux com- rentes façons, en fonction de la mise en
crue. À Suame, la généralisation de piè- merciaux ruraux au Kenya. Pour les en- commun des marchés du travail et des
ces de rechange rares qui pouvaient au- treprises, se trouver dans le cluster si- intrants intermédiaires, qui tous deux
paravant être trouvées au marché noir a gnifie avoir accès à ces commerçants, et conduisent à des effets positifs de dé-
érodé certains avantages compétitifs du donc à des consommateurs de petites bordement technologique.
cluster. Le cluster de Western Cape s’est villes et villages. La mise en commun des marchés du tra-
trouvé face à un double défi : l’ouver- Les autres économies externes sont soient vail diffère dans les deux clusters : les
ture du marché à l’Afrique du Sud (si- faibles soient négatives. La collaboration deux attirent apprentis et personnes non
tuation de post-apartheid) a stimulé les reste limitée. Les économies associées à qualifiées mais ne réussissent pas à ab-
importations et a évincé certaines en- la mise en commun des marchés du tra- sorber tous les demandeurs d’emplois.
treprises du marché et réduit l’emploi, vail ont été minimales à Eastlands (les pro- Suame (comme Kamukunji) subit cette
et la nouvelle acceptation de l’Afrique ducteurs de vêtements se plaignent des situation. À Ziwani, il y a peu de place
du Sud comme partenaire commercial inégales compétences des travailleurs), et pour de nouveaux entrants, ce qui pousse
lui a permis de développer ses exporta- même négatives à Kamukunji. Les deux les créateurs à démarrer leur entreprise
tions. Enfin, le cluster du Lac Victoria a clusters ont un commerce limité d’intrants hors du cluster. À Suame, les liens entre
rencontré différents défis, les deux plus intermédiaires. De plus, aucun de ces les entreprises de métallurgie et celles

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Les clusters africains et l’industrialisation : de la théorie à la réalité 27

de réparation automobile ont permis aux alors que dans le cluster du lac Victoria, Les deux clusters ont des organismes de
deux de bénéficier d’intrants intermé- ce potentiel d’efficacité collective est solidarité collective différemment utili-
diaires et d’effets de débordement posi- sous-utilisé. Les entreprises de Western sés : à Western Cape, de nombreux liens
tifs. À Ziwani, le développement à ce re- Cape améliorent ainsi leur accès au mar- horizontaux et verticaux permettent dif-
gard est plus jeune. Les réparateurs ché en étant aisément accessibles par férents types d’actions communes, alors
automobiles des deux clusters ont d’im- les chaînes nationales de distribution au que le peu de liens du lac Victoria ne
portants contrats de sous-traitance. Enfin, détail, qui ont leur siège dans le cluster. permet à ces organismes que de répon-
Ziwani a une plus grande capacité à l’ac- Au lac Victoria, l’accès au marché varie dre à des chocs spécifiques. La coopé-
tion commune multilatérale. suivant que l’entreprise est pêcheur, ration horizontale entre entreprises est
commerçant ou transformateur indus- un fait courant à Western Cape et ces
triel. coopérations sont institutionnalisées par
Les clusters industriels diverses organisations. Le cluster a aussi
De plus, la mise en commun des mar-
complexes chés du travail n’a pas les mêmes ré- des liens verticaux significatifs.
percussions sur les clusters, car leurs ni- Le cluster du lac Victoria a quant à lui
Les clusters industriels complexes ont trois veaux d’emplois ainsi que les besoins fait face à deux défis qui auraient pu être
caractéristiques communes : (i) ils com- en technologie et en compétences dif- l’objet d’une action commune : d’une
prennent des entreprises de tailles variées ; fèrent : la main-d’œuvre est nombreuse part une baisse de l’offre à cause d’une
(ii) les nombreuses petites entreprises uti- à Western Cape et a un effet relativement pêche trop importante de jeunes pois-
lisent des technologies simples et leurs positif ; elle engendre au lac Victoria peu sons, et d’autre part, des problèmes de
marchés ont tendance à dépendre de plus de bénéfices car le cluster nécessite peu qualité (deux empoisonnements par la
grandes entreprises ; et (iii) les clusters ont de compétences. salmonelle en Espagne) qui ont mené à
étendu leurs marchés du local au niveau Aucun des deux clusters ne profite d’ef- une interdiction de l’UE d’exporter vers
national ou mondial. Des différences im- fets d’intrants intermédiaires ou de dé- ses pays. Les transformateurs ont mené
portantes existent toutefois entre les clus- bordement technologique : les fabricants une action (horizontale) ad hoc, mais une
ters du lac Victoria (pêche) et celui de de vêtements de Western Cape utilisent fois la crise passée, ils se sont à nouveau
Western Cape (vêtements). étonnamment peu (22 %) les intrants isolés. Enfin, ils ont des liens (verticaux)
À Western Cape, des économies exter- intermédiaires disponibles dans le clus- importants, en particulier avec les im-
nes importantes sont réalisées et l’action ter, et au lac Victoria, la glace, qui de- portateurs européens, mais qui n’ont pas
commune est institutionnalisée (asso- vrait être un intrant intermédiaire ma- débouché sur une assistance quelconque
ciations, sous-traitances, collaborations), jeur, n’est pas commercialisée. lors de cette crise.

Tableau 2 : Résumé des éléments de l’efficacité collective versus le stade de développement du cluster

Éléments de l’efficacité Amélioration Mise en commun Effets d’intrants Effets de débordement


collective/ de l’accès des marchés intermédiaires technologique
Stade de développement aux marchés du travail

Commentaire Bénéfice le plus Élément faible Généralement faibles Liés au stade de développement
répandu de la ou négatif
formation du cluster

Clusters fondateurs Marchés Négatif Faibles ou négatifs


(« groundwork ») : locaux et
Eastlands, Kamukunji à faibles revenus Effets
plus importants
Clusters industrialisant Surtout marchés Négatif dans les clusters Faibles ou négatifs
(« industrializing ») : locaux ; utilisation de réparation
Suame, Ziwani ou aspiration à automobile
utiliser plus de (large gamme
technologies pour d’intrants)
fabriquer des produits
de meilleure qualité

Clusters industriels Marchés nationaux Bénéfices limités Effets positifs Opportunités importantes mais il n’est
complexes : Western de haut niveau pas clair que les autres entreprises
Cape, lac Victoria et exportation du cluster profitent de cette opportunité

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Les clusters africains et l’industrialisation : de la théorie à la réalité 28

fonctionnent pas toujours tel que le mo- Les bailleurs de fonds et associations
L’EFFICACITÉ COLLECTIVE dèle de l’action collective le prédit. d’entreprises peuvent travailler ensem-
ET AU-DELÀ ble à apporter des services financiers,
des aménagements physiques et des in-
Pourquoi a-t-on si peu d’exemples formations technologiques aux entre-
de clusters industriels complexes prises en cluster. Les bailleurs de fonds,
Le cadre de travail performants en Afrique ? surtout si les institutions gouvernemen-
de l’efficacité collective tales sont faibles, peuvent avoir à tra-
Ils sont en effet généralement plus petits vailler avec des organisations au renfor-
et moins développés que leurs pairs dans cement de clusters. Les organisations
Il est utile pour expliquer les performan-
d’autres endroits du monde. commerciales et chambres de commerce
ces et la contribution au processus d’in-
doivent prêter plus attention aux petites
dustrialisation des six clusters africains L’efficacité collective, qui insiste sur les
entreprises, ce qui peut les conduire à
étudiés : les clusters en Afrique contri- dynamiques internes du cluster, ne peut
reconsidérer leur politique envers ces
buent à l’industrialisation, et chaque type pas complètement expliquer le manque
dernières.
de cluster joue un rôle propre. de clusters industriels complexes en
Parmi les bénéfices théoriques de la for- Afrique. Si la formation d’un cluster aide
mation d’un cluster, quatre apparaissent les entreprises à surmonter les barrières
significatifs pour l’amélioration des per- à la croissance, les bénéfices de la for-
formances du cluster, et en définitive à mation d’un cluster peuvent être sérieu-
l’industrialisation : sement réduits lorsque ces barrières sont
➤ l’amélioration de l’accès aux marchés ; trop importantes (par exemple si le mar-
ché est restreint, l’accès au marché sera
➤ l’amélioration du potentiel de mo-
limité).
dernisation technologique ;
De plus, l’environnement des entreprises
➤ le cluster promeut les actions com- en Afrique présente une main-d’œuvre
munes, ce qui en retour aide les entre- surabondante qui a conduit les entre-
prises à faire face aux chocs externes ; prises à employer des personnes non
➤ le cluster permet aux entreprises de qualifiées, ou encore à de trop faibles
bien utiliser de petites ressources (capi- ins-titutions politiques et économiques,
tal, main-d’œuvre). sujettes à corruption. Dans ce contexte,
Toutefois, l’efficacité collective n’ex- l’approche de l’efficacité collective peut
plique pas toutes les caractéristiques et être utile en approfondissant un peu la
comportements : ainsi, dans beaucoup dimension de l’efficacité collective ac-
de pays en Afrique, la demande en biens tive, et en dépassant les concepts d’effi-
de meilleure qualité est limitée par le cacité collective active et passive pour
prix, premier critère d’achat. L’analyse analyser le contexte institutionnel de la
des liens et de l’action commune ne per- formation de clusters.
met pas d’expliquer convenablement
leurs effets sur la performance des clus-
ters. L’analyse des réseaux de Barr (1998)
Une implication pratique claire
suggère une autre dimension à l’action
commune et montre que la caractéris- Les gouvernements, bailleurs de fonds et
tique du réseau de petites entreprises est communautés d’affaires peuvent faire le
plus de tendre à réduire l’incertitude qu’à choix politique de soutenir la formation
augmenter les performances de l’entre- et le développement de clusters. Un gou-
prise. Enfin, l’approche de l’efficacité vernement peut encourager la formation
collective identifie le manque d’action de clusters en proposant une infrastruc-
commune comme la raison principale ture améliorée et en incitant les produc-
du manque de pouvoir de négociation teurs et prestataires de services. Il peut
des pêcheurs du lac Victoria. aussi jouer sur l’environnement politique
Ainsi, des facteurs hors du cadre de tra- en encourageant l’activité commerciale.
vail de l’efficacité collective sont im- À cet effet, les politiques visant à stabi-
portants : la petite taille des marchés, liser les marchés et à permettre aux en-
l’offre excessive de main-d’œuvre, et la treprises d’emprunter sont essentielles,
faiblesse des institutions de nombreux ainsi que celles cherchant à favoriser
pays en Afrique montrent que les éco- l’activité associative en instaurant un
nomies externes et l’action commune ne cadre légal incitatif.

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Études de cas ■

Renforcer le secteur
informel au Kenya par
des visites d’échanges
Strengthening
informal sector
networks in Kenya
through exchange Ce texte est relativement ancien mais il et de prendre contact entre elles. Ces vi-
visits, est toujours d’actualité pour deux raisons. sites peuvent prendre deux formes : les
Jim Tanburn, D’une part, les visites d’expériences si- visites individuelles (les MPE vont l’une
Genève, Suisse, milaires sont pour les entrepreneurs gé- chez l’autre), ou les visites entre groupes,
mars 1995. néralement beaucoup plus parlantes que par exemples entreprises d’un lieu qui
des formations théoriques sur les concepts rendent visite aux entreprises d’un autre
ou évolutions des techniques, des orga- lieu, ou encore entreprises de différents
nisations dans les entreprises ; visiter une lieux réunies à l’occasion d’un groupe de
autre entreprise/expérience incite à ré- travail, d’une foire commerciale ou d’une
fléchir sur l’adaptabilité des idées des au- cérémonie de remise de prix.
tres à son propre cas. D’autre part, les ré- ➤ les visites de plus grandes entreprises,
seaux informels sont importants dans les qui peuvent être des visites individuelles
pays en voie de développement et font ou de groupe.
l’objet d’assez peu de littérature.
Cette étude compte, après analyse des
Cette étude vise à réunir les informations expériences FIT/Pride, faire des recom-
disponibles sur les visites d’échanges afin mandations sur les formats préférés de
d’en faire un outil de promotion des micro telles visites : vaut-il mieux que les MPE
et petites entreprises (MPE) au Kenya. Elle visitent seules ou en groupe l’entreprise ?
se fonde sur les collaborations suivantes La MPE retire-t-elle des bénéfices diffé-
entre les programmes FIT (programme rents en visitant une autre MPE plutôt
Document
de synthèse BDS du Bureau international du travail) qu’une plus grande entreprise ? Vaut-il
dans le cadre et Pride (« Promotion of Rural Initiatives mieux organiser des visites sectorielles
du programme FIT and Development Enterprises ») : ou inter-sectorielles ? Quelles étapes sont
(stimulation ➤ un atelier « de médiation » (« broke- nécessaires pour promouvoir les visites
de services innovants d’échanges comme outil de développe-
ring workshop ») entre 34 entreprises en
d’appui aux ment, pour promouvoir les liens privés et
mars 1994 couplé à une évaluation d’im-
petites entreprises) autres formes de réseautage ?
du Bureau pact en août 1994 ;
international ➤ la visite de grandes entreprises par 9
du travail (BIT). MPE et la visite par 5 MPE d’autres MPE
d’avril à août 1994, impact évalué en fé-
vrier 1995 ;
LES BESOINS DES MPE,
AU-DELÀ DU FINANCEMENT
➤ une étude d’après les résultats de vi-
sites d’échanges organisées par 6 ONG
au Kenya avec 24 MPE clientes ;
Au Kenya, comme dans beaucoup de
➤ une discussion FIT/Pride sur les résul-
pays d’Afrique, la taille moyenne fait dé-
tats initiaux, qui a impliqué le gouver-
faut dans la structure industrielle.
nement, les ONG et les entreprises (no-
L’expérience montre que les nombreu-
vembre 1994).
ses petites entreprises sont en fait ban-
Cette étude différencie deux grands types cables, c’est-à-dire capables et désireu-
de visites : ses de rembourser les prêts au taux
➤ les visites entre MPE qui leur offrent d’intérêt qui permet la pérennité de l’ins-
l’opportunité d’échanger des informations titution prêteuse.
Accédez au texte original sur :
http://oracle02.ilo.org/dyn/empent/docs/F111PUB1685_01/PUB1685_01.pdf

