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Quels sont les caractéristiques contemporaines et les facteurs de la mobilité

sociale ?

1. Qu’est-ce que la mobilité sociale ?


Il faut distinguer la mobilité intergénérationnelle des autres formes de mobilité.

Mobilité sociale : on parle de mobilité sociale quand un individu a changé de position sociale (place
dans la structure sociale) soit par rapport à la position de ses parents soit par rapport à la place qu’il
occupait ultérieurement

Mobilité géographique : changement de lieu de résidence à l’intérieur d’un pays ou entre pays

Mobilité professionnelle : changement de profession d’un individu au cours de sa carrière

Mobilité intragénérationnelle : quand un individu occupe une position différente de celle qu’il
occupait au début de sa vie active. Il s’agit d’un changement de catégorie sociale, mais pas forcément
d’un changement de position dans la hiérarchie sociale. Il peut s’agir d’ une mobilité professionnelle
(changement de profession, de secteur d’activité ou d’entreprise) sans que cette nouvelle profession
ait plus de prestige (mobilité horizontale)

Mobilité intergénérationnelle : si un individu occupe une position différente de celle qu’occupaient


ses parents (par exemple on compare la position sociale du fils par rapport à celle du père). L’Insee
appelle la mobilité intergénérationnelle la mobilité sociale.

La mobilité observée comporte une composante structurelle.

La mobilité brute ou totale ou absolue est la mobilité constatée : on la calcule à partir des taux
absolus de mobilité qu’on appelle la mobilité observée.

La mobilité structurelle est la mobilité qui résulte d’un changement dans la structure de la
population active (par exemple, baisse du nombre d’agriculteurs ou hausse générale des
qualifications)

La mobilité nette est la différence entre la mobilité totale et la mobilité structurelle, c'est-à-dire c’est
la mobilité réelle qui n’est pas liée à des changements structurels. On la calcule à partir de taux
relatifs de mobilité qui permettent de montrer la fluidité sociale (ou mobilité relative) qui mesure les
chances des membres de différents groupes d’atteindre tel ou tel statut.

La mobilité sociale peut être donc verticale ascendante (lorsqu’on occupe une position sociale plus
élevée qu’auparavant ou que ses parents) ou descendante, mais elle peut aussi être horizontale,
lorsque le changement de PCS ne se traduit pas par un changement de position hiérarchique (par ex
lorsqu’un fils d’ouvrier devient employé).

Une société plus mobile n’est pas nécessairement une société plus fluide et on parle de fluidité
sociale quand la situation dans laquelle les chances d’accéder à la PCS de son choix ne dépendent pas
de son origine sociale (c’est-à-dire de la PCS des parents).

Dans une société démocratique, l’égalité des chances voudrait qu’un enfant d’ouvrier ait les mêmes
chances de devenir cadre qu’un enfant de cadre.
La fluidité sociale se mesure en faisant le rapport entre les chances pour un enfant de cadre de
devenir cadre (plutôt qu’ouvrier) divisé par les chances pour un enfant d’ouvrier de devenir cadre.

Si ces chances sont identiques, c’est-à-dire s’il y a une égalité des chances parfaite, ce rapport est
égal à 1. Cela signifie que les chances pour un enfant de cadre de devenir cadre sont égales aux
chances pour un enfant d’ouvrier de devenir cadre.

2. Principes de construction, intérêts et limites des tables de mobilité comme instrument


de mesure de la mobilité sociale
Les tables de mobilité construites par l’INSEE ne représentent pas toute la mobilité sociale en
France : il s’agit majoritairement de tables masculines qui présentent la mobilité entre père et fils et
qui ne prend en compte que les actifs de 40 à 59 ans (car il s’agit de la période où la carrière
professionnelle est la plus stabilisée)

À partir des tables de mobilité construites en données brutes (en milliers d’actifs), on peut effectuer
différents calculs en % qui permettent d’apprécier la mobilité sociale :

- soit par des tables de recrutement qui permettent de mesurer l’influence de l’origine sociale sur la
position sociale de l’individu. On se demande alors d’où viennent les fils qui sont dans telles ou telles
PCS, quelle était la PCS de leur père ? Par exemple, quelle est l’origine sociale des personnes qui sont
aujourd’hui professions intermédiaires ?

- soit par des tables de destinée qui permettent d’évaluer les probabilités d’obtenir une position
sociale quelconque en fonction de l’origine sociale. On s’interroge alors sur ce que sont devenus
professionnellement les fils issus d’un milieu social donné. Par exemple, que sont devenus les fils
dont les pères étaient agriculteurs ?

Toutefois, l'étude de la mobilité intergénérationnelle ne porte finalement que sur quelques actifs :
les fils suffisamment âgés pour avoir une situation stabilisée (40.50ans) et leur père. On oublie par
exemple les jeunes qui arrivent actuellement sur le marché du travail.

