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La tuberculose par

arthritisme : étude clinique,


traitement rationnel et
pratique / par le Dr P.
Carton,...

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Carton, Paul (1875-1947). Auteur du texte. La tuberculose par
arthritisme : étude clinique, traitement rationnel et pratique / par
le Dr P. Carton,.... 1911.

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LA TUBERCULOSE
PAR
IRTHRITISMÈ
ÉTUDE CLINIQUE

TRAITEMENT RATIONNEL ET PRATIQUE

PAR

Le D' P. CARTON
Ancien Interne des Hôpitaux de Paris
Médecin-Adjoint du Sanatorium de Brévannet

C'est en se livrant à des voies


defait sur sonfoie et son estomac,
par une alimentation vicieuse ou
surabondante, qu'on se rend ar-
thritique et qu'on devient tuber-
culisable.

PARIS
A. MALOINE, ÉDITEUR
25-27, Rue de l'Ecole-de-Médecin^ 25-27

1911
LA TUBERCULOSE
N^\ PAR
|1RTHRITÏSME
L4 TUBERCULOSE
PAR

ARTHRITISME
ÉTUDE CLINIQUE

TRAITEMENT RATIONNEL ET PRATIQUE

PAU

Lé D' P. CARTON
Ancien Interne des Hôpitaux de Paris
Médecin-Adjoint du Sanatorium de Brévannes

C'est en se livrant à des voies


défait sur sonfoie et son estomac,
par une alimentation vicieuse ou
surabondante, qu'on se rend ar*
thritique et qu'on devient iuber-
calisable.

PARIS
A. MALOINE, ÉDITEUR
25-27, Rue de l'Ecole-de-Médecine, 25-27

1911
JpftÈMIÈRE PARTIE

ÉTUDE ÉTIÔLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

DÉ LA

TUBERCULOSE PAR ARTHRITISME

EXPOSÉ PRÉALABLE

La façon actuelle d'envisager le problème tuberculeux


repose sur deux dogmes : l'un, étiologique et clinique, qui
affirme la prépondérance considérable donnée à l'agent in-
fectieux, dans l'éclosion et la progression symptomatique
de cette maladie ; l'autre, thérapeutique, qui proclame
l'accélération nutritive et la consomption des sujets en
proie au bacille de Koch.
Ces deux dogmes ont entraîné deux mesures corrélatives,
qui sont : la lutte prophylactique et thérapeutique contre
l'agent infectieux, exclusivement, et la lutte contre la dénu-
trition, c'est-à-dire, la suralimentation.
Après avoir fait mon profit d'une longue expérience per-
sonnelle, et avoir observé des milliers de cas de tuberculose
pulmonaire, j'en ai retiré la conviction profonde, que cette
façon de concevoir le péril tuberculeux est imparfaite, en
ce sens que, si le bacille de Koch joue un rôle important dans
l'éclosion de la maladie, ce rôle demeure bien effacé, en
présence de celui joué par l'affaiblissement des défenses
naturelles organiques, et que> la façon la plus habituelle
6 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

d'affaiblir son terrain et de verser dans la tuberculose, c'est


de se livrer à des voies de fait sur son foie et son estomac, par
une alimentation vicieuse ou surabondante, en un mot, que
c'est en se rendant arthritique, que l'on devient tuberculeux.
L'hygiène alimentaire moderne est un défi à la claire
raison ; un mouvement en faveur de sa réforme se dessine
nettement dans le monde médical, et s'affirme dans des tra-
vaux récents sur l'alimentation des gens normaux, et la
thérapeutique alimentaire de nombre d'affections morbides.
Mais jusqu'ici le préjugé de là consomption et de l'accélé-
ration nutritive des tuberculeux a été tel, qu'on n'a pas
encore songé à redresser, dans l'étude de la bacillose, des
erreurs pathogéniques et surtout thérapeutiques, qui font
plus de victimes que le bacille de Koch.
Quand on aura touché du doigt la réalité de cette filia-
tion : la tuberculose par arthritisme ; quand on aura pris
connaissance des preuves étiologiques, cliniques et théra-
peutiques qui la rendent indéniable, on comprendra, alors
seulement, combien on a fait fausse route, dans l'étude des
moyens d'action destinés à combattre l'infection bacil-
laire, et combien le péril social, que constitue cette infection,
réside bien plus dans l'alimentation pernicieuse qui favorise
sa greffe, que dans la seule virulence de son germe.
C'est notre alimentation antiphysiologique qui ruine nos
santés, qui fait dégénérer notre race, qui met la nécrose au
coeur de l'arbre, et le bacille de Koch n'est que la mousse qui
achève sa pourriture.
C'est dire hautement que l'infection par le bacille de
Koch ne résume pas la question de la tuberculose et que
le rôle du terrain prime celui de l'agent infectieux.
Dans l'étiologie de cette maladie, le microbe n'est
pas
le-seul et principal coupable ; il n'y
a pas une façon habi-
tuelle, banale, de devenir tuberculeux la contagion. De
:
même que pour l'érysipèle, par exemple, il n'y
a pas que
EXPOSÉ PRÉALABLE 7

le contact qui compte dans l'éclosion de cette infection,


mais surtout les différentes façons d'offenser l'organisme,
de neutraliser ses réactions défensives, naturelles, d'ouvrir
la perte à l'ennemi, au streptocoque toujours présent à
la surface de: la peau et de lui laisser le champ libre ; de
même, il ne suffit pas d'un contact même prolongé avec le
bacille de Koch, pour prendre la tuberculose.
Ceci établi, il n'est pas illogique de soutenir qu'il n'y
aura pas une façon unique, uniforme de soigner les tuber-
culeux, qui consisterait à guerroyer contre le bacille, sans
s'occuper du terrain qui lui offre un milieu de culture. Car
si on agissait ainsi, rien ne servirait d'atténuer, d'affaiblir,
de détruire même le germe puisque ce ne serait jamais
qu'écarter l'ennemi pour un instant et puisqu'on laisserait
l'organisme désarmé, en face d'une réinfection toujours
possible.
La mise en état défensif satisfaisant,, du terrain affaibli,
devra donc toujours être la primordiale préoccupation d'un
médecin, dont l'horizon thérapeutique ne sera pas borné
aux médications symptomatiques, mais qui se piquera de
faire de la thérapeutique pathogénique, laseule logique, la
seule utile au malade.
C'est- ce rôle, c'est cette importance du terrain dans l'éclo-
.
sion de la phtisie qu'a fort bien mis en relief Kelsch (1),
dans son rapport au Congrès de la Tuberculose de 1905.
Au cours de son exposé, il insiste sur la nécessité qui en
découle, pour le traitement, d'attaquer, non pas le bacille,
mais les causes de dégénérescence organique.
La notion du terrain, écrit-il, est fondamentale dans
«
la pathogénie de la tuberculose. Son rôle se. dérobe en
partie à l'expérimentation. Il prime celui de la contagion
qui, sans sa complicité, est réduite à l'impuissance. Le con-
(1) Kelsch. Pathogénie de la tuberculose dans l'armée. Vol. des rap-
ports, p. 583. ].
8 ÉTUDE. ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

sentement de l'organisme aux méfaits du bacille de Koch,


que celui-ci y ait été introduit par une contagion récente,
ou qu'il y soit fixé de longue date, dans un foyer en appa-
rence éteint, assume dans cette pathogénie un rôle tout à
fait prépondérant. Nous définirions volontiers la tuber-
culose, avec M. Savoire, non pas une maladie déterminée
par le bacille de Koch, mais un état de déchéance orga-
nique qui rend possible le développement de ce dernier. »
Sabourin (1), entre autres, recommande également de
soigner les tuberculeux en se basant sur la notion du ter-
rain, bien plus que sur celle d'infection et de lutte contre
le bacille. « On a trop oublié, dit-il, que le médecin soigne
des tuberculeux et non pas la tuberculose, contre laquelle
il n'a aucune action directe et que chacun a sa façon d'être
tuberculeux, suivant sa constitution, suivant l'état de ses
organes vitaux et que soigner des phtisiques n'est pas faire
de la médecine spéciale, mais bien de la médecine générale. »
En face d'un tuberculeux, on ne devra donc pas se
déclarer satisfait, quand on aura découvert le siège de la
lésion pulmonaire et déterminé son degré, il restera encore
à chercher la chose la plus importante pour le traitement,
c'est-à-dire la cause qui a favorisé la germinationdu bacille.
Si on la laisse persister, ou si, l'ayant reconnue, on ne peut la
supprimer, j amais le malade ne guérira.
Il faut donc bien savoir, je le répète, que c'est seulement
en améliorant les réactions défensives de l'organisme, qu'on
pourra se rendre maître de l'infection tuberculeuse. Et ce qui
prouve bien que cette question du terrain prime tout,
n'est-ce pas le fait que le bacille est partout, que nous en
recueillons, chaque jour, par l'air que nous respirons, par
les contacts suspects que nous avons avec les objets d'usage
courant, par les aliments que nous absorbons, et que pour-
tant nous échappons à l'infection permanente, grâce à l'in-
(1) Sabourin. Traitement rationnel de la phtisie,
p. 123.
EXPOSE PREALABLE 9
tégrité de nos réactions défensives ? Aussi, partout où le
bacille aura pu s'implanter devrons-nous nous efforcer
d'abord de remonter l'état vital du sujet ; la lutte contre le
bacille passera au second plan, et le viser ainsi indirecte-
ment, c'est encore le moyen le plus sûr, le plus logique et le
plus rapide, de décréter son arrêt de mort.
Ne pas attacher au terrain l'importance qu'on lui doit,
c'est faire de la médication symptomatique, de la théra-
peutique locale, c'est se livrer à une besogne stérile, fasti-
dieuse, et le plus souvent néfaste.
Il ne faudrait pas, par exemple, s'imaginer qu'on a fait
tout son devoir de médecin instruit et consciencieux et se
déclarer satisfait, quand on a prescrit à un tuberculeux un
julep codéine et 150 grammes de viande crue. On doit voir
plus loin, rechercher pourquoi tel malade est devenu tuber-
culeux et une fois la cause nettement déterminée apporter
tous ses efforts à la combattre. Agir ainsi, c'est faire de la
thérapeutique pathogénique, la seule raisonnable, et si la
tuberculose n'est pas encore trop avancée, on aura toutes
les chances d'enrayer ses progrès et de guérir à la fois la
lésion tuberculeuse, sans s'occuper spécialement d'elle, et
l'état morbide qui l'a engendrée.
Mais, comme les Gâuses varient, le plan d'attaque devra
forcément être différent dans chaque cas ; aussi la thérapeu-
tique préconisée ici, pourra fort bien être très dissemblable
de celle employée là ; il est possible même qu'elle se trouve
en contradiction. Par exemple, un miséreux devra être,
soumis à un régime alimentaire substantiel, tandis qu'un
albuminurique ou un arthritique ne tirera bénéfice que
d'une alimentation restreinte. Aussi, ne saurais-je trop
mettre en garde contre ce que j'appellerai, le traitement à
l'uniforme. La thérapeutique doit varier avec chaque ma-
lade, s'adaptera son tempérament et tenir compte de l'état
fonctionnel de ses principaux viscères. Y a-t-il rien, en.
1
10 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

effet, de plus illogique que ces essais thérapeutiques orga-


nisés en série, sans discernement, sans tenir compte du ter-
rain, comme on peut être tenté de les faire, mettant pour
juger de la valeur respective de diverses médications, une
rangée de malades à tel médicament et l'autre à un médica-
ment différent ?
Je me suis spécialement attaché, dans ce travail, à
isoler, et à étudier une des façons d'entrer dans la tuberculose,
dont l'importance et la grande fréquence sont généralement
méconnues : la tuberculose engendrée par l'intoxication ar-
thritique et évoluant sur ce terrain. J'insisterai tout particu-
lièrement sur le rôle pathogénique de l'arthritisme dans
l'éclosion de la tuberculose, sur certaines modalités clini-
ques encore mal cataloguées, si surprenantes d'aspect
qu'elles incitent aux erreurs de diagnostic, et enfin sur la
thérapeutique très particulière qui en découlera.
Avant d'entreprendre l'étude clinique des formes delà
tuberculose pulmonaire par arthritisme, je crois nécessaire
d'exposer d'abord rapidement la question de l'arthritisme,
tel qu'on le conçoit actuellement. Car, pour montrer les
particularités de cette association morbide, pour expliquer
ses origines, comprendre ses manifestations, son évolu-
tion et par suite déduire son traitement, j'estime qu'il est
indispensable avant tout, de bien connaître le terrain sur
lequel va se greffer l'infection, de déterminer les causes qui
président à la naissance de l'arthritisme et les rapports
qui lient cette diathèse à la tuberculose. Je le fais d'autant
plus volontiers que la conception pathogénique actuelle
de l'arthritisme et de ses premières manifestations cli-
niques, bien que maintenant rigoureusement établie, sort
un peu du domaine classique, et qu'elle est d'une impor-
tance primordiale pour l'établissement du traitement qui,
s'il n'avait pas l'appui solide de la pathogénie, risquerait
souvent de paraître paradoxal.
CHAPITRE PREMIER

ÉUÔL0GD3 DE L'ARTHRITISME

«Sans suralimentation, l'arthritisme


n'existerait pas. »
MATJKEÏ..

L'arthritisme tire son nom de la fréquence des manifes-


tations douloureuses et fluxionnaires, observées du côté
des jointures, au cours de l'état pathologique à symptômes
si variés, qui le caractérise. C'est une maladie d'ordre gé-
néral, une diathèse à aspects multiples, englobant une
longue série de syndromes : le rhumatisme, la goutte, le
diabète, les lithiases hépatiques, rénales, l'asthme, les
migraines et engendrant encore d'autres troubles d'ordre
toxique oucongestif, sur le système nerveux, le revêtement
cutané ou l'appareil circulatoire, qu'il serait trop long
d'énuméfer ici. Cette définition, basée seulement sur la
constatation de faits cliniques, ne donne pas entière satis-
faction, parce qu'elle -reste silencieuse sur la cause com-
mune à tous ces syndromes. Quel est, en effet, le lien pa-
thogénique et étiologique qui permet de réunir dans cette
même famille morbide, ces catégories d'affections si dis-
semblables, de prime abord? C'est ici que commencent les
divergences d'opinion et nous ne saurions mieux les es-
quisser qu'en suivant rapidement l'évolution des idées,
qui s'est faite à ce sujet. Bazin, l'un des premiers, saisit
12 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

les points communs qu'on pouvait observer dans les di-


verses manifestations de l'arthritisme et s'efforça de les
grouper. Cazalis, frappé de la fréquence des troubles con-
gestifs, les mit au premier plan de l'ensemble symptoma-
tique et proposa de substituer au mot arthritisme, le nom
de diathèse congestive. Lancereâux s'attacha à mettre au
premier plan les symptômes neuro-cutanés et leur assigna
un rôle pathogénique : l'arthritisme est devenu l'herpé-
tisme, c'est une maladie héréditaire, une tare, du système
nerveux, une névrose vaso-motrice et trophique. Jusqu'ici
l'effort pathogénique a été imparfait et les auteurs, selon
leurs préférences, se sont bornés à ériger un des symptômes
prédominants en processus causal. Remontant phis haut,
Bouchard, dans sa magistrale étude des maladies par ralen-
tissement de la nutrition et des troubles d'auto-intoxica-
tion qui en résultent, du fait surtout de la dilatation de
l'estomac, saisit sur le vif le rôle du facteur pathogénique
principal, dans la création de la diathèse, découvre l'hypo-
fonctionnement organique de ces malades et donne ainsi la
raison de tous les troubles d'empoisonnement dont ils sont
les victimes. Hanôt, de son côté, se rallie à cette théorie
et décrit l'arthritisme comme un état caractérisé par la
viciation congénitale et héréditaire de la nutrition du tissu
conjonctif et de ses dérivés. Landouzy propose le nom de
diathèse bradytrophique, qui indique les mêmes préoc-
cupations pathogéniques. Glénard, dont le grand mérite
est d'avoir montré la fréquence, l'importance des lésions
hépatiques et le rôle primordial que l'état de ce viscère joue
dans la séméiologie et le pronostic des maladies d'origine
arthritique, voulut y rattacher tous les troubles "observés
et c'est ainsi que, dans sa description, l'arthritisme devient
« l'hépatisme », sorte de tare neuro-hépatique, fusion de
l'arthritisme et de l'herpétisme. Sa cause réside dans le
mauvais fonctionnement du foie, engendré par la" ptôse
ÉTIOLOGIE DE L'ARTHRITISME 13
-viscérale les viscères déplacés, tombés, engendrent par
:
leur relâchement des coudures, qui sont des obstacles mé-
caniques au travail organique et des sources d'auto-intoxi-
cation. La tare est héréditaire, elle peut aussi être acquise ;
mais quelle.en est la raison vraiment efficiente ? Là s'ar-
rêtent ses questions. Il faut arriver à Maurel (de Toulouse)
pour voir cesser l'échafaudage des conceptions théoriques,
la mise en vedette d'un des symptômes de la diathèse,
sous forme de processus causal. Le premier, il laissa lés
divers syndromes à leur rang et ne chercha pas en l'un
d'eux, l'origine de tous les autres, car en réalité tous sont
concomitants et aucun n'est subordonné à l'autre. Agissant
avec méthode, il partit de l'individu sain, nous le montra
.«'intoxiquant peu à peu par des erreurs et des excès ali-
mentaires surtout, et accessoirement par des fautes contre
l'hygiène. La voie était ouverte ; la vraie, l'unique cause qui
préside à l'éclosion puis au développement de l'arthri-
tisme était mise en lumière.
Parmi ceux qui s'y engagèrent, je signalerai Lagrange,
Eernet, Pascault, de Grândmaison (1). Lagrange (2) insista
longuement sur ce fait, que c'est la suralimentation jointe
à la sédentarité qui est la grande pourvoyeuse d'arthri-
tisme. Eernet, au cours de nombreuses communications
sur l'alcoolisme et de diverses publications, étudia les consé-
quences du surmenage gastro-intestinal et le rendit res-
ponsable de l'éclosion des troubles arthritiques. « L'abus
de la quantité des aliments, écrit-il, et les fautes relatives
à leur qualité, joints à l'abus des boissons alcooliques et des
excitants de toutes sortes, en surmenant et en malmenant
l'appareil digestif, en même temps qu'ils encombrent l'éco-
nomie de mauvais produits, entraînent une multitude de
désordres fonctionnels et organiques ; ils sont les facteurs
(1) De Grandmàison. Traité de VArthritisme.
(2) Lagrange. La médication par l'exercice, pp. 268 et suivantes.
14 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGENIQUE

ordinaires des dystrophies ou troubles de nutrition, qu'on


a coutume d'englober sous le terme générique d'arthri-
tisme (1). » Pascault (2), à son tour, démontre irréfutable-
ment le rôle de l'intoxication alimentaire, dans la genèse
de cette diathèse et établit d'une façon parfaite, la patho-
génie des troubles et des lésions de l'arthritisme. Il insiste,
après Maurel, sur ce point, que l'explication héréditaire prise
en elle-même, n'explique rien, ne fait que reculer la question,
tandis que c'est surtout parce que tous les membres d'une
même famille ou d'une même race sont soumis aux mêmes
erreurs alimentaires, que l'arthritisme se crée, s'entretient
et se développe.
Des nombreuses recherches biologiques qui se sont effec-
tuées sur l'état humoral des arthritiques et dont nous re-
parlerons plus loin, retenons pour l'instant celles de Pey-
raud et Gautrelet qui ont bien mis en évidence le rôle fon-
damental des acides dans la genèse de l'intoxication arthri-
tique et proposèrent de lui donner le nom de « diathèse
hyperacide ». Si l'on devait se borner, dans une appel-
lation, à noter la seule indication pathogénique, celle-ci
serait la meilleure, mais la compléter par l'indication de la
notion étiologique principale donnerait parfaite satisfac-
tion et la diathèse arthritique gagnerait à être désormais
connue sous le nom de diathèse hyperacide par viciation
alimentaire. Cette dénomination a l'avantage de mettre en
relief.la cause principale de l'arthritisme et de laisser dans
l'ombre les causes accessoires incriminées assez souvent
jusqu'ici, mais qui sont totalement incapables de provoquer
l'intoxication à elles seules.
Il nous faut maintenant expliquer et démontrer le bien
fondé de cette étiologie. Des causes productrices, je le

(1) Fernet. Du surmenage gastrohépatique. Revue des maladies de


la nutrition, p. 337, 1910.
(2) Pascault. L'Arthritisme suralimentation.
par
ÉTÎOLOGIE DE L'ARTHRITISME 15
disais plus haut, les unes sont capitales, ce sont les erreurs
et les excès alimentaires ; les autres sont secondaires,
ce sont les intoxications passagères, professionnelles (tabac,
plomb, mercure, etc.), les infections aiguës ou chroniques,
les empoisonnements médicamenteux prolongés, les fati-
gues et surmenages. Ces dernières jouent un rôle qui, sans
être négligeable, n'intervient que comme adjuvant, dans
l'éclosion des troubles, d'abord, parce que leur action même
prolongée est insuffisante à expliquer la production à
l'excès des acides organiques, ensuite, parce que sans être
très rares, elles ne sont pas assez constantes pour suffire à
expliquer la prodigieuse banalité des cas d'ârthritisme.
« A maladie banale, il faut cause banale. » (Pascault.)
L'excès de travail, par exemple, a une limitation forcée
dans la fatigue qui engendre un stade de repos obligatoire.
Et cette fatigue, ce surmenage intellectuel ou physique si sou-
vent invoqué, n'a jamais été qu'un facteur de vieillissement
prématuré, portant également sur l'organisme entier, en
un mot, de sénilité précoce totale et nullement d'ârthritisme,
où les lésions d'usure se constatent, presque exclusivement,
sur le tube digestif et les glandes qui lui sont annexées
(foie, pancréas).
La possibilité d'excès alimentaires, au contraire, n'est
entravée par presque rien. La machine humaine étant
-d'une complaisance, d'une tolérance vraiment admirables^
résistant pendant de longues années aux pires attaques de
surmenage alimentaire, s'efforçant. très longtemps, par un
hyperfonctioimement surprenant de se mettre au niveau
du surcroît de besogne qui lui est imposé et faisant preuve
même, dans la phase de défaillance ultime, d'endurance
inouïe, on comprend fort bien, en présence d'une pareille
tolérance organique, comment l'intoxication a pu persister,
se faire croissante, développer peu à peu ses lésions et en-
gendrer lentement la diathèse.
16 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

Au début, l'organisme a bien de brusques sursauts de-


révolte, mais dompté peu à peu par la persistance de la
cause, vaincu par la violence même de ses réactions, il
change ses moyens de défense et bon gré, mal gré, s'adapte 1

à son nouveau rôle de surmenage défensiï, en hypertro-


phiant ses organes de protection, le foie notamment. Ainsr
Testomac, muscle de bonne composition, s'il réagit au début-
par la contraction brusqué, défensive : le vomissement, se-
laisse à la longue distendre, fuyant devant le flot alimen-
taire dangereux ; la première digue étant rompue, la dila-
tation étant constituée, l'intoxication va s'introduire plu&
avant. L'alimentation n'aura plus pour guide sa règle phy-
siologique : le besoin de récupération des forces, mais la
capacité souvent extraordinaire d'une poche gastrique, qui
parfois emplit tout l'abdomen. C'est alors qu'intervient le
foie, qui par son hypertrophie fonctionnelle, formera le
second barrage élevé par l'organisme, contre l'intoxica-
tion montante.
Voyons, maintenant, de quelle façon se détermine le sur-
menage alimentaire et pour cela suivons, par exemple, ce-
qui se passe dans une famille de campagnards rapidement-
enrichis et transplantés dans une agglomération urbaine-
Sobres jusqu'alors, plus par économie que par vertu, ayant
toujours mené une vie active au grand air, pris une nour-
riture simple, composée surtout de laitages, de légumes, de-
fromages, de fruits, d'un peu de'viande les jours de fête,
alimentation qui jusqu'ici leur a permis de vivre, exempts
de toutes misères, de toutes maladies graves, les voici qui-
vont pouvoir enfin se donner du bien-être, jouir d'une nour-
riture plus fortifiante et goûter des plaisirs épicuriens : bien
manger et se reposer.. L'enfant qui vient de naître sera>
le premier initié aux bienfaits de cette nouvelle existence.
D'abord, il sera nourri au biberon, on ne le lui refusera ja-
mais ; au moindre cri, on le lui présentera et il en prendra
ÉTIOLOGIË DE L'ARTHRITISME 17

à sa soif, jusqu'à ce qu'il s'assoupisse somnolent et rassa-


sié. Après chaque tétée son estomac surdistendu aura un
spasme de révolte et rejettera une bonne partie deson trop
plein, mais pourquoi s'inquiéter, n'est-ce pas là un vomis-
sement dit « physiologique » ? Avant d'avoir des dents, il
sera mis aux farines lactées et bien avant l'âge voulu, il
paraîtra à table avec ses parents, s'exerçant d'une façon
précoce à manger de la viande et boire du vin.
Comment va-t-ij se trouver de ce régime ? Mais fort bien.
Il sera gras, fort, ferme de chairs, prendra plus de. poids
qu'il n'en faut chaque jour et au total dépassera en taille et
en volume les enfants de son âge. Les parents sont fiers et
se félicitent. Le médecin s'étonne et doute. Que s'est-il
passé ? Cet enfant â eu en apanage des organes indemnes de
toute tare, des cellules à vitalité énergique ; elles ont tra-
vaillé en conséquence, elles ont satisfait à tous les besoins
même excessifs ; le résultat est splendide.: l'usure n'a pas
encore eu le temps de s'installer. Plus tard, toute sa vie,
cet homme qui aura gardé des habitudes suralimentaires
de sa jeunesse un estomac volumineux, un appétit dévié
dans le sens de l'exagération, restera un gros mangeur, un
fort buveur et un sujet d'une activité déréglée, débordant
de vie, de forces, de santé ; il vivra vieux, aura une nom-
breuse lignée et c'est seulement sur le déclin qu'il souffrira
soit de douleurs rhumatismales, soit de troubles congestifs
variables. En somme, à n'envisager que l'effet immédiat,
les conséquences de cette hygiène sont encourageantes,
aussi continuera-t-on à l'appliquer sur la génération sui-
vante.
C'est maintenant que la tolérance va commencer à flé-
chir. L'enfant de la seconde génération n'a pas reçu comme
le premier un fonctionnement organique intégral ;-le sur-
menage de l'ancêtre a déjà bien fatigué ses cellules ; elles ne
pourront que difficilement s'adapter à une besogne excès-
i
18 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

sive ; l'usure se montrera et s'accentuera vite. Le nourris-


fait honneur à sa famille mais il n'a plus la
son « encore »
vivacité ni les chairs fermes du premier. Il reste gros, c'est
vrai, mais il a les yeux vagues, comme noyés dans la graisse,
les joues soufflées au point d'en être protubérantes, le
menton triple, le cou enfoui dans d'épais bourrelets adi-
peux, où se cachent les coupures et les « feux de dents »,
qui, en réalité, sont des éruptions toxiques révélatrices de
troubles digestifs; le thorax évasé, le ventre volumineux.-
Extasiez-vous, mais ne faites pas de réflexions, même dis-
crètes, sur les dangers de son alimentation et de son adipo-
sité ; il vous sera répondu d'un ton péremptoire : « c'est un
enfant superbe, ce sera un solide gaillard ; son père était
fort comme lui à cet âge. » La suite, nous la connaissons,
c'est la longue série des troubles gastro-intestinaux : diar-
rhée verte, alternant avec de la constipation ; ce sont les
troubles cutanés, nerveux consécutifs : les crises de nervo-
sisme, les insomnies mal expliquées et finalement d'irrépa-
rables lésions, qui feront du malheureux bébé, un dyspep-
tique pour le reste de ses jours, ou encore un rachitique,
avec tout son cortège de déformations.
Quand il aura atteint l'âge adulte, vers 30 ou 40 ans,
donc bien plus tôt que son père, les manifestations arthri-
tiques sérieuses vont le toucher. Il souffrira de pléthore, de
congestions hépatiques, cérébrales, de goutte, d'accidents
lithiasiques du foie ou du rein, d'hémorroïdes, etc. L'ar-
thritisme moyen est constitué.
A la troisième génération, l'hyperfonctionnement n'existe
plus, les réactions cellulaires sont épuisées, le ralentisse-
ment vital est définitivement établi, c'est la génération des
gros troubles : diabète, albuminurie, etc., qui traduisent
des lésions organiques profondes, irrémédiables et qui mar-
quent la dégénérescence finale d'une famille qui fut belle
cinquante ans plus tôt.
ÉTIOLOGIË DE L'ARTHRITISME 19

Dans ces cas, l'extinction de la race est activée, comme


l'a montré Maurel, avec une extraordinaire clairvoyance,
par la prédominance des filles dans la descendance, d'autres
fois par l'infécondité ou par l'éclosion de complications
graves : le cancer ou la tuberculose.
Mais, direz-vous, cette, famille de transplantés mal
dirigés constitue une exception, l'arthritisme touche éga-
lement les classes moyennes et ne laisse pas Indemnes les
pauvres, paysans et ouvriers. C'est exact, et les fautes ali-
mentaires, si elles ne sont pas de même Ordre, n'en sont pas
moins faciles à déceler, dans ces autres milieux sociaux.
Dans la classe aisée, consciemment ou non, on se surali-
mente, en vertu du préjugé qu'il faut s'acharner à com-
battre, que toute faiblesse tient à une alimentation insuffi-
sante, que toute intoxication qui nous anéantit, doit être
combattue par l'alimentation très copieuse, ce qui n'est
qu'une intoxication surajoutée à la première, que, plus on
mange, plus on a de forces, que la viande est un fortifiant
de premier ordre, que le sucre pris en grande quantité est
un énergétique anodin. Aussi, voit-on dans ces familles, les
repas très chargés se composer de nombreux plats, dont
deux de viande matin et soir ; dans l'ardeur des conversa-
tions, chacun oublie de mastiquer, les aliments déglutis
sans préparation fatiguent l'estomac, l'absence des mouve-
ments de mastication, fait que la sensation de faim ne s'a-
paise pas et le convive inassouvi, continue à manger pour
satisfaire une sensation ainsi retardée.
« Dans la vie de famille, écrit Maurel (1), on ne mange
pas selon son appétit, mais toujours plus que son appétit.
Or, c'est ce léger surcroît de tous les jours qui constitue la
suralimentation, conduisant lentement à la pléthore et à
l'arthritisme. »
Cette suralimentation est encore favorisée par l'usage
(1) Maurel. De la dépopulation en France, p. 241.
20 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGENIQUE

des excitants artificiels : épices, condiments qui incitent au


gavage, sont antiphysiologiques, puisqu'ils créent des be-
soins factices et obligent l'organisme à digérer des aliments
qu'il ne réclamait pas.
Voilà pour le repas familial ; mais il y a les grands dîners,
les réceptions, les goûters, les lunchs, où, par obligation, on
mange et boit sans besoin, déversant des aliments nouveaux
dans un estomac encore rempli d'un contenu aux trois
quarts digéré.
Parfois, c'est en pleine connaissance de cause que la sur-
alimentation se pratique, dans un but de thérapeutique pré-
ventive, chez des sujets en proie à la phobie des maladies
et qui, croyant se donner un accroissement de résistance à
l'infection, se gorgent de viandes saignantes, quand ils
n'ont pas recours à la viande crue. Voilà jusqu'à quel point,
la raison humaine, mal conseillée, peut nuire à l'organisme
qu'elle devrait protéger, et quelles erreurs elle pourrait
éviter, si elle étouffait moins la voix de l'instinct. Mais cet
instinct, dès le jeune âge, on apprend souvent à le refréner
mal à propos et combien ne voit-on pas de parents, qui obli-
gent leurs enfants à ingérer des aliments, qui manifestement
leur procurent des nausées, tels que le gras de la viande,
la viande elle-même ou encore des fromages, sous prétexte
qu'on doit s'apprendre à manger de tout et qu'il ne faut pas
se singulariser.
Dans les milieux pauvres, si les excès de quantité ali-
mentaires sont moins fréquents, ce sont surtout les erreurs
qui sont à incriminer. Les aliments sont mal choisis, tou-
jours en vertu de préjugés sur leur valeur nutritive. Comme
l'ont bien démontré Landouzy et Labbé, l'alimentation
ouvrière est très mal comprise, donnant trop de place à la
viande et pas assez aux hydrocarbones. Mais surtout, la
grande source d'ârthritisme de la classe pauvre, c'est le
préjugé du vin et le terrible fléau de l'alcoolisme. Confiants
ETÎOLOGIÉ DE L'ARTHRITISME 21
dans la stimulation passagère, donnée par un verre de vin,
ignorants des dangers que provoque son abus, puis son rem-
placement par des boissons à degré alcoolique de plus en
plus fort, les paysans des contrées à distillation, les ouvriers
des villes sont la proie, soit de l'alcoolisme aigu, avec, ses
brutales et rapides complications, soit de l'alcoolisme chro-
nique, quand le poison est pris à doses modérées et
continues. Cet alcoolisme chronique est pour eux la façon
habituelle de verser dans l'arthritisme.
En face de pareilles constatations, on est en droit de
dire, avec Monteuuis (1) : « L'alimentation moderne ruine
la santé de l'individu, comme la vigueur de la race. Ce n'est
plus une nourriture qui entretient et répare nos forces à me-
sure qu'elles s'épuisent, mais un chauffage à blanc de la
machine humaine. Viande, oeufs, sucre, chocolat, tous les
aliments concentrés d'une part ; alcool, vin, thé, café,
toutes lés boissons excitantes de l'autre, en un mot l'ali-
mentation dite fortifiante, a depuis un demi-siècle, été
considérée comme celle qui fait les constitutions robustes.
L'expérience acquise, commence pourtant à ouvrir les
yeux et à montrer aux moins clairvoyants qu'une telle ali-
mentation constitue un véritable péril social. Loin de con-
server la force physique et la santé, elle est le grand généra-
teur de l'arthritisme et de la sclérose ». Et c'est aussi le cas
de répéter le mot de Sénèque : « L'homme ne meurt pas,
il se tue ».
La constatation de la suralimentation globale, portant
sur toutes les denrées est donc un fait matériel indéniable, de
même que l'ascension parallèle de l'arthritisme, de la dépo-
pulation et de la tuberculose, mais, parmitoutes ces erreurs,
on ne s'est pas assez attaché, à mon avis, à rechercher le rôle
proportionnel de chaque aliment, dans les méfaits accom-
plis, ni à déterminer le degré de responsabilité nocive de
(1) Monteuuis. L'Alimentation et la Cuisine naturelles, p. 25.
22 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGENIQUE

chacun d'eux. Cette question est capitale. Après l'avoir


longtemps étudiée, je suis persuadé que, dans la suralimen-
tation globale, le maximum de nocivité est l'apanage exclu-
sif de trois aliments, qui sont les grands facteurs d'ârthri-
tisme. Ce sont : L'alcool, la viande et le sucre. Tous nos
malheurs viennent de :
L'usage de l'alcool.
L'abus de la viande.
L'abus du sucre.
N'est-il pas d'abord remarquable de noter que l'un
d'eux : la viande, n'a jamais été adaptée aux conditions
anatomiques et physiologiques de notre oube digestif, ainsi
que je le démontrerai plus loin, et que les deux autres : le
sucre et l'alcool, pris concentrés, ne sont pas des produits
que la nature met spontanément à notre portée, mais sont
le résultat artificiel de l'industrie humaine et qu'en usant de
ces trois aliments, nous agissons contre les lois naturelles?
N'est-il pas encore très important de signaler que. tous trois
sont des poisons du foie surmené et que leur suppression
suffit à rétablir un fonctionnement satisfaisant de cet or-
gane et de l'estomac, ainsi que le prouve l'expérimentation
clinique quotidienne ?
Sur le rôle de l'alcool, je n'insisterai pas. Les recherches de
Laborde et Magnan, de Dujardin-Beaumetz et Audigé, de
Joffroy, Lancereaux, entre autres, ont bien montré sa toxi-
cité ; quant aux ravages qu'il exerce sur la race humaine et
la-morbidité que son usage entraîne, nous la constatons trop
souvent, pour qu'il soit utile d'en reprendre ici l'étude.
Son influence arthritigène et tuberculigène a été surtout
bien exposée par Triboulet (1), qui, dans son rapport sur la
tuberculose et l'alcoolisme, a insisté sur « l'influence de la
(1) Triboulet. Alcoolisme, Hépaiisme et Tuberculose. P^apport
Congrès de Berlin, 1907. au
ÉTÎOLOGIE DE L'ARTHRITISME 23
déchéance hépatique, sur la genèse de certaines tuberculoses
notamment chez les adultes robustes, du type dit arthri-
tique. Il me paraissait non douteux, dit-il, que le régime de
l'alcool ne préparât un hépatisme défectueux d'où un ar-
thritisme acquis bien inférieurà la résistance spontanée(l). »
L'action arthritigène de la viande est également fort
nette. Constituant plus un excitant qu'un aliment, la viande,
malgré la stimulation passagère et assez intense que donne
son absorption, ne doit être considérée que comme un poi-
son, à l'égal de l'alcool dont elle a les qualités et les défauts.
Riche en principes extrâctifs et toxiques, qui entrent dans
sa constitution, même en dehors de toute conservation un
peu prolongée, source de poisons violents, au cours de la
digestion, intestinale, où elle subit des transformations fer-
mentatives éminemment dangereuses,. elle a sa très grosse
part de responsabilité, dans l'éclosion de l'arthritisme. Très
souvent, au cours de ce livre, j'aurai à revenir, plus en dé-
tail, sur ce rôle et nie borne pour le moment à ce rapide
procès.
Le professeur Huchard, avec une inlassable et admirable
ténacité, n'a cessé de mener campagne contre le régime
carné. « L'alimentation carnée intensive, écrit-il, est une
des causes les plus fréquentes de Fârtério-sclérose. Riche
en toxines vaso-constrictives, le régime alimentaire de nos
jours est plutôt un empoisonnement continu ou répété ;
cela, je ne cesse de le dire, de le redire encore, de le prouver
depuis nombre d'années. »
L'action du sucre, pris en excès, a bien moins retenu l'at-
tention. Loin de moi l'idée de prétendre quelesucre naturel,
contenu dans les fruits Ou le sucre employé en petite quan-
tité, ait une action nocive sur l'organisme ; il est, au con-
traire, très favorable et donne un rendement calorique et
(1) Triboulet. Opothérapie Hépatique et Tuberculose. Société de
Thérapeutique, 4 décembre 1907.
24 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

énergétique remarquable. Mais, c'est justement des louan-


ges excessives, basées sur la grande valeur de cet aliment,
que sont nés les abus, qui maintenant se donnent libre cours
dans l'alimentation courante et surtout thérapeutique. C'est
surtout à l'usage immodéré des bonbons, chocolat, confi-
tures, miel, marrons glacés, fruits confits, entremets, etc.,
-qu'est dû l'accroissement de la consommation du sucre.
« Le sucre n'est devenu d'un usage aussi général qu'à une
époque récente ; jusqu'au moyen-âge, il n'était employé
qu'en médecine. Quelles que soient ses qualités, il est tou-
jours un produit artificiel très condensé et ne se rencontre
dans les aliments frais d'aucune sorte, en quantité aussi
considérable qu'on l'introduit dans la préparation des mets.
Dans les proportions où l'on s'en sert pour Certaines pré-
parations culinaires, il produit sur les organes digestifs une
forte irritation. Il faut donc en être très sobre (1).
De même que les excès répétés de viande mènent à l'azo-
ternie, au rhumatisme chronique, à la goutte ; de même les
abus de sucre conduisent à l'hyperglycémie, à la glycosurie
alimentaire et finalement au diabète. Cette toxicité du
sucre a d'ailleurs été démontrée, notamment par Boigey(2).
Recherchant les effets d'une dose de 40 grammes de sucre,
pris en plus de la ration alimentaire, chez vingt soldats en
parfaite santé, il fit les constatations suivantes. Seize d'en-
tre eux gagnèrent un kilogramme en un mois, mais au prix
de troubles divers : diminution de l'appétit et surtout fa-
tigue musculaire (du fait des acides lactique et oxalique).
Chez deux autres, il constata des signes de diabète.
Est-ce le simple fait d'avoir augmenté la ration alimen-
taire de 160 calories qui suffit à expliquer pareils symp-
tômes ? L'explication paraîtra insuffisante. Il faut incriminer,,
a mon avis, une action toxique spéciale du sucre pris con-
(1) Schultz. La Table du Végétarien,
p. 51.
(2) Boigey. Revue de la Société d'Hygiène alimentaire, I, 1904,
p. 90.
ÉTIOLOGIE DE L'ARTHRITISME 25
.
centré à saturation. Plus loin, quand s'agitera la question du
régime du tuberculeux arthritique, je m'efforcerai de mon-
trer combien cette notion de concentration chimique, a une
immense importance et combien on doit dorénavant, en
tenir compte pour le choix des aliments destinés à entrer
dans un régime prescrit. Qu'il me suffise pour l'instant de
constater, qu'il est bien certain, que la même quantité dé
sucre, prisesousforme de fruits n'aurait pas eu ces effets nocifs.
Si ces rapides considérations ne suffisaient pas à entraîner
la conviction, il me semble que les dernières résistances
devraient céder devant les faits précis, recueillis par Mau-
rel, dans ses recherches statistiques et par l'Office du Tra-
vail, au cours d'une récente enquête sur l'alimentation. Je
les signale parce qu'elles apportent une éclatante confir-
mation, au rôle primordial que j'assigne à l'alcool, à la
viande et au sucre, dans l'étiologie de l'arthritisme.
Maurel (1) qui a fait un relevé minutieux de la consom-
mation de la viande, dans le. département de la Haute-
Garonne, indique que l'habitant de la ville de Toulouse,.
qui en 1816 consommait 49 kilogrammes de viande par an,
en absorbait 76 kilogrammes en 1875 ; quant à la popula-
tion rurale, son chiffre passe de 22 kilogrammes en 1854 à
62 kilogrammes actuellement. Après avoir fait les mêmes
recherches scientifiques sur la France entière, il arrive à
cette conclusion que « la consommation de la viande dans les
campagnes a presque triplé en moins de cinquante ans. Eli©
était de 11 kilogrammes en 1816, de 21 kilogrammes en
1856 et nous la trouvons de 30 kilogrammes en 1861. »
D'autre part, l'Office du Travail signale que depuis
soixante ans, la population n'ayant augmenté que de 12 p.
100, la consommation des denrées alimentaires s'est accrue
dans des limites absolument disproportionnées. L'accrois-
sement de quantité est global ; il porte par exemple, sur
(1) Maurel. De la dépopulation de la France, 1896.
26 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

le blé qui augmente de 60 p. 100, sur les pommes de terre


qui sont consommées en quantité double, mais là où il est
formidable, c'est sur la viande et surtout sur l'alcool qui
progresse de 260 p. 100 et le sucre de 500 p. 100 !
Dans les agglomérations urbaines surtout, la progression
devient effrayante. Maurel donne les chiffres suivants pour
la consommation individuelle de la viande :

Dans le Midi 62 kilogs


Dans le Centre 65 —
Dans le Nord 70 —
Dans la région de Paris 91 —

Ne montrent-ils pas de façon évidente, que dans les mala-


dies qui résultent des transplantations, du mouvement
d'émigration des campagnes vers les villes, ce qu'il faut in-
criminer, c'est bien moins le changement d'air, d'habitudes,
de genre de travail, que le changement d'alimentation. C'est
d'ailleurs ce qu'on retrouve, quand on prend la peine de le
rechercher, dans toutes les observations de « déracinés »
qui tombent malades à leur arrivée à Paris. Ceux qui ont le
bon sens de revenir dans leur pays et d'y revivre leur exis-
tence d'antan, d'y reprendre leurs anciennes habitudes d'a-
limentation, y guérissent ; mais ceux, qui bien que peu
atteints, emportent avec eux leurs préjugés suralimen-
taires et continuent à les mettre en pratique, ne constatent
qu'une aggravation de leur état, malgré le repos et le retour
à l'air natal.
En présence de ces chiffres, n'est-il pas également déplo-
rable, de voir la population ouvrière qui déjà s'empoisonne
de viande et d'alcool, sourde aux voix des hygiénistes,
demander encore une nourriture plus « tonique et substan-
tielle », réclamer son droit à la suralimentation et part de
sa
1 arthritisme, réservé exclusivement, il
y a peu de temps
encore, à la classe aisée.
ÉTIOLOGIE DE L'ARTHRITISME 27
Finalement, l'arthritisme apparaît comme une conséquence
du bien-être, une rançon de la richesse, car qui dit richesse
dit trop souvent luxe alimentaire et sédentarité. Sa cause
principale réside dans la suralimentation camée, sucrée
et alcoolique avec son satellite obligatoire l'auto-intoxication
gastro-intestinale. Le mépris de l'hygiène et l'absence d'exer-
cice ne font qu'aggraver les choses. C'est ce qu'avait bien
compris ce médecin anglais qui répondait à lord Palmerston
torturé par la goutte : « Mylord, nourrissez-vous avec un
schelling par jour et ce schelling gagnez-le par un travail
manuel ». (1)
Incriminer exclusivement le surmenage, l'excès dé dé-
penses cérébrales nécessitées par notre vie de fébrilité conti-
nue, c'est transformer en cause, ce qui, en grande partie,
n'est qu'effet. « Qu'on ne s'y trompe pas ; l'existence fébrile
que mènent depuis moins d'un siècle les peuples civilisés
n'est pas tant le fait des nécessités sociales, que d'une ali-
mentation qui vise à faire rendre à la machine humaine-
plus qu'elle ne peut donner..", grâce à elle nous doublons les
étapes de la vie, mais au détriment de nos santés » (2). Et
cette existence d'agités que nous menons, cette violence
égoïste des moeurs que nous subissons, cette âpreté dans la
lutte que nous déployons, ces lésions organiques et infec-
tieuses qui nous assaillent, pour la plus grande part, ne se
développent que grâce à la surintoxication occasionnée par
la quantité de plus en plus grande d'aliments excitants et
concentrés que nous consommons.
Michelet (3), dont le puissant esprit encyclopédique
s'intéressa même aux connaissances médicales, avait, il
y a cinquante ans déjà, dénoncé les méfaits des excès
et des erreurs alimentaires et montré que c'est par la
(1) Grand. Philosophie de l'alimentation, p. 27.
(2) Pascault. VArthritisme par suralimentation, p. 66;
(3) Michelet. L'amour. Médication du corps, p. 331.
28 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

tare digestive que la race s'abâtardissait : « L'homme


veut être -fort, et il choisit mal, exagère les fortifiants.
Il boit, mange immensément trop. Tous ses maux déri-
vent des organes digestifs. »
CHAPITRE II

PATHOGÉNIE DE L'ARTHRITISME

« Le plus fréquemment, le mal appa-


raît comme la conséquence d'un fonction,
nement qui n'a d'insolite que d'avoir été
poussé à l'excès, comme le résultat soit
d'une dérogation aux conditions habi-
tuelles, soit de la suppression ou de la
diminution des agents de protection. »
CHASEIN"(1)

