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9 Cinétique chimique

9.1 Avant-propos
Vous savez d’expérience que certaines réactions peuvent être rapide, voire explosive, comme la com-
bustion d’essence, et d’autres beaucoup plus lente, comme l’oxydation d’un métal. On peut souhaiter
accélérer une réaction, pour une synthèse industrielle par exemple, ou au contraire la ralentir.

La cinétique chimique est l’étude de l’évolution au cours du temps d’une réaction chimique.

9.2 Bilan de matière & vitesse de réaction


Avant de commencer, il est nécessaire de poser quelques conventions. On notera, par la suite, l’équation
de réaction chimique sous la forme

αA A + αB B −
)−
−*
− αC C + αD D

où les divers αi ≥ 0 sont les coefficients stœchiométriques de l’équation de réaction.

On peut algébriser les coefficients stœchiométriques, en introduisant les coefficients stœchiométriques


algébriques.
Coefficient stœchiométrique algébrique

On appelle coefficient stœchiométrique algébrique, le coefficient défini par :


(
+αi si i est un produit de la réaction
νi =
−αi si i est un réactif de la réaction

Nous limiterons également notre propos aux réactions se faisant à volume V constant.

9.2.1 Avancement réactionnel


La quantité de matière présente dans le milieu réactionnel à un instant t quelconque se déduit du
tableau d’avancement :

mol αA A + αB B −−
)−*
− αC C + αD D
État initial nA,0 nB,0 nC,0 nD,0
∀t nA,0 − αA ξ nB,0 − αB ξ nC,0 + αC ξ nD,0 + αD ξ
9. Cinétique chimique 9.2. Bilan de matière & vitesse de réaction

Avancement réactionnel
On appelle avancement réactionnel la grandeur ξ(t), exprimée en mol, qui renseigne sur la com-
position du système à un instant donné à travers la relation :

ni (t) = ni,0 ± αi ξ(t) ⇔ ni (t) = ni,0 + νi ξ(t)

où le signe ± est négatif pour un réactif et positif pour un produit.

Les grandeurs extensives comme ξ(t) ne facilitent pas la généralisation : elles dépendent des quantités
de matière présentes dans le milieu étudié. Pour mieux cerner cette affirmation, on peut remarquer que
perdre 1 mol par seconde n’a pas la même signification si le milieu réactionnel en contient initialement
10 ou 0,1.

Les grandeurs intensives comme l’avancement volumique de réaction, sont bien plus pertinentes.
Avancement réactionnel volumique

On appelle avancement réactionnel volumique la grandeur x(t), exprimée en mol.L−1 , proportion-


nelle à l’avancement réactionnel selon :
ξ(t)
x(t) =
V
Cette grandeur nous renseigne sur la composition du système à un instant donné à travers la
concentration des diverses espèces selon :

Ci (t) = Ci,0 ± αi x(t) ⇔ Ci (t) = Ci,0 + νi x(t)

où le signe ± est négatif pour un réactif et positif pour un produit.

9.2.2 Vitesse volumique de réaction


On peut définir la vitesse volumique de réaction, en s’appuyant sur l’évolution de x au cours du temps.
Vitesse volumique de réaction

On appelle vitesse volumique de réaction, la grandeur scalaire, définie positive, r(t), exprimée en
mol.L−1 .s−1 , telle que :
dx 1 dξ 1 dCi 1 dCi
r(t) = = =± =
dt V dt αi dt νi dt
où Ci (resp. αi ) est la concentration molaire (resp. le coefficient stœchiométrique) de l’espèce i.

Exemple
Pour la réaction
−−
αA A + αB B )−*
− αC C + αD D
la vitesse de réaction peut donc s’écrire :

1 d [A] 1 d [B] 1 d [C] 1 d [D]


r=− =− =+ =+
αA dt αB dt αC dt αD dt

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9. Cinétique chimique 9.3. Lois de vitesse

9.2.3 Ordres de réaction


Certaines réactions, notamment celles qu’on appelle réactions élémentaires, permettent une modéli-
sation simple de leur vitesse volumique de réaction.
Ordre de réaction
On dit qu’une réaction admet un ordre de réaction, si, à tout instant, sa vitesse volumique de
réaction peut s’écrire sous la forme :
[Ai ]qi
Y
r=k
i
e
où Ai est le i réactif impliqué dans la réaction, qi est appelé l’ordre partiel du réactif Ai et k est
P
la constante cinétique dont l’unité dépend de q = i qi .

Les ordres partiels qi ne sont pas nécessairement entiers. On les obtient expérimentalement ou par
une modélisation du mécanisme réactionnel, c’est-à-dire des diverses étapes qui mènent à l’équation de
réaction étudiée.
Ordre global de réaction

On appelle ordre global de réaction la grandeur :


X
q= qi
i

où qi est l’ordre partiel du réactif Ai .

