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Partie 3

La valeur

Chapter 17 Valeur et finance d’entreprise

Chapter 18 Les mesures de la création de valeur

Chapter 19 Le choix d’investissement

Chapter 20 Le coût du capital ou le taux de rentabilité exigé


d’un investissement

Chapter 21 La pratique de l’évaluation de l’entreprise

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Chapitre 17

Valeur et finance d’entreprise

L’objet de ce chapitre est de développer les concepts et les théories qui président aux
grandes décisions financières et en particulier de comprendre leurs conséquences sur
la valeur, tout en gardant à l’esprit que maximiser une valeur, c’est minimiser un coût.

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SECTION 1 : L’OBJECTIF DE LA FINANCE : LA CREATION DE VALEUR

1. L’INVESTISSEMENT ET LA VALEUR

La comptabilité nous a appris, dès le Chapitre 2, qu’investir constitue un emploi de


fonds mais non un appauvrissement. Demandons à notre lecteur d’aller plus loin et
d’adopter le point de vue du financier pour qui un investissement rentable est un
investissement qui accroît la valeur.

En effet, nous verrons que l’élément important dans la théorie des marchés en
équilibre est la valeur. Cette théorie souligne le lien direct qui existe entre la rentabilité
des investissements de l’entreprise et la rentabilité exigée par les investisseurs (à
travers les titres financiers émis).

La conséquence directe de la politique d’investissement d’une


entreprise est donc la variation de la valeur de ses capitaux propres.

La décision d’investissement est de ce fait une décision cruciale. Elle peut avoir trois
types de conséquences :
• si la rentabilité anticipée de l’investissement est supérieure à la rentabilité
exigée par les investisseurs, la valeur des capitaux propres augmente
instantanément. Un investissement de 100 rapportant 13 % éternellement alors
que le marché exige 10 % vaut 130 (100 × 13 %/10 %). La valeur s’accroît
immédiatement de 30 ;
• si la rentabilité anticipée de l’investissement est égale à la rentabilité exigée par
les investisseurs, il n’y a ni enrichissement ni appauvrissement. Les
pourvoyeurs de fonds ont investi 100, l’investissement vaut 100 ; il n’y a pas de
création de valeur instantanée ;
• si, enfin, la rentabilité anticipée de l’investissement est inférieure à la rentabilité
exigée par les investisseurs, il y a appauvrissement. Ces derniers ont en effet
investi 100 dans un projet qui rapporte, par exemple, 6 %, n’accroissant la
valeur des capitaux propres que de 60 (100 × 6 % / 10 %) ; la perte de valeur
(40) est alors instantanée.

Il y a création de valeur (valeur de l’actif économique supérieure au montant


comptable de l’actif économique) quand la rentabilité économique est supérieure au
coût moyen pondéré du capital, c'est-à-dire au taux de rentabilité exigé par l’ensemble
des pourvoyeurs de fonds de l’entreprise.

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2. LA RELATION ENTRE L’ENTREPRISE ET LE MONDE FINANCIER

D’un point de vue financier, l’entreprise est constituée d’un portefeuille d’actifs
financés par un ensemble de titres émis sur le marché des capitaux au sens large (cotés
ou non). Le passif de l’entreprise n’est donc qu’un écran — que le financier d’entreprise
doit rendre le moins opaque possible — entre les actifs industriels et leur
transformation en actifs financiers que sont les titres émis et placés auprès des
investisseurs.

Quel rôle joue alors l’investisseur financier ?

L’investisseur joue un rôle actif au moment de l’émission des titres financiers : il


peut en effet tout simplement refuser l’achat des titres créés, c’est-à-dire refuser de
financer. Concrètement si le financier d’entreprise, quelle que soit son imagination, ne
peut pas trouver un produit dont le couple rentabilité/risque satisfait le marché
financier, l’entreprise est contrainte dans son développement puis, plus ou moins
rapidement, conduite au dépôt de bilan en raison de l’absence de ressources
financières nécessaires à sa survie.

