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Janvier 2019

Résumé by PM

LES PSYCHOTHÉRAPIES DE GROUPE


Jean-Bernard Chapelier

CHAPITRE 1
Origine des psychothérapies de groupe

I Rituels de guérison et groupe : exemple du

tarentisme II Thérapies institutionnelles et histoire de

la psychiatrie

III Les psychanalystes précurseurs des thérapies de groupe

1. S. Freud, le groupe et la civilisation

2. T. Burrow (1875-1950) et la groupanalyse : « Le précurseur

» IV Influence de la psychosociologie

CHAPITRE 2
Les psychothérapies psychanalytiques : les grandes

orientations I Problèmes méthodologiques posés par le groupe

II La psychothérapie dans le groupe : les États-Unis

1. Enfants : S.R. Slavson

2. Adolescents : F.J. Azima

3. Adultes : A. Wolf, « La psychanalyse dans le groupe

» III La psychothérapie dans et par le groupe

1. S.H. Foulkes (1898-1976)

1
2. H. Ezriel

2
3. E. Pichon-Rivière (1907-1978)

IV La psychothérapie du et par le groupe

1. Émotionnalité groupale : W.R. Bion (1897-

1979) 2. D. Anzieu (1923-1999) : le modèle du

rêve

3. R. Kaës

4. Pulsion d’interliaison (O. Avron)

5. Les groupes fermés chez l’enfant et l’adolescent

CHAPITRE 3
Les psychothérapies non

psychanalytiques I J.-L. Moreno : le psychodrame

II Groupes néo-freudiens à composante

corporelle 1. W. Reich et les thérapies

corporelles

2. La bioénergie

3. La Gestalt-thérapie

4. Les thérapies

primales 5. Le rebirthing

6. L’analyse transactionnelle

III Groupes de thérapie

existentielle 1. Thérapies

existentielles
3
2. Groupes de rencontre

IV Groupes comportementalistes

4
1. Thérapies comportementales

2. Thérapies cognitives

3. Les sexo-thérapies

CHAPITRE 4
Théorie du cadre

thérapeutique I Le cadre et les processus de

symbolisation

1. Fonctions et caractéristiques du dispositif-cadre de


la psychothérapie

2. Caractéristiques du cadre

3. Institutionnalisation du

cadre 4. Cadre et mythe

originaire

CHAPITRE 5
Mise en place du

cadre I Cohérence entre cadre et

processus

1. En fonction de la théorie

2. Groupe ouvert, groupe fermé

3. Adaptation des différents éléments du

dispositif 4. Co-thérapie ou mono-thérapie

5. Cohérence entre les divers éléments du cadre

6. Besoins du patient
5
II Types de dispositifs et

processus 1. Association libre

verbale

6
2. Psychodrame

3. Groupes avec médiation

III Exemple de réflexion sur la mise en place d’un cadre


: psychothérapie de groupe d’inspiration
psychanalytique à l’adolescence

IV Le groupe thérapeutique et son environnement

institutionnel 1. La paradoxalité des institutions

2. Effets contre-institutionnels des groupes

thérapeutiques 3. L’image fantasmatique du groupe

thérapeutique

4. Groupes et institutions : les menaces réciproques

Bibliographie

Index

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Avant-propos
Les groupes présentent une certaine efficacité dans la réduction des symptômes, ils
absorbent une plus grande quantité de patients et sont + économiques en temps et en coût.
De par les contraintes de temps dans les institutions, de nouveaux travaux sur la théorie
de la médiation se sont multipliés au détriment peut-être de la théorie des groupes.
Par la réflexion sur les fonctions du cadre, les étudiants pourront prendre en compte les
variables mises en jeu (formation du thérapeute, type et âge des patients, environnement
institutionnel…). Le cadre n’est pas le même si le projet tend à la socialisation des enfants
ou s’il recherche l’interprétation des conflits intrapsychiques inconscients dans le transfert
avec des adultes névrosés, s’il s’agit à travers la métaphore du groupe d’aider un enfant
psychotique à reconstruire des enveloppes et des contenants fiables qu’il pourra introjecter.
La cohérence du cadre psychanalytique est un modèle souvent difficile à égaler, laissant
un peu orphelin les autres types de psychothérapies (toutes issues, à l’exception des TC,
soit de l’adaptation de cette cure type, soit des dissidences théoriques psychanalytiques).
Mais les limites de la cure psychanalytique et les théorisations récentes du cadre
thérapeutique permettent de penser les psychothérapies de groupe avec une certaine
cohérence et non plus comme des formes mineures d’un cadre idéal.

CHAPITRE 1 Origine des psychothérapies de groupe

1. Rituels de guérison et groupe : exemple du tarentisme

Les groupes thérapeutiques sont très proches des thérapies individuelles et des rituels
culturels. L’ethnologie offre de bons exemples de thérapies de groupe dont les cadres sont
parfaitement cohérents surtout au regard des références culturelles (mythes et institutions).
Le plus souvent reposant sur des rituels de possession, ces techniques thérapeutiques
impliquent des éléments répétitifs :
– il y a presque toujours un changement d’identité du possédé, ce changement de
personnalité se faisant sous la forme d’une crise extatique. Mais cette crise est rarement
anarchique, elle est orchestrée comme un rôle théâtral, elle s’intègre dans un culte
organisé, qui possède ses prêtres, son panthéon, et ses règles strictes ;
– l’aspect groupal et surtout social est prédominant, car les possédés sont toujours
entourés de spectateurs.
Toute société supporte mal les désordres, surtout s’ils sont induits par la maladie (et encore
plus par la folie). La société met en place des institutions comme les cérémonies – pour
sauvegarder son homéostasie, en donnant un sens au désordre et en proposant ces rituels
comme médiation entre l’individu et le groupe social.
Ces cérémonies sont des techniques de régulation, agissant à travers un univers
symbolique donneur de sens, et utilisant des techniques de jeu se plaçant dans l’espace du
spectacle (monde du théâtre avec la catharsis ou de l’illusion, avec la magie et les
techniques corporelles comme la danse). Chaque élément du rituel trouve sa justification
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dans le mythe thérapeutique.
À travers l’exemple du « tarentisme », nous allons montrer que les dispositifs peuvent être
très semblables ou pour le moins présenter certaines analogies avec ceux que les
thérapeutes de groupe mettent en place, à la différence cependant que la théorie est ici
remplacée par un mythe.
Le tarentisme : rituel de possession de l’Italie du Sud en 2 temps différents :
1. le rituel se fait de manière individuelle ; le tarenté est seul à entrer en possession et il
est entouré par des musiciens, véritables co-thérapeutes ;
2. une cérémonie collective où tous les possédés de l’année se retrouvent ensemble et
entrent en transe.
Dès qu’un individu se sent mordu par la tarentule (ou d’une araignée, un serpent, un
frelon…), il présente des symptômes (crise hystériforme, hallucinations…) qui doivent être
encadrés par un rituel. Celui-ci a lieu dans sa maison en compagnie de sa famille et de
musiciens spécialistes. Souvent, la musique attire les villageois. La musique jouée (une
tarentelle) doit permettre d’identifier l’animal possesseur et de l’éloigner du possédé.
La cérémonie est donc très proche dans le temps et dans l’espace de la crise initiale
(initiatique). Ici, c’est le tarenté qui décide du moment de cette cérémonie domestique qui
est extrêmement contrôlée, ordonnée, dirigée et individuelle. Le but de cette cérémonie est
d’entrer en contact avec l’animal possesseur, de le nommer et de le faire danser jusqu’à ce
qu’il accepte de libérer le possédé (ce qui n’est pas toujours le cas).
Une fois par an, les tarentés de l’année se retrouvent dans une chapelle et entrent en
possession collective. Cette cérémonie est violente, faisant penser au chahut de certains
groupes thérapeutiques d’enfants difficiles – cris, injures, pleurs, coups, transgressions (ils
montent sur l’ancien autel, font des contorsions, vomissent, bavent…). Pour ce 2 ème rituel, il
n’y a pas de musique. Le groupe de possédés est englobé par des contenants qui se
symbolisent de + en + ; ainsi après les murs nus de la chapelle, les tarentés sont contenus
par le groupe de spectateurs (représentant le groupe social) puis à la fin de la cérémonie,
les participants réintègrent les rites religieux (messe) et sociaux (fête foraine).
Les 2 cérémonies se déroulent dans une parfaite symétrie de lieu, de temps,
d’organisation. La première des configurations fait penser au psychodrame individuel, et la
deuxième aux thérapies régressives en groupe.
Le travail thérapeutique part du malade pour aboutir au groupe (collectif), car la fonction
de ce type de rituel est d’offrir un cadre d’étayage pour la névrose individuelle en lui donnant
un sens social (et non plus privé). C’est aussi l’occasion de donner à voir à l’ensemble de la
communauté que le désordre privé puis groupal ne remet pas en cause la cohésion de la
société ; au contraire celle-ci est rassemblée comme contenant et négatif de ce désordre.
Cette cérémonie substitue un mythe collectif au mythe individuel. A la place de la théorie
psychanalytique, il y a recours à un mythe thérapeutique.
Dans L’Efficacité symbolique, Lévi-Strauss confronte la psychanalyse aux rituels de
guérison. Comparant l’efficacité du chamanisme / psychanalyse, il se demande comment
une réorganisation structurale est produite au niveau du corps en faisant vivre au malade un
mythe « reçu (le chamanisme), ou produit (la psychanalyse) ». Pour lui, l’inconscient n’est
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qu’un organe qui se borne à imposer des lois structurales, « qui épuisent sa réalité, qui
proviennent des : pulsions, émotions, représentations, souvenirs… Le vocabulaire importe
moins que la structure, tout comme la forme mythique prime sur le contenu du récit ».
Question : soit les thérapies de groupe ne sont que des traitements socioculturels qui
occultent la réalité des difficultés individuelles, soit certains mécanismes psychiques plus
généraux peuvent être appliqués aux différents types de traitements collectifs.

2. Thérapies institutionnelles et histoire de la psychiatrie

La psychothérapie de groupe a toujours existé (rites collectifs, rites de possession). Dès la


fin du Moyen Âge sont apparues, associées à des pèlerinages, des communautés  ; ex de
Geel : au départ un lieu de pèlerinage réputé pour soigner les fous, qui s’est transformé en
une institution charitable. Organisation = familles thérapeutiques (payées par l’État) & les
malades vivent dans un milieu social naturel et peuvent éventuellement travailler.
Les bienfaits du travail collectif seront renforcés, d’après Foucault, à partir du 18 ème siècle
par le « grand renfermement » au moment de l’avènement de la bourgeoisie pour qui le vice
primordial est l’oisiveté. Cette ségrégation dure jusqu’à la Révolution, au moment où l’asile
tente d’acquérir une certaine autonomie en faisant travailler les pensionnaires.
Dans l’isolement, les malades mentaux s’effondrent, mais lorsqu’ils sont groupés dans des
services, leur état s’améliore.
En 1929 paraît un autre livre intitulé Une thérapeutique plus active à l’hôpital psychiatrique. Il
est signé par Hermann Simon, (encore que l’ergothérapie ait été utilisée depuis la fin du
XIXe siècle en Autriche) et surtout de la socio-psychiatrie. En effet, il
Hermann Simon, psychiatre allemand et pionnier de l’ergothérapie, défend l’idée que les
troubles manifestés par les patients dépendent aussi de l’environnement hospitalier. Il
propose le vieux remède du travail pour soigner les malades et émet l’idée nouvelle que
l’institution elle-même peut être pathologique et même pathogène. Il faut attendre cependant
la fin de la WW2 pour que naisse un mouvement de psychothérapie institutionnelle qui
conceptualise et mette en œuvre un traitement utilisant les propriétés de l’institution.
1ère expérience de thérapie institutionnelle en France : à Saint-Alban, sous l’occupation
allemande, conduite par F. Tosquelles. S’inspirant des théories de H. Simon, il propose
d’aider les malades en rétablissant des relations et des communications authentiques entre
soignants et soignés, au travers de lieux d’activité privilégiés. Ainsi naissent des réunions du
personnel, des réunions de pavillon, des réunions d’équipe et de quartier.
En Italie, une expérience remet totalement en cause les institutions hospitalières. Ainsi, F.
Basaglia (1970) a tenté une expérience de désinstitutionnalisation étendue à tout le pays. La
pathologie mentale, dont les formes les plus aliénantes sont d’ailleurs seules envisagées,
n’est considérée que sous sa forme sociale, à savoir que le malade mental est un bouc
émissaire. La norme sociale expulse tout ce qui est incompréhensible et dangereux, en
l’identifiant à la folie. L’individu sain projette sur l’individu sans défense une agressivité qu’il
ne peut porter ailleurs et qui pourrait le détruire. La normalité est justifiée et désignée par le
fait qu’il y a des anormaux, ainsi le fou représente le négatif du normal et même son contour.
Cette désinstitutionnalisation peut expliquer d’une certaine façon l’extension des
psychothérapies de groupe dans le privé.
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3. Les psychanalystes précurseurs des thérapies de groupe

1. S. Freud, le groupe et la civilisation

S. Freud n’a jamais proposé une quelconque forme de psychothérapie de groupe. Tout au
plus laisse-t-il entrouverte la possibilité de mettre en place d’autres cadres thérapeutiques :
« Nous nous verrons obligés d’adapter notre technique à ces conditions nouvelles… nous
serons obligés de mêler à l’or pur de la psychanalyse une quantité considérable du plomb
de la suggestion directe. » (1919). Pourtant, pour Freud, le facteur social intervient comme
l’un des pôles conflictuels auquel l’individu est confronté : peut-être plus qu’à la réalité
physique, les désirs les plus profonds de l’individu se heurtent à la réalité sociale.
Tout au long de ses écrits, S. Freud soutiendra que la société et l’individu sont dans une
opposition d’intérêt. Dans Avenir d’une illusion : « Chaque individu est virtuellement un
ennemi de la civilisation. » 4 types de réflexions vont s’imposer pour comprendre les liens
qui unissent groupe et individus. 2 d’entre elles sont liées à l’évolution de ses concepts et
tentent de comprendre l’influence de la société sur les difficultés individuelles. Les 2 autre
renvoient à des études plus ciblées : l’une propose des hypothèses sur l’origine du social et
du complexe d’Œdipe (Totem et tabou, 1943), et l’autre (Psychologie collective et analyse du
Moi) qui reste un modèle utilisable pour la compréhension des groupes.

■ « La morale sexuelle “civilisée” et la maladie nerveuse des temps modernes » (1908)

Pour lui, les déboires de la société moderne sont dus à l’excès de répression sexuelle et
la névrose en est la conséquence : « La civilisation est construite sur la répression des
pulsions. » Cette répression sexuelle empêche l’activité de connaissance car l’interdit sur la
sexualité entraîne l’interdit sur l’activité de pensée. S. Freud évoque la religion pour laquelle
le péché se fait par pensée, par parole, par action et par omission. En levant la censure
morale trop sévère qui porte sur la sexualité, on pourrait avoir une action prophylactique sur
les névroses. Freud abandonnera en partie cette conception, mais certains analystes, dont
W. Reich, fonderont leur théorie sur cette approche de la névrose en insistant sur la
nécessité d’alléger la morale sexuelle par une action politique.

