Vous êtes sur la page 1sur 42

Thèse 25 

: LA LOI NATURELLE COMME DEMARCHE ET


HUMANISATION DE LA PERSONNE. NECESSITE ET PRECAUTIONS
DANS SON INTERPRETATION HISTORIQUE.
La loi naturelle est une notion si complexe. Sa compréhension demande au préalable la
compréhension de la notion de la « Loi » elle-même et de parcours son histoire. C’est
pourquoi, il est important de nous de savoir ce qu’est la loi avant de l’aborder.
1. Notion de la loi :
La loi est un concept ou un sujet dont le sens est embu. Il est compris des différentes
manières. C’est ainsi que, D’après le petit dictionnaire de théologie catholique, la Loi est une
ordonnance destinée à une communauté et émanant de celui ou de ceux qui détiennent
l’autorité dans cette communauté1. La loi est aussi l’ensemble de ce qui assure de la
supériorité éthique et politique de la polis sur les formes archaïques ou barbares
d’organisation de la communauté. C’est dans ce sens que pour Cicéron, considérait la loi
comme n’étant, ni une invention issue du génie des hommes, ni une décision arbitraire des
peuples, mais quelque chose d’éternel qui règne sur le monde entier par la sagesse de ses
commandements et de ses défenses2. D’où la loi c’est ce qui s’oppose à l’arbitraire. Mais,
pour Puffendorf, la loi est proprement la parole de celui qui commande aux autres car, c’est
l’autorité et non la vérité qui fait la loi. C’est presque la même la considération qu’elle dans
l’Eglise pour qui, « La loi est une règle de conduite édictée par l’autorité compétente en vue
du bien commun »3. Par rapport à son origine, elle peut-être conventionnelle ou naturelle :
a) La loi conventionnelle
Les défenseurs de cette position soulignent que, la loi n’est pas fondée sur quelque
chose de naturel mais émane pour le meilleur et pour le pire, de l’organisation ou de l’œuvre
humaine. Ainsi, la loi est comprise comme indice de la capacité des hommes qui définissent
par eux-mêmes les conditions normatives de leur propre existence. Car, aucune nature
d’homme ne nait assez douée pour à la fois savoir ce qui est le plus profitable à la vie
humaine en cité et le sachant, pouvoir et vouloir toujours faire ce qui est le meilleur4.
b) La loi naturelle
La loi naturelle encore appelée impérative, est comprise pour certains, comme
l’ensemble des structures objectives de la nature humaine qui sont la condition préalable de la
1
Cf. K. Rahner- H. vorgrimler, Petit dictionnaire de théologie catholique, Seuil, Paris 1970, 260.
2
Cicéron cité par J.-F. KERVEGAN, « LOI » in Monique Canto-Sperber, Dictionnaire d’éthique et de
philosophie moral vol. 2, Quadrige, Paris 2004, 1120.
3
CEC 1951
4
IBID
possibilité de la liberté de l’homme et qui constituent autant des règles objectives pour
l’action de l’homme. C’est en d’autres termes, l’expression objective de la volonté de Dieu,
créateur de la nature en question5. Pour d’autre, c’est cette raison souveraine incluse dans la
nature, qui nous ordonne ce que nous devons faire et nous interdit le contraire. Ou encore,
c’est un règlement rationnel des pratiques humaines par des normes qui ne soient pas des
pures conventions, mais procèdent de manière nécessaire d’une nature, celle du monde ou de
l’homme6. Pour d’autres encore comme saint Thomas, la loi naturelle est l’ensemble des
préceptes accessible à chacun, indépendamment de toute révélation (la loi divine) et de toute
prescription positive (loi humaine) ; c’est cette inclination naturelle qu’il y a en tout humain
d’agir selon la raison7.
2. LA LOI NATURELLE COMME DEMARCHE ET HUMANISATION DE LA
PERSONNE
La notion de la loi naturelle a plus été développée par l’Eglise. C’est de là qu’elle se
revele comme démarche tendant vers l’humanisation de la personne. Cela est clairement
montré dans le catéchisme de l’Eglise catholique et surtout dans le document de la
commission théologique international qui a plus développé cette notion.
En effet, d’après le CEC8, la Loi Naturelle est une partie de la loi morale qui est l’œuvre
de la Sagesse divine. Elle se définit, au sens biblique, comme une instruction paternelle, une
pédagogie de Dieu qui prescrit à l’homme les voies, les règles de conduite qui mènent vers la
béatitude promise et proscrit les chemins du mal qui détournent de Dieu et de son amour.
Ainsi, elle suppose l’ordre rationnel établi entre les créatures, pour leur bien et en vue de leur
fin, par la puissance, la sagesse et la bonté du Créateur. Elle se subdivise en :
 la loi éternelle, qui source en Dieu et est la source de toutes les lois ;
 la loi naturelle ;
 la loi révélée comprenant la Loi ancienne (le décalogue ou la torah en générale) et la
Loi nouvelle ou évangélique (tout le nouveau testament en générale) ;
 enfin les lois civiles et ecclésiastiques.

Au sujet de la loi morale naturelle, le CEC montre que c’est cette loi qui fait participe
L’homme à la sagesse et à la bonté du Créateur qui lui confère la maîtrise de ses actes et la
capacité de se gouverner en vue de la vérité et du bien. Elle exprime le sens moral originel qui
permet à l’homme de discerner par la raison ce que sont le bien et le mal, la vérité et le
5
262
6
Ibid. 1121
7
THOMAS ST II, I, 94, 3
8
CEC 1950-1952.
mensonge. Car, elle « est écrite et gravée dans l’âme de tous et de chacun des hommes parce
qu’elle est la raison humaine ordonnant de bien faire et interdisant de pécher ... ». Cette loi
montre à l’homme la voie à suivre pour pratiquer le bien et atteindre sa fin. Elle énonce les
préceptes premiers et essentiels qui régissent la vie morale et a pour pivot l’aspiration et la
soumission à Dieu, source et juge de tout bien, ainsi que le sens d’autrui comme égal à soi-
même. Elle est exposée en ses principaux préceptes dans le Décalogue. Cette loi est dite
naturelle non pas en référence à la nature des êtres irrationnels, mais parce que la raison qui
l’édicte appartient en propre à la nature humaine9.
Elle a deux principales propriétés : l’universalité et immuabilité et éternelle. Elle est
universelle parce qu’elle est Présente dans le cœur de chaque homme et qu’en ses préceptes et
son autorité s’étend à tous les hommes. Ainsi Elle exprime la dignité de la personne et
détermine la base de ses droits et de ses devoirs fondamentaux. Même si son application varie
et s’adapte à la multiplicité des conditions de vie, selon les lieux, les époques, et les
circonstances. Néanmoins, dans la diversité des cultures, elle demeure comme une règle
reliant entre eux les hommes et leur imposant, au-delà des différences inévitables, des
principes communs. La loi naturelle est immuable et permanente parce qu’à travers les
variations de l’histoire, elle subsiste sous le flux des idées et des mœurs et en soutient le
progrès. Les règles qui l’expriment demeurent substantiellement valables au point que, même
si on renie jusqu’à ses principes, on ne peut pas la détruire ni l’enlever du cœur de l’homme.
Toujours elle ressurgit dans la vie des individus et des sociétés. C’est dans ce sens que saint
Augustin disait : « Le vol est assurément puni par ta loi, Seigneur, et par la loi qui est écrite
dans le cœur de l’homme et que l’iniquité elle-même n’efface pas » (S. Augustin, conf. 2, 4,
9). Elle possède enfin une valeur objective car, elle est imprimée par Dieu dans les hommes et
elle ne dépend pas de nos propres idées ou des avis subjectifs10.
En lisant ce document, on comprend très bien que la Loi naturelle est une démarche et
humanisation de la personne. Car, en tant qu’Œuvre très bonne du Créateur, la loi naturelle
fournit les fondements solides sur lesquels l’homme peut construire l’édifice des règles
morales qui guideront ses choix. Elle pose aussi la base morale indispensable pour
l’édification de la communauté des hommes. Elle procure enfin la base nécessaire à la loi
civile qui se rattache à elle, soit par une réflexion qui tire les conclusions de ses principes, soit
par des additions de nature positive et juridique. Les préceptes de la loi naturelle ne sont pas

9
Cf. CEC 1954-1955
10
Ibid.1956-1958
perçus par tous d’une manière claire et immédiate. La loi naturelle procure à la Loi révélée et
à la grâce une assise préparée par Dieu et accordée à l’œuvre de l’Esprit11.
Dans ce même angle, la commission théologique internationale élabore ainsi la
doctrine de la loi naturelle. En fixant l’objectif de ce document, elle montre l’importance de la
loi naturelle qui affirme en substance que les personnes et les communautés humaines sont
capables, à la lumière de la raison, de discerner les orientations fondamentales d’un agir moral
conforme à la nature même du sujet humain et de les exprimer de façon normative sous forme
de préceptes ou commandements. Ces préceptes fondamentaux, objectifs et universels, ont
vocation à fonder et à inspirer l’ensemble des déterminations morales, juridiques et politiques
qui régissent la vie des hommes et des sociétés. Ils en constituent une instance critique
permanente et garantissent la dignité de la personne humaine face aux fluctuations des
idéologies. C’est pourquoi, parce que fondée sur la raison commune à tous les hommes, la loi
naturelle est ici considérée comme la base de la collaboration entre tous les hommes de bonne
volonté quelles que soient leurs convictions religieuses 12. On y insiste aussi davantage sur le
fait que l’expression des exigences de la loi naturelle est inséparable de l’effort de toute la
communauté humaine pour dépasser les tendances égoïstes et partisanes et développer une
approche globale de l’« écologie des valeurs », sans laquelle la vie humaine risque de perdre
son intégrité et son sens de responsabilité, pour le bien de tous13.
Les préceptes de la loi naturelle.

Pour bien démontrer que la loi naturelle est effectivement cette démarche vers
l’humanisation de la personne, ce document identifie chez la personne humaine quatre
préceptes de la loi naturelle qu’il appelle inclinations : la première inclination, qu’elle partage
avec tous les êtres : l’inclination à conserver et à développer son existence. le précepte de
protéger sa vie. Sous cet énoncé relatif à la conservation de la vie se profilent des inclinations
vers tout ce qui contribue, d’une manière propre à l’homme, au maintien et à la qualité de la
vie biologique ; La deuxième inclination, qui est commune à tous les vivants, concerne la
survie de l’espèce qui se réalise par la procréation. Le dynamisme vers la procréation est
intrinsèquement lié à l’inclination naturelle qui porte l’homme vers la femme et la femme vers
l’homme, donnée universelle reconnue dans toutes les sociétés. Il en est de même pour
l’inclination à prendre soin des enfants et à les éduquer. Ces inclinations impliquent que la
permanence du couple de l’homme et de la femme, voire même leur fidélité mutuelle, sont

11
IBID. 1959-1960
12
Cf. CTI, 9
13
IBID, 11
déjà des valeurs à poursuivre, même si elles ne pourront s’épanouir pleinement que dans
l’ordre spirituel de la communion interpersonnelle. Le troisième ensemble d’inclinations est
spécifique à l’être humain comme être spirituel, doté de raison, capable de connaître la vérité,
d’entrer en dialogue avec les autres et de nouer des relations d’amitié l’inclination à vivre en
société vient d’abord de ce que l’être humain a besoin des autres pour surmonter ses limites
individuelles intrinsèques et atteindre sa maturité dans différents domaines de son existence14.