Les tables de mobilité ne font pas non plus apparaître le rôle de la conjointe (de la mère) : or, plus il y
a d’homogamie sociale chez les parents, et plus il y aura d’hérédité sociale chez les enfants. La
mobilité sociale observée dépend du nombre de catégories prises en compte : plus ce nombre est
faible, moins il y aura de mobilité.

L’ampleur et la fréquence de la mobilité dépend en fait beaucoup du nombre de PCS retenu : par
exemple, si on utilise une nomenclature plus détaillée, on voit que pour les ouvriers la mobilité
interne au groupe en fonction de la qualification est beaucoup plus grande (les enfants d’ouvrier non
qualifié deviennent ouvrier qualifié) Ensuite, il peut y avoir un écart entre la mobilité objective
observée dans les tables de mobilité et la mobilité subjective vécue par les individus.

Une mobilité ascendante formelle, c'est-à-dire le passage d’une PCS à une autre supérieure à celle de
son père, peut cacher une immobilité réelle, c'est-à-dire ne pas représenter réellement une
amélioration de niveau de vie ou de prestige social (par exemple, le fils d’instituteur qui devient
professeur)

De la même manière, les immobiles, ceux qui sont rangés dans la même PCS que leur père, peuvent
ne pas avoir du tout le même statut social (supérieur ou inférieur).
Enfin, toutes les catégories ne sont pas hiérarchisables : par exemple, un fils d’agriculteur qui devient
chauffeur routier connait-il une mobilité sociale ascendante ?

Néanmoins l’analyse de ces tables de mobilité sociale est très utile pour savoir si la société française
favorise plus d’égalité des chances aujourd’hui qu’avant et pour observer et commencer à expliquer
les trajectoires d’ascension sociale, le déclassement social ou la reproduction sociale.

3. Mobilité ascendante, reproduction sociale et déclassement


Mobilité verticale : quand on se déplace le long de l’échelle sociale. Elle est ascendante si on monte
dans la hiérarchie sociale. On parle de mobilité sociale ascendante quand un fils occupe une PCS
supérieure à celle de son père.

En France, depuis 50 ans, on peut voir que la fluidité sociale a augmenté : l’écart entre les chances de
devenir cadre pour un fils de cadre et pour un fils d’ouvrier s’est réduit.

On observe aussi une augmentation du nombre de cas de mobilité sociale ascendante, même si le
plus souvent il s’agit d’une mobilité de proximité : les individus n’ont pas toujours la même PCS que
leur père, mais ils occupent une PCS proche de celle de leur père : les cas de forte mobilité sociale
(ascendante ou descendante ) sont rares.

Cela s’explique surtout par l’évolution de la structure socio-professionnelle et l’élévation du niveau


de formation. La mobilité sociale ascendante est donc surtout une mobilité structurelle.

En France, la reproduction sociale représente environ 1/3 des situations : quelle que soit la PCS, la
probabilité pour un fils d’occuper la même PCS que son père est la situation la plus probable (lecture
de la diagonale de la table de mobilité).

Ceci est encore plus vrai aux extrémités de la hiérarchie sociale :

-plus de la moitié des enfants de cadres deviennent cadres (table des destinées) même si aujourd’hui
la PCS cadres recrute dans toutes les autres PCS (table des recrutements).

-La majorité des ouvriers aujourd’hui sont des fils d’ouvriers (table des recrutements), même si les
fils d’ouvriers ont des destinées très variées.

La mobilité sociale est descendante si on descend dans la hiérarchie sociale, par exemple si on
occupe une position sociale inférieure à celle de ses parents. On parle aussi de déclassement social.

Les trajectoires de mobilité ascendante sont plus fréquentes que les situations de déclassement
social.: le déclassement concerne surtout les fils de cadres (et dans une moindre mesure les
professions intermédiaires) : lorsqu’ils descendent dans l’échelle sociale c’est pour occuper la PCS
juste inférieure à celle de leur père.

On parle alors de déclassement social, comme l’incapacité d’un individu à maintenir sa position
sociale, soit par rapport à ses parents, soit par rapport à son niveau de qualification.

Le déclassement peut prendre trois formes : un déclassement intra générationnel( quand on perd
son emploi et qu’on en retrouve un autre dans une PCS inférieure), le déclassement
intergénérationnel quand on occupe une PCS inférieure à celle de son père et le déclassement
scolaire, quand on a un diplôme supérieur à son père mais qu’on occupe une PCS égale ou inférieure
à celle de son père. Le déclassement scolaire est dû à la perte de rentabilité des diplômes.
On observe que depuis les années 90, la rentabilité du diplôme diminue, cela signifie qu’un même
diplôme du supérieur n’est plus associé à la même probabilité d’occuper un emploi de cadre.