■ Malaise dans la civilisation (1929) et Pourquoi la guerre ? (1933)

Dans Malaise dans la civilisation, il reprend la question des relations entre l’individu et la
civilisation avec la pulsion de mort. Ce dualisme qui oppose Éros à Thanatos entraîne un
remaniement de sa 1ère conception car ce n’est plus la sexualité qui est la plus menaçante à
l’égard du processus de civilisation mais la pulsion de mort. En effet, la civilisation détourne
la pulsion de son but sexuel afin de renforcer les liens sociaux par des liens libidinaux pour
contrer l’agressivité humaine, qui représente une menace pour la société.
La civilisation doit tout mettre en œuvre pour limiter l’agressivité humaine et pour en
réduire les manifestations à l’aide de réactions psychiques d’ordre éthique. De là, cette
mobilisation de méthodes incitant les hommes à des identifications et à des relations

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d’amour inhibées quant au but… de là cette restriction de la vie sexuelle. (S. Freud, 1929)
Les tendances agressives issues de la pulsion de mort sont naturellement dirigées vers
l’extérieur, elles investissent donc le champ social. Pour contrer cette pulsion, la civilisation
utilise la sexualisation des liens sociaux, et cherche en outre à retourner l’agressivité contre
le sujet lui-même. Elle exige le sacrifice des tendances sexuelles et de l’agressivité.
Par l’action du Surmoi qui engendre le sentiment de culpabilité et l’autopunition,
l’agressivité est intériorisée et retournée vers l’individu. L’autorité parentale intériorisée, qui
constitue une part du Surmoi, défléchit l’agressivité, que le sujet dirigeait primitivement
contre cette autorité, vers le Moi. L’angoisse devant l’autorité contraint l’individu à renoncer
à satisfaire ses pulsions ; ce Surmoi force non seulement le sujet au renoncement, mais le
punit en outre de la persistance de ses désirs.
On a échangé un malheur extérieur « menaçant » perte de l’amour de l’autorité extérieure
et punition de sa part – contre un malheur intérieur continuel, à savoir cet état de tension
propre au sentiment de culpabilité. (S. Freud, 1929.)
Les hommes sont unifiés par le sentiment de culpabilité. C’est la lutte entre Éros et
Thanatos qui est au centre du processus civilisateur mais, avec le renforcement du Surmoi,
le conflit est intériorisé. Du point de vue de la prophylaxie, Freud (1929) revoit donc ses
positions :
Le fait de cacher aux jeunes le rôle que la sexualité jouera dans leur vie n’est point la
seule faute imputable à l’éducation d’aujourd’hui. Car elle pèche aussi en ne les
préparant pas à l’agressivité dont ils sont destinés à être les objets.
C’est à ce propos qu’il imagine que certaines névroses sont liées à l’influence de la
société, avançant le terme de « névrose collective ». Il entrevoit les possibilités de
traitements collectifs, seul moment dans son œuvre où la thérapie de groupe ou
institutionnelle est abordée :
Quant à l’application thérapeutique de nos connaissances… à quoi servirait donc
l’analyse la plus pénétrante de la névrose sociale, puisque personne n’aurait l’autorité
nécessaire pour imposer à la collectivité la thérapeutique voulue ? En dépit de toutes
ces difficultés, on peut s’attendre à ce qu’un jour quelqu’un s’enhardisse à entreprendre
dans ce sens la pathologie des sociétés civilisées. (S. Freud, 1929)
Malaise dans la civilisation est un texte pessimiste qui ne laisse comme salut à l’individu
civilisé que la sublimation, qui donne des satisfactions plus élevées, « mais dont l’intensité
est affaiblie » (par rapport aux satisfactions pulsionnelles immédiates). Plus radicalement
encore, dans l’un de ses derniers textes, Pourquoi la guerre ? (1933), S. Freud constate que
le processus civilisateur (sublimation) porte atteinte à la fonction sexuelle et il craint que ce
dernier mène à l’extinction de la race humaine (chute démographique).

■ Totem et Tabou (1912)

Freud tente de rendre compte de l’avènement du social et de justifier biologiquement le


complexe d’Œdipe. Il imagine un temps où l’homme était organisé en horde primitive autour
d’un chef tout-puissant qui se réservait les femelles et empêchait toute relation sexuelle
entre les jeunes mâles et les femelles. Les fils chassés du groupe se sont organisés pour
tuer le père et le manger. Ils prennent conscience de leur force, et par la cannibalisation, ils
réalisent une identification au père envié et redouté. Le fils, est ambivalent / père, le tue par
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haine, mais l’amour qu’il lui porte va faire germer en lui le sentiment de culpabilité.
Les frères unis pour tuer le père sont devenus rivaux pour s’emparer des femmes, ce qui
risque de les affaiblir. Ainsi, pour préserver leur unité nouvellement acquise, ils ont institué
l’interdit de l’inceste. On retrouve ici la thèse centrale de Freud, qui soutient que l’homme
est continuellement pris entre son désir de sécurité narcissique, fourni par la communauté,
et la satisfaction de ses désirs pulsionnels.
Les thèses darwiniennes de la transmission des caractères acquis vont permettre à Freud
de faire de ce meurtre originaire, l’origine du complexe d’Œdipe. Génétiquement et
ethnologiquement, la thèse est difficilement soutenable et S. Freud en propose à la fin du
livre une vision différente : celle de la transmission culturelle et inconsciente de cet acte
constitutif du social (meurtre du père et interdit de l’inceste). Cette transmission s’actualise
au niveau de l’inconscient, par l’intermédiaire des parents. Dans ce cas, « l’Œdipe » de
l’enfant est suscité par celui de ses parents. L’Œdipe se transmet par les désirs contre-
œdipiens, les désirs œdipiens n’étant qu’une réponse à la séduction et au désir de meurtre
des parents (ce qui est le cas dans la pièce de Sophocle Œdipe roi).

■ Psychologie des masses et analyse du Moi (1921)

Freud marque l’importance du groupe dans la vie psychique, et propose une réelle théorie
psychanalytique pour comprendre les phénomènes de groupes et institutionnels.
Dans la vie psychique de l’individu, l’Autre intervient en tant que modèle, objet, soutien,
et adversaire et de ce fait la psychologie individuelle est aussi d’emblée et simultanément
une psychologie sociale en ce sens élargie mais parfaitement justifiée. (S. Freud, 1921)

S. Freud distingue :
- les foules passagères : se caractérisent par « l’abaissement de l’activité intellectuelle, le degré
démesuré de l’affectivité, l’incapacité à se retenir, la tendance à dépasser les limites et les
interdits par l’action ». La description est inquiétante : sentiment de puissance invincible,
expression d’instincts que l’individu réprime habituellement, disparition de la conscience
morale et du sentiment de responsabilité, contagion mentale, suggestibilité…
Dans la foule, l’individu se débarrasse des refoulements de ses motions pulsionnelles
inconscientes.
La foule est impulsive, mobile, irritable. Elle est conduite presque exclusivement par
l’inconscient… elle ne supporte aucun délai entre son désir et la réalisation de celui-ci.
Elle a un sentiment de toute-puissance… en foule, toutes les inhibitions individuelles
tombent et tous les instincts cruels, brutaux, destructeurs, résidus des âges primitifs
dormant en chacun d’eux, sont réveillés, rendant possible la libre satisfaction des
pulsions. Mais les foules sont également capables, sous l’influence de la suggestion, de
grands accès de renoncement, de désintéressement, de dévouement à un idéal. (S.
Freud, 1921)

Il y a là une allusion au renoncement partiel au narcissisme et aux pulsions


d’autoconservation.

- les foules conventionnelles ou organisées : les institutions, comme l’armée ou l’Église.


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Elles mettent en place l’illusion qu’il existe un chef suprême, qui aime tous les membres
de l’institution d’un amour égal. La cohésion du groupe dépend de cette illusion et chaque
individu est ainsi lié affectivement d’une part au meneur et d’autre part aux autres individus
du groupe. Ce lien objectal est ambivalent, c’est-à-dire qu’il mêle l’amour et la tendresse
avec la haine et l’agressivité. Le lien entre les membres se fait par identification.
L’attachement est le fait des identifications, la régression est liée à une amputation de la
personnalité de chacun : les individus remplacent leur Idéal du Moi par un objet idéalisé
commun.
Dans les foules passagères, la régression fonctionne à partir de l’image d’un père primitif
(sauvage et cruel et qui appelle l’émeute), alors que dans les foules organisées, le groupe
est confronté à l’image d’un père bon, généreux et idéalisé.
La substitution de la personne du chef à l’Idéal du Moi de chacun (même idéal partagé par
tous) est remplacée par une idée, l’idéologie guide alors le groupe. Le chef est narcissique
car indépendant et n’aimant personne, ce qui lui permet de manipuler les groupes.
À partir de cette approche générale des groupes, S. Freud en déduit quelques
conséquences.
Freud rappelle la différence entre le Moi Idéal et l’Idéal du Moi :
- Le Moi Idéal, issu du narcissisme, est mégalomaniaque,
- À l’inverse, l’Idéal du Moi, héritier de l’Œdipe et inclus dans le Surmoi, participe aux
mécanismes de refoulement.
Freud note que les institutions sont ambiguës : elles sont permissives et répressives, elles
lient et séparent à la fois. Elles organisent les rencontres, rendent les actes possibles, mais
elles édictent les règles et les interdits. Cette ambiguïté engendre une oscillation (fête-
répression) entre la mélancolie (dépression due à la quotidienneté des normes) et la manie
(fête comme inversion des normes). Il propose de prendre en compte la distance entre le
Moi et l’Idéal. Quand les 2 instances se rapprochent, c’est la fête maniaque, avec
allégement des interdits et de la loi, ce qui engendre la débauche et la transgression. Quand
elles s’éloignent, la loi se rigidifie et provoque la répression, le refoulement et la culpabilité.
Dans ce texte S. Freud s’interroge aussi sur le destin de la libido dans les groupes.
L’expression directe de la sexualité met à mal le groupe ; l’état amoureux par exemple limite
la relation à 2 et surdifférencie les membres du groupe. Ainsi, dans les institutions comme
l’Église ou l’armée, il n’y a pas de place pour les femmes comme objet sexuel, afin
d’empêcher les relations amoureuses hétérosexuelles. Les groupes (et institutions)
recherchent l’indifférenciation sexuelle et favorisent les liens homosexuels sous la forme
d’une sexualité inhibée quant au but.
Chez le névrosé, il y a un échec de la désexualisation des désirs refoulés ; cette
caractéristique est antisociale : « La névrose exerce sur la foule une action désagrégeante
exactement comme l’état amoureux » (S. Freud, 1921). En conséquence la participation à
des groupes religieux ou à des sectes peut faire reculer la névrose momentanément. Il
remarque : « on a d’ailleurs essayé à juste titre d’exploiter à des fins thérapeutiques ce
conflit entre la névrose et la formation en foule ». Il pressent l’intérêt des psychothérapies de
groupe, sans y croire vraiment.

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2. T. Burrow (1875-1950) et la groupanalyse : « Le précurseur »

Il propose le terme de « groupanalyse » (1925) et défend une technique thérapeutique de


groupe. Précurseur, trop en avance, il ne sera guère suivi par ses collègues. Freud ne
répondra pas aux avances de ce disciple (analysé par C. Jung) et cofondateur de
l’Association américaine de Psychanalyse (1911).
Pour lui, durant les premiers mois de la vie, l’enfant n’est ni un individu, ni une personne,
car il est confondu avec l’environnement materne ; il ne fait qu’un avec l’organisme parental.
Il montre que cette continuité subjective au niveau des sensations (chaleur, pressions…) et
surtout de l’allaitement engendre le principe d’identification primaire.
Il remarque que les hommes s’unissent autour de symboles qui lui font penser aux images
d’un rêve, dont ils se servent dans un langage commun qui dicte la normalité. Ce langage
est arbitraire et constitue autant un réservoir de la folie que de la pensée primaire.
Il détermine 2 inconscients qui se déduisent l’un de l’autre :
- un inconscient social où la communauté occupe la place centrale,
- un inconscient individuel déterminé par l’image de la mère.
Il y a un lien entre ces 2 niveaux car « la communauté n’est que la projection ou
l’extension de cette image maternelle ».
Burrow est le 1er à appréhender le groupe comme une entité ayant une fonction
thérapeutique. Il propose des concepts et une vision cohérente s’appuyant sur les notions
d’inconscient social et d’identification primaire.

3. Influence de la psychosociologie

C’est surtout la psychosociologie américaine d’avant la WW2 représentée par les travaux
de l’école de Kurt Lewin (1890-1947), qui influera n pratiques de psychothérapie de groupe.
Enseignant à l’Institut psychologique de Berlin ; ses recherches sont inspirées par la «
Gestalt-théorie ». En 1933, il émigre aux États-Unis, où il élabore une théorie de la
personnalité, en appliquant à la psychologie des modèles empruntés à la physique.
Le concept de « champ dynamique » est un des éléments essentiels de cette théorie, il
désigne l’ensemble des forces (sociales, psychologiques, biologiques, physiques…) qui, à
un moment donné, s’exercent sur un individu ou sur un groupe.
Adoptant une visée gestaltiste, il montre comment un groupe se structure, formant un tout
qui possède des propriétés particulières indépendantes de la simple somme des qualités
des participants. Les individus interagissent et créent un état d’équilibre qui résulte des
forces dynamiques mises en jeu. L’homéostasie du système se maintient de la façon la plus
stable possible. Le groupe doit être appréhendé en tant que totalité dynamique résultant des
interactions entre les membres. D’où l’expression « dynamique de groupe ». En 1945, il
crée au MIT le Research Center for Groups Dynamics et à Bethel (Maine), en 1947, il met
en place les Training-Groups ou T-Groups (abréviation de basic skills training groups qui
deviendront en France : les groupes de diagnostic, les groupes de base ou les groupes
d’évolution). De tels groupes aident les participants à comprendre les enjeux des relations
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interpersonnelles et permettent des changements d’attitudes envers les autres.
La théorie du champ de forces de Lewin a influencé les travaux psychosociologiques et
les théories systémiques. La dynamique de groupe a mis l’accent sur les pratiques
groupales des nouvelles thérapies mais à travers la Gestalt-théorie, elle a influencé les
psychanalystes, qui se sont intéressés au groupe en tant qu’entité (Foulkes ou Anzieu).
Les T-Groups seront importés en France en 1956 (par Bradford) sous le nom de « groupes
de diagnostic », Ces groupes seront utilisés pour la formation aux techniques de groupe.
Leur pratique mettra en évidence des phases d’organisation (incertitude initiale,
dépendance / animateur et recherche de l’autorité, intérêt pour le pouvoir interne au groupe,
et enfin période de maturité) et des processus particuliers comme l’organisation d’un
langage de groupe, des types de communication, ou des phénomènes de feed-back.

CHAPITRE 2 Les psychothérapies psychanalytiques : les grandes orientations

1. Problèmes méthodologiques posés par le groupe

L’application de la psychanalyse au champ social en tant que modèle soulève des


questions :
- Complémentarisme de Devereux : le comportement humain est surdéterminé et sa
compréhension est plurifactorielle, un acte peut s’analyser du point de vue individuel ou
culturel (et par dérivation institutionnel ou groupal). Le rendement d’une approche diminue
au fur et à mesure que l’on veut rendre compte de tous les éléments d’un phénomène et
qu’il est préférable à partir d’un certain moment d’utiliser une approche complémentaire ;
– Théories structuralistes : les structures correspondent et sont dans des rapports
d’homomorphie aux différents niveaux du vivant. Le fonctionnement des groupes serait
structurellement semblable au fonctionnement psychique (isomorphie et homomorphie entre
l’appareil psychique groupal et l’appareil psychique individuel). Il peut y avoir des visions
différentes entre un structuralisme statique (C. Lévi-Strauss), un structuralisme dialectique
et dynamique (cf. K. Lewin) et éventuellement un structuralisme génétique (J. Piaget) ;
– Approche intrapsychique : le monde externe (en particulier le monde social) ne peut se
comprendre que comme la projection du monde interne (position kleinienne).
La structure renvoie trop facilement au cadre, et c’est avant tout par cette transposition du
cadre (par analogie) de la cure type, au cadre de la cure groupale ou institutionnelle que des
psychanalystes justifient la pratique des groupes comme moyen thérapeutique.

2. La psychothérapie dans le groupe : les États- Unis

Background de la pratique des groupes aux US :


- Les êtres humains possèdent une « faim sociale », un besoin affectif et instinctif de
communion avec autrui.
- La psychothérapie de groupe est le lieu idéal pour satisfaire cette « faim sociale  ». En
recréant un environnement favorable ces groupes autorisent une « expérience
émotionnelle correctrice », thérapeutique.
16
- Toute psychopathologie est liée à une faiblesse de la constitution du Moi issue d’un
environnement (surtout familial) traumatisant. Le seul fait de vivre une bonne expérience
groupale (prototype du groupe familial) réorganise les instances psychiques, et surtout
consolide les fonctions du Moi, permettant un meilleur contrôle des pulsions, une
adaptation plus souple à la réalité, et des capacités de sublimation accrues.
L’expérience psychanalytique du thérapeute est surtout utilisée pour dégager les patients
et le groupe des effets de transfert et de contre-transfert qui peuvent enliser le groupe dans
un mauvais fonctionnement. Paradoxalement, le groupe est rarement conceptualisé en tant
que tel, et l’intervention psychanalytique est toujours rapportée à l’individu, presque jamais
au groupe. Le groupe est le plus souvent considéré comme un contenant ou un
environnement étayant pour l’individu, rarement comme ayant une vie propre.
Force des américains : une bonne connaissance (intuitive) des phénomènes de groupe,
ce qui leur permet de manier avec beaucoup de pertinence les techniques permettant
d’alléger les aspects persécutifs et angoissants des groupes.