3. NECESSITE ET PRECAUTIONS DANS SON INTERPRETATION


HISTORIQUE
Dans ce point, il nous plus utile de nous référer au document de la CTI du fait qu’il
rappelle quelques jalons essentiels du développement historique de l’idée de loi naturelle et
mentionne certaines interprétations modernes qui sont partiellement à l’origine des difficultés
qu’on ressent actuellement face à cette notion15. En effet, au n°10, ce document déclare claire
que l’expression de « loi naturelle » est source de nombreux malentendus dans le contexte
actuel et cela à cause de bien des conceptions et interprétations qu’on en fait. D’où, la
nécessité pour l’Eglise de produire ce document dans le but de présenter sa vraie
interprétation surtout dans le contexte actuel où se font des tentatives de trouver une éthique
universelle16.
Toutefois, l’enseignement sur la loi nature n’est pas le monopole de seul christiasme
car, étant universelle et immuable, elle existe déjà et aussi dans toutes les anciennes religions
ou philosophies comme bouddhisme, indouisme, taoïsme, musulmane… et toutes les cultures
et système politiques du monde et de tout le temps17.
L’interprétation de cette loi a évoluée avec l’histoire de l’humanité et de la philosophie
gréco-romaine surtout, depuis qu’Antigone s’est opposée à la Loi positive de Créon en faveur
de la loi nature en enterrant son frère. Ainsi, Platon et Aristote vont opposer le droit naturelle
qui oblige tout le monde, toujours et partout (parce qu’il est pour Platon un droit idéal, une
norme pour les législateurs et les citoyens, une règle qui permet de fonder et d’évaluer les lois
positives et pour Aristote, cette norme suprême de la moralité qui correspond à la réalisation
de la forme essentielle de la nature du fait qu’est morale, ce qui est naturelle) à la Loi positive
qui n’est ni éternelle ni valide d’une manière générale et n’oblige pas tout le monde. Chez les
stoïciens, la loi naturelle deviendra l’éthique universaliste car pour eux, l’impératif est de doit
vivre selon la nature. Ce qui présuppose l’existence d’une loi éternelle, un Logos divin, qui
14
Cf. Ibid. 48-50.
15
Cf. IBID 10
16
Cf. IBID 6
17
Cf. IBID 12-17
est présente aussi bien dans le cosmos, qui imprègne de rationalité, que dans la raison
humaine18.
Dans la Bible, cette loi est vécue dans l’obéissance d’Israël à l’alliance établie par le
créateur surtout dans le décalogue, la torah et toute l’histoire du salut. On toute aussi cette loi
dans toute la littérature biblique. Mais, elle atteint son accomplissement avec la venue du
Christ dans la nouvelle alliance surtout dans l’enseignement moral du sermon sur la
montagne, explicité dans les lettres pauliniennes19.
Chez les pères de l’Eglise, La doctrine de la loi naturelle fournit une base pour
compléter la morale biblique et permet d’expliquer pourquoi les païens, indépendamment de
la révélation biblique, possèdent une conception morale positive. Ainsi, la loi naturelle
correspond à l’enseignement de la Révélation. C’est au moyen-âge qu’elle va atteindre sa
maturité et se caractérisera par quatre traits : a) tout en assumant la réflexion antérieure
païenne et chrétienne, elle sur la loi naturelle, on en fait la synthèse ; b) elle situe la loi
naturelle dans un cadre métaphysique et théologique général. La loi naturelle est comprise
comme une participation de la créature raisonnable à la loi divine éternelle, grâce à laquelle
elle entre de façon consciente et libre dans les desseins de la Providence ; c) considère l’ordre
éthique et politique comme un ordre rationnel, œuvre de l’intelligence humaine ; d) constitue
un point de référence et un critère à la lumière duquel ils évaluent la légitimité des lois
positives et des coutumes particulières20.
Le modèle rationaliste moderne de la loi naturelle se caractérise : (1) par la croyance
essentialiste en une nature humaine immuable et an-historique, dont la raison peut
parfaitement saisir la définition et les propriétés essentielles ; (2) par la mise entre parenthèses
de la situation concrète des personnes humaines dans l’histoire du salut, marquée par le péché
et la grâce, dont l’influence sur la connaissance et la pratique de la loi naturelle est pourtant
décisive ; (3) par l’idée qu’il est possible à la raison de déduire a priori les préceptes de la loi
naturelle à partir de la définition de l’essence de l’homme ; (4) par l’extension maximale
donnée aux préceptes ainsi déduits, de sorte que la loi naturelle apparaît comme un code de
lois toutes faites qui règle la quasi-totalité des comportements21
4. LA LOI NATURELLE DANS LE MAGISTERE DE L’EGLISE

18
18-21.
19
22-23
20
26-27
21
Cf. IBID., 33
Avant de finir, il est important de savoir comment le magistère de l’Eglise comprend
la loi naturelle, dans quelle circonstance la défend-t-il. Le document de la CTI 22 nous donne
un excellent résumé à ce sujet :
Avant le XIIIe siècle, la loi naturelle était généralement assimilée à la morale
chrétienne. le début du décret de Gratien, en fournit un exemple : « La loi naturelle est ce qui
est contenu dans la Loi et l’Évangile. » Mais, à partir du XIXe siècle avec la monté du
sécularisme, le magistère de l’Église fut amené explicitement à faire appel à la notion de loi
naturelle non seulement à résoudre des discussions morales particulières mais aussi à justifier
sa position. Ainsi, le pape Léon XIII l’encyclique Libertas praestantissimum (1888) fut le
premier dans ce sens. Il se réfère à la loi naturelle pour identifier la source de l’autorité civile
et en fixer les limites. Il rappelle avec force qu’il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes
quand les autorités civiles commandent ou reconnaissent quelque chose qui est contraire à la
loi divine ou à la loi naturelle. Il y recourt encore pour protéger la propriété privée contre le
socialisme ou pour défendre le droit des travailleurs à se procurer par leur travail ce qui est
nécessaire à l’entretien de leur vie.
Dans cette même ligne, Jean XXIII s’y réfère pour fonder les droits et devoirs de
l’homme (encyclique Pacem in terris, 1963). Avec Pie XI (encyclique Casti Connubii, 1930)
et Paul VI (encyclique Humanae vitae, 1968), la loi naturelle se révèle un critère décisif dans
les questions relatives à la morale conjugale. Certes, la loi naturelle est de droit accessible à la
raison humaine commune aux croyants et aux incroyants et l’Église n’en a pas l’exclusivité,
mais, comme la Révélation assume les exigences de la loi naturelle, le magistère de l’Église
en est constitué le garant et l’interprète. Le Catéchisme de l’Église catholique (1992) et
l’encyclique Veritatis splendor (1993) accordent ainsi une place déterminante à la loi
naturelle dans l’exposé de la morale chrétienne
Aujourd’hui, l’Église catholique invoque la loi naturelle dans quatre contextes
principaux. En premier lieu, face à la montée d’une culture qui limite la rationalité aux
sciences dures et abandonne au relativisme la vie morale, elle insiste sur la capacité naturelle
qu’ont les hommes à saisir par leur raison « le message éthique contenu dans l’être» et à
connaître dans leurs grandes lignes les normes fondamentales d’un agir juste conforme à leur
nature et à leur dignité. En deuxième lieu, face à l’individualisme relativiste qui considère que
chaque individu est source de ses propres valeurs et que la société résulte d’un pur contrat
passé entre des individus qui choisissent d’en constituer par eux-mêmes toutes les normes,

22
Cf. IBID.34-36.
elle rappelle le caractère non conventionnel mais naturel et objectif des normes fondamentales
qui régissent la vie sociale et politique.
En troisième lieu, face à un laïcisme agressif qui veut exclure les croyants du débat
public, l’Église fait valoir que les interventions des chrétiens dans la vie publique, sur des
sujets qui touchent la loi naturelle (défense des droits des opprimés, justice dans les relations
internationales, défense de la vie et de la famille, liberté religieuse et liberté d’éducation…),
ne sont pas de soi de nature confessionnelle mais relèvent du souci que chaque citoyen doit
avoir pour le bien commun de la société. En quatrième lieu, face aux menaces d’abus de
pouvoir, voire de totalitarisme, que recèle le positivisme juridique et que véhiculent certaines
idéologies, l’Église rappelle que les lois civiles n’obligent pas en conscience lorsqu’elles sont
en contradiction avec la loi naturelle et elle prône la reconnaissance du droit à l’objection de
conscience ainsi que le devoir de désobéissance au nom de l’obéissance à une loi plus
haute[54]. La référence à la loi naturelle, loin d’engendrer le conformisme, garantit la liberté
personnelle et plaide en faveur des délaissés et de ceux qu’oppriment des structures sociales
oublieuses du bien commun
En somme, disons que la loi naturelle est considérée comme étant infuse dans le cœur
et la raison de la personne même. Elle a comme caractéristiques principales l’éternité,
immuabilité, universalité. Elle est le principe qui inspire et juge les autres lois. Elle est
considérée par l’Eglise comme une composante de la loi morale, la loi divine dans l’homme.
Elle a inspiré son enseignement morale depuis les pères et surtout depuis le XIXe siècle. Dans
cette perspective, le renouveau du catholicisme romain par Vatican II entraîne également une
révolution dans la compréhension de la loi naturelle par rapport à l’ancienne approche qui
mettait l’accent presque exclusivement sur la dimension métaphysique, c'est-à-dire sur la
raison (nature) humaine et la création comme sources de sagesse morale et de connaissance.
Sans abandonner cet accent traditionnel sur la raison et la création, le concile les
intègre dans une approche personnaliste plus large, qui reconnaît la présence du péché et
le rôle de la grâce. L’éthique théologique trouve donc son principe dans la foi ; et la loi
naturelle doit se comprendre à lumière de la foi, comme étant vraiment la norme de vie de
l’homme à qui le mystère du Christ et du salut a été révélé 23. Ici se pose alors la question de
savoir comment cet enseignement s’est développé dans l’enseignement de l’Église après le
concile.

23
Cf. É. GAZIAUX, Morale de la foi et morale autonome, p. 183.
THESE 29 (MORALE) : LES PROBLEMES MORAUX QUI CONCERNENT LE
DEBUT DE LA VIE. FECONDITE HUMAINE ET PROBLEME DE STERILITE.
PROCREATION MEDICALEMENT ASSISTEE : TYPOLOGIE, DEFINITIONS,
CRITERE DE L’ARGUMENTATION ‘ARTIFICIELLE’ ET EVALUATION
MORALE DIFFERENCIEE AVEC REFERENCE AU MAGISTERE DE L’EGLISE.

1. LES PROBLEMES MORAUX QUI CONCERNENT LE DEBUT DE LA VIE


Une question aussi veille se pose  à chaque homme: A quand commence la vie ? Nous
savons tous que la vie comme à la conception. C’est justement lorsque l’ovule est fécondé.
C’est après qu’il y ait nidation de l’œuf fécondé dans l’utérus pour le développement normal.
Parler de la question du début de la vie, c’est évoquer les grands problèmes qui troublent la
vie à son début. Ces problèmes sont :
a) La contraception : c’est le fait d’empêcher la nidation. C’est le refus d’être ouvert à la vie.
C’est le fait d’empêcher les relations sexuelles d’aboutir à la conception. La contraception
c’est l’action ou moyen technique utilisé pour rendre les rapports sexuels inféconds. Les
méthodes contraceptives empêchent la conception après un acte sexuel.
b) avortement : c’est la perte d’un embryon ou d’un fœtus lors d’une grossesse. Il peut être
spontané, c’est-à-dire se produire sans avoir été recherché. Il peut être de convenance, c’est-à-
dire provoqué volontairement, et là on parle d’une interruption volontaire de grossesse
(I.V.G). L’avortement peut être aussi eugénique (sélectif) et thérapeutique.
Différentes formes d’avortement
a) L’avortement spontané : c’est-à-dire un avortement qui se produit sans avoir été
recherché, c’est une sorte d’accident qui se produit sans l’avoir attendu. On en regrette
beaucoup puisqu’on s’attendait à une nouvelle vie. C’est un avortement involontaire.
b) L’avortement thérapeutique : c’est quand l’opération a pour but de sauver la vie de la
mère menacée par une grossesse. On pratique donc cet avortement en cas d’une grossesse
difficile pour ne pas perdre la vie de la femme et de son enfant.
c) L’avortement de convenance : c’est un avortement provoqué pour des raisons autres que
thérapeutiques ou eugéniques. Ce sont souvent des avortements motivés par des raisons
d’ordre social ou personnel : l’enfant ne me plait pas ; l’enfant ne me convient pas pour ce
moment-ci ; je n’ai pas de quoi nourrir l’enfant. Le chômage, le viol, l’inceste, etc. sont aussi
les causes de la pratique de ce type d’avortement.
d) L’avortement eugénique ou sélectif : ce type d’avortement est pratiqué quand on constate
une quelconque malformation grave ou une maladie incurable de l’embryon. C’est le
diagnostic prénatal qui prouvera la malformation grave avant de recourir à l’avortement. Pour
cette pratique, la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi atteste qu’un diagnostic qui
atteste l’existence d’une malformation ne doit pas équivaloir à une sentence capitale (
POSITION DE L’EGLISE
En ce qui concerne ces problèmes qui touchent à la vie dès le début, l’Eglise ne cesse
de donner des orientations pour soutenir la sacralité de la vie. «  Le fruit de la génération
humaine dès le premier instant de son existence, c’est-à-dire à partir de la constitution du
zygote, exige le respect inconditionnel du à l’être humain dans sa totalité corporelle et
spirituelle. L’être humain doit être respecté et traité comme une personne dès sa conception,
donc dès ce moment on doit lui reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels en
premier lieu, le droit inviolable de tout être humain innocent à la vie » (Evangelii Vitae, n°
60). Mais aussi, Gaudium et Spes au n° 51 § 3, condamne l’avortement en montrant que
l’avortement et l’infanticide sont des crimes abominables. La charte des droits de la famille de
1983 souligne : « La vie humaine doit être absolument respectée et protégée dès le moment de
sa conception... Le respect de la dignité de l’être humain exclut toute manipulation
expérimentales ou exploitation de l’embryon humain » (art. 4). Beaucoup d’autres documents
magistériels parle de la sacralité de la vie dès la conception comme Dignitas Personae sur
certaines questions bioéthiques. C’est un document de la sacrée congrégation pour la doctrine
de la foi, document qui date de 2008. Donum Vitae (1987), de la même congrégation insiste
sur la vie humaine.
Est exclue également toute action qui, soit en prévision de l'acte conjugal, soit dans
son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait
comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation.24
Toute vie humaine dès la conception jusqu’à la mort, est sacrée parce que la personne
humaine a été voulue par elle-même à l’image et à la ressemblance du Dieu vivant et saint. 25
L’avortement direct, c’est-à-dire voulu comme une fin ou comme un moyen, est une pratique
infâme gravement contraire à la loi morale. L’Eglise sanctionne d’une peine canonique
d’excommunication ce délit contre la vie humaine.26 Et, puisqu’il doit être traité comme une
personne dès sa conception, l’embryon doit être défendu dans son intégrité, soigné et guéri
comme tout autre être humain.27
2. Fécondité humaine et problème de stérilité.