Il ne suffit pas d'avoir déterminé les causes de l'arthri-


tisme, ni la part proportionnelle qui revient à chacune
d'elles ; la démonstration ne sera complète, qu'après expli-
cation du mécanisme intime de l'empoisonnement qui en
résulte. Il faut donc maintenant, suivre pas à pas les réac-
tions de l'organisme malmené et surmené, mettre à jour la
façon dont les lésions se créent, et décrire les troubles de
nutrition consécutifs.
Il y a trois phases dans l'évolution pathogénique de l'ar-
thritisme. La première est caractérisée par l'hypertrophie
compensatrice des organes, avec sa résultante l'hyperfonc-
tionnement, c'est le stade de compensation, de surmenage
cellulaire compensé, où l'usure ne sera qu'ébauchée, sur le
tard de cette période. A la seconde phase, la fatigue orga-
nique commence ; les périodes d'hyperfonctionnement al-
(1) Gharrin. Les Défenses naturelles de l'organisme, p. 8.
30 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGENIQUE

ternent avec des moments d'hypofonctionnement ; il y a


des à-coups dans la marche de la machine ; les sursauts de
vitalité réactive s'entrecoupent de pauses d'épuisement :
c'est le stade d'alarme ou d'intoxication passagère. Peu à
rirypofonction devient permanente, on entre dans la
peu,
troisième phase, ou stade d'épuisement ; la vitalité orga-
nique est au maximum d'affaiblissement, les cellules nobles
sont prêtes à succomber à la lutte, les cellules du tissu Con-
jonctif prolifèrent partout ; les organes s'atrophient, d'où
l'hypofonctionnement constaté sur toute la ligne. Arrivé
à ce terme ultime, l'arthritisme, sur certains points, nous
le verrons, est absolument comparable à la sénilité. Cette
division ne constitue pas une démarcation arbitraire, suggé-
rée par le besoin descriptif ; elle n'a rien d'artificiel et cor-
respond réellement aux trois états cellulaires successifs, à
leurs évolutions réactives en face de l'intoxication perma-
nente et progressive. Etudions en détail cet état, à chacune
de ces périodes.
Le stade de compensation implique un état cellulaire nor-
mal ; il peut n'être qu'ébauché chez les sujets débilités pour
une raison étrangère : convalescence difficile de maladie-
aiguë, surmenage prolongé. Mais admettons un organisme
sain : la cellule glandulaire va recevoir des excitations anor-
males en qualité et en quantité ; elle n'aura pas un moment
de répit physiologique et sera toujours débordée de travail
et de travail fort dur, car il s'agit non seulement de trans-
former beaucoup d'aliments,mais encore d'élaborer des ali-
ments à concentration chimique forte. A des excitations
violentes répondent des réactions vigoureuses, c'est la loi.
La cellule a pour l'instant une vitalité indemne, elle peut
suffire à la besogne. Elle s'y adapte même, s'hypertrophie,
se divise à l'excès pour compenser l'insuffisance qu'elle sent
venir. Les lésions d'hépatite nodulaire n'ont pas d'autre
explication et les cellules hypertrophiées, tassées travées
en
PATHÔGENIE DE L ARTHRITISME 31
concentriques, contenant parfois deux et trois noyaux, sont
bien le fait d'une réaction vitale qui se fait excessive, en face
d'un travail harassant. Les mêmes réactions histologiques
s'observent également dans le tissu rénal et dans la plupart
des tissus glandulaires. Ce débordement vital se traduit par
un éréthisme généralisé à tout l'organisme, dont la mani-
festation clinique est la pléthore.
Cette pléthore dont l'existence clinique est indéniable n'a
pas reçu jusqu'ici une explication pathogénique complète.
Aussi devons-nous nous efforcer de reconstituer la filiation
des phénomènes biologiques qui président à son éclosion et
l'entretiennent, et d'établir sur une base plus solide, la légi-
timité de ce symptôme dans l'ensemble nosologique de l'ar-
thritisme.
Il y a deux choses à considérer dans la pléthore : l'aug-
mentation de la masse séreuse du sang et la polyglobulie.
La polyglobulie s'explique par rhyperfonctionnement des
organes hématopôiétiques (foie, rate, moelle osseuse) qui
participent à l'accélération vitale. L'augmentation séreuse
reconnaît une autre cause. Elle est une réaction défensive
de l'organisme ; elle est une dilution liquide de protection
contre la concentration dès principes toxiques accumulés
dans le sang. A l'inverse de ce qui se passe chez le brigh-
tique, où les substances toxiques, le chlorure de sodium prin-
cipalement, se localisent presque uniquement dans les
tissus, chez l'arthritique, la rétention des produits azotés de
désassimilation ou de métabolisme imparfait se fait surtout
dans le plasma sanguin. L'urée, par exemple, se retrouve
toujours en bien plus grande quantité dans le sang que dans
les organes. A l'état normal, son taux, dans le sérum san-
guin, s'élève en moyenne à 0 gr. 33 p. 1000 ; mais, dans les
cas d'azotémie, il peut s'élever à 1, 2, et même jusqu'à
5 gr. p. 1000, comme l'ont montré Strauss (de Berlin)
et Achard et Paisseau, dans leurs recherches faites sur le
32 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

des brightiques. Notons toutefois, que les chiffres


sang
très élevés de 5 p. 1000 ne se trouvent guère que chez
des malades arrivés à la périodehypertoxique terminale et
que les chiffres moyens sont les plus fréquents. Cette accu-
mulation de l'urée dans le sang n'est pas la seule à incri-
miner, d'autres dérivés azotés, moins avancés en transfor-
mation, y abondent et furent retrouvés par Jaksch, Klein-
perer, Strauss qui, entre autres, notèrent la rétention des
bases xanthiques et de l'alloxène. L'action pléthorique du
sucre a été également bien mise en évidence par les expé-
riences de Leathes en 1896, qui l'opposa à l'action du chlo-
rure de sodium. Injectant des solutions de ces deux sub-
stances dans les veines d'un animal, il constata avec le sucre
une augmentation énorme .et extrêmement rapide du vo-
lume du sang, tandis que sous l'influence de la solution salée,
il se faisait un afflux de liquide du sang vers les tissus.
La clinique confirme toutes ces expérimentations. Tan-
dis que chez le brightique la concentration du chlorure de
sodium dans les tissus produit de la part du protoplasme
cellulaire irrité par le contact d'un milieu antiphysiologique
et nuisible à sa vitalité un appel liquide défensif àla dilution,
qui se traduit par les oedèmes, de même chez l'arthritique,
l'accumulation de l'urée, de ses dérivés, du sucre et d'autres
poisons dans le sang engendre, par un mécanisme vital
identique, un appel de dilution de la part des endothéliums
vasculaires, mais en sens inverse, c'est-à-dire des tissus vers
le sang et détermine ainsi l'augmentation de la masse sé-
reuse du sang. Ce mécanisme, déjà signalé par Widal (1),
à propos des rétentions azotées chez les brightiques, retrouve
ici son intégrale application.
Pour achever et résumer notre comparaison entre le
brightique et l'arthritique, nous dirons, qu'en ce qui con-
cerne le brightique, la rétention porte le plus souvent sur le
(1) Widal. La cure de dêchloruration, p. 67.
PATHOGENIE DÉ L'ARTHRITISME 33
chlorure de sodium qui est un poison rénal, qu'elle s'opère
surtout dans les tissus et que sa résultante clinique est l'ap-
parition des oedèmes. Chez l'arthritique, la rétention des
produits uriques et autres poisons implique une toxémie
complexe de source gastro-hépatique, localisée surtout au
plasma sanguin. Ses manifestations cliniques sont la plé-
thore et les accès congestifs locaux, subits, mobiles, fugaces,
qu'elle peut déterminer dans les organes ou autour de foyers
infectieux. Et en fin de compte, cette pléthore apparaît
comme étant à la fois, une sorte d'oedème défensif du sang
contre la concentration toxique et le résultat d'un hyper-
fonctionnement des organes hématopoïétiques.
Dans toute l'étendue du torrent circulatoire, la concen-
.
tration toxique peut ne pas rester à un taux uniforme. Que
pour une cause ou pour une autre (excès de froid, de chaud,
localisation infectieuse, troubles circulatoires compressifs ou
vaso-moteurs),il se fasse-soit un appel sanguin plus violent,
soit un ralentissement de courant en un point localisé d'un
organe, là convergeront, avec le sang, les poisons qu'il
véhicule. Sous J'influence de l'encombrement circulatoire,
ces poisons vont y séjourner davantage, y produire comme
un début de cristallisation, une amorce, un p oint de rallie-
ment qui fera appel aux autres sels toxiques et détermi-
nera une concentration. Ici commence le cercle vicieux.
La concentration engendre la souffrance cellulaire et l'appel
défensif à la dilution consécutif ; l'afflux séro-sanguin de
défense se fait de plus en plus violent et en même temps
•que par sa partie séreuse, il procure un soulagement cellu-
laire, il contribue, par les apports successifs de poisons qu'il
contient, à entretenir la concentration et aussi la lésion :
le foyer çongestif est constitué. D'ordinaire, l'appel liquide
s'est propagé jusqu'aux centres nerveux créant la sensation
de soif. Son apaisement par l'ingestion de boissons aug-
mentera l'afflux séreux, le rendra prédominant, diluera da-
34 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

vantage les toxines, permettra leur mise en circulation et


leur élimination rénale. Le foyer çongestif va ainsi se dé-
blayer peu à peu et le plus souvent disparaître aussi vite
qu'il est venu, sans laisser de traces. La multiplicité, les
variations, la brusquerie d'arrivée et de disparition, la fré-
quence des réapparitions des foyers congestifs simples chez
l'arthritique, n'ont pas d'autre explication.
L'évolution est moins rapide, la résolution beaucoup plus
lente, si la cause qui a fait se fixer la concentration toxique
est persistante. S'agit-il d'un foyer tuberculeux ? Il devient
une cause d'irritation viscérale continue. L'appel chimio-
tactique positif dont il est le siège est à la fois un appel
défensif et une source d'intoxication locale, dans le cas de
l'arthritisme grave, puisque son sérum est hypertoxique,
aussi en résulte-t-il une congestion pérituberculeuse in-
tense, qui ne cesse de se produire tant qu'on n'a pas abaissé
la toxicité plasmatique de ces malades, tant qu'on ne les
a pas débarrassés de leur intoxication humorale arthritique.
Et c'est ce qu'on devra toujours s'efforcer de faire en pre-
mier lieu, nous pouvons déjà le dire, pour lutter efficace-
ment contre la complication tuberculeuse.
Reprenons maintenant l'exposé pathogénique général de
l'arthritisme et v03rons comment peuvent s'expliquer les
troubles de la seconde phase.
Jusqu'ici, la réaction se fait à peu près égale à l'excita-
tion, mais peu à peu, la cellule, malgré sa meilleure volonté
d'adaptation, ne peut éternellement suffire à un tel surcroît
de besogne et fatalement la fatigue se manifestera. On la
verra apparaître par accès, suivis de moments de repos
relatifs, qui en sont la conséquence forcée et pendant lesquels
la cellule se reprend un peu, jouissant d'un court moment
de répit, pour se remettre ensuite avec
une nouvelle ardeur
au travail. C'est la caractéristique de la seconde période, le
stade d'alarme, ou encore période d'hyperfonctionnement
PATHOGÉNIE DE L'ARTHRITISME 35

de Pascault (1) qui a fait de la pathogénie de l'arthritisme


une merveilleuse description. Mais maintenant, du fait du
fonctionnement cellulaire devenu imparfait, un nouveau
facteur nocif s'ajoutera au surmenage banal et accélérera
le mouvement d'usure et de déclin : c'est l'imperfection du
métabolisme alimentaire. Tous les aliments, au lieu d'être
amenés à leurs états définitifs de transformation normale,
qui sont surtout l'urée, l'eau et l'acide carbonique, vont
voir ces métamorphoses rester en suspens. Une foule de
nouveaux produits toxiques seront engendrés et en pre-
mière ligne, viendront les acides. Très amorcée au cours de
la phase d'alarme, cette cause d'irritation s'aggravera assez
vite, au point qu'au stade d'épuisement, l'organisme ne
sera pour ainsi dire plus qu'une fabrique d'acides.
Nous voici arrivés au point- le plus grave de l'évolution
arthritique, celui qui lui vaut son nom de diathèse hyper-
acide et le justifie. D'où viennent donc ces acides et com-
ment se forment-ils ? Ils résultent d'abord des fermentations
gastro-intestinales, qui se font au sein d'aliments mal digé-
rés, parce que trop abondants et soumis à des sécrétions
glandulaires atténuées en pouvoir digestif et en quantité.
Voilà déjà beaucoup d'acide lactique, d'acides acétique,
butyrique, oxalique, etc., qui iront s'accumuler dans les
tissus, dans les organes et abaisser l'alcalinité du sang. On
les retrouvera dans toutes les sécrétions glandulaires :
suc gastrique, urine, bile, salive, mucus nasal, sueur, etc.
Mais le gros apport viendra des troubles de l'assimilation
et de la désassimilation cellulaire. Les produits de décom-
position de l'albumine, en effet, sont, en tête de formule,
l'urée, puis de l'acide oxalique, des leucines, leucéines, qui
par oxydation forment des acides gras, de l'acide lactique.
Qu'il y ait ralentissement de la nutrition ou que ces méta-
morphoses soient trop lentes à s'accomplir, les acides s'accu-
(1) Pascault. L'Arthritisme par suralimentation.
36 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

mulent dans les viscères et dans leurs sécrétions. Les ali-


ments azotés et hydrocarbonés, au lieu de subir les combus-
tions totales qui amènent les premiers à l'état d'urée, les
seconds à l'état d'acide carbonique et d'eau, s'oxydent in-
complètement et donnent alors naissance à des produits
intermédiaires toxiques, tels que l'acide urique, la créatine,
la créatinine pour les matières azotées, l'acide lactique et
toute la série des acides gras pour les matières hydrocarbo-
nées. Ces produits toxiques se retrouvent surtout dans les
liquides glandulaires qui baignent les tissus nobles de l'or-
ganisme. L'urine de tels malades a la même composition
chimique que celle des sujets surmenés, c'est-à-dire, qu'elle
est riche en produits de métabolisme incomplet et princi-
palement en acide urique et en acide lactique, dont elle peut
contenir jusqu'à 5 à 6 grammes par litre, comme l'a montré
Gautrelet. La courbature, la faiblesse dont se plaignent tous
les arthritiques n'a pas d'autres causes que cet empoison-
nement par l'acide lactique.
Comment vont agir tous ces acides pour engendrer les
lésions de l'arthritisme ? Surtout par l'action irritative
qu'ils exerceront sur la cellule vivante. La cellule glan-
dulaire, imprégnée de plasma hyperacide, aura une vitalité
amoindrie, sera facilement la proie des phagocytes et pourra
subir un processus destructif analogue à celui que décrit
Metchnikoff, pour les organes séniles. Le tissu conjonctif
irrité proliférera au contraire, encerclera les éléments
nobles et contribuera ainsi à la ruine totale. Cette action
nocive a d'ailleurs été démontrée expérimentalement par
Gaucher, pour l'acide oxalique, sur le rein, par Minkowski,
Boix, entre autres, sur le foie.
L'acide urique a sa très grosse part des méfaits accom-
plis. Partout où il séjourne, il se fait un point d'attraction et
d'accumulation du même sel, donnant lieu à des phéno-
mènes morbides passagers, tels que les fluxions organiques,
PATHOGÉNIE DE L'ARTHRITISME 37
si fréquentes chez les arthritiques, ou durables, tels que les
tophus goutteux. Partout où il s'élimine il est une cause de
lésion irritative et engendre des syndromes dont on ignore
trop souvent la cause et qu'on soigne mal à propos,pour
n'en avoir pas pénétré la pathogénie. Nombre d'albuminu-
ries, d'entérites, de bronchites, de lésions cutanées ne sont
que des troubles d'élimination urique. Il en est de même
des nombreux coryzas à répétition, de certaines pseudo-
grippes récidivantes qui ne sont que des inflammations
des muqueuses respiratoires supérieures dues à une irrita-
tion d'élimination toxique par accès successifs. Cette
pathogénie a été déjà fort justement invoquée par Haig (1)
qui dénomme ces derniers troubles : des rhumatismes de la
muqueuse respiratoire. Je connais, pour ma part, nombre
de malades arthritiques, à qui j'ai appris ce mécanisme de
leurs lésions respiratoires et qui se débarrassent d'un coryza,
en réalité toxique et nullement infectieux, en quelques
heures, par une purgation et un régime momentanément
sévère.
Là enfin ne se borne pas le rôle néfaste de l'acide. L'hyper-
acidité n'agit pas seulement comme cause irritative toxique,
elle diminue la résistance organique, en acidifiant les hu-
meurs, ce qui prédispose aux infections, par atténuation de
leurs propriétés bactéricides (Charrîn) (2).
Ces étapes de la lésion cellulaire ne se franchissent que
d'une façon exceptionnelle chez le même individu. On en
observe ordinairement la filiation, en suivant plusieurs
générations. C'est ici que se place le rôle important joué
par l'hérédité. Quand un malade se plaint de maux dont
l'origine se rattache à l'épuisement cellulaire passager ou
continu, il faut déjà que ses parents aient travaillé pour lui.
Aussi il pourra, en se soignant, ne pas accentuer son degré
(1) Haig. Du régime alimentaire. Traduction Nyssens.
(2) Charfin. Les défenses naturelles de l'organisme.
38 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

d'ârthritisme, mais toujours il lui restera une tare cellulaire


originelle, qu'il lui sera impossible d'effacer complètement.
Qu'est-il en effet dans sa complexité organique, sinon la
combinaison multipliée de deux cellules arthritiques, l'ovule
et le spermatozoïde, dont il gardera tous les caractères vi-
taux, toutes les réactions physico-chimiques qui feront
retrouver en lui les ressemblances non seulement physiques,
mentales, mais biologiques de ses ancêtres ?
Après avoir rapidement esquissé les atteintes subies par
la cellule de l'arthritique en général, il reste encore à indi-
quer quels sont les viscères qui auront le plus à souffrir de
l'intoxication. Le premier, sur la route suivie par les poi-
sons, c'est le tube digestif ; il sera donc au premier rang pour
supporter l'assaut. L'estomac aura son épithélium glan-
dulaire irrité, qui réagira en projetant des flots de suc gas-
trique (hyperchlorhydrie, dyspepsie hypersthénique) ou
de sécrétions séro-muqueuses (pituites, catarrhes gastri-
ques) pour assimiler un surcroît alimentaire ou diluer des
concentrations toxiques. Sa tunique musculaire, au début,
réagira avec énergie, donnant lieu soit aux Aboutissements,
soit aux spasmes totaux ou localisés, au pylore surtout.
Peu à peu, épuisé par ces réactions défensives, usé par
la surcharge et l'empoisonnement alimentaires, l'estomac
cessera de fonctionner : ce sera l'hypochlorhydrie, la dys-
pepsie asthénique, la dilatation atonique dite nerveuse ou
neurasthénique.
L'intestin répondra par les mêmes troubles fonctionnels
aux mêmes excitations nocives. D'abord hyperfonctionnant
avec les diarrhées séreuses, les débâcles et les spasmes dé-
fensifs, les sécrétions protectrices : glaires, peaux ; il finira
par le surmenage, source de constipation par atrophie glandu-
laire, et musculaire; de dilatationcoecale, avec sa conséquence
l'appendicite ; d'entérite muco-membraneuse qui certaine-
ment n'est qu'une localisation intestinale, de l'arthritisme.
PATHOGENIE DE L ARTHRITISME 39
Mais de beaucoup, le plus touché sera le foie. L'impor-
tance considérable de son rôle digestif et antitoxique l'ex-
plique suffisamment : c'est lui notre principal organe à
la fois digestif et antitoxique. Chargé de transformer les
hydrûcarbones en glycogène, de fabriquer et régler le débit
du sucre, de transformer les substances azotées en urée,
d'aider à la digestion des graisses, rôle qui commence avec
le début de la digestion gastrique et se continue longtemps
après qu'elle est terminée, il ne cessera pas un moment de
travailler et- dans le cas présent d'être surmené. Sa cellule,
au début, nous l'avons déjà indiqué, accélérera ses sécré-
tions, hypertrophiera et divisera son protoplasme (cirrhoses
hypertrophiques, congestions hépatiques, ictères). Plus
tard, du fait de 1'hypofonctionnement cellulaire général, il
verra affluer vers lui tous les acides produits par le méta-
bolisme imparfait, il sera débordé, et finalement impuis-
sant, deviendra lui-même une fabrique d'acides. Corrodées
bientôt par ce milieu acide ântivital, ses cellules ne
peuvent que s'atrophier et le tissu conjonctif les rempla-
cera (acholie, cirrhoses âtrophiques)/
En troisième lieu seulement, se place l'agression rénale.
Il a fallu d'abord que le foie faiblisse, pour que les poisons
se glissent dans la circulation générale et franchissent sa
voie d'élimination principale : le rein. Il passe, lui aussi,
par les mêmes modes réactionnêls : rrypertrophie de lutte
du début (polyurie, azoturie) avec atrophie et lésions con-
sécutives (néphrites, albuminurie).
Ce qu'il faut surtout retenir et mettre au premier plan
dans la constatation des lésions organiques, c'est l'impor-
tance capitale de l'atteinte gastro-hépatique. Autour d'elle
gravite toute la pathogénie, toute la symptomatologie,
et surtout la thérapeutique entière, non seulement de Far-,
thritisme, mais de la tuberculose évoluant sur le terrain
arthritique. Et cela à tel point, qu'on peut dire que, chez
40 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGENIQUE

l'arthritique tuberculeux, l'état gasiro-hépatique domine tou-


jours l'ensemble symptomatique et demeure dans tous les

cas le seul guide thérapeutique.


S'il fallait encore un dernier argument pour étayer cette
démonstration pathogénique de l'arthritisme, on le trouve-
rait, très confirmatif, dans l'étude de la pathologie com-
parée. L'homme n'est pas le seul être touché par l'arthri-
tisme. Les mêmes procédés sur aliment aires, joints à la
sédentarité, produisent les mêmes effets chez les animaux.
Pascault (1) a montré comment les animaux engraissés
passent par les mêmes phases arthritiques (obésité, cir-
rhoses, etc.), et, tout comme l'homme, versent ensuite très
facilement dans la tuberculose. Lagrange (2), avant lui,
avait insisté sur l'identité de l'arthritisme de l'homme
et des animaux : « Les faits vulgaires de l'élevage des
animaux confirment les observations que chacun peut faire
sur l'homme et nous montrent, en quelque sorte expéri-
mentalement, la part considérable que prennent dans les
déviations de la nutrition ces deux vices hygiéniques, si
caractéristiques de la vie aisée : le défaut d'exercice et
l'excès d'alimentation. Quelles sont les deux conditions
essentielles pour produire chez le boeuf l'engraissement ou,
en d'autres termes, l'obésité ? Ce sont l'augmentation de
la nourriture et la cessation de travail. En poussant à
l'extrême ces deux procédés d'élevage qui semblent em-
pruntés au genre de vie de bien des hommes de la classe
aisée, on arrive à localiser à volonté chez les animaux des
troubles de la nutrition sur certains organes. En gavant
les oies et les canards, on parvient à hypertrophier leur
foie dans des proportions monstrueuses. N'est-ce pas la
reproduction expérimentale des hypertrophies du foie que
nous observons si fréquemment chez les gros mangeurs? »
(1) Pascault. L'Arthritisme par suralimentation.
(2) Lagrange. La médication par l'exercice, p. 269.
PATHOGÉNIE DE L'ARTHRITISME 41

et, j'ajouterai, de la cirrhose hypertrophique graisseuse des


tuberculeux. ......il est de notoriété banale que l'alouette et
la perdrix enfermées dans des cages contractent fréquem-
ment la goutte et qu'on voit leurs pattes s'incruster de
dépôts pierreux,. formés d'urate de soude et tout à fait
analogues aux tôphus des goutteux. »
Arrivée à sa phase ultime d'altération, la cellule glan-
dulaire arthritique est en tous points comparable à une
cellule sénile. Les lésions anatomo-pathologiques observées
dans l'arthritisme et la vieillesse au niveau du tube digestif
et des glandes annexes sont superposables ; c'est la même
atrophie des éléments nobles usés par hyperfonctionne-
ment qui a brûlé les étapes dans le premier cas, qui s'est
opéré lentement dans le second ; cette atrophie fait que la
cellule glandulaire perd sa puissance vitale défensive et
n'offre plus de résistance à l'envahissement par les ma-
crophages qui finalement arrivent à la dévorer suivant le-
mécânisme établi par Metchnikoff (1). C'est également le
même envahissement scléreux, par prolifération excessive
du tissu conjonctif, qui encercle les acinis glandulaires etT
peu à peu, se substitue à eux. Cliniquement, dans ces deux
états, on observe le même ralentissement nutritif avec ses
conséquences : abaissement de la température et ralentis-
sement du pouls.
Mais l'analogie reste limitée à l'appareil digestif. Ayant
subi moins directement l'assaut toxique, les cellules des
autres organes (rein, coeur, système nerveux) sont moins
fortement lésées ; leur amoindrissement est plus fonction-
nel que physique, et grâce à leur intégrité structurale, l'or-
ganisme pourra encore se consolider dans son ensemble et
réparer même certaines brèches, si on fait cesser l'intoxi-
cation causale. Tandis que la vieillesse est une usure nor*
maie généralisée à tout l'organisme, l'arthritisme est une
(1) Metchnikoff. Etudes sur la nature humaine.
42 ÉTUDE ÉTI0L0GIQUE ET PATHOGÉNIQUE

usure pathologique limitée aux glandes gastriques, intes-


tinales, hépatiques et pancréatiques et si l'on envisageait
seulement la lésion anatomopathologique primordiale et
dominante, on pourrait dire de l'arthritisme qu'il n'est qu'une
sénilité précoce gastro-hépato-pancréatiqae. De cette consta-
tation, on peut déjà conclure que pour se maintenir en
bon état et pour s'efforcer d'enrayer la marche de sa dia-
thèse, l'arthritique devra se rapprocher sensiblement du
régime alimentaire du vieillard, au rang duquel sa capacité
fonctionnelle gastro-hépatique est déchue, c'est-à-dife se
contenter d'une ration d'entretien, justement équilibrée et
fournie par des aliments légers.
CHAPITRE III

LES PETITS SIGNES DE L'ARTHRITISME

-
En voyant la multiplicité des formes
«
morbides qu'emprunte l'arthritisme par
suralimentation, on dirasans aucun doute
que cette diathèse englobe la pathologie
toute entière. ».
PASCAULT (1).

La séméiologié de l'arthritisme n'est pas constituée uni-


quement par les manifestations tardives que l'on désigne
habituellement sous le nom de grands syndromes morbides
de la famille arthritique, c'est-à-dire : le rhumatisme, la
goutte, les lithiases, le diabète, l'obésité, l'albuminurie,
etc. Décrire seulement ces groupes pathologiques, c'est
méconnaître l'existence de la pléiade des petits symptômes
qui les ont précédés, et qui constituent peut-être la partie
la plus intéressante de l'ensemble nosologique, car c'est elle
qui va nous enseigner la genèse, la filiation des accidents ar-
thritiques et nous permettre de prévoir l'éclosion des
grands syndromes et de leur opposer une thérapeutique
préventive. S'attaquer à l'arthritisme grave final, c'est
agir trop tard, puisque l'épuisement organique est presque
irrémédiable à cette période et que l'ère des complications
s'ouvre sans espoir prophylactique, le terrain étant trop
affaibli pour lutter. Qu'une infection aiguë, telle qu'une
(1) Pascault. JJ Arthritisme par suralimentation, p. 106.
44 ÉTUDE ÉTI0L0GIQUE ET PATHOGENIQUE

pneumonie, ou chronique, telle que la tuberculose, vienne


se surajouter à ce moment : s'en rendre maître sera pres-
impossible. Le mieux est donc de prévoir, et de soigner
que
le malade quand il n'est encore qu'en seconde période
d'ârthritisme, victime de toutes ces petites misères, qu'il
sait à quoi attribuer, et qui constituent les petits signes
ne
de l'arthritisme.
Ce sont ces petits signes, déjà décrits en grande partie
par de Grandmaison, que je tiens à passer rapidement en
revue, omettant à dessein les manifestations tardives, dont
l'exposé clinique se trouve fait partout ; car il y a un gros
intérêt à mieux connaître ces petits signes, et à savoir les
dépister. On apprendra ainsi à les rattacher à leur véri-
table origine, et à ne pas les considérer, soit comme des
entités morbides, soit comme les effets d'affections inter-
currentes. Ils prendront, dans l'ensemble nosologique de
l'arthritisme, une place analogue à celle des petits signes du
brightisme, si magistralement mis en lumière par DieUlafoy.
Ebauchés au cours de la période de compensation,
la première, ils s'épanouissent au cours du stade d'alarme,
et comme cette seconde période est caractérisée essentielle-
ment par un enchevêtrement de poussées hyperfonction-
nelles coupées de phases d'hypofonction par épuisement
momentané, nous ne serons pas surpris de noter, côte à
côte, à propos du même organe, des signes en apparence
contradictoires et de voir voisiner, par exemple, dans une
succession immédiate, l'acholie avec les débâcles biliaires,
les accès de constipation avec les chasses diarrhéiques.
Pour la commodité de l'exposition, je rattacherai ces
très nombreux petits signes soit à l'appareil où ils se cons-
tatent, soit à la cause pathogénique qui les provoque.
(1) De Grandmaison. Traité de VArthritisme. La goutte musculaire,
1901 ; Les petits signes de l'uricémie. Revue des Maladies de la nutri-
tion, oct. 1903.
PETITS SIGNES DE L ARTHRITISME 45
La fatigue hépatique se traduit par des poussées conges-
tives fébriles douloureuses de cet organe,que l'on mécon-
naît le plus souvent, et que l'on baptise des noms d'indi-
gestion, de coliques hépatiques frustes, d'empoisonnement
alimentaire, d'embarras gastrique fébrile, etc., tandis qu'en
réalité, dans tous ces cas, il s'agit seulement d'un surmenage
hépatique brusqué Ou lentement accumulé. Le signe patho-
gnomonique de cette congestion hépatique réside dans la sen-
sibilité du creux épigastrique. C'est, en effet, au niveau du
lobe gauche du foie, que se localise le maximum de ré-
action congestive d'origine tôxi-digestive. Reprenant plus
loin l'étude de ce symptôme, j'en donnerai les raisons.
L'importance diagnostique de ce point douloureux a été
signalée seulement par Glénard, puis par Pascault qui a
même donné au lobe gauche le nom de « lobe d'alarme », et
enfin par de Grandmaison (1) qui oppose l'hépatisme gauche
à l'hépatisme droit. Ces poussées congestives, qui s'accom-
pagnent de fièvre élevée, de troubles digestifs sérieux,
vomissements bilieux, diarrhées bilieuses, ont pour carac-
téristique de céder aux purgations légères et répétées et de
récidiver de plus en plus souvent, si les écarts alimentaires
ne sont pas supprimés. Traduisant encore l'hyperfonction-
nement hépatique, notons la cholémie familiale, le sub-
ictère véritable, la présence des pigments normaux dans
l'urine, les périodes de boulimie, car le foie est l'organe
de l'appétit, suivies d'anorexie de surmenage. Dans les
moments de fonctionnement hépatique excessif, les ma-
lades ne sont jamais rassasiés, et se déclarent prêts à re-
commencer leur repas en sortant de tablé. Dans les ins-
tants de fatigue, au contraire, on constatera de l'achôlie
pigmentaire avec selles incolores, mal digérées, de l'urô-
bilinufie, du dégoût alimentaire portant surtout sur la
viande et sur les graisses.
(1) De Grândrnaison. Traité de l'arthritisme, p. 39.
46 ÉTUDE ÉTI0L0GIQUÈ ET PATHOGENIQUE

Le surmenage et l'auto-intoxication gastro-intestinale se


montreront avec leur maximum d'intensité pendant la
période de digestion. Des gens dispos, alertes avant lès
envahis, dès l'ingestion d'aliments mal
repas, se sentent
choisis pour leur tempérament, de sommeil invincible,
appelé bien à tort « sommeil physiologique », de sentiment
de faiblesse, de lassitude extrême. S'il s'agit du repas de
midi, ils auront toute la soirée, le temps que durera la di-
gestion, avec pourtant un maximum, 4 ou 5 heures après
le repas, au moment de l'évacuation gastrique, de la cé-
phalée, des poussées congestives de la face, des picotements
du larynx, une élévation thermique de plusieurs dixièmes
au-dessus de 37°5, une sensation de poids sus-ombilical et
des éructations plus ou moins aigres ; le tout s'accompa-
gnant d'odeur désagréable ou fétide de l'haleine et d'état
saburral très marqué de la langue. Après le repas du soir,
le sommeil est traversé de rêves, de cauchemars, de cris,
de réveils pénibles, toujours plus accentués au moment de
l'évacuation stomacale ; il s'accompagne de transpirations
abondantes, et c'est seulement sur le matin que les malades
se rendorment d'un sommeil pénible, parsemé de soubre-
sauts généralisés ; ils se réveillent la tête lourde, doulou-
reuse et mettent plus d'une heure à reprendre la plénitude
de leur conscience.
Assez souvent pourtant, les symptômes d'alarme sont
moins accusés. Le sommeil est paisible, mais très écourté, et
chacun peut citer quelques personnes que l'on s'étonne de
voir se contenter régulièrement, d'un sommeil de six heures
sans en pâtir. Ces gens sans sommeil, sont le plus souvent
des arthritiques en hyperfonction, à la période germma-
tive de compensation de la diathèse.
Tant que l'estomac demeure tolérant, les choses en res-
tent là. Mais, bien souvent, il lui arrive de se révolter ; il
contracture alors sa tunique musculaire pour se débarrasser
PETITS SIGNES DE L'ARTHRITISME 47
d'un contenu gênant, ce qui donne lieu à ces spasmes dou-
loureux que les malades appellent « coliques d'estomac »,
et, si cette contracture est saccadée, aux vomissements
défensifs. Parfois le spasme reste localisé à une portion
gastrique, le pylore le plus souvent, et peut simuler à s'y
méprendre, le tableau clinique de la sténose par obstacle
(cancer ou ulcère). Très rapidement, la fatigue suit la ré-
volte, et la dilatation atonique s'installe. Dès qu'un aliment
irritant pour sa sensibilité muqueuse devenue exquise, se
déverse dans sa cavité, la poche stomacale fuit, s'étale, et,
on retrouve sa grande courbure clapotant à la succussion,
au-dessous de l'ombilic, parfois même jusqu'au pubis. Les
] retards d'évacuation sont alors considérables, et les fer-
! mentations, sources de flatulence et d'intoxication acide, ne

/^cessent plus un instant, car l'estomac est perpétuellement


à l'état de semi-réplétion, le malade prenant de nouveaux
aliments, avant que ceux du repas précédent soient ex-
pulsés.
Il est en effet remarquable, que l'attention du sujet n'est
jamais attirée sur ses malaises gastriques ; du jour où l'es-
tomac a cessé de réagir et s'est dilaté, sa sensibilité est
devenue encore plus Obtuse, et si à tous ces arthritiques
gastropath.es, chez lesquels vous constatez une énorme
poché gastrique remplissant tout l'abdomen et clapotant
encore immédiatement avant qu'ils se mettent à table,
vous demandez : digérez-vous facilement ? N'avez-vous
pas à vous plaindre de votre estomac ? vous recevrez l'in-
variable réponse: oh ! l'appétit est bon et je digère parfai-
tement. Ce qui en réalité veut dire : ma poche gastrique est
vaste et ne me fait pas souffrir !
Mais si on pousse plus loin la recherche symptomatique,
on retrouve tous les troubles post-prandium, signalés plus
haut, que le malade et trop souvent le médecin consulté,
sont enclins à rapporter à toute autre cause. Que de mi-
48 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGENIQUE

graines, de névralgies faciales, de toux irritatives, d'ex-


tinctions de voix, de troubles nerveux, qualifiés de neuras-
thénie, d'hystérie, d'insomnies, d'accidents de surmenage
physique ou intellectuel, d'angines de poitrine, de.grippes,
etc., qui sont considérés-comme faits autogènes, soignés à
grand renfort de médicaments, moyens habituels de soula-
gement mais aussi d'aggravation causale, et qui en réalité ne
sont que la répercussion, sur l'Organisme entier, d'une lésion
stomacale arthritique,entretenuep ar les erreurs alimentaires!
Le petit arthritisme intestinal se révèle par des accès.de
diarrhée défensive venus souvent sans motif plausible,
entrecoupés de phases de constipation véritable, ou masquée
par une évacuation régulière qui n'est qu'un trop plein
rejeté par un intestin encombré dans toute sa longueur. Au
début, c'est la diarrhée défensive avec ses coliques, la con-
tracture de révolte avec les douleurs entéralgiques spas-
modiques ou continues ; plus tard, c'est la.dilatation atû-
nique par épuisement et l'encombrement qui s'accuse, prin-
cipalement au niveau du réservoir ccecal.
Cette dilatationcoecale, signe avant-coureur d'appendicite,
autre grave conséquence de l'arthritisme (Luças-Cham-
pionnière, Pascault) se traduit par une douleur sourde,
profonde de Thypocondre droit, avec une irradiation beau-
coup plus sensible vers le milieu de l'arcade crurale corres-
pondante. Elle donne lieu, à la palpation, à une douleur
provoquée assez intense et à un empâtement des plus
évidents. La cause, ne craignons pas de le répéter, réside
uniquement dans l'alimentation arthritigène, de même que
sa conséquence habituelle est l'attaque d'appendicite. Et
cette fréquence extraordinaire et toujours croissante des
lésions entéritiques et appendiculaires, que l'on observe de
nos jours, a son évidente et seule raison d'être dans les
troubles de surmenage gastro-intestinal, occasionnés par
les excès et les erreurs alimentaires.
PETITS SIGNES DÉ L'ARTHRITISME 49
Chez les enfants, le petit arthritisme gastro-intestinal
a été parfaitement observé et décrit par Comby (1) et
Maffan (2), et je ne puis que résumer l'étude qu'ils en
firent. Us insistent sur la triade symptomatique suivante :
des vomissements périodiques, dus à l'intolérance de l'esto-
mac surmené, qui durent de 3 à 8 jours. Puis, sous l'in-
fluence de la diète forcée, le calme renaît, l'appétit revient
peu à peu, les néfastes habitudes alimentaires sont alors
reprises et selon leur gravité ou selon le degré de résistance
des organes digestifs du petit arthritique, l'intoxication va.
de nouveau^lentement s'accumuler et éclater quand la me-
sure sera comble, donnant lieu à une crise identique 2, 3 ou
6 mois après la première. Accompagnant les vomissements,
on note deux autres symptômes : la céphalalgie périodique
et la fièvre arthritique sur laquelle la quinine est impuis-
sante. J'ajouterai seulement, qu'en plus de cette triade de
signes fonctionnels, on trouve un symptôme physique qui
ne manque jamais : c'est la sensibilité du creux épigastrique,
signe de souffrance du « lobe d'alarme » hépatique'conges-
tionné.
Triboulet (3), d'autre part, a décrit, sous le nom de vomis-
sements acétonémiques de l'enfance, des troubles nerveux
et abdominaux par toxémie d'origine hépatique qui peuvent
simuler la méningite, l'occlusion intestinale et l'appendicite
et qui cèdent à la cure alcaline et végétarienne.
-
Du côté du Système nerveux, du fait de l'intoxication
arthritique, résultent des perturbations sérieuses. Les mi-
graines, d'abord espacées, deviennent peu à peu subih-
trantês, constituant souvent une véritable infirmité. L'état
mental est toujours très touché. L'émotivité excessive est
(1) Comby. L'arthritisme chez les enfants. Journal des Praticiens,
3i° 6, 1901.
(2) Maffan. Journal des praticiens, 1901-49.
(3) Triboulet. Vomissements acétonémiques de l'enfance. La Cli-
nique, 26 août 1910.
4
50 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGENIQUE

la règle. La moindre contrariété amène des crises de déses-


poir ou de colère extrêmes ; le moindre excitant physique
moral, déchaîne des réflexes diffus et désordonnés. L'ar-
ou
thritique, arrivé à ce degré, est en général un hyperactif,
toujours remuant, toujours affairé et s'il accentue ses fautes
alimentaires, il aura vite fait de devenir un impulsif et un
détraqué mental irresponsable. A un degré de plus, la
réaction nerveuse excessive par irritation toxique continue
et croissante, fait place à l'épuisement. Ce qui domine alors
c'est, au contraire, la lassitude générale toujours accentuée
en période digestive, la sensation d'affaiblissement, d'ané-
mie combattue par les toniques et réconfortants, qui accé-
lèrent la marche du mal ; la torpeur des réveils, chassée par
l'excitation caféique artificielle et nuisible du petit déjeuner;
la tristesse et l'instabilité mentale, qui fait soigner ces mal-
heureux intoxiqués pour une neurasthénie, une hystérie,
dont ils n'ont que l'âpp arence.
Bouchard a d'ailleurs montré que, le plus souvent, la neu-
rasthénie n'est qu'un syndrome arthritique, et « il n'est
point absurde de penser, que le contact d'un sang surchargé
de principes acides comme l'est le sang des arthritiques,
puisse exercer sur les éléments nerveux une irritation spé-
ciale, d'où résulte une forme d'état nerveux, qu'on a appelée
la neurasthénie hyperacide » (Lagrange) (1). On peut donc
dire que la neurasthénie est à l'arthritique, ce que la cépha-
lée est au brightique. Dans les deux cas, il s'agit d'une im-
prégnation des cellules nerveuses par des substances
toxiques : poisons du foie dans le premier cas, poisons du
rein dans le second.
Au niveau du filtre rénal, le surmenage toxique est in-
diqué par les dépôts uratiques, les sables qui encrassent les
parois des récipients, par des crises de pollakiurie et de
polyurie, apparaissant le plus souvent immédiatement
(1 ) Lagrange. La médication par l'exercice, p. 416.
.
PETITS SIGNES DE L'ARTHRITISME 51':

après les repas, par des accès douloureux d'irritation vési-


calê et urétrale dus à l'action caustique d'une urine sur-
chargée de substances extractives, de cristaux uratiques.
Ces phénomènes douloureux,, la plupart du tenips,
font croire à une cystite infectieuse ou soi-disant ner-
veuse, qu'aucune intervention médicale ou chirurgicale
n'améliore et que le changement de régime alimentaire,
joint à une hygiène mieux comprise, suffit à guérir.
Une autre voie éliminatrice : le filtré cutané, souffre du
passage des poisons arthritiques. La sueur, chargée d'acides
gras et d'urates, à tel point que souvent ils cristallisent sur
les poils.axillairês, produit une vive irritation .dermique
engendrant de très nombreuses lésions cutanées, sur les-
quelles s'exerce en vain pendant des mois et des années,
l'action des pâtes, poudres et pommades, et que seules font
disparaître les restrictions alimentaires capables de faire
cesser l'intoxication causale. Sont du nombre les sébor-
rhées, dêrmites médlo-thoraciqués, les eczémas chroniques,
les intertrigos et érythèmes polymorphes récidivants, les
divers acnés, les syçosis, la dyshydrose, etc. Elles sont
entretenues par les sudations excessives qu'éprouvent les
arthritiques au moindre effort physique ou après chaque
repas, et c'est d'ailleurs partout où s'établit le maximum
de sécrétion sudorâle, que se localisent les lésions : front,
nez, cou, aisselles, régions médianes thoraciques antérieures
et postérieures, aines, doigts, face interne de la plante des
pieds.
La pléthore et l'action convulsivante des dérivés xân~
thiquês retentit fortement sur l'appareil cardio-vaseulaife.
L'éréthisme cardiaque est de constatation habituelle ;
presque tous les arthritiques se plaignent de palpitations,
de points cardiaques douloureux et angoissants, qui peu-
vent en imposer et faire croire à de véritables cardiopa-
thies. Qu'est-ce, en réalité, que tous ces coeurs « ner-
52 ÉTUDE ÉTI0L0GIQUE ET PATHOGENIQUE

veux ? Ce sont des coeurs surmenés par la pléthore


»
sanguine, la masse circulante accrue, et la toxicité irritante
du sérum sanguin ; ce sont des coeurs comprimés par la
oTOsse tubérosité gastrique qui refoule, par l'intermédiaire
du diaphragme, les viscères thoraciques vers le sommet
de la poitrine.
La meilleure preuve c'est que chez ces « pseudo-car-
diaques », ces « pseudo-angineux », chez ces malades en
possession d'une hypertrophie dite « de croissance », les
symptômes fonctionnels apparaissent au début de la diges-
tion, augmentant avec elle et éclatant quatre ou cinq heures
après les repas, à la fin de la période digestive gastrique,
c'est-à-dire vers le milieu de l'après-midi ou de la nuit. A la
longue, ce surmenage peut entraîner l'hyposystolie, avec
un syndrome consécutif que je décrirai plus loin.
Du côté du système circulatoire périphérique, on note le
plus souvent et fort longtemps, ainsi que l'a déjà remarqué
deGrandmaison(l),de l'hypotension artérielle ; de plus, on
observe les ruptures vasculaires faciles (épistaxis en série),
les dilatations vasculaires (varicosités des joues, du nez,
varices des membres inférieurs), les cyanoses, marbrures,
refroidissements des extrémités, et enfin de l'hypertension,
seulement quand la pléthore devient extrême ou quand
l'artério-sclérose est apparue.
Il n'est pas jusqu'au muqueuses respiratoires qui ne soient
touchées par l'élimination toxique. J'ai déjà dit la fréquence
des coryzasàrechutes,l'un chassant l'autre, qui sont d'ordre
toxi-congestifs, qui disparaissent comme l'on sait, sur les-
quels échouent, plus que jamais, les poudres et les pomma-
des mentholées. Les laryngites répétées, les bronchites réci-
divantes, les accès dyspnéiques sine materia, les poussées
congestives pulmonaires, n'ont pas d'autre raison non plus ;
par leur répétition, elles mettent l'organe en moindre résis-
(1) De Grandmaison. Traité de l'arthritisme, p. 239.
PETITS SIGNES DE L'ARTHRITISME 53

tance et font point d'appel à la localisation du bacille de


Koch, bien plus souvent qu'on le croit généralement. C'est
par un mécanisme analogue, que sont engendrées les con-
gestions des voies respiratoires supérieures décrites par
Fernet (1), les poussées fluxionnairês éminemment tran-
sitoires, signalées par de Grandmaison (2), qui se font du côté
du pharynx et des amygdales, s'accompagnent de symp-
tômes à grand fracas et disparaissent aussi vite qu'elles sont
venues. L'existence et le rôle pathogénique de cette élimi-
nation toxique respiratoire sont également invoqués par
Bezançonetde Jong (3) qui, de leurs recherches sur l'éosino-
philie du crachat des asthmatiques, déduisent qu' « on est
en droit de supposer que l'asthmatique élimine des sub-
stances toxiques au niveau de ses bronchioles et que la
muqueuse bronchique réagit à cette élimination toxique,
par la formation d'éOsinophiles, comme la peau sur laquelle
on applique un vésicatoirê ».
D oivent leur cause à la pléthore portale et générale, nombre
de poussées cohgestives des. organes abdominaux. Sont
d'ordre arthritique, les points de côté viscéraux provoqués
par l'effort pl^sique un peu ardent, et qui traduisent l'en-
gorgement subit et passager du foie ou de la rate ; sont des
arthritiques, les hémorroïdaires, les sujets en proie à l'éré-
thisme génital excessif d'origine congestive et à certains
varicocèles avec paroxysmes douloureux intenses, coïnci-
dant avec une injection extraordinaire des veines sperma-
tiques, que toutes les interventions chirurgicales laissent
non améliorées ; et certains autres, que la congestion géni-
tale anormalement répétée font verser dans la « pseudû-

(1) Fernet. Le surmenage gastro-intestinal. Revue des Maladies de


la Nutrition, 1910, p. 346.
(2) De Grandmaison. Les petits signes de l'uricémie. Revue des
Maladies de la Nutrition, 1910, p. 346.
,

(3) F. Besançon et I. de Jong. L'Eosinùphilie du crachat des asth-


matiques. Presse Médicale, n° 85, 1910.
54 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

neurasthénie génitale » et l'impuissance. Sont des arthri-


tiques, les femmes à l'intestin spasmodique, douloureux,
aux troubles métritiques inexplicables, aux poussées con-
gestives du petit bassin avec retentissement douloureux
sur les ovaires, l'utérus et la vessie, et qui constituent cette
grande classe de malades décrite par Monteuuis (1) sous
le nom d' « abdominales méconnues ».
L'atteinte de l'état général, à la suite de l'intoxication
hyperacide et des troubles organiques qu'elle engendre, n'a
rien de surprenant. Si, au début, l'arthritique jouit d'une
mine plus que florissante, d'une apparence de santé qu'on
envie volontiers, d'une figure pleine et colorée si rassurante
d'aspect, il n'en est plus de même dès que la phase de com-
pensation touche à sa fin. Ce sont d'abord des inégalités de
ruine, coïncidant avec des sautes brusques d'humeur : leur
association décèle toujours une période d'hypofonction-
nement et d'intoxication passagère. Plus tard, c'est à l'état
habituel, que le faciès sera tiré et j aunâtre, les yeux ternes
et les paupières oedématiées. Pendant les périodes diges-
tives, comme toujours, ces signes s'accentueront, s'accom-
pagneront d'élévation du pouls et de la température ; au
moment des crises d'élimination toxique, on verra. au
contraire, le pouls se ralentir, tomber parfois au-dessous de
50 pulsations à la minute et la température descendre aux
environs de 36°, fait déjà signalé par Mantoux (2).
Enfin, l'état trophique général est, le plus souvent, très
défavorablement impressionné par l'empoisonnement. Tous
les tissus organiques souffrent de cet état hyperacide. La
peau et ses organes annexes voient leur nutrition subir d'im-
portantes modifications. L'expansion vitale primordiale et
bien compensée se traduit du côté de la peau par de l'hy-

(1) Monteuuis. Les abdominales méconnues. Baillière, 1903.


(2) Mantoux. L'hypotliermie migraineuse. Semaine médicale,
15 août 1906.
PETITS SIGNES DE L.'ARTHRITISME 55
pertrichose. Les arthritiques sont toujours, à l'origine, des
sujets au Système pileux surabondant, à la chevelure.luxu-
riante et persistante. A la génération suivante, seulement,
la calvitie s'amorce sur le tard, et s'épanouit dès l'adoles-
cence, à la troisième descendance. C'est sur cette dernière
que les troubles trophiques cutanés sont les plus évidents :
l'atrophie, la kératose pilaire, l'ichtyose, les canne-
lures et fragilités unguéales s'y rencontrent habituelle-
ment.
Le système ostèo-musculaire se ressent fortement lui aussi
de la déviation nutritive et de l'acidité humorale. C'est
cette acidité humorale qui engendre, dès le jeune âge, ces
troubles si graves dont l'ensemble constitue le rachitisme.
Elle affaiblit la tonicité musculaire, décalcifie le tissu osseux
dont la charpente ainsi affaiblie et rendue malléable se
prête à tous les tassements, à toutes les coudures. Tous les
classiques, d'ailleurs, frappés de l'association constante des
lésions et symptômes gastriques chez le jeune enfant rachi-
tique, ont reconnu dans les erreurs et excès alimentaires
la cause de ces lésions. C'est donc bien à l'intoxication acide
arthritique que sont dues les nouures, la scoliose, le genu
valgum, etc.
Mais, pour toutes ces manifestations rachitiques, comme
pour tous les autres signes du petit arthritisme, il est bon de
noter une fois encore, que leur apparition n'est pas sous
l'unique dépendance des fautes commises par le sujet por-
teur de ces lésions : tous les enfants mal alimentés ne de-
viennent pas rachitiques. Il faut que leurs parents aient
d'abord travaillé pour eux, qu'ils se soient intoxiqués eux-
mêmes et leur aient transmis une vitalité cellulaire déjà
amoindrie.
S'ils échappent.au rachitisme, cet arthritisme du jeune
âge,la possibilité de troubles ostéo-musculaires n'est pas
définitivement écartée. On peut encore constater, pendant
56 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGENIQUE

l'adolescence, des déformations dont la pathogénie, sans


doute, est analogue, et parmi lesquelles nous cite-
aucun
les scolioses tardives et les tarsalgies avec pied plat
rons,
valgus douloureux.
A l'âge adulte, enfin, sont encore fréquentes, d'autres
manifestations musculaires: des myalgies, tours de reins,
torticolis, crampes, atrophies et relâchements musculaires,
sources de prolapsus et de ptôses ; des arthralgies vagues
et déformations osseuses : camptodactylie (congénitale le
plus souvent), nodosités de Bouchard, en un mot toutes ces
petites manifestations du rhumatisme chronique dont la
cause « peu connue », disent les classiques, a certainement,
pour unique origine, les fautes et excès alimentaires accu-
mulés par l'hérédité et répétés par les malades qui en souf-
frent.
A la suite de cette étude, deux conclusions s'imposent
et doivent retenir l'attention. La première, c'est que
bon nombre de maladies, décrites par certains auteurs
comme des entités morbides, dues à des causes aussi
multiples qu'imparfaitement établies, et expliquées par
une pathogénie le plus souvent hypothétique, ne sont que
des manifestations variées de l'intoxication arthritique.
Et c'est à l'empoisonnement hyperacide par déchéance
gastro-hépatique, suite de surmenage et d'erreurs ali-
mentaires qu'on doit entre autres, attribuer et rattacher,.
la neurasthénie si justement nommée par Huchard, une
névropathie arthritique; la plupart des fausses angines de
poitrine, presque toutes les dilatations d'estomac de Bou-
chard, la plupart enfin des ptosiques de Glénard, des désé-
quilibrés du ventre de Trastour et Monteuuis, et les décal-
cifiés de Ferrier.
Le second point sur lequel je veux insister, c'est que tous ces
signes du petit arthritisme sont de constatation précoce, qu'on
en retrouve facilement la genèse, dans le passé héréditaire
PETITS SIGNES DE L'ARTHRITISME 57
minutieusement fouillé et dans les écarts alimentaires
patiemment recherchés, qu'ils demandent à, être mieux con-
nus et mis par conséquent à la place nosologique qu'Us ocçw
pent réellement. On verra alors qu'ils sont toujours prémo-
nitoires, quand ils s'associent à une autre manifestation mor-
bide, telle que la tuberculose et on ne sera plus tenté de les con-
sidérer comme déterminés par cette association, tandis que
c'est la filiation contraire qui est la vraie.
Enfin> il importe en terminant, d'extraire de cette
énumératiôn et de mettre en vedette, les signes cardinaux
du petit arthritisme.
Le petit arthritisme se reconnaît à certains signes phy-
siques, pathognomoniques, qui sont :
La sensibilité épigastrique par hépatite gauche.
Le clapotage d'estomac.
La sensibilité de la région coecale.
L'hypotension artérielle.
Et l'intoxication générale se traduit par les troubles
fonctionnels suivants :
Les malaises digestifs directs et réflexes.
Les tendances côngestives locales et générales.
Les troubles nerveux : émotivité, asthénie, céphalée.
La dyspnée d'effort.
CHAPITRE IV

ARTHRITISME ET TUBERCULOSE

«Si la tuberculose n'est pas comme la


goutte ou le diabète la conséquence di-
recte des erreurs alimentaires, elle en est
cependant le résultat éloigné ; l'alimen-
tation vicieuse prépare l'état de déché-
ance sur lequel se greffe et évolue la
tuberculose. »
M. LABBÉ(I).