1. Enfants : S.R. Slavson

Slavson institua la technique de groupe chez l’enfant, en mettant sur pied l’AGT (Activity
Group Therapy-1934). Son but était d’organiser, dans un climat permissif, des groupes
encourageant les relations entre les enfants ; le thérapeute intervient au minimum.

a. Les playtherapies

Le matériel doit pouvoir être utilisé de façon symbolique : jouets, poupées figurant la
famille, soldats, marionnettes, animaux, tout objet pouvant révéler les préoccupations
inconscientes de l’enfant.
Les relations entre enfants ont un effet catalytique. Le groupe stimule l’expression des
fantasmes et des émotions. Par ailleurs, l’effet contenant du groupe est apaisant.
Le principe le plus actif est la catharsis. L’enfant exprime naturellement par le jeu ses
préoccupations et ses émotions. C’est cette situation vécue, exprimée, puis reconnue par le
psychothérapeute qui est en elle-même thérapeutique.
L’insight est accru par l’effet catalytique (par la stimulation groupale et les effets de miroir).
Le principe de réalité est mis à l’épreuve, car le groupe est un environnement social avec
ses exigences propres. La présence des autres enfants ancre la situation thérapeutique
dans la réalité. Le groupe, en effet, ne répond pas toujours aux demandes individuelles.
La sublimation est amorcée par le jeu qui, avec le matériel et les règles qui accompagnent
leur utilisation, canalise les pulsions.

b. Les Activity Group Therapy

Pour Slavson, les enfants ont un Moi peu organisé et ont des difficultés à traiter les
rapports entre les pulsions et les exigences externes. L’activité physique est alors
essentielle à l’équilibre des émotions, l’enfant évacuant les tensions internes qu’il ne peut
élaborer psychiquement. Si l’on empêche cet acting-out, l’enfant deviendra affectivement

17
instable et socialement inadapté. Il remarque aussi les limites du langage chez l’enfant pour
exprimer ses tensions ou pour communiquer avec autrui.
À partir de ces constatations, S.R. Slavson met en place une technique de groupe où
l’activité physique répondra au besoin qu’a l’enfant de s’exprimer et de communiquer par le
mouvement - induisant le libre passage à l’acte des pulsions ».
La position du thérapeute est éducative afin de devenir le Moi auxiliaire des enfants qui
éprouvent certaines difficultés à se contrôler. Ses interventions aident à surmonter les
angoisses dues au Surmoi (surtout le Surmoi archaïque) et, par-là, génèrent une
réassurance par rapport aux angoisses de destruction.
Slavson utilise aussi l’AIGP, Activity Interview Groups Psychotherapy car certains enfants &
ados névrosés supportent mal le jeu du passage à l’acte et deviennent craintifs et anxieux
devant les manifestations d’agressivité.
M. Sugar (1974) pratique l’Interpretative Group Psychotherapy (IGP). Dans ces groupes, le
thérapeute élucide les conflits intrapsychiques par l’intermédiaire des fantasmes et des
défenses verbalisées. Sugar décrit en trois phases pour les enfants :
1. Ils sont inquiets et frustrés, ce qui les conduit souvent à vouloir quitter le groupe. Le
climat est lourd, triste, avec des silences persécuteurs. Il y a des sentiments de gêne, de
répétition, d’isolation et des évitements. La fin de cette période se caractérise par une
cohésion négative : le thérapeute semble exclu de leurs pôles d’intérêts.
2. Ils réalisent que le thérapeute n’est pas là pour diriger ou enseigner. Ils commencent à
parler entre eux, puis à s’identifier les uns aux autres et à faire des comparaisons. Ils
peuvent parler d’eux ou de leurs rêves. Des transferts multiples apparaissent. C’est dans
cette période que se fait la plus grande partie du travail psychanalytique.
3. Ils fonctionnent de mieux en mieux entre eux, ils sont coopérants et peuvent trouver leur
place au milieu du groupe.

2. Adolescents : F.J. Azima

Groupes thérapeutiques d’ados sans médiateur (US) = Verbal Interaction Group n’utilisant
que les échanges verbaux. On se préoccupe des régressions, des fixations, des difficultés
liées à la libido, et des défenses et résistances qui se développent au sein du groupe.
Comme pour les autres techniques, l’analyse reste centrée sur l’individu. Les
préoccupations tournent autour du transfert et du contre-transfert. Le psychanalyste est
actif, présente une image idéalisante et montre une certaine fermeté. Il empêche les
passages à l’acte par une attitude assez directive pour contenir le groupe dans des limites
précises.

3. Adultes : A. Wolf, « La psychanalyse dans le groupe »

Pour Wolf les thérapies de groupe sont nécessaires pour 2 raisons :


1. une raison individuelle qu’il évoque comme une grande excitation suscitée par les
groupes (interprétée par son psychanalyste comme une résistance à son analyse) ;
2. une raison sociale où, à la suite de la crise économique aux US , il fallait mettre sur pied
des psychothérapies plus économiques (en temps et en $).
18
Du point de vue théorique et pratique, Wolf défend la psychanalyse individuelle dans le
groupe ; l’entité groupe ne l’intéresse pas et, même, il la redoute, car elle suscite le passage
à l’acte. Il préfère « mettre l’accent sur la préservation de l’intégrité de chaque individu, sans
bien sûr le retirer du groupe mais en l’encourageant à réaliser avec succès une interaction
efficace avec ses pairs… ».
Le thérapeute doit donc être actif, apporter une note de cordialité et empêcher les
critiques que les membres du groupe pourraient se faire entre eux. Par contrat chacun
devient momentanément co-thérapeute du patient qui évoque ses difficultés. Le groupe a
pour propriété de susciter les associations fantasmatiques mais aussi de réguler le vécu
individuel (par exemple en fragmentant le transfert sur les autres membres du groupe). Le
groupe est donc stimulant et régulateur.
Le thérapeute s’adresse à un individu. Comme en analyse, le but est d’aider le patient à
prendre conscience du transfert (réactualisation d’un prototype infantile sur le thérapeute) à
partir des interprétations. Afin de réduire la dépendance du groupe au thérapeute, il met en
place les séances alternées (le groupe se réunit 1 fois avec l’analyste et une fois sans lui.

3. La psychothérapie dans et par le groupe

1. S.H. Foulkes (1898-1976)


Foulkes combine la théorie psychanalytique à la Gestalt-théorie ; il propose des analyses
de groupe combinant la compréhension groupale et l’analyse individuelle. Pour lui, c’est le
groupe en tant qu’entité qui doit occuper l’attention du thérapeute. Sa théorie s’appuie sur le
concept de matrice dynamique - sorte de maillage dont chaque individu occuperait une
position nodale - les éléments du système étant en interaction permanente.

■ Présupposés de la group-analyse

 L’essence de l’homme est sociale et non individuelle.


 Toute séparation entre individu-société, psyché-soma, et imaginaire-réalité est
artificielle, c’est une abstraction commode mais falsifiante.
 Le rapport nourrisson-mère est le premier rapport social.
 L’homme ne peut se réaliser pleinement qu’à l’intérieur d’un réseau groupal.
 L’individu est né dans un réseau de processus de communication qui modèle sa nature
dès sa naissance.

■ Les différents niveaux d’analyse au sein du groupe


Plan habituel : celui par lequel les participants apparaissent dans leur réalité sociale, par
lequel ils se présentent dans leur profession et dans leur vie quotidienne.

Plan du transfert ou névrotique : le groupe = la famille, le thérapeute = le père ou la mère et


les patients = les enfants. Les phénomènes de transfert sont conçus comme la perception
infantile des autres membres du groupe.

Plan de l’image du corps ou archaïque : ce plan correspond aux relations d’objets partiels et
narcissiques. Le groupe représente souvent l’image de la mère. L’image du corps est

19
reflétée et représentée par le groupe et par ses membres.

Plan essentiel : c’est le soubassement phylogénétique par lequel des images « essentielles »
communes à l’humanité se forment selon la conception de l’inconscient collectif de Jung.

■ Le concept de matrice

Foulkes reconsidère le postulat de la psychanalyse, selon lequel l’individu est l’unité


première et le groupe explicable en partant de l’individu. Pour lui, le groupe est l’unité
fondamentale et ce qu’on appelle les processus internes chez l’individu sont en fait des
intériorisations des forces opérant dans le groupe auquel il appartient.
Matrice = réseau de communication formant le groupe. Le concept de matrice
préexiste entre les membres du groupe car ce des êtres humains. Ce pôle préexistant et
relativement statique sera appelé « la matrice de base ». Le pôle opposé sera constitué par
« la matrice dynamique » qui se modifie en fonction de la dynamique du groupe. Entre les 2,
il existe des niveaux intermédiaires déterminés soit+ biologiquement, soit + culturellement.

■ Le groupe comme rêve et comme symbole

Foulkes note que les mécanismes décrits par la psychanalyse à propos du rêve, de la
névrose et des mécanismes de défense peuvent être observés en situation de groupe. Dans
les groupes, on rencontre des phénomènes de clivage, de représentation multiple, de
condensation, de déplacement, des rôles instanciels, des processus primaires…
Le groupe peut ainsi symboliser une variété d’objets ou de personnes (ex : le corps et le
plus souvent l’intérieur du corps de la mère : la matrice). Il peut représenter les « autres »,
l’opinion publique, le monde, mais aussi de façon structurale et dynamique le monde
psychique, par exemple le Surmoi.
■ Résonance

Foulkes propose l’association libre des idées dans le groupe. C’est l’équivalent groupal de
l’association libre en psychanalyse. À partir de cette technique, il constate qu’il existe un
niveau d’échanges très sélectif et spécifique, qu’il dénomme la résonance. C’est une
communication sans interaction active précise, sans aucun message émis ni reçu, pas
nécessairement de nature télépathique, mais qui s’exprime sur le mode du retentissement.

■ Le concept de réseau et la communication

La psychothérapie de groupe est une tentative pour traiter les réseaux pathologiques de
l’individu, en transférant cette trame dans un groupe d’étrangers. La matrice interactionnelle
du groupe thérapeutique forme un réseau. L’individu participe à sa création et tente de
rétablir les conditions de son propre réseau primitif. C’est l’équivalent pour le groupe de la
névrose de transfert telle qu’elle est observée clairement dans la situation psychanalytique.
Le groupe présente à chaque moment un réseau transpersonnel qui subit l’influence de
l’individu, des membres du groupe et qui agit sur eux à son tour. Toute intervention
individuelle a un impact sur l’ensemble du groupe et inversement toute action sur le groupe
20
induit des changements chez les individus. Dans cette théorie, le choix entre le travail à
partir du groupe ou de l’individu ne se pose plus.
Les communications peuvent prendre des formes variées comme des verbalisations, des
actions, des mouvements, des expressions d’humeur et d’émotions diverses, des
transmissions silencieuses, des états d’âme… Ces processus de communication peuvent
être conscients ou inconscients. Foulkes décrit 4 formes de communication :
1. Verticale : les individus s’adressent au thérapeute, avec le fantasme que les pulsions
sont réprimées et contrôlées par le thérapeute ;
2. Triangulaire : le groupe s’adresse au thérapeute ; les pulsions sont comprises et
contrôlées par le thérapeute ;
3. Horizontale : il y a égalité entre les membres et la pulsion est reine ;
4. Circulaire : il y a reconnaissance de la fonction du thérapeute et du statut de chacun, la
pulsion est alors comprise et traitée suivant les exigences de la réalité.

■ Les réponses « G »

Au-delà de cette vision génétique du groupe, Foulkes décrit des mécanismes groupaux
qu’il : les réponses « G » organisées autour de 6 axes :
1. Phénomènes de chaîne : le groupe a la capacité de créer des chaînes associatives. Ces
associations engendrent une tension qui cherche une décharge ;
2. Phénomène de condensateur : suite aux associations libres, on constate des décharges
soudaines & violentes par l’intermédiaire d’un matériel inconscient très archaïque ;
3. Résonance : liée aux phases psychosexuelles de l’évolution. En groupe, un membre
peut amener les autres à régresser au stade de développement où il est resté fixé ;
4. Phénomènes de miroir : l’individu est confronté en groupe à son image tant sociale que
psychologique, et aussi bien consciente qu’inconsciente. Ainsi, le patient est replacé
devant un narcissisme remanié ; car l’image renvoyée par autrui est différente de l’image
névrotique (retrait imaginaire du réel) qu’il s’est constituée ;
5. Principe d’homéostasie : le groupe cherche continuellement un équilibre entre les n
angoisses de ses membres, de façon à être le moins perturbé possible (cet équilibre
intègre l’amour-la haine, l’agressivité-la passivité, la froideur-l’excitation). Chaque
membre cherche à attirer cet équilibre de façon à satisfaire ses besoins, ce qui
engendre un équilibre très fragile. Il faut remarquer que le plus menaçant, c’est le
thérapeute qui risque de rompre cet équilibre à tout instant ;
6. Mécanismes de défense : certains prennent modèle sur des mécanismes individuels,
d’autres sont propres aux groupes. Mécanismes groupaux = la résistance au
changement (silence) ; le passage à l’acte qui est une défense très forte (couplage
amoureux, transgression des règles, formation de sous-groupes), c’est une réponse G
car elle est dirigée vers le groupe pour sauvegarder son homéostasie ; l’éclatement du
groupe, mécanisme normal au début du groupe avec un sentiment de juxtaposition, et
un rejet du sentiment de groupe (peur de perdre son identité au profit du groupe) ; le «
moi-aussi-sme », besoin qu’ont les membres de se présenter tous semblables ; le
carambolage, propagation par contagion émotionnelle d’un patient à un autre. Cette
21
contamination peut se propager à partir d’un thème de rêve, d’une mimique, d’une
attitude physique ou d’un son de voix ; l’attaque du bouc émissaire (thérapeute ou un
membre du groupe) pour renforcer la mutualité des membres du groupe.
Certains mécanismes sont des défenses individuelles mais utilisées à des fins groupales.
Si l’individu se sent menacé par le groupe, il utilise ses défenses individuelles sur un mode
paroxystique. Elles deviennent caricaturales et sont repérées par les autres. Ex : l’analyse
de l’autre (pour ne pas parler de soi), la référence à l’histoire personnelle (pour annuler
l’existence du groupe), l’évocation de changements individuels (divorce, mariage,
changement de poste), qui génère un remaniement dans l’équilibre du groupe. Ces
défenses stérilisent le groupe à certains moments mais en contrepartie elles renforcent sa
cohésion (ainsi après une avancée thérapeutique, ou au retour de vacances).
Pour Foulkes, les principaux leviers de changements durables chez le patient sont la
levée des résistances et le relâchement des défenses. Foulkes utilise la notion de transferts
multiples = les réactions transférentielles aux caractéristiques des différentes personnalités
des membres du groupe. Par son anonymat, le thérapeute est sujet à des phénomènes de
même nature, mais il reste central par sa position de « chef d’orchestre ».
Du point de vue du contre-transfert, le groupe suscite au début des angoisses intenses.
Elles sont liées à la nouveauté de la situation, mais aussi à la vision imaginaire qu’a le
thérapeute de son rôle et du degré de perfection qu’il devrait atteindre, et inconsciemment il
dépose ses angoisses et ses attentes sur le groupe. C’est « une épreuve émotionnellement
éreintante » car l’attention du thérapeute devra, tout au long de la séance, se concentrer sur
chaque détail dans le groupe et l’écoute se faire aux différents plans décrits plus haut. Il doit
être entraîné à la perception des phénomènes de groupe comme celui de la résonance, car
le thérapeute fait partie du groupe et donc participe aux émotions qui traversent le groupe.

2. H. Ezriel

Ezriel a proposé une approche originale du transfert et de son maniement tant en


psychanalyse que dans les psychothérapies de groupe. Il soutient que le psychanalyste n’a
pas à se soucier de l’histoire passée de son patient. Les interprétations se font toujours
dans le transfert et « l’ici et maintenant » car les liens se tissent dans l’ici et maintenant hors
des histoires individuelles (résistances à la vie du groupe).
C’est en analysant la structure du groupe entier et les rôles que les n membres assument,
que l’analyste démontre aux membres leurs mécanismes de défense. Les interprétations
dans « l’ici et maintenant » sont d’abord centrées sur le groupe, puis sur les individus,
comme participant à la tension du groupe. L’ensemble des tensions est interprété en
fonction du transfert sur l’analyste et non en utilisant les transferts latéraux ou sur le groupe.

3. E. Pichon-Rivière (1907-1978)

Il propose une conception psychosociale de l’homme (au sens où l’entendait Freud), c’est-
à-dire qu’il imagine une psychologie, à partir du sujet socialement et historiquement
déterminé, se formant au sein d’une interaction constante avec l’environnement.
Le besoin pousse l’individu à rechercher un contact avec le monde externe, dans le but
22
d’être satisfait. Le besoin renvoie à l’objet et, après un processus progressif d’intériorisation
des premières expériences, le besoin est modifié par l’objet. L’objet structure le monde
interne du sujet. C’est l’expérience avec autrui qui détermine la subjectivité. C’est
l’intériorisation des relations humaines comme système de représentations qui sera à
l’origine du surgissement de la pensée, du langage et de la symbolisation.
L’homme s’approprie l’environnement en le modifiant en vue de ses besoins mais, par ce
travail, il se transforme lui-même. Dans ce double mouvement, l’homme, producteur,
protagoniste de la praxis, de l’histoire, est à son tour produit déterminé. À partir de ces
conceptions, E. Pichon-Rivière propose un travail de groupe tout à fait original : pour lui,
c’est la praxis qui introduit l’intelligibilité dialectique dans les relations sociales et rétablit le
lien entre représentation et réalité.

