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En règle générale, les réformes de gouvernance mises en œuvre au cours des trente

dernières années traduisent une conception libérale et financière de l’économie et de


l’entreprise. L’objectif poursuivi est clair : il s’agit de maximiser la richesse des actionnaires
en valorisant au maximum le capital investi. De là à ce que la loi du marché financier
s’impose partout, que toutes les entreprises diversifiées soient menacées en permanence de
démantèlement, et donc que la notion même de corporate strategy devienne illusoire, il n’y
a qu’un pas. C’est ce qui fait craindre à certains auteurs une « financiarisation de l’entreprise
».

La diffusion de modèles de pilotage de l’entreprise par la création de valeur, comme


l’approche EVA (Economic Value Added), développée par le cabinet Stern Stewart & Co., est
un signe particulièrement criant de cette financiarisation. Le but de l’EVA est en effet de
diffuser l’objectif de création de valeur à tous les niveaux de l’entreprise. Conceptuellement,
l’EVA n’est rien d’autre que le profit économique, comme nous l’avons vu, mais la méthode
consiste à l’appliquer à chaque activité de l’entreprise, voire comme critère de performance
pour calculer le bonus de chaque manager opérationnel. Au lieu d’être le seul souci du
dirigeant vis-à-vis des actionnaires, la création de valeur devient ainsi l’affaire de chacun à
tous niveaux de l’organisation. Elle devient l’alpha et l’oméga de toutes les décisions prises
dans l’entreprise.

Une telle évolution n’induit-elle pas un risque de « court-termisme » des dirigeants incités à
présenter, trimestre après trimestre, des résultats flatteurs en termes de création de valeur
immédiate ? Ce faisant, ne vont-ils pas différer, voire sacrifier, l’investissement, négliger le
développement des compétences de l’entreprise, et compromettre ainsi sa croissance
future ? Ne vont-ils pas renoncer à toute tentative d’exploration de nouveaux business et
abandonner toute idée d’innovation aux start-up ? Ces comportements auraient un effet
délétère sur l’économie.

À ces questions, les tenants de la régulation par le marché répondent que les investisseurs
ne privilégient pas la rentabilité à court terme mais bien la valeur actuelle nette de tous les
cash-flows futurs, et que si ce processus d’actualisation conduit bien à attribuer une valeur
plus importante aux profits immédiats qu’à ceux qui apparaîtront à l’avenir, toute stratégie
qui hypothéquera le futur de l’entreprise réduira ainsi la valeur des investissements qu’elle a
reçus, et sera irrémédiablement sanctionnée par le marché boursier. Les tenants de ce point
de vue en veulent pour preuve qu’il est fréquent que des entreprises annonçant des
résultats excellents voient néanmoins leur cours de Bourse s’effondrer, lorsque les
investisseurs voient dans ces résultats une hypothèque sur l’avenir. À l’opposé, la valeur de
certaines entreprises qui accumulent les pertes ne cesse d’augmenter. Le débat sur la
question reste ouvert.
La création de valeur, objectif fondamental de la corporate strategy
• En business strategy, l’objectif de création de valeur se résume à surpasser les
concurrents en matière de rentabilité économique.
• En corporate strategy, cet objectif est plus complexe : il s’agit de créer des synergies
entre des domaines d’activité dont la rentabilité et le coût du capital diffèrent
significativement.
• La « création de valeur actionnariale » consiste à enrichir les actionnaires de
l’entreprise.
• Pour créer de la valeur, l’entreprise doit générer un profit économique positif, c’està-
dire que la rentabilité des capitaux investis doit être supérieure au coût du capital.
• Le coût du capital est la rentabilité minimale qu’attendent les actionnaires de leur
investissement. Il dépend du niveau de risque encouru (plus un risque est élevé, plus
l’actionnaire s’attendra à un rendement élevé).
• La valeur d’une entreprise reflète la valeur de ses cash-flows futurs actualisés au coût
du capital. Par ailleurs, la valeur d’une entreprise cotée est égale à la somme de sa
capitalisation boursière et de sa dette nette.
• Il est très difficile de créer de la valeur sans croître, innover, s’internationaliser ou se
diversifier, même si cette croissance représente un risque supplémentaire et augmente le
coût du capital.
• La montée en puissance de la création de valeur pour l’actionnaire remet en cause
les stratégies de diversification. En effet, si les marchés financiers sont efficients,
l’actionnaire peut diversifier ses risques par lui-même. Seules de fortes synergies
peuvent justifier la diversification de l’entreprise.

La gouvernance d’entreprise

• La montée en puissance des investisseurs institutionnels (banques, assurances, fonds


d’investissement et fonds de pension) à la fin du XX siècle leur a permis d’imposer la
création de valeur actionnariale comme objectif pour les dirigeants, alors que ces
derniers avaient « confisqué » le pouvoir jusque-là.

• Les principes de bonne gouvernance reposent sur la théorie de l’agence. Ils sont
destinés à aligner les comportements des dirigeants sur les intérêts des actionnaires.

• Une bonne gouvernance s’appuie sur des mécanismes internes (dont le conseil
d’administration) et des mécanismes externes (réglementation et pression du marché).

• Les modèles de gouvernance diffèrent selon les cultures et législations nationales.

• Les mécanismes de marché sont de plus en plus fréquemment remis en cause.

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