L'association de la tuberculose avec les diverses manifes-


tations de l'arthritisme a, depuis longtemps, retenu l'atten-
tion des cliniciens. Signalée entre autres par Trousseau et
Fûller, par Gubler, Pollock, Powell, par Charcot et Cor-
nil(2) au cours du rhumatisme articulaire chronique, par
Besnier au cours du rhumatisme aigu, par tous les auteurs
pour le diabète, l'asthme, l'albuminurie, cette concomitance
fut diversement interprétée. Les uns n'y virent qu'une asso-
ciation fortuite, d'autres cherchèrent à rendre une lésion
responsable de l'apparition de sa voisine, assignant le rôle
efficient, tantôt à l'une, tantôt à l'autre.
C'est surtout le professeur Poncet, qui se fit l'infatigable
champion de la tuberculose arthritigène ; avec Leriche et
ses autres élèves, il construisit l'édifice delà tuberculose in-
flammatoire. S'attaquant d'abord aux manifestations rhu-
(1) M. Labbé. Les régimes alimentaires, p. 458.
(2) Gornil. Coïncidences pathologiques du rhumatisme articulaire
chronique. Société de Biologie, 1864.
ARTHRITISME ET TUBERCULOSE 59
matismales articulaires des tuberculeux, il s'efforça de les
rattacher à l'intoxication produite par le bacille de Koch,
puis, il étendit sa conception aux localisations abarticulaires
du rhumatisme, à tous les cas où le mal « ne reste pas limité
aux jointures, mais où il atteint les viscères, où il porte
son action offensante sur les organes, sur les muscles, sur
les nerfs, etc. ». Les névralgies, les troubles cardio-vascu-
laires, hépatiques, toutes les congestions viscérales, ne relè-
vent que du poison tuberculeux. Son action dystrophique
peut même, à son avis, être assez forte pour engendrer des
lésions ostéo-articulaires profondes, et c'est par elle, qu'il
explique la pathogénie de toutes les lésions du rachitisme
de l'adolescence : genu valgum, coxa vara, scoliose, tar-
salgie, radius eurvus, etc.
A cette interprétation, se rattache celle que Léon Bernard
exposa au Congrès de la tuberculose de 1905. Pour lui, les
manifestations imputées à l'arthritisme sont consécutives
à l'infection tuberculeuse ; il cite des observations de mala-
des n'ayant pas d'antécédents arthritiques évidents, héré-
ditaires ou personnels, qui, devenus tuberculeux, firent une
cure sanatoriale et à la suite, devinrent obèses, asthma-
tiques, congestionnés, avec des réactions nerveuses et con-
gestives intenses (épistaxis, hémoptysies répétées). Il en
conclut que l'asthme, l'emphysème, l'obésité, et tous ces
accidents, furent engendrés par les poisons bacillaires.
D'autres auteurs se sont engagés dans la même voie.
Géraudel (1) entre autres, constatant la cirrhose de Laënnec
ou la cirrhose de Hanot d'une part, et en même temps « des
lésions de tuberculose discrète qu'il faut rechercher avec
insistance » et qui ont une allure toujours torpide et silen-
cieuse, n'hésite pas à suivre Poncet, et à faire de ces cirrhoses,
des cirrhoses tuberculeuses « rentrant dans le cadre des
(1) Géraudel. Article dans la Tuberculose médico-chirurgicale,
n° 1, 1910.
60 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGÉNIQUE

affections tuberculeuses inflammatoires». Comment agirait


le poison tuberculeux pour produire ces lésions ? Il assure
l'ignorer totalement, et fait argument de l'ignorance égale
qui entoure le déterminisme des lésions tertiaires de la
syphilis.
Se basant sur les mêmes constatations de coïncidence,
d'autres cliniciens en tirèrent une conclusion inverse.
Coyrard, notant la tuberculose dans le tiers de ses familles
de rhumatisants chroniques, n'en déduit aucune relation
de cause à effet, mais émet l'opinion, qu'il s'agit simple-
ment d'association morbide, causée par un état constitu-
tionnel de dégénérescence. C'est également l'avis de Aus-
cher : « quant aux rapports de la scrofule avec le rhuma-
tisme chronique, dit-il, il n'y faut voir qu'une association
morbide ». Lafîont (1), s'appuyant sur son observation per-
sonnelle et diverses statistiques, assigne nettement à l'ar-
thritisme une action tuberculigène. Il considère « comme
•prédisposant à la tuberculose, l'arthritisme avec toutes
ses manifestations variées du côté de la peau, des séreuses,
de l'appareil locomoteur, de l'appareil circulatoire, des
viscères, toutes les fois que ces manifestations auront amené
de la déchéance vitale. » Trébeneau a trouvé 34 arthritiques
sur 100 tuberculeux, Merson à Leysin 1 rhumatisant sur
5 tuberculeux et Bouveyron 12 sur 30.
Parlant de la facilité avec laquelle l'organisme débilité
de l'arthritique donne prise aux infections aiguës : rhu-
matisme aigu, fièvre typhoïde, etc., Pascault (2) ajoute :
« mais, si réel qu'il soit, là n'est pas le plus grand danger :
il est dans l'éclosion d'une tuberculose, échéance finale de
l'arthritisme ». Enfin M. Labbé, comme le montre la cita-
tion placée en tête de ce chapitre, reconnaît également à
l'arthritisme par suralimentation, une action étiologique
(1) Lafîont. Sur la prétuberculose. Congrès 1905.
(2) Pascault. L'arthritisme par suralimentation,
p. 128.
ARTHRITISME ET TUBERCULOSE 61

nette dans l'éclosion des localisations tuberculeuses.


Tous jusqu'ici, nous le voyons, malgré leurs divergences
d'interprétation pathogénique, sont d'accord sur un seul
point : la fréquence de la coïncidence des accidents arthri-
tiques et tuberculeux. Ce fait mérite, dès maintenant, d'être
souligné et opposé à la doctrine classique, régnante jusqu'ici,
de l'antagonisme de la tuberculose et du terrain arthritique,
de l'immunité des arthritiques vis-à-vis du bacille de Koch,
de la guérison facilitée par la réaction naturelle de ce ter-
rain vis-à-vis du bacille.
Pour ma part, je ne Crains pas d'affirmer, à l'encontre de
l'opinion classique, que l'arthritisme est un terrain tout
préparé pour la germination du bacille de Koch, qu'en fait,
la tuberculose par arthritisme est extrêmement fréquente,
que les manifestations arthritiques sont toujours à l'origine
des faits, et que la filiation : tub erculose = arthritisme est une
erreur d'interprétation. Ce qui reste vrai dans l'énoncé clas-
sique, et c'est justement çé qui a pu faire croire à là rareté"
de l'association vu la torpeur des lésions, c'est l'évolution
lente, très longtemps silencieuse, que suit assez souvent
la phtisie, greffée sur terrain arthritique. Les raisons de
cette atténuation nous seront d'ailleurs fournies au cours de
l'exposé pathogénique qui étayera cette opinion.
Aussi, suis-je obligé de m'élever contre la théorie de
Poncet, qui repose sur la seule constatation de coïncidences
et que ne vient appuyer aucune donnée pathogénique, ana-
tomo-pathologique ou thérapeutique, bien convaincante.
Les très nombreuses observations qu'il publie avec ses
élèves, où sont notés, en même temps que l'éclosion d'une
localisation tuberculeuse minime Ou même avant son appa-
rition clinique, des signes inflammatoires d'ârthritisme :
érythème noueux, fluxions articulaires, congestions hépa-
tiques, hypertrophie et éréthisme cardiaque, toutes mani-
festations mobiles, fugaces, avec retour à l'intégrité fqnç-
62 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGENIQUE

tionnelle, caractéristique, d'après cette école, du rhuma-


tisme tuberculeux ab articulaire, ne sont en réalité que des
faits d'ârthritisme en plein épanouissement toxique, avec
complication tuberculeuse légère surajoutée. En renversant
l'ordre étiologique, on sera d'accord avec la réalité des faits.
Je m'efforcerai de le prouver, en basant mon argumentation
sur les données étiologiques, pathogéniques, cliniques et
thérapeutiques, que fournit l'étude de l'association morbide
suivie pas à pas.
D'abord, la tuberculose latente ou minime, même agis-
sant très longtemps, est incapable de créer une intoxication
aussi sérieuse, aussi étendue à tout l'organisme, aussi pré-
dominante au niveau de l'appareil gastro-hépatique, aussi
retentissante héréditairement, que celle constatée au cours
de l'arthritisme. Il est invraisemblable de faire jouer un rôle
aussi colossal à une demi-douzaine de granulations silen-
cieuses. Et comme le disait fort justement Barth (1), « en
matière d'étiologie et de pathogénie, une coïncidence n'est
pas une preuve, surtout quand il s'agit d'une maladie
comme la tuberculose, dont presque personne n'est anato-
miquement exempt... et quand nous voyons M. Poncet,
réunir sous le nom de tuberculose inflammatoire une foule
d'affections.disparates qui n'ont rien de la tuberculose, ni
le tubercule, ni le bacille, ni la virulence, nous ne pouvons
le suivre sur ce terrain ».
Sont, au contraire, capables de produire ces lésions in-
flammatoires, avec leur intensité et leur action élective sur
certains organes qui sont justement atteints parce que plus
surmenés, les excès et les erreurs alimentaires, causes main-
tenant bien établies de l'arthritisme, qui agissent avec la
fréquence, l'intensité et la pérennité que l'on sait. L'obser-
vation minutieuse des faits cliniques est là, d'ailleurs, pour
démontrer que toujours, une période de petit arthritisme
-XI) Barth. Société médicale des Hôpitaux, 29 juillet 1910.
ARTHRITISME ET TUBERCULOSE 63

précède l'éclosion de la tuberculose. Les recherches faites chez


les ascendants, permettent de découvrir et de suivre les
premières phases d'hyperfonctionnement et les abus qui
l'ont engendré ; on retrouvera en même temps, tous les
petits signes que je viens de décrire, et c'est seulement
quand la fatigue a fait son oeuvre, quand la déchéance
organique commence, c'est-à-dire dans les périodes d'hypo-
fonctionnement, que la greffe tuberculeuse se montre. L'ap-
parition qu'elle fait alors est, d'ailleurs, presque la règle : il
est exceptionnel d'établir la généalogie d'une famille ar-
thritique, sans rencontrer au cours du second ou du troi- •

sième stade la complication tuberculeuse.


L'arthritisme est en effet un terrain tout préparé pour
l'invasion du bacille de Koch, pour deux raisons qui sont :
l'usure hépatique, avec tous les troubles toxiques et réflexes
qu'elle entraîne et l'hyperacidité humorale. Le foie arthri-
tique absolument comparable, nous l'avons vu, à un foie
sénile, non seulement n'est plus à la hauteur de son rôle
digestif, de ses fonctions chimiques, mais cesse d'être l'or-
gane antitoxique principal. Devenu lui-même, un centre de
fabrication de poisons, il ne peut songer à neutraliser les
toxines exogènes, à enrayer les infections toujours à l'affût.
Si l'état d'hypofonction hépatique permet l'infection, l'acidité
humorale la favorise encore bien davantage; c'est ici, qu'ap-
paraît le rôle primordial dévolu aux acides dans l'affaiblis-
sement du terrain arthritique, et dans l'apparition de la
complication tuberculeuse.
Lab aisse de l'alcalinité du s ér um sanguin, l'acidité de toutes
les sécrétionsglandulaires, paralyseles mouvementsphagocy-
taires, diminue la vitalité des cellules nobles et en fait au-
tant de proies faciles pour l'infection. « Le sang, la plupart
de nos humeurs, écrit Charrin (1), normalement présentent

;.'-.'..'
(1) Charrin. Lés défenses naturelles de l'organisme, p. 24 et sui-
vantes.
64 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGENIQUE

réaction alcaline cette alcalinité constitue pour l'é-


une ;
conomie une véritable défense elle est nécessaire pour la
protéger contre les désordres nerveux comme elle est néces-
saire pour la défendre contre les troubles de nutrition,
contre les diathèses, les dyscrasies, dont le fond même con-
siste dans riryperacidité plasmatique..., de plus en plus,
l'énergie fonctionnelle, la résistance viscérale paraissent
dépendre de l'alcalinité humorale qui devient synonyme de
protection organique..., ainsi, qu'on examine le domaine
des troubles de la nutrition, la catégorie des processus toxi-
ques, le territoire de l'infection, partout on constate que
les composés alcalins contribuent à assurer la résistance
vitale dans la plupart des processus diathésiques, l'usage
des alcalins, à titre de procédé capable d'aider au rétablis-
sement de l'état normal, fait partie depuis longtemps du
domaine des notions vulgaires. »
Alors, va-t-on dire, sur un terrain si merveilleusement
prêt à recevoir l'infection, celle-ci doit évoluer avec une
rapidité excessive et brûler les étapes. Mais c'est justement
le contraire qui se produit : la caractéristique de la tuber-
culose par arthritisme, n'est-elle pas d'être lente, torpide,
au point d'avoir pu faire croire à un état réfractaire ?
Cette lenteur d'évolution, si réelle, tient à deux causes : à
l'hyperacidité elle-même d'une part, et aux processus ana-
tomo-pathologiques spécifiques de l'arthritisme, d'autre'
part.
L'hyperacidité plasmatique, en effet, est une arme à
double tranchant, brisant les réactions organiques d'un
côté, et atténuant en même temps la virulence microbienne.
N'est-il pas de notion courante, que les milieux de culture
doivent toujours être faiblement alcalins et
que le dévelop-
pement des colonies s'arrête dans les milieux acidifiés ?
C'est d'ailleurs cette constatation, renouvelée
au cours
d'expériences sur la putréfaction des viandes, qui permis
a
ARTHRITISME ET TUBERCULOSE 65
à Tissier (1) d'échâfauder sur une base scientifique labacté-
riothérapie lactique ; il montra qu'en mettant à côté de mi-
crobes de putréfaction, d'autres germes à réactions acides,
on empêchait la pullulâtion des premiers, du fait seul de
l'acidité développée par. les seconds. Charrin (2) donne
encore l'appui de sa haute autorité à ce rôle empêchant sur
le développement du bacille de Koch,par l'acidité humo-
rale arthritique, tel que je l'expose, quand il écrit : « Ainsi
ces dyScrasies doivent abaisser la résistance de l'éco-
nomie, mais cette influence se trouve compensée dans plus
d'un cas par l'atténuation du microbe ; l'affaiblissement
des deux cellules, des deux adversaires en présence, égalise
les chances : c'est ce qui se passe au niveau des couches
cutanées de l'obèse ; d'une part, cette peau mal nourrie
se prête, comme dans le cas d'oedème, à la pullulâtion bac-
térienne, d'autre part elle est protégée par l'abondance des
acides. »
Il ne faudrait pas croire, malgré tout, que le double rôle
de l'acidité dans l'affaiblissement du terrain et l'atténua-
tion microbienne, est égal et exactement compensé, sans
quoi l'arthritisme serait une lésion éminemment respec-
table, dont on devrait même entretenir la persistance ou
favoriser l'éclosion.
Il est loin d'en être ainsi ; une grosse inégalité d'action
existe, et elle est en faveur de l'affaiblissement organique.
D'ailleurs, si les choses ne se passaient pas de cette façon,
jamais l'infection tuberculeuse n'aurait pu se faire jour,
toujours elle disparaîtrait rapidement, tandis qu'en-réa-
lité,, elle suit exactement une progression proportionnée à
la diminution de résistance. L'hyperacidité croissante, ag-
grave la prédisposition infectieuse, plus qu'elle n'atténue la
virulence, car plus l'arthritisme s'aggrave, plus la tuberculose
(1) Tissier. Annales de l'Institut Pasteur, décembre 1902.
(2) Charrin. Les défenses naturelles de l'organisme, 2e leçon.
66 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGENIQUE

est maintenue respect au début, plus


progresse. Si elle en
tard, dès que l'intoxication s'accompagne de déchéance
hépatique, sérieuse, de malaises gastro-intestinaux, inquié-
de diabète, de troubles rénaux graves, etc., elle prend
tants,
marche de plus en plus rapide et finalement, passe au
une
premier plan. « Même en admettant que les acides atté-
nuent les germes, des causes si variées de déchéance se trou-
vent accumulées soit du fait de la dépression nerveuse, soit
en raison des obstacles apportés aux échanges ou des effets
de l'auto-intoxicationque l'infection triomphe facilement. »
(Charrin.)
Il y a, nous l'avons déjà signalée, une autre cause de len-
teur dans le processus tuberculeux,c'est la lésion anatomo-
pathologique arthritique elle-même. L'envahissement sclé-
ro-congestif par irritation toxique du tissu conjonctif, s'il est
surtout dangereux pour les cellules nobles de tous les or-
ganes dont il prend la place, après qu'elles ont subi l'usure
et l'atrophie du surmenage, n'est pas, d'autre part, favo-
rable à l'extension des lésions bacillaires ; il retarde leur
marche et s'y oppose, à la façon d'un barrage fibreux,
formant en profondeur autour des foyers infectieux, des
amas cicatriciels absolument comparables aux hypertro-
phies de réparation cutanée, aux chéloïdes, si fréquentes
chez les arthritiques. Il est de toute importance, pour
l'appréciation pathogénique et par suite thérapeutique,
de ne pas méconnaître la part énorme que prend
cette réaction spécifique arthritique, dans la constitu-
tion anatomique des foyers bacillaires et dans l'aspect
clinique, d'une intensité souvent disproportionnée à
la gravité réelle du foyer tuberculeux, pris isolément.
Ces réactions inflammatoires, à la fois oedémateuses,
hémorragiques, scléreuses, sur la pathogénie desquelles j'ai
déjà insisté, sont les caractéristiques de la réaction arthritique
seule, je ne crains pas de le répéter elles s'observent isolées
;
ARTHRITISME ET TUBERCULOSE 67

avec leurs caractères de mobilité, de fugacité, de récidive


facile, de disparition avec resiitutio ad integrum, en de-
hors de toute manifestation bacillaire : les congestions pul-
monaires des arthritiques, les fluxions des rhumatisants et
des goutteux n'en sont-ils pas la preuve? Point n'est besoin
d'invoquer un foyer tuberculeux hypothétique, pour les
expliquer.
L'intoxication hyperacide avec ses condensations qui
s'opèrent sur tout point lésé, affaibli ou infecté momenta-
nément, en donne l'explication satisfaisante. Les poussées
subites et les retraits, ne sont que la traduction du flux et
du reflux toxique. Les poussées coïncident toujours avec
des montées hypertoxiques, dont on retrouve la cause dans
un empoisonnement passager exogène ou endogène : tantôt
c'est un repas composé d'aliments toxiques pour la cellule
arthritique, tantôt c'est une résorption de poisons intesti-
naux engendrés par une circulation intestinale insuffi-
sante ; tantôt c'est une désassimilation exagérée de l'orga-
nisme qui libère des produits nocifs.
Dans l'immense majorité de ces cas, le noyau bacillaire
qui fait point d'appel à ces réactions excessives, est très
minime. Quand on a su, par un régime approprié, suspendre
l'intoxication arthritique, on est stupéfait de voir fondre,
s'affaisser des périadénites diffuses, de les voir se réduire à
un noyau très petit, dur et bien limité qui est la lésion tuber-
culeuse seule ; on est surpris de constater que dés bruits de
gargouillement pulmonaire s'évanouissent et font place à
quelques petites crépitations. De cette symptomatologie à
grand fracas, à allures si défavorables, c'est la réaction
arthritique qui est responsable et nullement le petit foyer
bacillaire, réduit au simple rôle de point d'appel.
' La constatation de cet effet thérapeutique est banale pour qui
sait la provoquer ; elle apporte un appui irréfutable à la filia-
tion de la tuberculose par arthritisme, Tous les traitements
68 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGENIQUE

antituberculeux qui entretiendront ou augmenteront (c'est


le cas du traitement classique) l'état diathésique du ma-
lade, ne feront qu'aggraver, à la fois, les réactions arthri-
tiques et l'infection tuberculeuse. Ainsi dirigée, cette théra-
peutique peut faire croire que la tuberculoseest seulerespon.-
sable de tous ces méfaits. Tous les traitements qui, au
contraire, viseront à la désintoxication arthritique, apai-
seront du même coup les réactions aussi violentes qu'im-
puissantes, redonneront une vitalité défensive au terrain et
feront reculer l'envahissement bacillaire ; le malade en
tirera un double bénéfice, étant débarrassé à la fois de ses
bacilles et de son intoxication hyperacide, qui seule avait
permis leur fixation.
Ces vues pathogéniques, appliquées à la thérapeutique,
nous font bien comprendre pourquoi ces lésions pseudo-
rhumâtismales résistent au salicylate, ce médicament
venant surajouter son action toxique à celle du milieu
humoral hyperacide.
Elles nous permettent également d'expliquer pourquoi
ces nombreux malades, cités par Léon Bernard, qu'une
cure sanatoriale aggrava et rendit arthritiques avec mani-
festations morbides inquiétantes (asthme, obésité, hémor-
ragies) ne pouvaient réagir d'autre façon. C'étaient, bien
certainement, des sujets dont l'arthritisme peu intense ne
s'était manifesté que par les petits signes que l'on mé-
connaît souvent, car ils passent facilement inaperçus, si
on ne les recherche pas systématiquement. Les « réactions
nerveuses et congestives intenses », les « épistaxis fré-
quentes » signalées dans les antécédents de ces malades,
« semblent devoir leur faire reconnaître un terrain un peu
spécial » écrit d'ailleurs Léon Bernard, fournissant ainsi,
lui-même, une preuve de ce petit arthritisme préexistant.
Rien d'étonnant alors, à ce que la cure de surintoxi-
cation suralimentaire telle qu'on la pratique actuellement,
ARTHRITISME ET TUBERCULOSE 69

chez tous les tuberculeux quels qu'ils soient, n'ait abouti


à l'éclosion de manifestations arthritiques plus graves et
qu'ici son action se soit montrée particulièrement nocive,
puisqu'elle s'exerçait sur des malades dont les malheurs
étaient déjà uniquement dus à cette même raison sura-
limentaire. Et n'est-il pas évident, que ces aggravations
observées, ne sont nullement consécutives à l'évolution tu-
berculeuse, mais doivent leur apparition à l'exagération
des erreurs alimentaires.
Aussi, je résume cette argumentation en disant : Chaque
fois qu'on soumet lin arthritique à une alimentation sura-
bondante, son arthritisme subit une brusque progression et la
complication tuberculeuse lui emboîte le pas.
Tout ceci démontré bien que la tuberculose intervient
ici comme maladie surajoutée à la faveur de l'état diathé-
sique et qu'elle est bien plus une complication qu'un èxu-
toire (1), une sorte de soupape de sûreté, qui drainerait le
trop plein d'humeurs peccantes, génératrices d'ârthritisme,
La réduire à ce rôle accessoire de dérivatif, en quelque sorte
bienfaisant, ce serait lui assigner une fonction d'émonctoire,
utile, respectable, et lui reconnaître, en quelque sorte, un
droit de pérennité. Ce qu'elle est uniquement, c'est une
complication, qui subit les mêmes vicissitudes que l'into-
xication arthritique, participe aux mêmes poussées, s'at-
ténue avec sa diminution, la suit toujours, ne l'enraye ni
ne la diminue jamais, du fait d'émissions sanguines ou sëro-
purulentes et qui de plus, conserve toujours son rôle nocif
et joint son intoxication à celle de la diathèse.
Cette complication tuberculeuse déterminée et aggravée
par les troubles arthritiques, n'est pas spéciale à l'homme ;
on la retrouve dans l'étude de la pathologie comparée. Cette
même facilité de contamination bacillaire du terrain arthri-
(1) Sabourin. Les exutoires tuberculeux du poumon. Revue de Méde*
cine, mars 1903.
70 ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE ET PATHOGENIQUE

tique est démontrée expérimentalement chez les animaux,


qui, eux aussi, n'échappent pas à la suralimentation, avec
ses conséquences.
L'exemple des bêtes de concours, cité par Pascault (1),
en est une nouvelle preuve. Ces animaux, gavés à l'étable
et engraissés artificiellement, font l'admiration des con-
naisseurs, mais jouissent d'un état de santé précaire. Si on
les garde pour la reproduction « ils tournent prompt à l'obé-
sité de mauvais aloi et souvent deviennent tuberculeux au
moment précis où ils présentent les apparences les plus
luxuriantes en plus, leurs produits naissent toujours
délicats, profitant mal, même avec une alimentation co-
pieuse et tombent facilement malades (tuberculose pré-
coce). »
De tout ceci, on peut donc conclure, que l'arthritisme
est un terrain très favorable à l'infection bacillaire, que la
tuberculose déclarée, l'est du fait de l'arthritismei seul,
qu'elle s'aggrave avec lui, qu'elle lui doit, grâce à son aci-
dité humorale et à ses réactions anatomiques, sa lenteur
d'évolution relative, et- qu'enfin elle guérit, quand elle
n'est pas trop accusée, à la condition de soigner d'abord et
surtout l'état diathésique, unique cause de la complication
bacillaire.
De plus, bien que très insoupçonnée, cette prédisposition
est si flagrante qu'elle permet d'affirmer que l'arthritisme
est la façon la plus habituelle de verser dans la bacillose, et
qu'au fond, c'est cette diathèse, la grande et véritable
pourvoyeuse de tuberculose.
Ce qui ravage le monde entier, ce qui constitue un vrai
péril social, c'est bien moins le bacille de Koch, que le sui-
cide alimentaire de l'espèce humaine.
Aussi, la lutte antituberculeuse restera-t-elle éternelle-
ment inefficace, si on persisteàne vouloir s'attaquer qu'au
(1) Pascault. L'Arthritisme par suralimentation,
p, 243.
ARTHRITISME ET TUBERCULOSE 71

seul bacille, si on continue à se méprendre sur l'origine


exacte de la maladie, sur ses causes véritables : les hérésies
alimentaires, seules responsables de la défaillance orga-
nique et par suite de la greffe bacillaire.
Il importe donc de cesser d'affirmer crue c'est en mal-
menant son foie et son estomac par des erreurs et des abus
alimentaires, qu'on accroît sa résistance à l'infection tuber-
culeuse, et que c'est en commettant ces fautes qui mènent
à l'arthritisme, qu'on arrive à bénéficier, du même coup,
d'une immunité précieuse, quand justement, c'est le con-
traire qui est dans la logique des choses et dans la réalité
des faits.
DEUXIEME PARTIE

ETUDE CLINIQUE
DE LA

TUBERCULOSE PAR ARTHRITISME

CHAPITRE V

SYNDROME D'HYPÔSYSTOLIE

par
PLÉTHORE ARTHRITIQUE ET RÉFLEXE HÉPATIQUE

s Pour être de bons ouvriers en cardio-


pathie, nous ne devons pas nous contenter
de constater un obstacle : il faut aussi en
discerner la nature et surtout le siège. »
MUCHAED (1).

Avant d'aborder l'étude des modalités, si caractéris-


tiques, de la tuberculose par arthritisme, il est indispen-
sable de faire place à la description d'un syndrome d'ordre
arthritique, encore incomplètement étudié, qui, bien que se
rencontrant en clinique, en dehors de l'infection bacillaire,
(1) Huchafd. Les trois hypertensions. Journal des Praticiens, juin
1901.
74 ÉTUDE CLINIQUE

facilite par sa présence la greffe tuberculeuse et permet


d'expliquer l'insistance avec laquelle le bacille de Koch
frappe un des sommets pulmonaires plutôt que l'autre.
Ce syndrome, que l'on trouve à chaque pas dans l'exa-
clinique des tuberculeux, peut s'associer à toutes les
men
formes de la maladie, et bien qu'elles puissent parfaitement
exister en dehors de lui, il n'en est pas moins, très souvent,
un facteur étiologique et en tous cas, quand il est présent,
il constitue un stigmate pathogénique qui éclaire la ge-
nèse et commande le traitement d'une façon absolue:

EXPOSÉ CLINIQUE ET PATHOGÉNIQUE.

En plus de très nombreux petits signes, sur lesquels nous


reviendrons dans un instant, ce syndrome est caractérisé
par une triade de symptômes qui, par son importance et sa
constance, en forme, en quelque sorte, le squelette et sert
de point de ralliement à tous les autres.
Ces trois signes sont : une sensibilité spéciale du creux épi-
gastrique, conséquence de la distension congestive du lobe
gauche du foie ; une teinte carminée foncée des ongles des
mains, due à la toxicité arthritique et qui tranche sur la
pâleur des téguments voisins : enfin, une opacité pulmo-
naire droite, causée par une gêne circulatoire localisée à ce
poumon, et qui sert de point d'appel à la greffe bacillaire.
Ces symptômes sont reliés entre eux par un lien patho-
génique qui, pour l'instant, peut sembler bien mystérieux ;
mais, l'étude détaillée, à la fois étiologique et clinique de
chacun des trois signes, va nous permettre d'établir le rap-
port causal qui les enchaîne et les fait se succéder, malgré
tout ce qu'ils offrent de disparate à première vue.
Bien que sur le même plan clinique, le premier de ces
symptômes, la congestion hépatique, apparaît par un méca-
nisme que nous allons expliquer, comme à l'origine des deux
SYNDROME D'HYPOSYSTOLIE 75

autres, engendrant des phénomènes de pléthore et d'hypo-


systolie réflexe, dont la caractéristique, non principale,
mais visible, est cette teinte carminée des ongles et dont
la conséquence est la gêne circulatoire du réseau veineux
pulmonaire droit, par. suite d'une compression cardio-vas-
culaire. Cette filiation pathogénique, édifiée sur des données
physiologiques et anatomiques, demande à être suivie pas
à pas, au cours de l'exposé clinique.
La sensibilité du creux êpigastrique, signe pathognomo-
nique de la congestion hépatique, principalement du lobe
gauche, sera recherchée de la façon suivante. Le malade
étant étendu presque à plat, eh état de relâchement muscu-
laire, on pratique, avec deux doigts, juste au-dessous de
l'appendice xiphoïde, une ou plusieurs succussions légères.
Faits avec modération, ces chocs ne s'accompagnent, chez
les individus sains, d'aucune sensation spéciale, d'aucune
contraction musculaire défensive, d'aucune réaction désa-
gréable visible sur la physionomie.
La dépression de la paroi, rapide mais peu accusée, que
provoque cette recherche, est juste suffisante pour interroger
la sensibilité du lobe gauche hypertrophié sous-jacent, mais
elle est incapable de provoquer les réflexes douloureux et
syncopaux d'un choc violent qui, lui, agit sur les plexus
sympathiques très profonds.
Quand la congestion est très marquée et que le malade
est très pléthorique, il ne peut retenir une exclamation douT
loureuse même à l'exploration la plus douce : la pression la
plus légère, parfois même le simple contact du doigt sur
ce point précis, lui cause une souffrance aiguë. Dans, les
cas moyens, la douleur est modérée. A ce propos, il faut
s'entendre sur la signification du mot douleur. Pour la plu-
part des malades ce mot représente une sensation aiguë
qu'ils n'éprouvent, dans le cas présent, que si la distension
hépatique est extrême. D'ordinaire, la sensation perçue
76 ÉTUDE CLINIQUE

n'est pas une véritable douleur mais une impression de


choc sous-pariétal, angoissant et nauséeux qui « coupe la
respiration » et se manifeste, toujours disproportionné, au
léger tâtonnement qui le provoque. Il s'agit donc d'une
sensibilité profonde et désagréable, bien plus que d'une dou-
leur véritable ; aussi, doit-on de préférence, au cours de
l'interrogation, employer ces derniers termes qui sont
mieux compris des patients.
Formant un contraste vraiment démonstratif avec
l'impression de choc angoissant accompagné de contraction
musculaire réflexe des muscles de l'abdomen et de la face,
l'exploration même énergique, continuée au niveau du re-
bord des fausses côtes droites et gauches, n'est suivie
d'aucune impression déplaisante et d'aucune réaction dé-
fensive. En règle générale, les malades souffrent vivement
et grimacent à l'exploration du creux épigastrique, se
plaignent très peu quand on pratique des succussions même
fortes, sous les fausses côtes droites et n'accusent aucune
sensation sous les fausses côtes gauches.
Cette triple exploration, qui donne des résultats compa-
ratifs si nettement différents, permet d'affirmer qu'à gau-
che, dans la plupart des cas, l'estomac et la rate sont in-
sensibles et qu'à droite, le foie est hypertrophié, doulou^
reux (la percussion, la phonendoscopie, la palpation en
donnent confirmation), mais très inégalement ; le lobe
droit jouissant d'une longue immunité, s'engorgeant tardi-
vement, tandis que le gauche est toujours pris le premier et
le plus violemment.
Cette sensibilité toujours plus prononcée du lobe gauche,
tient à ce que les veines de l'estomac et la veine splénique
se rendent surtout dans le lobe gauche, du fait que. dans
la veine porte, le sang de ces affluents passe
sans trop se
mélanger au courant de la grande mésentérique qui, lui;
s'écoule vers le lobe droit. Cette opinion étayée de
nom-
SYNDROME D HYPOSYSTOLIE 77
breux faits expérimentaux et cliniques fut soutenue par
Glénard et Siraud (1), Séréjé (2), Silvestri, de Modène, Pin-
cherle, de Bologne, et également admise par H. Rendu (3)
et Pascault (4), qui montrent que chaque fois que l'es-
tomac est très touché, c'est le lobe gauche hépatique qui
en souffre le plus.
De Grandmaison (5) proclame également l'indépendance
de cet accouplement gastro-spléno-hépâtique gauche, vis-
à-vis de l'entero-hépatique droit et la localisation prépon-
dérante sur le lobe gauche, des lésions hépatiques d'ori-
gine gastrique.
Cette lésion hépatique, engendrée par les apports toxi-
ques Venus de l'estomac, causée par les fautes alimentaires,
va avoir sur l'économie un double et profond retentissement :
un chimique, la pléthore, et un nerveux, l'hyposystolie réflexe.
Surchargés de matériaux nutritifs toxiques ou trop con-
centrés ou trop abondants, les cellules hépatiques, inca-
pables de métaboliser, de neutraliser un tel afflux, vont
déverser dans la circulation quantités de produits acides ou
toxiques, résultats de la transformation incomplète des
aliments.
L'effort d'adaptation hyperfonctionnelle que le foie réa-
lise ici, s'étend également à toutes ses fonctions, à Fhémato-
poièse entre autres. De tout ceci, résultera une surcharge
sanguine eh globules et en plasmas, accourus pour diluer
les poisons mis en circulation. La pléthore est constituée,
qui va distendre le système cardio-vasculaire, hyperhémier

(1) Glénard et Siraud. Etude expérimentale sur les modifications de


l'aspect physique et les rapports du foie cadavérique par les injections
aqueuses d'eau dans les veines de cet organe.
(2) Séréjé. Fonction biologique distincte des accouplements hépa-
tiques avec le tube gastro-intestinal, Paris, 1906.
(3) H. Rendu. Les lésions hépatiques d'origine appendiculaire et leur
retentissement gastrique. Thèse, 1908, p. 36.
(4). Pascault. UArthritisme par suralimentation, p. 85.
(5) De Grandmaison. Traité de VArthritisme, p. 33.
78 ÉTUDE CLINIQUE

les glandes vasculaires sanguines, congestionnerles viscères,


augmenter le travail cardiaque et, finalement, aboutir à un
degré fort net d'encombrement circulatoire et d'hyposystolie.
D'autre part, une tare névropathique frappant bien sou-
vent ces arthritiques qui, comme tous les intoxiqués, ont
des réactions excessives, dues à l'exagération de la sensibi-
lité de leurs cellules nerveuses, rendues ultrasensibles par
le contact prolongé de poisons irritants, il s'établira, grâce
à cette fragilité nerveuse, un réflexe à point de départ hépa-
tique, qui va agir sur le système cardio-vasculaire en accen-
tuant encore l'hypertension et la gêne circulatoire, par le
mécanisme suivant.
La distension douloureuse du lobe hépatique gauche
.
impressionne désagréablement les plexus sympathiques ;
cette irritation transmise aux centres supérieurs se réfléchit
sur le pneumogastrique qui, à son tour, réagit en produi-
sant une vaso-constriction généralisée de la circulation pul-
monaire. Il s'en suit une élévation de pression dans l'artère
pulmonaire, puis dans les cavités droites du coeur et, fina-
lement, la dilatation de ces cavités. Fort longtemps,- cette
hypertension reste cantonnée à l'oreillette droite et au sys-
tème cave supérieur, moins bien protégé contre les regor-
gements que l'inférieur.
Cette hyposystolie réflexe temporaire se déclanche donc,
selon le mécanisme décrit expérimentalement par Arloing,
Morel (1), François Franck (2), invoqué en clinique dans
la production des phénomènes asystoliques par colique hépa-
tique par Potain (3) et Barié (4), et admis également par
Huchard et Rendu.
(1) Morel. Recherches expérimentales sur la pathologie des lésions
du coeur droit. Thèse de Lyon, 1879.
(2) Fr. Franck. Académie de Médecine, février 1896.
(3) Potain. Note sur un point de la pathologie des dilatations
diaques d'origine gaslrohépalique, Paris, 1878. car-
(4) Barié. Revue de Médecine, janvier 1883. Traité désaffections
du coeur, 1903.
SYNDROME D'HYPÔSYSTOLIE 79
Quand la sensibilité du creux épigastrique est seulement
esquissée et qu'à côté, l'estomac présente une lésion ato-
nique considérable, avec clapotement sous-ombilical, le
réflexe peut également résulter du fait seul de la souffrance
gastrique, ainsi que l'ont déjà reconnu Potain et Rendu (1).
Commandée à la fois par la toxémie pléthorique et par

Fig. 1. -- Vue postérieure du coeur.


1. Veine çâvê supérieure. —. 2. Veine azygos. -=- 3. Artère pulmonaire. —
4. Veines pulmonaires droites supérieures. 5. Veines pulmonaires
gauches. —. 6. Oreillette droite. —
7. Veines pulinonaires droites infé-
rieures. —

l'hypertension pulmonaire réflexe, la fatigue, puis la dila-


tation des cavités droites se produiront d'autant plus faci-
lement, que souvent les neuro-arthritiques ont un muscle
cardiaque de qualité médiocre, dont la tonicité affaiblie
se prête facilement à. la distension de surmenage.
Cette hypertension cardiaque portera, comme toujours,
(-1) Rendu. Académie de Médecine, 1881.
§0 ETUDE CLINIQUE

les cavités droites d'abord l'oreillette droite, gorgée


sur ;

de sang, va se gonfler et repoussera autour d'elle les or-


lesquels elle entre en rapports intimes. En
ganes avec
arrière, justement, se trouvent les veines pulmonaires
droites qui, un peu plus longues que les gauches, sont obli-
gées en la croisant de prendre contact avec cette cavité dis-
tendue, pour se rendre dans l'oreillette gauche. Repoussées
en arrière, elles deviennent le siège d'une compression très
notable, prises qu'elles sont entre l'oreillette droite dila-
tée en avant et la bronche droite pour les veines pulmo-
naires droites supérieures, le plan vertébral profond revêtu
•de l'oesophage, pour les inférieures, en arrière. Cette com-
pression entraîne fatalement un ralentissement et une gêne
du courant sanguin dans ces Veines, et dans tout le réseau
organique d'où elles émergent, c'est-à-dire dans tout le
poumon droit.
L'opacité respiratoire du poumon droit, conséquence lo-
gique de cette entrave circulatoire, apportée par la dis-
tension hyposystolique de l'oreillette droite, sur la circu-
lation de retour de cet organe, forme le deuxième signe
de ce syndrome arthritique.
En effet, l'air pénètre moins facilement dans des alvéoles
aux parois infiltrées par les capillaires distendus et cette
diminution de perméabilité se traduit, d'ordinaire, par une
exagération vibratoire et une submatité légère, associées à
une très évidente diminution de la respiration, qui s'étend
la plupart du temps jusqu'à la base pulmonaire et tranche
avec le volume respiratoire normal de la base opposée,
prise comme point de comparaison.
Cette gêne, longtemps entretenue, qui est à l'origine des
faits, finit par engendrer des lésions pulmonaires d'infil-
tration et de sclérose légères, qui forment un point d'appel
actif pour la localisation du bacille de Koch. Tout ralentis-
sement circulatoire, en effet, implique une action plus insis-
SYNDROME D'HYPOSYSTOLIE 81

tante, et par suite, plus pernicieuse, des. poisons arthri-


tiques.
A cette action d'inflammation d'ordre toxique, ne se
.
borne pas le ralentissement du courant sanguin ; il favo-
rise l'infection par stagnation des microbes. « Injectez des
germes dans la circulation, écrit Charrin (1), ils se dévelop-
pent de préférence dans la zone dont .vous aurez lié l'ar-
tère ou la veine, parce que l'activité des cellules à ce niveau
est compromise, parce que mécaniquement le courant de-
venu plus lent permet à ces germes de se greffer plus aisé-
ment, » .
C'est à n'en pas douter, ce mécanisme décompression des
veines pulmonaires droites par la distension hyposysto-
lique de l'oreillette droite, qui donne l'explication de la
fréquence des localisations tuberculeuses du sommet droit,
non seulement chez les malades porteurs d'affections hépa-
tiques graves (lithiase,-cirrhoses, etc.),.mais chez tous les
tuberculeux ayant une atteinte gastro-hépatique arthri-
tique, préexistante à leur greffe bacillaire et l'ayant pro-
voquée. Et ce groupe comprend actuellement le plus grand
nombre des tuberculeux que nous ayons à soigner.
Cette fréquence beaucoup plus grande de l'atteinte pul-
monaire droite, a déjà été constatée par tous les observa-
teurs. Grancher et ses élèves, l'avaient, les premiers, signa-
lée chez les adultes et retrouvée chez les enfants ; Lance-
reaux (2), faisant porter ses.recherches sur 1.292 cas, où
il releva les excès de boisson dans les antécédents, constata
que «l'altération des poumons prédomine :
A droite 690 fois
A gauche 268 -=
• •
Des deux côtés 271 —
(1) Charrin. Les défenses naturelles de l'organisme, p. 294.
(2) Lâncereaux. Conditions étiolbgiques de la Tuberculose. Congrès
international 1905. T. IL p. 793.
6
82 ÉTUDE CLINIQUE

«Par contre, 749 cas de tuberculose liés à la misère, à


la sédentarité, à l'encombrement, se répartissent, au point
de vue de la prédominance de la lésion, de la façon sui-
vante :

Sommet gauche 530 fois


droit 129 —

Non classés 90 —

En conséquence, tandis que la tuberculose de l'alcoo-


«
lique débute de préférence à droite et en arrière, celle du
sujet mal aéré et mal nourri se développe à gauche et en
avant. L'explication de ce fait se trouve, croyons-nous,
dans l'état de la bronche droite qui, plus courte et plus large
que la gauche, imprime au sommet du poumon une activité
plus grande, favorise l'élimination d'une plus forte pro-
portion d'alcool et de tanin, ainsi une irritation plus grande
de ce côté. »
Il est bien certain, que la raison de la vulnérabilité plus
grande du sommet droit, chez les sujets tarés d'alcoolisme,
réside dans la compression des veines pulmonaires droites
selon le mécanisme que je viens d'indiquer et les statistiques
de Lâncereaux viennent corroborer cette opinion, en met-
tant en vedette ce contraste dans les localisations, selon que
la cause est pléthorigène ou non. L'alcool, nous l'avons dit,
forme avec la viande et les excès de sucre, la triade ali-
mentaire qui est à l'origine de l'arthritisme, parce que tous
trois sont des facteurs d'usure, puis de lésions gastro-hépa-
tiques et d'intoxication acide. Le foie étant toujours aug-
menté de volume et douloureux, l'hypertension vasculaire
étant fréquente chez les éthyliques, rien d'étonnant à ce
que, consécutivement à cette atteinte, le réflexe d'hyper-
tension pulmonaire, avec son hyposystolie corrélative, ne
dilate l'oreillette droite et contribue ainsi, indirectement, à
SYNDROME D'HYPOSYSTOLIE 83

amener, par compression des veines pulmonaires droites,


le ralentissement circulatoire du poumon correspondant.
Ce mécanisme, très habituel en somme, explique donc
fort bien cette réitération de la localisation droite chez les
arthritiques, et fait cesser l'énigme qu'elle constituait.
Après Lâncereaux, d'autres auteurs s'ingénièrent à pré-
senter une pathogénie de cette localisation qui puisse rallier
tous les suffrages. Piêrry Jacques (1) invoque les âdéno-
pathies bronchiques plus apparentes à droite aux rayons X.
Queyrat (2), incrimine la direction et la grosseur de la
bronche droite plus apte à recueillir les poussières baçilli-
fères et, dans certains cas, une méiôpragie héréditaire du
poumon. Rénon (3), y voit un spasme réflexe de la bronche
droite. Pour Lemoine (4), cette fréquence plus grande de la
tuberculose droite, tient à ce que l'hémithorax droit tra-
vaille plus que le gauche ; les gauchers sont plus souvent
touchés- au poumon gauche. Le décubitus latéral droit,
dans le sommeil, crée, pour Dufour (5), une anomalie res-
piratoire prédisposante par compression. Bârbièr .(6),
considère le lobe supérieur droit, en état de moindre résis-
tance du fait qu'il est en régression embryonnaire, parce
qu'il n'a pas son homologue à gauche. II ajoute, constata-
tion qui apporte un nouvel appui à la thèse de la compres-
sion d'origine cardiaque par réflexe hépatique, que chez les
nourrissons hérédo-tuberculeux, qui succombent avec un
foie gras, c'est encore au sommet droit qu'on découvre les
foyers tuberculeux. Bezânçon (7), qui souleva la question à
la Société médicale des Hôpitaux, rend responsable de la
(1) Pierry Jacques. Revue de Médecine, 1906.
(2) Queyrat. Société Médicale des Hôpitaux, janvier 1908.
(3) Rénon. Société Médicale des Hôpitaux, janvier 1908.
(4) Lemoine. Société Médicale des Hôpitaux, janvier 1908.
(5) Dufour. Société Médicale des Hôpitaux, janvier 1908.
(6) Barbier. Société Médicale des Hôpitaux, 20 décembre 1907.
(7) Bezânçon. Société Médicale des Hôpitaux, décembre 1907,
février 1908.
84 ÉTUDE CLINIQUE

localisation « pour une certaine part, la fréquence et la


prédominance de l'adénopathie droite », mais sans se dé-
clarer très satisfait de cette explication, car il résume ainsi
la discussion : « J'avais espéré, en signalant après Grancher
la fréquence beaucoup plus grande de la diminution du
murmure vésiculaire au sommet droit qu'au sommet gauche,
que de la discussion jaillirait quelque lumière. On me répond
que cette fréquence à droite tient à la plus grande fréquence
de la tuberculose droite que de la tuberculose gauche.
J'avoue que cette réponse ne m'a satisfait en rien. »
Le troisième signe, la teinte très carminée des ongles des
mains, constitue comme un stigmate de toxémiepléthorique
d'ordre arthritique. Chez les sujets bien portants, qui jouis-
sent d'une circulation sanguine normale, on remarquera que
toujours, et en toutes circonstances, la coloration des ongles
des mains est en concordance absolue avec celle des tégu-
ments du dos de la main et des doigts. Quelles que soient les
variations de température, de position, de gêne circulatoire
artificielle, cette concordance reste immuable.
-
Chez les arthritiques pléthoriques, je ne dis pas chez tous
les arthritiques, mais seulement chez ceux dont la tôxémie
est très prononcée, il existe au contraire un contraste.frap-
pant : la coloration carmin foncé des ongles tranche de loin
sur la pâleur des téguments voisins. Le contraste s'exagère
encore, quand le membre est levé ou qu'on vient de presser
les tissus de la main, comme après l'acte de se laver et de
s'essuyer les mains. Il semblerait que le sang des vaisseaux
un peu importants circule encore facilement, tandis que
celui des capillaires les plus ténus serait en stagnation.
Cette teinte carminée offre tous les degrés en intensité.
Nous avons en vue dans la description de syndrome hypo-
ce
systolique, celle qui est très accusée par son intensité en
coloris et en contraste. Car, depuis la concordance rosée
normale physiologique, jusqu'au contraste achevé patho-
SYNDROME D'HYPOSYSTOLIÊ 85-

logique, il. y a place pour une gamme divergente, de plus


en plus forte, au fur et à mesure qu'on s'éloigne de la nor-
male et qui correspond à des états toxémiques esquissés,
en train de Se créer, à des ébauches du syndrome hyposys-
tolique qu'on voit ainsi se développer peu à peu, quand on
a la possibilité de suivre assez longtemps les malades.
Si évidente au niveau.du réseau sous-unguéal, cette colo-
-

ration carminée peut parfois s'étendre aux pulpes digitales,


à l'éminence hypothénar, et aux saillies palmaires des arti-
culations métacarpo-phalângiennes. Je l'ai vue quelquefois
si intense, qu'elle avait retenu l'attention des malades^
eux-mêmes, qui s'étaient imaginé, un instant, qu'une cou-
leur rouge, une couverture de livre par exemple, avait
déteint sur leurs mains et disaient qu'on pourrait croire
qu'elles se passaient, par coquetterie, les ongles au carmin.
Il est à noter, dès maintenant, que cette coloration anor-
male se rencontre uniquement sur les points des téguments
palmaires où les réseaux capillaires sont les plus riches, et
les plus fins et que ce fait explique donc parfaitement pour-
quoi la teinte n'est pas généralisée. Il y aurait là comme un
encrassement ou une paralysie toxique, limitée aux plus
fins vaisseaux.
Cette coloration très particulière, n'a rien à voir.avec les
teintes plus ou moins cyaniques d'autres états physiolo-
giques ou morbides. Elle n'a jamais la lividité des trou-
bles circulatoires occasionnés par le froid ou par des lé-
sions cardiaques ou artérioscléreuses. Elle n'a jamais, sauf
quand l'affection aboutit à la véritable asystolie, la teinte
noirâtre asphyxiquê des anhélants par gêne cardiaque ou
pulmonaire. Et d'ailleurs, dans tous ces cas, il y a concor-
dance entre la teinte unguéâle et tégumentaire.
Quand il est net, ce signe possède une valeur diagnostique
considérable et nous verrons plus loin qu'il est également un
guide thérapeutique précieux. Il suffit de le constater, à pre-
86' ÉTUDE CLINIQUE

mière vue, en approchant du lit du malade, pour être certain


de retrouver chez lui les deux autres symptômes avec lesquels
il est toujours associé, les troubles gastro-hépatiques avec la
sensibilité du lobe d'alarme ou l'atonie dyspeptique d'une
et
part, une opacité du sommet droit sur laquelle très souvent
s'est déjà faite une greffe bacillaire, d'autre part.
Les deux mains ont toujours un coloris de même inten-
sité, sauf dans des cas rarissimes de compression du paquet
vasculaire brachial au niveau du dôme pleural, où On peut
noter une vraie cyanose, limitée à un seul membre.
Enfin, cette teinte carminée unguéale, reste beaucoup plus
tranchée .aux mains qu'aux pieds, où la circulation est
toujours moins active-
Autour de ce trépied symptomatique, gravitent une mul-
titude de. petits signes moins importants, mais qu'il est
utile de connaître et de grouper selon leur origine pathogé-
nique.
h'hyposystolie d'abord est décelée par la dyspnée qui,
non seulement, est d'ordre toxique, mais relève surtout de
l'obstacle à la circulation pulmonaire engendré par le
réflexe de Potain, Les malades qui présentent les signes
qui viennent d'être décrits, sont souvent des dyspnéiques,
souffrant dans les cas graves, d'angoisse respiratoire, même
au repos. Leur gêne respiratoire s'accroît vivement au
-moment des efforts ou après les repas qui, le plus souvent,
mal dosés et mal établis, aggravent l'intensité du trouble
gastro-hépatique et par suite du réflexe hypertenseur : la
fatigue du myocarde se trahit chaque fois qu'on lui de-
mande un surcroît de travail.
A l'auscultation, il est courant de constater de l'éré-
thisme avec arythmie et de iassourdissement des bruits val-
vulaires. Seul, le deuxième bruit plus retentissant et parfois
dédoublé au niveau du bord gauche du sternum, dénote
l'hypertension pulmonaire. A la pointe, les prolongements
SYNDROME D HYPOSYSTOLIE 87
ou souffles légers du premier temps ne sont pas rares. D'ans
l'immense majorité des cas, le pouls est petit, rapide, très
hypotendu. Des phases d'hypertension artérielle peuvent
pourtant s'observer au cours d'incidents toxiques plus
sérieux. L'oedème prétibial, surtout vers le soir, fait partie
du même cortège symptomatique. Quand la toxémie et la
gêne circulatoire sont très aggravées, la Cyanose peut ap-
paraître ; on la démasque facilement, dès le début, par
l'examen de la coloration de la muqueuse linguale. Au lieu
d'être rose, cet organe est rouge brique à jeun, et devient
noirâtre après les repas toxiques ou trop copieux, qui
aggravent à la fois la gêne circulatoire et le réflexe pulmo-
naire.
La lésion hépatique, décelée par la sensibilité du creux
épigastrique, se traduit encore par d'autres manifestations.
On peut observer le subictère, l'acholie pigmentaire, la cho-
lémie, mais pourtant d'une façon exceptionnelle, car ce qui
révèle ici l'atteinte hépatique, c'est bien plus des troubles
du métabolisme digestif, que des réactions sur les voies
biliaires. L'urine, d'ordinaire, renferme des pigments nor-
maux et anormaux. Enfin, le trouble de la fonction hépa-
tique, engendre des réactions thermiques spéciales. C'est
cette intoxication digèstive d'ordre hépatique, qui est la cause
la plus fréquente et Surtout la plus méconnue,des élévations
thermiques des arthritiques tuberculeux. Il suffit, d'ordinaire,
de réformer le régime alimentaire, pour voir cesser des états
subfébriles invétérés, pour éviter le retour de périodes
fébriles récidivantes, cycliques, mises sur le compte de
poussées évolutives pulmonaires et qui, en réalité, ne cor-
respondent qu'à des accès de fatigue et de congestion hépa-
tique, avec l'empoisonnement général qu'ils provoquent. Ce
qu'il faut encore noter, c'est que normalement, débar-
rassés de toute cause d'intoxication, ces malades sont des
hypothermiques, oscillant entre 36°5 et 37°, du fait de l'a-
g8 ETUDE CLINIQUE

moindrissement permanent de leurs fonctions hépatiques.