Les groupes qu’il met en place associent une tâche (apprentissage), un travail d’analyse
sur le groupe et une visée thérapeutique, par l’élaboration des anxiétés émergeant de la
situation de changement. C’est ce qu’il appelle la didactique, qui est destinée non seulement
à communiquer des connaissances (tâche informative) mais aussi à développer des
aptitudes et à modifier des attitudes (tâche formative). Il propose un instrument conceptuel
permettant cette analyse de la multiplicité des déterminismes mis en jeu à l’intérieur du sujet
: le Schéma Conceptuel, Référentiel et Opérationnel (SCRO), qui placera le sujet dans le
champ (le référentiel) qui lui permettra de les aborder à partir d’éléments conceptuels, de les
comprendre et d’agir sur eux à l’aide des techniques appropriées. En s’appuyant sur cette
pratique, il déterminera des mécanismes groupaux comme le porte-voix (le groupe dépose
un fantasme commun dans un des membres du groupe).

4. La psychothérapie du et par le groupe

1. Émotionnalité groupale : W.R. Bion (1897- 1979)


Pour comprendre Bion il faut faire référence à ses analystes : J. Rickman puis M. Klein.
Sur les traces de S. Freud, Rickman soutient « que le groupe fonctionne comme un “Moi-
idéal”, remplaçant la dépendance aux parents par la dépendance au groupe, assurant
protection contre les rigueurs du sort et contre leurs propres pulsions.

■ Recherches sur les petits groupes

Recherches sur les petits groupes, montre l’évolution théorique de Bion, le dernier chapitre
est une réinterprétation des phénomènes de groupe à l’aide des concepts kleiniens. Bion
distingue 2 modalités de fonctionnement dans un même groupe :
– prédomine le processus secondaire qui aide à l’accomplissement des projets du groupe
;
– prédominent les processus primaires et des mécanismes propres aux groupes. C’est
surtout ce groupe de base qui intéresse W.R. Bion.
Pour lui, le groupe se constitue en tant qu’entité et fonctionne avec des principes propres,
indépendamment des sujets qui le constituent. C’est ce qu’il nomme « la mentalité de
23
groupe », dont la première caractéristique est l’anonymat :
Je ferai donc l’hypothèse d’une mentalité de groupe constituant le fonds commun où sont
versées les contributions anonymes et grâce auquel les pulsions et les désirs que celles-
ci contiennent peuvent être satisfaits… Je pense que cette mentalité de groupe présente
une uniformité contrastant avec la diversité de pensée propre à la mentalité des individus
qui ont contribué à la former. (W.R. Bion)

Ce qui veut dire qu’il y a un anonymat des contributions individuelles et une uniformité des
contributions anonymes. Ce mécanisme engendre un conflit entre le fonctionnement
anonyme collectif et le fonctionnement individuel.
À partir de ces postulats, W.R. Bion définit des concepts permettant d’éclairer les
phénomènes groupaux : le protomental, les hypothèses de base, la valence et la
régression au niveau des objets archaïques.

Le protomental : hypothèse selon laquelle le groupe constitue un creuset « dans lequel le


physique, le psychologique et le mental demeurent indifférenciés » ; de cette matrice
naissent les émotions propres aux groupes, qui feront apparaître les réactions défensives
qu’il nomme « hypothèses de base ». Ce « noyau d’indifférenciation primaire » restera, sous
d’autres appellations, une hypothèse incontournable des théories générales sur les groupes.

Les hypothèses de base (HB) : comportements propres aux groupes, de nature répétitive. Le
groupe se structure spontanément pour agir conformément à ces HB. Ce sont les principes
organisateurs des émotions et des représentations collectives :
– le couplage : formation de couple porteur des espérances mythiques du groupe sous la
forme de la mise au monde d’un enfant-messie (issu du couple) qui sauvera le groupe de
ses difficultés (réponse à la scène primitive) ;
– l’attaque-fuite : solution groupale spontanée et périodique d’attaque ou de fuite devant
un danger qui menace l’unité du groupe (réponse aux angoisses persécutives) ;
– la dépendance : le groupe s’unit pour établir un objet dont il pourra dépendre de façon
totale et absolue (réponse aux angoisses de séparation).

La valence : exprime la faculté qu’ont les individus de se combiner de façon spontanée pour
agir selon une HB qu’ils partagent. C’est ce qui constituerait l’aspect grégaire de la
personne humaine. Il y a là une réaction très archaïque à la racine du surgissement
émotionnel.

La régression aux niveaux archaïques : suite à son analyse avec M. Klein, Bion s’engage dans
la réinterprétation des phénomènes de groupe à l’aide de concepts kleiniens. Pour Bion, les
groupes font régresser les individus à des niveaux très archaïques (phases schizo-
paranoïde et dépressive).
Résumé : dans les groupes les individus subissent une régression avec des craintes de
perte identitaire ; chacun a la conviction alors qu’il existe une entité groupe indépendante de
ses membres. Des relations fantasmatiques s’instaurent, sur le modèle des relations du
nourrisson avec le sein maternel (donc avec des objets partiels) et apparaissent les HB pour
protéger les membres du groupe des angoisses psychotiques.
24
Pour Bion le thérapeute est impliqué au niveau du contre-transfert groupal, et sa fonction
sera de ressentir les émotions qui traversent le groupe, et puis de les rendre
communicables.
M. Klein, considérant que son intérêt pour les groupes était une résistance à l’analyse, il
abandonnera l’étude des groupes pour se consacrer à la psychose et à la théorie de la
construction de l’espace psychique. La fonction alpha et la notion de « groupe de
transformation » seront reprises par R. Kaës.

■ Construction du groupe par l’inter-fantasmatisation

Dans les années 50/60, engouement des Français pour les groupes, sous 2 formes : l e
groupe non directif d’association libre (psychanalyse de groupe et T-groupes), et le
psychodrame. Chefs de file de « l’école française » : D. Anzieu et R. Kaës au sein d’une
association de formation (lCEFFRAP).
Ils adoptent les règles de la psychanalyse : association libre (favorise les processus
primaires), abstinence (pas de lien dans la réalité entre les animateurs et les stagiaires).
Des dispositifs secondaires permettent à la régression d’être contenue par la stabilité du
cadre (règle des 3 unités : temps, lieu, action) et le renforcement de la différenciation
dehors-dedans (discrétion, restitution).
J.-B. Pontalis attribue au groupe une valeur d’objet psychique, le groupe étant considéré
comme un objet d’investissements pulsionnels et de représentations inconscientes. D.
Anzieu assimile le groupe au rêve, c’est-à-dire un lieu de la réalisation imaginaire des désirs
(inconscients infantiles). R. Kaës formule l’hypothèse d’un appareil psychique groupal dont il
décrit l’origine (des organisateurs inconscients qu’il nomme des « groupes internes ») et les
fonctions (de transformation au sens de Bion). Il propose des organisateurs du groupe dans
une perspective structurale, alors que Anzieu insistera sur leur aspect génétique.

2. D. Anzieu (1923-1999) : le modèle du rêve


Il propose un espace imaginaire groupal, des principes de fonctionnement, des
organisateurs, un processus d’organisation des groupes et des aménagements de concepts
psychanalytiques pour les appliquer aux groupes. Tout processus inconscient doit être
expliqué dans n perspectives : dynamique, économique, topique, génétique et
fantasmatique (cf. ex de l’illusion groupale).
Le groupe crée un espace imaginaire comparable à celui du rêve : on voit à l’œuvre les
processus psychiques primaires (condensation, déplacement, figuration symbolique) et les
élaborations secondaires qui réorganisent les éléments du processus primaire sous la forme
de récits à valeur mythique ou idéologique. Le groupe fabrique de l’illusion.
Naturellement, les membres des groupes informels se disposent en cercle ou en ovale,
métaphore souvent exprimée du corps maternel, d’un sexe féminin ou bien d’une bouche.
Le groupe peut donc être vécu comme l’intérieur du corps de la mère.

■ Les principes

– Tendance à l’isomorphie (ou à l’indifférenciation) : isomorphie entre les membres du


25
groupe mais aussi entre les individus et le groupe. Le groupe s’individualise aux dépens de
l’identité de chaque membre.
– Principe d’autosuffisance : le groupe cherche une organisation interne à l’aide de la
résonance interfantasmatique. Une fois constitué, il part en quête d’une tâche ou d’un statut
adapté à la réalité externe. Il y a alors deux tendances possibles : soit autarcique, lorsque le
groupe se replie sur lui-même, dans ce cas, il se sent persécuté, soit le groupe peut refuser
de s’intéresser à son fonctionnement interne, et fuir vers le monde social, il est alors le plus
souvent déprimé.
– Principe de délimitation entre le dedans et le dehors. Le groupe recherche une
membrane psychique commune (en utilisant la métaphore de l’image du corps ou des
contenants physiques).

■ Les organisateurs

– La résonance interfantasmatique : un fantasme individuel est partagé par l’ensemble du


groupe comme correspondant aux besoins de celui-ci à un moment donné. Cette résonance
génère une tension commune au groupe et contient en même temps ses éléments
régulateurs.
– Les imagos : elles organisent le groupe en famille et tendent à assurer au groupe un état
d’équilibre entre la tendance à l’isomorphie et celle de l’homomorphie.
– Les fantasmes originaires (séduction, castration, scène primitive). Ce sont des
fantasmes communs qui tentent de répondre à la grande question des origines (de la
sexualité, de la différence des sexes et de la naissance).
– Le complexe d’Œdipe (métaorganisateur) : il opère la différenciation entre groupe
familial et groupe association et fait sortir de l’autosuffisance.
– L’image du corps et l’enveloppe psychique qui permettent une délimitation du groupe
(psychique) avec une enveloppe protectrice qui filtre et régule les échanges avec l’extérieur.
Ces organisateurs conduisent le groupe d’une isomorphie de départ vers une
homomorphie (l’isomorphie est une homomorphie bijective) croissante.

■ Les processus internes aux groupes

En restant dans le cadre dispositif de ces groupes, il est possible de constater que ceux-ci
passent par des phases d’auto-organisation qui sont assez récurrentes.
1. Période initiale : angoisses archaïques et menace de perte d’identité. Le groupe implique
le remaniement de l’identité des individus, donc des fantasmes de perte identitaire qui
font régresser les membres du groupe à des phases archaïques et en particulier aux
positions schizo-paranoïdes et dépressives décrites par M. Klein.
– Ces angoisses archaïques sont d’autant plus intenses que le groupe est important 
(moins on peut se connaître, plus les menaces de perte identitaire sont fortes) et
inorganisé.

26
– Ces menaces suscitent toutes les formes d’angoisses archaïques comme : l’angoisse
d’annihilation et de vide (peur d’effondrement physique du groupe, silence), l’angoisse
de morcellement (fantasme d’éclatement du groupe), l’angoisse persécutive (« on veut
nous détruire ou nous empêcher de fonctionner ») et l’angoisse dépressive (« on est un
mauvais groupe, on n’arrivera à rien »). Ces angoisses mobilisent les processus
défensifs comme le clivage, la projection, l’identification projective et la réparation.
2. L’illusion groupale : un état psychique où les membres du groupe sont euphoriques. Les
mauvais objets sont projetés à l’extérieur du groupe. Il y a en fait 2 moments différents :
a) L’unité contre le bouc émissaire (ce phénomène est le 1er élément constitutif de
l’identité du groupe, et représente le stade le plus archaïque de différenciation. C’est au
thérapeute d’assumer ce rôle par clivage du transfert.
En effet, selon l’expression de D. Anzieu, « Pour que le groupe puisse devenir le
bon sein introjecté, il lui faut donc trouver un mauvais objet sur lequel est projeté le
mauvais sein clivé », le thérapeute tient alors une fonction maternelle de transformation
des mauvais objets projetés sur lui. Le phénomène du bouc émissaire configure
l’organisation la plus rudimentaire du groupe, donc la plus simple, qui fait passer d’un état
fusionnel et indifférencié à une fonction de tri par clivage, entre le bon et le mauvais,
entre le collectif et l’individuel. On comprend que le bouc émissaire soit dans une position
intermédiaire. En effet, il est dans le groupe, car nécessaire à sa 1 ère organisation, et hors
du groupe comme support des projections de ce dernier. Organisateur du groupe, il en
marque aussi l’enveloppe et la limite.
b) L’indifférenciation groupale : c’est la contrepartie des angoisses archaïques et
qui génère des identifications primaires ou narcissiques. Pour D. Anzieu, l’égalité ne peut
être obtenue que par la « participation fusionnelle à un sein tout-puissant et autosuffisant
de la mère vécue comme objet partiel. ».
Cette nécessité de faire un bon groupe implique l’inclusion des thérapeutes (ou du bouc
émissaire) et la projection des mauvais objets. Face à la menace visant le narcissisme
individuel, l’illusion groupale répondra par la constitution d’un narcissisme groupal, l’identité
individuelle est alors remplacée par une identité de groupe. L’illusion groupale apporte aux
membres une confiance de base dans leur groupe, qui devient un espace transitionnel au
sens winnicottien car il y a confiance en une double continuité, entre la réalité psychique
interne individuelle et la réalité psychique interne au groupe. Cette idéologie égalitariste
affirme la similitude des membres entre eux, en niant les différences de sexe, de génération.
L’illusion groupale répond à plusieurs critères :
- Aspect dynamique : une défense hypomaniaque collective contre les angoisses avivées
par la situation de groupe, de morcellement et de persécution
- Aspect économique : un clivage du transfert. Les pulsions libidinales sont concentrées
sur l’objet groupe ; les pulsions destructrices sont clivées et projetées sur une victime
émissaire interne ou périphérique au groupe
- Aspect fantasmatique : l’illusion à l’œuvre constitue le groupe en un objet total. C’est une
illusion-écran contre la régression à la relation aux objets partiels, suscitée par la situation
de groupe. L’objet groupe est massivement investi par la libido et la pulsion de mort

27
- Aspect topique : l’organisateur psychique inconscient du groupe est un imago maternel,
toute puissante et bonne pour ses enfants. Ceux-ci, par fusion avec elle, s’imaginent
participer de son omnipotence narcissique. L’illusion groupale provient de la
substitution, au Moi idéal de chacun, d’un Moi idéal unique partagé et a-conflictuel

■ Période de redifférenciation

Les identifications mises à mal par cette construction de l’identité groupale vont se
réorganiser à partir des identifications aux autres membres du groupe, sur le modèle des
relations spéculaires (identification en miroir, thérapeute inclus). Ce processus introduit une
ré-individualisation conduisant à reconnaître les différences entre les membres du groupe et
dans le même temps l’identité collective est conservée. Le groupe peut exister avec des
membres différenciés fonctionnant de façon homomorphe. Le groupe présente alors des
capacités d’entraide et de travail efficaces. Dans les groupes thérapeutiques il y a une
élaboration possible de thèmes œdipiens.
Cette généralisation théorique de la vie affective et imaginaire des groupes permet une
étude des phénomènes de groupe comme le leader, le bouc émissaire, les fantasmes qui
traversent les groupes ou les types de transferts agissants sur le psychothérapeute, sur les
autres membres et sur le groupe.

3. R. Kaës

Ses questions : 1. comment se construit la psyché de groupe ?


2. comment rendre compte de la subjectivité du sujet dans le groupe ?
Pour répondre à la question 1, il propose les concepts de groupes internes et d’appareil
psychique groupal :

Des formations intrapsychiques dotées d’une structure et de fonctions de liaison entre les
pulsions, les objets, les représentations et les instances de l’appareil psychique, dans la
mesure et sous l’aspect où ils forment un système de relations qui lient leurs éléments
constituants les uns aux autres. Selon cette conception, la groupalité psychique est une
organisation spécifique de la matière psychique. Elle n’est pas la simple projection
anthropomorphique des groupes intersubjectifs, ni la pure introjection des objets et des
relations intersubjectives. Elle a une consistance comme formation de l’inconscient.

