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Chapitre 9

Les critères fondamentaux de choix


d’investissement

La décision d’investissement est soumise à l’objectif de maximisation


de la satisfaction des actionnaires. Sous l’hypothèse de l’aversion au
risque, cette satisfaction est une fonction croissante de la rentabilité et
une fonction décroissante du risque. La sélection des projets
d’investissement se rapporte à l’étude de leur couple « rentabilité-
risque ». Certains critères de choix ignorent les valeurs temps et risque
des flux. Le taux moyen de rentabilité indique la création de richesse,
moyenne et annuelle, par euro investi. Le délai de récupération désigne
la durée nécessaire à la récupération de la dépense d’investissement.
La plupart des critères s’appuient plutôt sur l’actualisation. Le délai de
récupération actualisé tient compte des valeurs temps et risque des
flux. En confrontant les recettes et les dépenses à la date du choix de
l’investissement, la valeur actuelle nette mesure la création de richesse
due au projet d’investissement. L’indice de profitabilité évalue la créa-
tion de valeur relative du projet. Le taux interne de rentabilité est le taux
actuariel du projet d’investissement, celui qui égalise ses flux positifs et
négatifs. Il s’agit du seuil maximum que pourrait prendre la valeur
temps et risque des flux. La VAN globale et le TIR global améliorent la
VAN et le TIR classiques, en tenant compte de la flexibilité de réinves-
tissement des flux intermédiaires. Les projets à durées courtes peuvent
L’évaluation de dettes à taux fixe

sécréter des flux sur le complément d’échéance par rapport aux projets
à durées longues. Les projets à maturités différentes sont comparables
sur une période de temps identique. La méthode du plus petit multiple
commun et celle du flux annuel équivalent autorisent cette comparai-
son. La VAN globale complétée rend comparables des projets à dé-
penses d’investissement différentes. Ces derniers sont comparables
sur la base d’une dépense identique, la plus élevée des deux. La com-
paraison porte sur la VAN globale du projet à dépense d’investissement
plus forte, avec la VAN globale du projet à dépense d’investissement
plus faible, qui est complétée par le fruit du placement du complément.
La valeur actuelle nette ajustée est la méthode d’évaluation appropriée
pour les projets bénéficiant de financement à coût avantageux comparé
à celui du marché. Le financement est créateur de richesse en ce cas.
La VAN financière permet de capter cet avantage. L’investissement est
éventuellement créateur de richesse et la VAN classique prend dans ce
contexte l’allure de VAN économique. La création totale de valeur est la
VAN ajustée.

1. 1. Les critères de choix sans actualisation

1.1. 1.1. Le taux moyen de rentabilité

Le taux moyen de rentabilité, TMR, appelé également return on in-


vestment (ROI), rapporte le résultat net comptable moyen au montant
de l’investissement.
TMR  Résultat net annuel moyen / Investissement
(9.1)
Nous dirons qu’en moyenne, l’investissement rapporte TMR % an-
nuellement. Les investissements à TMR élevés seront préférés. Le taux
moyen de rentabilité est un critère qui repose sur des données comp-
tables, donc conventionnelles. Il raisonne en moyenne, en ignorant les
écarts autour de cette moyenne, et fait abstraction de la valeur temps
des flux, en faisant appel à la moyenne de sommes appartenant à des
dates différentes, sans actualisation. L’utilisation du taux moyen de
rentabilité est souvent justifiée par sa simplicité. Il comporte des don-
nées issues des publications comptables. Sa significativité est amélio-
rable si on utilise un numérateur plus pertinent, comme le flux net
d’exploitation annuel moyen.

Application 9.1. L’entreprise Climatisation de Ouarzazate envisage un


investissement de 400 000 €, censé générer les résultats nets suivants.
Déterminez le taux moyen de rentabilité.
4 La valeur et le temps

Tableau 9.1. – Les résultats nets annuels


Années 1 2 3 4 5 6
Résultats nets – 125 80 130 175 200 50
000 000 000 000 000 000

Corrigé. Le résultat net moyen est : (– 125 000 + 80 000 + 130 000 +
175 000 + 200 000 + 50 000) / 6 = 85 000 €. En moyenne, cet investis-
sement rapporte 85 000 / 400 000 = 21,25 % par an.

1.2. 1.2. Le délai de récupération

Le délai de récupération, ou payback period, est un critère qui me-


sure le temps nécessaire pour que le cumul des flux du projet soit égal
à l’investissement initial. Les investisseurs sont le plus souvent sou-
cieux du temps nécessaire à la récupération de la mise initiale de
fonds. La règle de décision selon le délai de récupération fonctionne
comme suit. Le décideur se fixe un délai de récupération limite. Le
projet est accepté si son délai de récupération est inférieur au délai de
récupération limite. Dans le cas contraire, le projet est rejeté. Le délai
de récupération présente plusieurs inconvénients. Il considère le temps
de manière incorrecte. À l’intérieur du délai de récupération, les flux ne
sont pas datés. À l’extérieur du délai de récupération, les flux ne sont
pas considérés. Par ailleurs, le délai de récupération limite est fixé de
manière souvent subjective et surtout sans lien avec l’objectif de maxi-
misation de la valeur (richesse) des actions (actionnaires).

Application 9.2. Trois projets d’investissement s’offrent à l’entreprise


Salé Immobilier et devraient sécréter les flux annuels suivants. En sup-
posant un délai de récupération limite de 3 ans, quelle est la décision à
prendre ?

Tableau 9.2. – Les flux annuels par projet


Années Projet 1 Projet 2 Projet 3
0 – 750 – 750 – 750
1 100 125 400
2 250 125 250
3 400 200 100
4 0 300 100
5 0 7 500 0

Corrigé. Les projets 1 et 3 se caractérisent par un délai de récupéra-


tion de 3 ans. Le projet 2 a un délai de récupération de 4 ans. Pour un
délai de récupération limite de 3 ans, les projets 1 et 3 seraient à ac-
cepter indifféremment, alors que le projet 2 serait à refuser. L’analyse
de cette décision montre que le critère du délai de récupération a clas-
sé au même rang les projets 1 et 3. La valeur temps des flux a été
ignorée, car les flux n’ont pas été datés. Il est supposé une indifférence
L’évaluation de dettes à taux fixe

entre 100 € la première année et 400 € la troisième année d’une part


(projet 1) et 400 € la première année et 100 € la troisième année
d’autre part (projet 3). Il n’en n’est pas ainsi dans un monde où la mon-
naie est caractérisée par une valeur temps non nulle. À l’extérieur du
délai de récupération, les flux n’ont pas été considérés dans le proces-
sus de sélection. Le projet 2 sécrète un flux de 7 500 la cinquième an-
née qui a été négligé. De ce fait, le critère du délai de récupération peut
conduire à l’acceptation de projets non rentables et au rejet de projets
rentables. Ce critère est le plus souvent utilisé en appui des critères
avec actualisation.

2. 2. Les critères de choix avec actualisation

L’actualisation permet d’améliorer la pertinence du délai de récupé-


ration. La valeur actuelle nette, en mesurant la richesse créée par le
projet, constitue un critère prééminent. L’indice de profitabilité mesure
1
la création relative de richesse . Nous verrons par la suite le cas où la
VAN et l’indice de profitabilité conduisent à des décisions différentes.
Selon qu’il s’agit du cas avec ou sans rationnement du capital, l’un ou
l’autre des deux critères sera plus adapté. Le taux interne de rentabilité
renseigne l’analyste financier sur la rentabilité annuelle moyenne au
cours de la période de l’investissement. Lors de la comparaison de
plusieurs projets, le TIR peut entrer en conflit avec la VAN. Le critère de
la VAN sera démontré plus pertinent dans ce cas. La VAN globale et le
TIR global sont des critères qui viennent enrichir la VAN et le TIR. Les
taux de réinvestissement des flux intermédiaires seront plus flexibles
pour concorder avec les opportunités les plus plausibles qui peuvent se
présenter à l’entreprise. Cette section expose par ailleurs les cas parti-
culiers de projets à maturités différentes, de projets à dépenses
d’investissement différentes et de projets à financements différents.

2.1. 2.1. Le délai de récupération actualisé

Le principe du délai de récupération actualisé (discounted payback


period) est le même que pour le délai de récupération simple. Il s’agit
toujours de mesurer le temps nécessaire pour que le cumul des flux du
projet égalise l’investissement initial. Mais en prenant en considération
l’étalement des flux dans le temps (à travers l’actualisation), le délai de
récupération actualisé s’affranchit de l’une des limites du délai de récu-
pération. Cette méthode actualise, d’une part, l’investissement dont les
débours peuvent être étalés sur plusieurs périodes et, d’autre part, les

1. Pour un exposé des fondements théoriques et conceptuels de la création de valeur ainsi que
sa mesure, le lecteur peut se référer à Caby et Hirigoyen (2009), chapitres 1 et 2 et à Denglos
(2003), chapitre 1.
6 La valeur et le temps

flux procurés par l’investissement. Cela donne à ce critère, fondé sur la


primauté du délai nécessaire pour la récupération des fonds, une di-
mension financière plus pertinente.

Application 9.3. Reconsidérons les trois projets de l’application 9.2.


1. En supposant un taux d’actualisation de 12 %, déterminez le délai de
récupération actualisé pour les trois projets d’investissement.
2. En supposant un délai de récupération limite de 3 ans, quel est le
projet à élire ?

Corrigé
1. La détermination du délai de récupération actualisé passe par trois
étapes. Il s’agit de calculer d’abord les facteurs d’actualisation (1 + k) – i.
k est le taux d’actualisation et i est l’année d’intervention du flux. La
pondération des flux non actualisés par les facteurs d’actualisation
respectifs conduit aux flux actualisés. La troisième étape consiste en le
calcul du cumul des flux actualisés. Au lieu de cumuler les flux nets
d’exploitation sans actualisation, le cumul porte sur les flux actualisés.

Tableau 9.3. – L’actualisation des flux annuels par projet


Facteu Projet 1 Projet 2 Projet 3
rs
Flux Flux
Anné d’actu Flux Flux Flux
Flux non Cumu non Cum non
es a- actualis actualis actualis Cumul
actualisés l actualisé ul actualisé
lisatio és és és
s s
n

0 1,00 – 750 – 750 – 750 – 750 – 750 – 750 – 750 – 750
750

1 0,89 100 89 – 661 125 112 400 357 – 393
638

4
5 0,57 0 0 – 177 7500 4 256 0 0 – 59
050

Le projet 1 génère des flux actualisés de 89,29 + 199,30 + 284,72 =


573,31. Le projet 3 produit des flux actualisés de 357,16 + 199,30 + 71,18
+ 63,55 = 691,17. Contrairement au délai de récupération qui a fait res-
sortir un temps d’attente de 3 ans pour ces deux projets, le délai de
récupération actualisé révèle qu’ils ne permettent jamais de récupérer
la dépense d’investissement, étant donné une valeur temps et risque
des flux de 12 %. Le projet 2, lui, sécrète des flux actualisés de 111,61 +
99,65 + 142,36 + 190,66 + 4 255,70 = 4 799,97. Son délai de récupération
actualisé est compris entre 4 et 5 ans. Par interpolation linéaire, nous
obtenons :
4 DRA 5
I I I
– 205,73 0 4 049,97
L’évaluation de dettes à taux fixe

Cela permet d’écrire : (DRA – 4)/(0 + 205,73) =


(5 – 4) / (4 049,97 + 205,73). Sous l’hypothèse de la linéarité des flux
dans le temps, une approximation du délai de récupération actualisé
s’établit à 4,05 années, soit 4 années et 18 jours.
2. Les projets 1 et 3 sont à rejeter. Après trois années d’exploitation, le
projet 2 n’aurait généré que 111,61 + 99,65 + 142,36 = 353,61, pour une
dépense initiale de 750. Ce projet ne pourrait à son tour être accepté.
Aucun des trois projets n’est à retenir.

