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Le placement de pôles

Olivier Gehan, Ensicaen, Novembre 2020

Le méthode du placement de pôles est une technique de synthèse des régulateurs linéaires qui peut
être réalisée soit en utilisant une approche fonction de transfert (cours de systèmes asservis
échantillonnés, 2A), soit en utilisant une approche d'état (cours de systèmes échantillonnés, 2A
SATE). Elle est basée sur plusieurs points fondamentaux que nous précisons à nouveau ici dans le
cas des systèmes linéaires.

1 Quelques rappels fondamentaux

 Il existe différentes techniques pour calculer un régulateur. Vous en connaissez plusieurs à


savoir
• la synthèse fréquentielle de PI ou PI Avance de Phase (cours de systèmes asservis en
1A)
• la commande prédictive (pour la majeure SATE)
• la commande par « placement de pôles »
• la commande par retour d'état incluant un observateur (pour la majeure SATE)

Toutes ces techniques permettent de calculer un régulateur qui peut toujours se mettre
sous la structure R-S-T. C'est ce qui explique que ce schéma soit systématiquement utilisé
dans les cours d'Automatique. Chaque méthode va conduire à une expression différente
des polynômes R, S et T mais cette structure est générale et unique.

Remarque 1 : le cas du PI ou PI Avance de Phase étudié en 1A correspond à un cas


particulier où T = R.

Remarque 2 : la commande par retour d'état sans observateur (on suppose donc que tout
le vecteur d'état est mesuré) ne peut pas se mettre sous la forme R-S-T

 La structure R-S-T étant générale pour tous les systèmes asservis linéaires, elle est utilisée
pour analyser les performances et la stabilité de la boucle. Si l'on analyse les fonctions de
transfert en boucle fermée reliant les entrées de la boucle (consigne et différentes
perturbations) aux signaux qu'il faut analyser (sortie qui doit suivre la consigne en
éliminant les effets des perturbations et commande qui doit être acceptable), nous
remarquons que toutes fonctions de transfert s'écrivent en fonction de 4 fonctions de
transfert générales que l'on appelle les fonctions de sensibilités et qui représentent en
quelques sorte la carte d'identité de l'asservissement. C'est vrai que ce soit pour les
systèmes continus ou les systèmes échantillonnés.

 Les fonctions de sensibilité vont donc caractériser la stabilité et les performances de la


boucle.
 un système est asymptotiquement stable si sa réponse impulsionnelle converge vers zéro.
Et si l'on détermine la réponse impulsionnelle d'un système quelconque continu (resp.
discret), celle-ci fait apparaître des termes exponentiels (resp. en puissance) dont
l'argument dépend des pôles de la fonction de transfert (voir cours de RSS ou de TNS).
On peut en conclure que la stabilité asymptotique est assurée si tous les pôles de la
fonction de transfert sont dans le domaine de stabilité (demi-plan gauche en continu et
intérieur du cercle unité en discret). Or toutes les fonctions de transfert en boucle
fermée ont le même dénominateur. Celui-ci s'appelle le polynôme caractéristique de la
boucle fermée. La stabilité est donc une propriété intrinsèque à la boucle (si une
fonction de transfert est stable, elles le sont toutes). Le système en boucle fermée est
stable si et seulement si toutes les racines du polynôme caractéristique sont dans le
domaine de stabilité

 les fonctions de sensibilité permettent également de déterminer les « performances » de


la boucle fermée. Par performances, nous entendons

 les perturbations sont-elle rejetées ou non (performances statiques)? Attention, la


position de la perturbation et sa nature sont importantes (perturbation en entrée ?
en sortie ? De quelle nature ?)

 toute fonction de transfert peut être assimilée à un filtre. Eliminer une perturbation
peut donc être assimilé une opération de filtrage. Ce qui donne la capacité de rejeter
ou non une perturbation est lié au numérateur de la fonction de transfert considérée
(ex 1: le rejet d'une perturbation sinusoïdale est lié la présence de zéro dans la
fonction de transfert à la bonne fréquence, il s'agit de la même explication que celle
liée au filtre Notch étudié en TNS ; ex 2 : de la même manière une perturbation
échelon ne sera éliminée que si la fonction de transfert correspondante possède un
dérivateur)

exemple : la fonction de transfert reliant la perturbation de sortie vy(t) à la sortie est


appelée Fonction de Sensibilité. Elle s'écrit
− 1 −1
y( z) A( z ) S ( z )
= − 1
vy(z) P c( z )