Il y a donc dans la psyché un grand nombre d’éléments combinés entre eux, par exemple
les identifications, les relations d’objet, les fantasmes, l’image du corps…, mais ce sont les
fantasmes originaires qui sont les paradigmes du groupe interne car organisés en scénario.
L’activité principale de la vie psychique est une série d’actions qui consistent dans le fait
d’associer, de dissocier, de combiner… C’est une activité de liaison entre : les pensées, les
représentations (de mots ou de choses), les affects et les objets internes… La groupalité
génère des lois de composition structurale (entre les pulsions, les objets, les
représentations, les instances et les imagos), ainsi que des fonctions de liaison, de
représentation et de transformation (déplacements, permutations, condensations, et
diffractions des objets suivant les lois psychiques). Donc le sujet gère une société interne

28
composée des objets internes, des parents internes, de la famille interne, allant de ses
formes les plus élémentaires à ses formes les plus complexes.
Les groupes internes sont les organisateurs du lien intersubjectif et ils sont à l’origine de
la formation de l’appareil psychique groupal. Ils ont un double destin : dans l’espace
intrapsychique ils exercent des fonctions fondamentales dans l’organisation et le travail de
l’appareil psychique ; dans la genèse et le fonctionnement des formations et des processus
inter et transsubjectifs de groupe.
Le modèle psychique du groupe est constitué par ces formations groupales représentées
par l’objet groupe. Le groupe se constitue et se structure à travers cette « fiction » d’un
appareil psychique groupal sur le modèle de l’appareil psychique individuel. Cette
concordance peut se faire soit sur un mode isomorphique (refus de la différence entre
appareil psychique groupal et appareil psychique individuel) soit sur un mode
homomorphique (reconnaître les différences mais aussi les ressemblances). La construction
du groupe nécessite donc l’élaboration d’un appareil psychique groupal issu « du conflit
entre les motions pulsionnelles antagonistes qui traversent chaque participant ». Cet
appareil psychique groupal serait une construction de la libido narcissique car résultant
d’une activité fantasmatique qui vise à lutter contre la pulsion de mort et les angoisses
primaires liées à la perte de la cohésion des relations aux autres. Par cet « objet-groupe
scénarisé », les objets primaires des participants retrouvent des liens.
Dans une période initiale, il y a isomorphie entre les organisateurs groupaux du
psychisme individuel et l’appareil psychique groupal. Cette isomorphie s’applique aussi à
l’objet groupe identifié aux autres sur le mode de relation aux objets partiels (ceci explique la
prédominance au début des groupes des processus schizo-paranoïde ainsi que toutes les
figurations liées à la mère archaïque…). L’appareil psychique groupal reçoit par
identification projective les parties bonnes des objets internes des participants qui les
mettent ainsi à l’abri de leur propre destructivité. La plus grande partie de l’agressivité est
conservée par chacun des participants avant d’être utilisée dans l’attaque du mauvais objet.
Kaës émet l’hypothèse que si les bons éléments externalisés dans l’appareil psychique
groupal et incarnés dans un rôle instanciel, objectal ou imagoïque sont suffisamment
solides, alors ils assurent une capacité analogue à la « fonction alpha » de la mère définie
par Bion (capacité de la mère à contenir, métaboliser et élaborer les projections agressives
du nourrisson). Par la réintrojection de ces bonnes parties déposées par les membres du
groupe dans l’appareil psychique groupal, les participants pourront expérimenter leur propre
fonction alpha (capacité de rêver, de mentaliser, de fantasmer, de penser).
La qualité thérapeutique d’un groupe sera donc son aptitude à contenir, à désintoxiquer et
à transformer les éléments bruts projetés en particulier sur le cadre (fonction alpha de Bion).
Le groupe dit de thérapie serait donc un « groupe de transformation ».
Bion propose des étapes dans la construction de l’APG (Appareil Psychique Groupal)
proches de celles décrites par D. Anzieu ; citons pour mémoire :
– Le moment fantasmatique : les membres du groupe doivent combler l’écart entre les
groupes internes et la réalité du groupe ; ils le font à travers une activité fantasmatique
organisatrice des relations d’objet par la résonance interfantasmatique (un fantasme
individuel est repris par le groupe pour assurer un lien entre les membres de celui-ci).

29
– Le moment idéologique : un fonctionnement idéalisé et/ou maniaque qui fait référence à
l’illusion groupale, cette phase importante que nous avons décrite comme agissant sous
l’emprise de la toute-puissance narcissique. Ce moment, que Kaës appelle idéologique,
décrit bien le processus qui aboutit à cette étape groupale.
Dans cette période du groupe, le dilemme des participants est de systématiser la
constitution de l’appareil psychique groupal (système délirant par un certain côté) ou de
mourir en tant que groupe si cette construction venait à disparaître. Apparaît alors une
activité idéologique qui cherche à réduire la vie fantasmatique individuelle et même qui tend
à supprimer toute différence entre les membres du groupe. Le groupe prend corps et il se
trouve une identité à partir d’un repli narcissique intense.
– Le moment figuratif transitionnel
Le repli narcissique et l’apparition d’une fonction alpha dans l’appareil psychique groupal
rendent possible l’introjection stable de bons objets, ceci éloigne les craintes paranoïaques
et autorise la prise en compte des représentations réprimées. On assiste alors à la
transformation du système idéologique par la figuration d’objets abstraits et à la construction
d’un système utopique avec le réinvestissement des conflits infantiles au plus près des
figurations symboliques. Il est possible alors de constater une relance fantasmatique et un
recours aux œuvres culturelles (mythes, romans, contes, tableaux).
– Le moment mythopoétique
Au moment où l’espace psychique interne (individuel) se distingue de l’espace psychique
groupal, le groupe apparaît comme un agencement symbolique de relations entre les
membres du groupe. Ce phénomène entraîne un deuil de l’objet groupe, l’accès à
l’ambivalence et à l’activité symbolique. Mais cette individualisation peut constituer une
nouvelle menace pour l’appareil psychique groupal et pour la cohésion du groupe. Apparaît
alors l’idéalisation narcissique d’une personnalité créatrice (le poète-héros) ou l’élaboration
de nouvelles positions idéologiques pour sauver le groupe.

■ Les 3 espaces de la réalité psychique et leur articulation


Dans un dispositif psychanalytique de groupe, Kaës prend en compte 3 espaces de réalité
psychique : celui du sujet singulier considéré dans sa structure et dans son histoire, celui
des liens intersubjectifs qui se nouent entre les membres du groupe, et celui du groupe
lui-même. En fonction de sa formation, ou de ses théories explicites et implicites,
l’analyste souvent n’est à l’écoute que d’un seul de ces espaces.
Kaës ajoute un 4 ème espace psychique constitué des éléments partagés qui assurent la
contenance et la continuité : les institutions et la culture (rituels, mythes, religions).
La difficulté tant clinique que théorique repose sur l’articulation entre ces différents
espaces. Outre les concepts de groupes internes ou la constitution de l’appareil psychique
groupal, le groupe est une construction psychique fabriquée par ses membres, à partir d’un
processus d’assemblage ou d’accordage de formations et de processus appartenant à leurs
espaces internes. De ce fait certains mécanismes ou contenus psychiques sont à
l’intersection entre l’associativité individuelle et l’associativité groupale. C’est le cas en
particulier des représentations partagées, telles que des espaces oniriques communs et
surtout des alliances inconscientes qui se sont nouées entre les sujets.

30
« J’ai pu mettre l’accent sur le fait que chaque sujet est précédé par le groupe dans
lequel il est appelé à prendre place et à contribuer à sa maintenance. De cet espace
groupal qui le précède, il est tout à la fois l’héritier, le serviteur, le bénéficiaire et le
maillon. » (Kaës)

Si, du point de vue du sujet, le groupe est un espace de déplacement de l’espace


intrapsychique, il reste nécessaire, pour comprendre les articulations, de prendre en compte
les formations intermédiaires dont la fonction phorique 1 est le paradigme. Cette fonction
phorique (porte-parole, porte-rêve, porte symptôme) est le résultat de la délégation de
formations de l’espace groupal dans l’espace d’un sujet.
La conduite des groupes est complexe car le psychothérapeute doit être non seulement à
l’écoute des 3 espaces, mais surtout attentif aux articulations et formations intermédiaires.
Dans ce contexte théorico-clinique, l’espace du sujet singulier pose une question
métapsychologique, celle du statut de l’inconscient.

« Si l’inconscient n’est pas contenu tout entier dans les limites de l’appareil psychique
individuel, s’il y a de la réalité psychique dans d’autres espaces que celui du sujet
singulier, et si l’inconscient s’inscrit dans plusieurs espaces psychiques, divers dans leurs
structures, hétérogènes dans leurs formations et dans leurs processus, mais œuvrant sur
la même matière psychique, nous sommes alors devant la tâche nouvelle de penser les
conséquences de cette nouvelle extension du domaine théorique et pratique de la
psychanalyse. » (Kaës)
Kaës propose alors une métapsychologie du 3ème type : « un singulier pluriel dans
l’intersubjectivité ».
Le sujet est doublement divisé : par la détermination inconsciente de ses conflits
intrapsychiques, par ses alliances inconscientes qui lui préexistent dans le lien.
L’inconscient est « intrapsychique et extratopique » : il est interne, et inclus dans les liens
aux autres. Par extension, il agit dans des ensembles plus importants comme les groupes et
les institutions. Il est donc, pour une part, hors sujet.

4. Pulsion d’interliaison (O. Avron)

Pour Avron la notion de relation d’objet est insuffisante pour rendre compte du
fonctionnement psychique interindividuel dans les groupes. Elle propose des concepts
nouveaux / à la métapsychologie freudienne sans la remettre en cause.
À la suite du concept de pulsion freudien, Avron fait l’hypothèse d’une pulsion
interénergétique (indépendante des pulsions sexuelles) i.e. une pulsion d’interliaison
rythmique, dont le rôle est de maintenir une stimulation réciproque entre les individus. La
pulsion sexuelle clôture narcissiquement la relation psychique alors que la pulsion
d’interliaison ouvre le sujet aux influences du monde humain. Dans ce contexte, tout être
vivant, tout groupe humain est à la fois source et objet d’influence.

1
Veut dire « porter »

31
5. Les groupes fermés chez l’enfant et l’adolescent

Decherf, Chapelier et Privat proposent des groupes thérapeutiques axés sur l’association
libre et l’analyse de la dynamique groupale. Ils retrouvent les processus d’Anzieu et de Kaës
et les appliquent aux groupes thérapeutiques. Pour eux, les petits groupes autorisent une
approche groupale et individuelle. En appliquant l’ethnopsychanalyse complémentariste de
Devereux ils prennent en compte les 2 éclairages. Un comportement dans un groupe peut
être expliqué par une problématique individuelle ou un phénomène groupal.
Ils emploient 2 approches (la psychanalyse de groupe + la psychanalyse en groupe),
mais dans des temps différents. Il est plus pertinent de travailler d’abord au niveau du
groupe pour la constitution d’une entité stable. Après une période d’indifférenciation, les
thérapeutes attendent que les enfants retrouvent une identité personnelle tout en
reconnaissant leur appartenance au groupe (passage de l’isomorphie à l’homomorphie). La
tâche du groupe est alors l’entraide pour comprendre les difficultés individuelles (autres
enfants = co-thérapeutes) en utilisant les capacités d’identification et le mécanisme du miroir
(cf. chapitre 2). Dans cette deuxième période, quand les phénomènes de groupe
réapparaissent, ils peuvent être interprétés par rapport à l’histoire de la construction du
groupe.
Obs concernant phase 1 : à certains moments difficiles, l’interprétation individuelle peut
renforcer la désignation d’un bouc émissaire. Cette phase 1 a aussi l’intérêt de faire vivre
une régression, qui, une fois dépassée, a quelquefois des effets thérapeutiques. Le travail
individuel de son côté conforte ces effets thérapeutiques.
Ces auteurs montrent que chez l’enfant, à la différence de l’adulte ou de l’ado, la
structuration du groupe s’organise à partir d’une régression autour de la relation à l’adulte,
avec une préoccupation pour la scène primitive comme étant à l’origine du groupe (+ ou -
archaïque). Partant d’une matrice contenante, l’organisateur sera donc la scène primitive et
l’Œdipe. L’illusion groupale renforce les assises narcissiques, mais cette période reste très
courte chez les enfants (sauf à être entretenue par le psy). La présence de l’adulte renvoie
l’enfant à la castration et à l’abandon de la position phallique au profit du désinvestissement
libidinal ; mais ce qui est le plus actif, c’est l’utilisation d’organisateurs groupaux internes qui
s’appuient sur le modèle familial de différenciation.

CHAPITRE 3 : Les psychothérapies non psychanalytiques

Appellées nouvelles thérapies (mises en œuvre entre 47 et 68). Ces thérapies se


pratiquent en groupe ou individuellement, mais les théories n’abordent que rarement la
spécificité du groupe ou alors comme amplificateur des émotions ou pour ses effets de
miroir.
– La psychanalyse : s’appuyant sur des psychanalytiques dissidents : W. Reich a tenté
de synthétiser la psychanalyse et le marxisme et s’est tourné vers les bienfaits de la
détente corporelle (décharge d’orgone) ; Jung avec l’idée du soi ; O. Rank avec le
traumatisme de la naissance ; A. Adler avec le complexe d’infériorité. Un courant de la
psychanalyse fournira les bases de certaines thérapies : le mouvement culturaliste
32
américain (A. Kardiner, 1891-1981) ;
– La psychologie existentielle : mouvement intriqué historiquement à la psychanalyse (L.
Binswanger) ; se fonde sur une conception plus philosophique (phénoménologique) de l’être
– La Gestalt-psychologie : favorise l’approche des groupes par le lien entre la forme
(sujet) et le fond (environnement)
– La psychologie expérimentale : à travers le comportementalisme et le cognitivisme.
Similarités de ces courants : l’importance de l’approche corporelle et émotionnelle, et
l’accent mis sur la dépendance de l’individu à l’environnement (surtout social). Ce dernier
point conduit souvent à rechercher l’origine de la pathologie soit dans des réactions
inadaptées aux traumatismes, soit dans des apprentissages émotionnels dysfonctionnels.

1. J.-L. Moreno : le psychodrame

Le psychodrame restera attaché à son nom. Moreno remarqua non seulement des effets
thérapeutiques dans le couple mais il constata que la catharsis gagnait le public. Sa théorie
du rôle : le sujet se libère du rôle dans lequel la vie sociale l’a aliéné avec ses conflits. Il
recréer sa propre personnalité en fonction de nouvelles perceptions de lui-même et d’autrui.
4 niveaux dans cette théorie :
– Une conception de la vie des groupes : chaque groupe possède une structure formelle
et une base sociométrique (mesure des relations entre les hommes) correspondant à la
structure consciente et inconsciente du groupe ; chaque groupe se développe selon des
normes sociogénétiques ; l’attraction et la répulsion entre les individus et les groupes
suivent des lois sociodynamiques ; il y a plusieurs formes de groupes : avec leader (isolés,
populaires, puissants) ou centrés sur le groupe (sans leader) ; chaque groupe a une
cohésion définie. But de la thérapie : amener un groupe malade d’un faible niveau de
cohésion à un niveau élevé de cohésion et de communication ;
– Une théorie de la spontanéité : il existe des actes qui jaillissent imprévisibles et qui
expriment la personnalité totale de l’individu. La spontanéité est inventive et imprévisible,
elle éveille la créativité et a de grandes capacités d’adaptation. Il est possible de déterminer
une psychopathologie de la spontanéité : trop de spontanéité engendre l’arriération, pas
assez, l’inhibition, et enfin une spontanéité sans créativité est à l’origine de la psychose ;
– Une théorie de la catharsis : La catharsis atteint les spectateurs et surtout les acteurs.
L’abréaction des conflits internes entraîne une purification et a un effet thérapeutique. Il y a
dans le psychodrame catharsis sans hypnose ;
– Une théorie des rôles : l’individu souffre de ne pouvoir employer tous les rôles qu’il
porte en lui. Origine de l’angoisse : la pression qu’exercent tous ces rôles inemployés.
2 sortes de rôles : les rôles appris (des rôles sociaux figés) ; les rôles improvisés qui
s’originent dans la spontanéité. Dans la pathologie : une faible diversité avec des rôles
pauvres et stéréotypés. Le psychodrame est censé agir à ces différents niveaux :

Le but de la psychothérapie psychodramatique est la production totale de la vie. Elle

33
essaie de pourvoir le patient de plus de réalité que la lutte pour la vie ne lui en a donné
jusqu’alors. Son but est une plénitude de réalité. Cette richesse d’expérience vécue et
vivante aide le patient à élargir constamment son contrôle et sa maîtrise de soi et du
monde par l’événement vécu et l’exercice et non par l’analyse. (J.-L. Moreno)

Il pensait se situer dans un registre plus régressif que la psychanalyse puisque touchant
aux couches non verbales du patient. Quelques phrases montrent cette vision : « le
problème de l’expression vécue (acting-out) est lié aux états inconscients », « L’action
précède le mot et le renferme », « Le comportement symbolique peut être étudié plus
efficacement par la méthode d’action et de représentation que par des méthodes verbales ».
Utilisation (variées) du psychodrame : instrument éducatif (à l’école, in entreprises avec les
jeux de rôles) ; tests (de spontanéité, diagnostic, sélection) ; technique d’intervention dans
les organisations. En France, le psychodrame a été détourné par les psychanalystes, il est
très utilisé dans les groupes de formation ou thérapeutiques (cf. chapitre 5).

2. Groupes néo-freudiens à composante corporelle

1. W. Reich et les thérapies corporelles

Il publie L’Analyse caractérielle (1933), inspiré par la psychanalyse (résistance, transfert


négatif et le caractère comme expression des mécanismes de défense du Moi). Il exploite
les idées de Freud de 1908 : les malheurs de l’homme sont liés aux frustrations sexuelles
imposées par les interdits de la morale. Les pathologies sont renvoyées aux différents
troubles de la fonction orgastique, ce qui réduit les causes des névroses aux difficultés
sexuelles. Dans La Fonction de l’orgasme, il montre qu’à la cuirasse caractérielle correspond
une cuirasse musculaire, i.e. la répression des pulsions et des émotions s’effectue à travers
la contraction de certaines zones musculaires (respiratoires en particulier).
Cette rigidité est à l’origine du refoulement. Il faut la combattre afin de rétablir la libre
expression orgastique. Il n’est pas nécessaire de reconstituer les expériences infantiles à
travers les rêves et les associations libres car ces expériences sont inscrites dans le corps.
Le traitement (végétothérapie) s’effectue à l’aide de massages, d’exercices de
respiration, de mouvements corporels et par la recherche de zones stratégiques pour
permettre la libre circulation des courants d’orgone dans le corps. Il mourra en prison en
1957, condamné pour escroquerie.
Reich a été à l’origine d’un bon nombre de courants de la psychologie humaniste  : A.
Lowen (fondateur de la bioénergie) était un de ses disciples directs, F. Perls (Gestalt-
thérapie) a été analysé par W. Reich, et A. Janov (fondateur de la thérapie primale).

