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LE GUIDE DE L’ENTRÉE DANS LA VIE PROFESSIONNELLE

Le régime matrimonial :
ses conséquences sur
la gestion du cabinet
médical

Patrice MARIE

Pour un médecin libéral marié, le


régime matrimonial peut avoir une
incidence sur l’existence même du
cabinet, que ce soit en cas de décès
d’un membre du couple, d’un
divorce, de la déconfiture de l’un
ou de la faillite de l’autre.

Le régime matrimonial : ses conséquences sur la gestion du cabinet du médecin libéral


LE GUIDE DE L’ENTRÉE DANS LA VIE PROFESSIONNELLE

LES DIVERS RÉGIMES MATRIMONIAUX


La « communauté réduite aux acquêts » (mariage sans contrat)
Tout ce qui est acquis depuis le jour du mariage, par le couple ou par l’un ou l’autre
des époux, appartient à la communauté, donc pour moitié à chacun des époux. Seuls
les biens propres, acquis avant mariage ou postérieurement reçus par héritage ou legs,
restent la propriété entière de chacun des époux.
Si le cabinet a été acquis ou créé avant mariage, il restera un bien propre.
S’il l’a été après la date du mariage, il tombe dans la communauté. En cas de divorce,
pour pouvoir continuer à exercer, il faudra verser à l’ancien conjoint une « soulte »
représentant la moitié de la valeur du cabinet (murs et clientèle). En cas de décès d’un
des conjoints, des droits de succession seront immédiatement exigibles sur la moitié
de la valeur du cabinet et, sans « donation au dernier vivant », les héritiers pourront
exiger leur part.

La « séparation de biens »
Elle impose un contrat rédigé devant notaire. Chacun des deux époux garde la pleine
propriété de ses biens dont il peut jouir, donner ou vendre à sa convenance. Comme il
tire seul profit de ses biens, il est seul responsable de ses dettes. Bien évidemment,
chacun des époux doit, en fonction de ses moyens, subvenir aux besoins communs du
couple.
Ce type de contrat permet aisément les manipulations de patrimoine. Dans la mesure
où, pour tout achat après mariage, une facture définit le propriétaire, tous les éléments
du patrimoine ont un propriétaire bien défini : l’un ou l’autre des deux conjoints.
Mais ce type de contrat peut être source d’injustices. En effet, si le conjoint non
médecin n’a apporté qu’un maigre patrimoine, si de plus il se consacre exclusivement
et bénévolement à la bonne marche du cabinet... in fine, il ne possédera toujours que
son maigre patrimoine initial, avec toutes les conséquences en cas de divorce ou de
décès de l’autre.

La « donation entre époux au dernier vivant »


C’est un acte notarié complémentaire aux deux régimes précédents, à conseiller aux
couples qui cherchent à assurer une relative sécurité à celui des deux qui reste. Le
conjoint restant bénéficiera de l’usufruit des biens de l’autre. Cet acte notarié est d’un
coût modique.
Il faut savoir qu’il peut être révocable unilatéralement et secrètement (sans que l’autre
en ait été averti).

La « communauté universelle agrémentée d’une clause d’attribution


au dernier survivant »
Elle suppose un contrat établi devant notaire, suscite actuellement un véritable
engouement car elle est parée de vertus fiscales pour le conjoint survivant.

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En effet, schématiquement, tous les biens des époux dépendent de la communauté et,
en l’absence d’enfants d’un autre lit, la clause d’attribution est considérée, tant sur le
plan civil que fiscal, comme un « avantage matrimonial » avec exonération des droits
de succession lors du décès de l’un des époux.
Mais toute médaille a son revers : les enfants, qui n’hériteront qu’au décès du
survivant de leurs auteurs, auront perdu le bénéfice des abattements sur les droits de
succession du premier de leur parent décédé, et les droits dus au décès de leur dernier
parent seront donc beaucoup plus élevés... sauf si ceux-ci ont pris la précaution de
procéder à des donations dûment enregistrées, chaque décennie leur vie durant, à
chacun de leurs enfants, dans la limite de leurs moyens et des possibilités
d’abattements fiscaux (actuellement 45750 € par parent à chaque enfant).
Un changement de contrat matrimonial est toujours possible, en cours de mariage,
pour un couple qui souhaite un nouveau contrat qui lui paraisse mieux adapté.
Il faut être marié depuis au moins deux ans pleins (même délai entre deux
changements). Le changement de régime est établi par un acte notarié. Les frais
notariaux sont d’environ 450 € actuellement, mais ces frais peuvent s’avérer bien
supérieurs si les époux ont des biens immobiliers pour lesquels le changement de
contrat va induire un changement d’affectation qui nécessitera une publication aux
Hypothèques.
Une expédition de ce contrat est remise à un avocat (coût : environ 750 €) qui se
chargera de demander l’homologation au Tribunal de Grande Instance du domicile des
parties. Le Tribunal statue en fonction de l’intérêt de la famille et d’éventuels
intéressés. En pratique, il n’est pas obligé d’accepter la demande mais l’accorde le
plus souvent s’il a obtenu l’aval des enfants qui pourraient être lésés (changement en
communauté universelle avec clause d’attribution au dernier survivant) ou si le
changement ne lèse ni les enfants, ni les créanciers actuels des époux (changement en
séparation de biens).
Ce n’est qu’après homologation par le Tribunal que le nouveau contrat prend effet et
que, le cas échéant, il y a lieu de faire publier aux Hypothèques l’acte de changement
d’affectation des biens immobiliers.