29
Renforcer le secteur informel au Kenya par des visites d’échanges 30

Lorsque l’entrepreneur répond aux cela serait considéré comme suspect sans L’étude n’a pas trouvé d’organisme au
contraintes de liquidité, il ressent d’au- être préalablement introduites par un Kenya facilitant ce type de visites, à l’ex-
tres besoins, tels l’accès à des intrants à tiers (que l’entreprise visitée connaît). ception de l’activité pilote FIT/Pride, pro-
bas prix, à des compétences en gestion Si les visites d’échanges sont courantes posée à vingt entreprises clientes sur une
(dont le gain de confiance en soi / l’au- dans certaines branches, il n’y a que peu base de partage 50/50 des coûts directs
tonomisation – ou « empowerment » – d’expériences de ce type parmi les ré- (transports et logement), sous forme de
fait partie), à des technologies ou à de seaux entreprenants de MPE. Cependant, « chèques-visites », l’entreprise visitée
nouveaux marchés. de nombreuses agences au Kenya orga- étant payée en dédommagement du
nisent des évènements où les MPE peu- temps passé avec le visiteur.
vent se rencontrer et pratiquer le « ré- Le démarrage du projet a été long. De
La promotion des MPE seautage » informel. plus, une mauvaise récolte avait réduit les
et l’importance du savoir liquidités des entreprises et le personnel
non codifié de Pride était occupé par des réorganisa-
Le potentiel des réseaux entre tions internes. Les raisons évoquées pour
L’entrepreneur aura peu de chances de petites et grandes entreprises ce démarrage lent des activités de soutien
trouver des appuis dans ces domaines aux visites individuelles ont été que :
spécifiques car généralement les pro- ➤ certains visiteurs potentiels avaient
De nombreux projets ont pour but de
grammes de développement de l’entre- déjà assisté à un atelier de planification
promouvoir les liens privés, que ce soit
prise sont plutôt généralistes. La première FIT/Pride, et en avaient déjà tiré beau-
par la sous-traitance ou par la spéciali-
étape pour accéder au savoir « non co- coup de possibilités d’échanges infor-
sation flexible. L’expérience et les étu-
difié », c’est d’échanger des informations, mels d’informations ;
des montrent cependant qu’il n’est pas
ou faire du « réseautage » : les entrepre- l’offre proposée en parallèle de visi-
aisé de monter de tels projets car les sys- ➤
neurs ont besoin de savoir où aller cher- tes à de plus grandes entreprises était
tèmes efficaces de sous-traitance néces-
cher l’information dont ils ont besoin, et plus populaire ;
sitent de grands marchés et de faibles
cette activité est cruciale pour eux.
coûts de transaction. Or on agit ici sur ➤ la facilitation était offerte individuel-
Au Kenya, des réseaux sont en partie déjà des marchés locaux où le risque de tran- lement alors que la plupart des MPE sou-
à disposition des entrepreneurs au tra- saction est élevé, en raison d’un niveau haitait effectuer des visites de groupe,
vers des réseaux des plus grandes en- d’éducation et de connaissance limité. tout du moins au départ. Au total, la moi-
treprises : organismes type Rotary Club,
De tels liens résultent d’un long proces- tié des clients de Pride qui ont visité des
chambres des métiers ou organisations
sus au cours duquel les personnes im- entreprises se sont arrangés pour que de
professionnelles de producteurs. Au
pliquées apprennent à se connaître et la famille ou des amis les accompagnent.
contraire, peu existe pour les petites en-
développent une relation de confiance.
treprises mis à part l’organisation locale
Une telle relation naît généralement d’un
du secteur informel (« Jua Kali », ou
premier contact informel établi au sein Les visites de groupe
« Soleil brûlant » en swahili). Lorsqu’un
d’un réseau entreprenant. Les visites à
entrepreneur recherche des informations
de grandes entreprises peuvent dans ce
en dehors de sa localité, il doit le plus C’est la forme d’organisation de visites
sens être vues comme une première ap-
souvent faire jouer son réseau tradition- la plus répandue au Kenya. Elle met en
proche pour voir si des relations peuvent
nel, souvent familial, qui en général pré- œuvre une agence qui débourse des cré-
être développées, et comment.
sente des opportunités limitées – voir né- dits permettant à ses clients d’un secteur
gatives – pour la croissance de son donné de rendre visite à des clients d’un
entreprise. autre secteur.
Les réseaux d’entrepreneurs peuvent être L’objectif de telles visites, du point de vue
source de développement pour la MPE : LES VISITES D’ÉCHANGES de l’organisateur, est d’améliorer les com-
« les meilleurs formateurs sont d’autres pétences des visiteurs en termes de ca-
entrepreneurs, et la meilleurs salle de pacité à participer au programme de cré-
classe le monde réel » (Banque mon- Les visites individuelles dit de l’organisme sponsor. Parmi quatre
diale, 1993). organismes offrant de tels services, Pride
Un lien peut émerger d’une visite indi- seul a permis une visite (de 60 clients)
viduelle de MPE à MPE si les deux en- dans un autre pays : en Tanzanie. Les
La demande des MPE coûts directs de tous les programmes ont
treprises ne sont pas directement concur-
en visites d’échanges rentes. Dans ce cas, l’échange de secrets été payés par les clients, et les visites ont
de fabrication aura sans doute des bé- duré entre deux heures et une journée
Les MPE en viennent à apprécier les bé- néfices pour les deux. De plus, la MPE (sauf pour la Tanzanie, quatre jours).
néfices de l’organisation de liens infor- visiteuse peut, en allant seule visiter l’au- Les justifications des visites de groupe
mels. Par exemple, elles ne peuvent pas tre MPE, gagner un avantage concur- ont été l’esprit traditionnel « harambee »
d’elles-mêmes visiter d’autres MPE car rentiel local. (comprenant la possibilité de partage

« L’actualité des services aux entreprises » n° 3 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Renforcer le secteur informel au Kenya par des visites d’échanges 31

d’expérience après la visite et la confiance en gestion (21 %), accès à l’information ment avait préparé un rapport, qui indi-
créée en y allant en groupe), les écono- (7 %), ou amélioration des compétences quait que la plupart des clients comp-
mies d’échelle en logistique, et enfin, que en marketing (7 %). taient retourner seuls à Arusha (ville vi-
les maris étaient plus prêts à laisser par- Les entreprises participantes étaient dans sitée) dans un futur proche car la visite
ticiper leurs femmes à des visites dans le le travail du métal et la transformation leur a donné un motif (c’est-à-dire une
cadre de groupes. Les entreprises en vi- alimentaire. Pride a identifié 163 entre- opportunité d’affaires) et les a mis en
site étaient probablement pour la majo- prises d’accueil possibles et parmi celles- confiance.
rité des commerçants (il n’y avait pas de ci en a finalement retenu 17 (il est à noter Pride a rencontré d’autres ONG qui ont
registre tenu). que certaines entreprises voyaient les facilité des visites d’échanges. Toutes ont
MPE comme des concurrents potentiels considéré ces visites comme ayant une
et de ce fait refusaient de les recevoir). forte valeur ajoutée et étaient d’accord
Les échanges au sein Lors de l’activité pilote, 5 entreprises ont sur le fait qu’il serait positif d’avoir un
d’un groupe multiple été visitées. service au Kenya qui facilite de telles vi-
57 % des MPE ont payé tous les coûts sites. Cependant, aucune ONG ne sou-
directs de leurs visites. Les coûts indi- haitait intégrer la facilitation de ces visites
Pride et le programme du secteur infor-
rects ont été assez élevés du fait du fil- dans ses activités, préférant rester cen-
mel Kenya Industrial Estate (KIE) ont or-
trage nécessaire des entreprises poten- trée sur son cœur d’activité.
ganisé des ateliers de travail réunissant
leurs clients pour une journée, avec tielles d’accueil. Pride a rencontré 24 entrepreneurs qui
comme objectifs (i) d’améliorer les com- Les avantages qui ont été cités sont les avaient pris part aux visites d’échanges
pétences de ces derniers dans des do- possibles relations sur le long terme ainsi facilitées par d’autres ONG (visites de
maines spécifiques de gestion, (ii) d’i- que la participation au développement groupe ou échanges au sein d’un
dentifier les clients qui ont une perfor- du secteur informel. groupe). Les résultats commerciaux les
mances particulièrement bonne (afin plus tangibles sont listés dans le tableau
d’encourager des forts taux de rem- de la page suivante.
boursement), et (iii) de prévoir les acti- Lorsqu’on a demandé aux entreprises ce
vités futures des clients. Ce troisième ob- qu’elles n’avaient pas apprécié dans ces
jectif signifie que les clients de Pride ont L’IMPACT DES DIFFÉRENTES échanges, la plupart (13) n’ont rien ré-
défini à l’avance ce qu’ils attendaient OPTIONS DE VISITE pondu. Quatre les ont trouvé trop courts,
des visites d’échanges. 4 ont eu des problèmes logistiques, 2 se
L’atelier de travail entre les 34 MPE a non sont plaintes de ne pas avoir reçu d’in-
seulement été un instrument de prévi- Cette partie de l’étude traite des résul- formation confidentielle sur des proces-
sion, mais aussi une forme de « visite de tats des différentes évaluations menées sus particuliers, et une cliente a indiqué
groupe » car les MPE ont échangé entre par FIT/Pride et des entretiens avec les n’avoir pas pu communiquer dans la lan-
elles toute une variété d’informations à clients des autres organismes, et vise à gue du lieu visité.
valeur ajoutée commerciale. comparer les impacts des différents types Enfin, un participant a estimé avoir peu
de visites. appris lors de la visite de groupe mais a
De plus, la participation des MPE à des
foires commerciales peut être considérée fortement apprécié les discussions qui
comme visite d’échange dans un groupe Les visites individuelles s’en sont suivies au sein même du groupe
car elle donne aux entreprises la possi- (par exemple ils ont discuté sur la façon
bilité de se mélanger et de voir les pro- de partager les équipements).
Six visites individuelles entre entreprises
duits fabriqués par les autres entreprises.
de même taille ont été mises en œuvre
sous le projet pilote FIT/Pride. Les MPE vi-
Les échanges internes
Les visites auprès siteuses ont été mécontentes lorsqu’elles
à un groupe
de grandes entreprises avaient peu à apprendre de la MPE d’ac-
cueil, ce qui est arrivé lorsqu’elles n’ont
pas choisi elles-mêmes la destination. FIT/Pride a mené une évaluation de l’a-
Peu de MPE ont pu visiter de plus gran- Cependant, même les MPE qui ont été telier de médiation, et a interrogé 14 des
des entreprises. Il semble qu’uniquement mécontentes de leur visite ont exprimé 34 participants. Ces derniers ont affirmé
les programmes FIT et Pride offraient cette le souhait de faire une autre visite. avoir tiré beaucoup de bénéfices de ces
possibilité. ateliers. Ainsi, plusieurs clients ont élargi
La demande a été très forte : 9 MPE ont leurs gammes de produits dans les six
choisi de participer à cette visite au lieu
Les visites entre groupes mois qui ont suivi, d’autres ont incorporé
de 5 initialement prévues. Elles avaient de nouveaux outils et équipements ou en-
des attentes très différentes : acquisition Bien que les ONG proposent déjà de core obtiennent à présent des matières
de nouvelles compétences techniques nombreuses visites entre groupes au premières et des pièces de rechange moins
(36 %), de nouveaux produits et services Kenya, il n’y a pas de suivi-évaluation chères, un client a eu l’idée d’un nou-
(29 %), amélioration des compétences systématique de l’impact. Pride seule- veau produit durant l’atelier.

« L’actualité des services aux entreprises » n° 3 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Renforcer le secteur informel au Kenya par des visites d’échanges 32

pendant l’évaluation. Elles étaient très


Quels ont été les résultats les plus tangibles de votre visite
intéressées par l’exercice et prêtes à le
d’entreprise ou de votre atelier de travail ?
poursuivre. Bien que la motivation sem-
ble avant tout philanthropique, l’appro-
Résultats les plus tangibles Nombre che était très professionnelle : les gran-
Gain en capacités / autonomisation (« empowerment ») . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 des entreprises se montraient très encli-
nes à structurer les visites, à assurer une
Amélioration des compétences en gestion d’entreprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
valeur ajoutée maximale aux visiteurs
Connections avec les acheteurs, augmentation de la base de clientèle . . . . . . . . . . . . . . . .4
en termes de formation technique ou de
Réception réelle des commandes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2 présentation de nouvelles idées et de
Information sur les sources de prêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2 nouveaux contacts.
Connections avec des fournisseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 Pour résumer, il semble que les MPE ti-
rent les bénéfices suivants des visites
Achat de nouveaux outils ou de nouvelles machines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1
dans de plus grandes entreprises :
Arrangement avec des entreprises comparables
➤ nouvelles idées, amélioration des com-
pour partager des outils ou équipements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
pétences en gestion, en particulier en
marketing ;
➤ confiance accrue née de l’intérêt ap-

Les visites auprès tiques, tels la recherche active de mar- parent des grandes entreprises au déve-
de grandes entreprises chés et le potentiel d’amélioration de la loppement des MPE ;
présentation de l’entreprise, ont aussi été ➤ nouveaux liens verticaux avec des
vite adoptées par la plupart des entrepri- fournisseurs et clients à grande échelle ;
Les résultats ci-dessous présentent l’é- ses. La division du travail autour de la ➤ nouvelles idées et amélioration de
valuation de 8 des 9 MPE qui dans le ligne d’assemblage a aussi été largement compétences techniques spécifiques.
cadre du projet pilote FIT/Pride ont vi- reconnue comme ayant une application
sité des grandes entreprises, ainsi que de directe, même dans une petite entreprise.
3 MPE qui ont visité d’autres MPE. Enfin, bien que de nombreuses MPE aient
Les MPE utilisent maintenant de nom- exprimé leur intérêt à apprendre la tenue
des livres comptables, les visites n’ont pas CONCLUSIONS ET
breux nouveaux outils, ou de nouveaux
processus/ techniques de production : duré assez longtemps ou n’ont pas été RECOMMANDATIONS
outils pour réduire la poussière créée par assez approfondies pour répondre effi-
le broyage du maïs (ou « posho »), un cacement à ce besoin.
moulin manuel de maïs, un chargeur de Un exemple à l’appui de ces remarques. ➤ Les MPE sont très demandeuses pour
batterie, etc. De plus, presque toutes Pendant une semaine, une propriétaire la visite d’autres entreprises, et ce même
(92 %) les entreprises ont rapporté avoir hôtelière de Thika en visite au Safari si leur première expérience n’est pas un
à présent plus confiance en elles, avoir Hôtel de Nairobi a appris à conserver succès. Ceci reflète peut-être un désir de
des horizons plus vastes, et sentent qu’el- plus longtemps de la viande, à utiliser croissance entre autres par l’extension
les ont amélioré leur communication les restes pour faire des soupes, à faire de du réseau entrepreneurial au-delà de la
avec le consommateur, ou encore accru la mayonnaise et des bonbons, et a réuni famille et localité immédiates.
leurs compétences relationnelles avec beaucoup d’informations sur la gestion ➤ Les visites de MPE à MPE ont eu un
les employés. 67 % des MPE ont déclaré des approvisionnements, le service et la impact positif dans presque tous les do-
avoir appris des techniques spécifiques présentation. Suite à la visite, elle a re- maines des activités commerciales, y
de gestion, 66 % avoir trouvé de nou- peint son restaurant et a renvoyé un em- compris les nouvelles idées de produits,
veaux clients et/ou de l’information sur ployé qui ne servait pas correctement la les nouveaux processus de production,
de nouveaux marchés pour les produits ; clientèle (le signe peut-être d’un gain de les nouvelles compétences techniques
57 % ont dit avoir à présent des infor- confiance en soi). Enfin, elle a demandé et en gestion, les nouvelles sources de
mations sur les fournisseurs ; 50 % ont à renouveler une telle visite, en payant, matières premières et de pièces de re-
eu de nouvelles idées marketing (y com- l’année suivante. change, les nouveaux marchés pour les
pris concernant la localisation de l’en- Des tentatives ont aussi été faites pour produits, l’amélioration de la confiance
treprise) centrées sur la présentation et interroger les clients de ces MPE. Ceux- en soi.
l’hygiène. ci ont été tellement positifs à propos des ➤ Les visites auprès de grandes entre-
L’orientation client est l’une des pratiques MPE que les enquêteurs en ont conclu prises ont eu aussi un impact très posi-
que les entreprises ont le plus aisément que ces témoignages ne devaient pas tif sur les MPE sur des thématiques si-
adoptée, y compris le fait que « le client être objectifs. milaires. Bien que les grandes entreprises
a toujours raison », notion assez nouvelle Enfin, trois des quatre entreprises d’ac- volontaires soient au départ difficiles à
pour beaucoup des MPE. D’autres pra- cueil des MPE ont aussi été interrogées trouver, celles qui accueillent des MPE

« L’actualité des services aux entreprises » n° 3 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Renforcer le secteur informel au Kenya par des visites d’échanges 33

désirent poursuivre l’expérience et dé- formelles qui y circulent. Les modalités


velopper l’approche de façon profes- de partage des frais de ces ateliers entre
sionnelle. les MPE restent à être identifiées et dé-
➤ Les MPE préfèrent effectuer des visites veloppées.
en groupes, tout du moins pour les nou-
veaux lieux, et dans ce cas sont prêtes à
payer tous les coûts directs. Elles peu-
vent ensuite sur initiative individuelle
donner suite à ces échanges.
➤ Lorsque les MPE proviennent de lieux
différents, certaines préfèrent qu’une va-
riété de secteurs soit représentée pour
un atelier de travail. En revanche, les
MPE préfèrent être sectoriellement re-
groupées pour effectuer des visites de
MPE d’une même location à celles d’une
autre location.
➤ Certaines visites sont déjà facilitées,
dans d’autres buts, par le gouvernement
au Kenya et les ONG présentes. En par-
ticulier, Pride est en train d’adopter une
nouvelle méthodologie afin d’encoura-
ger les liens entre ses clients dans la ré-
gion. Les associations du secteur infor-
mel sont aussi intéressées à faciliter les
visites d’échanges, mais leur fédération
nationale n’a à ce jour pas la capacité
de proposer une coordination nationale.
Enfin, quelques recommandations :
➤ il faut identifier et développer les vi-
sites déjà facilitées afin que plus de MPE
puissent en bénéficier. On devrait à cette
fin faire circuler les résultats de cette
étude ; un groupe de travail devrait être
établi afin de permettre de partager les
expériences et d’identifier des bénéfices
supplémentaires ; plus de documenta-
tion devrait être préparée à ce sujet afin
de permettre à des organismes facilita-
teurs – au Kenya et ailleurs – de bénéfi-
cier de l’expérience décrite dans cette
étude ; une banque de données de gran-
des entreprises prêtes à accueillir les MPE
pourrait être établie et étendue ;
➤ une agence appropriée est nécessaire
pour faciliter les visites d’échanges au
niveau national, et même régional. Par
exemple, l’organisation de séminaires
sur les services d’appui aux entreprises
permettrait aux MPE de se rencontrer ;
➤ un atelier préparatoire peut constituer
un outil essentiel de planification des vi-
sites d’échanges et les représentants des
entreprises d’accueil peuvent y partici-
per. De plus, les MPE bénéficieraient de
ces échanges de par les informations in-