2. La bioénergie d’Alexandre Lowen

Il reprend les concepts de Reich (réflexe orgastique, cuirasse musculaire, travail sur les
tensions, les zones de blocage et la respiration…) mais s’intéresse surtout à la posture du
corps, tant pour le diagnostic que pour la thérapie. À partir de la lecture du corps et de
l’analyse caractérielle, il met en place une typologie caractérielle (schizoïde, orale,
34
psychopathe, masochiste, rigide…). Nous répétons souvent les mêmes gestes, les mêmes
cris, en se limitant à un registre particulier d’expressions. La nécessité de reproduire
d’autres gestes facilite les déblocages et la recherche de nouvelles expressions.
Les techniques marquent la prépondérance du non-verbal comme forme d’expression. Le
thérapeute peut proposer au groupe des techniques gestuelles d’imitation (« passage de
geste »), de contention physique (le cercle), d’improvisation collective (avec des instruments
de musique), de dessins collectifs et des jeux dramatiques. Il peut introduire des exercices
corporels, des techniques de sensibilisation et d’explorations sensorielles qui amplifient et
diversifient tous les registres d’expressions et de sensations.
Dans le groupe, le thérapeute se centre sur 1 personne ; il fait passer le patient par
certaines phases comme la mise en évidence des tensions, suivie de la décharge
émotionnelle (pleurs, colère, cri) avec un temps d’intégration et de verbalisation.

3. La Gestalt-thérapie de F. Perls

Elle se situe aux confins de n courants : existentielle, reichienne et gestaltiste. L’homme


est un organisme en interaction avec l’environnement mais les confusions entre régulations
internes et externes engendrent des besoins de contrôle sur l’env. et surtout sur autrui, sous
la forme de jeux manipulatoires (le jeu de l’incapacité, de la stupidité, le jeu du dur…).
But de la thérapie = rendre le patient capable de ne pas dépendre des autres, de retrouver
un potentiel de créativité qu’il avait perdu en s’enfermant dans des rôles stéréotypés.
Cette conscience de soi-même en tant qu’organisme et en tant qu’unité (le self) engendre
l’authenticité que l’individu doit accepter. Comme pour Reich, l’histoire du patient est à
mettre au second plan ; c’est dans « l’ici et maintenant » que s’expriment et s’actualisent les
conflits du sujet au travers de son corps et de ses émotions.
La Gestalt-thérapie est proche du psychodrame morénien (où le sujet joue tous les rôles).
La cause des pathologies étant en lien avec des mauvaises relations avec l’environnement,
le patient doit trouver la résolution de ses conflits dans l’affrontement à l’autre. Le groupe est
donc le cadre privilégié du traitement mais le thérapeute se centre successivement sur l’un
ou l’autre des participants. Comme dans tous les cadres de ce type, le groupe intervient
comme amplificateur et avec ses fonctions d’identification en miroir.

4. Les thérapies primales de A. Janov

Hyp = une pathologie provient de la souffrance liée aux besoins physiologiques et affectifs
non satisfaits dans la petite enfance. Il préconise de faire revivre la « scène primale » au
cours de laquelle la souffrance de l’enfant avait induit ce clivage, afin qu’il retrouve son
unité. Le cri involontaire que le patient pousse quand il se retrouve impuissant devant la
souffrance est un des moments importants de la thérapie.
Méthode : moments d’isolement, ou de privation de sommeil. À la suite de la thérapie
individuelle intensive, le patient assiste à des séances groupales qui l’aident à revivre des
primals. Le groupe est utilisé pour provoquer une régression profonde qui conduit le patient
à remonter toujours plus loin dans son enfance.

5. Le rebirthing de Leonard Orr


35
Hyp : la perception de l’environnement joue sur l’état psychique des individus. Ex : en se
laissant envahir par les pensées négatives, l’univers apparaîtra négatif. Origine de ces
perceptions négatives = traumatisme de la naissance, la désapprobation parentale et le
désir inconscient de mort. Le rebirthing utilise la relaxation et l’hyperventilation pour
dédramatiser le traumatisme de la naissance. Pour contrecarrer la désapprobation parentale
et l’autodévaluation qu’elle entraîne : des techniques suggestives pour contrôler la pensée,
afin de remplacer les idées négatives par des pensées positives.
Le thérapeute assoupli la « cuirasse musculaire » et fait baisser les tensions pour libérer
la circulation énergétique. Le rebirthing se pratique en séances individuelles, et en groupe,
ce qui peut aider à la renaissance sociale.

6. L’analyse transactionnelle d’Eric Berne

Finalité de l’AT : faire prendre conscience au malade des scénarios qui commandent sa
vie afin qu’il puisse s’en détacher et rétablir les communications faussées avec autrui.
3 états du Moi : Parent, Adulte, Enfant. On diagnostique, dans une relation, quel état du
Moi intervient et quelles sont les différentes formes de transactions entre ces différents
niveaux. Pour se protéger, on utilise des jeux inconscients pour manipuler autrui.
Scenario = ensemble des jeux qu’une personne répète au cours de l’existence. Il
s’élabore très tôt dans l’enfance, en réponse aux pressions et aux désirs des parents.
De nombreux thérapeutes, tout en utilisant la méthode de l’AT s’appuient sur des
techniques empruntées aux groupes de rencontre, et à la Gestalt- thérapie.

3. Groupes de thérapie existentielle

1. Thérapies existentielles

En Europe, à partir de 1920, s’est développée une école de psychothérapie marquée par
la phénoménologie et l’existentialisme avec 2 formes de pratiques : la psychothérapie
existentielle et l’analyse existentielle. La 1ère, dérivée de Kierkegaard, regarde la névrose
comme un « monde inauthentique » dont le malade doit prendre conscience par la
rencontre avec un thérapeute. La 2ème, inventée par L. Binswanger, se fonde sur les
thèses d’E. Husserl et de M. Heidegger : le phénoménologue suspend son jugement,
l’important pour lui est de dégager le sens des choses et non de les expliquer.
Karl Jasper sera un des premiers à préconiser une phénoménologie descriptive : le
psychopathologue doit négliger la genèse des phénomènes et leurs représentations
inconscientes pour ne s’occuper que de ce qui est réellement vécu. Cette approche a connu
un écho plus tardif aux US, où plusieurs noms de la psychologie (G. Allport, C. Rogers, R.
May, E. Fromm, A. Maslow) s’y sont référés explicitement. C’est par ce relais que la
psychologie existentielle a influencé la psychologie humaniste.
La psychologie existentielle veut redonner au patient un pouvoir de décision sur sa vie.
Cette approche met l’accent sur les notions d’identité, d’expérience, d’actualisation du Moi,
d’authenticité ; elle accorde une importance particulière au futur, plus encore qu’au passé, à
travers les idées de croissance, de développement et de « potentiel humain ».
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La psychologie existentielle met la technique au second plan et insiste sur la qualité de
présence du thérapeute, son ouverture aux éléments de la communication avec le patient
(les expressions de son visage, ses gestes, ses intonation), préférant l’éprouvé à l’expliqué,
l’empathie à l’interprétation. La thérapie existentielle est une expérience cathartique où la
personne affronte ses conflits et essaie, avec l’aide du thérapeute, d’élargir sa conscience .

2. Groupes de rencontre

Autres noms : groupes d’évolution ou de base, marathon, groupes d’expression totale.


Origine = le Training-Group de Kurt Lewin (cf. chapitre 1) : les participants observent la
nature de leurs relations et les processus qui s’actualisent dans le groupe. Les participants
sont invités à exprimer leurs sentiments, leurs émotions, et à se centrer sur la dynamique et
l’évolution de leurs relations, dans « l’ici et maintenant ». Il y a 1 ou 2 animateurs qui jouent
un rôle de facilitation et qui s’impliquent dans la vie du groupe.
Evolutions :
– Carl Rogers : il introduit la notion d’animation non directive. L’animateur ne cherche pas
à orienter l’évolution du groupe, il se contente de faciliter l’expression et la communication
et offre une compréhension empathique, en dehors de toute interprétation.
– Willy Schutz : n exercices facilitant l’expression et la communication. Ex : les individus
sont privés de parole, de mimique (port de masques blancs) ; il ne leur reste que les regards
et les gestes du corps pour communiquer  dépouillement de toute normalisation par
l’usage des codes sociaux et des stéréotypes de langage et d’attitude. Avec ce travail sur
l’expression émotionnelle et corporelle, les thérapeutes tentent de dépasser les résistances.
L’animateur réagit dans la relation et refuse la neutralité dite bienveillante ; il ne cache
plus ses émotions ou son ennui par un masque impassible.
Groupe marathon : forme dérivée du groupe de rencontre sur n jours. L’animateur et le
groupe se centrent successivement sur chacun. But : affaiblir les défenses des participants.
Cette technique semble moins se pratiquer car aspect « sauvage » de ces groupes, où les
risques de décompensation pathologique ne sont pas exclus.

4. Groupes comportementalistes

1. Thérapies comportementales

Origine : travaux sur le conditionnement de Pavlov, qui a repris la méthodologie de Watson,


fondateur du béhaviorisme et les recherches sur le conditionnement opérant de Skinner.
Comportements névrotiques = réponses inadaptées apprises et souvent renforcées. Les
thérapies se font alors par déconditionnement en provoquant l’extinction du comportement
pathologique, éventuellement en le remplaçant par un comportement plus adapté.
Les thérapies comportementales s’adressent aux symptômes (phobies, compulsions,
trbles sexuels) ; elles ont pour but la modification des comportements (les activités motrices
et verbales, les pensées, les émotions, les images mentales, les croyances).
Principales techniques thérapeutiques :
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– Inhibition réciproque : certaines réponses sont incompatibles et s’inhibent
– Immersion : soumettre le patient à l’action prolongée du stimulus pathogène
– Aversion : associer le comportement que l’on veut inhiber à des stimulations, qui
provoquent des réactions d’évitement
– Conditionnement opérant : utiliser des renforcements positifs ou négatifs pour inhiber
des comportements pathologiques.
Dans les TC, le thérapeute a un rôle directif et actif. Il procède avec le client à une
définition précise des difficultés ; il propose une hypothèse de travail qui sert de contrat et
de prédiction des résultats escomptés. Il aide le client à prendre un rôle actif, en favorisant
l’affirmation de soi et l’extinction des croyances irrationnelles. Il se centre essentiellement
sur l’ici et le maintenant, et s’efforce de créer ou d’entretenir un climat relationnel positif.

2. Thérapies cognitives

Utilisent la même méthodologie que l’approche comportementaliste, elles agissent sur les
processus de la pensée. Hyp : le patient a une distorsion perceptive des informations
renvoyées par l’environnement, ce qui engendre une vision erronée et pessimiste de lui-
même et du monde. Ce processus est à l’origine des symptômes anxieux ou dépressifs.
Elles renouvellent les recherches sur le conditionnement par l’étude des processus
cognitifs (pensées, images mentales, croyance), et par l’importance accordée à
l’apprentissage social par imitation (cf. A. Bandura). Les individus perçoivent
l’environnement et les événements à travers des schémas cognitifs : des croyances, des
valeurs, des attitudes qui organisent notre façon de percevoir et de traiter l’information.
Restructuration cognitive : mettre en évidence les croyances irrationnelles qui perturbent
la vie affective, puis à les modifier en leur substituant par des pensées rationnelles.
Technique la plus utilisée : le jeu de rôles pour expérimenter de nouvelles formes
d’expression et de comportement. Ces techniques, proches du psychodrame, se pratiquent
souvent en groupe, elles peuvent aussi associer des méthodes empruntées aux groupes de
rencontre et d’expression corporelle. Ces pratiques utilisent le travail individuel en groupe,
les autres membres aident à mettre en évidence les distorsions et renforcent (par des
approbations) le changement de stratégie perceptive.

3. Les sexo-thérapies

Précurseurs : Masters et Johnson. Entretiens de remise en cause des croyances


sexuelles erronées ; travail sur les sources d’anxiété. Exercices – à accomplir en privé -
visant à développer la sensibilité et la communication sensorielle.
Très souvent sont utilisées des pratiques groupales :
– Groupes de sensibilisation : à partir de films qui servent de départ à une discussion de
groupe où peuvent s’exprimer les problèmes et les fantasmes personnels. L’objectif est de
lever les tabous qui pèsent sur le sexe, d’assouplir les attitudes de blocage ou de rejet et de
déculpabiliser certaines pratiques ou certains fantasmes ;
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– Groupes de couples ayant des difficultés sexuelles : socialisation et approche de la
sexualité, la dédramatisation des situations personnelles en montrant que d’autres couples
ont des problèmes similaires, un échange d’expériences et un soutien mutuel ;
– Groupes d’épanouissement sensoriel : Les animateurs (souvent un couple) jouent le
rôle de parents permissifs et déculpabilisants. Le climat facilitant et chaleureux du groupe
permet l’exploration de la communication non verbale, l’expression de la tendresse et de
l’érotisme et l’épanouissement de la sensualité (avec ou sans massage).

Chapitre 4. Théorie du cadre thérapeutique

Le cadre et les processus de symbolisation

Définition du cadre : la théorie employée, la formation, la personnalité du thérapeute, les règles


de fonctionnement, le lieu, les médiateurs et les activités proposées. Il détermine en partie les
processus qui vont naître au sein de la psychothérapie. Les buts de la thérapie sont en lien étroit
avec les théories de la maladie et de la guérison adoptées par le thérapeute.
Roussillon définit la psychothérapie comme un travail visant à optimiser ou développer les
capacités de symbolisation soit par l’analyse des difficultés qui sont apparues dans l’histoire
de la symbolisation ou en proposant de nouvelles expériences de symbolisation.

1. Fonctions et caractéristiques du dispositif-cadre de la psychothérapie

On pourrait dire que l’enjeu fondamental du dispositif-cadre est d’arriver à symboliser la


symbolisation. (Roussillon)

- Selon lui le cadre doit fonctionner comme une structure d’étayage de l’activité
symbolisante. Il doit représenter, dans et par sa structure, les règles ou contraintes à
respecter pour que la symbolisation ou un certain type de symbolisation puisse avoir lieu.
- Dans la cure psychanalytique, la raréfaction des perceptions « visuelles », leur fixité
poussent à la nécessité de figuration représentative visuelle, et invitent à la
métaphorisation.
- Dans le psychodrame, la scène métaphorise le fantasme sous-jacent, l’acte suspendu
(faire semblant) renvoie au sens de l’acte plus qu’à sa décharge…
- Cette théorie du cadre est issue d’une expérience pratique, pas d’une théorie.
- Le cadre doit maintenir les 3 niveaux de symbolisation :
1. Primaire : Le cadre sera, de façon inconsciente, issu des théories sexuelles infantiles et
en particulier des théories sexuelles infantiles du soin
2. Secondaire : Chaque élément du cadre doit pouvoir fournir les raisons logiques de son
existence, en cohérence avec les raisons affirmées du travail thérapeutique
3. Tertiaire : Les différences entre les symbolisations secondaires et primaires vont générer
un conflit entre ces 2 mécanismes. Le processus thérapeutique est le fruit du travail de
symbolisation tertiaire (Green), qui cherche à articuler les 2 types de symbolisations.
Exemple : pour Roussillon quand le cadre est menacé, atteint dans sa fonction
symbolisatrice, c’est que le processus thérapeutique a transféré une atteinte historique de

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la symbolisation sur le dispositif. Il est possible d’analyser ces éléments qui ont pu
entraver ou mettre à mal la fonction symbolisante au cours de l’histoire du patient.

2. Caractéristiques du cadre

■ Systèmes sociaux comme défenses contre les angoisses archaïques

Elliott Jaques, intervenant dans des entreprises, constate la mise en jeu d’angoisses
archaïques (persécutives ou dépressives) lors de changements du cadre institutionnel. Il
suppose que les individus projettent les pulsions et objets internes qui sont sources
d’angoisses psychotiques sur les structures institutionnelles. Les groupes trouvent leur
cohésion en défense contre les angoisses psychotiques. Ces angoisses agissent par des
mécanismes archaïques comme l’identification projective, le clivage, le déni ou la projection.
Ainsi, les objets internes inquiétants sont déposés dans le psychisme de certains membres
du groupe, mais comme membres identifiés à des places institutionnelles (c’est le cas par
exemple des chefs, sous-chefs, délégués, boucs émissaires).