2.2. 2.2. La valeur actuelle nette

La valeur actuelle nette VAN (Net Present Value, NPV) est la valeur
actualisée des flux que génère le projet d’investissement, nette de la
dépense d’investissement. Il s’agit de la différence, à la date de l’étude
de faisabilité du projet, entre le montant de l’investissement et la
somme des flux actualisés qu’il procure. Pour un investissement I0 sé-
crétant des flux nets d’exploitation FNE sur n périodes et un taux
d’actualisation k, la VAN s’écrit :
VAN   I0  FNE1 / (1  k )  ...  FNEn / (1  k )n  VTn / (1  k )n (9.2)

La valeur terminale (c’est-à-dire le prix de cession des immobilisa-


tions net d’impôt et/ou la récupération du dernier BFR), notée VTn, est
intégrée comme un flux supplémentaire la dernière année. De manière
équivalente, nous pouvons écrire :
VAN  I 0  tn1 FNEt / (1 k )t  VTn / (1 k )n (9.3)

Lorsque l’investissement s’étend sur plusieurs périodes, le calcul de


la VAN s’effectue comme suit :
VAN  tn0 (FNEt  It ) / (1  k )t  VTn / (1 k )n (9.4)

Lorsque le remplacement des équipements est prévu, plusieurs va-


leurs résiduelles peuvent être attendues et la relation devient :
VAN  tn0 ( FNEt  It  VTt ) / (1  k )t (9.5)

Lorsque les flux nets d’exploitation sont identiques durant toute la


durée de vie du projet, ils forment une suite géométrique. La formule
(2.11), exprimant la valeur actuelle à terme échu d’une série de flux
constants, prise avec (9.5), permet d’écrire la VAN en ce cas comme :
VAN  FNE [1  (1  k ) n] / k  tn0 (It  VTt ) / (1 k )t (9.6)

L’égalité (9.5) est la forme la plus générale de la valeur actuelle nette


à partir de laquelle plusieurs formes particulières peuvent être dérivées.
Cette égalité se réduit à la formule (9.4) en cas de valeur résiduelle
8 La valeur et le temps

unique. Elle se ramène à (9.3) si la dépense d’investissement est sin-


gulière. Elle se présente comme (9.6) si les flux annuels sont constants.
Si le projet génère des déficits certaines années et si l’entreprise est
bénéficiaire par ailleurs, ces déficits atténueront alors les paiements
d’impôt de l’entreprise. Le projet donne lieu dans ce cas à une dépense
(fiscale) en moins qui sera considérée lors de la valorisation du projet
comme une recette.
Un projet d’investissement ne peut être entrepris que s’il est créateur
de valeur. La VAN est la différence entre l’ensemble des recettes et des
2
dépenses que génère un projet d’investissement . Le surplus actualisé
du projet indique la valeur créée. Un investissement sera dit rentable si
sa VAN est positive. Dans ce cas, l’investissement permet
de rembourser le capital initialement investi I0, de rémunérer les capi-
taux au taux d’actualisation retenu k et de dégager un surplus (corres-
pondant à la VAN), qui est une création de valeur contribuant à
l’accroissement de la richesse des actionnaires. Une VAN négative
signifiera que l’investissement n’est pas rentable. En ce cas, on envi-
sage que les dépenses seront supérieures aux recettes et que le projet
ne couvrira pas ses dépenses. Le reliquat correspond à une destruction
de valeur qui vient diminuer la richesse des actionnaires. Un projet sera
préféré à un autre projet si sa VAN est supérieure. Une VAN plus impor-
tante signifiera une création de valeur plus forte.
La VAN est un critère de choix d’investissement pertinent et large-
ment utilisé, qui satisfait l’objectif des actionnaires. La VAN d’un projet
constitue son incidence sur la valeur de l’action. Les projets à VAN
positive aboutissent à une augmentation de la valeur de l’action, les
projets à VAN négative à une baisse de la valeur de l’action. L’adoption
de projets à VAN maximale permet de rajouter une valeur maximale à
la valeur de marché de l’action.

Application 9.4. La Société Aménagements de Mohammédia est de-


vant un investissement d’un million d’euros, qui est censé sécréter les
flux nets d’exploitation suivants. En supposant une valeur temps et
risque de l’argent à 12 %, décidez de la faisabilité du projet au vu du
critère de la valeur actuelle nette.

Tableau 9.4. – Les flux nets d’exploitation annuels (en K€)


Années 1 2 3 4 5 6 7
Flux nets
d’exploitation 150 240 320 400 350 270 100

Corrigé. La VAN au taux d’actualisation de 12 % s’écrit :


VAN   1 000  150 /1,12  240 /1,122  ...  270 /1,126  100 /1,127

2. Cf. Chrissos et Gillet (2008), chapitre 4 et Portait et al. (2004), chapitre 2.


L’évaluation de dettes à taux fixe

Le tableau 9.5 récapitule les flux nets d’exploitation, leur facteur


d’actualisation, ainsi que leur valeur actualisée. La somme des flux
actualisés s’établit à 1 187,86 K€. Selon le critère de la VAN, le projet
paraît rentable. Il permet de récupérer le capital investi, de rémunérer
les flux et de dégager une création de valeur correspondant à 187 860
€.

Tableau 9.5. – L’actualisation des flux nets d’exploitation annuels (en K€)
Flux nets Facteurs
Années Flux actualisés
d’exploitation d’actualisation
1 150 0,89286 133,93
2 240 0,79719 191,33

7 100 0,45235 45,23


3
Application 9.5. L’entreprise High Tech Casablanca envisage la pro-
duction et la commercialisation d’un nouveau produit. L’investissement
en matériels se monte à 200 M€, amortissable linéairement sur 10 ans.
La durée du projet est estimée à 10 ans également. L’accroissement du
BFR, dû à l’activité additionnelle, est de 20 M€. La capacité de produc-
tion des nouvelles installations est de 100 000 unités par an. La de-
mande est très forte. En revanche, en raison de la concurrence, le prix
de vente reste indéterminé à l’intérieur de la fourchette 1 900 € – 2 100
€. Les coûts variables sont de 1 000 € par produit. Les charges fixes
décaissables sont estimées à 50 M€. À l’issue du projet, la valeur de
marché du matériel est de 50 M€, le coût du capital de l’entreprise de
12 % et le taux d’imposition des bénéfices de 30 %.
1. Étudiez la faisabilité du projet selon le critère de la VAN.
2. Déterminez le prix du marché à partir duquel le projet d’investi-
ssement devient rentable.
Corrigé
1. Le tableau 9.6 détaille la procédure de calcul des flux nets
d’exploitation. Le chiffre d’affaires est égal à la quantité prévisionnelle
de ventes (100 000 unités), multipliée par le prix de vente (1 900 € ou
2 100 €), ligne (i) du tableau 9.6. Les coûts variables se calculent
comme la quantité prévisionnelle de ventes (100 000 unités) multiplié
par le coût variable unitaire (1 000 €), ligne (ii). Les charges fixes dé-
caissables sont de 50 M€, indépendamment du prix de vente, ligne (iii).
L’excédent brut d’exploitation est le chiffre d’affaires diminué des
charges variables et des charges fixes décaissables, ligne (iv). La prise
en compte des dotations aux amortissements est nécessaire pour dé-
terminer le résultat imposable, qui, à son tour, n’est qu’une étape incon-
tournable pour approcher l’impôt dû au projet. Les dotations aux amor-

3. Cette application est inspirée de Ginglinger (2005b) qui s’intéresse au cas où l’incertitude
affecte les quantités prévisionnelles de ventes.
10 La valeur et le temps

tissements correspondent à la valeur d’acquisition (200 M€) divisée par


la durée d’amorti-ssement (10 ans), ligne (v). Le résultat imposable est
l’EBE, duquel nous déduisons les dotations annuelles, ligne (vi). L’impôt
sur les sociétés est le taux d’imposition pondéré par le résultat impo-
sable, ligne (vii). Le flux net d’exploitation peut dorénavant être calculé
comme l’EBE moins le paiement d’impôt, ligne (viii).

Tableau 9.6. – Détermination des flux par hypothèse de prix (en M€)
Prix 0,0019 0,0021
Chiffre d’affaires, CA
(i) 190 210
Coûts variables, CV
(ii) 100 100
Charges fixes décaissables, CFD
(iii) 50 50
EBE = (i) – (i) – (iii)
(iv) 40 60
Dotations aux amortissements, DOT
(v) 20 20
Résultat imposable = (iv) – (v)
(vi) 20 40
IS = 30 % × (vi)
(vii) 6 12
Flux net d’exploitation = (iv) – (vii)
(viii) 34 48

Les flux ainsi déterminés sont annuels et constants sur les dix an-
nées de l’exploitation. La formule (9.6) est appropriée pour le calcul de
la valeur actuelle nette. Pour un prix de vente de 1 900 €, le projet
d’investissement prévoit de générer un flux annuel constant de 34 M€
sur 10 ans. À la date 0, le capital à investir compte l’acquisition de ma-
tériel pour une valeur de 200 M€ et le financement de l’exploitation pour
20 M€, soit : 220 M€. À la fin des 10 années de l’exploitation,
l’entreprise prévoit la récupération, « au pair », du BFR de 20 M€. Le
matériel, totalement amorti, doit être vendu pour 50 M€. L’impôt sur la
plus-value étant égal ici à l’impôt sur le prix de cession, l’entreprise
récupèrerait une valeur de cession nette d’impôt de 70 % × 50 = 35 M€.
La VAN s’écrit alors :
VAN P1 900  34 (1  1,12 ) / 0,12  (20  35) /1,12  220   10,18 M€
10 10

Dans l’hypothèse d’un prix de vente de 2 100 €, on espère annuel-


lement un flux net d’exploitation de 48 M€ pendant 10 ans. Le capital
investi et la valeur terminale demeurent inchangés, par rapport à
l’hypothèse de prix de 1 900 €. La VAN est donc :
VAN P2 100  48 (1  1,12 ) / 0,12  55 /1,12  220  68,92 M€
10 10

Le projet est à rejeter si le prix de vente espéré est de 1 900 €. Il faut


plutôt l’accepter si le prix de vente espéré est de 2 100 €.
2. Pour le calcul du seuil de rentabilité, il s’agit d’exprimer l’ensemble
des calculs en fonction du prix de vente, P. En reprenant la structure du
tableau 9.6, nous pouvons écrire :
L’évaluation de dettes à taux fixe