« L’actualité des services aux entreprises » n° 3 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Études de cas ■

Liens stratégiques et
avantage compétitif :
recherche-action sur les réseaux
de petites entreprises en Inde
Strategic linkages
and competitive
advantage : action
research on small
enterprise
networks in India, Ce document présente une recherche- Le projet cherche à aider l’Agence amé-
C. Richard Hatch, action sur les réseaux d’entreprises en Inde. ricaine pour le développement interna-
mai 2001. Il décrit le concept sur lequel le projet se tional (USAID) à répondre entre autres
fonde, pose les hypothèses guidant le tra- aux questions suivantes :
vail de l’équipe, souligne les rôles des or- ➤ comment les MPE interagissent-elles ?
ganismes partenaires et met en débat les
➤ quels sont les freins principaux à leur
objectifs et méthodes de recherche.
coopération ?
Le projet de recherche de réseaux de micro-
➤ comment peut-on les inciter à se spé-
entreprises actuellement en cours dans le
cialiser, c’est-à-dire à se concentrer sur
pays cherche à définir un processus de mo-
leur cœur de métier ?
dernisation qui réponde à la grande di-
versité des petites entreprises et rende ef-
ficace les ressources mises à disposition
par les bailleurs de fonds et agences pu-
bliques. La technologie organisationnelle LES MPE EN DANGER
au cœur de ce projet est le réseau : les stra-
tégies de réseau sont essentielles pour les
micro et petites entreprises (MPE), en par- Les MPE indiennes sont sur des marchés
Ce texte fait partie de plus en plus turbulents, et dans de
ticulier lorsque les décideurs politiques ou-
du projet MBP nombreux villages et villes, les petits en-
vrent les marchés domestiques à la concur-
(Microentreprise Best trepreneurs se débattent dans des secteurs
Practices) de USAID. rence internationale.
où les barrières à l’entrée sont faibles,
Cette étude se base sur les exemples ita-
conduisant à la formation de nombreu-
liens et danois pour comprendre dans
ses entreprises presque identiques. À
quelle mesure ces expériences sont ré-
Dakshinpuri, 54 entreprises dirigées par
plicables dans des pays en développe-
des femmes sont en concurrence pour la
ment en s’attachant au cas de l’Inde.
fabrication de vêtements sur des modè-
les traditionnels sur un marché saturé et
avec une pression forte sur les prix pous-
sant ces femmes à s’auto-exploiter. Dans
VERS UN MODÈLE EFFICACE la ville d’Aligarh, un cluster composé de
DE BDS ? plusieurs milliers d’entreprises fabricant
des verrous depuis des générations se voit
confronté à deux problèmes : d’une part
En Inde, le secteur informel, source très une inégalité de pouvoir de négociation
importante de nouveaux emplois, com- qui permet aux vendeurs en gros et aux
prend environ 26 millions de micro- commerçants de maintenir une pression
entreprises qui emploient plus de 45 sur les salaires en mettant en concurrence
millions de personnes. Les petites en- les fournisseurs ; d’autre part l’arrivée sur
treprises sont aujourd’hui menacées par le marché de verrous taiwanais et chinois
la vitesse de la libéralisation de l’éco- modernes fabriqués industriellement, et
nomie indienne. que les entreprises indiennes ne peuvent
Accédez au texte original sur :
www..mip.org/pdfs/mbp/strategic_linkages_and_competitive_advantage.pdf

34
Recherche-action sur les réseaux de petites entreprises en Inde 35

pas concurrencer. Dans un village retiré réseau d’entreprises liées par le marché vices sophistiqués, agréger leur pro-
au Rajasthan, des douzaines de person- (par l’offre). Les auteurs de ce document duction pour desservir plus de consom-
nes sans terre fabriquent des chaussures proposent une troisième voie à mi-che- mateurs sur de plus grands marchés, ap-
quasiment entièrement à la main à partir min : la création de réseaux inter-entre- prendre les unes des autres, et enfin aug-
du cuir local et ont besoin d’accéder à prises comme technologie organisa- menter leurs parts de marché et leurs re-
du cuir de meilleure qualité pour être tionnelle dont les entreprises peuvent se venus à l’exportation. Sur la durée, la
compétitives. servir pour minimiser leurs coûts de tran- propension des PME à se mettre en ré-
Qu’elles servent un marché de consom- sactions internes et être compétitives. En seau a amélioré la capacité d’adapta-
mateurs locaux où qu’elles intègrent des s’unissant autour de besoins et opportu- tion de la région entière en rendant des
chaînes de production de fournisseurs nités communs, les entreprises peuvent clusters compétitifs sur des marchés
liés à une grande entreprise, les MPE in- ainsi partager les coûts de l’information mondiaux.
diennes rencontrent des défis complexes, commerciale, des tests qualité et de la Avec la multiplication des régions où la
et entre autres : le grand nombre de certification, de l’achat de matériaux, ou création d’emplois provient des petites
concurrents sur des secteurs qui ont de encore de la gestion financière. entreprises, l’exemple italien a rapide-
faibles barrières à l’entrée ; des besoins En règle générale, les réseaux offrent trois ment été suivi, en particulier par un pro-
sophistiqués qui proviennent de pays in- bénéfices aux petites entreprises : jet de réseau national lancé au Danemark
dustrialisés et apparaissent sur les mar- ➤ ils configurent à nouveau la chaîne en 1989, poussé par l’ouverture du mar-
chés locaux ; une exigence plus forte du des valeurs en créant des économies d’é- ché unique européen et par un déficit
consommateur sur la qualité et les per- chelle ; commercial croissant. Le résultat, c’est
formances du produit ; des changements que ce projet a démontré que le réseau
➤ ils réduisent le risque lié à la spéciali-
rapides dans les matériaux et technolo- est une stratégie commerciale appropriée
sation en permettant aux MPE de réali-
gies de production. dans les nations industrialisées où les
ser des économies d’échelle et d’aug-
entreprises ont soit des ressources limi-
menter leur productivité ;
tées, soit des difficultés à atteindre le
➤ et enfin, ils génèrent des économies seuil d’efficacité dans leurs opérations
Les limites des BDS
de gestion car les entreprises peuvent en clés. Voyons à présent s’il en est de même
se regroupant accéder à des services de dans les pays en développement.
Généralement, dans des situations simi- qualité.
laires, l’effort porte sur l’augmentation de
l’offre de BDS, souvent couplée à des sub-
ventions pour stimuler la demande. Dans
ce contexte, ces solutions traditionnelles LE PROJET DE RÉSEAUX
semblent toutefois imparfaites : APPRENONS DE MICRO-ENTREPRISES
DES RÉGIONS EN INDE
➤ le modèle traditionnel d’offre de BDS
porte avant tout individuellement sur
QUI ONT DES RÉSEAUX !
l’entreprise ;
➤ les investissements en BDS dans cet Development Alternatives Inc. (DAI)
environnement n’ont pas été rentables Les deux exemples présentés ci-dessous conduit un programme de recherche-ac-
dans le passé ; sont plus amplement détaillés dans la tion avec son projet Microenterprise Best
partie « Idées, concepts et politiques » Practice (MBP) financé par USAID qui im-
➤ dans la réalité, les entreprises se
de cette publication (dans les textes sur plique plusieurs clusters de MPE en Inde.
concurrencent en se regroupant. Les en-
l’Italie et le Danemark). Les objectifs et tâches sont assez similai-
treprises de Dakshinpuri, d’Aligarh et du
Rajasthan ne seront compétitives que si L’étude des réseaux a débuté au com- res à ceux au Danemark mais il sera né-
elles rejoignent le réseau qui leur per- mencement des années quatre-vingt cessaire, comme présenté dans le tableau
mettra d’améliorer leur flexibilité et leur avec l’observation des clusters italiens. page suivante, de modifier le modèle afin
capacité d’innovation afin de bénéficier Les premières leçons tirées de ces exem- de répondre aux conditions locales.
d’un effet de levier sur leur productivité. ples ont été que des petites entreprises
correctement équipées et liées au sein
de systèmes commerciaux efficaces peu- Les objectifs
vent fonctionner comme les meilleures
des grandes corporations, et ce sans per- Il s’agit d’aider les petites entreprises en
LE RÉSEAU POUR DÉPASSER dre ni leur flexibilité ni leur ancrage cul- Inde à croître et à créer de l’emploi par
LES LIMITATIONS DE TAILLE turel local. Les MPE peuvent de la sorte la coopération en réseau. Un objectif se-
partager le coût croissant des BDS (par condaire lié à la promotion de la spé-
exemple la certification ISO 9000), ac- cialisation et de la productivité est d’aug-
Les MPE ont deux alternatives : soit croî- céder aux technologies coûteuses dont menter la demande, l’offre et la
tre dans un ensemble d’entreprises ver- elles ont besoin, additionner leurs ca- disponibilité des services d’appui aux en-
ticalement intégrées, soit incorporer un pacités pour produire des biens et ser- treprises. Le projet conçoit la formation

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Recherche-action sur les réseaux de petites entreprises en Inde 36

Les principales adaptations du modèle envisagées pour l’Inde

Nature de la différence Environnement des MPE indiennes Adaptations du projet à explorer

Échelle Territoire immense ; infrastructure de transports Accès aux MPE par les organismes partenaires locaux ;
inadéquate ; grand nombre de MPE, beaucoup en formation sur Internet et encadrement.
zones rurales.

Forces et faiblesses La plupart des entreprises sont sous-capitalisées et Attention accrue sur la spécialisation pour promouvoir
de l’entreprise équipées avec des technologies périmées. l’efficacité collective et les investissements de
modernisation.

Accès aux BDS / statut légal L’Inde a un vaste secteur informel hors du système Les facilitateurs vont devoir créer à la fois l’offre et
des entreprises public d’assistance et de financement bancaire. la demande en BDS ; ils devront considérer l’agrément
des réseaux afin de rendre ceux-ci éligibles à l’aide
financière.

Culture commerciale Les groupes ethniques, religieux et les castes Les médiateurs doivent apprendre à reconnaître et
et liens d’affaires peuvent présenter des obstacles à la coopération ; construire sur des bases organisationnelles existantes.
le système légal n’inspire pas confiance. Peu de Ils peuvent pour ce faire évoluer lentement, d’un
MPE prennent part à des organisations service à faible risque vers des projets de réseaux
commerciales. productifs plus risqués.

Orientation du marché / L’orientation sur le marché local est plus courante Éduquer les partenaires et entreprises en ce qui
base de la concurrence qu’en Europe ; la plupart des micro-entreprises ont concerne les impacts de la déréglementation et
peu d’expérience sur le marché national ou à l’accession à l’OMC ; étudier les MPE exportatrices ;
l’exportation. La concurrence est typiquement « benchmarking » des produits importés concurrents.
fondée sur des salaires et prix bas plutôt que sur la
différenciation et sur la qualité.

Formation et compétences Niveaux d’éducation et d’alphabétisation beaucoup Concevoir à nouveau les matériaux de formation et
plus bas. efforts de couverture.

Disponibilité de médiateurs Contrairement à ce qui se passe en Europe, le Des subventions seront nécessaires pour attirer des
marché du conseil aux MPE est restreint. On peut candidats. Étendre la formation du médiateur pour y
trouver, selon le besoin, quelques individus qui ont inclure les concepts clé de finance, gestion et
les compétences de médiateur. marketing. Répertorier les BDS existants. Former les
organisations non gouvernementales prestataires de
services sociaux à comprendre la stratégie commerciale.

Ciblage des projets Au Danemark, toutes les entreprises commerciales Une recherche doit se faire sur la structure industrielle,
étaient visées. En Inde, les procédures de filtrage les compétences et équipement disponibles, les
seront nécessaires afin d’assurer une utilisation systèmes commerciaux, la nature de la concurrence,
efficace des ressources. et autres sujets concernant les phases préalables
au ciblage.

de réseaux comme un service novateur conception d’un système efficace de sub- Le modèle
pour les entreprises. ventionnement pour encourager les ré-
seaux témoins, par de l’assistance tech-
L’application de ces objectifs se décline nique aux partenaires, aux médiateurs Ce projet vise à développer la confiance
par le ciblage de groupes d’entreprises re- et un pilotage des réseaux, et enfin, par mutuelle nécessaire pour surmonter les
présentatifs, la sélection d’organismes une recherche sur les méthodes et ou- retards en combinant autour d’un modèle
partenaires, le développement de maté- tils efficaces de développement des ré- (voir le graphique page suivante) l’expé-
riaux de formation des partenaires, la seaux à l’échelle nationale. rience de DAI, de partenaires locaux qui

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Recherche-action sur les réseaux de petites entreprises en Inde 37

ont un réseau relationnel établi avec les


Le modèle d’offre des services
PME cibles, et des médiateurs.