■ Le cadre fantôme

J. Bleger fait une constatation similaire en étudiant le cadre thérapeutique dans la cure
type de la psychanalyse : certains patients décompensent sur un mode psychotique alors
que rien ne le laissait prévoir, à la suite d’un changement de cadre (déménagement,
changement d’horaires). Il en déduit que dans la situation thérapeutique, il y a 2 systèmes :
1. le cadre (setting de Winnicott) : qui contient des constantes, à l’intérieur duquel un
processus a lieu. Ce système est un non-processus, c’est une constante ;
2. le processus interne à la psychanalyse : sujet d’étude commun à l’analyste et au patient ;
c’est la variable.
Le cadre paraît inexistant et le patient n’en prend conscience que quand il vient à
manquer ou lorsqu’il change. Le cadre est pour Bleger dépositaire de la partie psychotique
(surtout symbiotique) de la personnalité en lien avec l’organisation la plus primitive et la plus
indifférenciée de l’individu, c’est la partie qui conserve la fusion « Moi-corps-monde ». Ce
lieu de non-processus qui renvoie au « non-Moi » du patient, monde fantôme, est
dépositaire de la partie indifférenciée et non résolue des liens symbiotiques primitifs. Il
étendra cette conception au cadre groupal et institutionnel.
Pour résumer, reprennons les 4 fonctions principales du cadre définies par Kaës :
- contenante car si le cadre est « récepteur de la symbiose » (Bleger), par sa stabilité il a un
rôle de contenance des objets internes et des processus psychiques qui se déroulent
pendant la séance ;
- limitante car le cadre assure la distinction entre le Moi et le « non-Moi », permettant ainsi
la constitution d’une intériorité et d’une extériorité corporelles puis psychiques. Le cadre est
le garant de l’espace psychique individuel ou groupal
- symboligène car le cadre contient une théorie de la symbolisation (Roussillon)
- transitionnelle car frontière entre le Moi et le « non-Moi », le cadre participe de cet espace
d’échanges conceptualisé Winnicott, où règnent la paradoxalité et l’indécidabilité.
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3. Institutionnalisation du cadre

Le cadre transforme la psychothérapie en institution, quand une relation thérapeutique se


prolonge dans un ensemble de normes immuables. Ex des groupes qui tendent à
s’établissent en tant qu’organisations, en marginalisant le but thérapeutique du groupe.
Dans les organisations, les objectifs explicites pour lesquels elles ont été créées risquent
de passer au 2ème plan, en donnant la priorité à la perpétuation de l’organisation. Cette
institutionnalisation du groupe permet de fixer la partie psychotique du groupe sur les
éléments immuables du cadre.

4. Cadre et mythe originaire

Lévi-Strauss montre que les mythes sont de même nature : ils ont une fonction
structurante. Laplanche et Pontalis, reprenant les conceptions de Freud, notent que ces
fantasmes originaires tout comme les mythes collectifs apportent une représentation et une
solution à ce qui pour l’enfant s’offre comme une énigme majeure : sa propre origine.
On est frappé par l’extrême diversité des dispositifs et des cadres dans les thérapies de
groupes, diversité qui contraste avec la grande rigidité de la cure type. Or, c’est bien la mise
en place du cadre qui donne naissance au traitement. Dans la cure type, l’origine serait
transgénérationnelle alors que dans les thérapies de groupe, chaque thérapeute, en couple
avec l’institution, devient géniteur du groupe.
Foulkes (cf. chapitre 2,) a mis en évidence la soumission (suggestion et conformisme) du
groupe au thérapeute / ses options conscientes ou ses désirs inconscients.
La non-maîtrise du cadre par le thérapeute devrait faire partie de la règle fondamentale de
l’abstinence, afin que chaque thérapeute de groupe ne puisse pas reprendre à son compte
l’expression de Moreno : « I am God, the father, the creator of universe ».

Chapitre 5 Mise en place du cadre

1. Cohérence entre cadre et processus


Le cadre autorise ou empêche l’apparition de certains processus et permet que le
thérapeute ait une action ou non sur ceux-ci.

1. En fonction de la théorie
La psychanalyse (et les théories néo-freudiennes à composante corporelle) travaille plutôt
avec la régression, la psychosociologie avec la socialisation et la communication, le
comportementalisme sur les apprentissages. Chaque élément du cadre a une fonction qui
vient étayer les moyens et la finalité du traitement. Les divers cadres se déduisent d’une
série de combinaisons impliquant :

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2. Groupe ouvert, groupe fermé

Le choix entre un groupe ouvert ou un groupe fermé est un des éléments déterminants
issus de la théorie de référence, mais surtout de l’orientation que le thérapeute veut donner
à ses interventions (groupales ou individuelles). Cette alternative s’impose au thérapeute
dès la constitution du groupe. Le plus souvent, ce sont des raisons plus pratiques que
théoriques qui président à cette option, car les groupes ouverts sont plus faciles à mettre en
place ; ils répondent au défaut d’indications et mettent à l’abri des échecs dus au départ
intempestif des participants. À chaque départ, les thérapeutes font entrer un nouveau et, au
fur et à mesure que de nouvelles indications se présentent, le groupe est élargi. Une telle
souplesse est un avantage institutionnel évident.
À l’inverse, les groupes fermés nécessitent un temps de préparation long. Chaque
désertion par suite d’une mauvaise indication, d’une préparation insuffisante ou encore d’un
changement dans la réalité – menace le groupe de destruction.
Les groupes ouverts font, de par leur structure, référence à la famille, avec de nouveaux
membres qui arrivent (comme des nouveau-nés), d’autres qui partent (comme les enfants
devenus adultes) avec un couple de thérapeutes immuable, à la manière des parents. Le
groupe ouvert peut s’institutionnaliser : il tend vers l’immuable ; ses membres (thérapeutes
compris) peuvent y entrer / partir sans en remettre en cause l’existence.
On ne saurait effectuer dans les groupes ouverts une analyse de groupe, car celui-ci ne
peut pas se constituer en tant qu’entité, et les phénomènes groupaux ne peuvent s’y
exprimer que partiellement. Inversement, l’analyse individuelle est facilitée dans les groupes
ouverts car les individus sont stimulés par leur confrontation aux autres membres.
Le groupe ouvert rassure contre les angoisses de morcellement et de destruction puisqu’il
est indestructible dans le temps. On comprend que les tensions et les angoisses vécues
dans ces groupes soient quantitativement plus faibles que dans ceux qui sont fermés. Les
groupes demandant une régression peu marquée, comme les groupes d’accueil, les
groupes d’observation, les groupes de stimulation ou encore les psychanalyses dans le
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groupe, ont tout intérêt à rester ouverts. De cette situation induite par le groupe ouvert il
résulte que leurs avantages en constituent aussi les inconvénients. Ainsi, si l’on vise à
utiliser la vie du groupe, ses régressions, ses tensions et son évolution comme instrument
thérapeutique, il est préférable de mettre en place des groupes fermés.
Le groupe fermé cherche une cohésion interne, les phénomènes de groupe y sont plus
marqués et ne sont pas perturbés par le départ ou l’arrivée de certains de ses membres.
Les régressions sont plus intenses mais les étapes d’évolution du groupe sont aussi plus
facilement identifiables. Les régressions sont mieux contenues car les limites entre dedans
et dehors sont plus clairement définies.
La question de la fin de ce type de groupe est un problème complexe et même
douloureux. Car chacun doit faire le deuil du groupe qui va disparaître dans la réalité. Le
groupe doit entreprendre l’élaboration psychique de la séparation et des angoisses de
destruction ou d’engloutissement qui renvoient à cette mort prochaine inexpugnable.

3. Adaptation des différents éléments du dispositif

Anzieu montra (cf. chapitre 2,) que plus un groupe était large, plus les angoisses archaïques
de mise en groupe y étaient intenses : les risques de perte identitaire y sont plus forts. Les
grands groupes, en revanche, déploient les phénomènes de groupe plus rapidement.
Le cercle, avec un vide central, évoque la topographie du corps maternel avec des
fantasmes d’être aspiré par le vide, des tables au centre réduisent ces angoisses. Mettre les
participants en rang (comme à l’école) renvoie à la rivalité œdipienne…
Les parois et le volume de la pièce ont un rôle important en début de groupe et renvoient
à des effets de contenance qui réduisent ou augmentent les inquiétudes. Un espace trop
grand ou ouvert empêche l’union groupale ; trop petit, il peut générer des angoisses
claustrophobiques, la qualité des matériaux peut avoir de l’importance surtout dans les
groupes d’enfants où ils cherchent à éprouver la solidité des contenants physiques…
Certaines pathologies nécessitent des séances rapprochées (ex : personnalités
abandonniques ou narcissiques).
Les groupes limités dans le temps (sur le modèle des thérapies brèves) n’ont pas les
mêmes fonctions que ceux qui sont immortels (comme les groupes ouverts).
L’organisation du groupe par la tâche, par l’attribution de statuts ou d’une hiérarchisation
réduit les angoisses archaïques (projetées sur la structure organisationnelle) ; à l’inverse, la
non-directivité et l’association libre confrontent le groupe à ce type d’angoisse.
La position physique et psychique du thérapeute est déterminante. En s’éloignant du
groupe, il devient persécuteur ; en s’en rapprochant, il suscite l’illusion groupale.

4. Co-thérapie ou mono-thérapie

L’attitude du thérapeute aide/freine la régression, augmente/réduit les angoisses. La co-


thérapie est préférée : pour mieux contenir le groupe (en particulier l’agressivité), à 2 ou est
plus attentifs et la compréhension est enrichie, un des thérapeutes peut se laisser aller à la
régression tandis que l’autre reste garant du cadre.

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La co-thérapie serait justifiée par le fait que face à un couple, les patients ont la possibilité
d’effectuer un « transfert total », sur le couple et sur chacun des thérapeutes (représentant
les imagos paternelle et maternelle). Mais, certains comme Slavson, remettent en cause ce
dispositif reproduisant un cadre familial.
Arguments en faveur de la mono-thérapie :
- Le fait d’être seul autorise une mobilité et une disponibilité plus grandes du thérapeute.
Le groupe ne peut se structurer que si le thérapeute y est intégré à certains moments et
qu’à d’autres, sa fonction d’analyste puisse s’exercer par un retrait de la vie du groupe. Ce
mouvement oscillatoire permet au groupe de prendre forme, et au thérapeute d’interpréter,
car ce dernier doit entrer en résonance avec les fantasmes des participants (être dans le
groupe) puis s’en dégager pour pouvoir en parler (être hors du groupe).
- Le couple introduit des paramètres d’une telle complexité que l’analyse des phénomènes
transférentiels, contre-transférentiels et intertransférentiels est difficile à mettre en œuvre.
Le couple induit dans le groupe des défenses particulières en fonction des différents
niveaux fantasmatiques abordés (archaïques ou œdipiens) ; ceux-ci interagissent sur le
vécu inconscient du couple qui, à son tour, rejaillit sur le comportement du groupe,
l’ensemble étant soumis à une difficulté de plus : celle de faire la différence entre couple réel
et couple imaginaire. Et selon Anzieu  : « il y a une différence fondamentale entre donner à
voir le fantasme (séduction) et le donner à entendre (interprétation) ».
Alternative : en raison de la violence et de la richesse des contre-transferts, le thérapeute
doit parler de sa pratique à un tiers (collègue, groupe de travail). Ainsi, la présence
rassurante d’un co-thérapeute sera déportée hors du groupe, avec l’avantage de la co-
thérapie effet contenant et prise de distance - tout en en évitant les écueils mentionnés.
La pertinence de la co-thérapie doit être interrogée selon qu’il s’agit de formation, de
groupe de psychotiques ou de relaxation ou de psychodrame, et d’enfants en bas âge.

5. Cohérence entre les divers éléments du cadre

2 grandes modalités de psychothérapie de groupe :

- les psychothérapies dans le groupe : utilisent les effets du groupe, pour stimuler l’activité
fantasmatique et pour réduire les résistances, et où les individus sont l’objet des
préoccupations et des interprétations du thérapeute. Les phénomènes de groupe ne sont ni
suscités ni utilisés ; ce sont des groupes ouverts, réduits (4 à 6 sujets), animés par un
couple. Du fait du renouvellement des participants, ce dispositif provoque l’émergence de
thématiques œdipiennes liées à la rivalité et à la scène primitive. La séparation s’élaborera
individuellement par rapport à un groupe imaginé comme étant immortel. Les interprétations
se font dans le transfert sur les thérapeutes. L’approche corporelle ou le psychodrame
(thème issu d’un membre du groupe) facilite le travail individuel ;
– les psychothérapies par le groupe : utilisent surtout les phénomènes de groupe. Le
groupe est fermé, il peut être plus large (10 à 12 sujets), il est animé le plus souvent par un
seul psychothérapeute qui interprète les phénomènes de groupe et les réactions
individuelles face au groupe. Le groupe induit une régression et des effets de diffraction du
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transfert, c’est l’influence de la structuration du groupe sur la vie interne des sujets qui est
prise en compte. Le thérapeute interprète le transfert du groupe sur lui et celui des individus
sur le groupe. Certains médiateurs favorisent les processus groupaux comme les dessins
collectifs, le psychodrame (thème élaboré en commun), la musique…

6. Besoins du patient

Le cadre adopté doit tenir compte des capacités du patient : ses réactions à l’épreuve de
la réalité (psychotiques), ses tolérances à la frustration, sa capacité à moduler l’agressivité
et à différer l’action, ses possibilités de sublimation et d’identification. À partir de l’estimation
de ces divers éléments, il faut adapter le cadre (à partir de la théorie choisie) afin que
tous les éléments puissent être utilisables et acceptés par les patients. Cette homogénéité
n’est pas facile à réaliser car, au-delà de la pathologie, il faut tenir compte de l’âge, du sexe,
de la classe sociale, et de la culture des patients.

2. Types de dispositifs et processus

1. Association libre verbale

Inspiré de la cure type psychanalytique, ce cadre adopte les 2 règles principales :


l’association libre et l’abstinence. Les conséquences de l’association libre sont très proches
de ce que l’on constate en psychanalyse : une régression et les divers mécanismes de
résistance qui les accompagnent. Ces régressions doivent être contenues par le cadre et
par le thérapeute par un dispositif respectant la règle des 3 unités de :
1. Temps : les séances sont de durée et de fréquence constantes ;
2. Lieu : l’espace physique doit être clos et sa présentation ne doit pas varier. En revanche,
les places ne sont pas assignées ;
3. L’action : les règles de fonctionnement doivent toujours être les mêmes, soit uniquement
la parole, soit l’adjonction de psychodrame, ou de relaxation…
Le principe impose que le cadre ne soit pas changé en cours de traitement.
En lien avec cette nécessité de bien délimiter le dedans du groupe du dehors (afin que les
régressions ne contaminent pas l’espace de la réalité) et pouvoir utiliser des interprétations
dans le transfert sur les désirs inconscients, la règle d’abstinence doit aussi être respectée :
pour les participants entre eux et pour le thérapeute. Il n’y a aucun rapport personnel réel
entre le thérapeute et les participants ou avec le groupe, pendant et en dehors de la séance.
La règle de discrétion / contenu des séances est étendue à tous les membres du groupe
(thérapeute et participants). C’est la fonction contenante et symbolisante du cadre qui
autorise les régressions et une utilisation opérante de l’interprétation (groupale et
individuelle). Un thérapeute qui n’applique pas les règles qui instituent ce cadre contenant,
fait courir des risques de décompensation ou d’acting-out. La formation du thérapeute
requiert une double formation théorico-clinique : psychanalytique et groupale.
Les processus induits par ce type de cadre ont bien été décrits par les psychanalystes de
groupe (cf. chapitre 2 : Foulkes ou Anzieu).