Pour analyser le rejet de la perturbation vy(t), il suffit donc de regarder comment le


−1 − 1
A( z ) S ( z )
filtre −1 agit sur celle-ci. D'après la théorie du signal (voir cours de
P c (z )
TNS), ce sont les zéros de ce filtre qui permettent (ou non) le filtrage de vy(t).

 les performances dynamiques caractérisent la manière dont la sortie va réagir à


une perturbation (rapidité ? Dépassement ? Amplitude de la commande ?). Ces
performances dépendent essentiellement des pôles de la fonction de transfert
considérée.

2 Le placement de pôles

Fort de ces remarques essentielles (la compréhension des remarques précédentes est primordiale
pour bien aborder les différents cours d'Automatique), nous pouvons maintenant expliquer la
méthode du placement pôles. Cette méthode consiste à choisir les pôles des fonctions de transfert
en boucle fermée. Pourquoi ?

 En choisissant les pôles, nous sommes certains qu'ils sont stables. Nous assurons ainsi
naturellement la stabilité de la boucle.
 Choisir les pôles permet de choisir la dynamique des fonctions de transfert (rapidité,
dépassement).

Dans le cas des systèmes échantillonnés, le polynôme caractéristique est discret et les pôles de la
boucle fermée sont ainsi situés dans le plan complexe z. Choisir les pôles revient donc à choisir des
pôles discrets. Cela pose une difficulté car il n'est pas aisé de relier la position d'un pôle discret à
la rapidité du système. Que signifie un pôle en 0,8 ? Est il rapide ou lent ? Difficile de répondre à
cette question. En revanche, nous pouvons le faire en continu car les pôles sont directement reliés
aux performances temporelles pour les systèmes du 1er ou du 2nd ordre

 pour le premier ordre, il existe une relation entre la constante de temps (notion de rapidité)
du système et le pôle
 pour les systèmes du second ordre, il y a un lien entre le dépassement et le coefficient
d'amortissement et entre le temps du premier dépassement et la pulsation naturelle.
Dépassement et temps du premier dépassement fixent donc la valeur des pôles.

Or, les cahiers des charges en Automatique sont toujours exprimés via des performances
temporelles (rejet de perturbation, rapidité, dépassement, etc). La technique du placement de pôles
est donc la suivante

 à partir des performances temporelles souhaitées (D% ; temps de réponse du premier


dépassement), en déduire les pôles continus souhaités pour la boucle fermée.

 lorsque l'on discrétise un système, les pôles subissent la transformation z = epTe. A partir des
pôles continus nous pouvons donc en déduire les pôles discrets.

 les pôles discrets de la boucle fermée sont les racines du polynôme caractéristique. A partir
du point précédent nous pouvons donc créer le polynôme caractéristique discret souhaité.

 résoudre l'équation de Bezout liée au polynôme caractéristique pour déterminer les


polynômes R(z-1) et S(z-1).
A( z − 1 )S ( z− 1)+z− d − 1 B( z− 1) R( z − 1 )=P c ( z− 1)

A ce stade, il s'agit d'un système de Kramer (n équations, n inconnues) qui est résolu en
égalant les coefficients des puissances en z-i des deux termes de l'équation de Bezout.

Remarque : afin de doter le système asservi d'une capacité de rejet de perturbation, une pré-
spécification est généralement imposée au polynôme S(z-1). Celui-ci doit se factoriser par le modèle
de perturbations D(z-1). La résolution de l'équation de Bezout doit alors permettre de déterminer
R(z-1) et la partie inconnue de S(z-1) qui est notée S'(z-1) ci-dessous.