Les troubles gastriques vont de pair avec les symptômes
hépatiques. Reconnaissant une commune cause, ils se
développent parallèlement. La dyspepsie avec dilatation
parfois énorme de l'estomac et toute la kyrielle des ma-
laises digestifs habituels, ne manquent jamais au tableau.
L'intestin, d'ordinaire, reste longtemps silencieux ; il entre-
tient pourtant, par la constipation due à une sécrétion
biliaire appauvrie et à une alimentation trop, privée de
déchets alimentaires, une auto-intoxication dont on ne tient
pas toujours un compte suffisant.
L'intoxication générale, la pléthore arthritique sont par
ailleurs très évidents. Cette toxémie, visible à la coloration
spéciale des ongles du malade, se montre encore sous forme
d'afflux hyperhémiques du visage, de bouffées de chaleur
et de rougeur après les repas, de congestions de la gorge,
qui occasionnent des picotements irritatifs, de l'amoindris-
' sèment de la voix, et une forte exagération du réflexe nau-
séeux. Sur le système nerveux, l'intoxication hyperacide
peut, dans les formes graves, provoquer l'apparition de troubles
psychiques : tristesse, hypocondrie, irritabilité, asthénie ou
surexcitation mentale, qui arrivent à prendre le masque de la
neurasthénie, de l'hystérie et même de la vésanie. D'autres
signes concomitants, tels que l'oedème des paupières, les
varicosités des conjonctives, des joues, du nez ; les mani-
festations cutanées, érythème pudique, séborrhées ; les
troubles trophiques, tels que les nouures des doigts, la
camptodactylie, les cannelures des ongles, l'hypertrichose,
etc., achèvent de prouver l'état d'intoxication contre lequel
se débat l'arthritique tuberculeux.
Enfin, il reste toute une série de symptômes qui relèvent
de la localisation tuberculeuse habituelle du sommet droit, et
surtout de la participation inflammatoire, pleurale et pa-
riétale du creux sus-claviculaire, rendue possible seule-
SYNDROME D'HYPOSYSTOLIE

ment, par l'exagération des réactions oedémateuses et


côngestives péribacillâires, si fréquentes chez les neuro-ar-
thritiques et si caractéristiques de leur terrain.
Pour bien montrer la genèse de ces troubles, rappelons
brièvement les notions anatomiques nécessaires à leur com-
préhension. Le som-
met pulmonaire est
coiffé d'une calotte
pleurale, véritable dô-
me, maintenu en posi-
tion par un appareil
suspenseur, décrit par
Sébileau, qui le rat-
tache d'une part à la
colonne vertébrale,
d'autre part à la partie
postérieure de la pre- Fig. 2. — Rapports du dôme pleural.
mière côte. Vers les 1. Muscle sçalène postérieur. 2. 8e cervi-

vertèbres, se rendent cal. — 3. Ganglion sympathique cervical
inférieur. = 4. 1er dorsal. — 5. Artère sous-
un muscle transverso- clavière. —- 6. Muscle scalène antérieur. —-
pleural (7e cervicale) et 7. Veine sous-clavière.
une bandelette vertébro-pleurale. A la première côte se
fixent deux ligaments costo-pleurâux interne et externe. Des
organes importants passent au contact de ce dôme pleural. En
arrière, lui sont accolées la huitième paire cervicale qui
s'insinue entre le muscle transverso-pleural et le ligament
costo-pleural ; la première paire dorsale, qui émerge entre
les deux faisceaux costo-pleuraux. Ces deux paires vont
constituer les racines inférieures du plexus brachial et con-
tribuer à former surtout le nerf cubital et une partie du
médian. Contre le feuillet pleural et le col de la première
côte, se loge le ganglion sympathique cervical inférieur,
uni au premier thoracique. Vers le versant antérieur du
dôme, c'est l'artère et en avan t d'elle, la veine sous-cla-
90 ETUDE CLINIQUE

vière qui le frôlent. Enfin en profondeur, quelques filets


nerveux des muscles scapulaires traversent la région.
Quand on réfléchit d'une part, à l'intimité de ces con-
tacts anatomiques, d'autre part à la violence des réactions
hyperhémiques pérituberculeuses chez les arthritiques, on
conçoit fort bien que les lésions de pleurite du dôme, sur de
tels malades, puissent amener une participation à la fois
compressive et inflammatoire, des organes avoisinants.
Cette participation se manifeste par les signes suivants :
1° Une névralgie de la base du cou et du sommet de
l'épaule ;
2° Des fourmillements et parfois de l'engourdissement
des deux derniers doigts de la main ;
3° Des troubles vaso-moteurs hémifaciaux ;
4° Un souffle de l'artère sous-clavière ;
5° De la cyanose de la main ;
6° Des signes concomitants d'infiltration, de congestion
ou d'ulcération tuberculeuse du sommet.
La névralgie du cou et de la fosse sous-scapillaire, ayant
parfois l'intensité d'une crampe ou d'une douleur, déter-
mine un véritable point de côté scapulaire qui entrave les
mouvements du membre correspondant, quand il est vio-
lent, et même peut entraîner de l'insomnie. Il est dû à l'in-
flammation, à la compression des filets nerveux qui se ren-
dent aux muscles scapulaires supérieurs, dès l'origine du
plexus brachial.
Les fourmillements des doigts sont constants ; ils se font sen-
tir surtout dans la zone cubitale et donnent l'impression de
multiples picotements, qui peuvent aller jusqu'à l'engour-
dissement. Souvent, ils gagnent le domaine du médian et
s'étendent au médius et à l'index. Ils relèvent de la com-
pression de la huitième paire cervicale et de la première
dorsale.
Les troubles, vaso-moteurs hémifaciaux sont également très
SYNDROME D'HYPOSYSTOLIE 91

fréquents. Ils ont leur origine dans la gêne inflammatoire


exercée sur le ganglion sympathique cervical inférieur.
Leurs manifestations principales sont, d'une part, la fré-
quence des épistaxis de la narine droite et, d'autre part, des
troubles circulatoires de l'Oreille droite qui, à certains
moments de la journée, devient très rouge, chaude, tendue,
et contraste avec la coloration normale du reste de la face
et de l'oreille opposée. Ce signe a d'ailleurs été déjà décrit
chez les tuberculeux par Jacquet (1), par Bouveyron (2)
(de Lyon), qui ont même observé de l'hémiatrophie faciale
consécutive à des lésions destructives du ganglion sympa-
thique cervical inférieur par tuberculosepleUro-pulmonaire
sous-jacente. L'étude de ce symptôme a été reprise depuis
par Me Goldenstein (3) qui, dans sa thèse, inspirée par
Jacquet, rapporte des faits de troubles vaso-moteurs hémi-
faciaux simulant l'érysipèle chez des tuberculeux. Ses
observations confirment pleinement l'origine arthritique
que j'assigne à ce syndrome hyposystolique et à ses consé-
quences, puisque sur sept cas, elle relève quatre fois. l'al-
coolisme personnel et trois fois l'alcoolisme héréditaire,
avec tempérament çongestif familial. Des manifestations
oculo-pupillaires ont même été signalées par Souques (4).
Mais, d'ordinaire, les lésions et leurs conséquences cliniques
sont le plus souvent d'ordre compressif et restent telles,
même si l'inflammation persiste pendant des années ; il est
exceptionnel de rencontrer de véritables lésions trophiques.

(1) Je dois la communicationde cette documentation à mon collègue


et excellent ami, le D* Marcel Ferrand, qui a ainsi contribué à m'.éclai-
rer sur la pathogénie de ce syndrome du dôme pleural.
Jacquet. Annales de dermatologie, 1900, p. 713.
(2) Bouveyron. De Vhémiatrophie faciale dans ses rapports avec les
lésions du ganglion cervical inférieur. Société Médicale des Hôpitaux,
23 mai 1902. '
" ."
(3) Goldenstein. Le pseudo êrysipèle vasomoteur. Thèse, Paris, 1905.
.

(4) Souques. Syndrome oculo-pupillaire dans la tuberculose du som-


met du poumon. Société médicale des hôpitaux, 23 mai 1902.
92 ÉTUDE CLINIQUE

Ce syndrome secondaire de compression par congestion


du dôme pleural, s'observe avec un maximum de fréquence
à droite, parce que, la localisation tuberculeuse, nous ve-
d'expliquer par quel motif de compression cardiaque,
nons
est plus habituelle de ce côté. Mais quand l'envahissement
du sommet gauche se fait à son tour, il peut parfaitement
se rencontrer de cet autre côté ; les troubles deviennent bila-
téraux et suivant la variation du siège ou d'intensité dès
signes congestifs, on voit, dans la même journée, alterner
les fourmillements des doigts ou l'hyperhémie auriculaire
d'un côté à l'autre, à moins encore que la participation soit
à peu près égale et que les troubles se manifestent à la fois
sur les deux moitiés du corps.
Le souffle sous-clavier, observé plus rarement, a été en-
tendu déjà par Bouveyron. Quand on ausculte en avant le
haut de la poitrine d'arthritiques en violente poussée con-
gestive du sommet pulmonaire, on entend dans certains
cas, un souffle systolique dont l'origine peut intriguer, car
il est assez éloigné du coeur et n'est pas retrouvé aux foyers
Valvulaires ordinaires. Il est dû simplement à une com-
pression de l'artère sous-clavière, repoussée ou enserrée
par de l'infiltration conjonctive péripleurale du fond de la
région sous-claviculaire.
Parfois même, mais plus rarement encore, j'ai observé
une gêne sur la circulation de retour par compression de la
veine, qui se révélait par de l'oedème et de la cyanose de la
main droite.
Parallèlement à tous ces troubles compressifs et les moti-
vant, on retrouve à l'auscultation des pluies de râles con-
gestifs ou même des bruits liquidiens pseudo-cavitairesqui,
très longtemps, simulent ou précèdent de véritables exca-
vations pulmonaires.
SYNDROME D'HYPOSYSTOLIE 93

CONDITIONS ÉTIOLOGIQUES

Tous les arthritiques, même s'ils ont un foie, gros, dou-


.
loureux, ou une dyspepsie atonique intense, ne versent
pas obligatoirement dans ce syndrome hyposystolique.
Si, ce qui est encore assez fréquent, ils ont conservé
un équilibre satisfaisant du système nerveux,, si, héré-
ditairement, ils ne sont tarés ni dans ce sens, ni du côté du
système circulatoire, leur intoxication hyperacide n'en-
traîne de conséquences pernicieuses que sur leur nutrition
générale et leurs défenses naturelles à l'infection. En état
de réceptivité excessive, ils vont héberger du bacille de
Koch, et succomber peu à peu à son envahissement, si on
n'enraye pas l'intoxication causale ; mais la marche évolu-
tive du mal ne sera pas entrecoupée de poussées congesti-
vês. S'ils n'ont pas tout ce qu'il faut pour faire des plétho-
riques, ils ont, du moins, tout ce qui est nécessaire pour,
recevoir l'infection tuberculeuse.
En effet, pour se réaliser, ce syndrome hyposjrstolique
réclamé :
1° Une lésion gâstrô-hépatique, qui est la première en
.
date et devient le point de départ de la toxémie et du réflexe
de Fr. Franck et Potain.
2° Une tare névropathique, qui permettra par sa sensibi-
lisation plus forte des centres, l'éclosion facilitée du même
réflexe. Cette atteinte nerveuse n'est pas rare chez les ar-
thritiques, et c'est surtout son accumulation héréditaire:
qui aggrave son intensité.
3° Un certain degré d'aplasie cardio-vasculaire, quifacili-
tera la distension myocardique et la gêne vasculaire toxé-
mique.
4° Un degré d'intoxication arthritique pas trop exagéra
car, si le malade est en période terminale d'hypûfonctiôn-
94 ÉTUDE CLINIQUE

nement, l'usure gastro-hépatique est trop prononcée pour


permettre les réactions pléthoriques et inflammatoires,
caractéristiques d'organes encore non épuisés.
Ce qu'on retrouve toujours à l'origine de ce syndrome,
c'est la tare arthritique héréditaire et personnelle et les
abus ou erreurs d'alimentation qui l'ont engendrée. Jamais
cette forme d'hyposystolie n'évolue sur des malades in-
demnes d'intoxication hyperacide alimentaire. Chez les
hommes, c'est l'empoisonnement alcoolique qui prédomine
et joint ses terribles effets à ceux des entraînements sur-
alimentaires.

FAITS CONFIRMATIFS

Ce syndrome hyposystolique, à la fois pléthorique


et réflexe, est bien d'origine arthritique : l'étude de ses
modes d'apparition, de disparition, de ses variations, va
nous le prouver. Comme les manifestations arthri-
tiques, en effet, il est mobile, variable en intensité d'un
jour à l'autre; on peut même le voir apparaître, disparaître
et surtout subir des modifications très tranchées, dans la
même journée. L'intensité de la douleur épigastrique, de la
teinte carminée des ongles, de la douleur d'épaule, des four-
millements des doigts, de l'essoufflement, est sujette à
allées et venues qui, toujours, sont commandées par des
circonstances aggravantes ou atténuantes de la toxémie
hyperacide. Tout ce qui est arthritisant fait apparaître ou
augmenter le syndrome. Les repas trop copieux, la sur-
alimentation, les aliments toxiques (viandes, alcool, grais-
ses, sucreries, légumineuses), la constipation, l'absence
d'exercice, là où il est possible et indiqué, sont autant de
facteurs d'ârthritisme, qui toujours augmentent les.mani-
festations du sjmdrome.
Au contraire, la cure hygiéno-diététique bien appropriée,.
SYNDROME D HYPOSYSTOLIE 95
les aliments bien choisis et dosés, la circulation intestinale
facilitée, l'exercice bien réglé, diminuent ou font cesser
tous les symptômes. Tel malade qui, à jeun, ne souffrait
pas du creux de l'estomac, qui avait les ongles de même
coloration que les téguments voisins, voit, après un re-
pas trop copieux ou toxique, la sensibilité épigastrique
arriver ou s'aggraver et la teinte carminée unguéale venir
ou s'accroître. Tel autre, qui constatait tous ces troubles,
les fait rétrocéder par un laxatif, s'il était constipé,ou au
cours d'une marche, s'il était resté immobile. Il est même
curieux de suivre au cours de la marche lès progrès de
l'atténuation symptomatique. Parti avec les ongles très
carminés et le lobe gauche du foie engorgé et douloureux,
le sujet peut remarquer et suivre la diminution progressive
de ces deux signes, et, au retour, observer même que l'épi-
gastre n'est plus sensible et que les ongles qui, au départ,
étaient foncés, sont maintenant de coloration rosée iden-
tique à la teinte cutanée. Toujours, c'est en période digestive
ou au repos, que les manifestations du syndrome atteignent
leur acmé. Elles sont donc bien sous l'influence du fonction-
nement gastro-hépatique imparfait.
Bien mieux encore, on peut le voir souvent apparaître
en cours de traitement mal dirigé, chez des arthritiques
tuberculeux, qui, au début de la cure, n'en présentaient
pas les manifestations. Tout tuberculeux, en effet, même si
on ne le suralimente-pas, se croit obligé, du fait seul qu'il est
en traitement dans un sanatorium, de se bourrer le plus
possible d'aliments, de rester tout le jour dans l'immobilité
absolue, soit à la chaise longue, soit assis dans un coin, de
façon à engraisser beaucoup et vite. Le plus souvent, ces
efforts sont couronnés de succès et, au bout de quelques
semaines de ce pernicieux régime hygiéno-diététique, paral-
lèlement à la forte augmentation de poids, s'installent des
oscillations thermiques de plus en plus prononcées-, de
96 ÉTUDE CLINIQUE

l'essoufflement, des points de côté, des poussées congestives


pulmonaires et finalement, quand le terrain est favorable à
éclosion, le syndrome hyposystolique, avec la sensibilité
son
du foie et la teinte carminée des ongles. Il suffit dans ces cas
où l'atteinte est récente et légère, de modérer l'alimentation,
de faire marcher le malade, pour voir tous les troubles
s'évanouir.
Ces petits signes sont donc fort précieux pour diriger le
traitement, car ils constituent autant d'avertissements de
la toxémie. A ces arthritiques tuberculeux qui sont hypo-
systoliques, j'apprends même à observer les variations d'in-
tensité de la douleur épigastrique et de l'hypercoloration
unguéale et à les rapprocher des causes qui les comman-
dent en plus comme en moins ; c'est pour eux un excellent
guide thérapeutique. Je leur dis : « à des ongles carminés,
correspondent des poumons engorgés ; des ongles rosés pâles
impliquent des poumons libres. Comme, d'autre part, il leur
est facile de connaître et de comprendre les diverses causes
qui commandent ces deux états différents, comme je l'in-
diquerai, à propos du traitement, leur sort désormais dépend
en grande partie d'eux-mêmes.
Ce syndrome hyposystolique prédispose à la tuberculose et
aux hémoplysies. Des statistiques indiquant sa fréquence
:

relative chez des tuberculeux et chez d'autres malades non


tuberculeux, vont montrer cette manifeste prédisposition.
Sur 500 malades atteints d'affections chroniques autres
que la bacillose, examinés à ce point de vue, j'ai rencontré
ce syndrome, net, avec une répartition sensiblement pro-
portionnée dans les deux sexes, 32 fois, soit environ dans
6 p. 100.et ébauché dans. 10 p. 100 des cas. Par ébauche,
j'entends de légers troubles gastro-hépatiques et une teinte
carminée unguéale un peu plus foncée que la coloration
cutanée voisine, mais ne formant pas toutefois un con-
traste frappant.
SYNDROME D HYPOSYSTOLIE 97
Par contre, chez des tuberculeux, là proportion est for-
tement accrue.
Nombre Syndrome Ebauche. Total
300 hommes 65 21 86
300 femmes 67 36 103

Au lieu de 6 p. 100, la proportion de malades touchés


nettement par cette forme de toxémie arthritique, s'élève
à 22 p. 100 environ dans les deux sexes, avec un léger excès
en faveur des femmes, qui se retrouve encore dans la pro-
portion des formes ébauchées, qui sont au taux de 12 p. 100,
tandis qu'on n'en constate que 7 p. 100 dans le sexe mas-
culin. En tenant compte de tous les cas, sans degré d'inten-
sité, on voit que le tiers des malades femmes, porte, nette
•ou atténuée, cette tare pléthorique ; c'est dire la fréquence
extrême de ces formes de tuberculose par arthritisme.
Notons encore, en passant, une variation selon les milieux :
plus la condition sociale s'élève, plus il y a de bien-être, et
par suite de luxe alimentaire, plus le syndrome devient
commun.
Si cette proportion déjà énorme, paraît insuffisante à
-expliquer à elle seule, que dans plus des deux tiers des cas,
la localisation bacillaire se fasse à droite, unilatérale, ou
prédominante, la constatation encore plus grande des trou-
bles soit gastriques, soit hépatiques, ou des deux ensemble,
chez tous les tuberculeux quels qu'ils soient, va en rendre
compte. Ainsi, sur 160 tuberculeux hommes, pris au hasard,
que j'examinai à ce point de vue, 120 présentaient, soit des
troubles dyspeptiques avec énorme ectasie gastrique, soit
des hypertrophies hépatiques douloureuses.Ce pourcentage,
dont l'élévation peut surprendre, indique combien, en
dehors des cas d'hyposystolie complètement caractérisés,
sont fréquents chez ces tuberculeux, les troubles gastro-
hépatiques, et combien jsotiyëp^endant la phase d'éré-
98 ÉTUDE CLINIQUE

thisme cardio-vasculaire de la période digestive difficul-


tueuse, ils vont donner lieu, par l'hypertension réflexe pul-
monaire, à la dyspnée et à une dilatation passagère de
l'oreillette droite, suffisante à comprimer les veines pulmo-
naires droites.
La statistique des hémoptysies est aussi particulièrement
démonstrative. Eliminant les cas de crachats striés de sang
ou rouilles, je n'ai fait compter comme hémoptysies, que les
rejets réitérés de crachats formés de sang pur. Cent femmes
tuberculeuses, présentant la teinte carminée des ongles
nettement tranchée, donnent un pourcentage de 60 p. 100
d'hémoptysies, tandis que cent autres femmes également
tuberculeuses, mais sans troubles du coloris unguéal, ne
donnent plus que 28 p. 100 d'hémoptysies.
Le mécanisme par pléthore auriculaire comprimant les
veines pulmonaires droites est bien exact. La localisation des
foyers tuberculeux pulmonaires dans les cardiopathies va
nous le démontrer. Les lésions aortiques sont celles qui pré-
disposent le moins à la tuberculose et les documents que
j'ai en mains ne sont pas assez abondants pour permettre
une évaluation un peu précise. Dans les affections mitrales,
au contraire, on note plus fréquemment l'association bacil-
laire. L'insuffisance de cette valvule favorise la localisation
pulmonaire droite, puisque sur vingt-six cas relevés, vingt-
deux fois, c'est le sommet droit qui est pris, quatorze fois
tout seul, huit fois beaucoup plus que le gauche qui était
également touché. Dans le rétrécissement mitrâl, le tableau
change ; cette affection dyspnéisante, hémoptoïsânte, em-
bolisante (Huchard) a un tel retentissement pulmonaire
causé par l'énorme ectasie de l'oreillette gauche, dans la-
quelle se rendent les veines pulmonaires, que la participa-
tion habituelle des deux poumons aux lésions tuberculeuses
n'a rien qui doive surprendre. Elle favorise certainement la
-fixation du bacille de Koch, mais par la violence des réac-
SYNDROME D'HYPOSYSTOLIE :
99

tions, modère longtemps sa marche même progressive.


Vingt-huit cas observés donnent vingt-deux formes bilaté-
rales et six unilatérales. Il est curieux de noter que les loca-
lisations unilatérales se font toujours à droite, tandis que
dans les atteintes bilatérales le maximum d'intensité est à
gauche.
Ces particularités tiennent à ce que l'atteinte droite se
rencontre dans des rétrécissements mitraux très légers, où
la dilatation auriculaire gauche ne l'emporte pas sur là;
droite, et où, par suite, la gêne pulmonaire est plus à droite
qu'à gauche, tandis que, quand Fectasie auriculaire gauche
est accentuée, le reflux çongestif se fait plus facilement dans
les veines pulmonaires gauches, plus courtes et moins obli-
ques que les droites et explique l'insistance avec laquelle
les engorgements pulmonaires se font à gauche chez ces
cârdlôpathes.

MARCHE, DURÉE, TERMINAISON, PRONOSTIC

Quand on constate tous les signes de ce syndrome hyposys-


tolique chez un tuberculeux, il vient fatalement à l'esprit de
les rattacher à l'infection bacillaire et de faire de cette
dernière,le" primum movcns de toute la séméiologie. Ce qui
pourrait encore y pousser davantage, c'est qu'il arrive parfois
que, je l'ai déjà dit, on voitFensemblesymptomatiquese créer
de toutes pièces, secondairement à une cure hygiéno-dlé-
tétiquemal dirigée chez des tuberculeux avérés. Mais, en
analysant de plus près les choses, on voit que ce qui agit en
réalité, c'est la fauté alimentaire et non pas le bacille de
Koch. Faisons remarquer en passant, que, si ce syndrome Se
développe secondairement, chez un malade porteur de lé-
sions bacillaires ulcérées, prédominantes à gauche, il né
faudra pas s'étonner de ne plus trouver le maximum de
dégâts du côté droit. Ces cas, d'ailleurs, sont rares ; en règle
100 ÉTUDE CLINIQUE

générale, l'intensité des foyers est plus marquée à droite et,


si le côté gauche est, par exception, plus pris, c'est, soit que
l'hyposystolie a été secondaire, soit que la sclérose pulmo-
naire droite a été telle que l'infection bacillaire a été ralentie
dans sa marche, tandis que, en s'accentuant, elle a pu seu-
lement progresser à gauche où elle n'a pas rencontré la
même barrière. D'ailleurs, même si, par exception, le som-
met gauche est plus pris que le droit, celui-ci n'est jamais
indemne du moment où l'hyposystolie est constituée.
Il y a donc à retenir, que la complication tuberculeuse
est toujours au second plan étiologique. On verra plus loin
qu'elle garde toujours ce second rang en clinique comme en
thérapeutique, et que, complication venue à la faveur d'un
mauvais état du terrain, elle sera combattue de la seule
façon logique, c'est-à-dire, en agissant uniquement sur les
causes qui ont provoqué son apparition, et en faisant abstrac-
tion d'elle, presque comme si elle n'existait pas.
Tout montre d'ailleurs, qu'il en est bien.ainsi-: la cons-
tatation du syndrome chez des arthritiques avant l'appa-
rition, de toute tare tuberculeuse; les résultats thérapeu-
tiques, qui ne sont favorables que si on soigne la cause :
l'arthritisme, et non l'effet : la tuberculose ; et enfin
l'étude pathogénique, qui enseigne que la lésion
hépathique, engendrée par les erreurs alimentaires, est
toujours à l'origine et que tout ce qui augmente la con-
gestion ou la fragilité du foie (aliments toxiques ou concen-
trés, constipation, manque d'exercice), aggrave lé syn-
drome, tandis que tout ce qui favorise le fonctionnement et
la décongestion de ce. viscère, amène une corrélative et im-
médiate cessation des troubles toxiques et réflexes.
Comment évolue ce syndrome ? D'abord ébauché, et carac-
térisé alors par une douleur épigastrique très modérée,, et
une dissemblance de coloris unguéal esquissée, il peut rester
ainsi pendant des mois. Ensuite, soit qu'elle succède len-
SYNDROME D'HYPOSYSTOLIE 101
tement à cet état mitigé, soit qu'elle s'installe immédiate-
ment, l'hyposystolie évidente apparaîtra; mais son enva-
hissement Organique ne va pas se généraliser d'emblée.
Fort longtemps,' elle se cantonnera dans le domaine de la
veine cave supérieure.
L'hypertension de l'oreillette droite, en effet, évidente
mais non excessive, permettra longtemps une occlusion
suffisante de la veine cave inférieure, tandis que dès le
début de l'encombrement, le reflux cave supérieur sera
manifeste.
Des raisons anatomiques rendent compte de ce fait. La
veine cave inférieure, obturée en grande partie par la val-
vule d'Eustachi et enserrée à son origine par une forte bou-
tonnière musculaire, ne peut être forcée que tardivement.
La veine cave supérieure, au contraire, « n'a pas de valvules,
le reflux s'y manifeste souvent. Elle ne possède chez l'hom-
me aucune fibre musculaire » (Poirier). Enfin, sa gaîne mus-
culaire myôcardique est peu marquée et ne l'encercle pas
complètement. Ces données expliquent pourquoile ralentis-
sement et l'encombrement circulatoires se feront sentir,
principalement, dans le territoire cave supérieur. L'oedème
des membres inférieurs, la cyanose des ongles des pieds,
n'apparaîtront que tardivement, quand l'hyposystolie se
sera étendue à la veine cave inférieure. C'est dans le réseau
cave supérieur, au contraire, que se localiseront les gênes
circulatoires, les oedèmes légers (bouffissure des paupières,
des doigts des mains qui, gonflés, deviennent raides àplier,
teinte carminée unguéale plus frappante aux mains qu'aux
pieds). Enfin, nombre de ces malades ont la sensation de
n'être malades que jusqu'à la ceinture.
A la longue pourtant, la persistance et l'augmentation
de l'hypertension auriculaire droite, auront raison de la
résistance myôcardique et, autant par élargissement orificiel
que par relâchement myôcardique, l'envahissement cave
IQ2 ETUDE CLINIQUE

-inférieur se fera. L'étude du sang menée comparativement


dans chacun des deux réseaux caves, va nous démontrer la
réalité de cette différence d'atteinte.
Rappelons d'abord que les obstacles circulatoires amè-
--
nent une concentration sanguine et de la polyglobulie. La
vaso-constriction provoquéeparl'irritation du grand sym-
pathique, par le froid (Malassez) (1), (Quiserne) (2), par
obstacle mécanique (Malassez, Balp) (3), détermine de
-Fhyperglobulie. Les cyanoses toxémiques ont le même résul-
tat (Lenoble (4), Vaquez (5), Quiserne). Dans les cardio-
pathies, il est admis généralement^ avec Grawitz, Bezân-
çon et Labbé (6) qu'au cours des affections bien compen-
sées, l'état du sang est peu modifié, tandis que l'hyperglo-
bulie est habituelle dans les cyanoses et Fasystolie.
.
L'augmentation du nombre des globules rouges n'est due,
le plus souvent, comme le soutient Grawitz, qu'à une trans-
sudation séreuse à travers les parois vasculaires, du fait de
l'excès de pression ou du ralentissement du courant, car, plus
la tension vasculaire est faible ou plus la circulation est active
dans un organe ou un tissu, plus sa teneur globulaire baisse.
-
Voulant rechercher les différences globulaires quantita-
tives qui pourraient bien exister entre les deux territoires
-caves, chez les arthritiques tuberculeux, porteurs du syn-
drome hyposystolique, il nous fallait d'abord les étudier chez .

dés individus sains.


-
Il importe, pour éviter toute cause d'erreur, de choisir les
sujets en expérience, exempts de toute tare gastro-hépa-
tique ou circulatoire ; ils devront n'avoir ni sensibilité hé-
(1) Malassez. Modifications qui se produisent dans le sang sou-s l'in-
fluence d'actions nerveuses. (Thèse, Paris, 1873).
(-2) Quiserne. Des polyglobulies. Thèse, 1902, p. 1.4.
(3) Balp. Journal de l'Académie royale de Turin, juillet 1886.
-
(4) Lenoble, Thèse, 1898.
'(5) Vaquez. Sur une forme spéciale de cyanose $'accompagnant d'hy-
per globulie. (Société de biologie, 1892.)
>
(6) F. Bezânçon et M. Labbé. Traité d'hématologie, page 338.
.
SYNDROME D'HYPÔSYSTOLÎE 103
patique, ni clapotement stomacal, ni dissemblance unguéale
même esquissée. La position des membres.a.également une'
grosse importance. Les numérations porteront d'une part,
sur des sujets debout, venant d'accomplir une légère mar-
che, puis sur les mêmes, individus couchés au lit et demi-'
assis,après un repos d'une demi-heure, les jambes délivrées
de. tout lien constricteur ;Tes prises de sang se feront par
piqûre de la pulpe du médius puis du gros.orteil.
On.observe ainsi que, dans l'immense majorité des cas,
il existe: dans la position étendue un équilibre globulaire
entre les. membres inférieurs et les supérieurs'avec, d'ordi-
naire, une très minime différence, en faveur des pieds, tan-
dis que dans la station debout, par suite de la difficulté:
du retour du sang dans les membres inférieurs en position.
déclive, l'équilibre est détruit et qu'une polyglobulie appa-
raît dans le sang des pieds, qui se chiffre entre 700.000 et
1.000.000.
Chez des tuberculeux choisis parmi ceux qui ont la. dis-
semblance unguéale très tranchée et dont l'hyposystolie
est encore limitée au territoire cave supérieur, ce sont de
beaucoup les plus nombreux, il se produit un phénomènein-
verse : demi-couchés au lit, ils ont aux membres supérieurs
une hyperglobulie comparative qui oscille entre 600.000
et 1.000.000 et peut même dépasser 1.500.000. Debout,
l'équilibre se rétablit et leur hypertension cave supérieure
compensant assez exactement leur gêne circulatoire déclive,
ils ont une répartition globulaire à peu près égale aux mem-
bres supérieurs et inférieurs. Si le syndrome hyposystolique
est généralisé, ils présentent les mêmes particularités que
des sujets normaux, à cette différence toutefois, qu'ils sont
hyperglobuliques de partout et atteignent 5.500.000 glo-
bules rouges par millimètre cube, ce qui est un chiffre fort
élevé pour des infectés chroniques, ayant parfois des lé-
sions.ulcéreuses pulmonaires.
,
^04 ÉTUDE CLINIQUE

Ilpeutarriver cependant, quesi l'on se guide seulementsur-


la coloration unguéale pour le choix des sujets pris parmi
des tuberculeux exempts de ce signe, on puisse rencontrer la
même particularité d'hyperglobulie dans le système cave
supérieur, que chez les hyposystoliques toxémiques ; mais
toujours, à un examen plus complet, ces malades seront
trouvés lésés du foie ou de l'estomac. Cette lésion, si elle
n'a pas encore eu l'intensité suffisante, pour engendrer
une toxémie telle qu'elle provoque la différenciation ungué-
ale, a suffi, toutefois, à donner l'hypertension réflexe de l'o-
reillette droite par le mécanisme de Fr. Franck et Potain,
ainsi que le prouvent l'examen du sang et une localisation
pulmonaire. droite concomitante, d'origine compressive sur
les veines pulmonaires droites.
Cette polyglobulie relative des arthritiques tuberculeux,,
due à l'hyposystolie réflexe, et à l'hématopoièse exagérée,,
qu'occasionne l'hyperfonctionnement d'adaptation des
glandes vasculaires sanguines, est le fait habituel de la
majorité des tuberculeux. Bezânçon et Labbé (1) s'expri-
ment ainsi à ce sujet : « Les malades atteints de tubercu-
lose pulmonaire à évolution chronique apyrétique, pré-
sentent souvent un amaigrissement considérable et une
pâleur qui fait songer aussitôt à l'anémie. Si on examine
leur sang, on est étonné de trouver pourtant un nombre de
globules rouges et une quantité d'hémoglobine normaux : »
Simon et Spillmann (2) sont arrivés aux mêmes résultats :
« Nous, trouvons dans la grande maj orité des cas un chiffre
voisin de la normale ou légèrement augmenté : 5.708.000-
6.000.000... Bien que la plupart des malades examinés se-
soient trouvés à une période assez avancée de leur tuber-
culose, nous n'avons donc pas trouvé d'importantes modi-

(1) Bezânçon et Labbé. Traité d'hématologie, 21.


p.
(2) Simon et Spillmann. Les éléments figurés du .
dans la tuber-
sang
culose pulmonaire. Congrès de la Tuberculose, 1905, T. I, 432....'..
p.
SYNDROME D'HYPOSYSTOLIE 105
fications du chiffre des globules, rouges. Ce fait a déjà été
maintes fois signalé ».
Cette constatation unanime de l'hyperglobulie chez le
plus grand nombre des tuberculeux, qui a surpris lés obser-
vateurs et leur a paru difficilement explicable chez des
infectés chroniques, tient précisément et uniquement au
terrain arthritique sur lequel évolue la complication bacil-
laire. Les arthritiques formant le gros du flot des tubercu-
leux, rien de surprenant à ce qu'on ait abouti à de telles
remarques, parce que, d'une part, l'hyperglobulie plétho-
rique est la caractéristique du sang arthritique, et que,
d'autre part, cette complication infectieuse chez ces ma-
lades, même très touchés par l'infection bacillaire, reste
toujours au second plan, comme je l'ai déjà fait ressortir r
Les arthritiques tuberculeux demeurent avant tout des arthri-
tiques et sont occasionnellement des tuberculeux.
Quelle est l'évolution et l'avenir des tuberculeux touchés
par ce syndrome ? Si l'atteinte personnelle est récente, si
la tare héréditaire arthritique est modérée, si les causes occa-
sionnelles alimentaires n'ont été ni trop prolongées ni trop,
intenses, sa disparition se fait très vite par l'application de
moyens diététiques appropriés. A tel malade, il suffit de
supprimer la suralimentation et d'espacer les repas, pour
obtenir la rétrôgression immédiate de tous les troubles. A
tel autre, qui par une alimentation bien choisie, mais trop
copieuse, jointe à un repos intempestif, a obtenu un en-
graissement rapide et dangereux, qui s'est accompagné de
signes hyposystoliques, il suffit de modérer les apports et.
de prescrire un peu d'exercice, pour voir également tout
cesser.
Mais, dans les formes déjà invétérées, où le passé héré-
ditaire est très chargé et les erreurs alimentaires du malade
lui-même fort anciennes, il y a, en plus du surmenage,,
des lésions gastro-hépatiques qui vont être indélébiles. Là-
106 ÉTUDE CLINIQUE

pourtant, on pourra encore atténuer les troubles du méta-


bolisme digestif, grâce à une hygiène alimentaire d'une sé-
vérité parfois invraisemblable, mais la restitutio ad inte-
grum, c'est-à-dire le retour à l'alimentation normale, sera
bien souvent entravé pour longtemps.
Habituellement, le pronostic de ces formes de tubercu-
lose par arthritisme, compliquée de syndrome hyposysto-
lique, quand la lésion pulmonaire ou l'atteinte hépatique
ne sont pas irrémédiables, est très favorable. Il suffit d'en
bien débrouiller la genèse et de leur appliquer, sans crainte,
un traitement antiarthritique approprié qui, il faut le dire,
est le contrepied du traitement classique de la tuberculose,
pour obtenir des guérisons durables. Ces malades, soignés-
comme des arthritiques.seulement, guérissent à la fois de
leur diathèse et de leur complication infectieuse, qui n'était
intervenue qu'à sa faveur.
La terminaison fatale se fait selon deux alternatives.
L'une est extrêmement rare : c'est l'asphyxie par asystolie
véritable. On est très surpris de constater que ce syndrome
hyposystolique peut persister pendant des mois et des an-
nées, sans verser dans l'asystolie à grand fracas. Et même,
quand les malades meurent de leur gêne circulatoire, c'est
d'ordinaire par « coup de sang » bien plus qu'avec les
grands oedèmes des cardiopathies véritables.
Parmi les rares malades que j'ai vu finir ainsi, j'ai ob-
servé une femme de 29 ans dont le père, rhumatisant, était
mort d'apoplexie cérébrale, dont la mère succomba à une
série d'attaques de delirium tremens et qui avait un oncle
diabétique et un frère alb uminurique. Cette malade avait
le tableau complet de l'hyposystolie, avec des lésions adroite
au second degré. Suivie pendant six mois et mise à un ré-
gime alimentaire modéré, elle s'améliora au point de voir
ses signes gastro-hépatiques et pulmonaires s'atténuer pres-
que complètement. Livrée ensuite à elle-même, elle reprit.
SYNDROME D'HYPOSYSTOLIE 107
de fâcheuses habitudes d'alimentation (viandes fortes, vins
généreux) et revint me consulter avec des foyers congestifs
mobiles, multiples, des deux poumons et une hyposystolie,
qui frisait la véritable âsystolie. Le coeur se défendait de
son mieux, mais les obstacles hépatique et pulmonaire ne
pouvaient être levés, la malade, très capricieuse, se refu-
sant à toute, discipline alimentaire. Aussi, les choses s'ag-
gravèrent-ellês, la cyanose véritable apparut, sans grands
oedèmes toutefois. Les ongles devinrent noirâtres, au point
que la veille de la mort de la malade, la directrice de la pen-
sion de famille où elle se trouvait lui fit rémarquer'cette
teinte, croyant qu'elle avait omis de se laver les mains après
avoir touché du charbon. Cette gêne asphyxique intense
n'entravait d'ailleurs en rien sa manie suralimentaire : elle
avait la figure et les mains violacées, la respiration hale-
tante, la parole brève et néanmoins prenait ses repas comme
à l'ordinaire, malgré toutes les prescriptions contraires.
Le lendemain, dans la matinée, on la trouva sur le plan-
cher de sa chambre, morte par syncope asphyxique. J'ap-
pris que quelques instants auparavant, elle avait encore
absorbé deux grands verres de vin de Bordeaux,.trois oeufs
et cinq biscuits.
Au contraire, la pérennité de cet ensemble nosologique,
si on n'y coupe pas court, se traduit, le plus souvent, par
une'aggravation progressive des lésions tuberculeuses qui
contraste avec l'augmentation minime des signes hypôsysto-
liques. C'est la greffe tuberculeuse qui, peu à peu, passe
au premier plan, mine l'organisme et d'ordinaire amène la
fin des malades, porteurs de ce syndrome.
A l'autopsie, on est frappé de l'étendue des ravages hépa-
tiques. Très souvent, on tombe sur des foies énormes, en
complète dégénérescence graisseuse, tels que les ont décrits
Hutinel et Sabourin, pesant en moyenne 2^200 grammes,
dont 700 grammes environ, rien que pour le lobe gauche,
108 ÉTUDE CLINIQUE

qui est toujours très hypertrophié. L'absence d'ascite, le


petit volume de la rate et des reins, la fréquence et la géné-
ralisation des adhérences pleurales, la dégénérescence myô-
cardique avec dilatation de l'oreillette droite, sont habi-
tuels. De telles lésions devraient cesser d'être mises sur le
compte de l'infection tuberculeuse : ce sont des cirrhoses
hypertrophiques graisseuses arthritiques absolument com-
parables, en plus accusées, aux hépatites dyspeptiques de
Hanot et Boix.
Quelques-uns des aspects cliniques de ce syndrome ont
déjà été enregistrés par divers auteurs, qui en ont fait des
études partielles. Grancher (1), dontlahaute autorité est pré-
cieuse à recueillir, écrivait en 1890, à propos des indiges-
tions de suralimentation : « tantôt cette indigestion se
traduit par une rougeur subite et vive de la face, unilaté-
rale ou bilatérale, sorte de paralysie vaso-motrice, qui s'ac-
compagne d'une dilatation du coeur droit, avec augmenta-
tion de la tension vasculaire dans tout le domaine de la
petite circulation (Potain, Congrès Médical de Paris, 1878) ».
Voici donc bien observés les troubles hépatiques surali-
mentaires, avec les réflexes hypertenseurs sur les cavités
droites et les signes d'irritation du ganglion sympathique
cervical inférieur. Si l'intermédiaire du syndrome secon-
daire du bonnet pleural et la raison compressive de la fré-
quence de la localisation droite, manquent à la description,
elle est malgré tout fort démonstrative.
Renon et Solfier (2), sous le titre de : Fausse phtisie de
nature hystérique ; signes stéthoscopîques et radiogra-
phiques ; guérison par le réveil de la sensibilité dans l'hyp-
nose et les exercices de gymnastique respiratoire ; ont
décrit à leur tour un ensemble symptomatique qui rappelle,
(1) Grancher. Maladies de l'appareil respiratoire, 395.
p.
(2) Renon et Sollier. Société Médicale des Hôpitaux, 8 novembre
1901. — Bulletin Médical, 9 novembre 1901.
SYNDROME D'HYPOSYSÏOLIE 109

sur la plupart des points, ce syndrome hyposystolique par


empoisonnement arthritique. Ils notent, en effet, des
signes pulmonaires du côté droit (obscurité respiratoire,
frottements, condensation aux rayons X), des troubles car-
diaques (tachycardie) et des signes d'intoxication ner^
veusê, mis sur le compte de l'hystérie.
Bien vraisemblablement, il s'agissait d'arthritiques plé-
thoriques hyposystoliques, puisqu'on retrouve chez eux
les antécédents neuro-arthritiques habituels. « J'ai mis
aussi en évidence ce syndrome, dit Renon, dans l'entéro-
colite mucô-membraneuse avec constipation spasmodique,
dans les fausses cardiopathies avec palpitations, et dans
certaines dyspepsies très marquées avec spasmes du pylore
et stase gastrique. » De plus, les troubles cardiaques, la
localisation au sommet droit, et la guérison par la désin-
toxication, grâce à une « alimentation normale combinée
à l'isolement et à des exercices de gymnastique appropriés »,
sont vraiment démonstratifs de la pathogénie arthritique
surâlimentaire de ce syndrome.
Renon (1) revint plus tard sur ce point et écrivit : « Ce
syndrome, sur lequel je n'ai aucune idée théorique, est basé
sur un ensemble de signes, dont les uns viennent de l'hys-
térie, les autres de troubles du sympathique abdominal. »
Il soutint, fort justement, que la tuberculose n'était pas
la cause première de tous ces. faits et ne l'incriminait
que si le traitement antinévrosique restait sans effet, ou si
les lésions avaient tendance à s'aggraver. Trouvant pour-
tant deux réactions à la tuberculine, sur trois malades, et
jugeant l'épreuve insuffisante, il conseille en terminant de
soumettre ces cas à la même épreuve et, « si l'épreuve est
positive chez de tels malades, dit-il,-on pourra les consi-
dérer comme des tuberculeux. »
(1) Renon. Le diagnostic précoce de la tuberculose pulmonaire chro-
nique. 1906, p. 59. — Société Médicale des Hôpitaux, 17 janvier 1908,
HO ETUDE CLINIQUE

J'ai toujours noté, pour ma part, la tare arthritique héré-


ditaire et personnelle venue à la suite d'erreurs ou d'abus
alimentaires, à l'origine de tous ces faits et les lésions gastro-
hépatiques consécutives, caractéristiques de la diathèse ;
puis la greffe bacillaire s'installant à la faveur de l'hyper-
acidité humorale et prédominant à droite par suite de la
compression des veines pulmonaires droites par une oreil-
lette droite hypertendue ; ensuite, l'évolution des lésions
pulmonaires ainsi engendrées vers la caséification et l'ulcé-
ration ; et enfin la concomitance dans les formes particu-
lièrement graves seulement, de troubles nerveux, relevant
de l'intoxication arthritique, simulant la neurasthénie,
l'hystérie et même la vésanie, au point que certains ma-
lades furent sur le point d'être internés. Ces mêmes malades,
preuve indéniable de cette filiation pathogénique, guéri-
rent par une cure de désintoxication antiarthritique, à la
fois de leur diathèse causale, de leur complication tuber-
culeuse et de leurs troubles nerveux. Une observation
rapportée plus loin en fournit un exemple décisif.
La fréquence de la tare cardio-vasculaire chez les tuber-
culeux coïncidant avec le surmenage digestif, avait égale-
ment frappé Sabourin (1) « 40 à 50 0/0 des tuberculeux,-
écrit-il, qui se présentent à nous à une phase quelconque de
leur affection, sont tarés de l'appareil circulatoire. Voilà
le fait brutal. » ..Il avait également bien remarqué que
« c'est chez ces phtisiques à tare cardio-vasculaire, que pa-.
raissent s'observer presque tous, sinon tous les accidents
hémorragiques qu'il a décrits sous le nom d'hémoptysies
d'origine alimentaire. » Enfin, après avoir parlé de ces
troubles aigus ou subaigus d'hyposysfolie, qu'il appelle
accidents phtisi-cardiaques, il constate qu'on les voit «écla-
ter soit à la suite d'une fatigue, soit à la suite d'un véri-
(1) Sabourin. Importance dé la tare cardio-vasculaire clièz
les phti-
siques. Journal des praticiens, 10 juin 1905.
SYNDROME D'HYPOSYSTÔLIË 111
table empoisonnement alimentaire », rattachant ainsi ces
accidents à leur cause exacte : les troubles gastro-hépatiques
arthritiques.
En 1906, Pouliot (1) fit une communication sur un « syn-
drome d'hyposystolie hépatique chez les tuberculeux pul-
monaires », où, sans insister sur leur explication étiologique
et pathogénique, il décrivit trois des symptômes d'hypo-
systolie arthritique : 1° une augmentation de poids qu'il
attribue à la rétention chlorurée ; 2° le point épigastrique
douloureux du lobe gauche du foie ; 3° des vomissements ;
le tout accompagné des signes hyposystoliques : dyspnée,
insuffisance tricuspidienne. Quant à la terminaison en
asystolie véritable, qu'il considère comme fréquente, elle
est absolument exceptionnelle, nous l'avons vu.
Barié (2),àçe propos, rappela ses précédentes recherches
sur le volume du coeur dans la tuberculose, où en plus des
lésions valvulaires véritables, du rétrécissement de l'ar-
tère pulmonaire, il montra aussi la fréquence de ces trou-
bles cardiaques par réflexe parti des voies digestives, selon
le mécanisme de Potain, suivi d'une élévation de pression
dans le réseau de la petite circulation, avec sa conséquence :
la dilatation des cavités droites.
Enfin, plus récemment, ce même mécanisme d'hyper-
tension pulmonaire fut invoqué par Ribierre et Merle (3)
pour expliquer la production d'hémoptysies chez un tuber-
culeux ictérique.
(1) Pouliot. Société Médicale des Hôpitaux, 7 décembre 1906.
(2) Barié. Le volume du coeur dans la tuberculose. Congrès de Méde-
cine. Société Médicale des Hôpitaux, 14 décembre 1906.
(3) Ribierre et Merle. Ictère infectieux bénin et hémoptysies chez un
tuberculeux latent ; rôle de l'hypertension pulmonaire. Société Médicale
des Hôpitaux, 11 novembre 1910.
CHAPITRE VI

FORMES CLINIQUES

«Les tuberculeux sujets aux hémop-


tysies sont des « individus qui ont l'em-
poisonnement facile par les ingesta, cha-
cun ayant son aliment ou sa série d'ali-
ments qui manquent rarement leur effet
nuisible quand ils sont absorbés. Il est in-
contestable qu'il s'agit de sujets présen-
tant plus ou moins la tare arthritique. »
SABOURIN.