Équipe MBP
● Méthodes
Les participants :
● Formation/encadrement
critères de sélection et ● Recherche
discussion des hypothèses

Partenaires locaux : le projet va travailler


avec des partenaires privés pour tester Partenaires
les processus de construction de réseaux ● Connaissance des entreprises

● Recrutement et supervision du médiateur


efficaces et d’amélioration du marché
● Soutien pour la recherche
des BDS. Dans un premier temps, l’é-
quipe du projet invitera des ONG
connaissant déjà les MPE à participer en
facilitant l’accès à des entreprises, en
donnant les contacts des services d’ap- Médiateur du réseau
● Étudie les systèmes commerciaux
pui aux entreprises déjà disponibles, et
● Organise les réseaux
en sélectionnant, recrutant et formant ● Propose les BDS
des médiateurs.
La sélection des partenaires se concen-
trera sur des organismes capables de
concevoir et de développer un nouveau Clusters d’entreprises
produit de conseil qu’ils pourront par la
suite offrir de façon durable : entre au- Croissance
tres l’organisme devra avoir défini ses en- Réseaux du revenu /
treprises cibles (nombre, locations, sec- Modernisation
teurs, leurs obstacles au développement),
devra avoir un personnel qualifié capa- Différenciation / Spécialisation
ble de recruter et former les médiateurs,
être équipé d’internet. Les organismes
partenaires bénéficieront à leur tour du
projet en acquérant de nouvelles com-
pétences en développement commercial. gestion du risque et développement d’une menter leurs revenus sans prendre trop
Sélection et formation des médiateurs : confiance réciproque (par exemple par de risques, ils le font. Ainsi, l’incitation
les partenaires vont recruter, former et pla- des achats communs), identification de la plus utilisée est l’opportunité de ren-
cer les médiateurs dans des MPE et en nouveaux marchés pour les entreprises tabilité. Des fonds de cofinancement
même temps tester leurs matériels et mé- en réseau, soutien lors de l’élaboration (« matching grants ») et des services de
thodes de formation des médiateurs et du plan d’affaires, services d’appui aux médiateurs sont utilisés afin d’encoura-
des entreprises. On attend des médiateurs entreprises lors d’achats de groupe, iden- ger l’expérimentation de nouveaux pro-
qu’ils diffusent les concepts du réseau, tification des marchés BDS mal desser- duits et marchés.
qu’ils promeuvent la communication entre vis et planification d’une intervention. Une seconde hypothèse de l’équipe du
entreprises locales, qu’ils identifient de Les entreprises cibles : le travail est ef- projet est que, mis à part des services
nouvelles opportunités commerciales et fectué dans différents cadres et secteurs simples tels le courrier et la comptabi-
qu’ils travaillent à connecter des groupes afin de développer une méthodologie lité, les services d’appui aux entreprises
d’entreprises avec ceux avec qui ils ont qui soit réplicable, centrée sur les en- sont rarement disponibles ou abordables.
besoin de coopérer (fournisseurs, clients, trepreneurs, les entreprises établies cher- En agrégeant les pouvoirs d’achat des en-
concepteurs du produit, exportateurs, in- chant à croître, les entreprises fondées treprises au sein de réseaux, le projet
stituts de formation, fournisseurs privés sur des technologies modernes et sur l’ar- espère créer des marchés aussi plus at-
de BDS et programmes publics de servi- tisanat. Cette recherche devrait permet- tractifs pour les prestataires de BDS (cela
ces à l’industrie). tre de déterminer les caractéristiques des permet une plus grande utilisation de
Cela se traduit en pratique par les tâches entreprises qui bénéficient des opportu- BDS à un coût individuel moindre).
suivantes : analyse des entreprises et des nités des réseaux. Subventions et bourses « défi » : le projet
secteurs pour déterminer leur potentiel Le projet part du principe que les entre- prévoit que des subventions de court
de réseau, identification et diffusion des preneurs en Inde connaissent bien leurs terme seront peut-être nécessaires pour
« meilleures pratiques », augmentation difficultés ainsi que leurs opportunités, et accroître l’offre et la demande : attraction
de la communication entre entreprises, que lorsqu’ils ont une possibilité d’aug- de médiateurs, développement de formes

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Recherche-action sur les réseaux de petites entreprises en Inde 38

de réseaux nouvelles et pérennes. De plus, se rend compte qu’une économie régio-


comme les concepts de réseaux et de mé- nale composée d’entreprises compéten-
diateurs sont nouveaux pour les micro- tes et déjà organisées en réseaux peut
entrepreneurs, il faut surmonter leur per- être extrêmement flexible. Ceci est un
ception initiale du risque et les encourager but critique pour de nombreux pays en
à expérimenter, par des bourses pour les développement ; les équipes de ce pro-
projets significatifs de réseaux, des pro- jet espèrent que celui-ci contribuera à
duits ou processus de développement une compréhension des processus qui
communs, des efforts marketing com- mènera à une coopération entre entre-
muns, ou encore le partage d’équipement prises à grande échelle.
ou de consultants. Le processus d’appli-
cation vise à encourager au maximum la
réflexion en réseau des entreprises.
Les documents prévus : le projet compte
guider les bailleurs et autres partenaires
impliqués dans la planification et la mise
en œuvre de projets de développement
de petites entreprises en Inde. Le pro-
gramme de recherche prendra en compte
les observations (questionnaires) des par-
ticipants et passera en revue la littéra-
ture indienne sur les MPE afin de pré-
parer les rapports suivants :
➤ comment les systèmes commerciaux
des MPE fonctionnent ;
➤ une note technique sur les ONG dans
le développement de l’entreprise ;
➤ les réseaux, stratégie clé pour la crois-
sance de l’entreprise ;
➤ directives pour la conception d’un pro-
jet préliminaire de réseau.

EN GUISE DE CONCLUSION

Ainsi, les petites entreprises en réseau


peuvent plus facilement résoudre leurs
soucis quotidiens de gestion grâce aux
prestataires de services d’appui qui sont
à proximité. Elles peuvent aiguiser leurs
compétences en production spécialisée
par les contacts les unes avec les autres,
avec les clients et avec les consultants.
Elles peuvent pénétrer de nouveaux mar-
chés que les médiateurs ont identifié
pour elles et exploiter ces opportunités
tant que leurs revenus restent supérieurs
aux coûts. Ensuite, elles sont libres de
se regrouper en réponse à de nouveaux
signaux sur les marchés internationaux.
La flexibilité est essentielle à la compé-
titivité dans l’environnement économique
actuel. En étendant cette idée de l’entité
entreprise à un système économique, on

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Études de cas ■

Vers une stratégie


de développement
de clusters
Towards a
et de réseaux de PME
strategy for SME
cluster and
network
en Thaïlande :
development in
Thailand : a note de discussion
discussion paper
for stakeholders, pour les partenaires
C. Richard Hatch,
2002.

La finalisation et la mise en œuvre de ration avec l’Ismed, Institut pour le dé-


cette stratégie dépassent le cadre de cette veloppement des PME en Thaïlande
phase initiale du projet. (« Institute for Small and Medium Enter-
Cette étude présente en premier lieu la prise Development »).
théorie et la pratique en matière de ré- ➤ L’Ismed est un organisme quasi-gou-
seaux d’entreprises, puis évalue le po- vernemental créé en 1999 pour coor-
tentiel de développement de réseaux en donner des activités de développement
Thaïlande. Enfin, une stratégie pour le de PME, et spécifiquement conçu pour
Texte publié par le BIT développement de réseaux est ébauchée mener des projets de réseaux et clusters.
et rédigé d’après les conditions incitatives, res- ➤ Le BIT mène depuis plusieurs années
pour son initiative sources et contraintes identifiées. un programme d’appui aux micro, peti-
sur les réseaux
entre entreprises et Cette étude est une contribution au débat tes et moyennes entreprises (MPME) en
dirigé par Max Iacono, national sur le développement de clus- Thaïlande.
Thaïlande ters et de réseaux. Elle vise à soutenir la Le gouvernement thaïlandais est forte-
préparation d’une stratégie nationale ef- ment impliqué dans le développement
ficace pour les réseaux entre entreprises des PME, et les projets pilotes de liens
(ou réseaux « B2B » : « business to bu- au sein de clusters industriels sont des
siness ») en Thaïlande. Il s’agit d’une part éléments clés de son programme.
de montrer comment les ressources d’un
Les informations collectées en Thaïlande
gouvernement peuvent être organisées
proviennent aussi bien de sources pri-
en ce sens, et, d’autre part, de proposer
maires, secondaires, que d’entretiens,
des mécanismes pour encourager la par-
de visites sur le terrain et de rencontres
ticipation active du secteur privé. L’ob-
avec les acteurs : entre autres avec des
jectif est d’améliorer la compétitivité des
associations de petites entreprises, des
petites et moyennes entreprises (PME) et
entreprises, des agences gouvernemen-
d’améliorer l’emploi.
tales, des institutions, à la fois dans les
*** métropoles de Chiang Mai et de
Ce document stratégique préliminaire Bangkok.
de promotion des réseaux d’entreprises Le réseau est ici défini comme un groupe
en Thaïlande a été préparé par le Bureau d’entreprises qui coopèrent pour être
international du travail (BIT) en coopé- compétitives.

39
Vers une stratégie de développement de clusters et de réseaux de PME en Thaïlande 40

mière en termes d’emploi. Clé du suc- filières, tels le complexe de mode (filières
LE RÉSEAU EN THAÏLANDE : cès : le développement de réseaux de textile, habillement, chaussure, cuir) ou
LA COOPÉRATION DES PME fabrication. L’émergence de réseaux flexi- le complexe automobile (produits fabri-
POUR L’AVANTAGE COMPÉTITIF bles s’est faite en 10 à 15 ans, grâce à qués, machines, équipement de transport,
leur culture commune et avec le soutien plastiques, etc.). Une analyse des diffé-
des gouvernements locaux et des orga- rents secteurs et complexes d’entreprises
nisations professionnelles avec qui le conduit à une approche à plusieurs en-
Les réseaux entre entreprises, secteur privé est entré en partenariat. trées du développement de réseaux, in-
ou réseaux « B2B » spirée des expériences européennes pour
chacun selon les éléments suivants : for-
Les leçons de l’expérience italienne : ces, faiblesses, opportunités, et risques.
Au dernier recensement en Thaïlande,
en 1997, 850 000 PME sont déclarées ➤ le secteur privé doit être chef de
Des réseaux émergent déjà dans les sec-
dont environ 560 000 dans les secteurs file ;
teurs stratégiques : dans la production
de la production et des services. Les PME ➤ les réseaux concurrentiels relient et le marketing de sculptures sur bois
représentent presque 75 % de l’emploi les entreprises de production et (l’association des producteurs et expor-
dans ces secteurs et presque la moitié de services de façon originale ; tateurs compte presque 170 membres) ;
des exportations. ➤ une bonne communication entre de légumes surgelés (l’entreprise Leo
Les contraintes que les PME rencontrent les entreprises et des contacts ré- Foods a structuré 30 concurrents en un
en Thaïlande sont inhérentes à leur na- pétés conduisent à une évolution secteur de production bio, et les mem-
ture : une gestion peu poussée, des li- dans la culture commerciale ; bres de ce réseau ont organisé un ser-
mites d’accès au capital, et une faiblesse ➤ la confiance entre les entrepre- vice coopératif pour travailler avec les
en innovation produit et marketing. Plus neurs s’établit avec l’expérience. fermiers fournisseurs) ; d’automobiles
grave, les PME n’atteignent pas l’échelle (l’Institut national d’automobile travaille
minimale nécessaire à leur succès com- avec des groupes d’entreprises telle
mercial ; par manque d’argent, elles sous- l’Organisation des producteurs de piè-
Le programme danois a quant à lui réussi ces automobiles qui compte 200 mem-
investissent et ne peuvent pas embau-
en très peu de temps à introduire une bres, et organise des clubs « fournisseur-
cher de personnel spécialisé. Face à ces
coopération dans une culture commer- client ») ; de céramique ; d’ameuble-
difficultés incontournables, les PME in-
ciale résistante. Identifions les « équiva- ment ; de magasins d’alimentation.
dividuelles sont de plus en plus vulné-
lents thaïlandais » pour les éléments clés
rables dans une économie mondiale for- Les informations collectées ont permis
du programme danois : un secteur privé
tement compétitive. d’identifier les obstacles principaux au
chef de file, la couverture de l’informa-
L’argument à la base de cette étude est tion, une bourse « défi », et une forma- succès d’un programme de réseau.
que les entreprises croissent lorsqu’elles tion pour créer une offre en « cataly- ➤ Au niveau sectoriel, trois obstacles se
se positionnent dans les bons réseaux seurs » (les médiateurs). présentent : (i) la perception de l’entre-
ou systèmes d’entreprises et augmentent preneur que les alliances présentent un
leurs propres capacités grâce à celles des risque pour les informations confidentiel-
autres afin d’atteindre les niveaux d’ef- Les facteurs de succès des réseaux les ; (ii) un individualisme important trop
ficacité, de flexibilité et d’innovation exi- au Danemark : répandu dans la culture commerciale ; (iii)
gés par le marché. Les petites entreprises ➤ le partenariat gouvernement- le propriétaire de PME a très peu de temps
doivent aussi porter attention aux coûts, entreprises ; pour planifier des activités en réseau. Le
au capital, à l’accès au marché, à l’in- principal obstacle est que moins de 20 %
➤ des médiateurs de réseaux formés ;
formation et à la technologie. des petites entreprises – et presque aucune
➤ une promotion importante qui
Des exemples d’autres pays, par exem- entreprise du domaine informel – ne sont
utilise tous les médias ;
ple d’Europe, peuvent apporter des élé- membres d’associations commerciales ou
ments de réponse pour les PME thaïlan- ➤ des incitations financières. de chambres de commerce.
daises. Cette étude tire des leçons des ➤ Au niveau du gouvernement, des
expériences italienne et danoise, par contraintes peuvent se poser, telle la tra-
ailleurs présentées dans la rubrique dition de proposer des services individuels
« Idées, concepts et politiques ». Évaluation du potentiel
aux entreprises : ceci crée des attentes
C’est dans la région italienne d’Emilie-
de réseaux de PME en Thaïlande auxquelles il faut répondre avant que le
Romagne dans les années 80 que s’est gouvernement puisse commencer à tra-
faite la preuve que la coopération permet La plupart des PME de production en vailler avec des groupes d’entreprises. Les
aux PME de survivre sur des marchés Thaïlande sont regroupées et représen- conditions incitatives présentées dans le
concurrentiels. La région est ainsi pas- tent des cibles potentielles pour un pro- tableau page suivante ne suffisent pas à
sée en moins d’une génération d’une ré- jet de réseau national. À côté des grou- contrebalancer les contraintes majeures
gion agricole pauvre à la seconde région pes uni-sectoriels de PME, on trouve des en générant le niveau de coopération en
italienne en termes de salaire, et à la pre- groupes d’entreprises construits autour de réseau/cluster nécessaire en Thaïlande.

« L’actualité des services aux entreprises » n° 3 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Vers une stratégie de développement de clusters et de réseaux de PME en Thaïlande 41

Les conditions incitatives en Thaïlande

Conditions incitatives Importance Résultats en Thaïlande

Formation de clusters Émergence d’économies externes. La formation de clusters est manifeste en Thaïlande
par des PME. Efficacité de l’offre de services. (plusieurs industries en ont plusieurs).

Entreprises locales proactives. Des entreprises qui adoptent rapidement Des chefs de file significatifs ont été facilement
ce concept de coopération entre entreprises identifiés dans divers secteurs : transformation
sont nécessaires pour le légitimer et pour former alimentaire, artisanat, production de meubles.
des réseaux témoins (de démonstration).

Organismes commerciaux Des voies crédibles de communication pour Les organismes commerciaux clés (pièces automobiles,
et autres organisations les entreprises. meubles, production de céramique) promeuvent déjà
professionnelles. la collaboration entre entreprises.

Conscience des facteurs de Preuve de dynamisme. Tous les entrepreneurs interrogés étaient très
compétitivité (eg. qualité, conscients de la concurrence sur le marché mondial
efficacité, valeur, innovation, et des attentes des consommateurs.
volonté de s’adapter).

Réceptivité à la coopération Les formes existantes de coopération constituent Des entretiens avec des entrepreneurs ont montré
en réseau. une base pour les réseaux. une forte réceptivité et ont révélé un nombre significatif
de réseaux pilotes.

Production fondée sur une Montre la confiance entre les entreprises Le système commercial au niveau de l’entreprise et
division efficace du travail impliquées dans des chaînes stables de l’offre. la cartographie de la chaîne de production du cluster
entre les entreprises. La stabilisation est aussi un élément clé pour les vont fournir des données manquantes sur cette question.
gains de productivité.

Croissance de la demande Marchés non saturés, nouveaux produits. Par exemple, la production automobile va doubler en
dans certains secteurs clés. Thaïlande d’ici 2004. Les fruits de mer, la céramique et
d’autres secteurs présentent aussi une forte croissance.

Perspectives Encourage la prise de risque en réduisant les L’économie thaïlandaise a crû ces dernières 25 années
macro-économiques frictions entre concurrents locaux. à un taux annuel de 2 %, meilleur qu’attendu.
encourageantes. Les exportations ont été en croissance permanente.

Implication et ressources Les partenariats gouvernement-entreprises ont L’implication du gouvernement est forte.
du secteur privé. été clés pour une expansion rapide des réseaux De nombreux programmes spéciaux pour les PME
au Danemark et en Italie. sont en place ou près de l’être.

Organisations du secteur Accès aux entreprises, connaissance de la culture On trouve à la fois des organismes sectoriels pourvus
privé fortes et et des besoins commerciaux locaux, en personnel professionnel et des ONG compétentes
préparées au partenariat capacité à légitimer le concept de la coopération qui sont disponibles pour travailler avec le secteur
avec le gouvernement entre entreprises. informel et les personnes pauvres.
pour le développement
de réseaux/clusters.

Les ressources du gouvernement pour le charge de l’industrie peut aussi jouer un aider ; la communauté d’affaires est ré-
développement de réseaux se trouvent rôle significatif pour les projets de ré- ceptive, la coopération se développe déjà
d’une part au niveau du bureau du seau/de cluster. dans certains secteurs clés. Si le privé et
Premier Ministre, qui pourrait jouer un Les éléments sont en place pour que ce le public travaillent en étroit partenariat,
rôle central dans le développement de programme soit une réussite : le gou- la culture de coopération devrait sans
réseaux entre entreprises. D’autre part, vernement est proactif, sa base institu- aucun doute se développer, ainsi que
l’Ismed devrait optimiser les efforts du tionnelle pour la coordination de pro- des PME compétitives et un projet de ré-
secteur privé dans le pays. Le départe- jets de PME, l’Ismed, est opérationnelle, seaux qui sera un modèle pour les pays
ment du secteur privé du ministère en les autres agences publiques peuvent en développement de la région.