CA = 100 000 × P
CV = 100 000 × 0,1 = 100 M€
CFD = 50 M€
EBE = 100 000 × P – 150
DOT = 20 M€
Résultat imposable = 100 000 × P – 170
IS = 30 % × (100 000 × P – 170) = 30 000 × P – 51
FNE = EBE – IS = 70 000 × P – 99
Le seuil de rentabilité est tel que la VAN est nulle :
VANP = (70 000 P – 99) (1 – 1,12–10) / 0,12 + 55 / 1,1210 – 220 = 0
Le prix du marché à partir duquel le projet d’investissement devient
rentable est en conséquence de 1 926 €.
***
Le calcul de la VAN dans toutes les versions de Microsoft Excel
(jusqu’en 2010) contient un problème d’implémentation. La fonction
financière VAN, telle qu’elle est programmée, ne supporte que les flux
qui interviennent entre la fin de la première année et la fin de la durée
de vie du projet. Tous les flux intervenant pendant la première année (y
compris ceux qui ont lieu en tout début de l’année 1, c’est-à-dire à la
date 0) seront affectés systématiquement à la fin de la première an-
4
née . Pour contourner cette difficulté d’implémentation, il suffit de scin-
der la VAN en deux parties. En application du principe d’additivité des
valeurs, nous pouvons écrire :
VAN[0 – n] = VAN[0 – 1[ + VAN[1 – n]
(9.7)
VAN[0 – n] est la valeur actuelle nette du projet sur toute sa durée de
vie (de la date d’aujourd’hui 0 jusqu’à la fin de sa durée de vie n).
VAN[0 – 1[ est la valeur actuelle nette du projet entre la date d’aujourd’hui
0 et la fin de la première année. VAN[1 – n] est la valeur actuelle nette du
projet entre la fin de sa première année et la fin de sa durée de vie. Ce
que permet de calculer Microsoft Excel, c’est la VAN[1 – n[. La VAN[0 – 1[
est à calculer en dehors de la fonction financière VAN de Microsoft
Excel. Les dépenses d’investissement intervenant à la date 0 sont à
considérer sans actualisation, en dehors de la fonction financière VAN
de Microsoft Excel. Les autres flux intervenant entre la date 0 et la fin
de la première année sont à actualiser « manuellement », aussi en
dehors de la fonction financière. Les calculs peuvent être effectués
dans la même cellule renvoyant la VAN « totale », VAN[0 – n].

Application 9.6. L’entreprise Textile de Nador songe à un projet


d’investissement caractérisé par les flux suivants, exprimés en milliers

4. « Si votre premier flux intervient au début de la première période, la première valeur doit
être ajoutée au résultat de la fonction VAN, et non incluse dans les arguments de valeurs ». Extrait
de l’aide sur la fonction VAN, Microsoft Excel 2010.
12 La valeur et le temps

d’euros. Le taux d’actualisation est de 11 %. Calculez la VAN du projet


en utilisant Microsoft Excel.

Tableau 9.7. – Les flux nets d’exploitation annuels sous Excel


A B C D E F G H

1 Années 0 1 2 3 4 5 6
2 Flux – 1 000 150 350 500 300 100 80

Corrigé. La formule de la VAN sous Excel est :


= VAN(taux d’actualisation; flux périodiques). Telle qu’elle est présen-
tée, cette formule nous donnera la VAN[1 – 6]. Le flux de l’année 0 (néga-
tif, du fait de l’investissement initial) constitue VAN[0 – 1[. La somme des
deux VAN est considérée dans la même cellule pour représenter la VAN
totale, VAN[0 – 6]. La saisie de la cellule est donc : = B2 +
VAN(0,11;C2:H2), et renvoie à une VAN de 84,53 K€.
***
Le critère de la VAN repose sur une hypothèse, pas nécessairement
réaliste, de réinvestissement des flux nets d’exploitation au taux
d’actualisation. La VAN globale permet, par contre, de prendre en
compte les possibilités réelles de réinvestissement des flux intermé-
diaires (intervenant entre la première année et la dernière). D’autre
part, la VAN n’intègre pas la liquidité de l’investissement. Une VAN posi-
tive indique bien une création de valeur, mais ne renseigne pas le déci-
deur sur le délai nécessaire pour que la rentabilité soit considérée
comme acquise. Afin d’intégrer le degré de liquidité de l’investissement,
le délai de récupération actualisé peut être utilisé à titre de critère com-
plémentaire. Enfin, le critère de la valeur actuelle nette est difficilement
applicable aux projets de tailles différentes. L’indice de profitabilité et la
VAN globale complétée lui seront préférés dans ce cas.

2.3. 2.3. L’indice de profitabilité

L’indice de profitabilité, IP, est une mesure relative de la création de


valeur. Il rapporte la somme actualisée des flux nets d’exploitation au
montant de l’investissement initial.
IP  [tn1 FNEt / (1  k )t ] / I0  1  VAN / I 0
(9.8)
L’indice de profitabilité mesure la création de valeur par euro investi,
VAN / I 0 . Un projet ayant un indice supérieur à l’unité,
[tn1 FNEt / (1  k )t ] / I 0  1 , rapporte plus qu’il ne coûte,
tn1 FNEt / (1  k )  I 0 .
t
L’évaluation de dettes à taux fixe

Un projet est rentable si son indice de profitabilité est supérieur à 1.


Entre deux projets, on préférera celui dont l’indice de profitabilité est le
plus élevé. Ce critère est particulièrement utile lorsque le capital doit
être rationné. Dans ce cas (le plus plausible), l’allocation des budgets
d’investissement doit être optimisée. L’indice permet de classer les
opportunités d’investissement, de montants différents, par ordre de
rentabilité.

Application 9.7. Une entreprise projette d’investir 100 000 €, dont les
flux nets d’exploitation espérés sont les suivants. En retenant un taux
d’actualisation à 12 %, calculez l’indice de profitabilité.

Tableau 9.8. – Les flux nets d’exploitation annuels


Années 1 2 3 4 5 6 7
20 25 31 40 29 12
Flux nets d’exploitation 5 000
000 000 000 000 000 000

Corrigé. Le tableau 9.9 montre la procédure d’actualisation des flux.


L’indice de profitabilité est de : 110 069,60 / 100 000 = 1,1007. Cet
indice étant supérieur à 1, le projet semble rentable : chaque euro in-
vesti est supposé rapporter 1,1007 euro.

Tableau 9.9. – L’actualisation des flux nets d’exploitation annuels


Flux nets Facteurs Flux
Années
d’exploitation d’actualisation actualisés
1 20 000 0,89286 17 857,14

7 5 000 0,45235 2 261,75

2.4. 2.4. Les conflits de critères valeur actuelle nette -


indice de profitabilité

La valeur actuelle nette et l’indice de profitabilité conduisent à la


même décision concernant la faisabilité d’un seul projet
d’investissement. Un projet à VAN positive aura systématiquement un
IP supérieur à 1. La VAN positive renvoie à la création de valeur abso-
lue. L’IP indique la création de valeur relative. L’utilisation de la VAN et
de l’IP pour comparer plus d’une opportunité d’investissement conduit à
distinguer deux cas. En cas de rationnement du capital, le but étant de
maximiser la richesse créée par euro investi, l’IP est à privilégier par
rapport à la VAN. En l’absence de rationnement du capital, pour des
projets de montants différents, les critères VAN et IP peuvent diverger
quant à leurs recommandations. Dans ce cas, c’est la VAN qui indique
la création de valeur par le projet.
14 La valeur et le temps

Application 9.8. Soient deux opportunités d’investissement, de même


risque rémunéré sur le marché à 11,5 %. La première opportunité con-
siste à investir 10 000 €. Elle promet l’encaissement de 13 500 € au
terme d’une année. La seconde opportunité nécessite un investisse-
ment de 100 000 € avec une espérance d’encaissement de 115 000 €
dans un an. Les montants et les durées des deux opportunités sont figés.
1. Calculez la VAN et l’IP des deux projets. Interprétez les résultats.
2. Déterminez l’opportunité d’investissement à choisir en cas de ration-
nement d’un capital inférieur à 100 000 €.
3. En supposant l’absence de rationnement du capital, laquelle des
deux opportunités doit être privilégiée ?

Corrigé
1. Le calcul de la valeur actuelle nette et de l’indice de profitabilité des
deux projets se présente comme suit :
VAN1 = – 10 000 + 13 500 / 1,115 = 2 108 € ; IP1 = 1 + 2 108 / 10 000 = 1,21 ;
VAN2 = – 100 000 + 115 000 / 1,115 = 3 139 € ; IP2 = 1 + 3 139 / 100 000 = 1,03.
Selon le critère de la VAN, le projet 2 est à préférer au projet 1. Les
deux projets permettent de couvrir la dépense d’investissement et de
rémunérer le capital à 11,5 %. Le premier projet dégage un surcroît de
valeur de 2 108 €, alors que le second projet génère une création de
valeur de 3 139 €. L’IP recommande le projet 1 par rapport au projet 2.
La création de valeur relative est plus importante avec le premier
qu’avec le second.
2. Si le budget d’investissement est à rationner et inférieur à 100 000 €,
le projet 1 doit être entrepris. Dans ce cas, l’indice de profitabilité
l’emporte sur la VAN.
3. En l’absence de rationnement du capital, le projet 2 doit être retenu,
puisqu’il permet une création de richesse de 3 139 €, contre 2 108 €
pour le projet 1.

2.5. 2.5. Le taux interne de rentabilité

Le taux interne de rentabilité d’un investissement, TIR, est le coût du


capital qui annule la création de valeur. D’après la formulation générale
donnée par la relation (9.5), il vient que :
tn0 ( FNEt  It  VTt ) / (1  TIR)  0
t

(9.9)
Le TIR indique la rentabilité annuelle moyenne sur la période de
l’investissement. Il peut être interprété comme le taux de rentabilité
5
actuariel du placement de fonds dans l’investissement . De manière
équivalente, le TIR est le taux qui égalise les dépenses (les capitaux à

5. La définition, la formulation générale et les formules de détermination du taux de rentabilité


actuariel par instant de capture figurent dans le chapitre 4.
L’évaluation de dettes à taux fixe

investir) et les recettes (les flux nets d’exploitation et les valeurs termi-
nales), en tenant compte de l’actualisation à ce même taux :
tn0 ( FNEt  VTt ) / (1  TIR)  tn0 It /(1  TIR)
t t

(9.10)
Sur le plan mathématique, le TIR est la racine d’un polynôme de de-
gré n. Pour les projets « ordinaires » qui nécessitent une seule dépense
d’investissement et qui sécrètent par la suite une série de flux nets
d’exploitation positifs, une racine au maximum existe, correspondant au
TIR du projet. Dans ce cas, la VAN est monotone et décroissante en
fonction du taux d’actualisation. Pour les projets qui se caractérisent
par au moins un changement de signe des flux annuels, le nombre
maximum de TIR correspond au nombre de changements de signes
dans l’équation. En cas de TIR multiples, devant la difficulté d’arbitrer
entre les solutions mathématiques, le critère de la VAN est à utiliser
pour la prise de décision. Le calcul du TIR sous Microsoft Excel est très
commode. La fonction financière TIR est programmée. L’utilisateur peut
par ailleurs faire appel à la « valeur cible » ou au « solveur » qui consti-
tuent des substituts plus généraux à la fonction financière TIR. Il est
possible de déterminer le TIR par interpolation linéaire. Le choix porte
sur deux taux d’actualisation, l’un faisant ressortir une VAN positive et
l’autre une VAN négative. Le TIR se situe alors entre ces deux taux.
6
L’interpolation linéaire sur l’intervalle permet une estimation du TIR .
La règle de décision selon le TIR est la suivante. Lorsque le TIR du
projet est supérieur au taux d’actualisation, l’investissement peut être
adopté. Dans ce cas, la rentabilité moyenne des fonds engagés est
supérieure à leur coût. Le taux d’actualisation joue ici le rôle de taux
limite, de référence et de marché, en dessous duquel le projet est à
rejeter, car le CMPC ne sera pas couvert. Entre deux projets, il faut
choisir celui dont le TIR est le plus élevé. Pour un taux d’actualisation
donné, plus le TIR est élevé et plus la distance séparant les deux taux
constitue une marge de sécurité. Cette distance étant tributaire des flux
prévisionnels restant à réaliser, sa largeur se veut rassurante pour le
décideur.