9.3 Lois de vitesse


Dans cette partie, nous limiterons notre propos aux réactions ne comportant qu’un unique réactif.
Les équations de réaction seront de la forme :

αA A −
)−
−*
− αC C + αD D

Lorsqu’elles admettent un ordre p, on pourra alors écrire :

1 d [A]
− = k [A]p
αA dt

9.3.1 Cinétique d’ordre 0


L’équation de réaction αA A − )−
−*− αC C + αD D a une vitesse volumique de réaction qui peut être
modélisée par une cinétique d’ordre 0, soit l’équation différentielle :

1 d [A]
− = k [A]0 = k
αA dt

La méthode de séparation des variables donne :

d [A] = −αA kdt

L’intégration de cette relation entre les états initiaux (t = 0, [A] = CA,0 ) donne :
ˆ C(t) ˆ t
d [A] = −αA k dt
CA,0 t=0

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9. Cinétique chimique 9.3. Lois de vitesse

Dont on tire la loi horaire :


C(t) = CA,0 − αA kt

Cette loi horaire permet de préciser les unités de k par analyse dimensionnelle :

[k] = mol.L−1 .s−1

On peut également exprimer le temps de demi-réaction.


Temps de demi-réaction

On appelle temps de demi-réaction, l’intervalle de temps nécessaire, noté τ1/2 , pour que l’avance-
ment ξ de la réaction atteigne la moitié de sa valeur finale ξf :

ξf
ξ(t = τ1/2 ) =
2
Dans le cas d’une réaction quantitative, on pourra utiliser la définition équivalente suivante :
On appelle temps de demi-réaction, l’intervalle de temps nécessaire, noté τ1/2 , pour que la concen-
tration en réactif C soit égale à la moitié de la concentration initiale en réactif C0 :

C0
C(t = τ1/2 ) =
2
CA,0
La résolution de l’équation C(t = τ1/2 ) = conduit à :
2
CA,0
τ1/2 =
2αA k

Le temps de demi-réaction est proportionnel à la concentration initiale en réactif.

On peut résumer l’étude d’une cinétique d’ordre 0 comme suit :


Cinétique d’ordre 0

Une réaction chimique αA A −


)−
−*
− αC C + αD D admettant une loi cinétique d’ordre 0 présente les
propriétés suivantes :

Équation différentielle Équation horaire Temps de demi-réaction Unité de k


1 d [A] CA,0
− =k C(t) = CA,0 − αA kt τ1/2 = mol.L−1 .s−1
αA dt 2αA k

9.3.2 Cinétique d’ordre 1


L’équation de réaction αA A ) −−
−*− αC C + αD D a une vitesse volumique de réaction qui peut être
modélisée par une cinétique d’ordre 1, soit l’équation différentielle :

1 d [A]
− = k [A]
αA dt

La méthode de séparation des variables donne :

d [A]
= −αA kdt
[A]

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9. Cinétique chimique 9.3. Lois de vitesse

L’intégration de cette relation entre les états initiaux (t = 0, [A] = CA,0 ) donne :
!
C(t)
ln = −αA kt
CA,0

Cette loi horaire permet de préciser les unités de k par analyse dimensionnelle :

[k] = s−1

CA,0
On peut également exprimer le temps de demi-réaction en résolvant l’équation C(t = τ1/2 ) = :
2
ln 2
τ1/2 =
αA k

Le temps de demi-réaction est indépendant de la concentration initiale en réactif.

On peut résumer l’étude d’une cinétique d’ordre 1 comme suit :


Cinétique d’ordre 1

Une réaction chimique αA A −


)−
−*
− αC C + αD D admettant une loi cinétique d’ordre 1 présente les
propriétés suivantes :

Équation différentielle Équation horaire Temps de demi-réaction Unité de k


!
1 d [A] C(t) ln 2
− = k [A] ln = −αA kt τ1/2 = s−1
αA dt CA,0 αA k

9.3.3 Cinétique d’ordre 2


L’équation de réaction αA A − )−
−*− αC C + αD D a une vitesse volumique de réaction qui peut être
modélisée par une cinétique d’ordre 2, soit l’équation différentielle :

1 d [A]
− = k [A]2
αA dt

La méthode de séparation des variables donne :

d [A]
− = αA kdt
[A]2

L’intégration de cette relation entre les états initiaux (t = 0, [A] = CA,0 ) donne :

1 1
− = αA kt
C(t) CA,0

Cette loi horaire permet de préciser les unités de k par analyse dimensionnelle :

[k] = L.mol−1 .s−1

CA,0
On peut également exprimer le temps de demi-réaction en résolvant l’équation C(t = τ1/2 ) = :
2
1
τ1/2 =
αA kCA,0

Le temps de demi-réaction est inversement proportionnel à la concentration initiale en réactif.