A( z − 1 ) D( z − 1 )S ' (z − 1 )+z − d − 1 B ( z− 1) R(z − 1 )=P c ( z − 1 )

Pôles dominants – pôles auxiliaires

L'équation de Bezout possède une solution minimale unique dont les degrés dépendent des degrés
des polynômes de la fonction de transfert du système que l'on souhaite asservir. Nous pouvons ainsi
potentiellement arriver à un degré supérieur à 2. Or, les performances temporelles du cahier des
charges ont été traduites en pôles continus car ces relations existent pour les systèmes du 1er ou 2 nd
ordre. Nous allons donc usuellement demander aux fonctions de transfert en boucle fermée de se
comporter globalement comme un second ordre même si leur degré est plus élevé en raison de la
condition sur les degrés de l'équation de Bezout. A cet effet, nous allons ajouter autant de pôles que
nécessaire pour atteindre le degré souhaité. Mais ces pôles additionnels ne doivent pas venir
« modifier » la dynamique que nous souhaitions (qui est une dynamique du type premier ou second
ordre). Pour cela, les pôles que nous allons ajouter doivent être des pôles appelés auxiliaires (les
autres étant appelés dominants). Ces pôles auxiliaires sont plus rapides que les pôles dominants
(facteur 5 ou 10 par exemple). Ce choix est basé sur le fait que si un système possède des pôles
« rapides » et des pôles « lents », son comportement dynamique ne fait globalement apparaître que
les pôles « lents ». Les pôles auxiliaires que nous ajoutons sont donc essentiellement présents pour
répondre à la contrainte des degrés de l'équation de Bezout.

3 Quid de T ? la poursuite parfaite ou semi-parfaite.

La méthode qui a été décrite précédemment ne permet que de calculer les polynômes R(z -1) et S(z-1)
par résolution de l'équation de Bezout. Elle permet donc de fixer la dynamique de régulation
(rapidité avec laquelle le système va réagir aux perturbations). Il reste en revanche un polynôme à
déterminer, en l'occurence T(z-1). Un premier choix simple consiste à poser T(z-1) = R(z-1). Dans ce
cas, le schéma bloc de la forme R-S-T peut être simplifié et le correcteur peut être mis sous forme
d'un retour unitaire. Rappelons que les correcteurs PI et PI Avance de Phase du cours de 1A
s'écrivent sous cette forme simplifiée de la forme R-S-T.

Pourquoi le retour unitaire est – il restrictif ?

Le calcul de la fonction de transfert entre la sortie et la consigne, appelée dynamique de poursuite,


conduit à
y (z ) B( z − 1 )T ( z− 1)
=
yc ( z ) P c ( z− 1)

Remarque : cette fonction de transfert fait parfois apparaître un retard z-d-1. En réalité, c'est
l'utilisateur qui fixe la consigne, il a donc tout le loisir d'avancer la consigne de (d+1) coups
d'échantillonnage pour compenser ce retard. La consigne devient alors y*(t+d+1) Nous avons fait
le choix par la suite de considérer cette option ce qui explique que le retard n'apparaît pas dans la
fonction de transfert en poursuite. Dans le cas contraire, un retard additionnel apparaîtra dans
systématiquement dans la fonction de transfert en poursuite.

Nous constatons que cette fonction de transfert possède le même dénominateur que les fonctions de
transfert en régulation, en l'occurrence le polynôme caractéristique.Or, rappelons-nous que ce sont
essentiellement les pôles d'une fonction de transfert qui fixent sa dynamique (rapidité,
dépassement). Dans la configuration R(z-1) = T(z-1), nous voyons donc que les dynamiques de
poursuite et de régulation seront très proches (même dénominateurs des fonctions de transfert).
Dans certaines applications, nous souhaitons pouvoir régler indépendamment ces deux dynamiques
(en générale, une régulation plus rapide que le suivi de consigne).

Comment régler indépendamment les dynamiques de poursuite et de régulation ?

Il faut rendre les fonctions de transfert indépendantes les unes des autres. Tant que R = T, elles
possèdent le même dénominateur et nous ne souhaitons pas modifier R et S que nous avons déjà
calculés et qui fixent la dynamique de régulation. Nous allons décorréler la fonction de transfert en
poursuite des fonctions de transfert en régulation. Pour cela, il convient de faire disparaître le
polynôme caractéristique. C'est l'objectif d'une poursuite parfaite ou semi-parfaite.