24
Paul VI, Lettre encyclique Humanae Vitae (25 Juillet 1968), n° 14.
25
C.E.C 2319.
26
C.E.C 2322.
27
C.E.C 2323.
La stérilité est une incapacité de concevoir naturellement, de porter ou d'accoucher un
enfant. Une série de questions se posent à chacun de nous : d’où vient alors la
stérilité humaine ; quelles en sont les causes ? Comment y remédier ?
Causes directes de stérilité :
Chez la femme : Beaucoup de femmes souffrent de stérilité selon les statistiques faites par les
experts. Le premier problème étant lié à l'ovaire et à l'ovulation ; on observe aussi un mauvais
captage des ovules par les pavillons ovariens lors de l'ovulation, un arrêt des divisions de
l'embryon, l'incapacité de produire un ovule sain (pas d'ovulation) ; une mauvaise
conformation des trompes ; l'incapacité de mener à terme une grossesse due à des problèmes
hormonaux ou de conformation de l'utérus.
Chez l’homme : chez l’homme, il y a plusieurs causes dont la faible production de
spermatozoïdes, l’absence de spermatozoïdes, les spermatozoïdes morts. Soulignons que la
difficulté pour le spermatozoïde à se fixer ou à pénétrer dans l'ovule au moment de la
fécondation semble un phénomène de plus en plus fréquent. Chez d’autres, des
spermatozoïdes mal formés (sans tête, immobiles,). Nous ne pouvons pas oublier aussi
certaines anomalies testiculaires (les testicules ne produisent pas correctement les
spermatozoïdes, malformations testiculaires).
Stérilité dans le couple
Le corps médical considère généralement un couple comme stérile quand, après 2 ans
de rapports sexuels réguliers, ce couple n'a pas d’enfant. Le problème peut venir de
l’infertilité masculine seulement, ou de la femme seulement, ou des deux personnes. Certains
couples n’arrivent pas à la pénétration, pour des problèmes psychologiques : vaginisme chez
la femme, impossibilité psychologique chez l’homme. Dans plusieurs cas, les couples stériles
divorcent plus que les couples avec enfants.
Remède médical à la stérilité : recourir à la PMA qu’on va traiter dans le troisième point de
notre thèse.
3. PROCREATION MEDICALEMENT ASSISTEE : TYPOLOGIE, DEFINITIONS,
CRITERE DE L’ARGUMENTATION ARTIFICIELLE ET EVALUATION MORALE
DIFFERENCIEE AVEC REFERENCE AU MAGISTERE DE L’EGLISE.
Par procréation médicalement assistée on entend les diverses procédures techniques
destinées à obtenir une conception humaine d’une manière autre que par l’union sexuelle de
l'homme et de la femme. Il s’agit de la fécondation d’un ovule en éprouvette (fécondation in
vitro=F.I.V) et de l’insémination artificielle moyennant transfert, dans les organes génitaux de
la femme, du sperme précédemment recueilli.
Typologie et définitions des pratiques de PMA
a) INSEMINATION ARTIFICIELLE HOMOLOGUE (I.A.C) Insémination Artificielle
avec sperme du Conjoint : c’est lorsqu’on fait recours au sperme du mari. Cette technique est
destinée à obtenir une conception humaine par le transfert dans les organes génitaux d'une
femme mariée du sperme de son mari précédemment recueilli. Elle se passe dans le couple.
Cette insémination a pour but de secourir le couple en cas de quasi stérilité masculine.
B) INSEMINATION ARTIFICIELLE HETEROLOGUE (I.A.D): technique destinée à
obtenir une conception humaine par le transfert dans les organes génitaux de la femme du
sperme précédemment recueilli sur un donneur autre que le mari.
Ceux qui soutiennent la pratique des inséminations artificielles visent à lutter contre la
stérilité masculine qui peut être absolue ou partielle. La stérilité absolue c’est quand l’homme
souffre de l’azoospermie (absence de spermes). La stérilité partielle c’est quand les spermes
manquent de puissance ou de force pour pénétrer et féconder l’ovule.
Face à ces deux stérilités concernant l’homme, la médecine recommande :
- L’IAC : quand la stérilité est partielle.
- L’IAD : quand la stérilité est absolue.
En tout cas, la cause qui exige cette intervention, le plus souvent, il s’agit des spermes
pauvres en spermatozoïdes, ou avec des spermatozoïdes peu mobiles.

LA POSITION DE L’EGLISE
FECONDATION ARTIFICIELLE HOMOLOGUE
Le mariage n'est pas institué en vue de la seule procréation. Mais c'est le caractère
même de l'alliance indissoluble qu'il établit entre les personnes, comme le bien des enfants,
qui requiert que l'amour mutuel des époux s'exprime lui aussi dans sa rectitude, progresse et
s'épanouisse. C'est pourquoi, même si, contrairement au vœu souvent très vif des époux, il n'y
a pas d'enfant, le mariage, comme communauté et communion de toute la vie, demeure, et il
garde sa valeur et son indissolubilité28. L’amour conjugal prime sur la fécondité.
Certes, la souffrance des époux qui ne peuvent avoir d’enfants est une souffrance que
tous doivent comprendre et apprécier comme il convient. De la part des époux, le désir d’un
enfant est naturel, il exprime la vocation à la paternité et à la maternité inscrite dans l’amour
conjugal. Ce désir peut être plus vif encore si le couple est frappé d’une stérilité qui semble
incurable. Cependant, le mariage ne confère pas aux époux un droit à avoir un enfant, mais
seulement le droit de poser les actes naturels ordonnés de soi à la procréation.
28
VATICAN II, Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps, Gaudium et Spes (7décembre
1965), 50 §3.
Toutefois la stérilité, quelles qu’en soient la cause et le pronostic, est certainement une
dure épreuve. La communauté des croyants est appelée à éclairer et à soutenir la souffrance de
ceux qui ne peuvent réaliser une légitime aspiration à la paternité et à la maternité. Les époux
qui se trouvent dans ces situations douloureuses sont appelés à y découvrir l’occasion d’une
participation particulière à la Croix du Seigneur, source de fécondité spirituelle. Les couples
stériles ne doivent pas oublier que même quand la procréation n’est pas possible, la vie
conjugale ne perd pas pour autant sa valeur. La stérilité physique peut être l’occasion pour les
époux de rendre d’autres services importants à la vie des personnes humaines, tels par
exemple que l’adoption, les formes diverses d’œuvres éducatives, l’aide à d’autres familles,
aux enfants pauvres ou handicapés.
AU SUJET DE L'INSEMINATION ARTIFICIELLE HOMOLOGUE
L’Eglise est contre toutes les formes d’insémination pour deux raisons :
a) Le moyen d’obtenir les spermatozoïdes par masturbation est un péché, dit Saint Augustin.
C’est une humiliation pour l’homme. La masturbation n’est pas pour le plaisir mais une
humiliation de l’homme dans le laboratoire.
b) Il y a rupture entre l’acte sexuel et l’acte procréateur. L’acte sexuel n’est pas mécanique
mais c’est la vie de chaque jour.
L'insémination artificielle homologue à l'intérieur du mariage ne peut être admise,
sauf dans le cas où le moyen technique ne se substitue pas à l'acte conjugal, mais apparaît
comme une facilité et une aide pour que celui-ci rejoigne sa fin naturelle. 29
L'enseignement du Magistère à ce sujet a déjà été explicité: il n’est pas seulement
expression de circonstances historiques particulières, mais se fonde sur la doctrine de l’Église
au sujet du lien entre union conjugale et procréation, et sur la considération de la nature
personnelle de l’acte conjugal et de la procréation humaine. L'acte conjugal dans sa structure
naturelle est une action personnelle, une coopération simultanée et immédiate des époux,
laquelle, du fait même de la nature des agents et du caractère de l'acte, est l'expression du don
réciproque qui, selon la parole de l'Écriture, réalise l'union en une seule chair. Pour autant, la
conscience morale ne proscrit pas nécessairement l'emploi de certains moyens artificiels
destinés uniquement soit à faciliter l'acte naturel, soit à faire atteindre sa fin à l'acte naturel
normalement accompli. Si le moyen technique facilite l'acte conjugal ou l'aide à atteindre ses
objectifs naturels, il peut être moralement admis. Quand, au contraire, l'intervention se
substitue à l'acte conjugal, elle est moralement illicite.

29
CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Donum Vitae, n° II, B, 6.
L'insémination artificielle substituant l'acte conjugal est proscrite en vertu de la
dissociation volontairement opérée entre les deux significations de l'acte conjugal. La
masturbation, par laquelle on se procure habituellement le sperme, est un autre signe de cette
dissociation: même quand il est posé en vue de la procréation, le geste demeure privé de sa
signification unitive. Il lui manque la relation sexuelle requise par l'ordre moral, celle qui
réalise, dans le contexte d'un amour vrai, le sens intégral de la donation mutuelle et de la
procréation humaine.30
AU SUJET DE L'INSEMINATION ARTIFICIELLE HETEROLOGUE
c) FIVETE homologue : technique destinée à obtenir une conception humaine par la
rencontre in vitro des gamètes des époux unis en mariage.
d) FIVETE hétérologue : technique destinée à obtenir une conception humaine par la
rencontre in vitro de gamètes prélevés sur au moins un donneur autre que les époux unis par le
mariage.
Critère de l’argumentation ‘artificielle’ et évaluation morale
Ceux qui soutiennent la pratique de la fécondation in vitro visent à lutter contre les
stérilités féminines. Pour les IAD, les spermatozoïdes viennent d’ailleurs et on les insémine
dans la femme. Pour les FIV/FIVETE, on prend les spermatozoïdes de l’homme et l’ovule de
la femme (dans le couple), on les travaille dans un appareil appelé ‘vitro’ (une sorte de bocal).
Qui est le vrai père de cet enfant ? N’est-ce pas qu’il en aura trois ? (biologique, affectif et
technique ?).
POSITION DE L’EGLISE
1. Au sujet de la FIVETE homologue
Avec la fécondation homologue « in vitro », on peut se demander si elle est
moralement licite ; et la réponse à cette question est strictement dépendante des principes qui
viennent d'être rappelés. Assurément, on ne peut pas ignorer les légitimes aspirations des
époux stériles; pour certains, le recours à la FIVETE homologue semble l'unique moyen
d'obtenir un enfant sincèrement désiré: on se demande si dans ces situations, la globalité de la
vie conjugale ne suffit pas à assurer la dignité qui convient à la procréation humaine. On
reconnaît que la FIVETE ne peut certainement pas suppléer à l'absence des rapports
conjugaux et ne peut pas être préférée, vu les risques qui peuvent se produire pour l'enfant et
les désagréments de la procédure, aux actes spécifiques de l'union conjugale. Mais on se
demande également si, dans l'impossibilité de remédier autrement à la stérilité, cause de