« L’actualité des services aux entreprises » n° 3 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Vers une stratégie de développement de clusters et de réseaux de PME en Thaïlande 42

Vers une stratégie de


Vers une stratégie de développement de clusters/de réseaux
développement de cluster / de pour les PME thaïlandaises
réseau pour les PME thaïlandaises

La stratégie de l’étude est de définir des La mission : soutenir le revenu et la croissance de l’emploi
objectifs pratiques et les moyens de les
atteindre, de démultiplier le soutien du
gouvernement, de développer les condi-
L’objectif global du projet : la compétitivité des PME
tions favorables, de réduire ou suppri-
mer les obstacles et de tirer des leçons
d’autres expériences.
Les objectifs spécifiques du projet :
● Les partenariats publics/privés des clusters dynamiques
des réseaux flexibles
Ils tentent de dépasser la logique de l’of-
fre pour s’orienter davantage vers la de-
mande et contribuer à la création d’un
environnement propice au développe- La stratégie :
1. partenariats du secteur privé, information et formation,
ment de PME. La propension à changer
centres de services aux réseaux
la culture commerciale dépend de la 2. incitations
coopération des entreprises, qui ne pour- 3. recrutement et formation de médiateurs de réseaux
ra émerger que si les entrepreneurs s’ap-
proprient les réseaux.
L’étude recommande en premier lieu de
former un Comité national pour les ré-
seaux en Thaïlande chargé de soutenir l’ef- Ensuite, il faut poser les priorités et sé-
lectionner les cibles initiales, c’est-à-dire ➤ Comment la participation de fem-
fort national de promotion des réseaux, la
développer les paramètres du projet : quel- mes et de groupes vulnérables
sélection des partenaires locaux (cluster,
les sont les cibles géographiques ? (Zones peut-elle être assurée ?
filière, région), l’allocation des budgets,
et l’évaluation des performances des par- urbaines ? Villages ? Provinces ? Avec ➤ Quels critères peut-on utiliser
tenaires et des résultats des projets. Ce co- quelle priorité ?) Quels secteurs indus- pour sélectionner les partenaires
mité serait constitué, en plus des ministè- triels ? Prend-on en compte des considé- du secteur privé ?
res concernés, de représentants des rations tels le genre, le potentiel à expor- ➤ Quels objectifs quantifiables peu-
principales organisations sectorielles, de di- ter, ou d’autres enjeux du développement vent être établis pour mesurer la
rigeants (aux niveaux régionaux) de PME, comme la décentralisation ou la préser- performance du projet ?
d’ONG de développement, de consultants vation de savoirs artisanaux menacés ?
et chercheurs sur les petites entreprises. Pour le choix des clusters et secteurs, il
Les partenaires privés du comité décline- peut être utile de les classifier selon des ● Les incitations du projet et les
raient ce projet dans les clusters au niveau critères tels l’importance économique, subventions à la création de réseaux
local ou sectoriel. On attend d’eux qu’ils la compétitivité, le fait qu’ils soient prêts
➤ Les bourses défi phase 1 pour stimuler
fournissent des recherches sur leurs clus- à démarrer. Des critères additionnels
les services aux clusters et la participation
ters, qu’ils conduisent des campagnes de peuvent être considérés : pourcentage
de PME à la planification stratégique. Elles
promotion, recrutent et suivent les mé- de femmes employées, impact potentiel
visent à encourager l’appropriation du pro-
diateurs, et agissent comme liens avec les de la croissance du secteur/du cluster
jet par les PME ciblées, et en particulier à
fournisseurs de services aux entreprises et sur la réduction de la pauvreté, degré de
les encourager à discuter des stratégies de
aux institutions financières. dépendance des économies locales/ré-
concurrence, à s’impliquer dans le recru-
gionales d’un groupe sectoriel.
tement du médiateur, et à soutenir l’ex-
périmentation de services innovants pour
Entre autres, les points qui peuvent
le cluster. Les objectifs de cette première
être discutés entre les partenaires : Les questions à discuter entre les
phase de bourses sont de créer un groupe
➤ Comment peut-on assurer la re- partenaires :
représentatif interlocuteur du réseau/sec-
présentation des principaux sec- ➤ Quelles devraient être les priori- teur ainsi qu’un leader local pour la mise
teurs de PME et de clusters sans tés en termes de taille d’entreprise, en œuvre du projet ; d’aider au recrute-
créer un comité trop lourd ? de secteur, de niveau d’actifs, etc. ? ment et à la formation de médiateurs de
➤ Quelles sont les meilleures fa- ➤ Une fois les priorités posées, com- réseaux ; de collaborer avec les prestatai-
çons de promouvoir le projet au- ment sélectionner les premiers res de BDS en créant des services straté-
près des PME en Thaïlande ? clusters que l’on va viser ? .../... giques pour les clusters (par exemple bre-
vetage, design industriel).

« L’actualité des services aux entreprises » n° 3 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Vers une stratégie de développement de clusters et de réseaux de PME en Thaïlande 43

➤ Les bourses défi phase 2 pour soutenir d’un programme extensif d’affectations meut actuellement le concept « un village,
les médiateurs de réseaux et développer terrain sur une période de quatre-six mois. un produit » dans les zones rurales.
des réseaux témoins. Elles fournissent aux Durant leurs assignations de terrain, les ➤ Aider le secteur privé à s’aider seul : par
médiateurs une source de revenus pen- médiateurs devront produire les outils de exemple le partage d’équipements que de
dant leur formation (création/développe- développement de cluster/réseau suivants : nombreuses organisations commerciales
ment de l’offre de services), créent la de- ➤des diagrammes analytiques des systè- thaïlandaises ont déjà expérimenté.
mande pour leurs services et stimulent les mes commerciaux pour chaque entreprise ; ➤ Développement de la chaîne de pro-
réseaux témoins. Il est important de créer
➤ des catalogues sur les capacités du duction dans un secteur clé : par exem-
rapidement suffisamment de réseaux té-
cluster ; ple, l’Institut thaïlandais de l’automobile
moins pour stimuler de plus grands clus-
➤ des répertoires des services d’appui a déjà mis en place des clubs « fournis-
ters. Les clusters ne perçoivent pas forcé-
(publics et privés) aux entreprises. seurs-acheteurs » qui lient les principaux
ment l’importance du médiateur, et ces
assembleurs avec les meilleurs vendeurs.
subventions permettent de recruter des Les médiateurs des projets dans les villa- Il est indispensable que ce concept soit
personnes compétentes. ges qui vont travailler avec des micro- étendu aux PME.
➤ Un volet pour la mise en place de mé- entreprises ne pourront pas être sélec-
➤ Délégation gouvernementale pour sti-
diateurs de village et de micro-entreprises. tionnés par leur expérience qui générale-
muler les réseaux : un programme bien
Ces médiateurs fonctionneront comme ment sera faible, et devront être choisis
structuré de délégation publique de maî-
des para-professionnels guidant les ré- pour leur connaissance du milieu et leur
trise d’ouvrage en Thaïlande pourrait sti-
seaux de micro-entreprises vers les servi- volonté de créer eux-mêmes une micro-
muler à la fois la modernisation et l’é-
ces d’appui plutôt qu’en proposant di- entreprise de services aux entreprises.
mergence de réseaux.
rectement ces services.
➤ Reconnaître les performances de la
Les questions à clarifier : coopération : un programme national de
Des questions à débattre : ➤ Quelles sont les sources poten- prix pour les PME et les organisations
➤ Quel niveau de la phase 1 de la tielles de médiateurs de réseaux commerciales menant des projets de ré-
bourse défi va attirer des organisa- pour les PME, pour les micro- seaux est un moyen peu cher pour pro-
tions sectorielles dynamiques, des entreprises, et pour les projets mouvoir la coopération et pour faire de
consortiums commerciaux ad hoc dans les villages ? la publicité sur le rôle de l’Ismed.
appropriés et des ONG travaillant ➤ Les organisations commerciales ➤ Proposer une analyse « forces/faibles-
avec des micro-entreprises et des ont-elles un personnel suffisant ses/opportunités/risques » aux PME : une
projets dans des villages ? pour prendre en charge ces fonc- formation télévisuelle ou par internet sur
➤ Quels sont les niveaux appropriés tions si on les forme ? la planification stratégique et la gestion
en phase 2 pour les PME, pour ➤ Les médiateurs de PME vont-ils de réseau est un moyen peu coûteux pour
les micro-entreprises ? accepter de cofinancer leur for- atteindre des entrepreneurs de PME.
➤ Comment peut-on utiliser effica- mation ?
cement les subventions afin de ➤ Peut-on compter sur les écoles
créer un cadre dans lequel les mé- de commerce pour coopérer à Les étapes suivantes possibles
diateurs puissent travailler avec les former les médiateurs ?
projets dans les villages et avec les ➤ Quel niveau éducatif et quelle ➤ Compléter la recherche en cours à l’u-
micro-entreprises ? expérience professionnelle vont niversité de Chiang Mai sur les clusters.
➤ Le programme de bourse peut-il avoir les personnes formées ? ➤ Discuter avec les partenaires de la stra-
être flexible et proposer des som- tégie proposée.
mes importantes pour des réseaux
➤ Former un Comité national pour les
plus grands ou plus innovants ?
réseaux.
➤ Organiser des ateliers de formation
pour les membres du comité, de l’agence
● Le recrutement et la formation QUELQUES OPPORTUNITÉS gouvernementale et les organisations clés.
de médiateurs de réseaux - IMMÉDIATES POUR ÉTENDRE ➤Préparer un plan détaillé de mise en
les catalyseurs des projets clés LES RÉSEAUX D’ENTREPRISES œuvre et un budget.
Le rôle du médiateur de réseau vous est ➤ Lancer des évènements de démarrage
présenté en détail dans le dernier texte de pour les organisations commerciales.
cette publication (rubrique « Outils d’ac-
Quelques projets de réseaux, ➤ Mettre en œuvre la phase 1 des bour-
tion »). Le Comité national pourra diriger
dont certains déjà en cours ses défi pour sélectionner les partenaires.
la production des matériels pour la for-
mation du médiateur. Cette formation sera ➤ Recruter et former les médiateurs.
composée d’une série de sessions en classe ➤ Réseaux pour la réduction de la pau-
qui regroupera les médiateurs, ainsi que vreté : le gouvernement thaïlandais pro-

« L’actualité des services aux entreprises » n° 3 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Études de cas ■

Les liens d’affaires


au Zimbabwe :
le projet Manicaland
Business linkages
in Zimbabwe : the
Manicaland
Project, Ce document présente le projet de liens par de fortes incitations commerciales
John Grierson d’affaires de Manicaland (MBLP – vers une intégration verticale (fournis-
(Finlande), « Manicaland Business Linkages Project »), seur / donneur d’ordre). Elle était duale
Donald C. Mead qui se fonde sur une approche du déve- et inefficace, caractérisée par des
(États-Unis) loppement de l’entreprise par les liens d’af- manques en produits, en services et en
et Edward Kakora faires. L’objectif est de répondre aux réa- intrants pour la production. Ces derniè-
(Zimbabwe), 1999. lités de la mondialisation, tout en aidant res années, les importations ont cons-
à redresser les déséquilibres historiques, tamment augmenté et ont introduit une
sociaux et économiques. pression concurrentielle sur les grands
Le projet Manicaland est l’un des premiers producteurs. Parallèlement, la libérali-
projets de développement à destination sation des importations et du marché do-
des petites entreprises mis en œuvre par mestique a offert de nouvelles opportu-
la chambre d’industrie de la Confédération nités aux petites entreprises. À la fois de
des industries du Zimbabwe (CZI). Il se nouvelles pressions et de nouvelles op-
concentre à mettre en avant des opportu- portunités ont ainsi poussé petites et gran-
nités spécifiques de liens, à encourager des entreprises à agir en commun. Le
un renforcement de capacités en optimi- Zimbabwe en est au début du dévelop-
sant les coûts (suivi par le client), et à fa- pement de son économie de marché, et
ciliter l’accès au crédit et au financement. la pratique des liens d’affaires n’y est pas
Le MBLP est minimaliste dans son concept encore répandue ou habituelle.
BDS, a review
et dans la pratique : il cherche à fournir
of international
experience, l’assistance minimale pour catalyser des Le projet de liens d’affaires
publié par Intermediate partenariats ou liens d’affaires. Il se concen- Manicaland
Technology tre avant tout sur l’efficacité et la durabi-
Publications, lité de la relation. Le concept de péren- La CZI cherche à tirer profit des oppor-
Royaume-Uni. nité du MBLP part du principe que lorsque tunités de la réforme économique avec
les relations d’affaires seront pratique cou- une approche des petites entreprises
rante au Zimbabwe, le besoin d’une in- basée sur les liens d’affaires. Le projet
stitution pour promouvoir les liens d’af- Manicaland a été conçu pour contribuer
faires sera faible. Les deux ans et demi à l’ajustement structurel, au combat
qu’a duré sa phase initiale sont présentés contre les inégalités sociales et écono-
comme un succès, le MBLP ayant cata- miques, bien ancrées, et instaurer la pra-
lysé 139 liens d’affaires. tique des liens d’affaires dans la culture
commerciale du Zimbabwe.
En tant que projet pilote, le MBLP a eu
deux objectifs :
LE CONTEXTE DU ZIMBABWE
➤ un objectif d’impact : améliorer l’effi-
cacité économique et la coupler à la par-
Une structure économique ticipation à la croissance des secteurs de
qui a évolué l’économie ;
➤ un objectif d’apprentissage : instaurer
L’économie du Zimbabwe s’est caracté- des approches du développement de l’en-
risée jusqu’au début des années 1990 treprise équitables, pérennes et efficaces.