Application 9.9. Soit un projet d’investissement ayant une dépense


initiale d’un million d’euros et des flux annuels qui se répartissent
comme suit. En considérant un coût du capital de 12 %, ce projet est-il
rentable au vu de son TIR ?

Tableau 9.10. – Les flux nets d’exploitation annuels


Années 1 2 3 4 5 6

6. Rappelons que la fonction du TIR n’étant pas linéaire, l’approximation par interpolation
n’est admissible que si son intervalle d’application est réduit.
16 La valeur et le temps

180 230 320 380 330 200


Flux
000 000 000 000 000 000

Corrigé. Le taux interne de rentabilité est la solution de l’équation :


0   1 000 000  180 000 / (1  TIR)1  ...  200 000 / (1  TIR)6
La solution exacte est 15,29909 %. Procédons par interpolation liné-
aire, en prenant d’abord un taux pour lequel la VAN est positive, par
exemple 12 %. À ce taux, le projet devrait être accepté, la VAN étant
positive et égale à 101 912,51 €. Considérons à présent un taux pour
lequel la VAN est négative, par exemple 16 %. À ce taux, le projet de-
vrait être rejeté, la VAN étant négative et égale à – 19 813,30 €. Le TIR
est compris donc entre 12 % et 16 %. Schématiquement, cela donne :

Schéma 9.1. – La détermination du TIR par interpolation linéaire

12 % TIR 16 %
I I I
101 912,51 € 0 – 19 813,30 €
D’où l’égalité :
(TIR – 12 %) / (0 – 101 912,51) = (16 % – 12 %) / (– 19 813,3 – 101 912,51).
L’approximation du TIR s’établit à 15,34892 %. D’après le critère du
TIR, le projet devrait être accepté. Le TIR du projet est bien supérieur
au coût de son financement. La VAN est positive, signalant que la
même décision est recommandée selon ce critère.

2.6. 2.6. Les conflits de critères valeur actuelle nette - taux


interne de rentabilité

La valeur actuelle nette et le taux interne de rentabilité conduisent


aux mêmes conclusions lorsqu’il s’agit d’apprécier un seul projet
d’investissement. Une VAN positive et un TIR supérieur au taux
d’actualisation indiqueraient que le projet est rentable, une VAN néga-
tive et un TIR inférieur au taux d’actualisation qu’il n’est pas rentable.
Des conflits de critères pourraient survenir lorsqu’il s’agit de comparer
deux ou plusieurs projets de tailles et/ou de durées de vie différentes.
Les résultats contradictoires auxquels peuvent conduire ces critères
s’expliquent par les différences d’hypothèses implicites sur lesquelles
ils reposent. La VAN suppose que les flux nets d’exploitation soient
réinvestis au taux d’actualisation. Ce taux constitue la rémunération
qu’exigent les pourvoyeurs de fonds, étant donné le risque du projet.
De ce fait, un réinvestissement des flux intermédiaires à ce taux est
concevable avec le même projet, avec un projet de risque comparable
sur le marché, ou par l’achat de titres d’entreprises ayant le même pro-
jet ou un projet de risque comparable. Le TIR repose sur le réinvestis-
sement des flux nets à ce même taux, qui n’est pas nécessairement en
relation avec la rémunération du risque du projet d’investissement. Il
L’évaluation de dettes à taux fixe

n’est pas toujours admissible, même s’il est le plus vraisemblable, de


supposer que l’entreprise pourrait placer ses flux intermédiaires au taux
TIR. Ce dernier n’est pas un taux du marché, mais plutôt une solution
mathématique résultant des flux prévisionnels et renseignant sur la
7
rentabilité moyenne attendue du projet . La VAN indique la création de
valeur du projet d’investissement. Son hypothèse du réinvestissement
des flux intermédiaires au coût du capital est plus admissible. En cas
de conflit entre les critères VAN et TIR, la VAN est à privilégier.
Le taux d’indifférence, TI 1,2, est le taux d’actualisation pour lequel les
VAN de deux (ou plusieurs) projets sont égales :
VAN 1 = VAN 2
(9.11)
Les exposants 1 et 2 permettent de différencier deux projets 1 et 2.
En faisant appel à la définition de la VAN donnée par la relation (9.3),
nous pouvons écrire :
I 10 + tn1 FNE1t /(1  TI 1,2)t   I 02 + tn1 FNE t2 /(1  TI 1,2)t (9.12)
ou encore :
tn1 ( FNE1t  FNE t2) / (1  TI 1,2)  ( I 10  I 02)  0
t
(9.13)

Application 9.10. Le Holding Oujda Détentions pense à deux nou-


8
velles opportunités d’investissement incompatibles 1 et 2 , d’une dé-
pense initiale de 175 000 € chacun, d’une durée de vie de 6 ans, d’un
coût du capital de 12 % et dont les flux nets d’exploitation annuels sont :

Tableau 9.11. – Les flux nets d’exploitation annuels


Année 1 2 3 4 5 6
73 87 52 35 17
FNE du projet 1 8 750
500 500 500 000 500
34 52 70 115 26
FNE du projet 2 5 250
125 500 000 500 250
1. Décidez de la faisabilité des deux projets par le calcul de la valeur
actuelle nette, de l’indice de profitabilité et du taux interne de rentabilité.
2. Donnez une représentation graphique de l’évolution des VAN en
fonction des taux d’actualisation. Déterminez les positions graphiques
des TIR des deux projets.
3. Déterminez la solution analytique du taux d’indifférence entre les
deux projets.

7. Toutefois, le taux interne de rentabilité doit être à la base du taux de rentabilité exigé et pra-
tiqué sur le marché. À l’équilibre, un investissement vaudra ce qu’il permettra de rapporter (Fisher,
1907), sa VAN sera nulle et son TIR concordera avec son coût moyen pondéré du capital.
8. Deux projets sont incompatibles lorsqu’ils ne peuvent être regroupés dans le même pro-
gramme d’investissement.
18 La valeur et le temps

4. En supposant l’absence d’information sur le taux d’actualisation,


analysez graphiquement la faisabilité des projets à l’instar des critères
VAN et TIR.
Corrigé
1. Les VAN, IP et TIR sont récapitulés au tableau 9.12. Le projet 2
semble plus rentable au vu des critères VAN et IP. D’après le critère du
TIR, le projet 1 (à TIR supérieur) est à privilégier.

Tableau 9.12. – Les indicateurs de la rentabilité des projets


VAN IP TIR
Projet 1 34 354 1,20 21,3 %
Projet 2 38 103 1,22 19,6 %
2. Le graphique 9.1 représente l’évolution de la VAN de chaque projet
pour des niveaux variés du taux d’actualisation. La VAN est une fonc-
tion décroissante du taux d’actualisation. Les TIR des deux projets peu-
vent être déterminés graphiquement par l’intersection des courbes avec
l’axe des abscisses.
Graphique 9.1. – Évolution de la VAN en fonction du taux d’actualisation

3. Les courbes se coupent au point VAN 1,2, correspondant à un taux


d’actualisation de 14,74 %. Les dépenses d’investissement des deux
projets sont identiques, I 10  I 02 et l’égalité (9.13) devient :
t
tn1 ( FNE1t  FNE t2) / (1TI 1,2)  0. Les flux différentiels, FNE1– FNE2,
sont montrés au tableau 9.13. Le choix arbitraire de deux taux, l’un
t
conduisant à une somme tn1 ( FNE1t  FNE t2) / (1TI 1,2) positive et l’autre à
une somme négative, permet d’obtenir, par interpolation linéaire, une
approximation du taux d’indifférence qui annule cette somme. La réso-
lution numérique, par l’utilisation de la valeur cible sous Excel par
exemple, permet d’obtenir la solution exacte : TI 1,2 = 14,74 %.

Tableau 9.13. – Les flux nets d’exploitation différentiels

Année 1 2 3 4 5 6
FNE 1 – FNE – 17 – 80
2 39 375 35 000 – 8 750 3 500
500 500
L’évaluation de dettes à taux fixe

4. Selon le critère TIR, quel que soit le taux d’actualisation, le TIR du


premier projet est supérieur à celui du second. Dans l’hypothèse d’un
taux d’actualisation inférieur au TIR1, le critère TIR recommande alors le
projet 1. Selon le critère VAN, c’est l’ordre de grandeur du taux
d’actualisation qui conditionnera l’ordre de préférence entre les projets
1 et 2. Pour tout taux d’actualisation inférieur au taux d’indifférence,
k < TI 1,2, les deux projets semblent rentables, mais le projet 2 est le plus
rentable des deux, 0 < VAN 1 < VAN 2, et donc à adopter. Pour un taux
d’actualisation égal au taux d’indifférence, k = TI 1,2, les deux projets
paraissent rentables et créent la même valeur 23 122 €. Les projets 1
et 2 sont alors équivalents et l’un d’entre eux peut être adopté indiffé-
remment. Pour tout taux d’actualisation compris entre le taux
d’indifférence et le taux interne de rentabilité du projet 2, TI 1,2 < k < TIR 2,
nous avons 0 < VAN 2 < VAN 1. Les deux projets sont rentables. Le projet
1, le plus rentable des deux, est à retenir. Pour un taux d’actualisation
compris entre le taux interne de rentabilité du projet 2 et celui du projet
1, TIR 2 < k < TIR 1, nous avons VAN 2 < 0 < VAN 1. Seul
le projet 1 est rentable. Le choix se fixera sur le projet 1. Et pour un
taux d’actualisation supérieur au taux interne de rentabilité du projet 1,
TIR 1 < k, nous avons VAN 2 < VAN 1 < 0. Les deux projets ne sont pas
rentables et doivent être rejetés. Au total, le conflit de critères VAN - TIR
concerne le cas où le coût du capital est inférieur au taux d’indifférence,
k < TI 1,2. Le critère de la VAN, reposant sur une hypothèse de réemploi
de fonds plus plausible et indiquant une création de valeur nette, est le
critère à privilégier dans ce cas.