30
C. E. C 2373.
souffrance, la fécondation homologue in vitro ne peut pas constituer une aide, sinon même
une thérapie, dont la licéité morale pourrait être admise.
La conception in vitro est le résultat de l'action technique qui préside à la fécondation;
elle n'est ni effectivement obtenue, ni positivement voulue, comme l’expression et le fruit d'un
acte spécifique de l'union conjugale. Donc dans la FIVETE homologue, même considérée
dans le contexte de rapports conjugaux effectifs, la génération de la personne humaine est
objectivement privée de sa perfection propre: celle d'être le terme et le fruit d'un acte
conjugal, dans lequel les époux peuvent devenir coopérateurs de Dieu pour le don de la vie à
une autre nouvelle personne. (Cf. Notes du cours de Bioéthique).
Ces raisons permettent de comprendre pourquoi l'acte de l'amour conjugal est
considéré dans l'enseignement de l'Église comme l'unique lieu digne de la procréation
humaine. Pour les mêmes raisons, le « simple case », c'est-à-dire une procédure de FIVETE
homologue purifiée de toute compromission avec la pratique abortive de la destruction
d'embryons et avec la masturbation, demeure une technique moralement illicite, parce qu'elle
prive la procréation humaine de la dignité qui lui est propre et connaturelle.
Certes, la FIVETE homologue n'est pas affectée de toute la négativité éthique qui se
rencontre dans la procréation extraconjugale; la famille et le mariage continuent à constituer
le cadre de la naissance et de l'éducation des enfants. Cependant, en conformité avec la
doctrine traditionnelle sur les biens du mariage et la dignité de la personne, l'Église demeure
contraire, du point de vue moral, à la fécondation homologue in vitro; celle-ci est en elle-
même illicite et opposée à la dignité de la procréation et de l'union conjugale, même quand
tout est mis en œuvre pour éviter la mort de l'embryon humain.31
Au sujet de la FIVETE hétérologue
Ici il y a un sérieux problème. L’intervention d’une tierce personne dans le couple fait
toujours problème ; le secret qui entoure cela n’est pas toujours garanti puisque l’enfant
recherchera à la longue son vrai père biologique. De toutes les façons, qui est le vrai père de
cet enfant ? N’est-ce pas qu’il a maintenant 3 pères ? (père biologique, père affectif et père
technique ; le père technique c’est le médecin qui a fait la manœuvre).
La procréation humaine doit avoir lieu dans le mariage. Tout être humain doit être
accueilli comme un don et une bénédiction de Dieu. Cependant, du point de vue moral, une
procréation vraiment responsable à l’égard de l’enfant à naître doit être le fruit du mariage.
La fécondation artificielle hétérologue lèse les droits de l’enfant, le prive de la relation filiale

31
Humanae Vitae n°16.
à ses origines parentales, et peut faire obstacle à la maturation de son identité personnelle. 32
L’enfant a droit à une conception dans et par le mariage. La procréation humaine possède en
effet des caractéristiques spécifiques en vertu de la dignité personnelle des parents et des
enfants: la procréation d'une personne nouvelle, par laquelle l'homme et la femme collaborent
avec la puissance du Créateur, devra être le fruit et le signe de la donation mutuelle et
personnelle des époux, de leur amour et de leur fidélité. La fidélité des époux, dans l'unité du
mariage, comporte le respect réciproque de leur droit à devenir père et mère seulement l'un
par l'autre33.
L'enfant a droit d'être conçu, porté, mis au monde et éduqué dans le mariage: c'est par
la référence assurée et reconnue à ses parents qu'il peut découvrir son identité et mûrir sa
propre formation humaine. Les parents trouvent dans l'enfant une confirmation et un
accomplissement de leur donation réciproque: il est l'image vivante de leur amour, le signe
permanent de leur union conjugale, la synthèse vivante et indissoluble de leur dimension
paternelle et maternelle.
En vertu de la vocation et des responsabilités sociales de la personne, le bien des
enfants et des parents contribue au bien de la société civile; la vitalité et l'équilibre de la
société demandent que les enfants viennent au monde au sein d'une famille, et que celle-ci soit
fondée sur le mariage d'une manière stable. La tradition de l'Église et la réflexion
anthropologique reconnaissent dans le mariage et dans son unité indissoluble le seul lieu
digne d'une procréation vraiment responsable.
Dans la FIVETE et l’I. A. D (l'insémination artificielle avec donneur), la conception
humaine est obtenue par la rencontre des gamètes d'au moins un donneur autre que les époux
unis dans le mariage. La fécondation artificielle hétérologue est contraire à l'unité du
mariage, à la dignité des époux, à la vocation propre des parents et au droit de l'enfant à être
conçu et mis au monde dans le mariage et par le mariage 34. Ce même document ajoute que
l’insémination hétérologue opère et manifeste une rupture entre la parenté génétique, la
parenté gestationnelle et responsabilité éducative.
Le respect de l'unité du mariage et de la fidélité conjugale exige que l'enfant soit conçu
dans le mariage; le lien entre les conjoints attribue aux époux, de manière objective et
inaliénable, le droit exclusif à ne devenir père et mère que l'un par l'autre. Le recours aux
gamètes d'une tierce personne, pour disposer du sperme ou de l'ovule, constitue une violation

32
Donum Vitae, II, 2.
33
Donum Vitae, II, 4.
34
Donum Vitae, II, 2.
de l'engagement réciproque des époux et un manquement grave à l'unité, propriété essentielle
du mariage.
La fécondation artificielle hétérologue lèse les droits de l'enfant, le prive de la relation
filiale à ses origines parentales, et peut faire obstacle à la maturation de son identité
personnelle. Elle constitue en outre une offense à la vocation commune des époux appelés à la
paternité et à la maternité; elle prive objectivement la fécondité conjugale de son unité et de
son intégrité; elle opère et manifeste une rupture entre parenté génétique, parenté «
gestationnelle » et responsabilité éducative. Cette altération des relations personnelles à
l'intérieur de la famille se répercute dans la société civile: ce qui menace l'unité et la stabilité
de la famille est source de dissensions, de désordre et d'injustices dans toute la vie sociale.
Le Pape Pie XII, condamne l’insémination artificielle hétérologue comme celle qui
intervient en dehors du mariage. Selon lui, l’immoralité de ces pratiques dérive du fait qu’une
procréation d’une nouvelle vie possède son lieu naturel uniquement dans le mariage. Sont
donc moralement illicites la fécondation d'une femme mariée par le sperme d'un donneur
autre que son mari, et la fécondation par le sperme du mari d'un ovule qui ne provient pas de
son épouse. En outre, la fécondation artificielle d'une femme non mariée, célibataire ou
veuve, quel que soit le donneur, ne peut être moralement justifiée.35
Le désir d'avoir un enfant, l'amour entre les époux qui souhaitent remédier à une
stérilité autrement insurmontable, constituent des motivations compréhensibles; mais les
intentions subjectivement bonnes ne rendent la fécondation artificielle hétérologue ni
conforme aux propriétés objectives et inaliénables du mariage, ni respectueuse des droits de
l'enfant et des époux.
Quant à la maternité de substitution (mère porteuse), elle est aussi contraire à l'unité
du mariage et à la dignité de la procréation de la personne humaine. La maternité de
substitution représente un manquement objectif aux obligations de l'amour maternel, de la
fidélité conjugale et de la maternité responsable; elle offense la dignité de l'enfant et son droit
à être conçu, porté, mis au monde et éduqué par ses propres parents; elle instaure, au
détriment des familles, une division entre les éléments physiques, psychiques et moraux qui
les constituent.

35
Pie XII, Allocution du IVe Congrès Internationale des Médecins Catholiques, 29 Septembre 1949, in DC 1054,
1949, Coll. 1349.
THESE 33 : SEXUALITE HUMAINE ET LE CHOIX DE VIE: VIE CONSACREE,
VIE MATRIMONIALE, VIE CELIBATAIRE NON CONSACREE. INTEGRATION
AUTHENTIQUE DE LA SEXUALITE: APPROCHE DIFFERENCIEE : MARIAGE
COMME CHOIX DE LA VIE IRREVOCABLE. AMOUR CONJUGAL ET
PROCREATION HUMAINE: ANTHROPOLOGIE ET EXIGENCES ETHIQUES DU
RAPPORT HETEROSEXUEL AUTHENTIQUE. PATERNITE RESPONSABLE ET
METHODE DE CONTROLE DES NAISSANCES : CLASSIFICATION,
PROBLEMES MORAUX, SOLUTIONS POSSIBLES.

1. La sexualité humaine et choix de vie:


Au cours de son histoire, l'Église catholique a développé une doctrine en matière de
sexualité, reflétée dans les encycliques Casti Connubii, Humanae Vitae ainsi que dans
l'exhortation apostolique Familiaris Consortio et les enseignement du pape Jean-Paul II sur la
théologie du corps. Cette question évolue et est précisée au cours des siècles. Elle tient en
plus une place de choix dans l’enseignement du Catéchisme de l'Église catholique (n° 2337-
2400).
La sexualité est définie comme la dimension humaine en vertu de laquelle la personne
est capable de se donner à une autre avec réciprocité ; elle est aussi la capacité psycho-
biologique qu’ont deux personnes, homme et femme, de se donner l’une à l’autre dans un
projet commun. Cette capacité se manifeste à travers le comportement sexuel.
Du point de vue charnel, la sexualité suppose l’évidence que la personne dispose d’une liberté
suffisante pour orienter, en bien ou en mal son propre comportement. On ne saurait, partant de
cette liberté, enfermer la personne humaine dans un quelconque déterminisme ou instinct
sexuel.
1.1. Classifications ou dimensions de la sexualité humaine :
On peut distinguer 4 dimensions :
La dimension procréatrice : mode par lequel la sexualité agit dans la production et la
génération de nouveaux êtres humains. Elle implique la procréation et la sexualité.
La dimension affective : elle a pour principe que l’homme et la femme sont avant tout des
personnes et, par conséquent, on ne devra pas considérer leur comportement sexuel sous
l’angle de la seule recherche du plaisir. Sexualité et affectivité ont en effet leur champ propre.
La dimension cognitive : considère que l’acte charnel entre l’homme et la femme exige qu’ils
se connaissent bien avant de s’engager par ce lien dans le don d’eux-mêmes. Plus on aime
une personne, plus on désire la connaître.
La dimension religieuse : elle établit que la capacité génitale de l’être humain
n’existerait pas sans l’intervention de celui qui l’a rendue possible, et auquel elle doit se
soumettre, à Dieu.

Pour l'Église catholique, la sexualité et le plaisir sexuel sont des aspects de l'amour
conjugal, un moyen de parfaire l'union corporelle et spirituelle entre homme et femme. Pour
respecter le plan divin et la dignité humaine, la sexualité doit être un don total dans le cadre
indissoluble du sacrement du mariage, et doit notamment rester ouverte à la procréation36.
L'Église catholique rejette donc en particulier la sexualité hors mariage (CEC, n.
2353), la contraception par des méthodes artificielles (CEC, n.2370) et les rapports
homosexuels (CEC, n.2357).
1.2. La vie consacrée
La chasteté est souvent confondue avec l'abstinence de relation sexuelle. En réalité,
dans l'approche catholique, la chasteté consiste à vivre sa sexualité d'une manière conforme à
son état de vie : les relations sexuelles dans un couple sont « chastes » quand elles traduisent
une relation authentique de ce couple.
« La chasteté signifie l'intégration réussie de la sexualité dans la personne, et par là, l'unité
intérieure de l'homme, dans son être corporel et spirituel » (CEC, n. 2337) « La vertu de la
chasteté est placée sous la mouvance de la vertu cardinale de tempérance, qui vise à
imprégner de raison les passions et les appétits de la sensibilité humaine » (CEC, n.2341).
Jean-Paul II écrivait ainsi : « Si la chasteté conjugale (et la chasteté en général) se
manifeste d'abord comme capacité de résister à la convoitise de la chair, par la suite elle se
révèle graduellement comme capacité particulière de percevoir, d'aimer et de réaliser les
significations du langage du corps qui demeurent absolument inconnues à la concupiscence
elle-même et qui enrichissent progressivement le dialogue des époux en le purifiant et en le
simplifiant en même temps ». Il nous montre également que la chasteté est condition d'un
amour vrai. Elle s'oppose à l'utilisation de l'autre comme moyen, prônée par l'utilitarisme :
« Seuls l’homme et la femme chastes sont capables d’aimer vraiment. La chasteté libère leur
relation, y compris leur relation sexuelle, de la tendance à utiliser l’autre qui est objectivement
incompatible avec la "bienveillance aimante", et ce faisant introduit dans leur relation cette
"bienveillance aimante" ». La chasteté, dans l'enseignement moral chrétien, est une vertu,
c'est-à-dire une disposition de la volonté qui lui permet d'agir facilement et avec qualité.
36
CEC, 2366.
Comme toute vertu, elle s'acquiert en se pratiquant. Le Pape précise ainsi : « La chasteté est
une vertu difficile et dont l'acquisition demande du temps ; il faut attendre ses fruits et la joie
d'aimer qu'elle doit apporter.