Accédez au texte original sur : www.ilo.org/public/english/employment/ent/papers/zimbab.htm

44
Les liens d’affaires au Zimbabwe : le projet Manicaland 45

Les éléments constitutifs ➤ amélioration de l’accès du fournisseur Le renforcement


des liens d’affaires au crédit auprès des institutions finan- des capacités du fournisseur
cières, en particulier par des contrats et
diverses formes de garanties.
Trois éléments principaux sont à distin- L’objectif est d’aider les entreprises indi-
guer : l’information, le renforcement de Le suivi par le client se concentre sur les viduelles, d’une part à identifier claire-
capacités et le capital. Chacun peut être trois premiers points. ment des domaines où elles peuvent être
nécessaire au succès de l’établissement des partenaires fiables sur des contrats
d’un lien d’affaires et en général ce sont des ou opportunités spécifiques, et d’autre
organismes différents qui offrent ces pres- part à les aider à développer des capa-
tations. Le MBLP concentre ses activités cités. Ce n’est pas le MBLP lui-même qui
LA CONCEPTION DU PROJET
sur l’information et le développement de propose ce service. Lorsqu’une inter-
capacités et justifie son action par le fait vention directe se justifie, le MBLP soit
que les liens d’affaires favorisent l’accès facilitera l’accès à une assistance auprès
des petites entreprises au capital. L’identification d’autres, soit, si c’est nécessaire, achè-
L’information est une nécessité pour tout
des opportunités de liens tera auprès d’un prestataire local ces ser-
partenaire potentiel : l’acheteur a besoin vices d’appui ou de conseil (en général
de savoir qui sont les fournisseurs po- L’identification des opportunités de liens spécialisés ou spécifiques à une personne/
tentiels de biens et services, et le four- consiste à aider client et fournisseur tout à un groupe).
nisseur de savoir qui va pouvoir acheter d’abord à identifier des possibilités mu-
ses produits ou services. Cette informa- tuellement rentables, puis, si la demande Concevoir un projet
tion représente un défi dans le sens où les de collaboration est énoncée, à jouer le pour qu’il soit durable
informations coûtent cher à collecter, à rôle d’intermédiaire dans le développe-
rassembler, et sont vite périmées. Le ment d’un partenariat viable.
Le projet Manicaland est une tentative
MBLP y répond encourageant acheteurs Le projet Manicaland propose quatre innovante d’introduction de nouvelles
et producteurs à identifier la demande types d’assistance pour identifier des op- techniques, peu familières au Zimbabwe.
actuelle et crédible et à coopérer pour portunités : Il part du principe que les nouvelles tech-
y répondre. Le projet aide souvent à éta-
➤ les portes ouvertes des clients per- niques, si elles sont efficaces et aborda-
blir le premier contact.
mettent à de petits groupes de fournis- bles, deviendront peu à peu la norme
Le renforcement de capacités peut être seurs potentiels de visiter des acheteurs des pratiques commerciales à Manica-
utile pour qu’un fournisseur puisse ré- en recherche de partenariat ; land et au-delà. Lorsque les liens d’af-
pondre à ses obligations de qualité, de faires deviennent courants, les coûts pour
➤ l’audit de capacité des fournisseurs
quantité, de délai et de prix. L’acheteur les générer (information) et pour les
évalue si une entreprise peut fournir des
connaît les spécificités du produit qu’il maintenir (développement de capacités
biens ou services spécifiques en identi-
recherche, ses délais d’obtention et a di- et suivi par le client) sont largement cou-
fiant ses forces, faiblesses en termes de
rectement intérêt à ce que la relation verts par le client et le fournisseur. La re-
processus, de capacités financières et en
avec le fournisseur fonctionne bien. cherche de durabilité se base ainsi sur
gestion, et en compétences techniques ;
Ainsi, le MBLP a mis au cœur de son ac- un changement dans la culture com-
➤ l’étude de faisabilité examine des pro-
tion le suivi par le client, la forme la plus merciale locale motivé par la recherche
simple, la plus durable et efficace de dé- positions spécifiques de liens et esquisse
les conditions de rentabilité pour un four- d’efficacité. Elle a trois fondements :
veloppement de capacités du fournis-
nisseur qui voudrait entrer en partenariat ; ➤ l’impact : si les liens d’affaires fonc-
seur. Le projet soutient des relations com-
tionnent, leur pratique deviendra bien-
merciales spécifiques, généralement ➤ l’atelier d’identification de liens, pour
tôt un aspect normal dans la culture com-
proposées en première instance par l’a- les clients comme pour les fournisseurs,
merciale du Zimbabwe ;
cheteur. est généralement orienté sur un sous-
secteur de marché. ➤ le partage des coûts : lorsque les liens
Enfin, le capital est nécessaire à finan-
d’affaires deviennent pratique courante,
cer le fonctionnement, acheter l’équi-
leurs coûts sont de plus en plus suppor-
pement et construire l’infrastructure. Les La promotion tés par les bénéficiaires directs (fournis-
liens d’affaires aident les entreprises à des liens d’affaires seurs et clients) ;
répondre à leur besoin en crédit de qua-
tre façons : ➤ le minimalisme : les interventions ex-
Il s’agit ici de présenter le concept de ternes (y compris celles du MBLP) sont
➤ identification et clarification des be-
lien d’affaires à la communauté d’affai- soigneusement limitées ; la conception
soins réels en crédit ;
res de Manicaland. Les activités de pro- du projet cherche à baisser les coûts en
➤ réduction des besoins en crédit ; motion comprennent des campagnes stimulant des processus économiques
➤ proposition directe de crédit par le médias ainsi que la lettre d’information standards plutôt qu’en essayant de s’y
client ; du MBLP. substituer.

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Les liens d’affaires au Zimbabwe : le projet Manicaland 46

Les principes de mise en œuvre et plus diverse que ce à quoi on s’atten- Mdokwani a des problèmes opération-
dait : sylviculture bien sûr, mais aussi nels, qui vont des pannes des équipe-
construction, fourniture de bois, ou en- ments aux difficultés de trésorerie dues
➤ Le projet Manicaland cherche à établir
core restauration d’entreprise, nettoyage à l’inflation et à l’augmentation du sa-
des relations « gagnant-gagnant » pour
industriel, transport, nettoyage et enlè- laire minimum. Le projet l’aide à affronter
le client et pour le fournisseur.
vement d’ordures. ces difficultés, et monsieur Mdokwani
➤ Ilinsiste sur le suivi par le client com-
Durant les deux ans et demi qu’a duré la espère élargir sa gamme de services à la
me approche la plus efficace pour dé- gestion des déchets médicaux et des dé-
phase pilote, le projet a permis de cata-
velopper à long terme les capacités du chets solides municipaux.
lyser 139 liens d’affaires à un coût bien
fournisseur.
inférieur aux dépenses prévues : initia- ➤ La construction et maintenance de
➤ Il fournit l’assistance minimale à lement, il était prévu de catalyser 64 pro- routes : Monsieur Njunga, directeur exé-
chaque client tout en cherchant à en at- jets pour un montant de 4 000 US$, et, cutif de Shumba Construction and
teindre le maximum. dans les faits, 139 projets ont été cata- Engineering, est un ingénieur diplômé et
➤ Il est fortement local et utilise en pre- lysés, pour 1 360 US$, permettant de ancien fonctionnaire qui a des années
mière instance les ressources de Mani- créer 1 250 emplois (donc à un coût d’expérience en supervision de cons-
caland. Lorsque c’est possible, il se sert moyen de 150 US$ par emploi créé). truction et en maintenance de route. Sa
de ressources zimbabwéennes, et étran- décision de quitter la Fonction publique
gères uniquement si nécessaire. et de créer sa société a coïncidé avec la
décision d’une grande entreprise de bois
LA DIMENSION HUMAINE de construction de sous-traiter le travail
DU PROJET de maintenance des routes sur leurs pro-
LES ACTIVITÉS, priétés de bois de construction. L’entre-
RÉSULTATS ET COÛTS prise de bois de construction a ainsi
Et maintenant, quelques mini cas d’é- vendu son équipement lourd à monsieur
tude pour donner une dimension hu- Njunga et a signé avec lui un contrat de
maine aux chiffres ! Le MBLP était im- maintenance des routes. Ce contrat, à
Les activités du projet ont été :
pliqué de façon active dans la formation long terme, a permis d’assurer à Monsieur
➤ soit liées à l’information : des ateliers des liens d’affaires rapportés ci-dessous : Njunga un flux de revenus stables et lui
de promotion des liens d’affaires (22),
➤ La récolte du bois de construction : a permis d’être sûr de pouvoir honorer
des portes ouvertes des clients (27), des
Madame Munhundiripo et Madame son contrat d’achat d’équipement. En fin
campagnes médias (2), et une lettre d’in-
Kaneta ont récemment commencé à ré- de contrat, Monsieur Njunga détiendra
formation ;
colter du bois de construction pour une la majeure partie de son équipement.
➤ soit liées au capital : 18 actions ont grande entreprise basée dans la province
été menées, dont 13 se sont concentrées de Manicaland. Aucune des deux n’a-
à aider l’entreprise à formuler sa propo- vait d’expérience préalable dans l’in-
sition de prêt. Pour toutes les actions, le dustrie du bois de construction. Les deux LA PREUVE DE L’IMPACT
projet a cherché à mettre l’accent sur ont débuté leur carrière comme entre-
l’offre de crédit, proposer du crédit « en preneurs et travaillent sur contrat, en uti-
nature », ou faciliter l’accès au crédit. lisant une tronçonneuse pour abattre l’ar- Les liens et le suivi, des pratiques
Les sous-secteurs identifiés au départ bre et des bœufs pour tirer les troncs sur de plus en plus courantes
étaient la sylviculture / le bois de cons- le côté de la route, où ils sont collectés
truction, l’horticulture et la fabrication et transportés par d’autres petites entre- Les liens existants sont de plus en plus
de meubles. Les industries liées à la syl- prises. Les deux femmes espèrent agran- sous pression car l’économie du Zim-
viculture représentent presque 70 % de dir leur entreprise et éventuellement rem- babwe va moins bien : les marchés se
l’économie de Manicaland et comptent placer un bœuf par un tracteur. Madame contractent, les prix des intrants aug-
pour la plus grande partie des opportu- Munhundiripo a maintenant 41 em- mentent, l’inflation s’installe, la valeur
nités déjà existantes de liaisons. Le sec- ployés (dont 11 femmes), et Madame réelle des actions nominales en fonds de
teur de la sylviculture se prête bien aux Kaneta emploie 35 hommes. roulement baisse, alors que les taux d’in-
liaisons commerciales, et 94 des 139 ➤ Le nettoyage commercial : Monsieur térêt des banques augmentent sans cesse.
liens d’affaires (soit 67 %) ont mené à Mdokwani a une entreprise de nettoyage Les fournisseurs courent le risque de voir
des contrats où le client était l’une des industriel et offre ses services à des lo- leurs profits baisser par des termes
quelques grandes entreprises de bois de caux commerciaux. Monsieur Mdokwani contractuels plus stricts avec leurs parte-
construction. emploie 36 personnes, possède une naires commerciaux. Cependant, et mal-
Globalement, pour le client, les secteurs shampouineuse de moquette et neuf ci- gré ces pressions, aucun fournisseur n’a
d’activités sur lesquels le projet s’est reuses industrielles. Son entreprise de été évincé du marché, et aucun client n’a
concentré sont différents et moins variés nettoyage industriel a actuellement 11 dû résilier ses partenariats et intégrer des
que prévu. Au contraire, l’activité des contrats, plusieurs ayant été obtenus activités hors de son cœur de métier. Les
fournisseurs est à la fois plus éclectique grâce au projet Manicaland. Monsieur liens commerciaux sont ainsi perçus

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Les liens d’affaires au Zimbabwe : le projet Manicaland 47

comme un moyen efficace de supporter et gagner en efficacité, et il est plus pro- altérer le cœur de la relation, diminuer
une situation économique difficile. bable qu’elles deviennent de bons par- son aspect gagnant-gagnant, son poten-
En généralisant, la majorité des entrepri- tenaires commerciaux. tiel, et empêcher que les liens d’affaires
ses s’en sort plutôt bien. Les fournisseurs Les nouveaux liens d’affaires provien- émergent comme une pratique com-
ont connu une forte croissance, en nom- nent de différents clients et fournisseurs. mercialement gratifiante ;
bre et en taille, même si beaucoup doi- La recherche de nouveaux liens avec des ➤ la maîtrise des coûts est un point clé de
vent se battre pour honorer leurs enga- clients actuels est limitée, car bien qu’il l’équation, et les projets de liens ne doi-
gements dans ce climat économique peu y ait des opportunités avec ces clients, vent pas compter sur des sources de sou-
favorable. De nombreux emplois ont été les opportunités les plus évidentes ont tien externe à long terme. Ainsi, les res-
créés, en partie parce que la sylviculture déjà été saisies. Ainsi, la croissance à sources externes de court terme doivent
a bénéficié d’une période de croissance venir à Manicaland proviendra proba- être utilisées avec précaution. En général,
continue. D’autre part, l’encouragement blement d’autres entreprises du secteur ceci signifie qu’il faut éviter les appro-
des partenariats a accentué les effets bé- de la sylviculture, ou d’autres secteurs. ches « intégrées », coûteuses, et à la place
néfiques de cette croissance, ce qui à son La question du déséquilibre du rapport se concentrer à fournir le minimum d’as-
tour a stimulé l’expansion. de forces est importante et doit être trai- sistance utile et nécessaire.
Les liens d’affaires sont largement acceptés tée. Lorsqu’un client important achète à
comme une façon efficace et rentable de un plus petit fournisseur, il peut généra- Au-delà, les défis
faire du commerce et la question est main- lement lui dicter ses conditions. Des tech-
tenant de savoir comment établir des liens niques sont couramment utilisées pour
Le projet de liens d’affaires de Manicaland
d’affaires le plus efficacement et rapide- amoindrir ce déséquilibre :
a eu la chance d’être lancé à un moment
ment possible. La plupart des entreprises ➤ des clients multiples : si un fournis-
où l’économie du Manicaland était en
reconnaissent qu’elles ont intérêt à ce que seur peut diversifier ses clients, il sera bonne santé et en croissance. Les succès
le lien d’affaires fonctionne, même si cela alors moins dépendant d’un client en de bonne heure de ce projet sont large-
nécessite un suivi. particulier ; ment dus au fait que plusieurs grandes
Les acheteurs sont de plus en plus nom- ➤ l’éducation des clients : les clients pré- entreprises ont perçu les liens d’affaires
breux à proposer des crédits en nature voyants reconnaissent qu’il n’est pas dans comme une approche efficace de res-
et des formations à leurs fournisseurs. leur intérêt d’exploiter les fournisseurs, tructuration et de conquête de nouvelles
Ce suivi leur permet en effet de s’assu- qui ont besoin d’un juste retour de leur opportunités sur des marchés en crois-
rer que les fournisseurs effectuent leur travail. Il y a un enjeu éducatif à ce que sance. Cependant, à cause de la réces-
travail rapidement et efficacement. Le les clients comprennent ceci ; sion de l’économie du Zimbabwe et de
suivi du client au travers d’une forma- ➤ l’assistance dans l’établissement des nombreux marchés à l’export, à la fois les
tion vise généralement un besoin spéci- coûts et des prix : une des faiblesses ma- clients et les fournisseurs sont aujour-
fique et actuel, trait caractéristique d’une jeures des petits fournisseurs est qu’ils d’hui confrontés à des marchés stagnants,
formation qui fonctionne et est économe. ne connaissent ni le coût ni le prix de à un tournant défavorable dans l’évolu-
leurs produits et services. Une agence tion des prix, et à un crédit rare et cher.
Relativisons en conservant externe peut les aider sur ce point pour Le projet Manicaland rencontre mainte-
les liens d’affaires en perspective déterminer par rapport à la concurrence nant principalement deux types de défis :
des prix raisonnables et compétitifs ; s’assurer que les liens existants vont sur-
Un certain degré d’échec commercial est ➤ le maintien d’une relation bilatérale : vivre, et chercher de nouveaux secteurs en
normal et devrait être reconnu comme le traitement du déséquilibre du rapport croissance et de nouvelles opportunités.
tel. Il faut toutefois comprendre les rai- de forces ne doit pas trop gêner les clients Ainsi, si le MBLP surmonte ces défis, il
sons derrière un échec et modifier la et fournisseurs à former des liens. La règle devra trouver l’équilibre entre deux for-
conception et la pratique du lien d’affai- de base est de s’assurer que le lien reste ces souvent conflictuelles. D’un côté, en
res en fonction. Trois causes principales bien un arrangement bilatéral. tant qu’activité orientée par la demande,
émergent de l’évaluation des échecs ap- il devra suivre le marché. D’un autre, en
parents : une information inadéquate et accord avec la logique de liens d’affai-
une communication trop faible ; un pro- res, il devra rechercher la spécialisation
cessus de prise de décision trop lent de CONCLUSIONS et l’efficacité. Il devra, pour équilibrer
la part du client ; une spécialisation (ca- ces réalités concurrentielles, déterminer
pacité) limitée du fournisseur. à la fois la demande réelle du marché et
Les liens d’affaires aident les entreprises Les leçons tirées de l’expérience la palette de besoins que le projet peut
établies à s’améliorer. Celles qui sont les s’attendre à rencontrer.
plus à même de croître significativement Deux leçons clés ont été tirées de la pre- Enfin, la dernière mesure du succès du
sont souvent celles qui existent depuis mière phase du projet : projet sera la mesure dans laquelle les
assez longtemps et maîtrisent les tech- ➤ la force motrice doit être économique. liens d’affaires deviendront des pratiques
niques de base de leur cœur de métier. Un attitude charitable de la part du client courantes et naturelles de la culture com-
Elles sont ainsi bien placées pour croître ou de droit de la part du fournisseur peut merciale du Zimbabwe.