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2. Psychodrame

Le psychodrame permet de : faire naître des sentiments, des fantasmes, des


comportements dont le vécu, la compréhension et l’élaboration aideront à un
réaménagement thérapeutique des processus intrapsychiques.
Cadre commun aux psychodrames : le médiateur central = le jeu (le thème et sa
représentation scénique), l’abstinence dans la consigne du « faire semblant », la figurabilité
qui associe l’espace, le geste et la décharge motrice à l’évocation verbale des thématiques
exprimées, la participation des thérapeutes ouvrant un espace transitionnel où chacun
participe au jeu de façon symétrique. Ces dispositions caractérisent le cadre thérapeutique
en lui attribuant une fonction contenante et symbolique qui permet à l’activité fantasmatique
de retrouver une figurabilité. La symbolisation se fait par le biais d’un acte simulé.
Préconisation : enfants à la latence et à l’adolescence, certaines pathologies où la
communication verbale est pauvre, opératoire ou empreinte de rationalisation.
Types de psychodrames :
– Psychodrame analytique individuel : ados ou adultes ayant des pathologies graves : un
seul patient, un directeur de jeu (qui ne joue pas) et des co-thérapeutes ;
– Psychodrame de groupe : 5 ou 6 patients névrotiques ou états limites ; 1 ou 2
séances /semaine, 1/2 à 1 heure. N thérapeutes, le plus souvent en couple et impliqués
dans le jeu.
Là encore la conduite du psychodrame sera différente selon que l’on prendra en compte
uniquement l’individu dans le groupe, ou le groupe comme une entité, ou si l’on tente
d’intégrer les deux. En effet, les thèmes proposés et leur scénarisation peuvent être
considérés comme l’expression de fantasmes ou de conflits individuels et traités comme
tels, mais aussi comme l’expression des préoccupations groupales.
Intérêts du psychodrame : en combinant les effets de la relation psychanalytique avec
l’improvisation dramatique, cette thérapeutique va au-delà d’une simple « expérience
émotionnelle correctrice », puisqu’il y a prise de conscience du monde interne et pulsionnel.
Le psychodrame touche des niveaux très variés du fonctionnement psychique :
– La restauration de l’aire transitionnelle : par le plaisir partagé du jeu avec les
thérapeutes
– Le réaménagement instanciel : par l’épanouissement de l’Idéal du Moi (réévalué par le
groupe), le renforcement du Moi qui retrouve une maîtrise sur le monde pulsionnel et
l’atténuation du Surmoi (par le jeu, on peut éprouver sans risque des relations diversifiées
avec les interdits) ;
– Le remaniement des identifications : il y a réaménagement des identifications par des
effets de miroir. Les rôles sont joués à partir des identifications surtout œdipiennes
– L’atténuation du transfert sur le thérapeute : ce qui réduit une des sources de
résistance propres à la latence et à la puberté ;
– L’oscillation : entre la régression suscitée par l’association libre et la mise en forme
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symbolique des fantasmes (par l’organisation de la saynète), le psychodrame permet de
proposer des interprétations qui peuvent être entendues par le patient.
Le thérapeute doit être gardien du cadre (assurer la permanence de l’objet), participer au
jeu, assurer la fonction interprétative, écouter le groupe à certains moments et l’individu à
d’autres et enfin assumer son contre-transfert (groupal et individuel). Ce dernier point est
important car les groupes ont une grande sensibilité aux désirs inconscients du
psychothérapeute et l’expriment par une activité répétitive.

3. Groupes avec médiation

Médiateur = un objet (jouet, pâte à modeler, instrument de musique, jeux, papier,


crayons), une méthode médiatrice telle que la psychopédagogie ou un objet culturel
(peinture, écoute musicale). Ce médiateur remplit des fonctions variées :
1. Permet l’expression du monde interne : c’est la fonction des jouets et des dessins dans
les psychothérapies chez l’enfant. Le médiateur est un équivalent du langage. Il se
substitue à lui, quand le patient a des difficultés à l’utiliser. Le médiateur se situe entre la
réalité extérieure et le monde interne du sujet : il est porteur de ses qualités intrinsèques
et peut, en même temps, être utilisé comme l’expression de son monde interne. Le
médiateur sert non seulement de support à la communication verbale mais aussi aide à
organiser la pensée à partir de l’expression de l’affect ;
2. Le médiateur peut occuper une place de choix dans l’espace transitionnel  : zone
d’illusion, où l’enfant peut exercer une omnipotence imaginaire, en créant l’objet qui est en
fait apporté par l’environnement. L’objet transitionnel, permet à l’enfant d’expérimenter de
façon ludique son non-moi, activité indispensable à la consolidation de son narcissisme.
3. Permet d’ajuster le temps individuel au temps groupal : les dessins peuvent être dans un
1er temps individuels puis confrontés collectivement, les fantasmes groupaux sont exprimés
individuellement puis partagés comme une émanation du groupe.
4. Régule les angoisses générées par le groupe 
Certains médiateurs peuvent devenir selon Marion Milner des « médiums malléables » (cf.
R. Roussillon) qui amplifient les qualités décrites ci-dessus. Ils sont porteurs de qualités
particulières : indestructibles, sensibles, transformables, disponibles, ils donnent la
possibilité au patient de pouvoir les imaginer comme des substances animées. Ex : la pâte à
modeler ou la peinture. Les médiateurs malléables renforcent la maîtrise des angoisses
comme lieu d’accueil des projections ---> deviennent moins dangereuses car maîtrisables.
D’autres activités canalisent les angoisses : le psychodrame, le groupe « conte » encadrant
les expressions fantasmatiques dans un discours socialisé.

3. Exemple de réflexion sur la mise en place d’un cadre : psychothérapie de groupe


d’inspiration psychanalytique à l’adolescence

Construction d’un cadre pour un groupes d’ados selon la théorie psychanalytique :


1. Taille du groupe : assez large pour interpréter au niveau groupal et assez petit pour
permettre des interprétations plus individuelles dans un 2ème temps i.e. 6-7 patients

47
2. Groupe fermé pour élaborer les processus groupaux
3. Associations libres : pour laisser émerger une organisation groupale à partir d’une
certaine régression et de la vie fantasmatique des participants
4. Régularité du cadre : régulier en temps, en lieu, et en heure. A savoir espace clos
imaginaire coupé des réalités sociales (  l’abstinence, la discrétion)
5. Matériel : aucun, pour obliger les adolescents à utiliser le langage
6. Nombre de thérapeutes : un seul, pour analyser aussi de manière approfondie le
contre-transfert
7. Interprétations dans un premier temps : sur le vécu et les émotions groupale. Transfert
du groupe sur le thérapeute et des participants sur le groupe sont pris en compte
8. Interprétations dans un second temps : sur le vécu individuel dans le groupe.
Transferts des individus sur le groupe, le thérapeute, et les autres membres du groupe
9. Supervision : systématique.
10. Contrat : présence jusqu’à la fin du groupe. Nous n’édictons aucun interdit particulier
pour ne pas désigner de modèles de méconduite.
La restauration narcissique et le réaménagement de l’Idéal du Moi sont les 2 éléments qui
font penser aux groupes ados. Mais, les groupes thérapeutiques d’inspiration analytique ont
une autre visée : transformer le groupe en un lieu d’étayage et non d’élaboration.
3 éléments mettent en danger l’étayage narcissique et ce générer des violences et
remettre en cause le traitement : si a sécurité narcissique de l’ado est menacée, la relation
de confiance, nécessaire pour à établir l’alliance thérapeutique est remise en cause :
1. La situation groupale fait advenir une révélation sur ce qui est étranger à nous-mêmes :
les participants ont l’impression d’être la proie d’une force qui les dépasse et sur
laquelle ils n’ont pas de prise (  angoisse de perte du contrôle, du caractère
mystérieux et terrifiant de cette force). Les interprétations groupales, en particulier,
renforcent le sentiment que nous ne nous appartenons plus.
2. Sensibilité des ados à toute attaque au cadre contenant : quand le groupe a enfin
permis un étayage narcissique, le départ d’un participant, des séances annulées, des
vacances… peuvent induire des réactions très violentes ;
3. Violence de la confrontation des participants à la castration et la nécessité d’assumer
une certaine dépression, seul accès à une problématique œdipienne. Les ados peuvent
préférer de se réfugier dans l’illusion groupale.

■ Discussion sur l’adaptation du cadre

Cette opposition entre les buts de la psychothérapie de groupe et les raisons qui font
qu’un ado recherche un groupe explique sans doute le nombre très restreint de comptes
rendus de groupes d’inspiration psychanalytique d’ados. Elle justifie par un certain nombre
de techniques employées par les thérapeutes pour mener à bien les thérapies de groupe.
Conseils des Anglo-Saxons au thérapeute : avoir dans le groupe une position centrale et
se présenter comme étant une image identificatoire idéalisée, chercher à minimiser les
effets de groupe (cf. chapitre 2, I, 2).
48
Autres aménagements techniques : utiliser une technique défensive par rapport à la
dépression (ex : psychodrame ou des groupes avec des activités valorisantes - sport,
cinéma, musique) ; soit de profiter des effets contenants et idéalisants des institutions.
Utilisation des groupes ouverts : ils perdent une partie de leur intérêt pour l’ado, mais qui
n’exposent pas aux mêmes difficultés que les groupes fermés, en particulier parce que ces
groupes vivent sur le fantasme de l’immortalité (du groupe et des animateurs).
Techniques selon les différentes phases de l’adolescence :
A la puberté : la préoccupation majeure est la lutte contre le débordement pulsionnel à
cause de la problématique œdipienne et des menaces surmoïques. Le psychodrame
collectif prend bien en compte ce type de conflit ; par le jeu, il y a maîtrise de la vie
pulsionnelle et de l’imaginaire, par la participation des adultes il y a distanciation par rapport
aux images surmoïques et donc une meilleure gestion des conflits intrapsychiques. Par son
aspect actif, le psychodrame encourage l’illusion groupale ou pour le moins les défenses
maniaques, ce qui permet de ne pas confronter trop tôt l’ado à la dépression.
A partir de 15-16 ans : la préoccupation est d’ordre narcissique puis identificatoire. Le
groupe analytique est à conduire avec prudence : suivre les conseils des Anglo-Saxons,
considérer que les capacités contenantes du thérapeute ne se règlent pas seulement par
une directivité accrue. La permanence du cadre doit être respectée avec beaucoup de
rigueur.
A partir de 17-19 ans : pas d’aménagement particulier, le but du groupe étant de les aider
à surmonter les différents deuils et acquérir une autonomie psychique tout en acceptant leur
appartenance groupale (et donc sociale).

4. Le groupe thérapeutique et son environnement institutionnel

1. La paradoxalité des institutions

Des liens paradoxaux se tissent entre l’institution et les groupes thérapeutiques,


compromettant ainsi leur bon fonctionnement. Les résistances des institutions aux groupes
thérapeutiques s’expriment par les formes les plus variées de « maltraitance » : chute des
indications, exigences excessives pour la formation, attaque par l’institution du cadre de la
thérapie, actes manqués, agressivité, lieux et horaires excentriques….
Ambivalence des institutions : elles favorisent la naissance de groupes thérapeutiques puis
les empêchent de vivre ou rendent leur fonctionnement malaisé.
Les institutions sont renvoyées par le groupe thérapeutique à leurs contradictions internes.
Freud distingue 3 composantes des institutions :
1. L’organisation : elle est définie par des lois, la répartition du pouvoir, les sanctions. Le
niveau organisationnel met en place des régulations extérieures à l’individu qui
s’opposent à toute modification de sa structure
2. La structure libidinale : elle représente la vie affective de l’institution utilisant tous les
mécanismes habituels aux groupes ;
3. L’idéologie : elle donne la cohésion à l’ensemble

49
Les institutions sont caractérisées par leur ambiguïté : elles permissives & répressives ;
elles lient et séparent à la fois. Elles organisent les rencontres, rendent les actes possibles,
mais édictent les règles et les interdits. Freud assimile l’ambiguïté des institutions à
l’oscillation entre la mélancolie (dépression due à la quotidienneté des normes) et la manie
(fête comme inversion des normes).

2. Effets contre-institutionnels des groupes thérapeutiques

Les groupes thérapeutiques mettent en danger, fantasmatiquement, l’institution.


L’institution qui a créé un groupe thérapeutique est en présence d’un rejeton sur lequel elle
a placé ses désirs et ses espoirs mais qui risque de mettre en cause (plus
fantasmatiquement que réellement) l’équilibre qu’elle tente de conserver entre :
- le pôle de différenciation : tout ce qui est institué (l’organisation, la loi) et qui rend
l’institution intemporelle (indestructible) et sécurisante d’un côté,
- la vie pulsionnelle : ce qui lui donne sa spécificité, sa vie, son énergie.

L’institution craint de fonctionner selon le principe de plaisir, rompant l’équilibre précaire


sur lequel elle repose, induisant des fantasmes d’éclatement et de destruction. Les groupes
thérapeutiques deviennent alors des contre-institutions dans l’institution, remettant en
cause, fantasmatiquement, la distribution du pouvoir et la stabilité des lois.

Un autre paradoxe : les réussites thérapeutiques sont indéniables et satisfont l’idéologie


de l’institution soignante ; mais, ces groupes confirmeraient la suprématie des bienfaits des
dérèglements sur l’ordre. La tentation est donc grande, pour l’institution, de fonctionner sur
le principe du plaisir, et les défenses sont en proportion des envies.

3. L’image fantasmatique du groupe thérapeutique

Le groupe thérapeutique est pour les membres de l’institution un lieu de satisfaction


pulsionnelle, et il devient l’objet de leurs projections fantasmatiques. Le groupe
thérapeutique renvoie à une scène primitive étrange et inquiétante : « Ça fait beaucoup de
bruit » ; ou le contraire : « Quand on n’entend rien, on se demande ce qu’ils font ».
Le groupe est aussi un lieu idéalisé du plaisir libidinal et de libre parole qui sécrète ses
propres lois ; il est pour ceux qui en sont tenus à l’écart source d’envie, au sens kleinien ; il
suscite à la fois un désir de s’approprier les qualités de ce bon objet, et celui de le détruire
dans l’espoir de se libérer de ce sentiment d’envie.
Le groupe est aussi la « poubelle de l’institution ». On y adresse les enfants ou les
parents que personne ne pourrait supporter en face-à-face. Il y a une représentation
archaïque du ventre maternel à l’intérieur duquel les enfants se déchirent.
Les images, les fantasmes et les angoisses mobilisés par la présence des groupes
thérapeutiques sont donc plutôt de type archaïque.

4. Groupes et institutions : les menaces réciproques

Les institutions, comme nous l’avons vu, sont particulièrement sensibles aux angoisses
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persécutives (cf. chapitre 4) ; il arrive aussi que, n’étant plus contenues, les angoisses
primaires empêchent toute possibilité de secondarisation et d’élaboration.
Les groupes thérapeutiques sont inconsciemment ressentis comme une menace pour le
cadre institutionnel car pouvant induire des changements dans son organisation par les
tentations, ce qui mobilise des angoisses persécutives ou dépressives.
Les institutions et les groupes ont donc des difficultés à entretenir des liens d’autonomie,
de reconnaissance et de respect mutuel. Ces 2 entités sont dans des rapports soit de
contrôle (emprise et identification projective), soit de dédoublement (imitation,
indifférenciation), soit de clivage (projection et idéalisation).

Index

A
abstinence 1, 2, 3 activation de la libido 1 Activity Group Therapy 1 affirmation de soi 1
analyse transactionnelle 1, 2
angoisses archaïques 1, 2, 3, 4
anonymat 1
appareil psychique groupal 1, 2, 3, 4
association libre 1, 2
autosuffisance 1 B
bioénergie 1, 2
bouc émissaire 1, 2, 3 C
cadre 1, 2, 3, 4, 5, 6
catharsis 1
cathartique 1, 2
co-thérapie 1, 2, 3
cognitivisme 1
complémentarisme 1, 2
contre-institution 1, 2
cuirasse caractérielle 1 D
dynamique de groupe 1, 2, 3 E
efficacité symbolique 1 encadrement social de la névrose 1
existentielle 1
expérience émotionnelle correctrice 1, 2, 3 F
faim sociale 1
fantasmes originaires 1, 2 fixation de la libido 1 fonction alpha 1
fonction du Moi 1 fonction orgastique 1
formation 1
foules conventionnelles 1, 2
51
foules passagères 1, 2 G
gestalt-psychologie 1
gestalt-théorie 1
gestalt-thérapie 1, 2
groupalité 1, 2
groupe d’adolescent 1
groupe de transformation 1, 2
groupe fermé 1, 2, 3, 4
groupe interne 1, 2
groupe marathon 1
groupe ouvert 1, 2, 3 H
homéostasie 1, 2
horde primitive 1 hypothèses de base 1 I
Idéal du Moi 1, 2
identification primaire 1
illusion groupale 1, 2, 3, 4
image du corps 1
imago 1, 2, 3
indifférenciation 1
insight dérivé 1
institution 1
inter-fantasmatisation 1
interprétation 1, 2
Interpretative Group Psychotherapy 1 isomorphie 1, 2
J
jeu 1, 2 M
matrice 1, 2
médiateur 1, 2, 3, 4, 5 mentalité de groupe 1 meurtre originaire 1
mirroring 1, 2
mono-thérapie 1, 2
morale sexuelle 1
mythe originaire 1 N
non-processus 1 O
objet transitionnel 1
œdipe 1, 2, 3, 4
orgone 1, 2 P
pèlerinage 1
52
perte d’identité 1 phénomène de chaîne 1
phénomène de condensateur 1 play-therapie 1
processus 1
proto-mental 1
psychodrame 1, 2, 3, 4, 5
psychothérapie institutionnelle 1 pulsion de mort 1
R
rebirthing 1
régression 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 réponses « G » 1
répression des pulsions 1
réseau 1
résonance 1
résonance inter-fantasmatique 1
rêve 1, 2, 3
rôle 1, 2, 3, 4, 5 S
Schéma Conceptuel, Référentiel et Opérationnel 1 sentiment de culpabilité 1, 2
spontanéité 1, 2
structuralisme 1
suggestion 1, 2
symbolisation 1, 2, 3, 4 T
T-Group 1, 2, 3
tarentisme 1, 2
thérapie cognitive 1
thérapie comportementale 1, 2
thérapie existentielle 1, 2
thérapie primale 1
transfert 1, 2, 3, 4, 5
transfert groupal 1
transferts latéraux 1
transferts multiples 1
Verbal Interaction Group 1

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