1.3 Le sacrement du Mariage


Dans la vision traditionnelle de l’Eglise, le sacrement du mariage, en transfigurant la
réalité terrestre, ratifie et réalise pleinement l’unité et l’indissolubilité du mariage. La grâce
propre qui découle de la participation des époux au mystère d’alliance du Christ avec l’Eglise
les unit l’un à l’autre de manière inséparable et les appelle à réaliser une alliance tout aussi
irrévocable. L’alliance du Christ avec son Eglise est par conséquent le principe et le modèle
de l’alliance unique et indissoluble des époux.
«  Seule la mort pourra séparer ce que Dieu a uni (Mt 19,9).
« De la célébration valide du mariage naît entre les conjoints un lien par sa nature perpétuel et
exclusif37. Et ainsi en découle ses effets dont : l’unité et l’indissolubilité ; avec ses propriétés,
la communion de vie et la procréation.
De cette même réalité du mariage comme « alliance dans le Seigneur « dérive
l’obligation de la fidélité réciproque. Une telle fidélité indissoluble est même le moyen
concret pour manifester et réaliser la pleine signification de l’événement de grâce du mariage.
Le ‘oui ‘ des époux dans le Seigneur est désormais admis à faire partie du ‘oui’ du Christ à
son Eglise. Il est défini par le Code comme la communauté profonde de vie et d’amour que
forme la couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur. Dieu lui-même
l’auteur du mariage38.
En bref, on pourrait résumer de façon très brève, ce large enseignement du pape ainsi :
En réponse au don de leur création commune, l’homme et la femme s’unissent l’un à l’autre
dans le don d’eux-mêmes et acceptent de transmettre ce don reçu de la vie. Ils réalisent ainsi
dans la chair l'image de Dieu, qui dans son être même est don et relation.
Cependant, le Christ, par son œuvre de Rédemption, redonne toute sa valeur et une dignité
encore plus grande au mariage humain en en faisant un sacrement de la nouvelle alliance, et
l'image de ses propres épousailles avec l'humanité.
1.4. La vie célibataire non consacrée
On utilise les termes célibat chaste et vie chaste de célibataire pour définir tout refus
de rapport génital ou sexuel prégénital. Ils impliquent également la décision d’éviter toute

37
Cf. CIC-83, Can. 1134.
38
CIC-83, can. 1055, ş1.
relation personnelle ou toute affection humaine qui pourrait s’exprimer génitalement. Il s’agit
d’une obligation pour tout célibataire consacré et pour toute personne qui se trouve dans
l’impossibilité de contracter un mariage valide.
Le chrétien qui décide de rester célibataire a, en fait, opté pour le même choix de
chasteté que le célibataire consacré. La chasteté pour l’ensemble des chrétiens signifie le refus
d’une satisfaction sexuelle par auto-érotisme ou par un comportement dévié. Elle ne signifie
pas isolement, rejet des amours ou des amitiés humaines, ni refoulement de certaines
attitudes non-génitales, liées à l’expression de sa sexualité. La chasteté demande parfois des
efforts héroïques pour affronter les aspects sombres et égocentriques de l’être intérieur.
2. L’intégration authentique de la sexualité: approche différenciée. Mariage comme
choix de la vie irrévocable.
Dans la doctrine de l'Église catholique, le mariage chrétien est un sacrement par lequel
la sexualité est intégrée dans un chemin de sainteté, où la finalité visée ne saurait être le
plaisir sexuel mais le « don sincère de soi ».
Pour l'Église catholique, la sexualité et le plaisir sexuel ne sont moralement
désordonnés que si le plaisir est recherché pour lui-même, isolé des finalités de procréation et
d'union39.
La sexualité n'est cependant positive que si elle est accomplie d'une manière qui ne
met pas d'obstacle artificiel à la reproduction, afin de demeurer un don total de chacun. Dans
la mesure où elle peut aussi conduire l'homme à s'asservir lui-même quand il la recherche
pour des fins égoïstes, la relation sexuelle doit être vécue comme un don total de soi-même :
pour atteindre la vérité de cette relation, l'être humain ne doit pas se prêter à un échange
sexuel, mais se donner entièrement dans un tel échange. De ce fait, elle considère que la
communion de deux corps ne faisant plus qu’un.
3. Amour conjugal et procréation humaine: anthropologie du rapport hétérosexuel
authentique. Paternité responsable et méthode de contrôle des naissances, problèmes
moraux, solutions possibles.
3.1. L'amour conjugal
L'amour conjugal révèle sa vraie nature et sa vraie noblesse quand on le considère
dans sa source suprême, Dieu qui est amour, " le Père de qui toute paternité tire son nom, au
ciel et sur la terre. Le mariage n'est donc pas l'effet du hasard ou un produit de l'évolution de
forces naturelles inconscientes: c'est une sage institution du Créateur pour réaliser dans
l'humanité son dessein d'amour. Par le moyen de la donation personnelle réciproque, qui leur
39
CEC, n. 2351.
est propre et exclusive, les époux tendent à la communion de leur être en vue d'un mutuel
perfectionnement personnel pour collaborer avec Dieu à la génération et à l'éducation de
nouvelles vies. De plus, pour les baptisés, le mariage revêt la dignité de signe sacramentel de
la grâce, en tant qu'il représente l'union du Christ et de l'Eglise40.
Dans cette lumière apparaissent clairement les notes et les exigences caractéristiques
de l'amour conjugal, dont il est souverainement important d'avoir une idée exacte.
C'est avant tout un amour pleinement humain, c'est-à-dire à la fois sensible et spirituel.
Ce n'est donc pas un simple transport d'instinct et de sentiment, mais aussi et surtout un acte
de la volonté libre, destiné à se maintenir et à grandir à travers les joies et les douleurs de la
vie quotidienne, de sorte que les époux deviennent un seul cœur et une seule âme et atteignent
ensemble leur perfection humaine.
C'est ensuite un amour total, c'est-à-dire une forme toute spéciale d'amitié personnelle,
par laquelle les époux partagent généreusement toutes choses, sans réserves indues ni calculs
égoïstes. Qui aime vraiment son conjoint ne l'aime pas seulement pour ce qu'il reçoit de lui,
mais pour lui-même, heureux de pouvoir l'enrichir du don de soi.
C'est encore un amour fidèle et exclusif jusqu'à la mort. C'est bien ainsi, en effet, que le
conçoivent l'époux et l'épouse le jour où ils assument librement et en pleine conscience
l'engagement du lien matrimonial. Fidélité qui peut parfois être difficile, mais qui est toujours
possible et toujours noble et méritoire, nul ne peut le nier. L'exemple de tant d'époux à travers
les siècles prouve non seulement qu'elle est conforme à la nature du mariage, mais encore
qu'elle est source de bonheur profond et durable.
C'est enfin un amour fécond, qui ne s'épuise pas dans la communion entre époux, mais
qui est destiné à se continuer en suscitant de nouvelles vies. " Le mariage et l'amour conjugal
sont ordonnés par leur nature à la procréation et à l'éducation des enfants. De fait, les enfants
sont le don le plus excellent du mariage et ils contribuent grandement au bien des parents eux-
mêmes41.
3.2. La procréation humaine
La signification de la procréation est à la fois unitive, c'est-à-dire que l'acte sexuel
renforce l'unité des conjoints et leur communion, notamment par le plaisir partagé ; et elle est
une signification procréative, c'est-à-dire que l'acte sexuel est susceptible de donner naissance
à un enfan42.

40
Cf. Paul VI, Encyclique, Hamanae vitae, n°8.
41
Paul VI, Encyclique, Hamanae vitae, n°9.
42
Paul VI, Encyclique, Hamanae vitae, n°12.
L'encyclique Humanæ Vitæ pose comme principe moral que ces deux significations ne
doivent pas être volontairement séparées, ce qui exclut de fait deux attitudes opposées :
 le refus de la signification procréative (le « sexe sans enfant ») 
Il s'agit des actes posés avant, pendant ou après l'acte sexuel dans le but de le rendre
volontairement infécond. Tel est le cas de la contraception en général (pilule, préservatif,
stérilité volontaire, etc.), dans la mesure où le couple recherche le plaisir sans assumer la
possibilité de donner la vie. En revanche, l'Église considère que les couples peuvent
légitimement avoir une relation sexuelle inféconde, par exemple dans une période non fertile
du cycle menstruel, ou en cas de ménopause, ou à la suite d'un traitement médical, du moment
que le caractère infécond n'est pas recherché en tant que tel.
 le refus de la signification unitive (« l'enfant sans le sexe »).
Il s'agit des cas où l'enfant est recherché pour lui-même, tandis que l'union sexuelle des
conjoints est refusée ou négligée. Un autre exemple est la fécondation in vitro, dans laquelle
l'enfant est conçu en-dehors de l'union physique des époux. C'est pour ce motif, entre autres,
que l'Église considère que la fécondation in vitro n'est pas moralement acceptable (la
fécondation in vitro pose aussi un autre problème moral au sujet de la destruction des
embryons surnuméraires). Ici, nous devons rappeler que l’union et procréation humaine.
Cette doctrine, plusieurs fois exposée par le Magistère, est fondée sur le lien indissoluble,
que Dieu a voulu et que l'homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux
significations de l'acte conjugal: union et procréation. En effet, par sa structure intime, l'acte
conjugal, en même temps qu'il unit profondément les époux, les rend aptes à la génération de
nouvelles vies, selon des lois inscrites dans l'être même de l'homme et de la femme. C'est en
sauvegardant ces deux aspects essentiels, union et procréation que l'acte conjugal conserve
intégralement le sens de mutuel et véritable amour et son ordination à la très haute vocation
de l'homme à la paternité. Nous pensons que les hommes de notre temps sont particulièrement
en mesure de comprendre le caractère profondément raisonnable et humain de ce principe
fondamental43.

Cependant, qui réfléchit bien devra reconnaître aussi qu'un acte d'amour mutuel qui
porterait atteinte à la disponibilité à transmettre la vie, que le Créateur a attachée à cet acte
selon des lois particulières, est en contradiction avec le dessein constitutif du mariage et avec
la volonté de l'auteur de la vie. User de ce don divin en détruisant, fût-ce partiellement, sa
signification et sa finalité, c'est contredire à la nature de l'homme comme à celle de la femme

43
Paul VI, Encyclique, Hamanae vitae, n°12.
et de leur rapport le plus intime, c'est donc contredire aussi le plan de Dieu et sa volonté. Au
contraire, user du don de l'amour conjugal en respectant les lois du processus de la génération,
c'est reconnaître que nous ne sommes pas les maîtres des sources de la vie humaine, mais
plutôt les ministres du dessein établi par le Créateur44.
Enfin, le CEC précise que la fécondité est un don, une fin du mariage, car l’amour
conjugal tend naturellement à être fécond. L’enfant ne vient pas de l’extérieur s’ajouter à
l’amour mutuel des époux ; il surgit au cœur même de ce don mutuel, dont il est un fruit et un
accomplissement45.
3.3. Anthropologie du rapport hétérosexuel authentique.
La différence homme et femme est évidemment une donnée factuelle (attestée), celle
de l'existence des mâles et des femelles. Mais, dès que l'on s'éloigne de l'évidence anatomique
pour explorer les sentiments, les comportements, les représentations de l'un ou l'autre sexe, on
s'engage sur un chemin miné. Les différences que l'on s'efforce alors de décrypter sont-elles
encore de l'ordre de la nature? Autrement dit, sont-elles fonction du conditionnement
biologique? La tendance actuelle va dans le sens d'un "constructivisme", où les thèmes liés à
la sexuation sont considérés comme des représentations culturelles. La tendance actuelle va
plutôt, au contraire, dans le sens d’un « constructivisme », où les thèmes liés à la sexuation
sont considérés comme des représentations culturelles qui n’ont rien à voir avec une
quelconque donnée naturelle.
3.4. La paternité responsable46
L'Église appelle les couples à exercer « une paternité et une maternité responsables »,
c'est-à-dire à accueillir les enfants de manière à la fois « généreuse » et « raisonnable ». Cette
responsabilité s'exerce dans chaque acte sexuel. En effet, l'Église considère que l'acte sexuel
comporte deux significations qu'il convient de ne pas séparer.
L'amour conjugal exige donc des époux une conscience de leur mission de paternité
responsable, sur laquelle, à bon droit, on insiste tant aujourd'hui, et qui doit, elle aussi, être
exactement comprise. Elle est à considérer sous divers aspects légitimes et liés entre eux47. Par
rapport aux tendances de l'instinct et des passions, la paternité responsable signifie la
nécessaire maîtrise que la raison et la volonté doivent exercer sur elles. L'amour conjugal
exige donc des époux une conscience de leur mission de " paternité responsable ", sur

44
Paul VI, Encyclique, Hamanae vitae, n°13.
45
Cf. CEC, n°2366
46
Cf. Paul VI, Encyclique, Hamanae vitae, n°10.
47
Paul VI, Encyclique, Hamanae vitae 12.
laquelle, à bon droit, on insiste tant aujourd'hui, et qui doit, elle aussi, être exactement
comprise. Elle est à considérer sous divers aspects légitimes et liés entre eux.
Par rapport aux conditions physiques, économiques, psychologiques et sociales, la
paternité responsable s'exerce soit par la détermination réfléchie et généreuse de faire grandir
une famille nombreuse, soit par la décision, prise pour de graves motifs et dans le respect de
la loi morale, d'éviter temporairement ou même pour un temps indéterminé une nouvelle
naissance.
La paternité responsable comporte encore et surtout un plus profond rapport avec
l'ordre moral objectif, établi par Dieu, et dont la conscience droite est la fidèle interprète. Un
exercice responsable de la paternité implique donc que les conjoints reconnaissent pleinement
leurs devoirs envers Dieu, envers eux-mêmes, envers la famille et envers la société, dans une
juste hiérarchie des valeurs. Dans la tâche de transmettre la vie, ils ne sont par conséquent pas
libres de procéder à leur guise, comme s'ils pouvaient déterminer de façon entièrement
autonome les voies honnêtes à suivre, mais ils doivent conformer leur conduite à l'intention
créatrice de Dieu, exprimée dans la nature même du mariage et de ses actes, et manifestée par
l'enseignement constant de l'Eglise48.
3.5. Méthode de contrôle des naissances
a. Méthodes exclusivement contraceptives
Les méthodes contraceptives visent à empêcher qu'un rapport sexuel entraîne une
grossesse. De nombreuses méthodes de contraception sont utilisées, aux caractéristiques
variables:
 les méthodes « barrières », avec le préservatif masculin, le préservatif féminin, le
spermicide, le diaphragme et la cape cervicale ;
 le dispositif intra-utérin (ou DIU ou stérilet) avec le DIU au cuivre et le DIU
hormonal ;
 la contraception hormonale féminine avec la pilule ou par implant contraceptif, par
progestatif injectable et par 'anneau vaginal ;
 les méthodes de stérilisation avec la ligature des trompes;
 certaines méthodes naturelles sont exclusivement contraceptives avec :
o le coït interrompu (ou « retrait ») ;
o l'allaitement à la demande ;
o la douche vaginale considérée inefficace.