Comme nous le verrons, cette sanction ultime est souvent trop tardive. Mais le
système financier dispose d’une sanction beaucoup plus immédiate et beaucoup plus
efficace : la valorisation des titres déjà émis par l’entreprise.

Le monde financier apprécie en effet la valeur des titres émis, et ce à tout moment.
Dans le cas des titres de dette, les agences de notation financière notent l’entreprise et
affectent ainsi la valeur de la dette actuelle et les conditions de ses prêts futurs. De
même, le marché estime les actions émises, et par là même, la valeur des capitaux
propres.

Quel est alors le mécanisme de la sanction ?

Si l’industriel ne satisfait pas les exigences de rentabilité/risque des investisseurs, il


sera sanctionné par une moindre valorisation de l’actif économique et donc des
capitaux propres de son entreprise. Supposons qu’une entreprise propose à des
investisseurs un investissement de 100 devant rapporter annuellement 10 sur une
période suffisamment longue pour être assimilée à l’éternité1. Le résultat réel n’est que
de 6. Déçus, les investisseurs qui exigent une rentabilité de 10 % s’efforceront de
vendre l’investissement. Le prix d’équilibre s’établira alors à 60. En effet, à ce prix,
l’investisseur recevra bien une rentabilité de 10 % (6/60) et n’aura plus aucun avantage
à chercher à le vendre. Mais il est trop tard…

1 Cette hypothèse forte a pour objectif de simplifier les calculs et ne modifie en rien le raisonnement.

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Concrètement, l’investisseur non satisfait par le couple rentabilité/risque proposé
vend ses titres. Ce faisant, il fait donc baisser la valeur des titres émis et donc celle de
l’actif économique, ce qui est normal puisque cet actif n’est pas assez rentable compte
tenu de son risque. Sans doute l’investisseur s’autosanctionne-t-il, mais il faut savoir
parfois se couper un doigt…

Cette sanction constitue la réponse de l’investisseur à l’industriel : si le premier est


mécontent, il vend ses titres et fait donc baisser les cours, induisant potentiellement, à
terme, des difficultés de financement pour l’entreprise.

La sanction de la finance s’exerce d’abord et avant tout par la


valorisation de l’entreprise à travers la valorisation de ses actions et de ses
dettes. La valorisation de l’actif économique, et donc la valorisation des
capitaux propres, sont les variables clés de toute politique financière, que
l’entreprise soit cotée ou non.

3. LA PORTEE DE CETTE OPTIQUE

Il en résulte, puisque nous considérons la création de valeur comme l’objectif financier


premier :
• qu’une décision financière coûte à l’entreprise lorsqu’elle réduit la valeur de ses
capitaux propres ;
• qu’une décision financière est bonne pour l’entreprise lorsqu’elle accroît la
valeur de ses capitaux propres.

On pourrait penser qu’il reviendrait au même de dire que toute bonne décision
financière tend à faire croître les bénéfices ou à réduire les coûts. Mais, attention, ce
n’est pas vrai !

La myopie en finance consiste à confondre coût et appauvrissement,


produit et accroissement de valeur.

Nous ne sommes plus dans le domaine de la comptabilité mais dans celui de la


finance, c’est-à-dire celui des valeurs : tel investissement financé par autofinancement
accroîtra le bénéfice mais pourra être jugé comme insuffisant comparé aux exigences
de rentabilité de l’investisseur qui, de ce fait, s’appauvrira globalement.

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SECTION 2 : LA CREATION DE VALEUR ET LES MARCHES EN EQUILIBRE

La politique financière de l’entreprise consiste d’abord à mettre en œuvre des décisions


visant à maximiser la création de valeur pour les pourvoyeurs de fonds et, tout
particulièrement, pour les actionnaires.