Mon intention n'est pas de répéter une étude détaillée de


tous les signes physiques et fonctionnels, que l'on peut ren-
contrer en clinique, en observant des tuberculeux pulmo-
naires ; mais, seulement, de mettre en relief certaines par-
ticularités d'aspect nosologique ou d'évolution, que la tuber-
culose revêt très souvent, en se développant sur le terrain
arthritique,
La marche de l'affection, comme partout ailleurs, peut
être aiguë ou chronique. Granulique ou pneumonique, la
phtisie aiguë, plutôt rare chez les arthritiques, ne reçoit
guère de modification que dans la forme pneumonique aiguë,
qui souvent chez eux, a une durée anormale, doublée par-
fois ; ce sont des phtisies galopantes qui traînent. Ce qui la
caractérise, c'est un contraste extraordinaire entre la gra-
vité des signes de désintégration rapide, observés du côté
du poumon et la modération de l'atteinte générale. L'as-
FORMES CLINIQUES 113
pect, le fonctionnement intellectuel et la vitalité générale
longtemps indemnes, tranchent avec la gravité initiale
des signes de fonte pulmonaire. De tels sujets arrivent à
nécroser et à éliminer leur poumon en entier et sur la fin,
leur hémithorax vidé donne l'illusion d'un pneumothorax
total. Ils meurent habituellement par asphyxie, bien plus
que de leur consomption infectieuse.
La tuberculose pulmonaire chronique, s'observe chez les
arthritiques sous deux aspects cliniques bien différenciés :
des formes infiltrantes et des formes ulcéfo-çaséeuses.

FORMES INFILTRANTES

Localisées surtout au pôunion droit, nous savons main-


tenant pour quelle raison de physiologie pathologique, ces
formes sont dues à une germination bacillaire peu étendue,
sur des poumons que la gêne circulatoire a infiltrés de séro-
sité, de prolifération embryonnaire et conjonctive. Au
début, elles se révèlent par des signes de condensation du
sommet droit : submatité légère, augmentation des vibra-
tions thofâoiquês à la palpation, diminution du volume res-
piratoire aux deux temps, et retentissement de la toux à
l'auscultation. Cette infiltration s'étend d'une façon pré-
coce jusqu'à la base du poumon droit, où l'on trouve un
amoindrissement respiratoire, que la comparaison avec la
base opposée rend encore plus évident et sur la valeur
duquel Ont insisté Fernet (1) et Grancher (2). Cette forme
est remarquable par la lenteur et la torpldité de son évolu*
tion. De très bonne heure,la greffe bacillaire s'est accomplie
sur ces poumons ainsi hyperhémiés, comme l'attestent les
réactions positives à la tuberculine.
(.1)Fernet. Bulletin dé la Société clinique, 187 8. — France Médicale,
1878.-= Société Médicale des Hôpitaux, 7 février 1908. " " "
(2) Grancher. Maladies de l'appareil respiratoiret 1890, p. .224. .
. _
114 ETUDE CLINIQUE

La pérennité des lésions peut amener des modifications


anatomo-pathologiques et cliniques et à la longue une évo-
lution vers la sclérose, la congestion véritable ou même
l'ulcéro-caséification.
La sclérose correspond à la forme fibreuse des classiques ;
la réaction inflammatoire persistante a fait se développer
l'organisation cicatricielle du poumon. Les signes d'auscul-
tation se modifient ainsi : l'inspiration se fait rude, parfois
très soufflante, elle peut aussi être saccadée, l'expiration
d'abord prolongée prend à son tour un timbre très rude,
enfin, le retentissement de là toux est bien plus accentué.
Si la congestion apparaît, elle débute dans les formes
lentes, par de la respiration granuleuse qui, assez vite, fait
place à de très fines crépitations sous-pleurales et à de
légers froissements pleuraux. Cette progression s'est faite
insensiblement quand la forme est vraiment torpide et
cette lésion congestive périgranulaire et sous-pleurale est
alors remarquablement fixe et presque immuable. Je Sais,
par exemple, une malade qui, à la suite d'atteinte bacil-
Jaire assez sérieuse, conserva sous la clavicule droite un
foyer de crépitations amidonnées, qui persista pendant
neuf ans, sans donner lieu au moindre malaise local et
général et ne disparut qu'à la suite d'une cure d'amai-
grissement et de désintoxication arthritique.
Si, par contre, le sujet est pléthorique, çongestif, la
congestion se développe selon un mode qui imprime un
cachet spécial à l'affection et en fait une véritable sous-
.variété. Les bouffées de râles d'hyperhémie plus accentuée
apparaissent par foyers successifs, multiples, mobiles,'ca-
pricieux, passant d'un côté à l'autre, de la base au sommet
avec une brusquerie et une intensité déconcertantes : dé-
couverts le matin sous la clavicule, ils sont évanouis le
soir et retrouvés parfois sous l'omoplate du côté opposé.
D'ordinaire, ces lésions évoluent, sans donner lieu à la
FORMÉS CLINIQUES 115

moindre expectoration ; elles correspondent en effet à des


modifications bien plus interstitielles que bronchitiques.
Les crachements de sang sont seuls à redouter. Ces formes
entraînent le plus souvent un pronostic très favorable
et guérissent rapidement, quand on évite aux malades les
erreurs alimentaires et médicamenteuses.
Si on n'a pu les enrayer, soit que le tuberculeux n'ait
pas voulu rompre avec ses habitudes de gavage inconsi-
déré, soit que l'appareil gastro-hépatique soit trop épuisé
pour faire les frais de la lutte, la lésion pourra.finalement
aboutir à l'une des formes ulcéro-caséeuses suivantes.

FORMES ULCÉRO-CASÉEUSES

Elles se présentent sous deux allures cliniques bien dis-


tinctes. Les unes ont une marche remarquablement rapide,
les autres sont très torpides.
Les premières, succédant parfois aux formes congestivês
modérées que nous venons de signaler, progressent alors
d'une façon accélérée, comme si l'affection avait reçu un
coup de fouet. Les bouffées crépitantes se font de plus en
plus volumineuses. Les râles, de secs deviennent humides,
puis çavernuleux et les signes cavitaires, souffle, gargouil-
lement, suivent rapidement. Les rémissions sont rares, de
courte durée et, en six mois, un an au plus, la terminaison
fatale se produit.
D'autres arthritiques, au contraire, conservent pendant
des années, des lésions ouvertes des sommets souvent fort
profondes, sans en pâtir outre mesure. Cette forme ulcéro*
caséeuse de moyenne intensité, est celle qu'on observe le
plus souvent. Elle est très classique dans ses manifestations
et son évolution. A l'aide d'une diététique bien comprise,
dosée selon le degré d'intoxication arthritique du sujet, on
en vient ordinairement à bout en un ou deux ans, ou par-
116 ÉTUDE CLINIQUE

fois même beaucoup moins, selon l'étendue des lésions et le


deoré d'atteinte gastro-hépatique.
Chez des malades plus profondément intoxiqués ou très
congestifs, il n'est pas rare d'observer au cours de cette
forme, de violentes manifestations hyperhémiques. Plu-
sieurs fois l'an, sous l'influence d'imprudences alimentaires,
et coïncidant parfois chez les femmes avec lespériodes mens-
truelles, se produisent de brutales poussées congestives péri-
tuberculeuses, donnant lieu à des bruits cavitaires renforcés
et énormes, qui font désespérer de la situation et porter
le plus sombre pronostic. Néanmoins, au bout de quelques
semaines, le retrait çongestif s'opère, les signes s'amendent
et, derrière les réactions arthritiques excessives, mainte-
nant très diminuées, on retrouve l'ancien foyer, un peu
accru, il est vrai, mais pas dans les proportions démesurées
qu'on pouvait craindre. Et pourtant, dans les crachats de
ces malades fourmillent les bacilles tuberculeux. Toutefois,
d'autres symptômes, qui contrastent avec ceux, si bruyants
et si alarmants que fournit l'auscultation, permettent à
l'avance de prédire que les choses vont tourner mieux
qu'on le pense ; c'est, d'une part, une atteinte relative-
ment minime de l'état général, et d'autre part l'élévation
thermique modérée oscillant seulement autour de la ligne
de 38°.
D'autres fois encore, c'est à distance que se font ces
poussées congestives pseudo-cavitaires ; il peut même arri-
ver que, la lésion principale siégeant à un sommet, l'atta-
que hyperhémique se fasse dans la zone moyenne ou basse
du poumon opposé. Ces faits ont d'ailleurs été parfaite-
ment décrits par Sabourin (1) sous le nom de congestion
paradoxale chez les phtisiques.
Qu'est-ce qui règle la marche de ces formes ulcéro-
(1) Sabourin. La congestion paradoxale des
poumons chez les phti-
siques. Journal des Praticiens,. 7.mars 1908.
FORMES CLINIQUES 117

câséeuses et les fait tellement différer dans leur évolution


clinique ? Est-ce parce qu'elles se développent sur des
terrains différents ? Est-ce une question de volume d'expec-
toration, de présence de bacilles dans les crachats, de viru-
lence microbienne ?
Ce n'est rien de tout cela ; les sujets sont touchés par la
-
même tare arthritique et par le même envahissement bacil-
laire ; ils ont la même abondance de germes dans l'expec-
toration. Ce qui règle le pronostic, c'est toujours et uniquement
.le degré d'intoxication arthritique et de lésion organique du
foie et de l'estomac. Si le malade en est encore à la phase
d'hyperfonctionnement viscéral, avec un foie gros, dou-
loureux, si son appétit et sa tolérance gastrique sont suffi-
sants, si ses réactions cellulaires ne sont donc pas encore
totalement amoindries, il pourra, malgré ces poussées fan-
tâstiques, qui précisément sont la preuve de réactions dé-
fensives encore présentes, venir à bout de son mal et réta-
blir un équilibre, bien instable, mais suffisant à entretenir
l'évolution non brusquée et lentement progressive du mal.
Si, par contre, l'arthritique est épuisé, si son foie est atteint
d'âplasie par usure trop prononcée, il sera, à cause de la dé-
faillance achevée de cet organe, mis rapidement hors
de combat. Et de fait, de tels malades qui évoluent si
vite vers la cachexie, sont des sujetsàfoie peu ou pas hyper-
trophié, peu ou pas sensible, dont le fonctionnement gas-
trique est irrémédiablement compromis, qui ne tolèrent
plus aucun aliment, dont la glande hépatique se refuse à
rien métaboliser, et qui s'aggravent à n'importe quelle
cure hygiéno-diététique ou médicamenteuse. La source de
vie est tarie chez eux ; la nécrose est au coeur de l'arbre
(appareil gâstro-hépatique) ; la mousse qui l'envahit par
ailleurs (bacille de Koch) n'est qu'un parasite qui achève
une ruine en grande partie consommée.
A propos de ces formes ulcéro-câséeuses, il est bon de
118 ÉTUDE CLINIQUE

rappeler qu'en auscultant, ces malades, il ne faut jamais


négliger de les faire tousser. Certaines excavations pas-
seraient tout à fait inaperçues à la simple auscultation,
dont les bruits amphoriques éclatent à la secousse vibra-
toire. Parfois encore, la position couchée laisse un doute sur
l'étendue des lésions, que l'auscultation de la toux en po-
sition assise, permet de préciser. Dans tous les cas enfin,
où l'on conserve le moindre doute sur l'état réel des organes
profonds, il faut, suivant la recommand ation de mon ex-
cellent maître M. Troisier, ausculter en pratiquant en
même temps la succussion thorâcique ; on évite ainsi d'i-
gnorer la présence de certains hydro-pneumothorax ou de
volumineuses cavités silencieuses.

FORME SPLÉNO-PNEUMONIQUE DE GRANCHER

Il est une dernière forme d'abord congestive, puis pseudo-


pleurétique, pseudo-cavitaire ensuite, aboutissant enfin,
très souvent, à la fonte cavitaire véritable, qui siège ailleurs
qu'au sommet, qui se fixe d'ordinaire vers la zone moyenne
de la partie postérieure d'un poumon, dont l'évolution
passe par les quatre stades ci-dessus si elle se fait complète
ou bien tourne court à l'un des trois premiers, sans aboutir
à la désintégration organique.
Cette forme, si elle n'est pas extraordinairement fré-
quente, mérite pourtant qu'on s'y arrête, car elle est or-
dinairement méconnue dans sa genèse et son évolution
exactes et prête de plus à quelques erreurs diagnostiques ;
car on la confond, trop souvent, avec la congestion simple,
la pleurésie avec épanchement, ou la pneumonie caséeuse.
Appelée spléno-pneumonie par Jofîroy (1), cette affection
fut surtout isolée et décrite par Grancher (2), et ensuite, par
(1) Joffroy. Thèse agrégation, 1880.
(2) Grancher. Société Médicale des Hôpitaux, 1883. — Maladies de
l'appareil respiratoire.
FORMES CLINIQUES 119

son élève, le D Queyrat (1), qui en fit une étude complète


1'

et minutieuse. Puis, Bourdel (2), Mlle Brandhendler (3),


Caussadê (4), Ducatillon (5), entre autres, reprirent et
confirmèrent les données de Grancher et Queyrat,
Dans les services de tuberculeux, On est appelé à ren-
contrer assez souvent cette forme spléno-pneumonique,
puisque sur 500 femmes tuberculeuses, observées ici, dans
le service que M. le Dr René Marie, médecin en chef des
services hospitaliers de Brévânnes, m'a fait l'honneur de me
confier, il m'a été permis d'en relever quatorze cas et,
qu'ainsi, la moyenne de trois polir cent nesemble pas exa-
gérée, si l'on considère d'une part, avec Queyrat, que l'af-
fection serait plus fréquente chez les hommes et d'autre
part, que seuls, les tuberculeux encore valides sont envoyés
dans le service de. mon maître, le Dr Marie, à Brévânnes.
Les particularités cliniques de cette forme sont les sui-
vantes : d'ordinaire, elle ne débute pas brusquement ; pré-
cédée par des malaises généraux, par des signes assez vagues
du côté de l'arbre respiratoire, coryza léger, toux, rhume,
que l'on qualifie grippe, elle s'installe peu à peu. Souvent
même, avant de se fixer à leur point définitif et maximum,
les phénomènes çongestifs se manifestent par des zones de
râles mobiles, fugaces, allant d'un côté à l'autre. Finale-
ment, le foyer devient stable ; il s'est fait une fièvre assez
vive les premiers jours, autour de 39°, puis la température
baisse et va osciller entre 37° et 38° ; le point de côté a été
très modéré et la gêne de la base thoracîque est un peu
diffuse.
Examinant de plus près la zone congestionnée, on cons-

(1) Queyrat. Revue de Médecine, 1885. -=• Gazette des Hôpitaux,


rfi 70, 1892.
(2) Bourdêl, Thèse, 1886.
(3) Mlle Brandhendler. Thèse, 1890.
(4) Caussadê. Société Médicale des Hôpitaux, n° 10,1899.
(5) Ducatillon. Thèse, Lille, 1898.
120 ÉTUDE CLINIQUE

tate de la matité fort nette, de la diminution des vibrations


thoraciques tout à fait à la base, de l'augmentation
des vibrations à la partie moyenne, en plein foyer,
et à l'auscultation, un souffle à timbre pleurétique un
aigre (Queyrat) puis de l'égophonie et de la
peu « »
pectoriloquie aphone typiques. Croyant alors à une pleu-
résie, presque toujours, on complète l'examen par une ponc-
tion exploratrice qui, neuf fois sur dix ne ramène rien. La
ponction blanche, la pleurésie bloquée (Mosny) viennent à
l'esprit ; on recommence, on met deux aiguilles : toujours
rien. Comme le malade ne paraît pas autrement souffrir de
son épanchement, les choses en restent là. A un examen
ultérieur, si on est tenté de renouveler l'exploration, on
aboutit toujours aux mêmes résultats négatifs.
Si pourtant, on avait poussé l'examen du malade plus
loin, si surtout, on l'avait fait tousser en l'auscultant, on
aurait ainsi obtenu dans ces formes au début, l'éclatement
de bouffées de râles fins au timbre déjà mouillé et parfois
même cavernuleux, qui auraient donné l'éveil. D'autre
part, le signedu cordeau de Pitres (Queyrat) qui donne une
déviation sternale dans la pleurésie, n'en donne plus ici,
et enfin, si le foj^er siégeait à gauche, la constatation de la
parfaite sonorité de la zone de Traube aurait de suite fixé
le diagnostic.
A un stade plus avancé, quand les bruits liquidiens sont
énormes, même à la respiration, la confusion avec la pleu-
résie n'est plus possible. On tombe alors sur un souffle à
timbre caverneux, mêlé à de très gros râles sous crépitants,
qui s'entendent sur une zone toujours bien tranchée. Le
foyer s'est cantonné sur la ligne scapulaire, dans un espace
quadrangulaire mesurant environ dix centimètres en tous
sens, parfois plus large que haut et filant vers l'aisselle,
partant habituellement de la pointe de l'omoplate en haut,
ne s'étendant pas jusqu'à la base pulmonaire, mais laissant
FORMES CLINIQUES 121

au-dessous de lui un espace relativement indemne, sans


souffle, sans égophoiiie, où on constate seulement une forte
diminution du murmure vésiculaire et de la matité.
Ce foyer n'est jamais fait de l'extension de lésions ulcé-
rées du sommet correspondant qui, dans l'immense majo-
rité des cas, reste presque indemne. Quand, à ce moment,
on pratique une ponction exploratrice, il est toujours excep-
tionnel d'obtenir du liquide ; si on en rencontre, il est très
peu abondant, habituellement sanguinolent et traduit une
légère participation inflammatoire secondaire de la plèvre.
Ce qui, d'autre part, reste fort déroutant, et a contribué
au début à égarer le diagnostic vers la pleurésie, c'est l'ex-
trême modération des réactions fonctionnelles et générales.
Les malades toussent peu Ou pas. Ils sont très longtemps
saiis rejeter la moindre expectoration, jamais ils ne font
-d'hémoptysies ou même de crachats rouilles. Si, la maladie
progressant, ils se mettent enfin à cracher, il faut, bien
souvent, que plusieurs semaines ou mois s'écoulent avant
que les bacilles tuberculeux apparaissent dans l'expecto-
ration.
L'état général, d'autre part, n'est jamais touché en pro-
portion des lésions à grand fracas que l'on observe locale-
.ment et la température reste étrangement discordante avec
la gravité des signes pulmonaires, puisqu'elle ne dépasse
guère la ligne de 38°.
Si l'on recherche par ailleurs, des lésions bacillaires con-
comitantes., on trouve toujours une épine tuberculeuse au
sommet droit, caractérisée par des signes d'infiltration ou
de sclérose des plus évidents, mais très rarement des lésions
ulcérées. Cette localisation droite habituelle a son explica-
tion dans ce fait, qu'invariablement, les tuberculeux qui
ont une spléno-pneumonie présentent le syndrome d'hypo-
systôlie arthritique bien caractérisé. .
. -

Dans les deux tiers des cas, la spléno-pneumonie se fixe


122 ÉTUDE CLINIQUE

le poumon gauche et cette préférence paraît tenir à ce


sur
le poumon droit, toujours engorgé de très.longue
que
date chez ces malades, par la compression de l'oreillette
droite sur les veines pulmonaires, est le siège de réactions
sclérosantes, qui se prêtent bien plus difficilement aux
expansions oedémateuses et congestives de la spléno-
pneumonie.
Comment évolue cette affection hyperhémique ? Pas-
sant d'abord par le stade pseudo-pleurétique, il arrive bien
souvent qu'elle ne le dépasse pas, disparaît un beau jour
et laisse un reliquat qui s'atténue peu à peu. Habituelle-
ment, cette disparition ne va pas sans oscillations, les re-
tours offensifs ne sont pas rares, et il ne faut pas trop vite
crier victoire.
Même si elle atteint le degré pseudo-cavitaire, la ma-
ladie peut après un mois ou deux présenter la même évolu-
tion régressive très lente et mouvementée. Mais dès
qu'elle persiste au-delà de quelques mois, et, a fortiori, dès
que l'expectoration s'est chargée de bacilles tuberculeux,
le tableau change. Le foyer a fait point d'appel à l'infec-
tion ; sur ce lieu de moindre résistance, le bacille de Koch
s'est localisé, a cultivé, et maintenant c'est la tuberculose
qui prend la première place là où tout à l'heure, il n'y
avait qu'un foyer d'ordre purement congestif et toxique.
A ce moment, le retour en arrière reste encore possible,
quoique bien plus difficile. On peut, en effet, arriver à
déblayer assez vite le pourtour du foyer tuberculeux ainsi
créé, mais, pour cicatriser la lésion bacillaire elle-même, il
faudra des mois et souvent des années.
Cette métamorphose de la spléno-pneumonie
en lésion
tuberculeuse n'a rien qui doive surprendre, bien qu'au
début, elle ne soit certainement
pas due au bacille de
Koch, parce que,
nous l'avons vu, tous les individus por-
teurs de cette forme d'inflammation hyperhémique pré-
FORMES CLINIQUES 123

sentent une localisation tuberculeuse du sommet droit,


qui, bien que non uleérée d'Ordinaire, n'en est pas moins
des plus nettes, et parce que tous également, réagissent à
la tuberculine. L'évolution ultérieure de malades qui se
sont tirés d'une première atteinte montre, de plus, quand
on peut les suivre assez longtemps, qu'un jour ou l'autre,
les manifestations pulmonaires reprendront, orientées caté-
goriquement cette fois, vers l'évolution tuberculeuse.
Bourdel (1) avait déjà pressenti cette terminaison. « La
spléno-pneumonie, écrit-il, semble d'un pronostic très sé-
rieux pour l'avenir et certains cas paraissent indiquer
qu'elle est, dans bien des cas, liée à la diathèse tubercu-
leuse. Malheureusement les données ne sont pas encore
assez nombreuses, les malades n'ont pu être assez long-
temps suivis, pour qu'on puisse établir d'une façon évi-
dente ce point important de son histoire. Néanmoins, nous
croyons avec MM. Landouzy et Queyrat que bien souvent
on pourrait incriminer la tuberculose. »
En fait, Cette prédisposition qu'ont les malades spléno-
pneumôniques à verser dans la tuberculose n'a rien d'in-
solite, car c'est toujours chez des arthritiques indiscu-
tables, gravement intoxiqués par la diathèse, que j'ai vu les
spléno-pneumonies se déclarer et la complication tubercu-
leuse se surajouter.
Grahcher (2) avait déjà écrit : « Le rhumatisme, l'al-
buminurie, le diabète se sont rencontrés chez quelques
malades et Ont eu vraisemblablement une part d'action
dans la détermination morbide sur le poumon et dans la
physionomie qu'elle a revêtue». Toute une série de lésions
pulmonaires pseudo-pleurétiques,pseudo-cavitaîres,ayant
tous les caractères cliniques et anatomo-pathologiques de
la splériô'pneumonié a été relevée, d'autre part, au cours de
(1) Bourdel. Thèse, p. 113.
(2) Graïichér. Maladies <h l'appareil respiratoire, p. 507.
^24 ÉTUDE CLINIQUE

cardiopathies d'origine rhumatismale chez les enfants, par


Marfan (1), Hutihel (2), Barthélémy (3).
Je n'ignore pas que dans bon nombre d'observations
publiées, on a consigné l'absence d'antécédents morbides
notables et l'aspect floride des malades qui étaient robus- ce

tes et bien musclés ». Cette excellente allure générale, à


laquelle on se laisse prendre trop souvent, n'est d'ordinaire,
nous le savons, qu'une réaction hyperfonctionnelle d'un
organisme arthritique qui, par une surabondance vitale,
s'adapte au surmenage alimentaire qu'on lui a imposé.
Bien certainement, en les cherchant davantage, on aurait
retrouvé chez eux les manifestations typiques de petit
arthritisme. Même pour leurs antécédents héréditaires, les
malades sont de piètres observateurs. Que leurs parents
aient durant leur vie entière, souffert de migraines^ de dys-
pepsies, d'entérite, d'obésité, de pléthore, de douleurs, de
lésions eczémateuses ou urticariennes, etc., ils ne vous le
feront noter que si vous le leur demandez, estimant que ce
-sont là misères courantes, dénuées d'intérêt, et que seules
comptent les maladies qui vous tiennent longuement alités
ou vous font mourir. Aussi, faut-il leur énumérer avec
minutie, les diverses manifestations de la diathèse, petites
et grandes, et les rechercher avec eux chez leurs proches ;
on est étonné alors de voir surgir la collection complète des
symptômes de l'intoxication hyperacide, là oùtout-à-1'heure,
le malade ne trouvait rien à vous signaler." En les interro-
geant ainsi, chaque fois, je le répète, j'ai pu retrouver chez
ces malades la filiation arthritique héréditaire, le petit ar-
thritisme personnel et l'alimentation excessive, erronée ou
toxique, à l'origine des méfaits.
(1) Marfan. De la péricardile chez l'enfant. Bulletin Médical, 1893,
p- 123. ,
(2) Hutinel. Le poumon dans les cardiopathies de l'enfance. Presse
.

Médicale, 26 octobre 1910.


(3) Barthélémy. Thèse, Paris, 191.0.
FORMES CLINIQUES 125

La bactériologie qui montre l'absence très fréquente de


tout germe microbien dans les expectorations même abon-
dantes du début (Queyrat, Chantemesse) ou quelquefois
la présence de germes banaux, puis sur le tard seulement,
l'apparition des bacilles tuberculeux, vient aussi témoigner
en faveur d'une réaction organique initiale toxique et. non
infectieuse, sur laquelle, secondairement, dans les formes
prolongées, se greffent de véritables infections dont la tuber-
culose est la principale.
L'anâtomie pathologique des spléno-pneumonies nous
offre, d'autre part, toutes les lésions caractéristiques des
inflammations scléro-congestives de Farthritisme. «Lasplé-
no-pneumonie, écrit Grancher (1), est constituée par trois
éléments : la congestion, la desquamation épithéliale, la
sclérose, qui peuvent s'associer dans des proportions diver-
ses et donner naissance à des variétés qui ne sauraient tou-
tefois prévaloir contre le type. » « Ce qui domine, écrit Quey-
rat (2), c'est la congestion... on pourrait étiqueter ces cas :
sclérose, anthracose et atélectasie pulmonaire avec conges-
tion considérable. »
L'évolution clinique, si remarquable par la brutalité des
réactions locales, disproportionnée à l'atteinte générale, les
alternances soudaines, les récidives .imprévues et faciles, la
modération des signes fébriles, n'est-elle pas pathognomû-
nique de l'origine arthritique de. telles manifestations. « A
plusieurs reprises, écrit Grancher, on voit alterner les.signes.
classiques de la pleurésie et de la congestion pulmonaire, qui
se succèdent du jour au lendemain, dans de telles conditions,
qu'il est impossible d'admettre une apparition ou une dispa-
rition aussi subite d'un épanchement pleural. »
D'autre part, dans tous les cas que j'ai pu observer, j'ai
.constamment retrouvé, non seulement le.syndrome hypo-
'' (1) Grancher. Maladies de l'appareil respiratoire, pp. 271 et 275.
{2) Queyrat. Gazette des Hôpitaux, 1892.
126 ÉTUDE CLINIQUE

systolique arthritique tel que je viens de le décrire, mais aussi


satellite invariable, le syndrome de décalcification décrit
son
par Ferrier, sur lequel je reviendrai plus loin et qui, à eux
deux, achèvent d'identifier la diathèse hyperacide à la fois
infectante et décalcifiante.
La thérapeutique enfin, dans tous les cas, constitue
une pierre de touche qui entraîne la conviction sur l'origine
diathésique des foyers spléno-pneumoniques. La disparition
rapide des foyers, pris au début, par suite de l'application
de restrictions diététiques appropriées, la réapparition des
signes pulmonaires et de la fièvre sous l'influence des écarts
alimentaires, comme on pourra s'en rendre compte sur deux
courbes publiées plus loin dans une observation, l'aggra-
vation par l'alimentation carnée ou excessive et par l'aug-
mentation exagérée du poids, sont autant de constatations
habituelles, qui dénotent bien la nature diathésique de
l'affection.
Dans les formes plus accentuées, quand la greffe tubercu-
leuse est accomplie, un peu avant que les bacilles apparais-
sent dans les crachats, et a fortiori, quand ils sont présents,
les résultats thérapeutiques sont moins soudains. Très vite,
on arrive à déblayer les trois quarts du foyer, à Je dépouiller
de son écorce congestive arthritique, par l'application de la
diététique antidiathésique, mais il reste au centre le noyau
tuberculeux ramolli, maintenant isolé, réduit à ses propor-
tions réelles qui, lui, demanderapours'éteindre en entier, une
longue persévérance dans les mesures restrictives et lais-
sera, après son extinction, une zone d'obscurité respiratoire
et de froissements pleuraux longtemps persistante.
Le diagnostic s'établira de la façon suivante. Au début,
la confusion peut se faire avec les congestions pulmonaires
(Potain, Woillez), mais celles-ci sont d'évolution plus rapide,
plus franche, s'accompagnant la plupart du temps d'expec-
toration rouillée ou sanguinolente et de souffle doux, tan-
FORMES CLINIQUES 127
dis que la spléno-pneumonie a un souffle assez rude, traîne
et ne provoque guère d'expectoration.
Cliniquenient même, cette absence d'expectoration coïn-
cidant avec une localisation congestive exacerbée, permet
de considérer la lésion comme une hémoptysie rentrée.
Plus tard, c'est avec la pleurésie avec épanchement que
la distinction doit s'opérer. « Et c'est le côté curieux de
cette maladie, écrit Grancher, qu'elle puisse par une certaine
condensation d'un solide, le tissu pulmonaire, simuler si
parfaitement la présence d'un liquide, épanchement pleu-
ral, que tous les médecins s'y sont trompés longtemps, et
moi tout le premier ; car j'ai fait, comme tout le monde,
des ponctions blanches. » Les signes pathognomoniques,
nous le redisons, sont : les râles que provoque la toux en
pleine zone soufflante, la conservation de l'espace de
Traube et le signe du cordeau de Pitres (Queyrat).
Quand les râles sont devenus énormes, on pense d'habi-
tude à un bloc ramolli de la base, à une pneumonie caséeuse ;
le malade est abandonné à ce sombre diagnostic et ce n'est
qu'au cours d'une révision qu'on s'étonne de retrouver ces
signes aigus non modifiés, un état général toujours peu
atteint, et qu'on est ainsi amené à une réforme du diagnos-
tic Pourtant, en y regardant de plus près, on peut, dès
le début, noter que les pneumonies câséeuses donnent une
élévation thermique très prononcée, une expectoration
abondante, bacillifère d'une façon précoce, et une cachexie,
toujours évidente.
Le pronostic varie suivant que l'affection est prise au
4ébut ou à sa période d'élimination bacillaire, et beaucoup
aussi, suivant la gravité de l'intoxication arthritique du
sujet.
Purement arthritique d'abord, la lésion cède vite et
guérit pour ainsi dire seule, tout au moins momentanément,
si l'atteinte diathésique est minime, si rien ne vient se gref-
128 ETUDE CLINIQUE

fer sur le foyer congestif. Plus tard, des causes secondaires


peuvent entretenir la pérennité de la réaction pulmonaire
ou l'aggraver, que ces causes soient .toxiques comme dans
l'albuminurie, le diabète, ou infectieuses (bacilles d'Eberth,
pneumocoque). Là encore, la spléno-pneumonie durera ce
que dure l'irritation qui l'engendre, c'est-à-dire, la courte
période de virulence de ces deux germes, et la guérison, un
peu retardée, ne s'en fera pas moins.
Mais, dès que la lésion dépasse six semaines, sans amélio-
ration, si elle n'est pas entretenue par une albuminurie, par
exemple, si au contraire, elle progresse et que les râles
entendus à.la respiration sans toux, succèdent aux signes
pseudo-pleurétiques, il faut se méfier, neuf fois sur dix, la
greffe tuberculeuse s'accomplit.
« Le pronostic immédiat, écrit Grancher, est donc favo-
rable. Reste le pronostic de l'avenir : à ce point de vue, il
faut faire des réserves, car fréquemment, ainsi que nous le
verrons au chapitre de Fétiologie, la spléno-pneumonie se
montre chez des tuberculeux avérés ou des suspects de
tuberculose. ».
. .
La complication bacillaire avec noyau caséine se recon-
naît avant, toute expectoration bacillifère, à la plus grande
résistance des foyers au traitement antiarthritique. On les
atténue, en grande partie, mais le no3rau tuberculeux ne
rétrocédera que.peu à peu, proportionnellement au relè-
vement progressif de l'état défensif naturel du terrain.
Quand les bacilles apparaissent, il arrive bien souvent que
la fièvre, modérée jusque-là repart, et" qu'alors le malade,
usé, succombe assez vite à l'infection tuberculeuse, passée
en première ligne.
.
Le traitement, que la greffe tuberculeuse soit soupçonnée
ou manifeste, sera le même et. ne s'écartera en rien des
données générales que
nous établirons "dans les chapitres
-suivants..Bourdel émet à.ce propos dés idées fort, justes :
FORMES CLINIQUES 129

«dans une affection où, si elle n'est pas tout, la congestion


joue certainement le plus grand rôle, c'est avant tout sur
l'élément congestif qu'il faut agir, non seulement au début,
afin de l'atténuer, mais encore à la période d'état si pro-
longée pour hâter la disparition. » Il préconise ensuite les
moyens décongestifs habituels, s'élève, très logiquement,
contre l'usage de l'opium qui congestionné le poumon,
fatigue l'estômaç, et prescrit la gymnastique respiratoire.
En résumé, on peut donc dire que la spléno-pneumonie
n'est qu'une congestion pulmonaire d'origine arthritique, qui
doit son allure un peu insolite et déconcertante, sa durée
anormale et sa ténacité inaccoutumée, à ce fait que les
malades n'ont pas d'expectoration sanglante et font leurs
hémorragies, interstitielles, dans leur poumon. Sur ces Zé-
sions d'hémoptysie rentrée, se greffent très facilement et bien
souvent, à la faveur de l'acidité plasmatique du terrain, des
bacilles tuberculeux qui y évoluent ensuite pour leur propre
compte.

LES FORMES HEMÔPTOÏQUES. — LES HÉMOPTYSIES.

Eliminant d'abord les hémoptysies par processus ulcé-


reux aigu ou par rupture d'un anévrisme cavitaire dans la
période ultime, qui n'ont rien à voir, directement du moins,
avec le terrain arthritique, nous ne nous occuperons que
des hémoptysies survenant au cours de l'évolution bacil-
laire chronique. Celles-ci, la plupart du temps, ne se pro-
duisent que chez des sujets arthritiques, et représentent
bien plus des réactions défensives contre la pléthore, que
des manifestations progressives de l'infection bacillaire.
Le trop plein cardiô-vasculaire s'accentue là où une épine
infectieuse ou toxique forme appel, et c'est sur ce point, à
la fois encombré et faible, que se fait la rupture.
Habituellement, surtout chez les tuberculeux éréthiques,
9
130 ETUDE CLINIQUE

proie aux hémoptysies successives, le crachement de


en
sang est annoncé par des signes prémonitoires faciles à
dépister, qui ont, par conséquent, une certaine valeur pour
la thérapeutique préventive. C'est souvent une augmenta-
tion trop rapide ou trop accentuée du poids, succédant à la
haïsse engendrée par le repos alimentaire forcé de la der-
nière crise hémoptoïque ; ce sont parfois des signes de con-
gestion hépatique: diminution de l'appétit, sensibilité du
creux épigastrique, réapparition d'hémorroïdes ; ou bien
des signes de toxémie, d'ordre intestinal : constipation avec
migraines ; fréquemment, des phénomènes congestifs géné-
raux précèdent l'hémoptysie : épistaxis, bouffées de cha-
leur, congestion céphaiique, stries de sang dans le mucus
nasal ou les crachats, goût de sang dans la bouche. Certains
malades, meilleurs observateurs que d'autres, savent très
bien reconnaître ces symptômes avant-coureurs, et, d'eux-
mêmes, parent l'orage qui s'approche en se purgeant et en
restreignant leur alimentation. Sinon, l'hémoptysie éclate,
plus ou moins dramatique, plus ou moins répétée, isolée
rarement, revenant quelquefois par longues séries, dont la
cause semble mystérieuse et le traitement problématique.
Dans nombre de cas, l'hémoptysie constitue le signe pré-
dominant de l'affection et justifie le ralliement des autres
signes cliniques à ce syndrome,, qui force seul l'attention.
Bard (1), Sabourin (2), Bezançon et I. de Jong (3), Bil-
lard (4), entre autres, ont donné des descriptions de ces
formes hémoptoïques.
Pour les grouper en clinique, il n'y a guère que leur évo-
lution pronostique qui puisse servir de base. Car, il est
(1) Bard. Formes cliniques de la Tuberculose pulmonaire, Congrès de
Médecine, 1898.
(2) Sabourin. Les hémoptysies d'origine alimentaire. Journal des
Praticiens, 15 août 1903.
(3) Bezançon et I. de Jong. Formes cliniques
i^. La Tuberculose infantile, 1909.
(4) Billard. Tuberculose hémoptoïque. Thèse
des hémoptysies tuber-
" '
1903,
FORMÉS CLINIQUES 131

assez fréquent de rencontrer chez des individus ayant les


mêmes particularités d'aspect, de poids, de profondeur de
lésions, les modalités cliniques et pronostiques les plus dis-
parates.
Il y a donc, d'une part, des hémoptysies non aggravantes,
qui peuvent se répéter à des intervalles assez rapprochés,
6 à 10 jours par exemple^ mais qui n'ont pas la réitération
précipitée des hémoptysies bi-quotidiennes plus sérieuses.
Elles s'observent, en général, chez des arthritiques présen-
tant un certain embonpoint, ayant l'aspect flôride classi-
que, le visage coloré et qui, fort longtemps, supportent sans
grands dommages leur foyer bacillaire. Toujours, ils ont
une grosse tare hépatique que la vive douleur épigastrique
met en vedette ; parfois ce sont des emphysémateux. Ces
hémoptysies répétées les arrêtent peu, n'aggravent guère
leur minime lésion bacillaire, et n'entraînent pas à leur
suite d'expectoration bacillifère.
Par contre, il est des hémoptysies aggravantes, récidi-
vant avec une facilité et une rapidité déconcertantes, ve-
nant par longues séries biquotidiennes et qui se retrouvent
surtout chez des tuberculeux ayant des lésions ulcérées.
Ces individus qui peuvent être maigres ou gras, d'apparence
non congestive ou pléthorique, ont, d'Ordinaire, des cra-
chats bacillifères ; à chaque série hémoptoïque ils aggra-
vent leur lésion bacillaire, font des signes congestifs pseu-
do-cavitaires qui rétrocèdent, une fois la poussée terminée,
mais dont le foyer tuberculeux central s'étend progressi-
vement.
Quand je dis qu'une hémoptysie est aggravante ou non
aggravante, c'est une apparence, car elle n'est au fond qu'un
symptôme, qu'un épiphénomène ; elle est conséquence et
non cause. Elle dit simplement que la pléthore arthritique
s'accroît, et que l'intoxication gastro-hépatique progresse.
En réalité, il y a donc des malades plus ou moins touchés
132. ETUDE CLINIQUE

l'intoxication hyperacidè, et en même temps, plus ou


par
moins tarés du système cardio-vasculairequi, par suite, font
des formes hémoptôïques d'allures et de pronostic variables
avec l'intensité causale.
Quelle est en effet l'unique.raison de ces hémoptysies ?
Est-ce le froid, le chaud, l'humidité, l'état atmosphérique ?
Sont-ce les variations solaires, barométriques, thermomé-
triques, saisonnières, climatériques ? Rien de tout cela n'a
d'action efficiente sur la production des hémoptysies. Que
de telles conditions puissent, en certains cas, favoriser.
l'éclosion des accidents, c'est probable, mais jamais elles
n'y parviendront à elles seules. La seule cause nécessaire-,
et suffisante, c'est la lésion gastro-hépatique arthritique,
chez des sujets tarés en même temps du système circula-
toire, et nous avons vu qu'ils ne sont pas rares dans cet état
diathésique.
Aussi, toutes les causes qui aggraveront la lésion gastro-
hépatique deviendront des génératrices d'hémoptysies.
Seront du nombre : les médicaments dangereux pour l'ar-
thritique, tels que l'iode, l'iodure de potassium, la créo-
sote, le gaïacol, le cacodylate de soude," et surtout les erreurs
et les excès alimentaires. Médication mise à part, c'est d'or-
dinaire, la suralimentation ou simplement l'alimentation
mal choisie, qui engendre les hémoptysies, et je ne crains
pas d'affirmer que neuf sur dix des hémoptysies sont pro-.
voquées par l'intervention médicale, ou par la désobéis-
sance des malades aux mesures de prudence alimentaire et
médicamenteuse. Prescrire comme on le fait habituellement
des stimulants énergiques, des antiseptiques brutaux, des
aliments toxiques, des régimes excessifs, de la viande crue,
des vins généreux, du sucre et des graisses
en excès, c'est
se faire, inconsciemment, l'agent provocateur de la plu-
part des aggravations hémoptôïques et, infectieuses des
tuberculeux.
-
FORMES CLINIQUES 133
Quand on n'ordonne ni viande crue, ni suralimentation
carnée, grasse ou sucrée ; quand on laisse les malades man-
ger bien à leur appétit, les mets qui conviennent à leur tem-
pérament et que nous déterminerons plus loin, quand on
espace'suffisamment les repas, les arthritiques congestifs
hémoptôïques peuvent, comme j'ai pu m'en assurer main-
tes et maintes fois en clientèle de ville, séjourner impuné-
ment au bord de la mer, en montagne, faire de la cure so-
laire, pratiquer la culture physique la plus intensive, sans
voir réapparaître un seul crachement de sang, dans les
lieux ou les circonstances qui, précédemment, avaient
favorisé l'apparition dé ces hémorragies.
Dans le service du sanatorium, où la viande crue et la
suralimentation ne sévissent pas, où les malades mangent
à leur appétit comme tout le monde, j'ai ainsi réduit le
nombre des hémoptysies à un strict minimum, puisque
dans l'année qui vient de s'écouler, sur près de 300 malades
qui ont fait des séjours variant de un à quatre mois, il ne
m'a été donné d'observer que le nombre infime de sept
hémoptysies. Et encore, il faut défalquer de ce total deux
hémoptysies apparues le jour de l'entrée et qui motivèrent
l'admission, et deux hémoptysies chez des cardiaques con-
gestives. Il reste donc trois hémoptysies seulement, survenues
en cours de traitement, en dehors de toute complication pré-
disposante,
Sabourin (1), l'expérimenté clinicien, a fait de la patho-
génie de ces hémoptysies une description excellente, mon-
trant bien, en présence du préjugé de l'alimentation carnée
« que les médecins ont tout fait pour
inculquer », la diffi-
culté de persuader aux malades que « les légumes, le pain
et l'eau servent à quelque chose dans l'alimentation de

(1) Sabourin. Les hémoptysies d'origine alimentaire chez les tuber-


culeux. Journal dés Praticiens, 15 août 1903.
La Tuberculose dans la pratique médico-chirurgicale* n° 1,1910.
134 ÉTUDE CLINIQUE

l'homme », et insistant sur ce fait que « l'hémoptysie s'arrête


sous l'influence de la diète, mais qu'après quelques jours
de repos, le malade revient plus ou moins vite à son alimen-
tation toxique, sous prétexte de réparer les forces et le sang
qu'il a perdus, et un beau matin, l'hémoptysie éclate à
nouveau ». Ailleurs, il écrit encore cette phrase si manifes-
tement confirmative : « Les tuberculeux bien dirigés, ne
font guère cette hémoptysie d'origine alimentaire et nous
savons qu'il faut rapporter à cette cause les trois quarts,
sinon plus, de tous les crachements de sang ».
TROISIÈME PARTIE

ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

CHAPITRE VII

LES ÉCHANGES NUTRITIFS DES TUBERCULEUX

a Rien ne prouve que le tuberculeux,


dans les moments d'arrêt de la maladie,
ait des besoins organiques supérieurs à
ceux de l'homme sain. Il suffira donc de
lui fournir une alimentation moyenne. »
M. LABBÉ(I).

Sur quoi s'est-on basé jusqu'ici, pour établir le régime


alimentaire du tuberculeux ? Sur deux faits, l'un clinique :
l'amaigrissement des malades ; l'autre expérimental : l'ac-
célération de la nutrition. On en a déduit que la phtisie était
une maladie de consomption, dans laquelle le malade, vic-
time de la suractivité de ses actes nutritifs, de ses pertes de
désassimilation, se brûle véritablement, et que pour com-
penser cette accélération nutritive et destructive, il fallait
augmenter sa ration, en un mot, recourir à la suralimen-
tation.
(1) Marcel Labbé. L'alimentation des tuberculeux. La Tuberculose
dansla pratique médico-chirurgicale, n° 6,1910.
136 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

L'opinion qui en résulte et qui est généralement admise


l'heure actuelle, c'est qu'il existe un terrain spécial, le
à
terrain tuberculisable, commun à tous les porteurs de lé-
sions bacillaires, sans distinction d'origine, et qui est carac-
térisé par l'accélération dés échanges nutritifs et la déminé-
ralisation. Toute la diététique, toute la thérapeutique médi-
camenteuse actuelle de la phtisie, découlent de ce dogme.
Les notions qui entrent dans son essence, sont-elles donc
intangibles, du fait d'un accord presque unanime, ou de
l'observation de faits cliniques indiscutables ? Assurément
non. De nombreuses discordances se sont déjà fait enten-
dre ; des cliniciens, des expérimentateurs, ont élevé la voix
pour contester cette généralisation à outrance.
Peut-être pourrait-on déjà tirer une conclusion de l'exa-
men des contradictions, et en déduire des notions plus justes
sur l'état de la nutrition du tuberculeux en général ; quitte
à voir ensuite, si elles sont applicables à tous les terrains sur
lesquels se fixe le bacille de Koch et particulièrement au
terrain arthritique.
Voyons d'abord le fait clinique : tous les tuberculeux mai-
grissent. En conclure qu'ils se consument, qu'ils brûlent
leurs réserves pour augmenter leur résistance vitale défen-
sive, peut paraître vraisemblable, mais demande pourtant
un examen plus approfondi. La perte des tissus ne peut-elle
être engendrée que par une accélération nutritive ? N'y
a-t-il pas dans la pathologie générale d'autre processus de
fonte organique plus plausible ? Voyons pour cela ce qui se
passe dans quelques infections chroniques. Un syphilitique
en première et seconde périodes maigrit ; un paludique ré-
cent, même délivré de ses grands accès, perd également du
poids. Dit-on que ces malades se consument ? Non ; à juste
titre, on les considère comme des infectés à nutrition dif-
ficile, déviée, plutôt ralentie, dont tous les
organes souf-
frent du fait de l'intoxication, et on ne voit dans cet amai-
ÉCHANGES NUTRITIFS DU TUBERCULEUX 137

grissement qu'un symptôme, une réaction défensive qui


traduit la souffrance cellulaire. Pourquoi ne pas raisonner
de même façon à propos des tuberculeux ?
Mais il y:a des faits expérimentaux qui paraissent offrir
une base plus solide à la théorie de la consomption. L'exa-
gération de la désassimilatlon azotée a été affirmée dans les
recherchés de Mircoli et Soleri (1), dé Mitulescu (2). Elle,
est également admise par Letulle et Pompilian (3), par
Laufer (4). Teissier (5) incrimine la déperdition phosphatée
comme cause prédisposante et en fait même un signe de
-prétuberculose. Enfin, c'est surtout A. Robin (6) et Binet,.
qui au cours de nombreuses communications, affirment l'ac-
célération des échanges respiratoires et la déminéralisation
des tuberculeux. Pour eux, chez 92 p. 100 des tuberculeux^
les échanges respiratoires sont augmentés de 25 à 80 p. 100 ;
d'autre part la déminéralisation est toujours facilement
décelée : le résidu minéral des phtisiques est moindre que
celui d'individus sains et la déminéralisation est plus élevée
au début qu'à la fin de la phtisie ; ils concluent qu'il y a
consomption au début et infection à la fin de l'évolution
bacillaire.
Le résultat de ces recherches fut vivement contesté par
de nombreux observateurs. Charrin et Tissot (7), dans le but
de les contrôler, firent des expériences sur le cobaye et lés
résument ainsi : « Les combustions intraorgâniques mesu-
rées par les échanges respiratoires ne subissent aucune aug-
mentation pendant le cours de la période expérimentale,
(1) Mircoli et Soleri. Berlin. Klin. Woch., 1902.
' (2) Mitulescu. Berlin. Klin. Woch., 1902.
(3) Letulle et Pompilian. Congrès international de la Tuberculose,.