2.7. 2.7. La valeur actuelle nette globale et le taux interne de


rentabilité global

La VAN globale et le TIR global constituent des généralisations des


critères VAN et TIR. Les critères globaux permettent de considérer les
opportunités les plus vraisemblables de réinvestissement des flux in-
termédiaires. La VAN suppose que les flux intermédiaires soient réin-
vestis à un taux correspondant au taux d’actualisation. La valeur ainsi
acquise au terme de l’exploitation du projet est actualisée sur sa durée
9
de vie :
VAN  tn1 FNEt / (1  k )t  I0  [tn1 FNEt  (1  k )n  t ] / (1  k )n  I 0 (9.14)

Le TIR sous-entend le réinvestissement, puis l’actualisation des flux


intermédiaires au taux TIR lui-même :
n t
tn1 FNEt / (1  TIR)  I0  [tn1 FNEt  (1  TIR) ] / (1  TIR)n  I 0  0 (9.15)
t

Le calcul de la VAN globale passe tout d’abord par la capitalisation


des flux nets d’exploitation intermédiaires, FNE, au taux de réinvestis-

9. Voir sur ce thème Sulzer (1997), p. 846.


20 La valeur et le temps

sement, ω (taux effectif de réemploi des fonds). La valeur acquise ainsi


obtenue (somme capitalisée à l’année n), Vn, est ensuite actualisée au
coût du capital k. La dépense d’investissement I0 est enfin retranchée
de la valeur actuelle des flux :
VAN Globale  [t 1 FNEt  (1  ) ] / (1  k )  I0  Vn / (1  k )  I 0 (9.16)
n n t n n

Lorsque le taux de réinvestissement est supérieur au coût du capital,


les flux intermédiaires sont capitalisés à un taux supérieur à ce qu’ils
coûtent en termes de coût du capital et la VAN globale est à son tour
supérieure à la VAN. Pour un taux de réinvestissement égal au coût du
capital, les flux intermédiaires sont capitalisés à un taux égal au coût du
capital : ils rapportent ce qu’ils coûtent. La VAN globale coïncide en ce
cas avec la VAN. Enfin, les taux de réinvestissement inférieurs au coût
du capital conduisent à des flux intermédiaires capitalisés à un taux
inférieur au coût du capital et à des VAN globales inférieures aux VAN.
Le taux interne de rentabilité global d’un investissement, TIRGlobal, est
le coût du capital qui rendrait nulle la VAN globale. À partir de
l’expression (9.16), il vient que :
VAN Globale  [t 1 FNEt  (1  ) ] / (1  TIR Global )  I0  0
n n t n
(9.17)
Le TIRGlobal peut alors s’écrire :

TIR Global  n [t 1 FNEt  (1  ) ] / I 0  1  n Vn / I 0  1


n n t
(9.18)

Lorsque le taux de réinvestissement est égal au coût du capital, la


VAN globale concorde avec la VAN ; mais le TIR global demeure diffé-
rent du TIR. Le TIR suppose le réinvestissement des flux intermédiaires
au taux TIR. Le TIR global implique le réemploi des fonds au taux de
réinvestissement, qui est le taux d’actualisation dans ce cas. Lorsque le
taux de réinvestissement est supérieur au TIR, le TIR global est supé-
rieur au TIR. Pour un taux de réinvestissement égal au TIR, le TIR glo-
bal concorde avec le TIR. Les taux de réinvestissement inférieurs au
TIR conduisent à des TIR globaux inférieurs au TIR. Les critères glo-
baux sont certes plus flexibles eu égard aux critères classiques VAN et
TIR. Mais leur bonne utilisation demeure tributaire du degré de préci-
sion des prévisions des taux de réinvestissement.

Application 9.11. Considérons un projet d’investissement qui est espé-


ré sécréter les flux suivants. L’investissement initial est de 75 000 €. Le
coût du capital est estimé à 12 %.

Tableau 9.14. – Les flux nets d’exploitation annuels


Année 1 2 3 4 5 6
18
FNE 20 000 22 000 26 000 30 000 15 000
000
1. Appréciez la VAN et le TIR.
L’évaluation de dettes à taux fixe

2. Déterminez la VAN globale et le TIR global, en présumant que les


flux peuvent être réinvestis au taux d’actualisation, ω = k = 12 %.
3. Estimez la VAN globale et le TIR global, en supposant que les flux
peuvent être réinvestis au taux ω = 22 %.
4. Quantifiez la VAN globale et le TIR global, en imaginant que les flux
peuvent être réinvestis au taux TIR, ω = TIR = 19,298 %.
5. Mesurez la VAN globale et le TIR global, dans l’hypothèse d’un taux
de réinvestissement des flux ω = 7,5 %.
Corrigé
1. La création de valeur par le projet s’élève à 15 780 €. Le taux qui
annule cette création de valeur est de 19,298 %.
2. Le tableau 9.15 récapitule la capitalisation des flux à la maturité. Le
flux de la première année, 20 000 €, est réinvesti 5 années au taux de
12 % : 20 000 × (1,12)5 = 35 247 €. Le flux de la deuxième année est ré-
4
employé 4 années : 22 000 × (1,12) = 34 617 €… La valeur acquise de
l’ensemble des flux nets d’exploitation réinvestis est de 179 184 €. La
VAN globale est :
(t61 FNEt 1,126  t ) /1,126  I 0  179 184 /1,126  75 000  15 780 €.
Le réinvestissement des flux intermédiaires au taux d’actualisation
de 12 % entraîne l’égalité entre la VAN globale et la VAN à 15 780 € :
VAN Globale  [t 1 FNEt  (1  k ) ] / (1  k )  I 0  t 1 FNEt /(1  k )  I 0  VAN.
n n t n n t

Le TIR global du projet est le taux d’actualisation qui annule la VAN


globale : 6 (t6  1 FNEt 1,126  t ) / 75 000  1  6 179 184/75 000  1  15,62%.

Tableau 9.15. – Les flux nets d’exploitation annuels réinvestis à 12 %


Année 1 2 3 4 5 6
37
FNE réinvestis 35 247 34 617 36 528 20 160 15 000
632
3. Le réinvestissement des flux au taux de ω = 22 % conduit aux capita-
lisations suivantes. La VAN globale s’écrit :
(t6  1 FNEt 1, 226  t )/1,126  I 0  231616 /1,126 – 75 000  42 344 € . La VAN
globale est supérieure à la VAN, puisque le taux de réinvestissement
est supérieur au coût du capital. Le TIR global du projet est le taux
d’actualisation qui annule la VAN globale :
6
( t61 FNEt 1, 226  t ) / 75 000  1  6 231 616/75 000  1  20,68 %.

Tableau 9.16. – Les flux nets d’exploitation annuels réinvestis à 22 %


Année 1 2 3 4 5 6
FNE réinvestis 54 054 48 737 47 212 44 652 21 960 15 000
4. Un taux de réinvestissement supérieur au taux d’actualisation est
supposé générer une VAN globale supérieure à la VAN. Les flux réin-
vestis sont récapitulés dans le tableau 9.17. Leur valeur totale est
22 La valeur et le temps

216 203 €. La VAN globale est :


(t61 FNEt 1,1936t )/1,126  I0  216 203 /1,126  75 000  34 535 €. Un taux
de réinvestissement égal au taux TIR est censé générer un TIR global
égal au TIR. Le TIR global s’écrit :
n t
VAN Globale  [ t 1
n
FNE t  (1  TIR ) ] / (1  TIRGlobal ) n
 I 0  0. Le critère
du TIR, supposant implicitement un taux de réinvestissement égal au
taux TIR, s’écrit :
VAN  tn1 FNEt / (1  TIR)t  I0  [tn1 FNEt (1  TIR)n t ] / (1  TIR)n  I 0  0. Pour
un taux de réinvestissement correspondant au TIR, la comparaison des
deux dernières relations fait ressortir la stricte égalité entre le TIR global
et le TIR.

Tableau 9.17. – Les flux nets d’exploitation annuels réinvestis à 19,298 %


Année 1 2 3 4 5 6
FNE réinvestis 48 328 44 561 44 144 42 696 21 474 15 000
5. Le tableau 9.18 reprend la capitalisation des flux à la maturité. La
valeur acquise correspond à la somme des flux nets d’exploitation réin-
vestis, soit 159 411 €. La VAN globale s’exprime dès lors :
(t61 FNEt 1,0756  t )/1,126  I0  159 411/ 1,126  75 000  5 763 €.
Il s’agit de la création effective de valeur par le projet, en tenant
compte des réelles possibilités de réinvestissement. Le TIR global du
projet s’écrit : 6 (t61 FNEt 1,0756t ) / 75 000  1  6 159 411/ 75 000  1  13,39 %.
Il implique un réemploi des flux au taux effectif de 7,5 % et une actuali-
sation de la valeur ainsi acquise au TIR global.

Tableau 9.18. – Les flux nets d’exploitation annuels réinvestis à 7,5 %


Année 1 2 3 4 5 6
34
FNE réinvestis 28 713 29 380 32 300 19 350 15 000
669

2.8. 2.8. Les projets à maturités différentes

L’étude de projets à maturités différentes s’effectue à travers une


comparaison sur une période de temps identique. Le but est de ne pas
désavantager les projets à durées plus courtes, qui peuvent générer
des flux sur le complément d’échéance, par rapport aux projets à du-
rées plus longues. En se fondant sur une durée identique, deux ap-
proches permettent de comparer les projets à maturités différentes.
Ces approches supposent toutefois que les projets peuvent être dupli-
qués dans le temps, au sens où ils peuvent être renouvelés à
10
l’identique .

10. Dans le cas où les projets ne peuvent être dupliqués dans le temps, le critère de la VAN de-
L’évaluation de dettes à taux fixe

2.8.1. 2.8.1. La méthode du plus petit multiple commun


La méthode du plus petit multiple commun consiste à déterminer une
échéance commune aux projets en fonction du plus petit multiple com-
mun des durées de vie. Cela revient à reconduire fictivement les projets
au terme de leur durée de vie autant de fois que nécessaire jusqu’à
l’obtention d’une échéance commune.

Illustration 9.1. Pour comparer un projet d’une durée de vie de 3 ans


avec un projet d’une durée de 2 ans, il s’agit de considérer une
échéance « fictive » commune de 6 ans. Cela revient à dupliquer le
premier projet deux fois et le second une fois, pour une comparaison
sur une durée commune de 6 ans.
Le renouvellement des projets sur une durée commune suppose que
les flux (positifs et négatifs) qu’ils génèrent peuvent être dupliqués im-
muablement, excluant de cette manière tout progrès technologique et
tout changement notable du niveau de l’activité. Aussi, le plus petit
multiple commun peut être un nombre en déphasage avec l’horizon
raisonnable de prévisions (56 ans, par exemple, pour deux projets de
durées de vie de 7 et 8 ans).