Le régime matrimonial : ses conséquences sur la gestion du cabinet du médecin libéral


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LE RÉGIME MATRIMONIAL PEUT LIMITER LES RISQUES DU


MÉDECIN CHEF D’ENTREPRISE
En entreprise individuelle, comme l’est le médecin même s’il exerce dans le cadre
d’une société civile de moyens ou dans des locaux appartenant à une société civile
immobilière, il n’existe qu’un seul patrimoine qui contient d’une part les biens
personnels (tels que maison d’habitation, meubles, véhicules..., c’est-à-dire une partie
plus ou moins importante des biens de la famille) et d’autre part les biens destinés à
l’exploitation (cabinet, matériel).
Or tous ces biens, confondus en un seul patrimoine, peuvent servir à couvrir les dettes
de l’entreprise. Et l’entrepreneur individuel (par opposition à un gérant de société), en
l’occurrence le médecin libéral, est directement et personnellement exposé aux
poursuites de ses créanciers, à une éventuelle procédure collective en cas de
déconfiture ou aux poursuites du fisc.
Il est donc souhaitable de limiter et d’isoler le plus possible le patrimoine du chef
d’entreprise puisque c’est sur ce patrimoine que pèsent les risques.
Dans le régime de la communauté réduite aux acquêts, les créanciers peuvent
poursuivre, certes, sur les biens propres du chef d’entreprise, mais également sur les
biens communs. Seuls les biens propres de l’autre époux seront épargnés.
La communauté universelle devient une catastrophe puisque l’ensemble des biens des
deux époux est accessible aux créanciers.
Seul, le régime de séparation de biens limite le risque de poursuite des créanciers aux
seuls biens propres du chef d’entreprise et à sa quote-part de biens en indivision par
acquêt conjoint.
Mais attention, la sécurité offerte par la séparation de biens peut être remise en cause
de deux manières :
• d’une part, si le conjoint participe à la gestion de l’entreprise, par exemple comme
conjoint-collaborateur, les créanciers peuvent faire juridiquement établir comme
engagée sa propre responsabilité et poursuivre sur ses biens propres ;
• d’autre part, les créanciers institutionnels (tels les banquiers) tentent souvent de
contourner un régime de séparation de biens en demandant le cautionnement du
conjoint. S’ils l’obtiennent, ils peuvent alors poursuivre sur les biens propres des
deux époux. Il faut donc résister à de telles demandes, quitte à accepter un crédit
professionnel d’un taux un peu plus élevé que celui initialement proposé.
Les régimes matrimoniaux peuvent donc avoir des conséquences importantes, tant sur
la famille que sur la vie même du cabinet médical. C’est malheureusement, le plus
souvent, à l’occasion d’un divorce, d’un décès ou d’une déconfiture que se révèlent les
effets néfastes du régime matrimonial initial... alors qu’il est trop tard pour y remédier.
« Mon régime matrimonial actuel est-il adapté à ma situation familiale et
professionnelle ? », telle est la question que doit se poser régulièrement, en tous cas à
chaque grande étape de sa vie familiale et professionnelle, tout médecin libéral
soucieux d’une bonne gestion patrimoniale.

Le régime matrimonial : ses conséquences sur la gestion du cabinet du médecin libéral


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Références
Maury J. Successions et libéralités. Editions Litec 1999
Les echo.fr
http://www.lesechos.fr/patrimoine/guide/TRA54.html

Le régime matrimonial : ses conséquences sur la gestion du cabinet du médecin libéral

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