4. les spécificités de la mobilité des hommes et de celles des femmes


Les enquêtes de mobilité représentent le plus souvent, non pas la mobilité sociale en général, mais la
mobilité des pères aux fils. Cette non-prise en compte de la mobilité féminine est longtemps
légitimée par leur faible participation au marché du travail, mais aujourd’hui plus de 70% des femmes
de 25-50ans sont actives.

Mesurer la mobilité sociale intergénérationnelle des femmes est tout de même plus complexe que
mesurer celle des hommes :

le taux d'activité féminin était faible parmi les générations âgées : par exemple, si l'on étudie les
femmes de 40 à 59 ans (âge où la carrière professionnelle atteint son sommet), 91 % de ces femmes
travaillaient en 2003 mais seulement 67 % de leurs mères avaient été actives au moins pendant un
temps. L'étude de la mobilité sociale entre mère et fille ne concerne donc qu'une partie des femmes
actives.

Les femmes connaissent une mobilité sociale ascendante plus forte par rapport à leur mère que les
fils par rapport à leur père car leur mère occupant des emplois généralement moins qualifiés que
leur père, grâce à l’élévation généralisée des qualifications, elles ont plus de chance d’occuper une
PCS supérieure : il s’agit alors de mobilité structurelle c’est-à-dire d’une mobilité qui s’explique par
l’évolution de la structure de la population active des femmes liée à l’évolution des mentalités et des
lois.

Les femmes connaissent une mobilité sociale descendante plus forte par rapport à leur père que les
fils par rapport à leur père car les femmes occupent plus souvent des emplois moins qualifiés et dans
le secteur tertiaire, elles sont plus souvent discriminées à l’embauche et elles arrivent moins bien à
rentabiliser leur diplôme.

Les femmes semblent donc connaître moins d’immobilité sociale dans le sens où elles reproduisent
moins souvent le statut de leurs parents, en partie parce que la mobilité féminine est plus
structurelle.

Cela ne signifie pas que ces femmes vivent plus souvent dans un milieu social différent de celui
d'origine car, lorsqu'elles ont un conjoint ou un compagnon, celui-ci peut être aussi qualifié que leur
père. Ainsi, la mobilité sociale nette des femmes ne passe pas nécessairement par une mobilité
professionnelle, mais par l’union à un conjoint appartenant à une PCS supérieure à celle de son père.

Remarque : le développement de l’emploi féminin joue aussi sur la mobilité sociale masculine : en
venant occuper massivement les emplois du bas de l’échelle sociale (en particulier ceux de la PCS
employés), les femmes ont contribué à permettre aux hommes d’occuper une position sociale plus
élevée. !!

5. Comment expliquer la mobilité sociale ?


Certaines catégories socioprofessionnelles ont vu leurs effectifs se réduire, c’est particulièrement le
cas pour les agriculteurs et pour les ouvriers. Il y a donc moins de « places » pour les enfants
d’agriculteurs et d’ouvriers, ce qui réduit les chances de reproduction sociale et entraîne
mécaniquement une mobilité sociale puisqu’il est impossible que tous les fils d’agriculteurs
deviennent agriculteurs et que tous les fils d’ouvriers deviennent ouvriers.
On peut observer cette mobilité structurelle en comparant la structure de la population active des
pères (colonne ensemble dans la table de recrutement) à la structure de la population active des fils
(ligne ensemble de la table de destinée).

Les enfants d’ouvriers (s’ils ne deviennent pas ouvriers) deviennent souvent professions
intermédiaires : cela s’explique par la hausse généralisée des niveaux de qualification. 12.3% des
enfants d’ouvriers deviennent employés : cela s’explique par la tertiarisation de l’économie
(production et emplois)

A l’inverse pour certaines catégories socioprofessionnelles comme les employés, les professions
intermédiaires ou les cadres, les effectifs ont fortement augmenté ouvrant ainsi des places pour les
enfants n’étant pas issus de ces catégories et leur permettant ainsi de connaître une mobilité sociale.

Par exemple, 21.5% des cadres ont un père profession intermédiaire, et 19.6% un père ouvrier. Cela
montre la hausse généralisée des niveaux de qualifications. La PCS employés recrute majoritairement
chez les ouvriers et sinon à part presqu’égale dans les autres PCS. Cela s’explique par la tertiarisation.