48
Paul VI, Encyclique, Hamanae vitae, n°10.
Il existe de plus des moyens de contraception dits « d'urgence », à savoir la pilule du
lendemain, la pilule du surlendemain et le dispositif intra-utérin.
b. Méthodes se rapprochant de la contraception
L'abstinence sexuelle ou des pratiques sexuelles excluant le coït vaginal telles que la
sodomie ou la masturbation ne conduisent bien évidemment pas à une fécondation
c. Méthodes pouvant favoriser ou non la survenue d'une grossesse
Certaines méthodes naturelles peuvent être utilisées dans un objectif d'empêcher la survenue
d'une grossesse, ou au contraire de la favoriser. Ce sont celles basées sur les observations du
cycle menstruel féminin, avec la méthode des températures.
d. Méthodes favorisant exclusivement la grossesse
Plusieurs méthodes permettent de favoriser la grossesse. Ce sont :

 le traitement d'une stérilité de cause établie ;


 la stimulation ovarienne ;
 la procréation médicalement assistée avec l'insémination artificielle et la fécondation
in vitro.
Il est vrai qu’en conformité avec ces points fondamentaux de la conception humaine et
chrétienne du mariage, nous devons avouer que l’Eglise exclut comme moyen licite de
régulation des naissances :
- toute interruption directe du processus de génération déjà engagé, et surtout
l'avortement directement voulu et procuré, même pour des raisons thérapeutiques49.
- Est pareillement à exclure, comme le Magistère de l'Eglise l'a plusieurs fois déclaré,
la stérilisation directe, qu'elle soit perpétuelle ou temporaire, tant chez l'homme que chez la
femme50.
-Est exclue enfin toute action qui, soit en prévision de l'acte conjugal, soit dans son
déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait
comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation51.
3.6. La solution des problèmes moraux concernant la sexualité en général et la vie
conjugale en particulier.
Selon le pape Jean Paul II, la sexualité par laquelle l’homme et la femme se donnent
l’un à l’autre par les actes propres et exclusifs des époux, n’est pas quelque chose de purement
biologique, écrit le pape, mais elle concerne la personne humaine dans ce qu’elle a de plus

49
Cf. Pie XI, encycl. Casti Connubii, A.A.S. 22 (1930), 562-564.
50
Cf. Pie XI, Encycl. Casti Connubii, A.A.S. 22 (1930), 565.
51
Paul VI, Encyclique, Hamanae vitae, n°14.
intime. Elle ne se réalise que de façon véritablement humaine que si elle est partie intégrante
de l’amour dans lequel l’homme et la femme s’engagent entièrement l’un vis-à-vis de l’autre
jusqu’à la mort52. La donation physique totale serait un mensonge si elle n’était pas le signe et
le fruit d’une donation personnelle totale, dans laquelle toute personne, jusqu’en sa dimension
temporelle, est présente. En bref, la sexualité est montrée comme l’expression d’un don total
et donc définitif d’une personne humaine à l’autre. La vie sexuelle aujourd’hui comporte de
nombreux problèmes moraux.
 L’intégration des pulsions partielles sous le primat de la zone génitale, c’est-à-dire que
l’exercice de la sexualité implique la mise en action des organes génitaux.
 Qu’il accède à une relation avec une personne extérieure à lui. Il faut donc qu’il soit
capable d’intégrer sa vie sexuée dans la société, mais qu’il reconnaisse également le
partenaire dans sa faillibilité individuelle.
 L’union globale des courants de tendresse et de sensualité, autrement dit le sujet doit
éviter de dissocier, dans la vie sexuelle, amour ou affection et plaisir.
Le sexuel étant donné sa nature a pour mission de tendre à instituer une unité
permanente et irrévocable, unité sanctionnée par le créateur et à laquelle aspire l’amour
conjugal.
 La régulation des naissances
Il y a péché à restreindre artificiellement les naissances, parce que c’est s’arroger le droit de
dissocier la réalisation de l’union dans le mariage de ceux qui s’aiment d’une présence d’un
péché fondamental, l’irrespect envers Dieu
 L’usage des préservatifs
Le but est de fournir certaines précautions qui doivent être prises pour diminuer les risques de
transmettre ou d’acquérir une maladie sexuellement transmissible dont le VIH/Sida. Cet usage
a libéralisé la sexualité et fragilisé la morale sexuelle. Mais la seule stratégie réellement
efficace face au VIH et autres maladies vénériennes et l’abstinence ou les relations sexuelles
dans le mariage monogame et la fidélité, selon la formule centers for Disease control
d’Atlanta (USA). Telle est la position du Magistère de l’Eglise.
 L’utilisation des contraceptifs dans le mariage
L’Eglise continue obstinément à enseignement de l’illicéité morale de la
contraception. Cette dernière conduit à l’avortement or l’Eglise considère que toute
collaboration qui puisse promouvoir un tel crime est illicite (cf. GS 51). « La contraception

52
Jean Paul II, exhortation apostolique, Familiaris consortio, n.11.
prive continuellement l’acte conjugal de son ouverture à la procréation et opère par là une
dissociation volontaire de finalité du mariage » Les techniques modernes de fécondation
artificielle constituent un grave problème dans la morale sexuelle et conjugale car elle
contourne la voie naturelle de l’acte conjugale. L’Eglise condamne toutes les techniques qui
se passent de l’acte conjugal. En fait, par sa structure intime, « l’acte conjugal unissant les
époux par un lien très profond, le rend aptes à la génération de nouvelle vie, selon les lois
inscrites dans l’être même de l’homme et de la femme 
Et le CIC 83 affirme que, « le mariage est une communauté permanente entre l’homme
et la femme, ordonnée à la procréation des enfants par quelque coopération sexuelle »53
(c.1096, 1). Le canon insiste aussi sur l’union hétérosexuelle et condamne par-là
l’homosexualité.
Autres solutions de l’Eglise par rapport aux problèmes moraux
L'Église catholique veut donc refuser l'instrumentalisation de la sexualité, tant en vue
du plaisir seul qu'en vue de la procréation seule. Elle reconnaît aux couples la responsabilité
de décider si (et quand) ils veulent des enfants. Pour les périodes où ils ne souhaitent pas
concevoir d'enfant, les seules méthodes de régulation des naissances acceptées sont les
méthodes naturelles qui s'appuient la continence périodique. Dans ce cas, les couples n'ont de
relations sexuelles que pendant les périodes infertiles du cycle menstruel. Ainsi, l'Église ne
légitime pas ces méthodes naturelles en raison de leur caractère écologique (bien que ces
méthodes soient effectivement écologiques), en opposition à des méthodes qui seraient dites
« artificielles ». Elle les recommande parce qu'elles s'appuient sur la continence périodique
qui permet aux couples de rester ouvert à la procréation.
En guise de conclusion, il sied de signaler que la sexualité

53
CIC-83, Can.1096,§1.
THESE 35 : LES DROITS HUMAINS ; LE SENS DU CONCEPT ET SON HISTOIRE.
ASPECT PROBLEMETIQUE DE LA DUDH 1948. LA RECEPTION DU CONCEPT
DANS LE MAGISTERE SOCIAL DE L’EGLISE

0. INTRODUCTION

Dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique sont nombreux des numéros qui parlent des
droits humains en deux aspect : « ‘‘aspects ou droits civils et aspects ou droits religieux. Il
s’agit à titre illustratif des numéros dont pour les droits civils nous avons’’ : les ‘‘ n° 360,
1738, 1741, 1782, 1907, 1935, 1944-1945, 2211, 2221, 2229-30, 2237, 2238, 2240, 2241,
2264, 2270, 2273, 2278, 2216, 2322, 2378, 2401, 2403, 2429, 2452, 2479, 2488-89, 2494,
2508, 2512, 1909, 2265, 2308, 2310, 2321 ; et pour les droits religieux nous avons en
quelques sorte des numéros comme le n°848, 900, 1269, 2104-09, 2037 et 2122. Seul l’Eglise
essaye de défendre normalement et naturellement ses droits humains selon l’entendement des
n°2420, 2458 des droits religieux.

En effet, les droits fondamentaux tels que nous en parle le Catéchisme de l’Eglise
Catholique au n°2294 et 2375 nous montrent que la personne ou tout homme donc, a des
droits inaliénables qui sont conforme au projet et à la volonté de Dieu’’ »54. Alors l’homme
une fois ses droits sont malaisés, il a les pleins droits d’intervenir et de déclarer ses droits
d’une façon universelle. Ses droits naturels sont en effet irréprochables et réductionnels.
Cependant la question se pose : qu’est-ce que la déclaration universelle des droits de l’homme
(DUDH) ?

A travers la question posée ci-haut, l’on est ainsi invité à comprendre ce que sont les
droits humains. Connaitre ensuite la naissance du concept et son histoire. Nous chercherons
donc, à trouver les aspects problématiques de la « Déclaration universelle des droits de
l’homme de 1948 » ; ainsi comprendre comment a été la réception du concept droit humain
dans le Magistère social de l’Eglise. Toute suite, comprenons d’abord la définition, la
naissance et l’histoire du concept ‘‘ droit humain’’.

I. DÉFINITION, LA NAISSANCE ET L’HISTOIRE DU CONCEPT ‘‘ DROIT HUMAIN’’.

Adoptée à Paris (au Palais de Chaillot) par l’organisation des Nations unies le 10
décembre 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) est définie dans
54
CATÉCHISME DE L’EGLISE CATHOLIQUE, Fille de Saint-Paul, Cote d’Ivoire 2011, 802-803.
son préambule comme « un idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations
». La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) est un texte fondateur et
essentiel pour le combat en faveur des droits humains.

Adopté en 1948 par la toute jeune organisation des Nations unies, le texte représente une
avancée majeure dans l’histoire de l’humanité. Ce texte représente en effet un consensus
inédit pour définir, caractériser et encadrer les droits inhérents à toute personne humaine.

Pour une organisation mobilisée dans la défense des droits humains comme Amnesty
International, ce texte est fondateur et essentiel. La Déclaration universelle des droits de
l’homme est au cœur de notre mandat et de nos missions.

I.1. L’histoire de la DUDH, un idéal de justice et de liberté

Après la Seconde Guerre mondiale, dans la foulée de la création de l’ONU


(Organisation des Nations unies), pour la première fois dans l’histoire, la France propose aux
autres pays l’établissement des droits fondamentaux qui s’appliquent à tous les êtres humains.
La Déclaration universelle des droits de l’homme sera adoptée le 10 décembre 1948, à Paris.
Sur les 56 pays alors membres de l’ONU, 48 voteront pour, et 8 s’abstiendront (l’URSS, 5
pays socialistes, l’Afrique du Sud et l’Arabie saoudite). Trois personnages jouent un rôle
capital dans sa rédaction : Eleanor Roosevelt, veuve du président des États-Unis Franklin D.
Roosevelt, le Dr Chang, un juriste chinois et René Cassin, professeur en droit, résistant
pendant la Seconde Guerre mondiale. La forme de la déclaration sera préférée à d’autres
propositions car elle n’a pas de force contraignante pour les États. Elle a le mérite de pouvoir
être adoptée rapidement, contrairement à des conventions ou des traités qui nécessiteraient des
discussions et des négociations, sans doute longues et difficiles avec les gouvernements.