1. UN APPORT THEORIQUE CLAIR

Le financier doit se poser les questions suivantes : la valeur globale de l’entreprise


peut-elle résulter d’un choix optimal d’actifs et de passifs ? Comment alors prendre une
bonne décision pour créer de la valeur ?
• La valeur d’un actif économique peut-elle augmenter du seul fait d’un choix
de financement ? Un actif économique financé à 50 % par capitaux propres
et à 50 % par endettement vaut-il plus cher que s’il était financé uniquement par
capitaux propres ?
• Plus généralement, l’entrepreneur peut-il, soit par la juxtaposition
d’investissements industriels et commerciaux indépendants, soit par une
politique de financement astucieuse, augmenter la valeur de l’actif économique,
c’est-à-dire influer sur l’estimation de celle-ci par le marché ?

L’apport de la théorie des marchés en équilibre est clair : Dans le domaine de


l’évaluation, tout investisseur financier est indifférent à toute
construction financière, car il pourrait réaliser lui-même cette opération.
C’est la règle de l’additivité.

Cette règle est aussi vérifiée en termes de risque : ainsi, si l’entreprise s’endette,
l’investisseur financier pourra stabiliser son portefeuille en y ajoutant des titres moins
risqués ; il pourra, à l’inverse, s’endetter lui-même pour acquérir des titres peu risqués.
Pourquoi, dès lors, paierait-il ce qu’il peut réaliser lui-même sans frais ?

Ce raisonnement s’applique aussi au cas de la diversification. Si celle-ci ne vise qu’à


valoriser l’entreprise au plan financier et ne recherche pas des effets de synergies
industrielles et commerciales, l’investisseur n’a nul besoin de confier à l’industriel la
diversification de son portefeuille.

2. UNE ILLUSTRATION

Existe-t-il des combinaisons d’actifs dont la valeur globale est supérieure à la valeur de
chacun d’eux pris séparément, indépendamment des cas de synergies
industrielles où une partie des processus d’exploitation est commune à plusieurs

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investissements ? Autrement dit, le tout vaut-il plus que la somme de ses parties (2 +
2 = 5) ?

Une entreprise monoproduit dont on exige du 10 % se diversifie en rachetant une


entreprise de même taille dont on exige du 8 %. Le taux de rentabilité exigé du nouveau
groupe sera-t-il inférieur à 9 % (moyenne de 10 % et de 8 %) sous prétexte que son
risque est plus faible que celui de l’entreprise monoproduit ?

Le lecteur avisé ne se laissera pas tenter par l’idée qu’à un plus faible niveau de
risque doit correspondre un plus faible taux de rentabilité exigé.

En effet, ceci est faux car le marché ne rémunère que le risque non
diversifiable (le risque de marché). Nous avons vu que sur un marché, le risque
diversifiable ou spécifique que chaque investisseur peut éliminer en diversifiant son
portefeuille, n’est pas rémunéré. Seul est rémunéré le risque non diversifiable lié aux
fluctuations du marché. Que le lecteur nous permette de le renvoyer au Chapitre 16 où
ce point a été traité.

Dès lors que le risque diversifiable n’est pas rémunéré, la valeur d’une
entreprise est la même qu’elle reste indépendante ou qu’elle soit intégrée
dans un groupe. La diversification purement financière n’a donc aucun intérêt
puisqu’elle ne crée pas de valeur.

Il ne peut y avoir création de valeur que si la somme des flux des deux
investissements est supérieure parce que ces deux investissements sont entrepris
conjointement. C’est le résultat d’un processus de synergies industrielles (2 + 2
= 5). En revanche, la synergie financière n’existe pas !

En d’autres termes, l’entrepreneur doit travailler sur les flux ; il ne peut pas
réduire les taux d’actualisation, sauf à réduire le risque de son groupe.

3. UNE MORALE

La valeur des titres émis par l’entreprise ne résulte donc pas de constructions
financières ; elle traduit simplement la sanction, par le marché, de la rentabilité et du
risque de l’activité industrielle et commerciale de l’entreprise perçus par l’investisseur.