 Cas où B(z-1) est un scalaire

−1P c ( z − 1)
Dans ce cas, il est aisé de poser T ( z )= . C'est en effet possible car T(z-1) est
B (z− 1)
dans ce cas un polynôme de degré fini (égal au degré de Pc(z-1)) et il n'est rien d'autre qu'un
filtre FIR. Dans ce cas, la fonction de transfert en poursuite devient très simplement :

y ( z ) B( z − 1 )T ( z− 1)
= =1
yc ( z ) P c ( z− 1)

La sortie est toujours égale à la consigne yc(t), il s'agit d'une poursuite parfaite.

 Cas où B(z-1) n'est pas un scalaire

P c ( z − 1)
Poser T ( z − 1 )= − 1
n'est plus possible qu'à une seule condition : que B(z-1)
B (z )
divise Pc(z-1). En effet, dans le cas contraire, la division conduit à un polynôme T(z-1) de
degré infini que l'on ne pourra donc pas implémenter en temps-réel. Il y a alors deux
possibilités

 nous souhaitons maintenir une poursuite parfaite. Cela conditionne comme nous
venons le dire que B(z-1) divise Pc(z-1). Ceci veut donc dire que Pc(z-1) doit s'écrire :

P c ( z− 1)= B(z − 1 ) P ( z − 1 )

Cela veut dire que les zéros du systèmes à commander (racines de B(z-1)) sont des pôles de
la boucle fermée. Cela remet notamment en cause le choix du polynôme caractéristique
réalisé lors du placement de pôles. C'est faisable si B(z-1) est stable et que ses racines sont
« rapides » par rapport aux modes dominants souhaités pour la dynamique de régulation.
En quelque sorte, B(z-1) va venir remplacer une partie des modes auxiliaires de la boucle. Il
faut bien sur revenir à la résolution de l'équation de Bezout.

− 1
P c( z )
−1
 nous relaxons la condition de poursuite parfaite en posant T ( z )= où
B (1)
B(1) est le gain statique de B(z-1). La fonction de transfert en poursuite devient

y (z ) B( z − 1 )T ( z− 1) B( z − 1 )
= − 1
=
yc ( z ) P c( z ) B(1)

Notons tout d'abord que le terme B(1) permet d'assurer un gain statique unitaire à la
fonction de transfert en poursuite.D'autre part, ce choix de T(z-1) conduit à un polynôme de
degré fini donc implémentable. Par contre, la sortie n'est plus égale à la consigne à tout
instant. Il s'agit d'une poursuite semi-parfaite.

 Le rôle du modèle de référence

Tous les cas présentés précédemment (poursuite parfaite ou semi-parfaite) conduisent à une
dynamique de poursuite très (trop?) rapide. Cela génère inévitablement des commandes u(t)
d'amplitude très (trop?) importante. Pour éviter cet effet (une commande trop importante est
synonyme de consommation d'énergie et d'autre part, cela peut conduire à la saturation de
l'actionneur), la consigne y*(t) n'est pas appliquée directement à l'entrée de la boucle
mais va être générée à partir d'un signal u*(t) appelé séquence points de consigne filtré par
un système appelé Modèle de Référence de fonction de transfert .

Prenons le cas de la poursuite parfaite. La fonction de transfert entre la sortie et la


séquence points de consigne uc(t) est alors donnée par
y ( z ) y ( z ) yc( z ) − 1
= =G c ( z )
uc ( z ) y c ( z ) uc ( z )
Le modèle de référence Gc ( z − 1 ) fixe donc entièrement la rapidité de la fonction de transfert
en poursuite (dynamique de poursuite). On choisira cette fonction de transfert
conformément à la dynamique de poursuite souhaitée c'est à dire généralement un
système du second ordre dont on fixer la pulsation naturelle et le coefficient
d'amortissement (fixant ainsi la rapidité et le dépassement).

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