Il est à noter que la plupart du temps, la mobilité existante est une mobilité de proximité (les enfants
d’ouvriers deviennent employés ou professions intermédiaires, les professions intermédiaires
deviennent cadres)

Les différences de taux de fécondité entre les catégories socioprofessionnelles renforcent la mobilité
sociale

Chez les agriculteurs et les ouvriers le nombre moyen d’enfants est supérieur à 2. Ainsi 3 enfants ne
pourront pas occuper les 2 emplois agricoles de leurs parents. Si la structure socio-professionnelle
était la même, il y en a au moins un qui devrait connaître une mobilité sociale. Mais ce mouvement
est renforcé par le fait que le nombre d’emplois agricoles diminuent. On peut faire le même
raisonnement pour les ouvriers

A l’inverse, les cadres et les employés ont en moyenne moins de 2 enfants. Il faut donc que ces PCS
aillent recruter dans d’autres PCS, et ceci d’autant plus que le nombre d’employés et de cadres
augmentent.

Cependant le modèle familial de deux enfants s’est généralisé et les taux de fécondité se sont
rapprochés entre les différents groupes sociaux, ce qui limite de plus en plus l’impact de la fécondité
sur la mobilité structurelle.

L’augmentation généralisée des niveaux des diplômes vient expliquer la mobilité sociale ascendante.
Elle résulte d’une volonté institutionnelle de favoriser l’égalité des chances par une politique de
massification scolaire.

Mais cette massification n’est pas synonyme de démocratisation ;il subsiste encore des inégalités de
réussite scolaire qui expliquent la reproduction sociale forte aux extrémités de la hiérarchie sociale.
Ces inégalités s’expliquent essentiellement par le fait que le capital culturel légitimé à l’école est celui
des cadres (P.Bourdieu) ; les enfants de cadres ont donc plus de chances de faire des études longues.

Le déclassement scolaire (les enfants qui ont des diplômes plus élevés que leurs parents n’ont pas
forcément une position sociale plus élevée) peut s’expliquer par le paradoxe d’Anderson :
l’augmentation généralisée du nombre de diplômés dévalorise les diplômes.
Avoir un diplôme élevé ne garantit plus d’avoir un emploi très qualifié (même s’il en renforce la
chance)

La rentabilisation du diplôme sur le marché du travail va aussi dépendre du capital social des
parents : ensemble des réseaux relationnels qu’un individu peut mobiliser (voir analyse de
P.Bourdieu). Cela peut expliquer que les enfants d’ouvriers, même s’ils sont qualifiés, ne décrochent
pas aussi souvent un emploi correspondant à leur qualification que les enfants de cadres car ils ne
disposent pas du même réseau relationnel pour rentabiliser leurs diplômes.

Il existe pourtant une partie de la mobilité qui est une mobilité réelle.

Les partisans de l’individualisme méthodologique (notamment R.Boudon) privilégient une analyse en


termes de stratégies d’acteurs rationnels : même si l’origine sociale est importante, elle ne
détermine pas toutes les trajectoires individuelles : la part du sujet dans la décision individuelle est
non négligeable.

Les trajectoires « improbables », c’est-à-dire des formes de mobilité exceptionnelles statistiquement,


peuvent aussi s’expliquer par la mobilisation de ressources différentes au sein des familles

Les ressources familiales sont les différents types de capitaux que les individus peuvent mobiliser au
sein de leur famille (capital économique, culturel, social,…) : par exemple, dans La France des
Belhoumi, de S.Beaud, on voit comment la réussite des grandes sœurs va apporter un soutien moral,
financier, relationnel aux plus jeunes enfants de la fratrie.

Les configurations familiales, c’est-à-dire la taille de la fratrie, la situation conjugale ou l’origine


migratoire, peuvent aussi jouer un rôle dans la réussite scolaire et sociale, par exemple dans La
France des Belhoumi, de S.Beaud la présence de grandes sœurs impliquées dans la scolarité va être
un atout dans la réussite des plus jeunes.

Ainsi, les stratégies de mobilité ascendante influencent positivement la mobilité sociale : Les ouvriers
et les immigrés, en particulier, utilisent l'école comme tremplin pour une progression sociale.
L’objectif est alors de faire une socialisation anticipatrice afin de sortir de son groupe d’appartenance
pour adopter les normes et valeurs d’un groupe de référence

Groupe d’appartenance : groupe d’origine dans lequel l’individu a construit ses normes et ses
valeurs.

Groupe de référence : groupe dont les normes et les valeurs sont adoptées comme modèle par un
individu.

Socialisation anticipatrice : forme de socialisation d’un individu souhaitant adopter les normes et les
valeurs d’un groupe de référence qui est différent de son groupe d’appartenance

Certains récits biographiques comme ceux d’Annie Ernaux (La Place) illustrent la diversité des
influences socialisatrices auxquels les enfants peuvent être soumis et comment des enfants issus de
milieux populaires peuvent être confrontés à de nouveaux univers sociaux grâce à leur réussite
scolaire et leur ascension sociale, devenant ainsi des « transfuges de classe ».

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