La théorie des marchés en équilibre conduit à la règle simple et évidente, mais très
souvent oubliée dans la pratique, de l’additivité des valeurs. Quelle que soit l’évolution
des critères financiers, en particulier le bénéfice par action, il ne peut y avoir création
de valeur lorsqu’on se contente d’ajouter des valeurs (diversification) ou de soustraire
des valeurs (endettement) qui sont elles-mêmes à l’équilibre.

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Le premier réflexe sera, dans toute décision financière, d’analyser ses conséquences sur
la valeur (création ou destruction) sachant que si les valeurs sont à l’équilibre, il est
totalement indifférent de faire ou de ne pas faire.

SECTION 3 : LA VALEUR ET LES THEORIES DE L’ORGANISATION

1. LES LIMITES DE LA THEORIE DES MARCHES EN EQUILIBRE

La théorie des marchés en équilibre permet de raisonner globalement. Toutefois elle


élude complètement l’intérêt particulier des différentes parties prenantes, même si
globalement leur intérêt est commun à moyen terme.

Comme la théorie des marchés en équilibre démontre que la finance ne peut pas
modifier la taille du gâteau (la valeur de l’actif économique), mais seulement son
partage, il en résulte que bon nombre de problèmes financiers naissent de la lutte entre
les différentes parties prenantes2 de la sphère financière.

Ces parties prenantes sont d’abord les différents pourvoyeurs de fonds de


l’entreprise. Nous les classerons dans un premier temps en deux types : actionnaires et
créanciers, mais le lecteur comprendra très vite que, dans la pratique, il y a autant
d’intérêts que de types de titres émis : actionnaires, créanciers privilégiés, créanciers
ordinaires, investisseurs en produits hybrides…

Selon la théorie des marchés en équilibre, investir des fonds au taux de rentabilité
exigé ne modifie pas la valeur de l’actif économique. Mais si cet investissement est très
risqué (et donc potentiellement très rentable), les créanciers dont la rémunération est
fixe ne verront que l’accroissement du risque alors que leur rentabilité sera identique.
La valeur de leurs créances diminuera donc au profit des actionnaires qui verront la
valeur de leurs actions augmenter du même montant (la valeur de l’actif économique
n’ayant pas changé) ; et pourtant cet investissement a été réalisé à son prix d’équilibre.

Nous retrouvons ici un rôle pour le directeur financier ! Celui de répartir la valeur
entre les différentes parties prenantes. C’est un négociateur dans l’âme.

Parmi les parties prenantes, il ne faut pas oublier les dirigeants d’entreprises. En
effet, comme la finance de marché suppose des portefeuilles bien diversifiés, il y a une
distinction entre les investisseurs et les dirigeants, et donc par là même, des intérêts
divergents auxquels s’ajoutent des informations différentes (informations internes et

2 Que les Anglo-Saxons appellent stakeholders.

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informations externes). Ce dernier point remet en cause l’une des bases de la théorie
des marchés en équilibre : une information partagée par tous.

2. LA THEORIE DES SIGNAUX ET L’ASYMETRIE DE L’INFORMATION

Deux idées simples sont à la base de la théorie des signaux :


• la même information n’est pas partagée par tous : ainsi, les dirigeants d’une
société peuvent disposer de renseignements que n’ont pas les investisseurs ;
• même si elle était partagée par tous, la même information ne serait pas perçue
de la même manière, ce que la vie courante confirme fréquemment.

Il n’est donc pas raisonnable de croire que l’information est à tout instant
équitablement partagée, c’est-à-dire symétrique. Bien au contraire, l’asymétrie de
l’information est une règle générale.

Ceci n’est pas sans poser problème. L’asymétrie d’information peut en effet conduire
à ce que les investisseurs sous-évaluent une entreprise qui, de ce fait, hésitera à faire
une augmentation de capital car les dirigeants percevront son cours comme trop faible.
Dès lors, des opportunités d’investissements très rentables seront peut-être perdues
faute de financement, ou les actionnaires actuels seront dilués dans de mauvaises
conditions financières si l’entreprise procède malgré tout à l’augmentation de capital.

