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La foi est courage. Nous sommes souvent déprimés par ce que nous sommes, par
ce que nous vivons et par le monde qui nous entoure. Nous nous débattons dans
des situations sans issue ; nous ne voyons pas comment les choses pourraient
s’améliorer ; nous avons le sentiment de courir vers des catastrophes ; nous
doutons de tout, de nous, du monde, de Dieu. Ne pas baisser les bras, faire face,
affronter ce qui nous assaille physiquement, psychologiquement, moralement et
spirituellement, voilà ce qu’est la foi. Au milieu des menaces et des malheurs, elle
garde confiance, elle parie sur l’être et résiste à la désespérance et au nihilisme.
Elle est une confiance active. L’apôtre Paul déclare qu’aucun événement ni
qu’aucune réalité de ce monde « ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu
manifesté en Christ Jésus » (Rm 8,38-39). Ce verset, que Paul Tillich affectionne,
exprime ce courage d’être qui nous habite, nous anime, et qui prend sa source en
Dieu.
Faute de mieux, on a traduit concern par préoccupation, ce qui n’est pas sans
inconvénient. Préoccupation suggère l’inquiétude, alors que Paul Tillich veut
surtout dire que la foi nous concerne ou nous engage existentiellement. Elle n’est
pas un ensemble d’opinions (même si elle comporte des croyances) ou de
sentiments (même si elle suscite des émotions) ni de décisions (même si elle
amène à agir). Elle est la présence en nous de quelque chose ou de quelqu’un qui
s’impose à nous (comme le fait un amour) et qui devient ce qu’il y a de plus
important. Paul Tillich emploie le mot « ultime » pour distinguer la foi de nos
multiples préoccupations, attachements et engagements. S’ils sont légitimes, s’ils
peuvent être à certains moments intenses, ils sont cependant secondaires parce
qu’ils ne mettent pas en jeu le sens dernier de notre être. Dans la foi, au
contraire, nous sommes aux prises avec ce qui nous est essentiel.
Que faut-il entendre par symbolique ? Quand, dans un de ses cours, Paul Tillich a
parlé de la crucifixion de Jésus comme d’un symbole, certains de ses auditeurs ont
été très choqués. « Ce n’est pour vous qu’un symbole ? », lui ont-ils dit. À quoi
Paul Tillich a répliqué : être un symbole n’est pas un moins, mais un plus, ce n’est
pas manquer de réalité, c’est avoir davantage de sens. La Croix de Gogotha n’est
pas une exécution semblable à beaucoup d’autres. En la qualifiant de symbole, on
ne nie pas qu’elle soit un événement historique, on affirme qu’à travers elle se
joue quelque chose d’ultime ; elle a, pour nous, une signification et une portée
existentielles que n’a pas, par exemple, l’assassinat de César.
Si elle nous est, en tout cas pour le moment, nécessaire, la religion est aussi
dangereuse, parce que, au lieu de renvoyer à Dieu, le symbolique risque toujours
d’en prendre la place et de devenir, du coup, diabolique (séparateur). La religion
est un ange qui se transforme en démon quand elle se pose en absolu et oublie
qu’elle est un moyen ou un instrument et non le but. Elle doit sans cesse se
défendre contre l’idolâtrie qui fait d’elle non plus un trait d’union, mais une barre
de séparation. Elle est ambiguë, on doit à la fois la respecter, l’entretenir et la
critiquer, s’en méfier.
À lire
Paul Tillich,
une foi réfléchie
André Gounelle
Olivétan
124 p., 14,50 €.