1905.
(4) Laufer, Gazette des Hôpitaux, 18 décembre 1906.
(5) Teissier. Le diabète phosphaturique, Thèse, Paris, 1876.
(6) Robin. Congrès international de la Tuberculose, 1905.
(7) Charrin et Tissot. Congrès international delà Tuberculose 1905r
T. I, p. 240.
13g. ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

chez le cobaye. Elles subissent une diminution progressive


à partir du moment où les animaux maigrissent ». Puis,
contrôlant ce résultat expérimental sur l'homme tuber-
culeux, ils obtinrent des résultats concordants : « Les com-
bustions intraorgâniques, mesurées par les échanges respi>
ratoires, conservent leur valeur normale chez l'homme, au
début de la tuberculose pulmonaire et dans l'état de tuber-
culose confirmée ; la nature des combustions organiques
ne peut, en aucun cas, servir au diagnostic précoce de la
tuberculose ». Enfin, ils incriminent comme raison de con-
tradiction avec les résultats de Robin et Binet, la technique
et l'appareil complexe de ces auteurs. Kûss (1), de son côté,
confirme que chez l'homme tuberculeux les échanges respi-
ratoires ont une valeur normale. Marc Laffont (2) aboutit
aux mêmes conclusions. Dans son « Etude sur les échanges
nutritifs dans la Tuberculose »4 Lucet (3) montre qu'on a
exagéré la désassimilation azotée chez les tuberculeux.
Elle est inférieure à la normale au premier et au second de-
gré, et n'est augmentée qu'à la période cachectique, où
vraiment le malade se brûle lui-même. Etudiant « la nutri-
tion chez les lupiques » Brocq et Ayrignac (4) confirment
les recherches de Lucet sur les malades atteints de cette
même localisation tuberculeuse, ils trouvent les coefficients
d'oxydation de soufre et de l'azote inférieurs à la normale.
Par des recherches chimiques précises et longuement sui-
vies, Labbé et Vitry (5) ont démontré que le coefficient
d'azote réellement utilisable par les tuberculeux est assez
faible, qu'il ne subit pas de variations importantes' et ne
(1) Kiiss. Congrès international delà Tuberculose, 1905. T. I, 261,
p.
(2) Marc Lafîont. Congrès international de la Tuberculose, 1905.
T. I. p. 263.
(3) Lucet, Congrès international de la Tuberculose, 1905. T. I, 307.
(4) Brocq et Ayrignac. La nutrition chez les lupiques. Congrèsp.inter-
national de la Tuberculose, 1905.
TTT'P
nLabbé 6t Vitry- L'utilisation de l'azote chez les tuberculeux.
111 Congrès international de physiothérapie,
1910.
ÉCHANGES NUTRITIFS DU TUBERCULEUX 139

peut jamais être augmenté. Le tuberculeux ne peut donc


tirer aucun bénéfice d'une ration d'albumine supérieure à
ses capacités d'utilisation. Maure! (1) (de Toulouse) con-
firma eu tous points les résultats des expérimentations de
Labbé et Vitry et s'associa à leurs conclusions, concernant
le dosage de la quantité d'albumine dans la ration alimen-
taire des tuberculeux.
Les contradictions, chez ces observateurs d'égale bonne
foi, peuvent, il me semble, s'expliquer et doivent tenir à des
conditions expérimentales différentes. Tous, d'abord, ne se
servent pas des mêmes appareils; Charrin lui-même, a
opposé sa technique à celle de Robin et lui a imputé, pour
une certaine part, la discordance des résultats obtenus.
Mais surtout, tous n'ont pas assez tenu compte des varia-
tions de tempéraments, d'alimentation, d'état des fonctions
digestives des sujets mis en expérimentation. Les observa-
tions se sont faites en série ; on n'a tenu compte que de
l'infection bacillaire et insuffisamment du terrain sur lequel
elle évoluait.
Et pourtant, il est incontestable, que les échanges nutri-
tifs varieront d'un sujet normal à un sujet arthritique, d'un
dyspeptique à un tuberculeux digérant bien, d'un malade
en poussée évolutive à un autre en période d'accalmie.
Qu'un sujet soit suralimenté, ce qui est le fait baiial, et
qu'il fasse les frais de la suralimentation, ce qui se rencontre
assez souvent au début de l'application de ce procédé théra-
peutique, ses échanges seront trouvés accélérés. [Qu'un ar-
thritique encore peu épuisé soit observé .en période de tolé-
rance et d'hyperfonctionnement compensatif, il pourra,
mais très momentanément, avoir une augmentation de son
bilan nutritif. Qu'un malade soit en période d'incapacité
digestive suite de surmenage, ses échanges vont baisser.
Qu'un tuberculeux soit en poussée évolutive même légère,
(1) Maure!. IIIe Congrès de physiothérapie, 1910.
140 ETUDE THERAPEUTIQUE

le retentissement toxique va ralentir sa capacité vitale cel-


lulaire, et son métabolisme alimentaire s'en ressentira. En
somme, que de variations et de causes d'erreur, si l'on veut
s'ingénier, à chercher et à établir une formule unique de
jiutrition du tuberculeux en général !
Les résultats enregistrés par Ott (l),Desgrez etGuende(2)?
Barbier (3), apportent un appui expérimental à cette façon
d'envisager la question. L'alimentation phosphatée est
jiormale, comparable à celle des sujets sains pendant le
cours de la maladie, dit Ott, elle n'augmente que dans les
phases d'amaigrissement. Les éliminations sont normales
pendant la première et la deuxième périodes, affirment
Desgrez et Guende, elles ne s'exagèrent qu'à la période
cavitaire et cachectique. Barbier, étudiant chez les enfants
les éliminations urinaires, note des résultats contradictoires
mais parfaitement explicables, si l'on tient compte des
variations de capacité d'utilisation des sujets en expérience.
Il constate que les échanges paraissent s'accélérer chez les
enfants possédant un fonctionnement digestif régulier, et au
contraire, qu'ils sont très au-dessous de la normale, chez
ceux qui ont un mauvais état digestif ; fort justement, il en
déduit que.« on ne peut établir une formule unique, dite de

soient. »...
nutrition, applicable à tous les tuberculeux quels qu'ils

Cessons donc de généraliser et continuant l'étude de la


tuberculose des arthritiques, voyons une fois de plus, com-
ment se comportent les échanges du terrain arthritique
infecté par lé bacille de Koch. A la première période, à la
phase d'hyperfonctionnement, de débordement vital dû
à l'hypertrophie anatomique et fonctionnelle des cellules
(1) Ott. Path. Chemie der Tuberk. Berlin, 1903.
(2) Desgrez et Guende. Congrès international de la Tuberculose,
1905. T. I, p. 295.
(3) Barbier. Congrès international de la Tuberculose, II,
1905. T.
ÉCHANGES NUTRITIFS DU TUBERCULEUX 141
{lésions d'hépatite nodulaire), l'organisme, neuf pour ainsi
dire, est en état de faire face à un excès de travail ; du fait
de cette puissance vitale, indemne encore, le terrain reste
en excellent, état ; il n'y a pas place pour l'infection. A ce
moment, les échanges sont accélérés, c'est évident, mais
comme l'infection tuberculeuse n'est guère réalisable, nous
n'avons pas à tenir compte de cette constatation dans
l'étude de la nutrition du phtisique arthritique.
Quand plus tard, au stade d'alarme, les organes se ca-
brent, deviennent rétifs, sont au-dessous de leur tâche,
l'hypofonctionnemênt avec le ralentissement des échanges
apparaît par accès et peu à peu s'installe définitive-
ment. C'est à ce moment seul, que l'infection bacillaire est
possible. Voici l'arthritique, entré dans la période de fatigue
et d'usure organique avec le ralentissement nutritif carac-
téristique de son état, qui devient tuberculeux. Va-t-il de
ce fait modifier son mode de nutrition ? Son foie déjà bien
fatigué, va-t-il puiser un regain de vitalité au contact des
toxines. bacillaires ? Le prétendre serait vraiment illo-
gique. Jamais un cumul toxique ne p eut favoriser un fonc-
tionnement cellulaire et activer une nutrition. L'intoxiqué
arthritique, du fait qu'il devient tuberculeux, s'enrichit
d'une nouvelle intoxication, qui ne peut que léser davan-
tage ses organes de protection et accentuer son hypofonc-
tionnement. Voilà ce que répond la pathogénie. L'étude
clinique et expérimentale de ces mêmes malades, va con-,
firmer ces données.
L'arthritique a une capacité fonctionnelle du foie et de
l'estomac très amoindrie. Il ne digère et n'assimile parfai-
tement que certains aliments peu toxiques, peu concentrés
et pris en quantité modérée, juste équivalente à ses moyens
médiocres. A des organes digestifs qui fonctionnent en
veilleuse, il faut un travail approprié à leurs forces. Cet
appauvrissement de capacité vitale, amenant un amoin-
142 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

drissement dans le travail possible, se traduit nécessaire-


ment par des réactions générales diminuées. L'arthritique
grave arrivé à un stade accusé de ralentissement nutritif,
n'est-il pas toujours un hypothermique, dont la tempéra-
ture oscille entre 36,2 et 36,8, dont le pouls bat d'ordinaire
entre 60 et 70 pulsations, parfois même au-dessous de 60.
.
Et ces chiffres, qui peuvent paraître bas à des personnes
non prévenues, sont pourtant pour eux des moyennes, que
leur état d'équilibre ralenti oblige à considérer comme nor-
males, car dès qu'ils les dépassent, ils entrent en période
fébrile, avec tout le cortège des petits troubles qui l'accom-
pagne d'ordinaire. Les températures considérées comme les
normales d'un individu sain, sont des élévations subfébriles
dans l'arthritisme grave, même compliqué de tuberculose.
Mais ce qui prouve encore bien davantage ce ralentis-
sement nutritif, ce sont les données thérapeutiques qui
montrent, que prescrire à un tuberculeux arthritique, une-
ration alimentaire (variable en qualité et quantité selon son
degré d'intoxication) suffisante, sans plus, à son bilan nutri-
tif et à sa capacité fonctionnelle gastro-hépatique, c'est amener
à coup sûr une amélioration, à la fois de son arthritisme cau-<
sal, et de ses lésions tuberculeuses conséquentes, et certainement
une guérison, si l'un ou l'autre des deux facteurs morbides
n'a pas mis l'organisme hors de combat ; tandis qu'une forte
ration dite ration de surcroît, de suralimentation, supérieure
à son besoin nutritif actuel, et à son pouvoir de transformation
gastro-hépatique, restera toujours inassimilée, l'empoisonnera
par les produits de métabolisme imparfait et aggravera à la
fois son arthritisme et sa complication tuberculeuse. Et cer-
tainement, on sera fort surpris, quand, lisant les observa-
tions relatées plus loin, on verra les petites rations calori-
métriques et azotées, qui suffisent à la nutrition d'arthri-
tiques graves tuberculeux et grâce à la modicité desquel-
les seules ils purent guérir.
ÉCHANGES NUTRITIFS DU TUBERCULEUX 143

Les résultats publiés par Laufer (1), qui pourtant est un


partisan des fortes rations alimentaires chez les tuber-
culeux, corroborent cette opinion d'une façon éclatante.
« Nous avons observé, écrit-il, parmi nos malades en expé-
riences trois tuberculeux, dont un au premier degré et deux
au second degré qui engraissaient d'une façon merveilleuse,
puisque le premier de 61 kil. 800, avait atteint 68 kil. 300
en deux mois, et des deux autres, l'un était passé de 59 kilos
à 63 kilos en 34 jours, l'autre de 60 kil. 100 à 62 kilos en
21 jours et cela avec une alimentation comportant 2 gram-
mes à 2 gr. 25 en moyenne d'albuminoîdes par kilo. Et
cependant leur état, loin de s'améliorer, s'aggravait plutôt,
les forces diminuaient. Dans les deux derniers^cas, nous
avons recherché pendant cette période, à trois reprises,
l'azote excrété et nous l'avons trouvé en excédent sur
l'azote ingéré. De plus, dans les trois cas, nous avons, pen-
dant une semaine, augmenté de 0 gr. 25 par kilo (sous
forme dé viande) l'azote ingéré et l'état général ne s'amé-
liorait nullement. C'est alors que, prenant le parti contraire,
nous avons diminué jusqu'à 1 gr. 50 par kilo dans les deux
derniers cas, 1 gr. 25 dans le premier cas l'azote ingéré... et
nous avons pu observer ce phénomène intéressant, d'une
diminution de poids avec amélioration progressive des
symptômes. C'est ainsi que le premier malade, au bout de
48 jours de ce régime, était revenu à 63 kil. 450 ; le second,
au bout de 31 jours, était à 61 kil. 200, et le troisième en
40 jours à 60 kil. 500. En outre, pendant cette nouvelle pé-
riode, nous avons pu constater une légère épargne d'azote..
Comment expliquer ces faits ? Il s'agissait dans le premier
cas d'un arthritique, peut-être dyspeptique latent, et dans
les deux autres cas de dyspeptiques très apparents, puis-
qu'ils présentaient une sensibilité très marquée au creux
(1)-Laufer. Alimentation rationnelle des Tuberculeux. Congrès inter-
national delà Tuberculose, 1905. T. I, p." 646.
.
144 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

épicastrique, des renvois, quelquefois des vomissements,


de la rougeur de la face après les repas, etc. La modification
du réaime a permis, avec la diminution des aliments azotés,
d'amener une amélioration des troubles dyspeptiques, et,
par suite, une amélioration de l'état général.. L'engraisse-
ment qu'avaient accusé ces malades, était simplement pa-
thologique. Ces trois cas sont particulièrement intéressants,
car ils réalisent de véritables expériences de laboratoire
par la netteté des phénomènes qu'ils présentaient ou que
nous avons provoqués. »
J'ai tenu à reproduire dans son intégrité cette longue
citation, sans omettre aucun des moindres détails, qui
indiquent avec quelle parfaite et patiente minutie, Laufer
analyse ses observations, et qui, dans le débat actuel, ont
une énorme importance. N'est il pas remarquable en effet,
de relever dans l'étude symptomatique dé ces malades,
les petits signes de l'arthritisme, tels que je viens de les
•décrire, de les voir énumérés par ordre d'importance, rat-
tachés à cette « sensibilité très marquée du creux épigas-
trique » signe du « lobe d'alarme », signe qui est patho-
gnomonique de la congestion hépatique ?
Quant au fait de l'amélioration, obtenue par la baisse
de la ration azotée, il pourra étonner ceux dont" l'esprit
d'observation n'a pas été suffisamment attiré par la fré-
quence de la tuberculose par arthritisme, et surtout sur la
pathogénie de cette association morbide. Pour moi, dont
l'attention fut éveillée sur ces faits et qui, depuis plusieurs
années en poursuis l'étude, ces constatations, à force d'être
répétées sont devenues banales.
De l'examen critique de cette accumulation de faits cli-
niques et expérimentaux, il semble bien qu'on puisse, mal-
gré certaines contradictions, tirer des conclusions-
assez
précises et utiles.
11 y
a lieu d'abord d'établir une distinction bien
ÉCHANGES NUTRITIFS DU TUBERCULEUX 145
tranchée entre les éliminations azotées et minérales.
En ce qui concerne les échanges azotés, il est établi par des
faits cliniques indéniables, qu'en dehors des poussées évo-
lutives où la. dénutrition est compréhensible, en dehors des
régimes de suralimentation, où la désâssimilatiôn accrue est
-en proportion. de la nutrition augmentée, le tuberculeux
possède une formule d'échanges nutritifs équivalents à l'homme
sain, s'il n'est pas arthritique, et que même, s'il est touché par
cette diathèse, le ralentissement nutritif si caractéristique dé
ce terrain persiste, et même s'accroît du fait de la complica-
tion, bacillaire.
Pour ce qui est des déperditions minérales, il n'y a pas à
douter de leur accroissement. Personne n'a pu contester les
analyses de viscères, de tissus tuberculeux faites par. Robin
montrant leur faible teneur en sels minéraux, ni les ana-
lyses d'urines montrant les déperditions calciques. Et les
travaux.de Ferriêr, sur lesquels, je reviendrai plus. loin,
-achèvent de démontrer ces fuites.calciques et surtout, per-
mettent déjà d'entrevoir la raison véritable qui préside à
cette déminéralisation. Ces spoliations minérales relèvent
toutes d'un processus d'acidification humorale, de décalcifia
cation, bien plus que .d'uneexacerbation nutritive.
Loin d'être en état de surexcitation vitale, le tubercu-
leux qui doit son infection à un affaiblissement passager
.(convalescences, misère), ou continu (arthritisme), n'est,
plus ou moins, qu'un ralenti de la nutrition, à cause de son
épuisement organique momentané ou chronique..
Et s'il est nettement arthritique, non seulement il reste
plus ralenti que jamais, mais sa viciation métabolique.finit
par engendrer l'hyperacidité humorale avec sa conséquence
fatale : la décalcification par dégradation acide." Il ne.se
brûle pas, il se corrode.
Il y a donc lieu de ne pas confondre un processus, hypo-
thétique de fonte organique, par accélération des phéno-
10
146 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

mènes à la fois assimilateurs et désassimilateurs, avec là


dégradation minérale réelle, avec l'effritement calcaire qui
implique, au contraire, une viciation fonctionnelle et une
imperfection assimilatrice, commandée par Faplasie gas-
tro-hépatique, et aboutissant à la surproduction d'acides.
Il ne s'agit donc pas d'un redoublement vital, d'une sur-
abondance fonctionnelle, mais d'une tare métabolique, gé-
nératrice d'acides, en un mot d'arthritisme, qui détériore
les tissus par sa causticité humorale et provoque ainsi les
spoliations minérales.
A ne regarder que ces déperditions, sans relever la défec-
tuosité assimilatrice qui les engendre, on est tenté de con-
clure à une hypercombustion, là où il y a simplement disso-
lution.
Ce que l'on voit, en effet, en pénétrant plus avant dans
l'étude pathogénique, c'est l'impuissance assimilatrice,
Finutilisation d'ingesta trop abondants ou trop concentrés,,
qu'on retrouve, non modifiés, après la traversée gastro-in-
testinale; c'est la déviation métabolique, due à la fatigue
et à l'usure de la cellule gastro-hépatique, dont l'incapacité
fonctionnelle est à l'origine de tous les maux ; c'est l'im-
perfection digestive, génératrice d'acides qui, déversés à
flots sur tous les tissus vont dégrader les protoplasmes, lés
concentrations minérales, provoquer la dissolution de ces
sels et finalement l'expulsion, par les émonctoires naturels,,
de tous les matériaux arrachés à l'édifice.
Ce qu'il y a en réalité, c'est donc une viciation acidifiante
et par suite déminéralisante de la nutrition, et non une accé*
lération vitale consomptivè. Ce qu'on a en face de soi, ce n'est
pas un chimérique terrain tuberculisable du fait d'une exacer-
bation fonctionnelle, mais la diathèse arthritique à la fois
décalcifiante et infectante.
Dans l'immense majorité des cas, le tuberculeux n'est,
donc pas un accéléré de la nutrition, mais
un corrodé par-
ÉCHANGES NUTRITIFS DU TUBERCULEUX 147

acidité humorale ; ce qu'il lui faut, par conséquent, ce ne


sont pas des apports nutritifs supplémentaires, mais bien
des restrictions quantitatives, pour soulager ses organes
digestifs, et qualitatives pour libérer l'économie de ses
acides exogènes et endogènes.
La fuite parTémonctoire Ou encore, par comparaison, la
mauvaise odeur qui s'échappe du verre d'une lampe et
attire notre attention, ce n'est pas la lampe qui file parce
que la mèche est trop haute et brûle trop vite, mais c'est
la lampe qui charbonne parce que sa mèche, l'organe de
transformation, est usée, encrassée, pour avoir trop servi :
il n'y a pas accroissement mais imperfection de combustion.
Tout est là.
De même, la déperditionminérale qui donne l'éveil, n'est
pas le fait d'un surcroît de fonctionnement mais d'une dé-
gradation par l'imperfection métabolique que commande
l'usure gastro-hépatique.
Et Cet effritement calcaire par acidification n'est pas une
simple vue de l'esprit. Tout le prouve ; la pathogénie, en
montrant l'origine endogène des acides, la non neutralisa-
tion des acides exogènes, avec la création et l'entretien
consécutifs de la diathèse arthritique ; la clinique, avec tout
le cortège des troubles dénutritifs dus aux acides, et qu'a si
bien mis en lumière Ferrier : les lésions dentaires, la perte
de densité corporelle, la phosphâturie, l'hyperacidité de
toutes les sécrétions (salivaire, urinaire, intestinale). Les
spoliations calcaires, sur lesquelles je reviendrai, ne sont-
elles pas, justement, le fait capital de l'arthritisme ? Les
phosphaturies, les calculs, la gravelle et les sables urinaires,
les calculs et la boue biliaires, les calculs et les sables intes-
tinaux, les calculs salivaires, les concrétions calcaires bron-
chitiques, les tophus. cutanés, ne sont-ils pas autant de
preuves cliniques de ces mobilisations minérales par disso-
lution acide, et de ces expulsions en masse de sels qui en-
148 : ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

combrent les divers émonctoires des arthritiques ?. Les


analyses chimiques de Robin, qui établissent pour les tissus
pulmonaires et osseux des bacillaires, une déperdition mi-
nérale (phosphore, chaux, magnésie) qui peut atteindre
27 pour 100, achèvent d'établir la réalité de cette détério-
ration organique. Enfin, les effets remarquables, que. nous
exposerons bientôt, dé la. diététique non acide et anti-
àcidifiante, sans aide d'aucune reminéralisation médica-
menteuse, témoignent d'une façon définitive et irréfutable,
en faveur de la filiation pathogénique ainsi établie..
Il est bien évident, que cette conception nouvelle fait
prévoir des conséquences thérapeutiques que nous pou-
vons esquisser brièvement. ""

. -
D'abord, est-ce en ajoutant de l'huile dé plus en plus
lourde et riche en principes de combustion dans la lampe qui
charbonne, que nous pouvons songer à rétablir le fonction-
nement du bec et de la mèche usagée ? Il n'est pas besoin
d'insister, pour comprendre que nous allons ainsi entraver
de plus en plus, la transformation de l'huile, en énergie
éclairante et chauffante.
En d'autres termes, est-ce en fournissant des matériaux
plus abondants et plus concentrés à notre arthritique
tuberculeux, que nous pouvons améliorer son état nutritif,
enrayer ses déperditions et surtout remédier à sa taré gas-
tro-hépatique, qui résume tous ses troubles morbides. La
claire raison nous montre au contraire que tout surcroît
ou toute concentration alimentaire ne fera qu'aggraver
la fatigue et accélérer l'usure,, déjà notable, de l'organe
chargé des transformations chimiques (appareil gastro-
hépatique) tandis qu'en fournissant des éléments nutritifs
appropriés en quantité et en qualité à son amoindrisse-
ment fonctionnel, on va le faire se reposer, l'aider à se
rétablir, lui faire donner un rendement, métabolique pres-
que parfait, enrayer-du-même-coup la production, des
ÉCHANGES NUTRITIFS DU TUBERCULEUX 149

acides, et, en définitive, sans médicaments, par la simple


cessation de l'empoisonnement acide, obtenir le relèvement
du terrain et la guérison de l'infection secondaire.
Il est donc grand temps de nous libérer du dogme de la
tuberculose maladie consomptive, et de la vision déformée
du malade « qui se consume, qui brûle avec une activité
fébrile, ses graisses, ses muscles, ses tissus de réserve. »
Cette erreur d'interprétation, qui a aiguillé le traitement
Vers les fautes diététiques que nous allons étudier et
qui fait un nombre incalculable de victimes, n'a que trop
duré/
CHAPITRE VIII

LES BASES DU TRAITEMENT

« La médication des symptômes a fait


son temps ; il faut s'élever plus haut,
jusqu'à la cause, la pathogénie. »
HffOHAED.

Nous voici maintenant en possession de toutes les


données pathogéniques et cliniques qui peuvent nous per-
mettre une saine appréciation des moyens thérapeutiques
à employer pour soigner l'arthritique tuberculeux. Sans
hésiter davantage, allons-nous nous contenter d'ouvrir un
formulaire ou un guide de clinique thérapeutique à la
page correspondante au diagnostic, et nous borner à y
choisir, parmi la longue série des régimes et des médica-
tions, préconisés par tous les thérapeutes qui ont exposé
leurs méthodes sur ce sujet, et qui toutes nous sont offertes,
le plus souvent, sous un aspect également tentant, celle
qui s'adaptera le mieux à nos tendances personnelles et à
nos habitudes de prescription ?
Il est plus sage de réfléchir encore un peu, et il est même
nécessaire de raisonner davantage. Il faut d'abord bien se
pénétrer de l'axiome suivant qui, s'il peut paraître élémen-
taire, n'en est pas moins méconnu trop souvent dans cer-
tains traitements que l'on applique avec une confiance
aveugle et routinière : c'est qu'à un malade, on ne devra
BASES DU TRAITEMENT 151

jamais rien prescrire comme médicament, ni rien ordonner


comme régime, qui serait nocif à un homme bien portant
de même tempérament.
Pour déterminer ce qui est nuisible à notre arthritique
tuberculeux, ce qui par Conséquent devra lui être défendu,
condensons rapidement les notions acquises à ce sujet, de
façon à pouvoir en tirer des déductions solidement établies.
L'arthritique est, nous l'avons vu, un malade dont les
parents ont commis des erreurs et des excès alimentaires,
qui, par suite, aliérité dé cellules déjà touchées ; qui, lui-
même, est retombé dans les mêmes errements et a aggravé
sa lésion cellulaire. Après des sursauts d'hyperfonctionne-
ment défensif, il est devenu, bien souvent, un irrémédiable
hypofonctionnant, qui a un appareil gastro-hépatique
usé, travaillant en veilleuse et un malheureux intoxiqué
chronique, que le moindre écart, la moindre erreur ali-
mentaire, la plus petite dose médicamenteuse, empoisonnent
dans des proportions démesurées.
Un arthritique tuberculeux, c'est ce même malade, dont
le terrain a été finalement assez affaibli par l'intoxication
hyperacide, pour héberger du bacille de Koch. Malgré sa
complication tuberculeuse, c'est toujours, nous venons de
le voir, un ralenti de la nutrition, dont les cellules n'ont plus
qu'une capacité fonctionnelle très amoindrie. Clinique-
ment, ce sont ces malades dont parle Sabourin « qui ont.
un état bizarre de la circulation, qui nous les fait ranger
sous le vocable dé congestifs et qui sont des sujets ultra-
sensibles à toutes les intoxications endogènes aussi bien
qu'exogènes. C'est parmi eux, que se recrutent ces mala-
des si prédisposés à l'intoxication alimentaire, qui font
des hémoptysies pour avoir mangé pendant 8 jours un peu
de viande ou bu quelque peu de vin. » (1)

(1) Sabourin. Article dans la Tuberculose médico-chirurgicale, n° 1,


1910.
152 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Nous croyons avoir bien établi, d'autre part, que c'est


à la faveur d'un affaiblissement des réactions organiques,
du fait de l'intoxication hyperacide que l'éclosion bacil-
laire a pu se faire. Sur ce point, doit donc surtout se fixer
notre attention, et tous nos efforts thérapeutiques devront
s'appliquer à obtenir l'amélioration des résistances du
terrain arthritique.
Nous savons d'ailleurs, pour l'observer chaque jour, que
nous pouvons compter sur la valeur et la fidélité de ce pro-
cédé de guérison, que l'organisme a des facilités de résis-
tance et de défense naturelles remarquables, qu'il suffit de
ne pas entraver maladroitement, et qu'on peut renforcer,
non seulement par des adjuvants artificiels, mais surtout
par Vèloignement des causes qui ont contribué à l'affaiblir.
Le terrain humain n'offre-t-il pas en effet une résistance
considérable à l'infection bacillaire, bien différent en cela
de la fragilité excessive de celui de certains animaux, le
cobaye, par exemple, qu'un seul bacille inoculé, suffit à
faire mourir en quelques semaines.
C'est dire, que le traitement de la tuberculose par arthri-
tisme, se résumera bien plus dans l'effort de relèvement dû
terrain, que dans la lutte directe contre le bacille et qu'il com-
portera la recherche d'une gamme de cures de désintoxication
appropriées à chaque degré d'empoisonnement arthritique,
bien plus qu'une étude de prescriptions médicamenteuses.
Rendre au terrain sa vitalité, supprimer toutes les causes
d'empoisonnement qui entravent son fonctionnement nor-
mal, sera l'exclusive préoccupation.
Si on y arrive, point n'est besoin de chercher à faire
mieux, à l'aide de stimulants factices, de toniques dan-
gereux, car une fois son équilibre retrouvé, l'économie saura
se charger elle-même et toute seule, de faire la police de ses
organes, le bacille de Koch ne tiendra pas longtemps devant
ses leucocytes régénérés.
BASES DU TRAITEMENT 153
Si au contraire, on méprise ce procédé thérapeutique et si
on se contente de combattre l'infection, par les méthodes
même les meilleures, en admettant qu'on obtienne un ré-
sultat favorable indéniable, il ne faudra pas proclamer sa
réussite, car le gain acquis par de tels moyens, ne sera
fatalement que très passager ; si, en effet, on a débarrassé
la place de l'ennemi, on a toutefois laissé la porte ouverte;
faute dé s'être occupé de réparer la brèche et sitôt le dos
tourné, il va s'introduire et s'installer de nouveau.
C'est pour cela que je considère le traitement sérothéra-
pique de la tuberculose, s'il devient jamais une réalité,
un peu comme une chimère thérapeutique. La tuberculose
est l'apanage des surmenés, des intoxiqués, des dégénérés ;
la guérison, chez ces malades, obtenue en dehors d'eux, sans
leur contribution organique, ne modifiera en rien leur état
primordial et par conséquent sitôt guéris, ils donneront prise
à une nouvelle infection : ce ne sont pas les bacilles tuber-
culeux en circulation, qui manquent pour lés réensemen-
cer, à moins que, plus virulente ou venue la première, une
autre infection ne prenne sa place. Aussi le traitement par
lé sérum tant désiré ne sera jamais qu'un adjuvant ; il
supprimera une intoxication surajoutée à celles, déjà nom-
breuses, qui étaient les causes de l'affaiblissement orga-
nique, mais là se bornera son rôle. Toujours, il ne fera que
prêter son concours, au moyen principal de lutte : l'amé-
lioration des défenses naturelles organiques.
Est-ce à dire qu'il ne faut tenir aucun compte du facteur
ihïection, laisser se faire toutes les contaminations, et
croire à l'impunité de. tous les contacts septiques? Ce
serait rejeter toutes les notions bactériologiques et ignorer
qu'il y a des exaltations de virulence qui peuvent avoir
raison des plus vigoureuses résistances. Les mesures pro-
phylactiques né devront donc jamais être considérées
comme négligeables.
154 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Voyons maintenant, comment dans le cas de la tuber-


culose par arthritisme, nous allons pouvoir réaliser le
renforcement des défenses naturelles. Essayons de fixer
notre choix parmi les divers moyens déjà préconisés. Le
premier qui s'offre à nous, c'est le traitement classique :
la suralimentation, doublée de son inévitable satellite, la
zomothérapie. Je consacrerai plus loin un chapitre entier
à l'étude de cette méthode et me contenterai seulement,
pour l'instant, de rechercher si elle remplit les conditions
que nous impose la pathogénie.
Celle-ci nous a enseigné, que l'arthritisme et sa consé-
quence la tuberculose, ont une origine presque exclusi-
vement suralimentaire. Est-ce en laissant ce malade conti-
nuer les mêmes errements, pratiquer les mêmes excès ;
est-ce en l'engageant à les accentuer par l'alimentation
forcée, le gavage ; est-ce en le bourrant de viandes cuites,
saignantes ou crues, de sucre pris en grande quantité, de
vins toniques, apéritifs et fortifiants, que nous pouvons
espérer améliorer ses réactions défensives ? Le simple bon
sens nous crie : non, et l'observation clinique, nous le ver-
rons, en fournit la confirmation éclatante. Est-il vraiment
raisonnable, en effet, de recommander à un malade un sur-
croît d'alimentation, portant principalement sur la viande,
le sucre et l'alcool, tandis que c'est justement cette surali-
mentation et ces trois produits qui sont la cause de tous
ses maux ? Et par quelle inconcevable métamorphose,
peut-on admettre que ce qui était poison tout à l'heure,
puisse se transformer en médication curative maintenant ?
Est-ce là aussi, un régime capable de remédier à l'hypo-
fonction hépatique ? Cet organe, nous le savons, est tou-
jours lésé à un degré quelconque chez l'arthritique tuber-
culeux ; on peut même dire que, dans l'immense majorité"
des cas, ces lésions sont accentuées et dominent le tableau
symptomatique, à tel point, que plus les troubles hépa-
BASÉS DU TRAITEMENT 155

tiques s'aggravent, plus les lésions tuberculeuses pro-


gressent ; et qu'au contraire, dès qu'une amélioration dé
ses fonctions se produit, un mieux corrélatif s'observe dans
l'état général et l'auscultation pulmonaire.
Ceci rappelé, peut-on vraiment songer à soigner l'arthri-
-

tique tuberculeux, en soumettant son foie et ses organes


digestifs à un régime hypertoxique, d'alimentation carnée
à outrance, de médications incessantes et pis encore, de
gavage ? Ce serait de gâîté de coeur, abattre à grands
coups les dernières ruines de l'édifiée hépatique..
N'est-ce pas, au contraire, en graduant l'alimentation
en proportion stricte des besoins organiques et du travail
souvent très modéré, que peut fournir la cellule hépatique
saris surmenage, en lui évitant tout effort de neutralisation
toxique, qu'on peut espérer régénérer et améliorer les dé-
fenses naturelles du malade.
Puisque c'est par suralimentation que le malade est
devenu arthritique ; puisque c'est par suralimentation,
que son arthritisme s'est aggravé au point de permettre
l'infection tuberculeuse; n'est-il pas alors vraiment absurde
de prétendre qu'il doit guérir par'la suralimentation ?
S'attaquer à la cause du mal, c'est au contraire le moyen
le plus logique et le plus sûr d'en venir à bout. Aussi, cher-
cher à enrayer Farthritisme, sera l'unique but vers lequel
-devront tendre tous lés efforts, sans s'occuper aucune-
ment de la complication tuberculeuse, si ce n'est que pour
parer à quelques symptômes gênants ou pénibles. La
cause d'affaiblissement détruite, l'organisme reprend ses
droits défensifs ; son action sera toujours bien supérieure à
toutes nos ressources thérapeutiques.
D'ailleurs, la cure de la tuberculose, à mon avis, est à
ce point corrélative de la cure diathésique, que j'ai pour
habitude de dire à un arthritique qui a une manifestation
visible cutanée : eczéma, acné, érythème, séborrhée, etc. :
156 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

surveillez votre affection cutanée, elle est le reflet de votre


état pulmonaire. En même temps qu'elle augmenterai! s'ag-
gravera ; chaque diminution s'accompagnera d'une amélio-
ration pulmonaire. Et s'il me quitte guéri, à la fois de son
éruption et de sa lésion bacillaire, je lui recommande de sur-
veiller le retour du trouble cutané d'intoxication, certain
que sa réapparition va rallumer le foyer pulmonaire, et de
cesser les écarts alimentaires que je lui ai appris à con-
naître et dont la suppression suffira de nouveau à faire
disparaître les deux manifestations en même temps. Com-
bien n'ai-je pas vu de ces arthritiques tuberculeux, por-
teurs d'une séborrhée ou d'un eczéma sur lequel, depuis
des années, s'exerçaient en pure perte toutes les pâtes et
pommades imaginables, guérir en quelques semaines, par
l'application d'un régime alimentaire dont le degré de sévé-
rité était approprié à leur stade d'empoisonnement hyper-
acide ?
En passant, je signalerai les essais de cure par accentua-
tion de l'arthritisme, basés sur l'utilité des réactions scléro-
santes de cette diathèse et la torpidité des lésions cons-
tatées. L'arthritisme, je l'ai déjà dit, ne peut être une arme
à double tranchant, présidant d'une part à l'infection et
la guérissant par ailleurs. Qu'il ait, assez souvent, une
action atténuante sur l'infection qu'il a permise, c'est
évident ; mais, une influence curative, c'est inexact. Les
essais thérapeutiques issus de cette conception n'ont ja-
mais fait qu'aggraver à la fois l'arthritisme et la tuber-
culose. La persistance de l'intoxication arthritique consti-
tuedéjà une entrave manifeste à la guérison, son augmenta-
tion ne fait qu'accélérer la marche des foyers tuberculeux ;
le seul résultat qu'on puisse obtenir
en pareil cas, c'est
d'aggraver l'état général du sujet dans des proportions
considérables, de stimuler la virulence des- bacilles, en
somme assez pacifiques, de faire passer au premier plan"
BASES DU TRAITEMENT 157

une affection qui sommeillait et ne demandait qu'à s'étein-


dre et de transformer une tuberculose fibreuse en phtisie
aiguë.
Les observations quotidiennes ne nous démontrent-elles
pas que, plus un malade devient pléthorique, plus il
crache de sang et plus il voit sa fièvre s'accroître ; c'est-à-
dire que plus son arthritisme augmente, plus ses symptômes
pulmonaires deviennent retentissants. S'il se désintoxique
au contraire, s'il suit un régime alimentaire moins chargé,
aussitôt son état pléthorique diminue et du même coup sa
fièvre tombe, ses hémoptysies s'arrêtent, et ses lésions pul-
monaires s'atténuent.
En somme, on ne doit songer à améliorer l'état de l'ar-
thritique tuberculeux, ni par un régime arthritisant qui
ne peut que l'aggraver, ni en le mettant à la cure suralimên-
taire classique, qui amène à peu près les mêmes résultats,
ni même en l'alimentant comme un sujet normal.
Déjà, se sont montrés partisans, du rationnement strict
..
chez cette catégorie de tuberculeux, quelques cliniciens
parmi lesquels je citerai Laufer, dont l'expérimentation
clinique, rapportée dans le chapitre précédent, est suffi-
samment probante,. Linossier (1), Pascault (2), Labbé (3),
Malibrân (4), Sabourin, etc.
Sabourin (5) surtout, admirable observateur, a vu et
exposé les mêmes faits cliniques, a fait les mêmes consta-
tations pâthogéniques et noté les mêmes coïncidences évolu-
tives des erreurs alimentaires et des manifestations tuber-
culeuses. Parlant de ces malades il dit : «... il s'agit sim-
(1) Linossier. De la variabilité de la ration d'entretien. Bulletin de la
Société de Thérapeutique, 24 décembre 1902.
(2) Pascault, L'arthritisme par suralimentation, p. 148.
(3) Labbé. Les régimes alimentaires.
(4) Màlibran. Alimentation dans la tuberculose pulmonaire. Presse
Médicale, 7, 1907.

•çine, mars 1903.


...
(5) Sabourin. Les exutoires tuberculeux du poumon. Revue de Méde-
..:
.
158 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

plement de lésions fort ordinaires, foyers de nodules bron-


chitiques, foyers de ramollissements bénins, pleuro-pneu-
monies limitées, tout cela dé date assez récente et dont la
guérison semble à première vue devoir être prochaine. Cer-
tains de ces patients ont formé de véritables cavernes en un
temps relativement court et gardent soit du même côté,
soit du côté opposé, un foyer relativement insignifiant qui
ne veut pas guérir.... Pourquoi ces tuberculeux, tout en
exhibant la plus belle santé apparente, ne guérissent-ils
pas ?... Depuis quelques années que nous nous trouvons en
présence de ces faits, nous pensons avoir dépisté quelques-
unes de leurs causes... les uns n'achèvent pas leur guérison
parce que tout en continuant une cure méthodique et par-
faite en apparence, ils commettent ou bien, on leur fait
commettre des fautes d'hygiène alimentaire... les autres,
de pronostic plus sérieux, ne guérissent point pour des
raisons qui nous échappent encore et que jusqu'à plus
ample informé nous mettons sur le compte de leur état
constitutionnel. »
Il est bien certain que « ces malades curables qui ne
finissent pas de guérir » sont uniquement des arthriti-
ques dont l'intoxication entretient indéfiniment les lésions
tuberculeuses. Le plus gros de la lésion a été déblayé par
la cure hygiénique : repos, aération, qui a remédié à une
partie de la cause toxique, mais il reste la principale, l'em-
poisonnement alimentaire, qui entretient la lésion et em-
pêche sa disparition totale. L'hypothèse émise par Sabou-
rin, correspond donc bien à la réalité des faits ; la suite de
la citation, qui montre l'existence dés petits signes de l'ar-
thritisme dans l'histoire clinique de tous ces malades, va
nous le prouver.
« Une autre faute d'hygiène consiste pour certains ma-
lades à se gaver d'aliments dits toniques et reconstituants,
comme les viandes rouges et les vins plus ou moins gêné-
BASES DU TRAITEMENT 159
la vérité des phtisiques qui peuvent im-
reux. On trouve à
punément supporter semblable régime pendant longtemps
et même guérir avec ou malgré son emploi mais il en est
beaucoup d'autres qui supportent ce régime tonique, seule-
ment pendant les premières périodes de leur cure.,... s'ils
veulent persister, ils sont pris d'une série de misères telles
que congestions, brûlures d'estomac, diarrhée, hémor-
roïdes, éruptions cutanées, céphalalgie, gravelle, asthme.
Le tempérament congestif de certains malades se dessine
dans ces circonstances et les saignements de nez et les hé-
moptysies viennent compléter le tableau. A quoi riment tous
ces incidents, sinon à des décharges d'un trop plein d'un
état pléthorique causé par une nourriture trop succulente?
Leur petit foyer tuberculeux non desséché ou mal cica-
trisé devient soupape de sûreté de leur pléthore. Et quel
traitement opposer à cette série d'incidents ? Il est aussi
simple que généralement efficace ; il suffit de restreindre
l'alimentation, d'en exclure à peu près complètement les
viandes rouges et noires, ainsi que tous les vins, boissons
alcooliques et excitantes. Le régime blanc et l'eau claire,
telle est la forme alimentaire qui convient dans ces cas-là.
Et l'on a beaucoup de chances alors de voir disparaître
comme par enchantement ces hémoptysies à répétition
et de voir se fermer une fois pour toutes l'exutoire pulmo-
naire Et si l'on s'acharne à lutter contré l'élément tuber-
culeux par le régime tonique, il est fortement à craindre
qu'on ne voie survenir la kyrielle d'accidents plus ou moins
gravés que nous avons signalés. »
La seule remarque que je puisse me permettre, c'est que
s'il a merveilleusement décrit cette association morbide,
Sabourin n'a peut-être pas suffisamment proclamé ia rela-
tion de cause à effet qui les reliait, et montré que l'arthri-
tisme était le seul coupable dès le début. Aussi, considérée
de ce point de vue, la lésion tuberculeuse au lieu d'être
IgQ ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

.reléguée au simple rôle d'exutoire, de bienfaisante soupape


de sûreté pour le trop plein pléthorique, apparaît seulement
complication due uniquement au mauvais
comme une
fonctionnement de l'économie.
Pour améliorer l'hypofonction organique, pour enrayer
l'intoxication acide, en un mot, pour remettre en état le
terrain diathésique et tirer le meilleur parti possible de ses
défenses naturelles entamées, quel organe devra-t-on sur-
tout soigner ?
Le poumon, à première vue, retient toute l'attention ;
devons-nous concentrer sur lui notre action médicatrice,
sans nous occuper de l'état des autres viscères ? C'est mal-
heureusement ce qu'on est tenté de faire dans l'immense
majorité des cas. Mais est-ce bien lui, la cause de l'ensemble
des troubles observés dans l'état arthritique ? Nous avons
assez répété que là n'était pas le gros danger, que le foyer
pulmonaire n'était que conséquence et comme tel, suivait
pas à pas la marche en avant ou la régression de l'intoxi-
cation diathésique.
Alors de quel côté nous retourner ?Là d'oùvienttoutlemal.
Qu'est-ce qui a le plus souffert, dans l'état de surmenage
et d'empoisonnement alimentaire, pendant tout le temps
qu'il a duré ? C'est l'appareil gastro-hépatique. Qu'est-ce
qui a, par son fonctionnement imparfait, occasionné par
le surmenage et l'usure, répandu peu à peu dans toute la
machine, des. produits nocifs d'assimilation incomplète ?
C'est l'appareil gastro-hépatique. Où se sont concentrés les
signes les plus évidents du petit arthritisme, et à quel organe
se rapportaient ceux qui attiraient l'attention par ailleurs ?
Au foie. Où se localisent, avec leur maximum d'intensité,
les lésions d'hypertrophie d'abord, puis d'atrophie glan-
dulaire et de sclérose conjonctive ? Sur le foie. Comment là
complication tuberculeuse a-t-elle pu surgir ? Parce que du
fait de l'affaiblissement du.rôle antitoxique et métabo-
BASES DU TRAITEMENT 161

lique du foie, l'organisme a vu sa vulnérabilité apparaître et


s'aggraver. Qu'est-ce qui sera notre meilleur guide pour
juger de l'évolution de la maladie et établir le pronostic ?
-Ce sera la facilité et la rapidité plus ou moins grande de ré-
cupération fonctionnelle du foie: En une phrase, l'origine et
la genèse du mal est au foie, les manifestations cliniques et
anatomo-pathologiques Sont au foie, le pronostic se règle sur
l'état du foie. Il est facile, maintenant, de voir où devra viser
le traitement, et de conclure que seuls, les moyens théra-
peutiques qui auront pour effet de rénover les fonctions hé-
patiques, auront chance d'être couronnés de succès. C'est
en continuant à malmener son foie, que Varthritique est devenu
tuberculeux ; c'est en le soignant qu'il va guérir.
C'est donc autour du foie que va graviter le traitement.
Quelles sont les caractéristiques du foie de l'arthritique tu-
berculeux ? Dans la plupart des cas, cet organe est con-
gestionné et hypofonçtionnant. On devra donc pour le
soigner s'efforcer :
1" De le décongestionner ;
2° D'éviter de le surmener ;
3° D'aider à sa fonction antitoxique.
La congestion, qui, nous le savons, porte sur son lobe
gauche (douleur épigastrique), a pour conséquence l'hyper-
tension portale et souvent l'hyposystolie réflexe ; elle con-
tribue ainsi à la pléthore générale. L'hypertension portale
congestionne l'estomac, l'intestin, paralyse leur péristal-
tisme, retarde l'évacuation, entrave leurs sécrétions glam*
dulaires, favorise les fermentations, les rétentions et les
résorptions toxiques. L'hyposystolie et la pléthore générale
congestionnent les foyers tuberculeux et aggravent ainsi
leur évolution.
Quelles modifications fonctionnelles heureuses doit-ôn
attendre de la décongestion du foie ? C'est d'abord, un sou-
lagement gastro-intestinal, parce que la digestion, l'assi-
u
162 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

milation, la progression et l'évacuation des aliments vont


se trouver rétablies d'une façon normale. C'est autant de
poisons qui cesseront de se produire et qu'engendraient-
la viciation des phénomènes digestifs et l'auto-intôxication
par constipation. La pléthore générale s'atténuera ; l'hy-
posystolie réflexe, quand elle était installée, graduelle-
ment disparaîtra ; ainsi, la principale source des congestions
pérituberculeuses et des hémoptysies se trouvera suppri-
mée. La sécrétion biliaire va se rétablir, remplacer l'acholie,
et par suite contribuer à l'amélioration des fonctions diges-
tives de l'intestin, du pancréas, et à la régularisation de la
circulation intestinale.
Le surmenage hépatique, qui se traduisait surtout par le
métabolisme imparfait des aliments azotés, gras et hydro-
carbonés, ne pourra être enrayé que par la modération dans
le travail digestif. On devra demander à la cellule hépatique
d'accomplir la besogne qu'elle est strictement capable de fournir
sans fatigue. A la rationner dans des proportions exactement
égales à ses moyens fonctionnels, on aura tout bénéfice.
Elle cessera d'abord de s'user et même pourra recouvrer une
grande partie de sa vitalité ; de plus, ce qu'elle accomplira
comme travail digestif sera irréprochable ; les produits
complètement transformés seront très utiles à l'organisme,
tandis que tout à l'heure, l'excès de travail engendrait des
produits nocifs, des acides, dont les décharges provoquent
les poussées des foyers tuberculeux.
Faciliter le rôle antitoxique du foie en arrêtant l'arrivée
dans ce viscère de tous les poisons endogènes ou exogènes,
c'est encore soulager son travail protoplasmique, contri-
buer à la réparation des lésions, et permettre, par ailleurs,
une meilleure utilisation des forces cellulaires.
Le bénéfice retiré de ces visées thérapeutiques sera-t-il
localisé au foie ? Il suffit de songer au rôle colossal de cet
organe dans l'économie, pour comprendre que du fait même
BASES DU TRAITEMENT 163

d'un retour à des fonctions hépatiques meilleures, l'orga-


nisme va gagner un pouvoir vital agrandi, une résistance
augmentée dans des proportions inattendues, et que cette
régénération totale et cet accroissement défensif vont s'ac-
compagner d'une régression corrélative des lésions tu-
berculeuses.
Comment, maintenant, réaliser ce beau programme ?
La décongestion du foie s'obtiendra surtout par le dosage
et le choix des aliments, basés sur le degré, Variable dans
chaque cas, d'hypofonçtionnement glandulaire. Il se fera
également par l'accélération d'une circulation intestinale
toujours trop lente chez de tels malades, Et comme adju-
vants, on aura recours à l'action médicamenteuse de laxa-
tifs appropriés, et à des prescriptions hygiéniques sur les-
quelles nous insisterons au moment voulu.
L'évitement du surmenage ne pourra être pratiqué que
par une diététique minutieusement établie et rigoureuse-
ment dosée. On devra écarter des régimes tous les ali-
ments toxiques ou demandant un travail cellulaire trop
élevé, La concentration moléculaire de chaque groupement
chimique devra être étudiée, et proportionnée à chaque degré
de capacité de travail hépatique. Nous verrons en établissant
les divers régimes, combien cette notion a d'importance et
domine toute la thérapeutique diététique.
Enfin, les apports toxiques devront être combattus avec
une minutieuse ténacité, que motive l'invraisemblable fra-
gilité du foie de l'arthritique à tous les empoisonnements.
Du régime alimentaire sera donc impitoyablement banni,
tout ce qui apporte Ou engendre des toxines, des acides, des
sels dangereux pour la cellule hépatique, et cela, non pas
d'une façon catégorique applicable à tous les cas, mais en
graduant les restrictions selon le degré d'atteinte morbide.
Toutes les occasions d'intoxications endogènes seront pour-
chassées ; le balayage facile et incessant du tube digestif
164 "
ETUDE THERAPEUTIQUE

devra toujours préoccuper l'attention du médecin et l'éli-


mination la plus complète des déchets de tout le corps sera
demandée à des soins d'hygiène générale et de culture phy-
sique, pratiqués dans les proportions que permettra l'état
des lésions bacillaires.
Cette vue d'ensemble permet déjà de constater l'impor-
tance considérable qui sera attribuée au choix et à l'é-
tude des régimes alimentaires de l'arthritique tuberculeux ;
elle démontre d'autre part, qu'en définitive, le traitement
consistera surtout en une cure de désintoxication, suivie
d'une période normale d'hypo-intoxication permanente.
Cette désintoxication sera commandée dans ses moyens
d'application, par la présence de la complication pulmonaire,
qui impose des procédés de douceur, de constance et un
dosage pondéré, que seule, une observation minutieuse et
continue du malade peut régler. C'est dire qu'il ne saurait
jamais être question de cures de désintoxication, analogues
à celles de Schroth ou de Guelpa, qui, si elles ont de réelles
indications dans des cas bien déterminés, ne sauraient, à
cause de l'énergie des moyens employés, s'appliquer aux
arthritiques tuberculeux.
Cette énorme prépondérance attribuée à la désintoxication
et à la thérapeutique alimentaire dans la cure de la tuberculose
par arthritisme, si elle est motivée déjà d'une façon évidente
par les considérations pathogéniques qui viennent d'être
exposées, reçoit surtout une justification particulièrement
probante dans l'expérimentation clinique. Il est, en effet,
toute une catégorie de faits cliniques qui apporte la preuve
irréfutable de l'exactitude des bases pathogéniques énon-
cées, et de l'excellence de cette méthode thérapeutique. Ces
faits, qui sont d'un contrôle facile, dérivent de l'étude cli-
nique des variations évolutives d'un foyer tuberculeux, et
du contraste observé, selon que le travail digestif s'accom-
plit sur des. aliments toxiques ou non.
BASES DU TRAITEMENT 165