2.8.2. 2.8.2. La méthode du flux annuel équivalent


La méthode du flux annuel équivalent constitue une alternative à
celle du plus petit multiple commun, qui mène au même classement de
projets. Elle consiste à calculer une suite d’annuités constantes sur la
durée de chacun des projets, de sorte que la valeur actuelle de la suite
des flux constants ainsi déterminée concorde avec la VAN du projet :
VAN  tn  1 FNE t / (1  k )t  I 0  FAE [1  (1  k )  n] / k
(9.19)
Le flux annuel équivalent s’écrit alors :
FAE  VAN k / [1  (1  k )  n]
(9.20)
La règle de décision consiste à retenir le projet qui présente le flux
annuel équivalent le plus élevé. Le flux annuel équivalent et la VAN
permettent de mesurer la création de richesse. Les deux critères peu-
vent toutefois conduire à des décisions contradictoires. En comparant
les recettes actualisées avec les dépenses actualisées, la VAN mesure
la création globale de richesse de l’investissement. Le flux annuel équi-
valent consiste en le même raisonnement, mais sur une base annuelle.
Le FAE mesure la création annuelle de richesse.

meure valable.
24 La valeur et le temps

Application 9.12. Considérons deux projets d’investissement avec un


coût du capital de 11,5 % et dont les flux en milliers d’euros sont :

Tableau 9.19. – Les flux nets d’exploitation annuels


Année 0 1 2 3 4 5

Projet 1 700 562,5 475 400 325
1500

Projet 2 525 1250 400
1500
1. Identifiez le projet à prescrire selon les critères de la VAN et du TIR.
2. Décidez du projet à retenir d’après la méthode du plus petit multiple
commun.
3. Identifiez le projet à conseiller suivant la méthode du flux annuel
équivalent.
Corrigé
1. Le calcul de la VAN et du TIR donne VAN 1 = 370,30 K€, TIR 1 = 22,50
%, VAN 2 = 264,86 K€ et TIR 2 = 21,58 %. La VAN du projet 1 est supé-
rieure à la VAN du projet 2. Le TIR du projet 1 est supérieur au TIR du
projet 2. Selon les critères VAN et TIR, le projet 1 est à privilégier par
rapport au projet 2.
2. Les deux projets ne se réalisant pas sur la même durée, leur compa-
raison ne sera congrue que sur un horizon commun, correspondant au
plus petit multiple commun : 5 × 3 = 15 ans. En supposant que les pro-
jets sont renouvelables dans le temps, le projet 1 doit ainsi être dupli-
qué deux fois et le projet 2 doit être dupliqué quatre fois.
3. Les VAN des deux projets sur l’horizon commun peuvent être calcu-
lées en se fondant sur les VAN précédemment calculées (tableau 9.20),
ou en utilisant les flux totaux dégagés par les projets sur les 15 années
(tableau 9.21).
Méthode 1 : La VAN sur l’horizon commun est la somme actualisée
des VAN dues aux duplications des projets. Le projet 1 génère une VAN
de 370,30 K€ aux dates 0, 5 et 10. L’actualisation de ces VAN permet
d’obtenir la VAN du projet 1 sur l’horizon commun :
370,3 + 370,3 / 1,115 5 + 370,3 / 1,115 10 = 709,86 K€. Le projet 2 génère une
VAN de 264,86 K€ aux dates 0, 3, 6, 9 et 12. Sa VAN sur l’horizon com-
mun est : 264,86 + 264,86/1,1153 + 264,86/1,1156 + 264,86/1,1159 +
264,86/1,11512 = 764,94 K€.

Tableau 9.20. – Les VAN des projets dupliqués


Projet 1 Projet 2
1ère
Anné 1ère 2ème 1ère 2ème 3ème 4ème
mise 1ère mise
e dupli- dupli- dupli- dupli- dupli- dupli-
en en place
cation cation cation cation cation cation
place
0 370,30 264,86
L’évaluation de dettes à taux fixe

1
2
3 264,86
4
5 370,30
6 264,86
7
8
9 264,86
10 370,30
11
12 264,86

Méthode 2 : La VAN sur l’horizon commun est la valeur actualisée des


flux positifs et négatifs liés aux duplications de projets. Le tableau 9.21
présente le processus de duplication des flux des deux projets. La cin-
quième colonne reprend la somme des flux que génère le projet 1 sur
l’horizon commun de 15 ans. La VAN du projet 1 sur l’horizon commun
est : – 1 500 + 700 / 1,115 1 + … + 400 / 1,115 14 + 325 / 1,115 15 = 709,86 K€. La
dernière colonne du tableau 9.21 indique la somme des flux que sé-
crète le projet 2 sur l’horizon commun. L’actualisation de ces sommes
conduit à la VAN du projet 2 sur l’horizon commun :
– 1 500 + 525 / 1,115 1 + … + 1 250 / 1,115 14 + 400 / 1,115 15 = 764,94 K€. Sur un
horizon commun aux deux projets, obtenu en dupliquant aussi bien le
projet 1 que le projet 2, c’est le projet 2 qui sera préféré
(VAN 2Horizon commun > VAN1Horizon commun) .

Tableau 9.21. – Les flux des projets dupliqués


Projet 1 Projet 2
1ère
1ère 2ème 1ère 1ère 2ème 3ème 4ème
Année mise Somme Somme
dupli- dupli- mise en dupli- dupli- dupli- dupli-
en flux 1 flux 2
cation cation place cation cation cation cation
place
–1 –1
0 – 1 500 – 1 500
500 500
1 700 700 525 525
1
2 562,5 562,5 1 250
250
–1
3 475 475 400 – 1 100
500
4 400 400 525 525
–1
5 325 – 1 500 1 250 1 250
175
–1
6 700 700 400 – 1 100
500
7 562,5 562,5 525 525
8 475 475 1 250 1 250
–1
9 400 400 400 – 1 100
500
–1
10 325 – 1 500 525 525
175
11 700 700 1 250 1 250
–1
12 562,5 562,5 400 – 1 100
500
13 475 475 525 525
14 400 400 1 250 1 250
26 La valeur et le temps

15 325 325 400 400

3. Connaissant les VAN des deux projets, nous pouvons déterminer les
flux annuels équivalents. En utilisant la relation (9.20), le flux annuel
équivalent pour le projet 1 s’écrit : 370,3 × 0,115 / (1 – 1,115– 5) = 101,46 K€.
De même, le flux annuel équivalent pour le projet 2 est :
264,86 × 0,115 / (1 – 1,115– 3) = 109,33 K€. En ignorant la différence de
maturités, la VAN et le TIR privilégient le projet 1. À l’instar des recom-
mandations du critère du plus petit multiple commun, le critère du flux
annuel équivalent préconise le projet 2.

2.9. 2.9. Les projets à dépenses d’investissement


différentes : la valeur actuelle nette globale complétée

La comparaison par le critère de la VAN de deux projets


d’investissement nécessitant des dépenses initiales différentes sup-
pose implicitement que le complément de dépense initiale est placé à
un taux égal au taux d’actualisation. Pour illustrer ce propos, nous con-
sidérons deux projets d’investissement P1 et P2, nécessitant deux dé-
penses initiales I 0P1  I 0P 2 , et générant des flux nets d’exploitation an-
nuels P P
FNE1 1, ..., FNE n 1 et P P
FNE1 2, ..., FNE n 2. Les VAN des deux projets
11
s’écriront :
VAN P1  t 1 FNE tP1 /(1  k )  I 0P1
n t
(9.21)

et :
VAN P 2  t 1 FNE tP 2 /(1  k )  I 0P 2
n t

(9.22)
Lors de la comparaison des deux projets, la VAN du projet 2 peut
s’écrire de manière équivalente :
VAN P 2  tn 1 FNE tP 2 /(1  k )  I 0P 2  (I 0P1  I 0P 2)  (I 0P1  I 0P 2)(1 k ) / (1 k )
t n n
(9.23)

soit encore :
VAN P 2  tn 1 FNE tP 2 /(1  k )  ( I 0P1  I 0P 2) (1 k ) / (1 k )  I 0P1
t n n

(9.24)
Cette présentation a l’avantage d’exprimer la VAN du projet 2 en
fonction de la dépense initiale du projet 1. Entreprendre le projet 2, en
engageant un montant I 0P 2 (relation (9.22)), équivaut à engager un

11. Afin de ne pas alourdir les écritures, nous nous basons sur l’écriture la plus simple de la
VAN, selon laquelle la valeur résiduelle est nulle et il n’y a qu’une seule dépense d’investissement
intervenant à la date 0. En considérant cela dans l’équation générale (9.5), nous obtenons les
relations (9.21) et (9.22).
L’évaluation de dettes à taux fixe

montant I 0P1 (relation (9.24)). Le complément ( I 0P1  I 0P 2) , coûtant le coût


du capital et rapportant le même montant, est sans impact sur la créa-
tion de valeur, mais présente l’intérêt de permettre de comparer les
deux projets sur la base de la même dépense initiale.
Nous avons déjà montré que la VAN globale, dans le cas où le taux
de placement est égal au taux d’actualisation, se réduit à la VAN. Mais
lorsque le réinvestissement s’effectue à un taux différent du taux
d’actualisation, la comparaison de deux projets d’investissement géné-
rant des dépenses initiales inégales passe par la VAN globale complé-
tée. Celle-ci concerne le projet à dépense d’investissement plus faible.
Lors du calcul de la valeur acquise, il s’agit de compléter cette dernière
par la valeur à l’échéance de l’écart des investissements capitalisé au
taux de placement. La VAN globale complétée s’obtient en actualisant à
l’origine la valeur acquise complétée et en retranchant l’investissement
initial du projet le plus onéreux (c’est-à-dire l’investissement initial du
projet le moins onéreux, augmenté du complément à la dépense du
projet le plus onéreux). La relation (9.23), pour un taux de réinvestis-
sement quelconque ω, s’écrit :
tn1 FNE tP 2 (1   ) n  t (1  ) n
complétée   I 0P 2  ( I 0P1  I 0P 2)  ( I 0P1  I 0P 2)
P
2
VAN Globale (9.25)
(1 k ) t
(1 k ) n

Pour tout taux de placement supérieur au taux d’actualisation ω > k,


le rapport (1 ) n / (1 k ) n sera supérieur à l’unité et
( I 0P1  I 0P 2) (1  )n / (1 k )n > ( I 0P1  I 0P 2) . Le placement crée de la richesse et
la VAN globale complétée sera supérieure à la VAN globale. Pour un
taux de placement égal au taux d’actualisation ω = k, le rapport
(1  )n / (1 k )n sera égal à l’unité et ( I 0P1  I 0P 2) (1  ) / (1 k ) = ( I 0P1  I 0P 2) .
n n

Le placement est sans impact sur la richesse et la VAN globale complé-


tée sera égale à la VAN globale. Pour tout taux de placement inférieur
au taux d’actualisation ω < k, le rapport (1  )n / (1 k )n sera inférieur à
l’unité et ( I 0P1  I 0P 2) (1 )n / (1  k )n < ( I 0P1  I 0P 2) . Le placement détruit de la
richesse et la VAN globale complétée sera inférieure à la VAN globale.
Comme pour l’égalité (9.24), la relation (9.25) peut s’écrire :
 tn 1 FNE tP 2 (1   )
nt
P 2 (1   )
n

complétée     I 0P1 (9.26)


P2 P1
VAN Globale ( I 0 I 0 )
(1 k )t (1 k ) n
Le projet 2 paraît dorénavant comme s’il nécessitait une dépense
correspondant à celle du projet 1. La comparaison porte en définitive
sur la VAN globale du projet à dépense d’investissement plus forte et la
VAN globale du projet à dépense d’investissement plus faible complé-
tée par la création de richesse (destruction de richesse) du placement
quand le taux de placement est supérieur (inférieur) au taux
28 La valeur et le temps

d’actualisation. Le projet offrant la VAN globale (éventuellement com-


plétée) la plus grande est à retenir.
Application 9.13. Considérons deux projets d’investissement qui sé-
crètent les flux suivants (en milliers d’euros). Le coût du capital est
estimé à 11 % et les flux intermédiaires peuvent être réinvestis à 15 %.

Tableau 9.22. – Les flux nets d’exploitation annuels


Année 0 1 2 3 4 5 6
– 73 20 21 18
Projet 1 19 975 30 000 10 000
100 155,2 533,9 000
– 21
Projet 2 26 000 23 000 20 000 35 000 12 000
85 000 000
1. Comparez les deux projets en utilisant le critère de la VAN.
2. Comparez les deux projets en utilisant le critère de la VAN globale.
3. Comparez les deux projets en utilisant le critère de la VAN globale
complétée.
4. Quel projet faut-il retenir en définitive ?
Corrigé
1. Le calcul de la VAN du projet 1 donne 12 789,77 K€. La VAN du pro-
jet 2 s’élève à 13 648,32 K€. Selon ce critère, le projet 2 est à privilé-
gier.
2. Pour le projet 1, le flux de la première année, 19 975 K€, est réinves-
ti 5 années au taux de 15 % : 19 975 × (1,15) 5 = 40 176,86 K€. Le flux de
la deuxième année est réemployé 4 années au même taux :
20 155,20 × (1,15) 4 = 35 251,57 K€… La valeur acquise correspond à la
somme des flux nets d’exploitation réinvestis, soit 178 553,8 K€. La
VAN globale est : (t61 FNEt 1,156t )/1,116  I0  178 553,8/1,116  73 100  22 362,15 K€.