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9. Cinétique chimique 9.4. Méthodes expérimentales

On peut résumer l’étude d’une cinétique d’ordre 2 comme suit :


Cinétique d’ordre 2

Une réaction chimique αA A −


)−
−*
− αC C + αD D admettant une loi cinétique d’ordre 2 présente les
propriétés suivantes :

Équation différentielle Équation horaire Temps de demi-réaction Unité de k


1 d [A] 1 1 1
− = k [A]2 − = αA kt τ1/2 = L.mol−1 .s−1
αA dt C(t) CA,0 αA kCA,0

9.3.4 Facteurs cinétiques


On voit dans les relations obtenues précédemment que la concentration initiale peut parfois condi-
tionner la vitesse de consommation d’un réactif.
Facteur cinétique

On appelle facteur cinétique toute grandeur permettant d’influer sur la vitesse de réaction.
Les principaux facteurs cinétiques sont :
– la concentration initiale : le temps de demi-réaction peut dépendre de la concentration ini-
tiale ;
– la température : la vitesse de réaction augmente généralement avec la température ;
– les catalyseurs : c’est-à-dire toute espèce chimique qui n’apparaît pas dans l’équation bilan,
qui ne modifie pas l’état final, mais qui accélère la transformation.

L’influence de la température apparaît dans la valeur de la constante cinétique k.


Loi d’Arrhenius
La constante cinétique k dépend uniquement de la température selon :
Ea
k = Ae− RT

où :
– A est le facteur pré-exponentiel qui s’exprime dans la même unité que k ;
– Ea est l’énergie d’activation qui s’exprime en J.mol−1 ;
– R = 8, 31 J.mol−1 .K−1 est la constante des gaz parfaits ;
– T est la température qui s’exprime en K.

9.4 Méthodes expérimentales


9.4.1 Tracé de courbes
La cinétique chimique est une véritable fenêtre qui permet de tirer des conclusions sur des méca-
nismes réactionnels se produisant à l’échelle microscopique, à partir d’observations qui se font à l’échelle
macroscopique. L’exploitation de données expérimentales y est donc très fréquente.

Le spectrophotomètre est la méthode de mesure non-invasive la plus adaptée aux besoins de la ciné-
tique chimique.

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9. Cinétique chimique 9.4. Méthodes expérimentales

Spectrophotométrie

L’absorbance A d’un spectrophotomètre est relié à la concentration en espèce colorée Ac par la loi
de Beer-Lamber :
Is
  X
A = − log = εi (λ)` [Ac,i ]
Ie i∈espèces colorées

où :
– Is (resp. Ie ) est l’intensité du faisceau lumineux sortant (resp. entrant) de la cuve de mesure ;
– εi (λ) est le coefficient d’extinction molaire de l’espèce i à la longueur d’onde λ ;
– ` est la largeur de la cuve de mesure traversée par le faisceau lumineux ;
– [Ac,i ] est la concentration en l’espèce colorée Ac,i .

La connaissance expérimentale de l’évolution temporelle d’un réactif permet alors de tester des mo-
dèles d’ordre cinétique en traçant les courbes appropriées.
Cinétique d’ordre 0

La loi horaire théorique établie C(t) = C0 − αA kt conduit à comparer les données expérimentales
(ti , Cmes(ti ) ) et la fonction :
Cth : t 7→ A − Bt

où A, B sont des constantes obtenues par régression linéaire.

La pente permet alors de déterminer B = −αA k et l’ordonnée à l’origine donne A = C0 .

1 Régression linéaire
Données expérimentales
0.8
C en mol · L−1

0.6

0.4

0.2

0 2 4 6 8 10
t en min

Fig. 9.1 – Loi horaire d’une cinétique d’ordre 0

Cinétique d’ordre 1

La loi horaire théorique établie ln C(t) = ln C0 − αA kt conduit à comparer les données expérimen-
tales (ti , ln Cmes(ti ) ) et la fonction :

ln Cth : t 7→ A − Bt

où A, B sont des constantes obtenues par régression linéaire.