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Outils d’action ■

Le développement
de clusters et
de réseaux de PME :
le programme de l’Onudi
Development
of clusters
and networks of
SMEs - the UNIDO
programme,
Onudi, Vienne,
Le programme « Développement de ré- pui qu’elles reçoivent), mais aussi à inter-
Autriche, 2001.
seaux et de clusters » est l’un des pro- naliser des fonctions telles la formation,
grammes mis en œuvre par le départe- la veille sur le marché, l’innovation tech-
ment de développement du secteur privé nologique ou la logistique, et ne peuvent
de l’Onudi. Il répond à la demande d’as- pas organiser leurs ressources humaines
sistance technique des pays en dévelop- de façon efficace. Enfin, elles sont
pement pour renforcer la compétitivité concentrées sur leur (faible) marge et pas-
de leurs petites et moyennes entreprises sent à côté d’améliorations de leurs pro-
(PME) et encourager les liens d’affaires cessus de production et leurs produits,
entre elles et avec les instituts locaux de et donc d’opportunités de marché.
soutien. Ce programme recouvre plu- La plupart de ces obstacles au dévelop-
sieurs modalités de collaboration entre pement des PME résulte de leur isole-
entreprises et avec des institutions : le ré- ment plus que de leur taille. Les réseaux
seau horizontal (entre PME), le réseau leur offrent une voie de réponse collec-
vertical (entre PME et plus grandes en- tive à leurs difficultés. La coordination
treprises), et le cluster, qui implique une des activités des PME permet des éco-
grande concentration d’entreprises d’une nomies d’échelle (achat en gros, utilisa-
Brochure de l’Onudi, même localité et de secteurs complé- tion commune de machines ou d’outils,
Organisation des mentaires (quand ce n’est pas le même). capacité d’honorer de plus grandes com-
Nations unies Le document décrit l’approche du pro- mandes). De plus, coopérer permet non
pour le développement gramme de l’Onudi en l’exemplifiant et seulement aux entreprises de se spécia-
industriel. présente les méthodologies et outils qui liser sur leur cœur de métier et de lais-
ont été développés pour construire les ser sa place à une organisation externe
capacités des institutions locales et pro- du travail, mais aussi d’apprendre les
mouvoir les clusters et réseaux. unes des autres, d’échanger idées et ex-
périences, d’améliorer la qualité de leurs
produits et de s’installer sur des segments
de marchés plus rentables.
LES DÉFIS OU LA JUSTIFICATION
Enfin, l’expérience a montré qu’il est plus
DU PROGRAMME
simple de former un réseau lorsque les
entreprises sont physiquement proches et
ont des intérêts commerciaux communs.
L’Onudi part du principe que les PME
peuvent jouer un rôle clé dans la crois-
sance économique et le développement
équitable des pays en développement. LA RÉPONSE DE L’ONUDI :
Or les PME individuelles ont des diffi- APPROCHE ET EXPÉRIENCE
cultés non seulement à faire des écono-
mies d’échelle lors de l’achat de leurs in-
trants (tels l’équipement, les matières Chaque programme national de l’Onudi
premières, ou encore les services d’ap- est adapté au pays d’intervention suivant

Accédez au texte original sur : www.unido.org/userfiles/PuffK/SMEbrochure.pdf

48
Le développement de clusters et de réseaux de PME : le programme de l’Onudi 49

trois aspects principaux : (i) organisation nants vers des objectifs communs. La
et développement de clusters ; (ii) dé- tâche initiale est de (re)construire la Dans le cas du cluster de Bagru
veloppement de réseaux de PME : c’est confiance entre ces partenaires (les en- (Inde), la confiance réciproque entre
le réseau horizontal ; (iii) développement treprises et les institutions). les PME des imprimeurs à la plan-
de liens entre PME et plus grandes en- che1 (« block printers ») a été très
treprises : c’est le réseau vertical. difficile à développer. Une tentative
Le cluster d’industrie alimentaire de coopération avait échoué envi-
Les définitions que donne l’Onudi aux
« food processing » de Pune (Inde) ron vingt ans auparavant, et depuis
clusters et réseaux – horizontaux/ verti-
illustre que l’établissement d’un dia- les relations s’étaient ancrées dans
caux – sont rapportées dans le glossaire
logue dans un réseau sous-perfor- l’immobilisme. Les entreprises ne
en début de publication.
mant est un processus qui exige une voulaient pas même participer à une
assistance soutenue. Les acteurs ont rencontre préliminaire, et l’Onudi a
indiqué que la rigueur de la régle- choisi de concentrer son action sur
Le développement de clusters les enfants des artisans, eux mêmes
mentation était l’obstacle principal
à la croissance du cluster, et ils de- imprimeurs à la planche, qui ne par-
Un phénomène mondial : sans parler des mandaient qu’elle soit assouplie. tageaient pas cette méfiance mu-
nombreux clusters, dans divers domai- Lorsque l’Onudi a mené une étude tuelle et dont l’éducation supérieure
nes, qui fonctionnent très bien en Italie, de diagnostic, il s’est révélé que les offrait une vue à plus long terme de
les clusters sont répandus dans les pays partenaires du cluster ne mesuraient leur entreprise.
de l’OCDE ainsi que dans les pays en dé- pas l’importance de la sûreté des pro- Une série d’entretiens en face-à-face
veloppement. Par exemple, le cluster de duits, comptaient plus sur des mé- a été conduite afin d’identifier be-
Tirupur (Inde) compte plus de 7 000 PME thodes traditionnelles, et n’utilisaient soins et priorités ; il en est ressorti que
qui exportaient en 1999 pour 650 mil- pas le matériel moderne de test. tous souhaitaient développer des
lions USD de bonneterie en coton, soit L’Onudi leur a fait prendre cons- compétences marketing et étaient
80 % des exportations indiennes sur ce cience de cette réalité en organisant prêts à cofinancer une formation.
secteur de marché. des rencontres bilatérales et en grou- Celle-ci a été organisée, avec des
Comment passer d’une simple concen- pes afin qu’ils puissent échanger leurs aides extérieures (ONG et Small
tration d’entreprises, sans réel lien autre points de vue, recentrer leur problé- Industries Development Bank of
que la proximité, à une organisation d’en- matique, identifier en détail ce qui India), et 23 artisans, d’une moyenne
treprises ? La transition est un processus empêchait leur croissance et utiliser d’âge de 21 ans, en ont bénéficié, ont
délicat : cette phase est celle où la les matériels existants pour répondre visité des ateliers d’exposition et ont
confiance et le dialogue constructif entre aux exigences réglementaires. rencontré des représentants des agen-
les acteurs doivent se construire autour de Les participants ont alors constaté ces d’appui aux artisans de Delhi et
l’échange d’informations, de l’identifi- leur ignorance de la loi et leur inca- des imprimeurs à la planche de plus
cation d’objectifs stratégiques communs, pacité à suivre ses amendements per- grandes entreprises.
du développement d’une stratégie col- manents. Ceci les a amené à expri- Leur réaction a été très positive, les
lective de développement. La mise en mer le besoin d’information en la jeunes sont devenus confiants en
œuvre cohérente et systématique de cette matière, et plus encore, les produc- leurs compétences marketing et se
stratégie exige des efforts substantiels et teurs du cluster ont constaté qu’ils sont intéressés aux programmes
une implication de tous à un objectif n’avaient pas l’opportunité de dia- d’appui existants, qu’ils ne connais-
commun. Elle demande du temps pour loguer avec l’agence de réglemen- saient pas auparavant. Leur enthou-
s’investir dans la connaissance réciproque tation alimentaire à cause de la frag- siasme s’est communiqué à leurs pa-
et la coordination, le développement mentation des organismes représen- rents qui ont commencé à aller aux
d’une vision commune, et elle exige une tatifs. Le besoin d’une organisation réunions de suivi.
implication à long terme. de taille critique et les regroupant
Cette transition n’est pas spontanée et tous s’est donc fait sentir. Enfin, le
nécessite dans certains cas une assis- besoin de plus de possibilités de tests
tance technique externe. L’Onudi pro- alimentaires indépendants a été mis Le développement des capacités fondé
pose cette assistance en considérant trois à jour, et les partenaires du cluster sur des objectifs partagés s’effectue en
aspects principaux : une approche par- ont demandé la création d’un cen- deux temps : tout d’abord, il faut sensi-
ticipative au développement d’une vi- tre technique à Pune. biliser et mettre en relation les partenai-
sion, des actions de développement des res du cluster, puis produire un diagnos-
capacités fondées sur des objectifs par- tic. Ceci permet en effet d’identifier une
tagés, la durabilité du processus de dé- vision partagée et de mettre ensuite en
veloppement du cluster. Les conditions historiques, locales et cul-
1 Note du traducteur : personne qui imprime, au
Une approche participative à la cons- turelles, enfin, sont essentielles lors de
moyen de planches gravées en bois, en caout-
truction est une condition sine qua non cette phase de cohésion et de synergie chouc ou en une autre matière, des dessins sur
pour canaliser les énergies des interve- entre les intervenants. des tissus ou du papier pour la tapisserie.

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Le développement de clusters et de réseaux de PME : le programme de l’Onudi 50

œuvre un plan d’action commun. Celui- avec une initiative commerciale com- tive, et aussi car elles ne se font généra-
ci se précise au fur et à mesure que le mune. Les bénéfices principaux engen- lement pas confiance entre elles et crai-
projet de cluster avance : au départ, le drés par le réseau horizontal sont des éco- gnent un comportement opportuniste
médiateur doit se concentrer sur une stra- nomies d’échelle et un plus grand pouvoir des autres entreprises, ce qui bloque sou-
tégie de court terme avec peu d’entre- de négociation, une plus grande capacité vent les initiatives de coopération. Les
prises, puis avec le développement du à apprendre et innover, et une plus grande médiateurs peuvent aider à baisser ces
cluster, il peut élargir la vision du cluster capacité de gestion stratégique. coûts et à débuter de telles initiatives.
ainsi que le nombre de partenaires im- Tout comme les clusters, les réseaux ne Les étapes de ce processus sont similai-
pliqués dans son développement. sont pas faciles à établir car les entre- res à celles du développement d’un clus-
À tous les stades, le médiateur doit veiller prises individuelles ont rarement envie ter : activités de promotion et de moti-
à ce que les acteurs locaux soient im- d’assurer le coût d’une initiative collec- vation ; assistance à la planification
pliqués dans la définition des activités
collectives, puisqu’ils vont suivre leur
mise en œuvre et leur progrès, et vont Le cluster de Ludhiana (Inde) montre que l’implication des partenaires est essen-
s’assurer que l’implication perdure [cf. tielle au développement du cluster. Ce cluster recense plus de 10 000 PME, soit
l’encadré « Le cluster de Ludhiana presque 90 % du marché national des produits tricotés en laine. Or la libéralisa-
(Inde) » ci-contre]. tion croissante du marché indien ainsi que la hausse probable des importations bon
L’obstacle principal au développement marché menaçaient le cluster d’une crise importante et l’obligeaient à se développer
d’un cluster est généralement le manque à l’exportation, ce qui nécessitait de meilleures capacités de production.
de coordination et de pertinence de l’ac- Le médiateur de l’Onudi a commencé par soutenir la réorganisation de plusieurs
tion plutôt que le manque de services organismes locaux pour renforcer la coopération et se concentrer sur les expor-
d’appui aux entreprises. Ainsi, dévelop- tations : une association a été créée (Apparel Exporters Association) et un calen-
per des capacités ne signifie pas créer drier d’action commun a été dressé (visites de salons internationaux, améliora-
une institution, mais travailler en réseau tion des compétences et des technologies). L’association a ensuite demandé de
et combler les failles entre l’offre et la l’aide à l’Onudi pour combler le manque de main-d’œuvre féminine compé-
demande de services [cf. l’encadré « Le tente. L’Onudi a organisé avec une école une cellule de formation spécifique, et
cluster des départements de Boaco et de une multinationale japonaise a offert du matériel. De plus, l’Onudi s’est liée avec
Chontales (Nicaragua) » ci-contre]. une ONG locale qui aidait des élèves potentielles d’une localité pauvre. Comme
La durabilité dans le développement du le partenariat local a été important, le programme de formation a réussi à obte-
cluster : l’objectif est de promouvoir l’é- nir un soutien financier du gouvernement indien.
mergence d’un cadre de gouvernance La première formation, sur trois mois en 1999, a concerné 20 jeunes filles. L’année
autonome du cluster, qui assure que le suivante, sept sessions ont concerné 110 élèves, dont 80 % ont par la suite tra-
développement local perdure après la vaillé dans le cluster. Grâce à l’implication des partenaires, les coûts ont été par-
fin du projet Onudi. tagés entre l’Onudi, les institutions locales et le secteur privé.
Les programmes de formation, l’assis-
tance technique, les ateliers d’appren-
tissage commun, la présentation des
Le cluster des départements de Boaco et de Chontales (Nicaragua) est bien éta-
« bonnes pratiques », la création de fo-
bli sur la production de lait et de produits dérivés. Dès le départ, l’Onudi a
rums de discussion, etc. constituent la
coopéré avec les institutions laitières et fromagères importantes : un comité de
phase de mise en œuvre du plan d’action
coordination institutionnelle a été mis sur pied afin d’institutionnaliser les efforts
d’un cluster et visent à combler les failles
communs et d’assurer leur continuité sur le moyen/long terme. Le cluster a en-
identifiées dans le diagnostic initial du
suite dû se confronter aux clusters d’Amérique latine : des goulets d’étrangle-
système d’appui aux PME. Ils permettent
ment ont été identifiés à différentes étapes de la chaîne de production, des solu-
aussi aux partenaires de tester leur ca-
tions potentielles ont été identifiées comme base du plan d’action, qui lui-même
pacité à fournir des services, d’amélio-
se concentrait sur l’amélioration de la qualité du fromage et la diversification des
rer leur efficacité, de se préparer à as-
produits mis sur le marché, ainsi que sur les aspects environnementaux.
surer les fonctions de médiateur et de
La mise en œuvre du plan d’action a finalement permis de définir des normes tech-
stimuler des initiatives communes.
niques, de mettre cinq nouveaux produits sur le marché, d’améliorer la qualité
(hygiène et efficacité), de réduire la pollution, de créer une coopérative (pour ré-
gulariser et améliorer l’offre de lait aux producteurs de fromage et acheter en-
Le développement semble certains intrants communs), de promouvoir l’établissement d’un labora-
de réseaux horizontaux toire de test de la qualité du lait, ou encore de soutenir la création d’une « chambre
du lait » nicaraguayenne.
La plupart des concepts applicables aux Tout cela n’aurait pas été possible si le projet ne s’était pas concentré sur diffé-
clusters sont valables pour les réseaux. La rents niveaux de l’offre et de la chaîne de production et s’il n’avait pas fait inter-
différence principale est qu’ici, la cible venir tous les acteurs institutionnels importants aux niveaux local et national.
est constituée de groupes d’entreprises