Tableau 9.23. – Les flux nets d’exploitation annuels réinvestis à 15 %


Projet 1 Projet 2
Année
Flux Flux réinvestis Flux Flux réinvestis
0 –73 100,00 0 –85 000 0
1 19 975,00 40 176,86 26 000 52 295,29

6 10 000,00 10 000,00 12 000 12 000,00


Pour le projet 2, le flux de la première année, 26 000 K€, est réinves-
ti 5 années au taux de 15 % : 26 000 × (1,15)5 = 52 295,29 K€. Le flux de
la deuxième année est réemployé 4 années au même taux : 23 000 ×
(1,15) 4 = 40 227,14 K€… La valeur acquise est de 205 377,43 K€ et la VAN
globale de : 205 377,43 / 1,116 – 85 000 = 24 803,16 K€. Selon ce critère,
le projet 2 est toujours à privilégier.
3. Les deux projets ayant des dépenses d’investissement différentes, le
critère le plus pertinent est celui qui permet d’homogénéiser les dé-
penses d’investissement, avant de mesurer la création de richesse. La
L’évaluation de dettes à taux fixe

VAN globale complétée du projet 1 (doté de l’investissement le plus


faible) se détermine de la manière suivante. La valeur acquise du projet
1 correspondra à ses flux de liquidités capitalisés, augmentés du pla-
cement jusqu’à l’échéance de l’écart entre les investissements.
L’équation (9.26) indique la VAN globale complétée pour un projet P2
nécessitant une dépense moins importante que celle d’un projet P1.
Dans notre cas, c’est le projet 2 qui exige le plus de dépense initiale :
complétée  [178 553,8  (85 000  73 100) 1,15 ] / 1,11  85 000  25 178,37 K€
P1 6 6
VAN Globale
La VAN globale du projet 2 n’étant que de 24 803,16 K€, le projet 1
permet alors de créer le plus de richesse, à condition que son complé-
ment de dépense par rapport au projet 2 soit placé à 15 % sur six an-
nées.
4. Le second projet est intrinsèquement plus rentable que le premier
(VAN globale du projet 2 > VAN globale du projet 1). En tenant compte
de l’opportunité de placement du complément de la dépense
d’investissement, le premier projet est le plus créateur de richesse.

2.10. 2.10. La valeur actuelle nette ajustée

La valeur actuelle nette ajustée concerne les projets qui bénéficient


d’un financement à coût avantageux comparé à celui du marché. Dans
ce cas, le financement donne lieu à une création de valeur supplémen-
taire par rapport à ce que crée le projet intrinsèquement. La création de
valeur totale est appelée VAN ajustée et correspond à la somme de
deux VAN :
VANAjustée = VANÉconomique + VANFinancière
(9.27)
La création de valeur intrinsèque est appelée VAN économique : la
VAN du projet en l’absence de financement avantageux. C’est une VAN
calculée sur la base d’une valeur temps de l’argent du marché. Pour la
même dépense d’investissement, les mêmes prévisions de flux nets
d’exploitation et le même financement sur le marché, la création éco-
nomique de richesse par le projet doit être identique pour tous les in-
vestisseurs. La création de valeur supplémentaire est appelée VAN
financière : la création de valeur due au financement avantageux. Elle
n’existe que si le financement du projet s’effectue à un coût plus faible
par rapport au prix du marché. Dans le cas où le projet est financé se-
lon les conditions du marché, il n’y a pas de gain financier et la VAN
financière est nulle.
Deux méthodes équivalentes permettent de capter la VAN financière.
La première méthode mesure la rentabilité de l’emprunt à taux bonifié
par la méthode de la VAN :
VAN Financière  D  t 1 a t b / [1  i m (1   ) ]
n i t
(9.28)
30 La valeur et le temps

D est le montant de l’emprunt, a it b est l’annuité de remboursement


au taux bonifié après impôt sur les bénéfices, im est le taux de réfé-
rence ou le taux « normal » du marché et τ est le taux d’imposition des
bénéfices. Dans la première partie, nous avons montré que la valeur
d’une dette, D, se définit de par les flux qu’elle génère. En l’absence de
financement à taux préférentiel, l’entreprise emprunte un montant D et
rembourse des annuités nettes d’impôt, a it m . En valeur d’aujourd’hui,
les annuités actualisées correspondent à la valeur de la dette :
D  tn1 a it m / [1  i m (1   )]t (9.29)

Lorsque le financement s’effectue aux conditions du marché,


l’entreprise perçoit D à l’origine, et rembourse des annuités ayant une
valeur à la même date égale à D. La VAN financière est nulle et il n’y a
pas de création de valeur liée au financement. Lorsque l’entreprise peut
obtenir le financement du projet à un taux bonifié, l’encaissement porte
sur la valeur de marché de la dette, D, mais les remboursements sont
inférieurs à ceux du marché. Les annuités que paye l’entreprise sont
inférieures à celles qu’elle aurait eue à débourser si elle avait financé le
projet aux conditions du marché a it b < a it m . L’actualisation au taux du
marché de ces annuités réduites conduit à un remboursement en va-
leur d’aujourd’hui inférieur au montant perçu D. La différence corres-
pond au gain financier lié au financement préférentiel, renvoie une VAN
financière positive et mesure la création de richesse due au finance-
ment préférentiel.
La deuxième méthode de détermination de la VAN financière ramène
à l’origine les annuités différentielles de remboursement de la dette
après impôts, entre un financement à un taux de référence et un finan-
cement à un taux bonifié. L’actualisation marquant la valeur temps (du
marché) s’effectue sans exception au taux du marché net d’impôt.
VAN Financière  t 1 (a t m  a t b) / [1  i m (1   ) ]
n i i t

(9.30)
L’annuité différentielle annuelle correspond à la différence entre
l’annuité au taux de référence et celle au taux bonifié a it m  a it b , les deux
après impôt. Pour le même principal, l’annuité différentielle se réduit
aux charges d’intérêts différentielles. Plus le taux bonifié est faible par
rapport au taux de référence, plus élevées seront les charges d’intérêts
différentielles, les annuités différentielles et donc la VAN financière. Ici
aussi, en l’absence de taux bonifié, a it b indiquera l’annuité au taux du
marché et la VAN financière sera nulle.
Les expressions (9.28) et (9.30) sont deux formalisations parfaite-
ment équivalentes. En remplaçant la valeur de la dette dans la formule
L’évaluation de dettes à taux fixe

(9.28) par son expression donnée par la relation (9.29), nous retrou-
vons l’égalité (9.30).
Application 9.14. Une entreprise dispose d’une opportunité d’investi-
ssement nécessitant une dépense initiale de 30 000 K€, qui est suppo-
sée générer un flux net d’exploitation annuel de 6 000 K€ pendant 6
ans. L’entreprise compte financer le projet par emprunt à amortisse-
ment constant. Le projet peut être entrepris à Casablanca, auquel cas
les organismes financiers exigeraient un taux d’intérêt de 11 %. Dans la
région d’Azilal, un organisme public serait prêt à financer intégralement
le projet moyennant un taux d’intérêt de 6 %. Le but est de favoriser la
création d’emploi dans cette région. Le taux d’imposition des bénéfices
est de 30 %.
1. Déterminez la création de valeur du projet pour une mise en place à
Casa.
2. Déterminez la création de valeur du projet dans le cas où il serait
entrepris à Azilal.
Corrigé
1. Le tableau 9.24 regroupe les étapes de détermination de la VAN
ajustée. La VAN économique est la création de richesse par le projet en
cas de financement aux conditions du marché. Toute actualisation
s’effectue au taux du marché net d’impôt, 11 % × (1 – 30 %), afin de tenir
compte de la valeur (de marché) temps et risque des flux. Le facteur
1 2
d’actualisation est 1/(1,077) pour l’année 1, 1/(1,077) pour l’année 2,
… L’actualisation des flux nets d’exploitation sécrétés par le projet,
ligne (i) du tableau 9.24, en ayant recours aux facteurs d’actualisation
en ligne (ii), permet de déduire la VAN économique, en sommant les
valeurs actualisées ainsi obtenues et en retranchant la dépense
d’investissement. La VAN économique ressort négative (ligne (iii)),
signifiant que le projet n’est pas faisable s’il est entrepris à Casa.
2. Dans le cas où le projet est entrepris à Azilal, le financement
s’effectue à un taux inférieur à celui du marché. En plus de la VAN éco-
nomique du projet, le financement procure ici une création de richesse
supplémentaire qu’il s’agit de mesurer par la VAN financière.
La ligne (iv) du tableau 9.24 indique le capital remboursé, constant et
égal au montant emprunté rapporté à la durée de l’amortissement. La
ligne (v) renvoie aux intérêts à taux bonifié : le taux bonifié pondéré par
le capital restant dû. La ligne (vi) précise les intérêts à taux boni-
fié après la prise en compte de l’impôt sur les bénéfices. Du fait de la
déductibilité fiscale des charges d’intérêts, ces derniers ne reviennent à
l’entreprise in fine qu’à hauteur de 1 – 30 % = 70 %. L’annuité à 6 % net
d’impôt, ligne (vii), est la somme du capital remboursé (iv) et des inté-
rêts nets d’impôt (vi). La ligne (viii) désigne les annuités à 6 % nettes
d’impôt, actualisées à 11 % net d’impôt, (viii) = (vii) × (ii). La ligne (ix)
montre la somme des annuités au taux bonifié net d’impôt, actualisées
32 La valeur et le temps

au taux de référence net d’impôt. Il s’agit de l’ensemble des débourse-


ments générés par l’emprunt. La ligne (x) indique la VAN financière,
calculée comme la VAN de l’emprunt à taux bonifié, ou encore la diffé-
rence entre les encaissements de l’emprunt et les décaissements qu’il
génère (formule (9.28)).