Au lieu de faire porter nos recherches sur les modifica-


tions subies par un foyer profond, tel qu'une lésion pulmo-
naire, dont l'observation n'est possible qu'à l'aide de don-
nées subjectives, toujours sujettes à caution, ou de l'aus-
cultation, qui ne nous renseigne qu'imparfaitement et seu-
lement sur l'état superficiel du tissu pulmonaire, adressons-
nous à un foyer superficiel, à la fois palpable et visible,
tel qu'une arthrite fongueuse fistulisée, ou mieux encore une
masse ganglionnaire en poussée de suppuration avec écou-
lement. Pour que la démonstration soit plus évidente, fai-
sons porter notre Observation sur un arthritique pléthorique
et gravement intoxiqué, et soumettons-le aux épreuves ali-
mentaires que je vais exposer.
A jeun, en dehors des périodes digestives, pour nous re-
pérer, notons l'état de volume du ganglion, sa réaction dou-
loureuse, le degré de rougeur de la peau, l'état de l'at-
mosphère cellulaire périganglionnaire, le degré d'empâte-
ment et de mobilité de la masse. Puis, faisons absorber, à
dessein, un repas assez toxique : viandes rouges, sucreries
concentrées, vins généreux, fruits et légumes acides et
voyons, heure par heure, ce qui va en résulter du côté: du
ganglion. L'effet, d'ailleurs, ne tardera pas. Dès la pre-
mière demi-heure qui suivra le repas, et s'aggravant progres-
sivement, nous observerons de l'augmentation de volume
de la masse elle-même, une poussée de périadénite énorme
due à de la congestion et à de l'infiltration oedémateuse du
tissu cellulaire qui avoisine la lésion; quelquefois un écou-
lement sanguinolent (vraie hémoptysie locale), remplacera
la sérosité purulente habituelle et cette poussée évolutive
déterminera une recrudescence brusque de la douleur,
avec élancements et tiraillements. Y a-t-il par ailleurs
d'autres signes qui accompagnent et expliquent ce tableau
local ? Assurément ; au sortir de table, le malade a senti
et vu lé sang lui affluer au visage, et pris de manifestations
166 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

pléthoriques et dyspeptiques, il a souffert des effets de la


congestion, généralisée à tout l'organisme : céphalée, tor-
peur cérébrale, dyspnée toxi-mécanique, palpitations car-
diaques angoissantes, le tout agrémenté de pesanteur, de
flatulence gastrique avec renvois et élévation du pouls et de
la température. Il y a donc concordance absolue entre l'ag-
gravation locale et la modification malheureuse de l'état
digestif et général.
-
Ces modifications locales, nous l'avons dit, s'installent
au sortir de table, progressent peu à peu, et atteignent leur
maximum d'acuité 4 à 5 heures après le repas, juste au mo-
ment de l'évacuation gastrique, que l'on reconnaît à la
chasse gazeuse oesophagienne qui en résulte, et à la dispa-
rition du clapotement, stomacal, qui, dans le cas de repas
mal composé, se retrouve toujours. Une fois la digestion
stomacale terminée, la décroissance de la poussée ganglion-
naire commence et s'accentue d'autant plus que l'on s'é-
loigne de la phase gastrique de la digestion, et finalement le
calme renaît 6 à 7 heures après le repas, à condition, natu-
rellement, que dans l'intervalle, le malade n'ait pas ingéré
de nouveaux aliments.
-
Tous les signes généraux et digestifs que nous avons signa-
lés ont la même coïncidence d'acmé et de décroissance.
Signes locaux, signes généraux, sont donc bien sous l'in-
fluence des troubles apportés dans l'organisme par un fonc-
tionnement gastro-hépatique défectueux et provoqués par
une alimentation toxique. Ces signes de souffrance gas-
trique, hépatique, qui retentissent d'une façon passagère,
le temps que dure leur offense, sur l'état général (plé-
thore, hyposystolie réflexe, éréthisme cardio-vasculaire,
dyspnée, fièvre) sont justement des signes du petit arthri-
tisme ; on prend ainsi sur le fait, la façon dont ils sont pro-
voqués et il ne viendra, je pense, à l'idée de personne de pré-
tendre que c'est le foyer bacillaire qui les engendre. Ce
BASES DU TRAITEMENT 167
qui est arthritisant ce n'est pas la tuberculose, mais bien l'er-
reur alimentaire. Ce qui est à l'origine, c'est cette faute ;
sa conséquence, c'est la localisation et l'aggravation tuber-
culeuse ; ne craignons pas de le faire remarquer une fois
encore.
D'ailleurs, l'épreuve contraire va achever la démonstra-
tion. Faisons ingérer cette fois un repas composé d'ali-
ments hypotoxiques et de concentration moléculaire fai-
ble ; un repas végétarien par exemple : pain, pommes de
terre, légumes verts, fruits très mûrs, eau minérale alcaline.
Lé contraste est frappant et doit certainement obliger les
plus incrédules à se rendre à l'évidence des faits. Du côté du
ganglion, non seulement, le calme persiste, mais il s'ac-
centue ; lé volume de la masse décroît, elle se libère en
grande partie, en quelques heures, de son atmosphère oedé-
mateuse et se mobilise. L'écoulement et la rougeur dimi-
nuent ; non seulement il n'y a plus de poussée douloureuse,
mais lé malade," débarrassé de ses élancements, ressent un
soulagement immédiat. Concordant avec ce mieux local,
on observe une période digéstive dénuée' de tout incident ;
pas de pesanteur^, pas de flatulence et aussi quel change-
ment dans l'état général, aucune pléthore n'existant, puls-
•qu'aucune décharge toxique ne s'est faite dans le sang ! Le
malade sait apprécier le calme cardio-vasculaire, l'absence
de la céphalée, de la torpeur, de la poussée sanguine du vi-
sage et la disparition de la dyspnée, avec la chaleur aga-
çante de l'élévation thermique.
Ce sont ces faits d'observation clinique, qui ont d'abord
retenu mon attention. Puis, c'est en faisant de longues et
minutieuses expérimentations digestives, répétées pour
chaque aliment en particulier et pour tous les degrés d'in-
toxication arthritique compliquée de tuberculose.-; c'est en
les contrôlant sur de nombreux patients, que je suis arrivé
•à la conviction profonde, indéracinable, que tous ces ma-
168 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

lades étaient aggravés par la diététique classique, qu'ils-


étaient tous des tuberculeux par arthritisme et, qu'au con-
traire, une alimentation hypotoxique soigneusement établie
pour le degré de gravité de chacun d'eux, amenait dans
l'immense majorité des cas, à la fois la disparition de leurs
manifestations diathésiques et la guérison de leur foyer
tuberculeux pourvu, c'est entendu, qu'ils ne soient ni cavi-
taires, ni cachectiques.
Mon laboratoire a été l'organisme humain ; ce qui sup-
prime toute une série d'erreurs d'interprétations, telles que
celles qu'on peut être appelé à commettre en concluant d'un
animal à un autre, ou en tirant des conclusions de faits
constatés « in vitro ». Mes instruments de laboratoire furent
l'estomac, le foie et le foyer tuberculeux. Mes essais ont
porté sur toutes les variétés d'aliments ; pour chacun
d'eux pris isolément, j'ai longuement recherché les effets
produits sur la digestion, les réactions provoquées sur
les foyers tuberculeux et sur les symptômes généraux.
Ces recherches s'exercèrent non seulement sur la qualité,
mais sur la quantité d'aliments, qu'un appareil, gastro-
hépatique arthritique peut métaboliser à la fois sans sur-
menage.
Trois groupes de signes cliniques m'ont servi de réactifs,.
pour juger du degré de tolérance ou de nocivité de tous les
aliments. Je me suis basé : 1° sur les réactions fonction-
nelles de l'appareil gastro-hépatique ; 2° sur les réactions
générales ; 3° sur les modifications concomitantes des lé-
sions bacillaires.
J'ai remarqué qu'il y avait un enchaînement constant
entre l'apparition des troubles gastro-hépatiqueset la cons-
tatation consécutive des poussées congestives à la fois gé-
nérales et locales tuberculeuses. Il est évident que tout sur-
menage gastrique et hépatique s'accompagne fatalement
d'auto-intoxication par troubles de digestion, d'assimilation,.
BASES DÛ TRAITEMENT 169

de transformation, selon le mécanisme sur lequel nous avons


insisté à propos de la pathogénie de l'arthritisme. Les pro-
duits nocifs, ainsi résorbés, passent dans le sang, y occa-
sionnent la pléthore et l'hyperacidité plasmatique qui
paralyse les fonctions leucocytaires.
Cette filiation obligatoire : Intoxication ou surmenage
digestif, poussée pléthorique et aggravation tuberculeuse,
est souvent le fait d'une erreur alimentaire minime et dont
l'influence, pourtant indéniable, pourra paraître surpre-
nante et démesurée à des personnes non prévenues. Com-
bien n'ai-je pas vu d'arthritiques graves, ayant retrouvé
un équilibre gastro-hépatique satisfaisant, grâce à un régime
sévère et bien dosé, qui leur permettait de constants et
rapides progrès, présenter brusquement des phénomènes
d'intolérance sérieuse avec poussée du foyer tuberculeux,
pour un petit excès dans le poids des aliments tolérés,
ou pour l'introduction dans le menu d'un aliment d'assi-
milation difficile, même en quantité insignifiante. On lira
plus loin, par exemple, les observations de malades à qui
une minime quantité de graisse (beurre ou cocose), ajoutée
à leur cuisine, produisait en période digestive, de la dys-
pepsie avec fermentations et régurgitations aigres, avec
retentissement congestif et douloureux d'un foyer tuber-
culeux ganglionnaire. Cela peut paraître invraisemblable ;
mais la constatation répétée de ces faits pendant des années
sur les mêmes sujets, qui, je le reconnais parfaitement, cons-
tituent des cas exceptionnels, oblige à les admettre, et me
fait insister sur l'extraordinaire fragilité de l'appareil gas-
tro-hépatique des arthritiques en général. Elle peut, dans
l'immense majorité des cas, ne pas être aussi accentuée, mais
toujours elle'est plus grande qu'on ne le soupçonne générale-
ment et toujours, elle devra obliger le médecin à des réserves
alimentaires, auxquelles il n'est pas habitué.
-
Mais comment reconnaître qu'un aliment est bien toléré
170 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

l'estomac, le foie et est assimilé sans difficulté ? C'est


par
assez facile. Tout ce qu'on introduit dans l'estomac et qui
du fait de sa simple présence ou de son excès de quantité
sera mal accepté par les cellules glandulaires, donnera lieu
aux troubles suivants :.
1° Du côté de l'estomac, on notera de la pesanteur, du gon-
flement, des renvois, du retard de l'évacuation gastrique
avec clapotement et grosse dilatation atonique, perceptible
encore longtemps après la période normale de digestion sto-
macale.
Combien sont nombreuses ces dilatations atoniqUes.quel-
quefois énormes, avec grande courbure avoisinant le pubis,
qui ne cèdent jamais, parce qu'elles sont entretenues par
l'introduction incessante et intempestive d'aliments mal
choisis et mal dosés ! La meilleure preuve en est dans la
transformation, très rapide, que l'on fait subir à ces besaces
gastriques, par une alimentation hypotoxique et hypo-
concentrée, qui en quelques jours permet le retour de la
contractilité physiologique du muscle gastrique, l'ascension
de la grande courbure au-dessus de l'ombilic et la dispari-
tion complète du clapotement recherché même en pleine
digestion.
Un estomac, il faut bien le savoir, se moule sur un con-
tenu qui lui plaît, c'est-à-dire qui est bien adapté à son tra-
vail cellulaire possible du moment ; il fuit, au contraire
devant l'aliment dont la quantité ou la concentration est
au-dessus de ses moyens fonctionnels et offre ainsi le moins
de contact possible avec l'élément alimentaire dangereux. Et
cette dilatation atonique énorme, apparaît bien plus comme
un retrait défensif, que comme une fatigue de la muscu-
leuse.
2° Du côté du foie, ce sera l'apparition de la congestion
avec la douleur épigastrique du lobe gauche, et, si le sujet
a une sensibilité du système nerveux exagérée, l'établisse-
BASÉS DU TRAITEMENT 171

ment du syndrome d'hyposystolie réflexe, que j'ai déjà dé-


crit. A jeun, le creux épigastrique est insensible ou peu
sensible, les ongles sont de coloration normale ; sous l'in-
fluence d'un repas trop copieux, ou d'une petite quantité
d'un aliment nocif, la douleur épigastrique apparaît ou
s'exagère et la teinte carminée dés ongles se produit. Ou
augmente. Et ce syndrome suivra pas à pas dans son ap-
parition, son évolution, son retrait, les variations de degré
et de durée de l'intoxicationhépatique. Parfois du subictère
également variable, un teint çholémique de la peau et des
conjonctives, accompagnent ces divers symptômes.
3° Du côté du foyer tuberculeux, on observera ces poussées
congestives, douloureuses, sur le détail desquelles je ne
reviens pas, puisque j'ai décrit déjà leurs modalités et les
causes digestives qui les déterminaient.
4Q Dû côté des réactions générales, ce sont les troubles plé-
thoriques : bouffées congestives .faciales, points de côté de
la base thorâcique, éréthisme cardio-vasculaire, dyspnée an-
goissante, troubles nerveux, et d'autres signes sur lesquels
je veux déjà dire un mot : l'accélération du pouls et l'élé-
vation thermique. L'élévation thermique est de règle ; elle
est en général peu prononcée, oscillant entre 37°7 et 38°2.
Il est d'usage, chez tout tuberculeux qui présente cet état
subfébrile avec accélération disproportionnée du pouls, d'en
rattacher l'origine à la lésion tuberculeuse.
Obsédé par la présence de la lésion bacillaire, on ne voit
plus qu'elle ; elle est la cause de toutes les lésions ânato-
mo-pathologiques concomitantes, de toutes les intoxications
préexistantes ou non, de tous les symptômes surajoutés. Il
faut pourtant se rendre compte que plus des trois quarts
de ces états subfébriles n'ont rien à faire avec les lésions
tuberculeuses et sont toujours dus à une intoxication gas-
tro-intestinale, du fait d'un régime alimentaire défectueux,
ou d'une rétention toxique causée par une circulation intes-
172 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

tinale ralentie. La démonstration s'en obtient très simple-


ment ; il suffit de veiller au choix des aliments et au fonc-
tionnement intestinal pour voir toutes ces hausses ther-
miques et ces élévations du pouls disparaître, malgré la per-
sistance intégrale de la lésion tuberculeuse.
Voilà donc à quoi nous reconnaîtrons qu'un aliment est
toxique ou mal toléré par l'organisme arthritique. Il est
évident que la proposition contraire ne demande pas un long
développement. Tous les aliments qui seront appelés à
fournir les bases du régime et à l'équilibrer pour obtenir
une ration calorimétrique, azotée, etc., suffisant aux be^
soins, n'engendreront aucun de ces troubles dont la
recherche minutieuse ne donnera qu'un résultât négatif.
Non content de constater ces faits cliniques, il faut encore
tenter de leur fournir une explication qui motive l'impor-
tance donnée à la thérapeutique alimentaire de l'arthri-
tique tuberculeux et aux troubles parfois surprenants que
l'alimentation mal conduite peut occasionner. Cette expli-
cation est fournie par l'étude physiologique de la cellule
glandulaire arthritique.
Qu'il s'agisse d'une cellule gastrique, d'une cellule hé-
patique, c'est nous le savons une cellule qui fut surmenée,
qui s'est efforcée en s'hypertrophiant, en se divisant à l'ex-
cès, de parer au surcroît de besogne qu'on lui demandait ;
à ce jeu elle a épuisé ses réserves d'énergie et de vitalité ;
elle est amoindrie en volume anatomique, comme en capa-
cité reproductrice, comme en pouvoir fonctionnel. Ce qu'elle
pouvait métaboliser, il y a quelques années, comme quan-
tité et comme concentration chimique, est devenu main-
tenant un travail épuisant et impossible ; elle ne peut plus
non seulement mener le train d'enfer qui lui avait été im-
posé, mais même accomplir une besogne normale. C'était
un jeu pour elle, autrefois, d'assimiler, par exemple, une
forte dose de sucre à. saturation; actuellement, des ato-
BASÉS DU TRAITEMENT 173

mes de sucre concentré la paralysent, la font souffrir,


et cette souffrance se traduit par une diminution de rende-
ment, par un travail imparfait. Ce qu'elle peut encore, c'est
transformer quelque peu de sucre dilué. Et ce qui se passe
pour le sucre, s'étend également à l'azote, aux hydrocar-
bones, aux graisses. Pour chacun de ces corps, c'est le même
déficit fonctionnel, dès qu'elle est mise en présence de quan-
tités ou de concentrations trop accusées.
Autrefois, une toxine alimentaire ne lui faisait pas peur •
actuellement, c'est l'impuissance immédiate avec plusieurs
jours pour se remettre du contact nocif. Autrefois, un tra-
vail modéré pouvait s'opérer à jet continu, sans intervalles
de repos bien prolongés ; maintenant, on peut lui demander
de travailler en proportion de ses facultés, mais pas trop
longtemps, car elle s'épuise plus vite. Tout cela revient à dire
que tout ce qui dans l'alimentation sera offert en toxicité, en
concentration, en quantité plus grande que la capacité fonc-
tionnelle possible de la cellule, la fatiguera, l'usera encore da-
vantage, et par suite intoxiquera de plus en plus Vorganisme
et aggravera l'évolution des foyers tuberculeux.
Toutes ces considérations justifient, je pense, le soin que
l'on doit apporter au réglage de l'alimentation des arthri-
tiques tuberculeux et fournissent des bases bien établies à la
ligne de conduite que nous allons adopter, et qui se pliera
à chaque degré d'intoxication arthritique. Dès maintenant,
j'insiste sur ce fait, que la sévérité restrictive et le souci de dé-
sintoxication varieront dans des proportions considérables.
A un arthritique au début, il suffira parfois de supprimer
simplement une suralimentation intempestive, pour voir
les digestions redevenir parfaites et la tuberculose évoluer
rapidement vers.la guérison ; à tel autre, la seule suppres-
sion des viandes rouges amènera le même résultat ; chez les
plus atteints, l'alimentation lacto-o vo-végétariennefera sou-
vent merveille ; enfin, dans des cas exceptionnels,.on.tire
174 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

d'affaire en les désintoxiquant et les alimentant, à l'aide de


régimes strictement végétaliens, des malades gravement
touchés et par l'arthritisme et par la tuberculose, dont le
retour à un état de santé parfait tient vraiment du prodige,
comme le prouvera la lecture d'observations insérées après
l'exposé de chaque régime alimentaire.
Mais à côté de cette source principale d'intoxicationqu'est
la lésion gastro-hépatique, il est d'autres causes accessoires,
mais pourtant nullement négligeables d'empoisonnement.
Il faut bien les connaître également et les supprimer, car
dans un organisme aussi fragile, le moindre poison produit
des effets considérables ; on devra donc avoir soin de les
écarter dans l'expérimentation clinique, si on la veut dé-
monstrative à l'excès, et dans le traitement, quand on
s'applique à le faire aussi parfait que possible. Si le plus fort
apport toxique est exogène et se fait par l'alimentation, les
autres, moindres, sont endogènes, et résultent de l'intoxi-
cation intestinale et des déchets accumulés dans tous les
tissus du corps. C'est l'élimination régulière et complète de
ces deux groupes de poisons qu'il va falloir tâcher de
réaliser par la culture physique générale et intestinale. Ces
moyens s'adjoindront à la thérapeutique alimentaire ; ils
seront des adjuvants à là cure, qui, ainsi complétée, four-
nira un ensemble de prescriptions que nous pouvons pour
plus de clarté présenter dans le tableau suivant :
A. — La base du traitement sera l'étude des régimes ali-
mentaires qui portera sur les apports, les restrictions et
l'hygiène alimentaire.
1° Les apports ou conditions positives seront envisagés
comme devant fournir :
a. L'équilibre calorimétrique nécessaire à l'entretien ther-
mique et dynamique du corps.
b. L'équilibre azoté suffisant
pour la réparation des tissus.
2° Les restrictions auront pour but la suppression des
BASES DU TRAITEMENT 175

causes d'intoxication exogènes fournies par des aliments


toxiques, indigestes, trop copieux ou trop concentrés.
3° L'hygiène alimentaire évitera la formation dé poisons
endogènes en veillant à la mastication, à l'espacement
suffisant des repas,. au choix des aliments qui devront
provoquer une chasse intestinale régulière et facile.
B. <= Les adjuvants comporteront l'emploi :
1° De la thérapeutique médicamenteuse générale et symp-
tômatique.
2° De la thérapeutique par les agents naturels.
a. L'aérothérapie, l'héliothérapie, etc.
b. La culture physique et l'hygiène du corps.
EfforçOns-nous d'abord d'indiquer les principes généraux
qui vont nous servir à établir le détail de nos divers régimes
alimentaires, et voyons les données qui nous guideront pour
déterminer exactement ce que devront être les apports,
lés restrictions et l'hygiène alimentaire.
CHAPITRE IX

LES RÉGÎMES ALIMENTAIRES

LES APPORTS, LES RESTRICTIONS, L'HYGIÈNE ALIMENTAIRE

«La cure de régime forme avec la cure


d'air la base de la thérapeutique des tu-
berculeux. En dehors de certaines indi-
cations particulières, la pharmaeothé-
rapie est tout à fait reléguée au second
plan. »
M. LABBÉ (1).

1° LES APPORTS

C'est la suralimentation qui a rendu le sujet arthritique,


puis tuberculeux ; c'est l'alimentation stricte, qui va lui
permettre de guérir. Par alimentation stricte, j'entends
l'alimentation proportionnée aux capacités fonctionnelles
actuelles du foie et de l'estomac, et capable en même temps
de suffire aux besoins d'entretien corporel, si le poids du
malade est normal ; à la lente ascension de son poids, s'il
a subi une baisse alarmante ; enfin à la résorption de ses
réserves adipeuses s'il est obèse. Dans ce dernier cas seul,
l'alimentation stricte pourra être envisagée comme une
(1) M. Labbé. Les régimes alimentaires,
p. 458.
RÉGIMES ALIMENTAIRES 177
sous-alimentation. Ces apports nutritifs ne seront pas im-
muables d'un jour à l'autre, ni d'une période à l'autre. Ils
devront être proportionnés à l'effort et à l'usure quotidiens,
et pour un même sujet, pourront subir une progression,
même sans augmentation du poids corporel, si un réveil
de vitalité et un meilleur rendement cellulaire s'opèrent,
grâce à la cessation du surmenage, et permettent une pru-
dente reprise ascendante.
C'est dire qu'une fois- parvenu à un équilibre physiolo-
gique normal de son poids corporel, le malade devra éviter
de le dépasser et même, dans certains cas, sera obligé de
faire la chasse à la graisse, s'il rentre dans la catégorie des
gens qui demeurent obèses « en vivant de rien ». L'infil-
tration adipeuse dés tissus, en effet, amène une déperdition
du pouvoir ântitoxique de l'organisme; une augmentation
de l'acidité plasmâtique, cause d'affaiblissement du ter-
rain ; une augmentation du ralentissement des échanges nu-
tritifs avec une aggravation. diathésique corrélative ; un
amoindrissement dans la vitalité des cellules glandulaires,
dont le protoplasme est envahi de particules grasses gê-
nantes ; et enfin, une parésie de tous les organes musculaires,
des viscères creux et des membres. La graisse, en un mot,
constitue par l'aplasie protoplasmiquê qu'elle détermine,
une véritable rouille humaine. Etat morbide des tissus
chez les individus sains, à plus forte raison est-elle à
redouter chez des malades, et ne doit-on jamais la consi-
dérer comme un stigmate de guérison.
Les apports azotés, hydrocarbonés et gras, devront donc
être fournis en se guidant sur les considérations qui précè-
dent, et toute ration de surcroît, dont la justification ne
reposait que sur des données inexactes concernant les be-
soins et les échanges nutritifs de l'arthritique tuberculeux,
devra être radicalement bannie. Je me réserve de revenir en
détail sur les chiffres de calories, d'azote, d'hydrocarbones,
178 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

etc., nécessaires aux différents arthritiques tuberculeux,-


et de démontrer, combien.ces besoins ont été exagérés par
les auteurs, jugeant que cette étude gagnera à être enta-
mée après description des observations et des données de
l'expérimentation clinique.
Le bilan exposé d'une façon toute théorique, ne servirait
de rien, tandis qu'établi à l'aide de la diététique expérimen-
tale, il possédera un appui irréfutable, qui fera mieux com-
prendre la valeur de certaines données restrictives qui,
de prime abord, pourraient étonner.
Toutefois, ce qu'il faut retenir dès maintenant, se résume
dans l'axiome suivant auquel je laisse, à dessein, une
nuance d'exagération : le budget alimentaire de l'arthritique
tuberculeux doit frôler le déficit. Cet axiome trouvera sa jus-
tification dans des observations particulièrement pro-
bantes.
Je sais qu'on objectera : Votre malade va tomber de
« faiblesse », et comme c'est
déj à la « faiblesse » qui le mine,
ce n'est pas le moyen de le « fortifier » que de lui donner
juste ce qui lui suffit ; il va devenir le jouet facile de son
infection tuberculeuse, trop heureux encore s'il n'est pas
enlevé par une maladie intercurrente.
C'est là une pure hypothèse, une crainte erronée, issue de
notre préjugé actuel, qu'il faut beaucoup manger pour se
bien porter, et que l'expérimentation clinique dément d'une
façon évidente. Avant tout, l'arthritique tuberculeux ne doit
pas s'intoxiquer davantage et il est certain de le faire, s'il
prend au-delà de ses besoins stricts, car ses organes, je le
répète toujours, ont perdu tout pouvoir d'hyperfonction-
nement : on doit donner à l'arthritique « tout ce qu'il lui
faut, mais rien que ce qu'il lui faut » (1). Ensuite, sa « fai-
blesse » est le fait d'une intoxication, et ce n'est pas en lui
faisant absorber un surcroît de nourriture, que nous lui
(1) Pascault. Conseils théoriques et pratiques
sur l'alimentation,]). 181;
RÉGIMES ALIMENTAIRES 179

donnerons plus de forces, car chez lui plus que chez tout
autre, suralimentation est synonyme de surintoxication.
La dépression nerveuse et l'affaiblissement général qui en
résultent ne sont nullement, comme le malade est trop
enclin à le croire, une « faiblesse », une « anémie », mais un
symptôme d'empoisonnement par imprégnation toxique de
l'organisme, dû au surmenage gastro-hépatique.
Le temps est passé où l'on proclamait que pour guérir,
le tuberculeux doit être gras. On a trop vu depuis, qu'il
ne suffisait pas de gaver un tuberculeux, de le souffler de
graisse, pour non seulement le guérir, mais l'améliorer. Le
plus souvent, loin d'amender la lésion, on ne fait que l'ac-
centuer, et tout Ce qui en résulte, c'est que si la période ter-
minale ne se fait pas trop longue ou trop épuisante, le tu-
berculeux reste gras et meurt gras. Piètre résultat !
« Ce n'est point parce qu'il engraisse qu'un tuberculeux
guérit, disait Daremberg, mais c'est parce qu'il guérit qu'il
peut engraisser. »
Ce que l'on doit viser, c'est à faire reprendre au tubercu-
leux amaigri, le poids qui convient à son tempérament, à sa
constitution anâtomique, à l'aide d'un repos judicieusement
dosé et d'une alimentation adéquate aux besoins progres-
sifs de l'appétit et de l'organisme. Mais ce poids normal,
quel est-il ? Théoriquement, on se guide sur la taille et on
propose un poids égal au nombre de centimètres que le sujet
a en plus du mètre. Si cette donnée convient assez rigou-
reusement aux individus possesseurs d'une charpente os-
seuse et surtout musculaire bien développée, elle est dans
l'immense majorité des cas trop élevée, en ce qui concerne
des sujets dé musculature moyenne, comme c'est le cas des
arthritiques tuberculeux. Ces derniers se trouveront bien en
général d'un poids inférieur de cinq kilos à celui indiqué
par la théorie ; tout ce qui le dépasse est nettement de trop
et doit rétrocéder.
IgO ETUDE THERAPEUTIQUE

Aussi, l'arthritique gras qu'une infection tuberculeuse a


fait maigrir, ne doit pas songer à reprendre son ancien em-
bonpoint ; il lui suffira de revenir à son poids normal ;
et il ne faut pas craindre de lui répéter, qu'un tuber-
culeux qui reste gras, ne guérit jamais définitivement.
Tout le monde, direz-vous, peut pourtant citer des exem-
ples d'arthritiques gras qui, touchés et amaigris par leur
lésion bacillaire, se tirèrent d'affaire en reprenant et même
dépassant leur poids primitif. Ce sont là des cures indé-
niables, il faut le reconnaître, mais j'ajouterai qu'elles sont
factices et très momentanées. L'organisme qui a fait les
frais de la cicatrisation des lésions et de la transformation en
réserves adipeuses du surcroît alimentaire, se trouvera, du
fait de ce surmenage qui a accru sa diathèse, en bien moin-
dre résistance qu'à la première atteinte, quand se produira
la prochaine et fatale récidive. D'ailleurs, n'est-ce pas jus-
tement chez ces tuberculeux gras que l'on Constate avec la
fréquence et l'intensité que l'on sait, ces troubles sur les-
quels nous avons déjà insisté : état subfébrile permanent et
qu'on ne sait à quoi attribuer, dyspnée continue, conges-
tion, épistaxis, hémoptysies, affections cutanées, rhuma-
tismes soi-disant tuberculeux. Et combien toutes ces mi-
sères engendrées par l'engraissement, s'aggravent par la
persistance du traitement classique, tandis qu'un régime
antitoxique approprié a raison, rapidement, à la fois du
foyer tuberculeux et des signes diathésiques.
Sabourin (1) avait déjà souligné l'importance de ces faits
et cité des exemples de guérison grâce à de véritables cures
d'amaigrissement. Dans un article, il signale entre autres,
une malade qui pour se guérir d'une atteinte bacillaire
engraissa au point d'obtenir une polysarcie remarquable, et
qui « bouffie de graisse » devenait véritablement cachée-,
(1) Sabourin. Les tuberculeux Journal des Praticiens 13 sep-
tembre 1902. gras.
RÉGIMES ALIMENTAIRES 181

tique. Fort justement il estima le but dépassé. Par un ré-


gime et une Culture physique bien réglés, il fit perdre quinze
livres à la malade et du même coup « sa lésion tuberculeuse
guérit comme par enchantement ». Labbé (1) dit égale-
ment : « Une cure de réduction alimentaire, même un
-amaigrissementmodéré, sont utiles contre certaines formes
de tuberculose avec obésité, asthme et hémoptysies ».
Mais il n'est pas toujours facile de décider un malade à
se séparer de kilos de graisse, souvent très péniblement
amassés. C'est un thésaurisant, à qui on a enseigné.et répété
sur tous les tons la valeur de la graisse et qui, sorte d'avare,
conserve jalousement ce qu'il croit être son trésor, sa source
de santé. N'en voit-on pas que la constatation d'une aggra-
vation évidente : hémoptysie, fièvre, abondance accrue de
l'expectoration, laissent parfaitement calmes, et qui, con-
tinuant à se fier à leur abdomen bedonnant à souhait, ce
•« globe de sûreté » d'un nouveau genre, disent : « J'ai bien
un peu plus de bronchite, en ce moment, mais je ne crains
rien, je ne maigris pas, au contraire ! »
Malgré toutes ces réserves, et bien qu'on ait exagéré con-
sidérablement la valeur curative de l'engraissement, il n'en
est pas moins vrai que l'étude de la courbe du poids reste
un élément de pronostic. Un arthritique tuberculeux dont
le poids demeure stationnâire, même au-dessous de Ce qui
est considéré comme la normale, mais dont les lésions s'at-
ténuent, dont les signes généraux s'amendent en même
temps, doit se considérer comme étant dans la bonne voie et
ne jamais chercher à engraisser. Celui, au contraire, dont
l'amaigrissement s'accompagne d'aggravation évolutive
pulmonaire et générale et cela malgré les essais de tous les
régimes possibles et malgré toute thérapeutique adjuvante,
peut être considéré comme condamné, car chez lui la tuber-
(1) M. Labbé. La Tuberculose dans la pratique médico-chirur-
gicale. N° 6, 1910.
182 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

culose est passée au premier plan et de quelque côté qu'on


tourne, le résultat ne varie pas. Le malade, dans ce cas,
se
n'est plus qu'une épave usée ; aucune puissance ne peut re-
nouveler sa vitalité épuisée et ses organes irrémédiablement.
fatigués.
Celui qui engraisse après une phase de dénutrition mar-
quée, récupère lentement ses muscles, fait peu de réserves
.

adipeuses et augmente journellement ses capacités fonc-


tionnelles organiques, celui-là, marche à pas rapides vers la
guérison.
Enfin, celui qui, peu amaigri, prend du poids, même d'une
façon modérée, n'a pas toujours le droit de se féliciter, car
il ne doit pas viser à reprendre trop tôt ou trop vite son
poids physiologique ; il doit seguider exclusivement sur sa
capacité d'assimilation cellulaire, ne jamais la dépasser,
mais la suivre pas à pas.
Ceci explique que, bien souvent, chez l'arthritique tuber-
culeux, l'abaissement du poids du début de la maladie doit
être considéré, non comme un signe de consomption, mais
comme un effort naturel et salutaire vers un équilibre suffisant
pour le moment, malgré sa décroissance, car il est propor-
tionné aux capacités fonctionnelles amoindries des organes
et comme tel doit être respecté, pendant les premières se-
maines de la cure de désintoxication, pour laisser le temps
aux cellules glandulaires de reprendre haleine et de se dé-
charger de leurs poisons.
En effet, chez la plupart des tuberculeux, j'en suis arrivé à
voir souvent dans le symptôme amaigrissement, tant
qu'il ne fait courir au malade aucun risque, du fait de
son accentuation excessive, une réaction défensive utile et
respectable, au même titre que le symptôme fièvre. Et je
pense, que, dans, bien des cas, il constitue un moyen de dé-
fense de l'organisme qui, tant qu'il n'a pas,
par le repos et la
désintoxication, relevé sa vitalité, proportionne la masse
RÉGIMES ALIMENTAIRES 183

de ses tissus aux pouvoirs nutritifs et antitoxiques momen-


tanés de l'appareil gastro-hépatique.
Les cellules fatiguées, paralysées par les irritations et les
excitations excessives, ont une diminution de capacité assi-
milatrice des matériaux nutritifs, et neutralisante des dé-
chets corporels. Ayant conscience de cette baisse d'énergie
vitale, l'organisme limite leur champ d'action en restrei-
gnant le poids des tissus, et, du fait de la suppression d'une
partie de leur besogne exténuante, elles bénéficient d'une
accalmie réparatrice.
Cette conception pathogénique de certaines formes d'a-
maigrissement montre que, dans ces cas, on ne doit pas
s'attaquer directement au symptôme, mais à la cause qui le
provoque et viser bien plus à l'amélioration de l'état gastro-
intestinal par des mesures alimentaires restrictives, qu'à
une augmentation de poids corporel en brusquant l'ali-
mentation. Car à ne pas s'inquiéter de savoir si les cel-
lules gastro-hépatiques pourront faire les frais du surcroît
alimentaire, on risque d'aggraverl'usure cellulaire, la lésion
hépatique, et de faire progresser un amaigrissement qu'on
voulait justement combattre. Comme quoi, il ne suffit pas
de fournir des matériaux à un organisme, si on ne s'est pas
assuré d'abord qu'il pourra les métaboliser.
Pour l'augmentation du poids, il ne faut pas l'oublier, c'est
l'organisme et non le médecin qui doit donner le signal de la-
reprise, car tout ce qui sera acquis en malmenant l'appareil
digestif, ne sera qu'une restauration factice, et rien de
durable ne peut être obtenu, sans le consentement, c'est-à-
dire la remise en état des organes lésés.
Si, au contraire, on a la sagesse ne ne pas brusquer le
mouvement ascensionnel du poids par un régime trop co-
pieux, on aura le plaisir de constater qu'à chaque améliora-
tion de la vitalité cellulaire, rendue possible par l'absence
de tout surmenage alimentaire, à chaque accroissement des
184 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

facultés métaboliques, va s'adjoindre un équilibre du poids


corporel nouveau, et qui augmentera graduellement dans
des proportions identiques. C'est dire, une fois de plus, que
la notion du poids sera toujours satellite de la notion de la
capacité fonctionnelle digestive, et qu'il faudra dorénavant
ne plus être obsédé par la première et attacher toute l'impor-
tance qu'on doit à la seconde.
Ces considérations permettent l'interprétation d'un fait
banal que l'on constate dans les sanatoriums. Chaque ma-
lade, dans les trois semaines qui suivent son arrivée, accuse
à la fois une stimulation générale et une augmentation de
poids, mais sans amélioration corrélative de la courbe ther-
mique et des lésions pulmonaires. Puis, les symptômes
d'amélioration factice rétrocèdent : le malade maigrit, perd
le gain acquis, se plaint de nouveau, et c'est l'aggravation
qui repart sur toute la ligne.
Que s'est-il passé ? Sous l'influence du changementde cui-
sine et de l'alimentation plus copieuse, l'organisme a reçu
un coup de fouet qui fut nocif, parce que trop brutal, du fait
qu'il agissait sur des cellules déjà surmenées. Dans un der-
nier effort d'adaptation, elles firent de leur mieux pour se
plier aux exigences accrues. Leur dernier sursaut d'hyper-
fonctionnement donna naissance à la stimulation générale
ressentie par le malade, et à l'élévation de poids constatée ;
mais la phase d'épuisement qui fatalement devait suivre
cette hyperexcitation se produisit ; il y eut non seulement
fatigue, paralysie cellulaire, mais intoxication, d'où l'ag-
gravation observée partout.
Il est bien certain que si le malade, moins imbu du pré-
jugé qu'il ne peut guérir qu'en.se gavant, avait sagement
et doucement réglé son alimentation, en se basant sur ses
données instinctives : l'appétit, et rationnelles son degré
:
de fatigue et l'usure gastro-hépatique il n'aurait
; pas eu
une pseudo-amélioration rapide et nocive, puisque suivie
RÉGÎMES ALIMENTAIRES 185
d'une aggravation ; mais une lente et bonne ascension
"

vers la guérison véritable et définitive.

2° LES RESTRICTIONS

Les restrictions sont destinées à empêcher l'introduction


par l'alimentation, de produits no cifs à l'organisme arthri-
tique. La défense s'étendra non seulement aux aliments
dans lesquels les poisons sont déjà tout formés. : toxines
exogènes, mais àceux qui, au cours du métabolisme, ou du
fait du simple séjour dans le tube intestinal, deviendront
la source de toxines endogènes.
Nous savons la haute fragilité de la cellule hépatique
vis-à-vis des poisons, vis-à-vis des acides qui sont les prin-
cipaux auteurs de la diathèse ; nous savons également
combien sa capacité de travail diminuée, s'accommode mal
des régimes trop copieux et des aliments trop gras ou trop
concentrés, aussi devrons-nous envisager des restrictions,
qui porteront successivement sur les aliments :
1Q toxiques,
.
2° trop abondants,
3° acides,
4° gras,
5° concentrés artificiellement.
Ces données restrictives basées exclusivement sur l'ex-
périmentation clinique, ne seront pas toujours d'une con-
cordance absolue avec les notions expérimentales clas-
siques, mais, peu importe ; l'explication chimique biologi-
que est sujette à transformations, tandis que le résultat
thérapeutique est irréfutable et constitue un guide sûr.
1° Les aliments toxiques seront ceux dans la composition
desquels se retrouveront des purines et des alcaloïdes
toxiques : ptomaïnes, leucomaïnes. Les purines principales
186 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

sont l'acide urique, la purine, la xanthine, l'hypoxanthine,


la o-uanine, l'adénine ; on y joint aussi la caféine et la théo-
bromine. La purine fut extraite la première fois des leuco-
cytes ou globules du pus, ce qui lui valut son nom. Tous
ces corps sont dès excitants puissants du système cardio-
vasculaire ; ils ont été incriminés par Huchard dans la pro-
duction de la dyspnée toxi-alimentaire et de l'irypertension.
On voit, par là même, les effets désastreux qu'ils peuvent
produire chez nos arthritiques tuberculeux pléthoriques et
éréthiques. Tous, en.plus, sont des producteurs d'acide
urique. Parmi les aliments les plus toxiques et dont les
malades devront, dans tous les cas, s'abstenir, signalons,
dès maintenant, le gibier faisandé ou non, la viande de porc
et la charcuterie, les fromages faits, les poissons gras, les
moules, le caviar, les viandes et poissons de conserves, les
viandes rouges, d'une toxicité bien supérieure à celle des
viandes blanches et enfin quelques légumes, tels que cer-
taines variétés de haricots en grains, et quelques exci-
tants comme le thé et le café.
2° Les aliments pris en quantité exagérée, même s'ils sont
catalogués dans'le chapitre des mets inoffensifs, sont égale-
ment nuisibles. J'ai vu, bien souvent, des malades ne tirer
qu'un bénéfice insuffisant de leur cure, malgré l'application
de mesures restrictives qualitatives convenables, parce
que ne sachant pas résister à l'entraînement, ni renoncer
à leurs anciennes habitudes de gavage, ou bien n'ayant ni
la patience ni la raison de se refaire une éducation des sen-
sations gastriques toujours si faussées chez les suralimentés
avec dilatation gastrique, ils persistaient dans leurs vieux
errements et continuaient à remplir leur poche gastrique
jusqu'à satiété. Chez eux, l'apaisement de la faim n'est
obtenu, pensent-ils, que quand la besace gastrique dé-

borde et fait apparaître une sensation de réplétion totale
;
aussi comprend-on que chez ces malades, la restriction qua-
RÉGIMES ALIMENTAIRES 18-7

îitative ne sert de rien, si on ne leur apprend pas à refaire


l'éducation de leur estomac, s'ils n'ont pas la volonté de
lutter contre leurs sensations déviées, et d'accepter la res-
triction quantitative basée sur les besoins nutritifs réels
et la capacité digestive d'assimilation, sans surmenage.
On devra, sans jamais se décourager, les raisonner et es-
sayer de leur faire comprendre que l'organisme arthri-
tique, affaibli dans son fonctionnement, doit fournir un
travail toujours exactement proportionné à ses forces, et
que jamais il ne pourra, sans dommage, se permettre,
comme un organisme normal, un excès de recettes qu'il
ne peut ni assimiler, ni mettre en réserve. .
3° L'acidité alimentaire est particulièrement nocive aux
tuberculeux arthritiques, surtout dans les périodes de
poussées des foyers bacillaires. Ferrier a bien vu cette
action néfaste dans la genèse et l'entretien des lésions.
L'acide peut, comme les toxines, provenir de deux sources :
il est exogène, s'il s'introduit tout formé dans les aliments,
ou bien est endogène, s'il apparaît au cours, soit d'un tra-
vail digestif imparfait, soit d'une désassimilation toxique,
soit d'un ralentissement de la circulation intestinale. Aussi
doit-on redouter et proscrire complètement l'ingestion de
fruits acides, de vinaigre, des aliments riches en acide
urique, des viandes fortes dont le motif de rejet est ainsi
doublement fondé. Non content de cela, il faudra par une
culture physique régulière, provoquer l'élimination facile
quotidienne des déchets accumulés au sein de nos tissus,
des acides urique et lactique principalement, et s'efforcer
surtout à réduire au minimum les fermentations gâstro-
intestinales, en fournissant, par l'alimentation,, les' élé-
ments d'un balayage facile et incessant du tube digestif.
Car tout ce qui y séjourne, y devient motif à fermentations^
avec formation d'acides lactique, acétique, butyrique, qui
tous, vont s'attaquer au foie.: ;
.
188 ETUDE THERAPEUTIQUE

40 Les aliments gras, dont on sature d'habitude le mal-


heureux arthritique tuberculeux, en l'obligeant à incor-
porer à ses menus du gras de jambon, du beurre, des sar-
dines à l'huile, de l'huile, des cervelles, etc., sont pour
lui des poisons violents et je comprends parfaitement
l'insistance avec laquelle Ferrier réclame la diminution
-considérable des corps gras, dans la diététique de ces ma-
lades. D'abord, ils enrayent la digestion gastrique par
leur présence ; tel aliment, la choucroute, par exemple,
quand elle est accommodée au lard, à la viande de porc et
à la graisse, compose un plat indigeste, pour l'arthritique
tuberculeux, tandis qu'elle est remarquablement tolérée,
si elle est simplement cuite à l'eau, avec quelques pommes
de terre. Ensuite les corps gras, du fait de l'aplasie hépato-
pancréatique, ne sont jamais complètement élaborés; au
lieu de subir tous les stades successifs de transformation
qui finalement les amènent à l'état de CO2 et H 20, leur
métabolisme s'arrête en cours de route, et donne lieu à une
surproduction d'acides qui abaissent encore davantage l'al-
calinité plasmatique, par suite la résistance organique, en-
tretenant ainsi la dyscrasie acide, et favorisant l'évolution
de la complication tuberculeuse.
5° Enfin, il est un dernier point, sur lequel, je veux rete-
nir l'attention, et insister énergiquement ; c'est le danger
de la prescription et de la recherche systématique des aliments
concentrés artificiellement. Cette manie de l'usage, cette
préoccupation obsédante de l'emploi d'aliments dits
« énergétiques » constitue une hérésie scientifique, qui se
donne libre cours, non seulement dans la diététique de
l'arthritique tuberculeux, mais dans l'alimentation cou-
rante. C'est à elle que nous devons l'éclosion et la fré-
quence chaque jour accrue de la plupart de nos maladies ;
c'est à elle qu'il faut imputer les insuccès, si fréquents et
parfois si déconcertants, de nos efforts thérapeutiques. Me
RÉGIMES ALIMENTAIRES: 189"

contentant pour l'instant de démontrer la nocivité de la


concentration artificielle, je reviendrai à propos du ré-
gime végétarien sur cette discussion, et prouverai que
dans certains cas, la restriction .de la concentration doit
s'étendre même à certains aliments naturels, à teneur mo-
léculaire nutritive trop élevée, pour s'adapter à l'amoin-
drissement de la fonction gastro-hépatique. Jusqu'ici, il
me paraît qu'on n'a tenu aucun compte de cette notion-
dans l'étude des régimes alimentaires ; son importance est
pourtant colossale et sera démontrée telle, à propos de
chacun des régimes, dont la graduation sera basée, non
seulement sur des degrés de toxicité décroissante, mais
surtout de concentration moléculaire de plus en plus faibles,
calculés pour s'adapter à des stades d'hypofonctionnement
de la cellule arthritique, de plus en plus prononcés.
D'où nous vient ce préjugé de l'aliment quintessencieî ?.
Il a plusieurs origines. Ce furent d'abord les recherches
expérimentales de chimie organique. Elles montrèrent la
valeur comparative de nos divers aliments, comme élé-
ments énergétiques et réparateurs de notre organisme, et
l'inégalité souvent considérable du coefficient nutritif qui
les séparait. A la suite de ces travaux tout théoriques, il
parut, à première vue, plus logique de donner la préfé-
rence, dans nos menus, à ces aliments, qui concentrés sous
un petit volume, assimilables presque en totalité, devaient,
dans la pensée des chimistes; donner le maximum de ren-
dement avec le minimum d'efforts de nos voies digestives.
Pourquoi, en effet, se nourrir en grande partie de pain, de
farineux, de légumes verts, de fruits, dont la teneur azotée
est faible, dont le rendement calorique est moyen, qui
laissent dans l'intestin des résidus motifs à fermentâtioîis.
toxiques ? La fatigue provoquée par l'encombrement et
l'empoisonnement qui résulte des fermentations micro-
biennes, ne plaide pas en faveur de tels aliments, qui,
190 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

par ailleurs, sont d'une utilité nutritive médiocre. N'y-


a-t-il pas, au contraire, tout bénéfice à s'alimenter surtout-
de produits à haute valeur azotée, hydrocarbonée ou. sti-
mulante qui, sous un petit volume, fournissent au corps de
puissants matériaux, tels que les sucs de viande, les
graisses, les sucres, le chocolat, l'alcool même ? Ils s'assi-
milent presque en totalité, disparaissent brûlés dans la
machine, sans presque laisser de traces dans le foyer ;.
donc, pas de surcharge gastro-intestinale, et plus de fer-
mentations si dangereuses ! Bientôt même, on peut le
prévoir, ce sera l'âge d'or ; la cuisine sera supprimée, on
en arrivera, peut-être, à se nourrir d'une « pilule chimique»,.
Ainsi fut décrétée la mort du déchet alimentaire et re-
commandé l'usage habituel de l'aliment saturé.
Tout heureux de la belle découverte, les malades, pour
lesquels la courbature et l'abattement d'origine toxique
ne sont que « faiblesse » et « anémie », se lancèrent à Corps
perdu, dans l'alimentation « tonique et fortifiante », pen-
sant y trouver remède à tous leurs maux. Lés médecins,,
il faut bien le dire, les y encouragèrent. Et tout le mondé
exagérant encore le mouvement, ne songea plus qu'aux
concentrations culinaires et aux associations d'aliments
énergétiques.
C'est ce désir, ce souci du « surnutritif » qui fut la cause
de l'éclosion de tous ces produits alimentaires concen-
trés, de toutes ces spécialités pharmaceutiques toniques et
suralimentaires, et .fit qu'on ne parle plus maintenant que
de jus de viande, de bouillons concentrés à la marmite
américaine, d'extraits, et sirops de viande, de vins à la
viande, de poudres de viandes, de peptones sèches et
liquides, de potages concentrés et solidifiés, de farines
sur-
azotées, phosphatées, lactées ; de sels de cuisine phospha-
tés ; de pains essentiels surazotés ; de pâtes lécithinées
;.
de laits condensés, desséchés ;de bières
concentrées ; d'es-
RÉGIMES ALIMENTAIRES 191

sences de café ; de granulés toniques et sucrés ; de sucreries


saturées, etc.
Comment vont se comporter les cellules d'un organisme
sain, mises en présence de tels aliments ? La vie cellulaire,
nous le savons, n'est qu'action et réaction : à un excitant
nutritif normal, le protoplasme répond par une réaction, un
travail normal ; à une excitation forte, correspond un
travail plus grand ; une excitation outrée engendre un
rendement vital excessif. Mais là, commence le danger;
ce n'est pas indéfiniment que la surproductionénergétique
peut se continuer, malgré le renouvellement de la surexci-
tation. L'effort démesuré, disproportionné aux fonctions
normales, amène fatalement la fatigue puis à la longue la
tétânisatlon, la paralysie cellulaire et finalement l'usure
et la lésion irréparable. Est-ce là, vraiment, ce que l'on
cherchait ?
C'est pourtant la loi physiologique, et l'effet ne devrait
pas nous surprendre, « Le rôle des excitations dans la pa-
thologie de la cellule est capital, écrit Pascault (1). Faibles,
elles entretiennent la vie, en favorisant l'assimilation des
principes nutritifs ; fortes, elles l'abrègent en accélérant
son fonctionnement dans une mesure telle que la fatigue et
l'usure surviennent prématurément. »
Alors, que vont produire tous ces pseudo-toniques et ces
puissants aliments ? Ils seront de violents excitants, ca-
pables, c'est certain, de permettre à un organisme sain, des
efforts énergétiques extraordinaires, mais qui ne dureront
pas, car ils sont en même temps et surtout, des agents de
surmenage brutal, de dégradation énergétique et de des-
truction cellulaire. Leur concentration moléculaire, fait
même que leur mode d'action peut être considéré bien
plus comme une irritation et une blessure, que comme une
excitation. Aussi, peut-on comparer la différence d'action
(1) Pascault. L'arthritisme par suralimentation, p. 56.
192 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

d'un aliment tel que nous l'offre la nature, à celui que nous
concentrons artificiellement, au contraste qui sépare un
courant électrique physiologique, d'un courant à haute
tension ; le premier déterminera une excitation cellulaire
bienfaisante, le second sera destructif.
Si de tels effets se constatent à la longue sur un orga-
nisme sain, on ne sera pas étonné de les voir apparaître,
encore plus rapides et plus désastreux, chez des malades,
surtout chez des arthritiques tuberculeux, qui sont déjà,
par définition, des surmenés cellulaires. Pour eux, la re-
cherche du maximum de matériaux nutritifs, sous le mini-
mum de -volume, est un défi au bon sens. A un organisme
aussi appauvri dans ses réactions vitales, et aussi diminué
dans ses capacités assimilatriçes, n'est-il pas vraiment ab-
surde d'imposer quintuple besogne, en lui fournissant des
aliments hyperconcentrés ? Loin de faciliter sa tâche, ces
aliments purs, sans déchets, le laissent débordé de travail
et sidéré ; la plupart, d'ailleurs, sont inutilisés, retrouvés
sans modification dans les fèces, et le peu qui a pu être
absorbé fut imparfaitement métabolisé, ce qui, nous le
savons, signifie intoxication. Aussi, là où on croyait relever
l'état général du tuberculeux on n'a fait qu'enrayer les
efforts curatifs naturels et progresser la lésion. Que cer-
tains autres malades, non arthritiques, ou arthritiques
frais entrés dans la diathèse, guérissent avec et je dirai,
malgré ce traitement corrosif, c'est possible ; mais ce sont
ceux dont la résistance organique est restée suffisante et
qui ont pu, par une adaptation hyperfonctionnelle, faire
les frais du surcroît d'irritation. Ils ont guéri, c'est vrai,
mais amoindris dans leur vitalité, car ils ont dû se défendre
contre deux poisons : la toxine microbienne et le poison sura-
limentaire. Et il n'en reste pas moins vrai qu'à appliquer
«e traitement dit « remontant » à des arthritiques avérés,
qui justement doivent leurs lésions à l'usure cellulaire,
RÉGIMES ALIMENTAIRES 193

c'est commettre une hérésie. Est-il nécessaire maintenant,


de dire combien on devra impitoyablement rejeter de leurs
régimes, tous ces produits diététiques concentrés, toutes
ces préparations pharmaceutiques suralimentaires, qui
vont à l'encontre du but proposé ? Ajoutons encore qu'il
faudra professer une égale méfiance vis-à-vis des procédés
culinaires, qui consistent à saturer les aliments, à les pré-
senter sous forme de consommés, d'entremets, de pâtisse-
ries où s'agrègent à saturation les jaunes d'oeufs, le beurre,
le sucre, le chocolat et le café. Bien que fabriqués à la
maison, ces mets sont tout aussi nocifs que ceux que j'énu-
rnérais plus haut et doivent être l'objet d'une égale pro-
hibition.
Tout ceci prouve combien les progrès scientifiques, s'ils
sont souvent des sources de bien-être, peuvent également
se retourner contre nous, si, dans leur application pratique
nous perdons de vue notre meilleur guide, l'étude des lois
naturelles, ou si, chose plus grave encore, nous affichons le
dédain de toute préoccupation naturiste. Aussi, est-il
grand temps d'enrayer cette recherche toujours croissante
de l'aliment à concentration moléculaire élevée, qui fausse
l'hygiène alimentaire contemporaine et constitue un vrai
danger public, et de proclamer que les produits tels que nous
les offre la nature, sont les seuls auxquels nos organes soient
adaptés, qu'à en changer la concentration pour augmenter
leur valeur énergétique, c'est vouloir brûler nos organes en
leur demandant un surcroît de travail pour lequel ils n'ont pas
été construits et leur imposer un mode d'alimentation diffé^
rente de celle qui, dans le cours des siècles, les a façonnés.