Le lecteur comprend alors la nécessité d’une politique de communication :


aucune décision ne doit être prise en fonction des seuls critères financiers, mais les
dirigeants doivent se préoccuper également de convaincre les marchés que c’est une
bonne décision.

L’unité élémentaire d’une politique de communication financière est le signal


envoyé par les dirigeants d’une entreprise aux investisseurs.

Le signal n’est pas une déclaration ou une confidence comme le croient de nombreux
directeurs financiers ou présidents d’entreprise mais une véritable décision
financière, librement prise, porteuse de conséquences financièrement
négatives pour son initiateur au cas où le signal se révélerait faux.

En effet, l’investisseur est loin d’être naïf et accueille tout signal avec le degré de
scepticisme qui convient.

Trois points méritent d’être soulignés :


• L’investisseur s’interrogera immédiatement sur l’intérêt de celui qui émet ce
signal, sachant qu’en finance il n’y a pas de cadeau ! Si l’intérêt de l’émetteur du

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signal est contraire à l’intérêt de l’investisseur, le signal sera perçu
négativement. Ainsi, vanter les mérites d’une augmentation de capital sans y
participer ne trompe pas les investisseurs ! En revanche, si le marché est
convaincu que l’intérêt de l’émetteur du signal est que ce dernier soit
effectivement exact, il le considérera comme tel. Citons le réinvestissement de
son propre patrimoine dans son entreprise…
• L’image de l’équipe dirigeante et sa politique de communication : ceci est
évident mais ne surestimons ni son importance ni sa pérennité !
• Le contrôle et les sanctions par les autorités boursières en cas de diffusion de
fausse information ou de délits d’initiés : si l’investisseur sait que ce contrôle est
efficace, il l’intégrera dans sa perception. Néanmoins, certains dirigeants
peuvent être tentés d’envoyer des signaux erronés afin d’obtenir à bon compte
des avantages indus (par exemple en étant exagérément optimistes sur les
perspectives de leur société afin de pouvoir vendre leurs actions à un prix
artificiellement élevé). Mais le marché financier rattrape plus vite un menteur
qu’un boiteux et la valeur de l’action sera durement pénalisée par ces signaux
erronés !

Dans un tel contexte, le rôle de « gendarme » des autorités boursières est


naturellement crucial. Les contentieux récents ont souligné leur vigilance et leur
intransigeance qui sont nécessaires si l’on veut avoir les meilleurs marchés de capitaux
possibles et les coûts de financement les plus bas.

Le financier d’entreprise devra donc s’interroger sur la perception par les


investisseurs d’une décision financière. Il ne devra pas se contenter de propos
lénifiants mais devra faire une analyse fine et rationnelle de la situation afin d’établir
une politique de communication argumentée.

3. LA THEORIE DES MANDATS OU DE L’AGENCE

La théorie des mandats analyse les conséquences des décisions financières en termes
de risque, de rentabilité et, d’une manière plus générale, en termes d’intérêt pour les
différentes parties prenantes dans l’entreprise. Elle permet de mettre en évidence que
certaines décisions peuvent être prises à l’encontre des critères simples de
maximisation de richesse des différentes parties, au profit d’un seul des pourvoyeurs
de fonds.
De façon plus schématique, on parlera de relation de mandat entre deux personnes
dès lors que l’une d’entre elles, appelée mandataire (ou agent) exerce une activité pour
le compte du mandant (principle en anglais). Le mandataire détenant un mandat ou
une procuration pour agir au nom du mandant, toute relation d’agence implique donc
nécessairement une délégation de la prise de décision au mandataire.

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Cette définition très générale permet d’inclure des domaines aussi variés que la
résolution des conflits entre :
• actionnaires dirigeants/actionnaires non dirigeants ;
• dirigeants non actionnaires/actionnaires ;
• créanciers/actionnaires.