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9. Cinétique chimique 9.4. Méthodes expérimentales

Régression linéaire 1 Régression linéaire


2.5 Données expérimentales Données expérimentales
0.8
C en mol · L−1

2 0.6

ln C
0.4
1.5
0.2
1
0

0 2 4 6 8 10 0 2 4 6 8 10
t en min t en min

Fig. 9.2 – Loi horaire d’une cinétique d’ordre 1 Fig. 9.3 – Tracé de ln C et régression linéaire
La régression linéaire du tracé de C = f (t) ne donne pas satisfaction, alors que celle de ln C = f (t)
est plus convaincante. On déduit de la deuxième courbe les valeurs B = −αA k à partir de la pente, et
A = ln C0 à partir de l’ordonnée à l’origine.
Cinétique d’ordre 2
1 1
La loi horaire théorique établie C(t) = C0 + αA kt conduit à comparer les données expérimentales
(ti , C 1 ) et la fonction :
mes(ti )
1
: t 7→ A + Bt
Cth
où A, B sont des constantes obtenues par régression linéaire.

100 Régression linéaire 1 Régression linéaire


Données expérimentales Données expérimentales
80 0.8
en L · mol−1
C en mol · L−1

60
0.6
40
0.4
20
C
1

0.2
0
0
−20
0 2 4 6 8 10 0 2 4 6 8 10
t en min t en min
1
Fig. 9.4 – Loi horaire d’une cinétique d’ordre 2 Fig. 9.5 – Tracé de C et régression linéaire

La régression linéaire du tracé de C = f (t) ne donne pas satisfaction, alors que celle de C1 = f (t) est
plus convaincante. On déduit de la deuxième courbe les valeurs B = αA k à partir de la pente, et A = C10
à partir de l’ordonnée à l’origine.

9.4.2 Dégénérescence de l’ordre


Revenons un instant aux réactions dont l’équation globale s’écrit à nouveau sous la forme :

αA A + αB B −
)−
−*
− αC C + αD D

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9. Cinétique chimique 9.4. Méthodes expérimentales

La vitesse volumique de réaction est nécessairement égale à :

1 d [A] 1 d [A]
r=− =−
αA dt αA dt

Si cette réaction admet un ordre, on peut modéliser cette vitesse par une relations de la forme :

r = k [A]pA × [B]pB

Une seule équation et deux inconnues, il faut donc être astucieux et jouer avec les conditions initiales.

Une première méthode consiste à placer les réactifs en très large excès par rapport à l’un d’eux. Ici,
on peut placer le réactif B en très large de façon à avoir :

∀t : [B] (t)  [A] (t)

Ainsi la concentration en espèce B ne variera que très peu au cours du temps et [B] (t) ' cste. On en
déduit alors la relation :
1 d [A]
− ' k [B]pt=0
B
[A]pA
αA dt | {z }
kapp

que l’on peut résoudre comme précédemment.


Méthode de dégénérescence de l’ordre

On appelle méthode de dégénérescence de l’ordre une méthode expérimentale de détermination


d’un ordre cinétique pour une équation de réaction a plusieurs réactifs telle que :

αA A + αB B −
)−
−*
− αC C + αD D

Elle consiste à placer tous les réactifs en très large excès par rapport à l’un d’eux de façon à pouvoir
écrire :
1 d [A]
− ' kapp [A]pA
αA dt
où kapp = k [B]pt=0
B
est la constante cinétique apparente.

L’utilisation de cette méthode sur chacun des réactifs de l’équation de réaction permet alors de
déterminer l’ordre partiel de chaque réactif et donc d’en déduire l’ensemble des ordres de réaction.

9.4.3 Proportions stœchiométriques


Pour traiter le problème précédent de façon à établir l’ordre global et non les ordres partiels, on peut
placer les réactifs dans leurs proportions stœchiométriques.

mol αA A + αB B −
)−
−*
− αC C + αD D
État initial αA n0 αB n0 nC,0 nD,0
∀t αA (1 − ξ) αB (1 − ξ) nC,0 + αC ξ nD,0 + αD ξ

Ainsi à tout instant, les réactifs sont en quantités proportionnelles et on peut écrire :

[B] [A]
=
αB αA

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9. Cinétique chimique 9.4. Méthodes expérimentales

On peut alors injecter cette nouvelle relation dans la loi cinétique et il vient :
pB
1 d [A] αB

− =k [A]pA +pB
αA dt αA
| {z }
kapp

que l’on peut résoudre comme précédemment.


Méthode des proportions stœchiométriques

On appelle méthode de proportions stœchiométriques une méthode expérimentale de détermination


d’un ordre cinétique global pour une équation de réaction a plusieurs réactifs telle que :

αA A + αB B −
)−
−*
− αC C + αD D

Elle consiste à placer initialement tous les réactifs dans leurs proportions stœchiométriques de
façon à avoir, à tout instant α[B]
B
= α[A]
A
. On en déduit :

1 d [A]
− ' kapp [A]pA +pB
αA dt
pB
αB

où kapp =k est la constante cinétique apparente.
αA

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