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Le développement de clusters et de réseaux de PME : le programme de l’Onudi 51

stratégique des activités du réseau ; pro- phases principales : (i) évaluation des
jets pilotes (court terme) ; projets straté- .../... ment d’une confiance réci- fournisseurs actuels et potentiels ; (ii)
giques (à plus long terme) ; autogestion. proque et pour encourager des pro- analyses détaillées pour déterminer les
jets plus stratégiques. domaines où l’amélioration avec les opé-
Enfin, certaines initiatives ne sont rations du fournisseur sont possibles ;
Le réseau de travail du bois à possibles qu’en réseau, telles un em- (iii) mise en œuvre de plans d’amélio-
Masaya (Nicaragua) s’est constitué prunt collectif pour d’une part fi- ration intégrés (petites et grandes entre-
au départ de quinze micro-entre- nancer la création d’un nouveau prises). Ces derniers commencent géné-
preneurs et petites entreprises. La point de vente commun, et d’autre ralement avec une formation en direction
première activité commune du part pour grouper tous les membres d’équipe, en travail d’équipe, en tech-
groupe a été d’ouvrir une boutique sur un même lieu de travail, afin niques de planification et d’assurance
et de vendre les intrants pour la pro- qu’ils puissent profiter des matériels qualité ; puis les actions s’orientent ty-
duction, qui étaient rares et chers des autres membres, et ensemble piquement vers l’amélioration des pro-
sur le marché local. Non seulement acheter les machines manquantes et cessus de production, la disposition des
cela a bénéficié à tous les membres réorganiser leur production. usines pour minimiser les cycles de pro-
du réseau, mais la boutique a aussi duction (temps et coûts), la réduction
de la sorte introduit une concurrence des inventaires, etc. Enfin, les usines peu-
sur le marché local et a forcé les au- vent par la suite avoir besoin d’investis-
tres revendeurs à baisser leurs prix. Les réseaux peuvent aussi permettre aux sements plus modestes en équipement.
La possibilité d’exporter (au Royau- entreprises de mieux faire entendre leurs Le médiateur aide dans l’exécution des
me-Uni) a ensuite incité les mem- intérêts et d’avoir un impact sur le sys- plans d’amélioration (formation, assis-
bres du réseau à restructurer l’orga- tème d’appui. tance technique, financement), généra-
nisation et leur processus de produc- lement sur une période de six mois, en
tion. Ils se sont mis d’accord sur la travaillant directement avec les fournis-
conception des objets (en l’occur- Au Sénégal par exemple, la repré- seurs, mais aussi avec des spécialistes ex-
rence des rocking-chairs), sur les spé- sentation des PME était mal organi- ternes au réseau.
cifications communes aux produits, sée et inefficace. Les réseaux ont
Les avantages principaux de ce type d’ap-
et ont mis en place un système de permis aux entreprises d’améliorer
proche sont que :
contrôle qualité. De plus, ils ont leur connaissance des défis, pro-
commencé à acheter le bois en com- blèmes et opportunités auxquels ➤ les PME ont dès le départ des clients
mun et donc à meilleur prix. elles font face, et les ont ainsi ren- identifiés qui sont impliqués dans le pro-
dues capables de soutenir le travail cessus ;
Le réseau a bien sûr connu des crises
des organisations, et finalement d’in- ➤ le succès du programme est mesuré
durant son développement ; deux
fluencer les changements au niveau par les entreprises elles-mêmes qui dé-
membres ont été exclus car ils avaient
politique. cident ou non d’entrer en partenariat ;
une attitude opportuniste aux dépens
de la collectivité. Ceci a conduit à ➤ les intermédiaires financiers accep-
une plus grande confiance entre les tent de prêter aux petites entreprises, qui
membres et par la suite, des règles ont autrement seraient peut être inéligibles
été établies, et sont pour la plupart à un prêt.
Le développement
respectées.
de réseaux verticaux
Trois types d’initiatives se sont ré- Ainsi cette approche a un effet multipli-
vélées essentielles pour améliorer la cateur : une fois que quelques grandes
Les grandes entreprises ont généralement
confiance entre les membres et entreprises travaillent avec des fournis-
un intérêt à ce que les plus petites en-
consolider le réseau : la définition seurs locaux et voient leurs besoins et at-
treprises industrielles soient modernes
de règles écrites pour les initiatives tentes satisfaits, elles développent d’au-
et efficaces mais elles ne prennent gé-
de groupe ; des activités pour faci- tres sources locales plutôt que d’importer.
néralement pas le temps/l’argent pour
liter la connaissance réciproque (par- L’Onudi forme les entreprises clientes
investir dans le développement de sour-
ticipations communes à des foires selon cette méthodologie afin qu’elles
ces de partenariat local avec les PME.
par exemple), des initiatives pour puissent continuer seules ce travail avec
La méthodologie de l’Onudi pour les ré-
encourager une identification de d’autres PME. De plus, certains petits
seaux verticaux est de faciliter le déve-
groupe (telles des cartes de visite et fournisseurs, voyant le succès des au-
loppement de relations de collaboration
un catalogue communs). tres, sont prêts à franchir le pas et à faire
entre des entreprises de grande taille et
Par ailleurs, le fait d’entreprendre des entreprises de petite taille. les changements nécessaires pour inté-
des activités à faible risque permet grer ce marché.
de mettre en avant les avantages de L’approche se concentre sur l’améliora-
la collaboration et est un prélimi- tion des capacités du fournisseur avec
naire essentiel au développe- .../... une implication forte de l’entreprise
cliente, et ce dès le départ et suivant trois

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Le développement de clusters et de réseaux de PME : le programme de l’Onudi 52

mise en œuvre des initiatives de déve- ➤ la proximité baisse les coûts de transac-
Au Nicaragua, l’intégration locale loppement de réseau ou de cluster. tion et d’apprentissage (proximité physique
est faible et la majorité des fourni- L’institution qui assume le rôle de mé- et homogénéité du bagage social des par-
tures est importée. En 1999, l’Onudi diateur peut aussi bien être une agence ticipants, ce qui incite à la confiance) ;
a choisi la chambre d’industrie, publique, une ONG, ou un consultant. ➤ les meilleures incitations pour établir
Cadin, pour apprendre sa métho- Le transfert de connaissances et la res- un réseau ou un cluster sont les oppor-
dologie et graduellement prendre en ponsabilisation sont des processus lents tunités de marché et les situations de crise
charge le fonctionnement d’une mais qui requièrent d’être dès le départ (nouveaux entrants, réglementations plus
unité verticale intégrée à la cham- planifiés. strictes par exemple). À ces moments-là,
bre d’industrie. La position de Cadin
les entreprises sont fortement encoura-
a facilité la présentation du projet
gées à rapidement changer leur com-
de part la confiance qu’elle évoque Dans le cluster Boaco and Chontales
portement. C’est pourquoi le point de dé-
aux entreprises industrielles. L’unité (lait et produits dérivés) au Nicara-
part du travail du médiateur est souvent
Onudi/Cadin a ainsi présenté le pro- gua, un des objectifs principaux au
d’aider à l’évaluation des opportunités
jet aux fabricants réputés du pays et départ a été de trouver une institu-
de marché, d’organiser les participants
a obtenu leur confiance pour débu- tion qui puisse assumer la fonction
sur des foires commerciales, et d’établir
ter le projet : des fabricants de chaus- du médiateur.
un contact avec les distributeurs ou ache-
sures avec des distributeurs ; une fa- Dans le cluster de Jaipur, en Inde teurs du produit. Une fois les clients trou-
brique de glaces et de yaourts avec (dont le village de Bagru fait partie), vés, il faut bien que les groupes d’entre-
des fabricants de boîtes en carton, l’Onudi a diagnostiqué que les arti- prises puissent répondre à leur demande,
un torréfacteur de café avec des four- sans passaient à côté d’une oppor- et la plupart du temps une restructura-
nisseurs de cacahuètes et de fioles tunité de marché à l’export. En re- tion en profondeur du processus de pro-
en plastique, et un producteur de vitalisant l’organisation dormante duction ou des capacités organisation-
rhum avec des fournisseurs de bou- des artisans Calico, en créant un nelles est nécessaire pour exploiter ces
teilles en plastique et d’étiquettes consortium des exportateurs du tex- nouvelles opportunités ;
imprimées. Et enfin, le laboratoire tile et en promouvant les réseaux
national de métrologie pour fournir ➤ une construction progressive d’une re-
internes à proposer des services
des services de calibrage. lation de confiance, qui se traduit dans
communs, le médiateur a joué le
le temps par plus de participants aux ac-
Un des défis principaux a été l’i- rôle de catalyseur, et ces organismes
tivités communes. L’établissement du
dentification de ressources tech- ont conduit à plus de mobilisation,
plan d’action avec des résultats et des
niques et financières complémen- à des services communs, à des nou-
responsabilités clairs, et dans le cas de
taires, car le Nicaragua n’a ni services veaux produits, à la création d’une
réseaux, des statuts bien définis, sont es-
de développement des entreprises image de marque commune. Tout
sentiels pour clarifier les rôles et obliga-
bien établis ni banque du dévelop- cela a été accompagné par des for-
tions de chacun (attention, ils ne doivent
pement des entreprises. L’Onudi a mations au marketing et aux rela-
pas se transformer en contraintes bu-
comblé cette faille en promouvant tions internationales.
reaucratiques !) ;
la création de groupes de conseil au Dans un autre cluster (au Honduras),
sein des universités du pays et en dé- ➤ une ouverture : les clusters sont des
il n’y avait pas d’institution locale
veloppant au sein du secteur ban- systèmes ouverts et les réseaux sont des
capable de reprendre le rôle de mé-
caire privé des méthodes financiè- structures flexibles. Les clusters doivent
diateur de l’équipe formée par
res innovantes. Cadin a établi un dépasser leurs frontières pour compren-
l’Onudi. Une fondation, Certec, a
groupe d’experts en production et dre les tendances mondiales et ajuster
été créée la dernière année du pro-
en qualité. Tous ces services sont co- leurs stratégies (liens, participation à des
jet (en 1997) : ses membres initiaux
financés par ceux qui les reçoivent chaînes de production mondiales, ap-
étaient des institutions importantes
et par les bailleurs de fonds. prentissage des « bonnes pratiques »)
du réseau, le personnel étant cons-
pour éviter l’isolation et l’implosion. Pour
titué de l’équipe de départ des mé-
les réseaux, ouverture se traduit par ca-
diateurs. Dès la première année,
pacité à gérer l’entrée et la sortie de
Certec a dégagé des revenus des co-
membres selon leurs performances et
tisations des entreprises et institu-
La fonction du médiateur selon les caractéristiques de l’action col-
tions ; Certec fonctionne à présent
lective. Cela implique aussi de pouvoir se
depuis trois ans et a élargi ses opé-
lier à d’autres organisations, de pouvoir
Le médiateur (ou « broker »), ou agent rations.
faire évoluer la structure du réseau avec
intermédiaire, est un professionnel qui
le temps et de laisser libre cours à de nou-
occupe une fonction caractéristique à
velles formes de collaboration.
toute mise en œuvre d’un cluster ou
d’un réseau. Ses activités ont été décri- On peut tirer de ces exemples des le- Ainsi, les médiateurs n’ont pas des ser-
tes au fil des exemples précédents. Le çons sur les facteurs essentiels à la pro- vices prédéfinis, mais plutôt une tâche :
médiateur a pour tâche de faciliter la motion d’un cluster ou réseau : évaluer le potentiel du cluster ou réseau,

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Le développement de clusters et de réseaux de PME : le programme de l’Onudi 53

servir et aider les participants locaux à L’approche réseau


définir et mettre en œuvre des plans d’ac-
tion selon leurs besoins et opportunités La méthodologie pour le développement
stratégiques. Ces étapes sont communes de réseaux est décrite dans un manuel
à tous les projets de l’Onudi même si le à disposition des médiateurs, et se
contenu (formation, assistance technique, concentre sur le cadre conceptuel de
développement de capacité institution- promotion de réseau, sur les étapes opé-
nelle, amélioration du cadre politique et rationnelles, les acteurs et institutions
réglementaire) varie selon les conditions nécessaires à impliquer pour mettre en
locales. œuvre le réseau, et enfin, présente des
exemples.
Les outils complémentaires au manuel
se concentrent, pour les réseaux hori-
LES MÉTHODOLOGIES zontaux, sur comment élaborer un plan
ET OUTILS DE L’ONUDI d’affaires, choisir la forme légale, pro-
mouvoir le réseau et y créer une dyna-
mique. Pour les réseaux verticaux, les
indications portent plutôt sur l’audit d’en-
De nombreux outils et méthodologies fa-
treprise, sur des outils pour soutenir des
cilitent le travail des médiateurs dans leur
séminaires de planification stratégique,
processus de compréhension et d’ana-
ou encore sur les techniques modernes
lyse des conditions locales, et de soutien
de gestion.
à la conception et à la mise en œuvre
des stratégies de leur client. Plus parti- Deux sessions de formations sont à
culièrement, ces outils concernent : le disposition des médiateurs (une pour les
système de production, le renforcement réseaux horizontaux, une pour les verti-
des compétences, la coordination insti- caux), et enfin, le guide NET (« network
tutionnelle et le système de représentation evaluation tools ») soutient le médiateur
des entreprises. dans les étapes de développement du
réseau et l’aide à évaluer les perfor-
Ces instruments sont à disposition du
mances du réseau.
personnel et des homologues des pro-
jets d’assistance technique de l’Onudi, et
sont adaptables selon les pays et régions. Les programmes
d’apprentissage commun
L’approche cluster
Ces programmes regroupent des profes-
La méthodologie de développement de sionnels de différents projets. Ils se
cluster est une approche pratique desti- concentrent sur le cadre conceptuel du
née à aider les praticiens à entreprendre cluster et du réseau, fournissent infor-
un diagnostic, à identifier une vision, à mations et exemples, comprennent des
poser des priorités pour les activités, les visites et des discussions sur la théma-
mettre en œuvre et les suivre. tique abordée (par exemple les clusters
du Chili, en Italie, etc., selon le lieu de
Les cours de formation pour les média-
réunion de ce programme), décrivent les
teurs se composent de manuels, de do-
instruments pratiques (tels le suivi, l’a-
cuments de lecture et de vidéos. Ils com-
nalyse, l’évaluation), et enfin encoura-
prennent deux semaines de formation
gent les participants à échanger idées
théorique et six semaines d’action super-
et expériences.
visée sur le terrain.
La méthodologie de développement local
a été développée pour être appliquée
dans des régions où les entreprises sont
moins concentrées ou où elles sont sec-
toriellement plus dispersées.
Enfin, la coopération entre clusters leur
permet un échange d’expériences ainsi
que d’apprendre les uns des autres.

« L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ● février 2003 ● Un produit d’information de la DGCID (MAE)
Informations utiles ■

Pour en savoir plus

Bibliographie additionnelle Beaucoup de textes assez courts, études


de cas et concepts, en anglais (une dou-
zaine de textes de 7-10 pages chacun)
● En français
et en portugais.
➤ Liste de documents en ligne de l'Onudi
➤ Site internet de Sido (Small Industry
sur le développement de clusters et de ré-
Development Organisation), agence in-
seaux : www.unido.org/en/doc/view/4307.
dienne de développement des petites en-
Plusieurs de ces textes, de très bonne qua-
treprises. Vous y trouverez une liste de
lité, sont disponibles en français.
publications sur les clusters ainsi que des
➤ Sixième rapport de l'Observatoire eu- liens vers d'autres sites sur ce thème :
ropéen des PME, ENSR (« European www.smallindustryindia.com/publica-
Network for SME Research »), sur les ré- tions/clustsd/clustersd.html
seaux régionaux d'entreprises en Europe, ➤ « Business linkages, their value and
2002 : http://europa.eu.int/comm/enter- donor approaches towards them », David
prise/enterprise_policy/analysis/doc/smes Stanton et Tony Polatajko, DFID, Départe-
_observatory_2002_report3_fr.pdf. Ce ment pour le développement internatio-
rapport est un peu long (75 pages) mais nal, Royaume-Uni. Document présenté
constitue, à notre connaissance, la seule lors du second séminaire annuel sur les
tentative faite à ce jour pour comparer les BDS, du 10 au 14 septembre 2001, Turin,
réseaux régionaux d'entreprises au ni- http://cefe.gtz.de/forum/STANTON-
veau européen. Entre autres, ce texte 01.PDF. Un bon texte qui présente une
contient une définition commune, une typologie des liens d'affaires, leur rôle
analyse des modes de croissance, leur au sein des marchés mondiaux, et les
caractérisation, ainsi que les politiques interventions de DFID en la matière.
en leur faveur et une cartographie des
réseaux régionaux d'entreprises en
Europe. Actualité : séminaires
● En anglais
➤ Du 17 février au 1er mars 2003,
➤ World Development, « Special issue
« Improving effectiveness of BDS »,
on industrial clusters in developing coun-
ICECD, Ahmedabad, Inde. Pour plus d'in-
tries », publié par l'IDS (Institute for
formations : mail@icecd.org
Development Studies), no 9, septembre
➤ Du 27 au 28 mars 2003, « Cooperative
1999. Ce numéro spécial (dont une étude
de cas de cette publication est tirée : entrepreneurship : managing consultancy
« African enterprise clusters and indus- systems for cooperatives », BIT, Turin, Italie.
trialisation : theory and reality ») est très Pour plus d'informations : c.actis@itcilo.it
complet. Il contient une douzaine d'ar-
ticles sur le sujet, aussi bien conceptuels
que concrets. Vous pouvez trouver le
sommaire et les résumés des articles sur
internet : www.ids.ac.uk/ids/global/
colewd.html
➤ Site internet du groupe de recherche
brésilien Redecoop sur les réseaux coo-
pératifs et la gestion des connaissances
(Rede de Cooperação e Gestão do Conhe-
cimento), www.prd.usp.br/redecoop.

54

Vous aimerez peut-être aussi