Ainsi, les actionnaires mandatent les dirigeants pour gérer au mieux les fonds qu’ils
leur ont confiés. Or, la crainte des actionnaires est que ces gestionnaires aient d’autres
objectifs que la maximisation de la valeur des capitaux propres qui leur ont été confiés :
accroître la taille du groupe au détriment de sa rentabilité, minimiser le risque de l’actif
économique en refusant certains investissements créateurs de valeur mais qui
pourraient mettre en difficulté l’entreprise s’ils échouaient, etc.

La résolution de ce type de conflits passe notamment par l’octroi de stock-options


ou de rémunérations indexées sur la valeur de l’action aux cadres de l’entreprise (voir
Chapitre 35).

L’endettement joue aussi un rôle puisqu’il agit comme une contrainte sur les
dirigeants, les poussant à maximiser les flux de trésorerie de l’entreprise afin de lui
permettre de faire face aux intérêts à payer et aux échéances de remboursement, faute
de quoi l’entreprise fait faillite et les dirigeants perdent leur travail. Cette maximisation
des flux de trésorerie est tout à fait dans l’intérêt des actionnaires puisqu’elle conduit
à des valeurs élevées des capitaux propres. L’intérêt des dirigeants et celui des
actionnaires sont ainsi convergents.

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SECTION 4 : COMMENT CREER DE LA VALEUR ?

Le lecteur devra bien avoir à l’esprit qu’un projet, un investissement, une entreprise ne
peuvent avoir une rentabilité extraordinaire que si celle-ci est fondée sur un avantage
stratégique. La théorie des marchés en équilibre nous dit que, normalement, la valeur
actuelle d’un projet doit être nulle si tous les mécanismes de la concurrence jouent. Si
un financier veut donner des conseils en matière de choix d’investissements, il doit
sans doute « pousser le crayon » et traduire en termes prévisionnels la véritable
rentabilité de l’investissement. Mais il doit également se faire stratège et appliquer tous
les raisonnements économiques qu’il a appris.
La rentabilité véritable d’un projet ne s’explique que par une rente économique,
c’est-à-dire une position qui permet d’obtenir un taux de rentabilité des
investissements supérieur au taux de rentabilité exigé compte tenu du
risque. La rente économique est l’essence de la stratégie de l’entreprise : créer des
imperfections dans les marchés de produits et/ou des facteurs de production et
constituer ainsi des barrières à l’entrée que tout dirigeant d’entreprise doit s’efforcer
d’exploiter et de défendre.

Mais que notre lecteur ne se leurre pas. Une rente économique est faite pour
s’éroder. Un taux de rentabilité plus fort que le taux de rentabilité exigé compte tenu
du risque va naturellement attirer des concurrents ou l’attention des autorités de la
concurrence (voir Microsoft). Tôt ou tard, la déréglementation et les progrès
technologiques aidant, la rente économique disparaît. Ou, comme le dit l’adage
populaire, « il n’y a pas de forteresse imprenable, il n’y a que des forteresses mal
assiégées ! ».

Enfin insistons bien sur la conséquence d’une bonne stratégie.


Correctement anticipée, elle se traduit immédiatement dans la valeur des
capitaux propres. Elle explique ainsi l’écart entre le montant comptable de
l’actif économique et sa valeur, qui peut aller du simple au triple, voire
plus.

La rentabilité dégagée progressivement par l’investissement ne se


traduit pas par une croissance régulière parallèle du cours de Bourse si
l’entreprise est cotée. Celui-ci s’ajustera immédiatement afin que
l’investisseur obtienne le taux de rentabilité exigé compte tenu du risque,
ni plus ni moins. Par la suite, si tout va bien, l’investissement permettra de
dégager la rentabilité exigée jusqu’à ce que les anticipations s’avèrent trop
optimistes ou trop pessimistes.

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