I.2. Ce que contient la déclaration

La DUDH expose l’ensemble des droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels
inhérents à toute personne humaine. Les droits civils et politiques permettent à chacune et
chacun de se défendre contre les abus des États. On y retrouve la liberté d’opinion,
d’expression, de se réunir et de manifester, de pensée, de religion, le droit des minorités,
l’interdiction des discriminations, de la torture, de l’esclavage, et le droit à la vie. La DUDH
proclame des droits économiques, sociaux et culturels qui ont pour but d’assurer à chacune et
chacun la satisfaction de ses besoins de base et des conditions favorables à son
épanouissement personnel. Ce sont les droits à l’éducation, au travail, à la sécurité sociale, à
la santé et à la formation mais aussi à la protection de la famille et des enfants. Ces droits
impliquent une intervention de l’État.

Ces droits humains sont aussi :

Inaliénables : personne ne peut être privé de ces droits, qui sont innés.

Interdépendants : tous ces droits sont liés et ont la même importance.

Universels : ils s’appliquent à tous, partout dans le monde.

I.3. La naissance et l’histoire du concept ‘‘ droit humain’’

L’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) est


l’aboutissement de diverses initiatives antérieures. L’après Seconde Guerre mondiale a sans
nul doute contribué à rendre impérative l’adoption d'un texte consacrant une vision commune
et partagée de ce que sont les droits humains. Mais ce n’était pas la première tentative.

La notion de droits de l’homme est ancienne et apparaît dans l’histoire sous des noms
divers mais sur les mêmes principes et ce dès l’Antiquité. Le Cylindre de Cyrus, proclamé par
le roi de Perse Cyrus II, après sa conquête de Babylone en 539 avant J.-C. énonce les mesures
qu’il préconise en direction des Babyloniens

Sur le continent africain au XIIe siècle, la Charte du Manden, qui se transmet par voie
orale, contient des principes d’égalité et de respect d'autrui. Elle affirme le droit à réparation
du préjudice subi et prône l’abolition de l’esclavage. La Magna Carta de 1215 pose les
fondements démocratiques de l’Angleterre et de l’Europe suivie de la Bill of Rights de 1689
qui met la loi au-dessus du roi.

La notion de droits humains est consacrée au XVIIIe siècle avec la Déclaration


d’indépendance des États-Unis suivie de la Déclaration française des droits de l’homme et du
citoyen de 1789. Ces documents énoncent le principe selon lequel tous les humains naissent
libres et possèdent des droits de naissance. Ces droits ne sont cependant pas reconnus aux
esclaves, aux peuples indigènes et aux femmes.
Et enfin au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la communauté internationale
dénonce les atrocités commises et s’engagent au « plus jamais ça ! ». La Charte des Nations
unies de juin 1945 qui fonde l’Organisation des Nations Unies (ONU) comprend de très
nombreuses références aux droits humains, rappelant la foi des États signataires « dans les
droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans
l’égalité de droits des hommes et des femmes » et déclare vouloir « préserver les nations
futures du fléau de la guerre». La DUDH a été rédigée par des personnalités choisies par les
États membres des Nations unies de l’époque. Un comité de rédaction a été ainsi constitué
incluant des représentants de l’Australie, de la Chine, du Chili, des États-Unis, de la France,
du Liban, du Royaume-Uni et de l’Union soviétique. Certains d’entre eux ont marqué
l’histoire :

− Eleanor Roosevelt (États-Unis) : féministe engagée, épouse du Président des États-Unis


d’Amérique, Franklin D. Roosevelt, elle préside, après la mort de son mari, la commission
chargée de rédiger la DUDH. Elle a joué un rôle déterminant dans la rédaction de la DUDH
qu’elle appelle la « magna carta » de l’humanité.

− Peng-Chun Chang (Chine) : vice-président de la Commission des droits de l’homme de


l’ONU, il est dramaturge philosophe et diplomate. Seul représentant du continent asiatique et
attaché à l’universalisme, il affirmait qu’il n’existait pas « un seul type de réalité suprême et
que la Déclaration ne devait pas se faire le reflet des seules idées occidentales ». Il insistait
pour qu’il n’y ait aucune allusion à la nature et à Dieu dans la DUDH.

− René Cassin (France) : juge et diplomate, nommé représentant de la France à l’ONU, en


1946. Prix Nobel de la Paix, il a été l'un des artisans majeurs de la DUDH.

− Charles Habib Malik (Liban) : nommé rapporteur de la Commission des droits de l’homme
de l’ONU en 1946, il est souvent désigné comme la « force motrice », aux côtés d’Eleanor
Roosevelt, dans les débats et la rédaction de la DUDH.

− John Peters Humphrey (Canada) : avocat et diplomate, nommé responsable de la Division


des droits de l’homme au Secrétariat de l’ONU en 1946, il a rédigé le projet préliminaire de
400 pages qui deviendra ensuite la DUDH.

II. LES ASPECTS PROBLEMATIQUES DE LA DUDH


Les principes de la DUDH se retrouvent dans de nombreuses cultures et le texte a été
rédigé par des représentants de régions et traditions culturelles différentes. Sa spécificité est
justement de dépasser les frontières étatiques, culturelles, religieuses. Ainsi, l’universalité des
droits et libertés énoncés dans la DUDH s’applique à tous « sans distinction aucune,
notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de
toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre
situation ». Ce qu’est l’idéal renforcé par le droit international est dans le texte qui pose un
idéal. Ces textes doivent viser selon le Pape Jean Paul II : la défense des libertés et les droits
essentiels, surtout au plan civique…55

Le texte pose un cadre, un « idéal à atteindre » pour reprendre les termes du Préambule
de la Déclaration. Pour concrétiser cet idéal, un ensemble de textes de droit international ont
été successivement adoptés pour donner une force normative aux principes du texte. La
DUDH a ainsi servi de modèle à de nombreux textes et mécanismes de protection des droits
humains venant renforcer la protection des êtres humains et des populations vulnérables. Des
textes qui ont été signés ou ratifiés par la majorité des États membres de l’ONU, et qui
permettent de revendiquer ces droits et de poursuivre ceux qui ne les respectent pas. Dès
1966, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté deux textes qui reprennent le contenu
de la DUDH : le Pacte des droits civils et politiques et le Pacte des droits économiques,
sociaux et culturels. Entrés en vigueur en 1976, ces deux pactes et leurs protocoles facultatifs
constituent avec la DUDH « la Charte internationale des droits de l’homme ».

Les autres principaux textes au niveau international sont:

− Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948) ;

− Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale


(1966) ;

− Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid (1973) ;

− Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
(1979) ;

55
Les droits de l’homme en Europe. Allocution aux membres de la commission et de la Cour européennes ce 12
décembre 1983. C’est en fait, le 04 novembre 1950 que la Convention européenne des Droits de l’homme a été
signée à Rome.
− Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
(1984) ;

− Convention relative aux droits de l’enfant (1989) ;

− Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des
membres de leur famille (1990) ;

− Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006) ;

− Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions
forcées (2006).

Et au niveau régional :

− Convention européenne des droits de l’homme (CEDH, 1950) ;

− Convention américaine relative aux droits de l’homme (1969) ;

− Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981) ;

Mais de tout cela, la question se pose : Dès 1948 à aujourd’hui, quelles avancées de ces droits
de l’homme?

III. L’ACTUALITÉ DE LA DUDH

Le monde a considérablement changé depuis l’adoption de la DUDH en 1948. Les


bouleversements géopolitiques ont modifié les équilibres mondiaux. Les Nations unies sont
passées de 50 à 192 États membres qui par principe adhèrent à la Charte des Nations unies et
à une série d’autres textes.

Pour autant, les violations des droits humains sont multiples et de très nombreuses
personnes ne jouissent toujours pas des droits et libertés inscrits dans la DUDH. Ces graves
manquements sont imputables aux États et aux décideurs qui ne respectent pas les
engagements pris en 1948 et inscrits dans la DUDH.

La DUDH a pourtant permis de nombreuses avancées et progrès en termes de garantie


de protection des droits humains, ne serait-ce qu'en inspirant des textes de droit international.
Ce corpus juridique a permis de réelles avancées dans de nombreux domaines. Le combat
contre le recours à la peine de mort est devenu universel avec plus de 100 pays qui ont adopté
un moratoire sur la peine capitale dans le monde.

De nombreux mécanismes de mise en cause de la responsabilité pénale individuelle


pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité ont été institués, ce qui est inédit : la Cour
pénale internationale (CPI) mais aussi les poursuites judiciaires au niveau national qui ont
permis, par exemple, le premier verdict à l’encontre d’un chef d’État africain, Hissène Habré
par des juridictions sénégalaises, au nom de l’humanité.

L’avenir des droits humains n’est plus seulement dans les mains des dirigeants du
monde mais dépend aussi d’acteurs non étatiques et en premier lieu les entreprises. Il n’est
plus acceptable que les entreprises continuent à être complices de crimes en toute impunité.
Les atteintes aux biens communs, à l’environnement et aux droits humains doivent être
dénoncées, et les victimes doivent avoir accès à une justice indépendante et impartiale sans
risquer des représailles. La responsabilité des entreprises sera donc l’un des enjeux majeurs
dans les années à venir.

La protection des défenseures et défenseurs des droits humains, des lanceurs d’alerte et
de tous ceux qui luttent pour le respect des droits humains seront au cœur des préoccupations,
tant la pression est forte aujourd’hui de museler leur parole. La question de la surveillance de
masse, des atteintes aux institutions démocratiques et à la vie privée continuera à être une
problématique majeure, tout comme l’impact des lois sécuritaires prises au nom de la lutte
contre le terrorisme qui continuera à exacerber les divisions et à créer des discriminations au
sein de communautés déjà vulnérables ou affaiblies.

IV. LA COMPREHENSION DES DROITS DE L’HOMME ET LA VIE


D’ENSEMBLE SELON L’EGLISE CATHOLIQUE56

En la fin d’année 2018, on célèbre les 70 ans de la Déclaration universelle des Droits
de l’Homme. Même si ce texte capital semble aujourd’hui faire écho au message de l’Église,
cela n’a pas toujours été aussi simple. Il a fallu de longues années d’enseignement social de
l’Église catholique et les apports du concile Vatican II pour y arriver. « déjà l’Eglise reconnait
dans la Convention actuelle des éléments fondamentaux de la dignité humaine à sauvegarder ;
c’est d’abord le droit à la vie, exprimé à l’article 2, qui est inhérent à toute personne humaine,

56
Le Pape Jean-Paul II avait tenu une allocution aux membres de la commission et de la Cour européennes sur
les droits de l’homme en Europe. Ici il a parlé des Droits de l’homme en Europe; cfr. www.vivre-ensemble.be
inaliénable, et qui demande donc à être protégé par la loi, depuis le commencement de la vie
humaine, dès la conception, jusqu’à la fin57.

La Déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH) a été adoptée par


l’Assemblée générale des Nations unies à Paris le 10 décembre 1948, soit moins de trois ans
après la fin de la guerre 1939-1945 et un an après l’accession à l’indépendance de l’Inde
préfigurant le processus de décolonisation de l’Afrique et de l’Asie. Un symbole fort pour
l’avenir d’un monde à peine sorti de la Deuxième Guerre mondiale et de la Shoah. Septante
ans après l’adoption de la DUDH, il faut constater que son caractère universel a fait et fait
encore l’objet d’âpres discussions. L'avocat français Guy Aurenchei a écrit dans son livre Le
souffle d'une vie58 que « si la Déclaration dit d’elle-même qu'elle est universelle, les principes
et les droits proclamés par ses différents articles doivent pouvoir s'enraciner dans la
multiplicité des cultures et même des religions du monde. » Et, ayant cité le cas de l'excision
des femmes africaines et celui du placement de personnes âgées d’Europe en institutions, il
ajoute : « Sur la base d’un texte commun, l’Africain interpellé par l’Européen a examiné ses
coutumes et il a, à son tour, invité l’Européen à revoir ses pratiques sociales. »

Aussi, Guy Aurenche considère la Déclaration comme une révolution, ainsi que les
pactes et conventions qui l’ont prolongée. En tant qu’avocat et chrétien, il a aussi noté que ce
document majeur pour l’Humanité affirme que « les peuples du monde entier ont proclamé
leur foi en la valeur et la dignité de la personne humaine », tout en ajoutant que « peu de
textes juridiques parlent de foi » et que « cela témoigne d’un texte porté par un souffle. »
Chose que l’Église catholique a mis bien du temps à reconnaître !