Tableau 9.24. – La détermination de la VAN ajustée (en K€)


Années 0 1 … 6
La VAN économique
Flux nets d’exploitation annuels
(i) 6 000 … 6 000
Facteurs d’actualisation à 11 % après impôt
(ii) 0,93 … 0,64
VAN économique
(iii) – 2 008
Méthode 1 : La VAN de l’emprunt à taux bonifié
Capital remboursé
(iv) 5 000 … 5 000
Intérêts à 6 %
(v) 1 800 … 300
Intérêts à 6 % net d’impôt
(vi) 1 260 … 210
Annuités à 6 % net d’impôt
(vii) 6 260 … 5 210
Annuités à 6 % après impôt actualisées à 11 % après impôt
(viii) 5 812 … 3 338
Somme des annuités à 6 % après impôt actualisés à 11 % après impôt
(ix) 26 966
VAN financière = Emprunt – Somme des annuités à 6 % nettes d’impôt
actualisées à 11 % après impôt 3 034
(x)
Méthode 2 : Les annuités différentielles actualisées
Intérêts à 11 %
(xi) 3 300 … 550
Intérêts à 11 % nets d’impôt
(xii) 2 310 … 385
Annuités à 11 % après impôt
(xiii) 7 310 … 5 385
Annuité différentielle
(xiv) 1 050 … 175
Annuités différentielles actualisées
(xv) 975 … 112
VAN financière = Somme des annuités différentielles actualisées
(xvi) 3 034
La VAN ajustée
VAN ajustée (iii) + (x) = (iii) + (xvi) =
(xvii) 1 025

La VAN financière peut également être calculée à l’aide de la formule


(9.30), comme la somme des annuités différentielles actualisées. Les
annuités différentielles se définissent comme l’excédent des annuités
au taux de référence par rapport aux annuités au taux bonifié. Celles-ci
ont déjà été calculées en ligne (vii). Il s’agit à présent de calculer les
annuités à 11 % nettes d’impôt. La ligne (xi) contient les intérêts à 11 %.
Les intérêts à 11 % nets d’impôt s’en suivent juste après en ligne (xii).
L’annuité à 11 % nette d’impôt, ligne (xiii), n’est autre que la somme du
remboursement du capital (iv) et des intérêts à 11 % nets d’impôt, (xii).
L’évaluation de dettes à taux fixe

L’annuité différentielle (xiv) peut dès lors être calculée : l’annuité au


taux de référence (xiii) moins l’annuité au taux bonifié (vii).
L’actualisation de ces annuités différentielles passe par leur pondéra-
tion par les facteurs d’actualisation, (xiv) × (ii) = (xv). La somme des
annuités différentielles constitue le gain total lié au financement bonifié.
La VAN financière est ainsi déduite d’une seconde manière en ligne
(xvi). Étant donné la VAN financière, la VAN ajustée est positive (ligne
(xvii)). Le projet n’est donc pas rentable économiquement. Mais le gain
financier qu’il génère l’emporte sur la perte économique, pour obtenir
au total une création de richesse de 1 025 040 € si l’implantation a lieu
à Azilal.
Application 9.15. Un projet d’investissement, exigeant au départ une
dépense de 20 000 K€, est censé sécréter un flux net d’exploitation
annuel de 3 500 K€ pendant 7 ans. Compte tenu de la constance des
flux générés par le projet et afin d’éviter tout problème de trésorerie, le
financement par emprunt à annuités constantes a été privilégié. Les
banques réclament 10 % de taux d’intérêt. Le projet, jugé prioritaire par
les organismes publics, pourrait bénéficier d’un financement à un taux
d’intérêt bonifié de 5,5 %. Le taux d’imposition des bénéfices est de 30
%. Déterminez la VAN ajustée du projet.

Corrigé. En application de la relation (2.11), l’annuité constante de


l’emprunt à taux bonifié est : a = 20 000 × 0,055 / (1 – 1,055– 7) = 3 519,29 K€.
De même, l’annuité constante de l’emprunt au taux de référence est :
a = 20 000 × 0,1 / (1 – 1,1– 7) = 4 108,11 K€. Le tableau 9.25 récapitule le
double calcul conduisant à la VAN ajustée. La ligne (i) reprend la répar-
tition des flux nets d’exploitation dans le temps. Le facteur
1 2
d’actualisation, (ii), est 1/(1,07) pour l’année 1, 1/(1,07) pour l’année
2... Le calcul de la VAN économique, en se fondant sur le taux du mar-
ché net d’impôt, est mentionné en ligne (iii). La VAN économique est
négative. Le projet est donc destructeur de valeur économique. Le
capital restant dû à chaque fin de période, (iv) et (xii), est égal au capi-
tal restant dû à la fin de la période précédente, diminué du capital rem-
boursé au terme de la période précédente, (vii) et (xv). Les intérêts au
taux de 5,5 %, (v), et les intérêts à 10 %, (xiii), correspondent au capital
restant dû, (iv) et (xii), pondéré par le taux d’intérêt, 5,5 % et 10 %. Les
intérêts nets l’impôt, (vi) et (xiv), sont de 70 % des intérêts, (v) et (xiii) ;
les 30 % étant déductibles fiscalement. Le capital remboursé à chaque
fin de période, (vii) et (xv), est égal à l’annuité pré-calculée diminuée
des intérêts, (v) et (xiii). L’annuité nette d’impôt, (viii) et (xvi), est la
somme des intérêts nets d’impôt, (vi) et (xiv), et du capital remboursé,
(vii) et (xv). L’actualisation a lieu toujours au taux du marché net
d’impôt, 10 % × 70 %. Les annuités actualisées, (ix), se calculent
comme le produit des annuités, (viii), et des facteurs d’actualisation,
(ii). La somme des annuités au taux bonifié après impôt, actualisées au
taux de référence net d’impôt est l’objet de la ligne (x). La VAN finan-
34 La valeur et le temps

cière, (xi), est calculée par la différence entre l’encaissement de


l’emprunt et les déboursements qu’il occasionne (formule (9.28)). Ap-
pliquons à présent la formule (9.30) pour la détermination de la VAN
financière, (xix). Nous avons déjà déterminé les annuités au taux boni-
fié net d’impôt, (viii), et les annuités au taux de référence net d’impôt,
(xvi). Nous pouvons déduire, par différence, les annuités différentielles,
(xvii). L’actualisation en ligne (xviii) fait appel aux facteurs calculés en
ligne (ii). La somme des annuités différentielles actualisées, (xix), in-
dique la création de valeur due au financement bonifié. La VAN finan-
cière est déterminée ainsi dans les lignes (xi) et (xix), en application
des formules (9.28) et (9.30). La VAN ajustée, somme des VAN écono-
mique et financière, (xx), est positive, malgré la VAN économique néga-
tive. La valeur créée par le financement bonifié est supérieure à la va-
leur économiquement détruite par le projet. Au total, étant donné le
financement préférentiel, la mise en œuvre du projet est créatrice de
richesse.

Tableau 9.25. – Le calcul de la VAN ajustée (en K€)


Années 0 1 … 7
La VAN économique
3
Flux nets d’exploitation annuels (i) 3 500 …
500
Facteurs d’actualisation à 10 % après impôt (ii) 0,93 … 0,62
–1
VAN économique (iii)
138
Méthode 1 : La VAN de l’emprunt à taux bonifié
20 3
Capital restant dû en conditions préférentielles (iv) …
000 336
Intérêts à 5,5 % (v) 1 100 … 183
Intérêts à 5,5 % net d’impôt (vi) 770 … 128
3
Capital remboursé en conditions préférentielles (vii) 2 419 …
336
3
Annuités à 5,5 % après impôt (viii) 3 189 …
464
2
Annuités à 5,5 % après impôt actualisées à 10 % après impôt (ix) 2 981 …
157
Somme des annuités à 5,5 % après impôt actualisées à 10 % après impôt (x) 17 830
VAN financière = Emprunt – Somme des annuités à 6 % après impôt
actualisées à 10 % après impôt (xi) 2 170
Méthode 2 : Les annuités différentielles actualisées
20 3
Capital restant dû en conditions de marché (xii) …
000 735
Intérêts à 10 % (xiii) 2 000 … 373
Intérêts à 10 % net d’impôt (xiv) 1 400 … 261
3
Capital remboursé en conditions de marché (xv) 2 108 …
735
3
Annuités à 10 % après impôt (xvi) 3 508 …
996
L’évaluation de dettes à taux fixe

Annuités différentielles (xvii) 319 … 532


Annuités différentielles actualisées (xviii) 298 … 331
VAN financière = Somme des annuités différentielles actualisées (xix) 2 170
La VAN ajustée
VAN ajustée (xx) 1 033

3. 3. La pratique des critères fondamentaux de choix


d’investissement

En 1977, Gitman et Forrester, en interrogeant 103 entreprises amé-


ricaines de grande taille, ont détecté que moins de 10 % de l’échantillon
utilisent la VAN, au moment où 53,6 % considèrent le taux interne de
rentabilité comme principal critère. Ces résultats sont cohérents avec
l’étude de Stanley et Block (1984), qui obtiennent une part de gestion-
naires utilisant le taux interne de rentabilité de 65 %. Les résultats de
l’étude de Graham et Harvey (2001) ont montré que les méthodes sans
actualisation, notamment le délai de récupération, restent utilisées prin-
cipalement par les PME, malgré leurs inconvénients majeurs. Les direc-
teurs financiers des grandes entreprises adoptent plus fréquemment
les méthodes d’actualisation des flux, en particulier la VAN et le
MEDAF. Mais majoritairement, les entreprises font appel aux tech-
niques d’actualisation comme outil de valorisation des projets
d’investissement. Le taux interne de rentabilité est à peine plus utilisé
(constamment ou quasi-constamment) par les directeurs financiers de
0,67 %, par rapport au critère de la valeur actualisée nette (75,60 %
contre 74,93 %). Le délai de récupération est pratiqué par 56,74 %, le
délai de récupération actualisé par 29,45 %. 20,29 % des directeurs fi-
nanciers font appel au taux moyen de rentabilité. 11,87 % de
l’échantillon déclarent rationner le capital par l’indice de profitabilité.
Enfin, 10,78 % des directeurs financiers affinent leur analyse par la VAN
ajustée.
***
Les techniques d’actualisation des flux de trésorerie ne prennent pas
en compte les facteurs tels que l’avantage compétitif futur, les opportu-
nités de croissance future, la flexibilité managériale, la valeur straté-
gique de l’investissement. Parmi les critiques les plus sévères de la
VAN et des critères qui lui sont attachés, nous pouvons citer les difficul-
tés pratiques qu’elle soulève lors de l’estimation des flux de trésorerie
futurs, de même que lors de la détermination du taux d’actualisation.
Pour l’estimation des flux de trésorerie futurs, les flux « moyens » sont
généralement utilisés. Compte tenu des anticipations optimistes, pes-
simistes ou « neutres » de l’investisseur, celui-ci considère la moyenne,
qui ne correspond pas nécessairement au flux de trésorerie le plus
probable. Palm, Pearson et Read (1986) ont montré que l’utilisation du
flux de trésorerie le plus probable conduit à une VAN erronée. Ces au-
36 La valeur et le temps

teurs recommandent l’utilisation du flux de trésorerie espéré. Pour la


détermination du taux d’actualisation, l’investisseur doit choisir la
« bonne » valeur temps et risque des flux. La relation de la valeur avec
le risque du projet demeure difficile à définir rigoureusement. La solu-
tion souvent utilisée est un taux d’actualisation ajusté au risque, qui
n’est autre que la somme du taux d’intérêt sans risque et d’une prime
de risque. Néanmoins, l’application d’une seule prime de risque sup-
pose implicitement un profil de risque uniforme pour la totalité du projet.
Différents profils de risque peuvent résulter des différents flux de tréso-
rerie, qui peuvent être reliés à différentes étapes de la durée de vie du
projet. La VAN espérée d’un projet d’investissement renseigne sur la
création de richesse prévisionnelle, sans précision sur sa probabilité de
réalisation. Ce critère, simple d’application, ne permet pas de capter
l’incertitude sur la taille du marché, les prix, l’intensité de la concur-
rence, etc. Brennan et Schwartz (1985) et Dos Santos (1991) soulèvent
un troisième problème qui porte sur le concept de flexibilité managé-
riale, qui n’est pas capté par l’approche de la VAN. Les techniques
avancées de choix d’investissement comptent l’analyse de sensibilité,
l’analyse de scénarios, la simulation de Monte Carlo, l’analyse de
l’arbre de décision et les options réelles.

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