La longue élaboration de l’enseignement social de l’Église outre son histoire


mouvementée et ses infidélités au message des Évangiles, y compris en matière de respect des
personnes et de leurs droits, l’Église catholique a longtemps connu une relation conflictuelle
avec les droits humains. On peut même dire que l’essor du courant des Droits de l’Homme
s'est longtemps fait sans elle. Et pourtant, les premiers textes anglais en la matière, datant du
XIIIe siècle, entendaient défendre l’autonomie des seigneurs et de l’Église face à la Couronne.
Mais les responsables de l’Église catholique ont longtemps eu la conviction qu'accorder à
l’Homme ses droits signifiait retirer à Dieu les siens et, que devant Dieu, les humains
n’avaient que des devoirs. D’où leur méfiance, pour ne pas dire plus, par rapport à des textes

57
Jean-Paul II, « Les Droits de l’homme en Europe. Allocution aux membres de la Cour européennes », in DC 5
février 1984, n° 1867, 147.
58
GUY AURENCHE, Le souffle d’une vie, Paris, Albin Michel, 2011, 54.
comme la Déclaration d’indépendance américaine de 1776 et la Déclaration des Droits de
l’Homme et du citoyen de la Révolution française de 1789.

Il convient de relever aussi combien longue a été l’élaboration de la doctrine sociale


(ou enseignement social) de l’Église catholique. Bien des auteurs la font remonter à
l’encyclique Rerum Novarum (Des choses nouvelles), du pape Léon XIII. Celle-ci date de
1891 et reconnaît notamment la légitimité des associations ouvrières. D’autres encycliques et
messages pontificaux suivront à l’occasion des différents anniversaires de Rerum Novarum.

Il faudra toutefois attendre Jean XXIII pour que l’Église catholique voie dans les droits
humains une « acquisition capitale de l’humanité moderne »iii 59
via l’encyclique Pacem in
Terris (1963) et le concile Vatican II (1965). Dans Pacem in Terris, Jean XXIII affirme : « Le
fondement de toute société bien ordonnée et féconde, c’est le principe que tout être humain
est une personne, c’est-à-dire une nature douée d'intelligence et de volonté libre. Par là même,
il est sujet de droits et de devoirs, découlant les uns et les autres, ensemble et immédiatement,
de sa nature : aussi sont-ils universels, inviolables, inaliénables 60.» Il y a donc là la
reconnaissance du caractère universel de ces droits et devoirs.

Jean XXIII consacre également un chapitre de cette encyclique aux droits : droit à
l'existence et à un revenu décent, droits relatifs aux valeurs morales et culturelles, droit
d'honorer Dieu selon la juste exigence de la conscience, droit à la liberté dans le choix d'un
état de vie, droit relatif au monde économique, droit de réunion et d’association, droit
d'émigration et d’immigration, ainsi que droit d’ordre civique. Et Jean XXIII souhaitera que
l’ONU soit actrice dans le développement d’une gouvernance mondiale.

À la suite de Jean XXIII

En 1967, dans le prolongement de Pacem in Terris de Jean XXIII et de Vatican II,


Paul VI publie à son tour l’« encyclique sur le développement des peuples », Populorum
Progressio61, dans laquelle il parle du développement de l’Homme, de tout l’Homme et de
59
JEAN-MARIE FAUX, Que pensé de... l'enseignement social de l'Église ?, Namur, Éditions jésuites, 2018,23.

60
Pacem in Terris, lettre encyclique de Jean XXIII, Rome, 1963, chapitre I,9 : http://w2.vatican.va/content/john-
xxiii/fr/encyclicals/documents/hf_jxxiii_enc_11041963_pacem.html

61
http://w2.vatican.va/content/paul-vi/fr/encyclicals/documents/hf_pvi_

enc_26031967_populorum.html
tous les Hommes. De plus, Paul VI institue les commissions Justice et Paix. Depuis lors, des
encycliques et bien d’autres contributions ont enrichi l’enseignement social de l’Église
catholique. On citera, par exemple, les 2contributions des conférences générales du Conseil
des conférences épiscopales d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAM). Dès 1968, celle
tenue à Medellin en présence de Paul VI envisage la présence de l’Église catholique dans la
transformation du sous-continent à la lumière des travaux de Vatican II et en étant sur la
même longueur d’onde que les théologiens et les évêques prônant la théologie de la
libération62

Malheureusement, ces apports furent souvent longs et difficiles à lire, à répercuter et à


concrétiser au sein de ce que Vatican II a appelé le « Peuple de Dieu ». Parmi les plus récents,
on trouve le document pontifical de 2018 sur l’économie et la finance. Il y est question de
régulation des marchés, de spéculation, de crédit, de consommation, d’épargne, de fiscalité,
de dette publique et de système bancaire. Selon ce document, « Il existe de nombreux points
de convergences éthiques, expression d'une sagesse morale commune, sur l'ordre objectif de
laquelle est fondée la dignité de la personne humaine. Les droits fondamentaux et les devoirs
de l'homme reposent sur le socle solide et inviolable de cet ordre, qui décrit des principes
clairs, et sans lequel la volonté et l’abus des plus puissants finissent par dominer la scène
humaine. Cet ordre éthique, enraciné dans la sagesse de Dieu Créateur, est donc le fondement
indispensable pour construire une vraie communauté d'hommes, gouvernée par des lois
fondées sur une vraie justice63.»

Conclusion

Les laïcs aussi et le droit à la vie d’ensemble

62
MAURICE CHEZA, LUIS MARTINEZ SAAVEDRA, PIERRE SAUVAGE (dir.), Dictionnaire historique de
la théologie de la libération, Namur, Éditions jésuites, 2017.

63
Oeconomicae et pecuniariae quaestiones - Considérations pour un discernement-éthique sur certains
aspects du système économique et financier actuel, Rome, 17 mai 2018:

http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/
rc_con_cfaith_doc_20180106_oeconomicae-et-pecuniariae_fr.html
À côté des travaux théologiques, pas mal de mouvements et communautés chrétiens ou
groupes d’Église se sont efforcés de s’approprier et d’analyser, de manière plus ou moins
critique, l’enseignement social de l’Église. Ainsi, en juin 2018, à Lisbonne, le Forum
européen des laïcs xi a traité de la question des droits humains. Erik Borgman, dominicain laïc
hollandais, de l’Université de Tilburg, a présenté le fondement théologique de la DUDH en
signalant notamment que l'absence de référence à Dieu dans son article 1er avait été décidée
afin de permettre aux non-religieux et aux athées de pouvoir signer cette Déclaration. Citant
Saint Thomas d’Aquin, il a parlé du cadeau de l’unité divine reçue à travers la multiplicité et
la diversité présentes dans le monde. Et il a montré que l’Église construit le Royaume de Dieu
quand elle promeut activement les libertés humaines. Et que le pape François n’est pas en
reste quand il affirme : « Dieu vit parmi les citadins qui promeuvent la solidarité, la fraternité,
le désir du bien, de vérité, de justice.64»

Dans la déclaration finale de ce Forum on trouve encore ceci : « Nous, en tant


qu'individus ou organisations, devons répondre à la crise de l'hospitalité et du manque de
solidarités au profit de toute personne dans le besoin ou exclue de la société, en particulier les
réfugiés et toute personne se trouvant à la périphérie de la société. Nous devons susciter les
prises de consciences et oser critiquer les persécutions cachées ou ouvertes des chrétiens dans
de nombreux pays et appeler nos gouvernements à agir afin de garantir la dignité de tout être
humain. La liberté d’expression implique également que nous devons faire place pour que
chacun et chacune puisse dire ce qu'il ou elle a à dire. Ceci s'applique aussi à l'accès aux
médias et inclut le respect mutuel dans le dialogue. »

À travers Vivre Ensemble et Entraide et Fraternité C’est aussi de l’enseignement


social de l'Église que Vivre Ensemble et Entraide et Fraternité se sont notamment inspirées
pour continuer à « écrire l'histoire efficace de l'Évangile », selon les termes de leur ancien
président Michel Molitor, professeur et vice-recteur émérites de l’UCL.

Cette démarche a débuté durant les années 60 avec le lancement des Carêmes de
Partage avec les populations du Tiers-Monde, à commencer par celles d’Afrique centrale en
raison de leurs liens historiques avec la Belgique. En 1963, c’est la création de l’ONG
Entraide et Fraternité - Broederlijk Delen, laquelle restera nationale jusqu’à la fin des années
70. Avec les autres organisations catholiques de coopération au développement d'Europe et
d’Amérique du Nord, elle deviendra membre de la CIDSE (Coopération internationale pour le

64
Exhortation apostolique la joie de l’Evangile- Evangelii Nutiandi (74-72, 73, 74, 91, 92, 199, 228 et 239).
développement et la solidarité), sise à Bruxelles et dont la création aura été encouragée par le
cardinal Suenens, archevêque de Malines-Bruxelles et un des modérateurs de Vatican II.

En réponse aux interpellations de partenaires de pays du Sud, comme Dom Helder


Camara65xiv, qui fut la « voix des sans-voix », et pour « balayer devant notre propre porte »,
Entraide et Fraternité a encouragé le lancement en 1971 d'une campagne de l'Avent sous le
thème Vivre Ensemble (Welzijnszorg du côté néerlandophone) pour soutenir des actions de
lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale dans notre pays.

Toutefois, les débuts de Vivre Ensemble ne furent pas des plus aisés : le défi le plus
difficile à relever consista à rendre son action permanente, c'est-à-dire bien au-delà d'une
collecte dans les églises au cours de l’Avent, à soutenir des initiatives qui ne soient pas
nécessairement toutes d'Église et à développer des interpellations vis-à-vis des pouvoirs
publics et des citoyens, chrétiens ou non.

Or, c’est aussi en 1971 que s'est tenu à Rome un Synode sur la Justice dans le monde.
On lui doit la déclaration suivante : « L’action pour la justice et la participation à la
transformation du monde nous apparaissent comme une dimension constitutive de la
proclamation de l’Évangile qui est la mission de l’Église pour la rédemption de l'humanité et
sa libération de toute situation oppressive. »

Cette position a, depuis, régulièrement été rappelée par Vivre Ensemble et entraide et
Fraternité. On ne peut donc que se réjouir de la voir figurer en conclusion de la déclaration
Populorum Communio - la communion des peuples xv que les évêques de Belgique ont
publiée en mars 2017 pour marquer le 50e anniversaire de l’encyclique Populorum
Progressio. La Conférence épiscopale fait là référence à l’encyclique du pape François « sur
la sauvegarde de la maison commune », Laudato Si’. Il s’agit là d’une synthèse qui en rejoint
certes bien d'autres, mais qui émane de la grande personnalité morale qu’est ce pape, jésuite
de formation philosophique, théologique et scientifique. Mais il est frappant de voir que cette
encyclique contient pas mal d’apports de Conférences épiscopales de pays du Sud, dont celles
d’Amérique latine mais aussi d’Afrique du Sud et des Philippines.

D’une manière générale, depuis la destruction du Mur de Berlin en 1989, la chute de la


plupart des pays communistes et la fin de la Guerre froide, la défense des droits humains n'a
pas connu que des avancées. Au-delà des droits politiques, le développement débridé du
65
Dom Helder Camara (1909-1964), prélat Brésilien, est connu pour sa lutte contre la pauvreté. Il est l’un des
tenants de la théologie de libération. Sa béatification est en cours.
néolibéralisme a fortement enrayé la possibilité d’assurer à chacune et à chacun de pouvoir
vivre dans la dignité et dans le respect de ses droits fondamentaux.

Dans ce contexte, Vivre Ensemble a, d’année en année, mis l'accent sur la défense et la
promotion en Belgique des droits fondamentaux des habitants les plus pauvres. Ainsi, Vivre
Ensemble a contribué à « Objectif 82 » pour obtenir le droit de vote aux élections
communales pour les étrangers et a soutenu les droits des personnes ayant un handicap. Vivre
Ensemble a aussi régulièrement prôné le droit au logement. Ainsi, en 1994, 177 000 clés
furent-elles déversées devant le cabinet du ministre du Logement, Melchior Wathel et senior
(PSC).

Tandis que c’est une Commission Quart-Monde d'un ancien conseil pastoral de Namur
qui a été, avec la participation de Vivre Ensemble, à l'origine du concept des agences
immobilières sociales il y a vingt ans. Et, en ce septantième anniversaire de la DUDH, Vivre
Ensemble a une nouvelle fois choisi de mettre l'accent sur l'importance des droits humains.
Avec la collaboration des acteurs de terrain que cette association soutient et aussi de Guy
Aurenche, auteur du nouveau livre « Droits humains : n'oublions pas notre idéal commun !
»…

Quant à Entraide et Fraternité, relevons brièvement ici que, dans le cadre de l'approche
partagée avec Vivre Ensemble, cette ONG n’a cessé de mettre l'accent sur le fait que ce sont
les hommes et les femmes qui sont les premiers acteurs de leur propre développement dans les
pays du Sud. Et cela, tant dans le cadre des Carêmes de Partage qu'au-delà, comme elle le fera
encore plus spécialement au sujet des Philippines en 2019 et de Haïti en 2020. Plus que
jamais, la défense des droits humains fondamentaux peut se lire au travers de l’élaboration et
de la mise en pratique de l’enseignement social de l’Église, dans le respect tout à la fois de la
dignité humaine, de notre Terre et de la Bonne nouvelle de l’Évangile.

Vous aimerez peut-être aussi