13
194 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

3° L'HYGIÈNE ALIMENTAIRE

Cette hygiène sera basée sur l'étude de la physiologie


digestive ; les principes qui en découleront devront être
énergiquement imposés au malade, car ils ont une extrême
importance et c'est faute d'y insister, qu'on voit bien
souvent échouer la thérapeutique alimentaire la mieux
comprise.
La mastication est passée sous silence, dans la plupart des
prescriptions. C'est un grand tort, d'autant plus que sur ce
point l'éducation de tout le monde est à faire. Jamais on
n'a appris à l'enfant à mastiquer lentement, méthodique-
ment, ses aliments ; aussitôt introduits dans la cavité
buccale, les mets sont déglutis. Cette dangereuse habitude
s'aggrave avec l'âge ; dans la fébrilité de notre vie moderne,
les moments dont on dispose pour les repas sont de plus
en plus restreints ; à table même, les soucis quotidiens dis-
traient toute notre attention ; aussi la mastication, qui
pourtant est un des actes les plus importants de la diges-
tion, se voit presque complètement supprimée.
Les inconvénients qui en résultent sont très sérieux et
firent l'objet de recherches de la part de Blondelot, et
de Jacquet et Débat (1). Expérimentant in vitro Blondelot
constata que pour être digérés, des aliments mal divisés
demandaient beaucoup plus de temps, et une quantité plus
forte d'acide et de pepsine, que s'ils étaient convenablement
triturés. Jacquet et Débat, reprenant l'étude de ces faits,
en fournirent d'abord la confirmation expérimentale pure
et décrivirent la mastication défectueuse sous le nom de
tachyphagie. Puis, ils s'attachèrent à observer les troubles
(1) Lucien Jacquet et Débat. Sur la surdistension et le surtravail
gastrique d'origine tachyphagique. Presse Médicale, 56, 1910;
RÉGIMES ALIMENTAIRES 195

digestifs qui s'ensuivent, chez l'animal et chez l'homme.


Ils virent que chez le chien à fistule stomacale, la digestion
des aliments mal préparés demande un tiers de temps en
plus et trois fois plus de suc gastrique. S'aidant de l'écran
radioscopique, ils constatèrent sur l'homme, que la brady-
phagie distendait davantage l'estomac, retardait son
évacuation et que le rythme de la contraction était surex-
cité et prolongé, Ce qui, d'ailleurs, s'accompagnait de sensi-
bilité et d'élévation de la température de la région gas-
trique. La rançon dé ce; surmenage musculaire et sécrétoire
est résumée ainsi par eux.
« Rançon directe : il faudrait être bien antiphysiologiste
en pathologie pour méconnaître dans l'effort d'adaptation
par excès sécrétoire", moteur, sensitif, l'annonce en leurs
modalités principales, des grands troubles dyspeptiques. »
« Rançon indirecte par l'éveil de sympathies réflexes.
Au cours de nos séries de surtravail gastrique expérimental,
nous avons noté d'emblée la pesanteur gastrique, la gas-
tralgie, les nausées, l'inappétance, les coliques, une névral-
gie temporo-pariétale à répétition, l'hypertension artérielle
enfin. »
On comprend bien la raison de pareils troubles, quand
on réfléchit au rôle capital de la mastication dans les phé-
nomènes de la digestion. Une bonne mastication, implique
une parfaite insalivation, c'est-à-dire une digestion faci-
litée de tous les aliments amylacés, farineux et notamment
du pain, qui est à la base de notre alimentation ; « un ali-
ment bien mâché est à demi digéré ». Elle permet de plus
de supporter parfaitement certains aliments réputés lourds
et indigestes, tels que les salades, les crudités, les noix et
les amandes. Elle rend possible une utilisation plus com-
plète de tous les matériaux nutritifs, parce qu'ils sont plus
finement divisés. Enfin, elle a le gros avantagé, par le re-
tard qu'elle apporte, à l'ingestion, et par la sapidité qu'elle
196 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

communique à tous les mets, de calmer la sensation de


faim et de s'opposer ainsi, directement, aux entraînements
suralimentaires. En un mot « la bonne mastication est le
régulateur naturel de l'appétit, en même temps que le pre-
mier des digestifs » (Monteuuis).
Adjuvant indispensable de la digestion normale, la
mastication peut devenir un remède aux troubles digestifs,
même bien caractérisés. Reproduite et prolongée en pé-
riode digestive, elle accélère le chimisme et l'évacuation
stomacale par le déversement salivaire que provoquent les
mouvements de la mâchoire. Aussi, le mâchonnement de
« mastic gumm », tel que le pratiquent
les Américains,
mérite-t-il d'être rangé au nombre des moyens thérapeu-
tiques vraiment efficaces, pour activer une digestion qui
tarde à se faire et s'accompagne de malaises locaux et
réflexes.
Une autre grosse question c'est celle de l'appétit. C'est
.

un phénomène instinctif dont notre raison s'est emparée


mal à propos, qu'elle a dévié, faussé, par des habitudes ali-
mentaires antiphysiologiques, et dont les indications natu-
relles sont actuellement piétinées. Il ne faut d'abord,
jamais manger sans faim, quitte à sauter un repas ou à re-
courir à des moyens laxatifs alimentaires ou médicamen-
teux qui, par le dégorgement toxique des cellules qu'ils
provoquent, rétablissent de nouveau le désir instinctif
d'alimentation. L'anorexie est en effet une défense naturelle
de l'organisme ; elle est un indice de souffrance, d'intoxi-
cation ou de surmenage cellulaire gastro-hépatique. Manger
quand même, c'est fatiguer et empoisonner davantage les
organes digestifs. Un malade, même un tuberculeux, ne
devra donc jamais manger « par raison mais écouter la
»
voix de l'instinct et suivre en cela l'exemple des animaux
qui, dès qu'ils sont malades, se plient aux exigences ins-
tinctives des défenses organiques et ne prennent aucun
RÉGIMES ALIMENTAIRES 197

aliment. Vouloir quand même absorber un repas pour


combattre un abattement qui indique, non pas un manque
de force, mais une intoxication, c'est aggraver le mal.
D'autre part, tout repas pris avec appétit devra se ter-
miner avant l'apparition de la satiété absolue, car la sur-
charge alimentaire permet seule l'éclosion de cette sensa-
tion ; on ne saurait trop répéter aux malades de manger
toujours à leur appétit, mais de veiller constamment à ne
pas se forcer. Et je ne puis qu'applaudir aux sages recom-
mandations que Guinard (1), l'éminent directeur du sana-
torium de Bligny, fait en ces termes : « Nous recomman-
dons à nos malades de manger le mieux possible, en évi-
tant toutefois dé se forcer et de dépasser les limites de Ce
que chacun peut absorber par rapport à sa capacité diges-
tive habituelle et à sa tolérance stomacale. Enfin, dans la
composition des repas, nous nous en tenons aux choses
courantes, estimant que les tuberculeux n'ont pas besoin
d'un régime spécial, différent de celui de tout le monde ».
Mais, combien il est difficile d'obtenir la mise en pratique
de ces prescriptions si sensées. Tous les malades, qui nous
arrivent au sanatorium ont été entraînés pendant des mois
ou même des années, à des habitudes de gavage forcé et de
suralimentation outrée. Tous les gens avec qui ils ont
causé, l'immense majorité des médecins qu'ils ont consul-
tés, les ont encouragés dans leurs errements; aussi parais-
sent-ils tout désorientés et incrédules, quand on leur prêche
la modération et le retour à l'alimentation normale et natu-
relle. Et ce qui contribue à les désemparer, c'est la dévia-
tion et l'interprétation faussée des sensations cénesthé-
siques, qu'engendrent fatalement l'intoxication, le surme-
nage et la dilatation des organes digestifs. On leur dit •'
mangez à votre appétit. Mais ils ont toujours jaim, les mal-
(1) Guinard. Ce qu'est vraiment le sanatorium. Congrès international
de la Tuberculose,"Paris, 1905.
198 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

heureux, ou plus exactement, ils croient avoir toujours faim !


La plupart ont la même tendance à interpréter comme sen-
sation de faim, toute irritation, tout tiraillement, toute
contracture d'un estomac simplement douloureux, parce
que surchargé. Chaque jour, on peut en voir qui, une
heure après lé copieux repas de midi, se figurent souffrir
de la faim et "viennent réclamer un morceau de pain, qu'ils
agrémentent de chocolat ou de confitures, pour apaiser leur
estomac qui, à les entendre, crie famine. Si on essaye de
leur démontrer qu'ils ont encore l'estomac absolument plein
du repas qu'ils viennent de prendre, ils vous rétorquent
l'inévitable argument, que c'est bien de la faim, puisqu'ils
se sentent défaillants. Cette sensation de faiblesse n'est en
réalité, je ne crains pas de le répéter toujours, qu'une in-
toxication des centres nerveux, de même que ce regain
d'appétit ne correspond qu'à un effort de contraction
défensive de l'estomac dilaté, qui voudrait bien se libérer
d'un contenu désagréable. Ferrier (1), en remarquable ob-
servateur, avait déjà noté la fréquence et la raison de ces
troubles : « Or ce malaise qui suit les repas, écrit-il, et dont
l'interprétation est erronée trahit, non la faim véritable,
mais la souffrance et l'inertie gastriques, peut-être la résorp-
tion de produits toxiques acides, en tous cas, s'accompagne
de dépression de la circulation ». Fernet (2), également, a été
frappé de la déviation que fait subir aux sensations, la di-
latation d'un estomac surmené. « Il arrive même, dit-il,
que l'irritation de l'estomac provoque une sensation qu'on
peut prendre à tort pour, de la faim ; je me souviens d'un
malade de l'hôpital Beaujon que je soignais pour une énor-
me dilatation d'estomac et qui tous les matins se plaignait

(1) Ferrier.La guérison de la Tuberculose basée sur l'étude des cas de


guérison spontanée, p. 44, Paris, 1906.
(2) Fernet. Du surmenage gastro-intestinal. Revue des Maladies de
la Nutrition, p. 339, 1910. '
RÉGIMES ALIMENTAIRES 199
d'être tourmenté par la faim; un jour qu'il réclamait plus
que d'ordinaire, je lui introduisis la sonde oesophagienne
et retirai de sa besace gastrique plus d'un litre de liquide
et de détritus alimentaires. »
Le meilleur moyen d'arriver à la rééducation gastrique de
ces malades, consiste dans l'application stricte et tenace
des deux mesures suivantes : l'interdiction absolue de toute
prise alimentaire entre les repas, et un espacement des repas
suffisant à l'évacuation gastrique du repas précédent. Cette
double défense correspond au même souci d'assurer un
travail gastrique aussi parfait que possible. N'est-ce pas^
en effet, l'entraver au maximum, que d'introduire au milieu
d'une masse alimentaire en plein travail de transformation,
en pleine évolution chimique, des mets qui vont diluer le
suc gastrique, retarder ou enrayer la digestion, déjà aux
trois quarts faite, et sur lesquels devra s'épuiser de nouveau
une sécrétion presque tarie ?
Un estomac ne se vide pas avant quatre heures environ,
.
quand les conditions normales .sont remplies ; mais, chez
l'arthritique tuberculeux, cet organe, toujours surmené, le
plus souvent atone, ne peut effectuer sa chasse que cinq ou
six heures après un grand repas, et même parfois davan-
tage. On peut se figurer alors à quoi mènent ces prises
copieuses d'aliments, répétées toutes les deux heures, au
cours d'une cure de suralimentation bien appliquée. Jamais
l'estomac n'a pu se vider en si court intervalle. Le repas
qui suit se mélange au repas précédent à demi digéré ;
l'estomac s'efforce de son mieux à combattre ce flot enva-
hisseur. Ses glandes activent leur sécrétion chlorhydrique,
pour hâter les métamorphoses ; sa musculeuse se contracte
ènergiquement, pour évacuer cette masse caustique et inces-
samment renouvelée. Ce sont là moyens de défense, dont
nous retrouvons les manifestations cliniques dans lés brû-
lures, les coliques d'estomac, les vomissements et la diar-
200 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

rhée. C'est bien le cas de le dire, un repas chasse l'autre ;


toujours l'évacuation gastrique est anormale, jamais elle
s'accomplit par un mécanisme physiologique. Il y a
ne
vraiment de quoi pervertir les sensations gastriques les
mieux équilibrées, et briser les estomacs les plus solide-
ment construits. C'est ce à quoi s'emploie d'ailleurs une
grande partie de l'humanité, qui, peu de temps après avoir
absorbé un repas trop copieux et trop prolongé, se précipite
au goûter ou au five o'clock, ayant l'estomac encore à
demi rempli d'aliments.
Quand une maladie se déclare, ces erreurs d'hygiène ali-
mentaire deviennent encore bien plus accentuées, en vertu
du préjugé que toute maladie est une faiblesse de l'orga-
nisme, et doit être combattue par une stimulation ali-
mentaire.
Ayant la curiosité, alors que j'étais placé par mon maître,
le Dr René Marie, au pavillon des hommes tuberculeux,
d'observer l'état physique de l'estomac chez Ces malades,
un quart d'heure avant le repas du soir, je constatai que
84 sur 100 avaient, en se mettant à table, l'estomac encore
bourré d'aliments, distendu et clapotant au-dessous del'om-
bilic. Et cela malgré mes conseils de modération alimentaire,
auxquels les hommes, bien moins dociles que les femmes, ne
veulent que rarement se plier.
Tous les arthritiques tuberculeux devront donc se con-
tenter de trois repas chaque jour. Le goûter, utile pour les
individus qui se livrent à une occupation manuelle fati-
gante, sera rarement permis à nos malades, à cause du
retard d'évacuation gastrique du déjeuner, qui est leur fait
habituel.
Le repas du matin sera composé de préférence de soupe
maigre, panade, et surtout de fruits, frais si la saison le per-
met, secs (quatre mendiants), figues ou pruneaux, trem-
pés d'avance pour leur rendre leur eau de composition,.
RÉGIMES ALIMENTAIRES 20Î
si les premiers manquent. Cette absorption matinale de
fruits, a pour avantage de permettre au début de la
journée, un balayage facile des voies digestives et cons-
titue le meilleur remède à la constipation habituelle ; tou-
jours elle est favorablement consentie dès que le malade a
pu se rendre compte du bien-être que ce repas procure. Le
lait ne sera laissé qu'aux estomacs peu lésés, ou aux mala-
des qui se refusent à quitter leurs vieilles habitudes ; en gé-
néral il est mal toléré par tous les estomacs arthritiques,
à l'état naturel. Le meilleur moyen de le rendre facilement
digestible, c'est, soit de l'incorporer à d'autres aliments
dans les préparationsculinaires, soit de le prescrire fermenté
sous forme de képhyr ou de lait caillé. C'est à cette dernière
préparation qu'on devra donner la préférence pour le repas
du matin, quand le régime fruitarien n'aura pu être accepté.
Pour qui sait la valeur calorimétrique et énergétique des
fruits, il n'y aura aucune surprise à cette prescription qui,
si elle répond à des -préoccupations hygiéniques formelles,
n'en remplit pas moins les conditions nutritives largement
nécessaires au bon fonctionnement de l'organisme.
Le repas de midi sera le plus copieux pour réparer les
pertes de la matinée et permettre facilement les efforts
physiques plus prononcés du reste de la journée. Ce sera h
repas de la viande et des farineux ; comme tous les autres,
il sera pris selon l'appétit du malade, mais toujours avec
recommandation de ne pas le dépasser.
Le soir, l'alimentation sera plus légère. Jamais on ne
devra permettre la viande ; plus que jamais on interdira
les excès de sucre à ce moment de la journée ; un menu
ovo-végêtarien avec légumes verts est le plus indiqué. Et
voici pourquoi : la viande et le sucre concentré sont de
puissants excitants, dont l'utilisation stimulante est in-
compatible avec le repos nocturne. Ce sont ces deux ali-
ments, qui pris le soir, sont l'origine de tous ces troubles
202 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

nocturnes qui incommodent tant les malades : réveils brus-


ques, sudation, insomnie consécutive, rêves incessants,
cauchemars. Il est d'ailleurs très logique de recourir à une
alimentation plus sédative, puisqu'entre le repas du soir et
celui du matin, on n'a aucune dépense musculaire ou céré-
brale à faire et qu'au contraire, c'est le moment où doit
s'accomplir le repos réparateur de tout l'organisme. Aussi
est-ce favoriser le sommeil, qui va nous permettre une nou-
velle détente d'énergie, que de recourir le soir à un menu
simple, calmant et reminéralisant (légumes verts), tan-
dis que c'est l'entraver, surmener nos centres nerveux et
nous préparer des réveils douloureux et déprimants, que
de nous gaver de nourritures excitantes, avant de nous
mettre au lit.
« Si vous méprisez tellement le corps (l'instrument indis-
pensable de votre activité), a écrit Michelet (1), respectez
votre pensée, respectez votre volonté, qui, sachez-le, sont
jour à jour influencés par le régime. Il ne faut pas faire
les fiers mais dire les choses comme elles sont. Votre cuisi-
nière vous gouverne. L'aliment malsain, irritant, qu'elle
vous a donné ce soir, cette nuit, troublera l'estomac, donc
l'esprit. Demain ou après, exaspérant les entrailles, il déci-
dera des résolutions précipitées... Moi qui toujours contre
tous ai défendu les droits de l'âme, il m'appartient de dire
ici ces choses de bon sens vulgaire, que tous disent, mais
légèrement comme ici on dit toute chose, sans songer
jamais au remède. »
Reste la question des boissons. La meilleure, incontes-
tablement, c'est l'eau. Si le malade n'y est pas accoutumé,
s'il est grand buveur, on ne gagne rien à lui supprimer radi-
calement les boissons fermentées, et comme mesure transi-
toire, il suffit de permettre l'usage modéré de bière ou de
vin fortement coupé d'eau. L'eau pure formera la base des
(1) Michelet. L'Amour. Le régime le plaisir,
et p. 363.
RÉGIMES ALIMENTAIRES 203
boissons ; on se trouve bien, souvent, d'y adjoindre un
verre ou deux par jour d'une eau minérale fortement alca-
line, telle que l'eau de Vichy-Célestins. Au moment du
repas, l'arthritique tuberculeux devra s'entraîner à boire
le moins possible ; son suc gastrique n'est déjà pas si abon-
dant, il aurait désavantage à le diluer. D'ailleurs, quand on
a supprimé de son régime.les aliments trop excitants et trop
concentrés, il cesse d'être tourmenté par la soif et sponta-
nément réduit l'ingestion des liquides. Cette disparition de
la soif est un des phénomènes les plus remarqués dès malades,
au début du traitement, dès qu'on les a débarrassés dé
leurs erreurs alimentaires. Entre les repas, ils devront éviter
de boire sans nécessité, surtout dans les heures qui suivent
les repas, et ne prendront de liquide que 5 ou 6 heures
après la sortie de table, quand l'évacuation gastrique s'ac-
complit ou est sur le point de se faire. A ce moment même,
l'ingestion d'une tasse d'infusion très chaude est recom-
mândâble ; par son degré thermique élevé, elle excite la
muqueuse gastrique, provoque une contraction réflexe du
viscère et favorise la vidange stomacale, comme en font foi
les éructations consécutives.
Que doit faire le malade après le repas ; s'asseoir, s'é-
tendre, marcher ? C'est, variable d'un cas à l'autre. Tel
malade qui s'étend, se voit malgré le meilleur régime, pris
de congestion faciale, d'angoisse respiratoire, de malaise
général ; tel autre qui marche un peu, souffre de pesanteur
abdominale, de barre épigastrique, et doit s'arrêter.
Immédiatement après le repas, le malade reste seul
maître du choix de la position qui lui convient le mieux ;
marche modérée et lente pour les uns, repos allongé pour
les autres. Mais, en général, après le repas, tous les malades
se trouvent bien de la position allongée sur là chaise longue,
avec décubitus latéral droit, le siège plutôt élevé. Cette précau-
tion est capitale ; elle favorise l'évacuation des estomacs
204 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

dilatés, remédie à la déclivité de la grande courbure, vient


aide à la musculeuse qui tente en vain de faire sortir
en
la masse alimentaire par l'orifice pylorique situé au plafond,
et permet aux liquides de sortir immédiatement de l'esto-
mac. Ce dernier avantage est considérable, puisqu'il accroît
la concentration du suc gastrique et fournit par la résorption
intestinale immédiate, les liquides nécessaires à l'organisme.
Carnot (1) a déjà insisté sur ces considérations, et leur a
fourni un appui clinique et expérimental.
La durée de ce repos sur le décubitus latéral droit, sera
variable d'un sujet à l'autre. Là encore, ce seront les sen-
sations ressenties par le malade, qui seront notre guide
le plus sûr. Dès que le besoin de mouvement apparaît, dès
que la sensation de plénitude abdominale s'évanouit, le
malade peut se lever et maintenant seulement doit mar-
cher. La plupart des arthritiques tuberculeux,je le montre-
rai plus loin, ne se trouvent pas bien du repos systéma-
tique et prolongé ; quelques-uns même, font de la fièvre à
la chaise longue, qui n'en ont jamais à la marche ; l'en-
crassement congestif de l'immobilité en est la seule raison.
La marche, en effet, excepté c'est bien entendu, chez les
fébriles, les aigus, les déprimés, est obligatoire après' chaque
repas chez l'arthritique tuberculeux. C'est pour lui un excefc
lent moyen de décongestionner son foie, ses viscères abdo-
minaux, et par suite ses poumons, de remédier à son hypo-
systolie pléthorique et d'activer sa circulation intestinale.
Chaque fois que la marche sera possible, il faudra l'y entraî-
ner peu à peu ; il y gagnera le déblaiement de ses foyers con-
gestifs et un robuste appétit pour le repas qui s'approche.
Enfin, il est une dernière recommandation concernant
l'hygiène digestive, qui mérite de retenir l'attention d'une

(1) Carnot. Méthode de renversement latéral droit dans le diagnostic


et le traitement des gastrectasies atoniques. Presse Médicale, octobre
1908.
RÉGIMES ALIMENTAIRES 205

façon toute particulière : c'est l'obtention d'une chasse


intestinale régulière et facile. On ne péchera jamais par excès
dans la recherche de cette régularisation fonctionnelle. Cette
accélération de la circulation intestinale répond aun triple
but :
Elle évite les fermentations et l'auto-intoxication ;
Elle décongestionne le foie ;
Elle facilite l'élimination naturelle des poisons.
Les nombreuses recherches des physiologistes ont mon-
tré la genèse des putréfactions intestinales et le rôle capi-
tal de la résorption dés toxines ainsi engendrées, dans l'em-
poisonnement de l'organisme. Cette auto-intoxication est
spécialement nocive à l'arthritique tuberculeux, puisque
c'est dans son foie déjà si lésé,, que vont se déverser ces
nouveaux et violents poisons ; déjà fatigué dans ses fonc-
tions assimilâtrices, il va encore être surmené dans son rôle
d'organe antitoxique, "
_
Si, au contraire, le balayage intestinal s'accomplit sans-
arrêt, il se produit en même temps que la cessation des fer-
mentations intoxicantès, un phénomène heureux de déter-
sion dé la muqueuse intestinale et de dégorgement des ra-
mifications portes, qui soulagent d'autant la circulation
hépatique et contribuent puissamment à la déçongestion
du foie.
La circulation activée des matières facilite d'autre part
l'élimination naturelle qui se fait normalement par la mu-
queuse intestinale. On méconnaît trop la puissance de cette
fonction éliminatrice, que montrèrent expérimentalement
les travaux de Maurel (1) et que prouve l'observation cli-
nique. Que sont, en effet, les décharges séreuses intestinales
des brightiques, et les débâcles des arthritiques, sinon des
flux d'éliminations toxiques anormalement grossis,pour sup-
pléer ou aider au fonctionnement d'un rein surmené Ou usé ?
(1) Maurel. Société de Biologie, novembre 1909.
206 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE.

La longévité ne s'explique-t-elle pas, en partie, par ce


fait que les individus parvenus à l'ultime vieillesse ont
bénéficié toute leur existence, ainsi que l'a constaté Met---
chnikofî (1), d'une circulation intestinale facile avec ten-
dances diarrhéiques même.
N'est-ce pas également grâce à leurs débâcles diarrhéi-
ques, qui leur permettent de réaliser une saignée toxique,
que les arthritiques entéritiques doivent de vivre fort
longtemps malgré leur infirmité intestinale, et d'être épar-
gnés par les gros avatars de la diathèse. « Tant mieux pour
l'arthritique à qui un intestin plus fragile laisse filtrer le;
danger, tant pis pour celui chez qui un intestin solide per-
met de tout garder : le bon et surtout le mauvais » (H.
Marcou) (2).
Si la génération actuelle est décimée par les maladies à
prédominance gastro-intestinale : gastrites, entérites va-~
riées, appendicites, fièvre t3qDhôïde, cancer, elle le doit,
d'une part, au surmenage qu'elle impose à ses organes diges-
tifs, en leur demandant de digérer des matériaux nutritifs
disproportionnés en quantité et en concentration à leurs
capacités anatomiques et physiologiques naturelles, et
surtout, à la guerre qu'elle a déclarée aux déchets alimen-
taires. La responsabilité de ces déplorables habitudes, pas-
sées maintenant dans les moeurs à l'état de manie, revient,
nous l'avons vu, aux chimistes qui ont trop hâtivement
conclu de la théorie à la pratique hygiénique. Jamais, en
effet, l'auto-intoxication par constipation n'a fait plus de
victimes et n'est devenue le point de départ de tant d'in-
fections, que depuis l'application excessive de ces notions
erronées à la diététique. Et les victimes de ces errements,
les gastropath.es, les entéritiques, les arthritiques en un

(1 )Metclmikoff. Essais optimistes.


(2) H. Marcou. La crise d'entéro-colite chronique envisagée
décharge toxique des neuro-arthritiques, Presse Médicale, comme
n° 63, 1910,
RÉGIMES ALIMENTAIRES 207
mot, Continuent à aggraver leurs souffrances en persévérant
dans les mêmes pratiqués antinaturelles, en passant leur
vie à faire la chasse aux résidus alimentaires, à rejeter mé-
thodiquement les peaux et les pépins des raisins, à tamiser
soigneusement tous les légumes verts, tous lés fruits cuits,
toutes les légumineuses pourtant déjà décortiquées arti*
fiçiéllement. Cette terreur incompréhensible de l'irritation
intestinale et de la parcelle alimentaire non nutritive,
devait aboutir, fatalement, à la suppression de toute excita-
tion physiologique pouvant amener la contraction, muscu-
leuse réflexe, et en quelque sorte à un colmatage des parois
intestinales. L'absence de déchets entraînant la privation
d'excitation et par suite, de contraction, il en résulta l'atro-
phie, T'inertie, la dilatation, qui peu à peu s'installèrent.
N'est-ce pâs^ en effet, la fonction qui crée et entretient
l'organe ?
Que faire pour remédier à cette lamentable situation ?
Suivre les indications tirées de l'ânatomie et de la physio-
logie de nos voies digéstives. Si la nature nous a dotés d'un
gros intestin, île voyons pas dans ce fait une inconcevable:
désharmonie, mais plutôt une indication à y introduire,
comme par le passé, des aliments végétaux riches en. cellu-
lose. Ils n'y donneront lieu à aucune fermentation toxique,
si nous avons soin de n'y point mélanger des excès d'ali-
ments animaux, de viande surtout, de sucre, qui, eux seuls,
sont à incriminer comme milieu de culture et favorisent
la colonisation des microbes de putréfaction.
Nos parois intestinales ont une charpente contractile
musculaire, c'est.pOur que nous l'entretenions par un fonc-
tionnement régulier. Nous connaissons trop bien l'action
atrophiante de l'immobilisation prolongée sur lés muscles
de nos membres et l'action hypertrophianté des pratiqués
naturelles d'exercice, et artificielles de massage, pour ne
pas considérer comme un attentât à notre santé et condam-
208 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE.

radicalement Cette prohibition des résidus alimentaires


ner
qui entrave l'action de notre muscle intestinal et aboutit
à sa paralysie.
Ce qu'il faut, au contraire, c'est rendre, dans nos menus,
aux légumes et aux fruits.la place qu'ils n'auraient jamais
dû quitter, et au lieu de les reléguer à la fin des repas,
comme des accessoires auxquels on touche à peine, après
s'être gorgé de viandes, d'aliments gras et de sucreries, on
devrait les faire passer en première ligne ; on apprécierait
mieux ainsi leur valeur nutritive réelle, leur rôle de contre-
poison dans notre alimentation moderne trop riche. Et
surtout, par leur usage plus largement répandu, on obtien-
drait une circulation intestinale facile, une désodorisation
des selles aussi prononcée que possible et l'évacuation
biquotidienne, à la fois de tous les résidus digestifs et de
tous les poisons intestinaux. Ce résultat ne saurait s'acquérir
que par une véritable culture physique du muscle intestinal,
que seule l'ingestion copieuse de fruits et de légumes per-
met de réaliser, et que l'action de palliatifs médicamenteux
ne peut que gêner. Aussi, devra-t-on veiller à introduire,
en quantité suffisante, ces deux variétés d'aliments dans les
menus des arthritiques tuberculeux, si on veut les voir tirer
tous les bénéfices qu'ils sont en droit d'attendre d'une dié-
tétique bien comprise.
Quand on se sera bien pénétré de l'importance de la thé-
rapeutique alimentaire et des prescriptions hygiéniques
alimentaires, dans la cure de la tuberculose chez les arthri-
tiques ; quand on saura avec quelle minutieuse attention,
il faut suivre et contrôler chaque jour les effets de la cure
de désintoxication ; quand on aura appris à connaître les
effets nocifs ou thérapeutiques de chaque aliment, pris en
particulier ; quand on saura en graduer les doses, les con-
centrations, et reconnaître les réactions gastro-hépatiques,
générales (pouls, température) et locales (foyer tubercu-
RÉGIMES ALIMENTAIRES 209
îeux) que chacun d'eux est capable d'entraîner, on aura
alors la sensation de tenir son malade en mains, d'être
maître de la direction de son traitement, de son chimisme
gastro-hépatique, de commander à chacun de ses organes,
comme on manie les leviers et les manettes d'un moteur. Et
on éprouvera la même satisfaction à diriger l'arthritique
tuberculeux, sur le chemin de la guérison, à le redresser
dans les faux pas, à le garer des erreurs et des excès, à le
voir progresser, de jour en jour, en tolérance digestive
et en forces, qu'à conduire un moteur d'automobile,
souple et obéissant.
Avant'd'aborder l'étude des trois catégories de régimes,
qui conviennent aux divers degrés d'arthritisme compliqué
de tuberculose et dont la graduation s'établit ainsi :
1Q Le régime carné mitigé, pour les cas d'arthritisme
léger ;
2° Le régime ovo-lactô-végétarien, pour l'arthritisme
moyen ;
3° Le régime végétarien strict, réservé aux formes très
graves ; je m'occuperai d'abord de la suralimentation et de
la zômothérapie. L'usage de ces procédés thérapeutiques
est trop habituel, pour ne pas mériter une-étude spéciale.

14
CHAPITRE X

LA SURALIMENTATION ET LA ZOMOTHËRAPIE

dLa suralimentation n'est que de la


surintoxication. »
LAKDOTTZY.

La suralimentation a été introduite dans la pratique mé-


dicale il y a vingt-cinq ans et, depuis, sa faveur n'a cessé de
s'accroître, malgré les efforts de quelques spécialistes très
autorisés qui, ces dix dernières années, s'élevèrent contre
cette méthode thérapeutique et en dénoncèrent, à maintes
reprises, tous les dangers.
L'enthousiasme avec lequel elle fut accueillie par le corps
médical, et surtout par le public, tient à ce fait, qu'elle
flattait le vieux préjugé, que plus on absorbe d'aliments
copieux, plus on les choisit toniques et concentrés, plus on
prend d'énergie et plus on accroît ses forces de résistance à
la maladie.
De plus, le tuberculeux maigrissant, il parut logique d'af-
firmer qu'il se consumait, que l'infection tuberculeuse le
faisait se brûler, et qu'il fallait procurer un excès de re-
cettes à un sujet qui faisait un excès de dépenses. L'accé-
lération nutritive devait amener un correctif : l'accrois-
sement alimentaire.
On se mit donc à gaver tous les tuberculeux. Beaucoup
SURALIMENTATION ET ZOMQTHÉRAPIE 211

engraissèrent et prirent de la mine ; d'autres eurent des


organes qui se révoltèrent ; les vomissements alimentaires
incessants devenant un obstacle à la cure, on prit des
mesures appropriées, et ce que l'estomac refusait par in-
gestion naturelle, on le lui imposa de force à l'aide du gavage
à la sonde. Les vomissements cessèrent, le malade garda
ses repas, et là encore on put arriver par ce subterfuge, à
faire prendre du poids et de l'apparence à de nombreux
malades.
Tout paraissant aller lé mieux du monde, là méthode prit
de l'extension, s'appliqua non seulement à tous lés tuber-
culeux, mais à tous lés anémiés, les convalescents, et fina-
lement, ce procédé thérapeutique est entré à ce point dans
les habitudes et dans les moeurs, que tout le monde se sura-
limente peu ou prou, dans un but prophylactique, pour
s'immuniser contre tous les maux qui s'abattent sur
l'humanité. Et ceci n'est pas une exagération, car, à
chaque instant, il m'arrive dé relever dans les antécédents
de mes tuberculeux, des pratiques surâlimentaires et même
zomothérapiques, accomplies en pleine santé et sans autre
motif, que le but conscient et avoué de lutter ainsi, sur le
conseil d'amis, soi-disant compétents, contre l'éclosion des
maladies infectieuses.
La zornothérapie prit la première place dans la diété-
tique suralimentaire, à partir des recherches de Héricourt
et de Richet, qui en constatèrent expérimentalement les
effets favorables sur le chien rendu tuberculeux.
La pratique de la suralimentation consiste à faire absor-
ber au malade la plus grande quantité possible d'aliments,
en le moins de temps donné et à introduire dans les menus
de ses nombreux repas, les aliments les plus riches en azote,
en graisses et en sucré, tout en y adjoignant dés boissons
stimulantes, des vins apéritifs, destinés à réveiller les fonc-
tions gastriques assoupies.
212 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Le nombre des repas fut souvent plus que doublé. Bins-


wanger faisait prendre huit repas à ses tuberculeux.
Dettweiler(deFalkenstein) se contentait de six repas. C'est
la moyenne habituellement ordonnée par les partisans con-
vaincus de l'efficacité de cette méthode. Au réveil, le ma-
lade prend déjà un menu assez chargé : lait, beurre, oeufs,
miel, jambon, etc. A 10 heures : deux oeufs et du bouillon.
A midi, un repas plantureux : hors-d'oeuvres (sardines ou
thon à l'huile), viandes saignantes en abondance, entremets
sucrés, légumineuses en purée, beurre, fromages, vin to-
nique. A 2 heures : bouillon et viande crue pulpée. Goûter à
4 heures : thé, sucre, beurre, deux oeufs, confitures. Le soir :
consommé aux pâtes, viandes saignantes, etc. Enfin si le
malade se couche assez tard, avant de se mettre au lit, il
peut encore avaler quelques oeufs.
On arrive ainsi à faire passer dans le tube digestif, sans
provoquer de vomissements, des quantités prodigieuses
d'aliments. J'ai vu de frêles jeunes filles absorber jusqu'à
18 et 20 oeufs par jour. J'ai observé un garçon boucher de
24 ans qui, pendant plusieurs mois, avait mangé plus d'un
kilo de viande de boeuf crue chaque jour, et qui se demandait
pourquoi il ne cessait de saigner du nez et de cracher du
sang. Les rations de 6.000 calories et de 250 grammes d'a-
zote obtenues par de tels menus ne sont pas rares.
Le plus remarquable, c'est la facilité avec laquelle les
tuberculeux se plient à ces régimes invraisemblables. Elle
montre à quel point ces malades sont imbus du préjugé de
l'alimentation « fortifiante ». Aussi, est-il assez rare, d'avoir
besoin de suivre les recommandations de persuasion et même
de contrainte, données par certains auteurs (Dettweiler)
pour obtenir la totale observance de cette diététique, si
outrée soit-elle.
Quels sont les résultats de la cure suralimentaire ? Il y
a heu de distinguer les effets immédiats, des résultats éloignés.
SURALIMENTATION ET ZOMÔTHÉRAPIE 213

Dans les semaines ou lés mois qui suivent,, si lé malade


n'est pas trop usé et peut s'adapter encore à cet hyper-
fonctionnément, on constate certainement des symptômes
fort encourageants. Il se produit comme un coup de
fouet nutritif général ; l'entraînement s'accomplit peu à
peu ; l'appétit renaît, le système nerveux surexcité par cet
excès dé stimulation, donne l'illusion de forces récupérées ;
l'augmentation de poids se fait rapide et souvent extraor-
dinaire, les couleurs reviennent grâce à la pléthore, et même
les lésions tuberculeuses peuvent Subir un temps d'arrêt.
Si l'atteinte tuberculeuse était légère et le sujet très ro-
buste, les choses en restent là, il paraît guéri. S'il est moins
solide, il peut encore se tirer d'affaire avec l'aide dé soins
.adjuvants : exercice, grand âlr, etc., qui l'aident à suppor-
ter la fatigue surâlimentâiré, et grâce auxquels seuls, il
gagné d'échapper aux accidents tardifs. Jusqu'ici, il n'y a
guère d'ombre au tableau et sans attendre davantage on
pourrait proclamer l'excellence dé la méthode.
Mais, que la lésion pulmonaire soit plus sérieuse ou le
'

malade moins résistant, la Curé devra se prolonger et alors


lés choses vont se gâter.
Ce qui d'abord éveille l'attention, ce sont les signes gas-
tro-hépatiques de surmenage. L'appétit qui avait été arti-
ficiellement surexcité, va devenir capricieux et même dis-
paraître. La langue apparaît sale, jaunâtre, la bouché pâ-
teuse, l'haleine très fétide. Lés repas maintenant se pren-
nent très péniblement ; les aliments sont mastiqués, tournés
dans la bouche en tous sens, non pas dans un louable but
d'insâlivâtion, mais parce qu'ils ne « peuvent plus rentrer » ;
le réflexe pharyngé nauséeux est là, qui, à chaque instant,
les renvoie du gosier dans la bouché et c'est au prix de vio-
lents efforts de contraction de la gorge et de la face, et de
l'adjonction renouvelée dé boissons, que le bol alimentaire
finit par pouvoir se glisser dans l'oesophage.
214 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

On devine l'accueil que l'estomac peut faire à une masse


alimentaire prise avec pareil dégoût. Aussitôt après le repas,
s'installent la pesanteur, le ballonnement, les éructations,
les pituites avec régurgitations aigres qui, bien souvent, se
terminent par un vomissement véritable, si l'estomac a
encore la force de se défendre. Sinon, c'est la digestion qui
traîne 6 et 10 heures, dans un estomac atone et clapotant,
et qui s'accompagne de céphalée, d'irritation laryngée con-
gestive avec toux réflexe, qui elle-même peut devenir émé-
tisante.
Du côté de l'intestin, ce qui frappe, c'est d'abord la fré-
quence et l'abondance des selles qui sont pâteuses, col-
lantes, et d'une fétidité extrême. Elles se reproduisent en
série, et le plus souvent succèdent immédiatement à une
.
prise alimentaire : aussitôt après l'ingestion d'un petit repas
supplémentaire composé de 3 ou 4 jaunes d'oeufs, par
exemple, apparaît une débâcle diarrhéique d'odeur sulfu-
reuse.
Cette fatigue et cette auto-intoxication gastro-intesti-
nale achèvent d'abîmer le foie. Toujours gros et très sen-
sible, il traduit sa souffrance par des débâcles bilieuses, qui
refluent dans l'estomac ou s'évacuent par les selles, puis par
un état cholémique ou une acholie des selles caractéristiques.
Le malade peut encore garder son embonpoint fort long-
temps, mais il n'est pas rare, quand il est arrivé à ce degré
d'empoisonnement, de le Voir décliner et maigrir rapide-
ment, tout en restant d'ailleurs, congestif et pléthorique.
Car, si certains ont des signes d'intolérance gastro-hépa-
tique très accusés, avec débâcles qui atténuent la pléthore,
d'autres, au contraire, moins favorisés, n'ont aucune éva-
cuation défensive qui les protège, et deviennent d'habituels
congestif-s torturés par les bouffées de chaleur, les attaques
de congestion pulmonaire, les épistaxis, les hémoptysies à
répétition, les ruptures hémorroïdaires.
SURALIMENTATION ET ZOMOTHÉRAPIË 215
L'auto-intoxlcation intestinale et l'empoisonnement sur-
alimentairê modifient fâcheusement les réactions générales.
La soif est toujours très vive • elle apparaît comme un
appel de dilution défensive des Cellules, noyées dans des
plasmas antivitaux, par concentrations chimique ettoxique
excessives. Le pouls et la température restent très élevés.
Le système nerveux participé aux troubles : la nervosité
extrême, les alternatives de dépression et de surexcitation
mentales sont de règle. Le bulbe atteste son intoxication
par des troubles respiratoires réflexes, simulant de vérita-
bles crises d'asthme, qui reconnaissent un mécanisme ana-
logue à Celui de la dyspnée toxi-alimentaire de Huchard, à
l'orthophée dyspeptique réflexe de Beau, à l'asthme dys-
peptique de Boces.
Arrivé à ce point, le suralimenté est dans un état d'es-
soufflement continu, à redoublements post prandium, et ne
cesse de §ê plaindre quotidiennement de sensations pénibles
dû côté de la base thor'acique. Il insiste, avec une assiduité
importune, sur ces points de côté, à chaque visite médicale.
La plus minutieuse auscultation ne peut, la plupart du
temps, permettre d'en découvrir la cause plausible. Ce sont
ces malades qui traînent ainsi, de soi-disant points plêuré-
tiques, dé pséudo^congestions des bases, dont la fugacité dit
le peu de valeur étiologique, d'illusoires névralgies intercos-
tales que rien ne peut modifier. Ils affirment avoir avalé
tous les analgésiques en pure perte, et montrent leur base
thoraeiqué couturée de brutales et inutiles traînées de feu,
constellée de scarifications ; tout cela ne les empêche pas
de souffrir autant, et de réclamer à tous les échos, un terme
à leurs misères.
Finalement, rebuté par la répétition de leurs plaintes et
par le peu de succès de tous les essais thérapeutiques, on en
arrive à les considérer comme des névropathes, des neuras-
théniques, si ce sont des hommes, des hystériques, quand
216 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

ce sont des femmes. C'est la façon habituelle d'en finir avec-


un patient, que son incurabilité rend insupportable.
Ces douleurs rebelles et sine materia dont on ne trouve
d'explication satisfaisante ni du côté du coeur, ni du côté
du poumon, paraissent déconcertantes, parce qu'obsédé
par l'idée fixe et unique de la lésion pulmonaire, on a omis
d'explorer d'autres organes logés également à la base tho-
racique, et parce qu'on connaît insuffisamment ces trou-
bles douloureux qui sont toujours d'origine suralimentaire.
La sensation médiane pénible, sorte de barre angoissante
et nauséeuse, de malaise indéfinissable, qui peut s'irradier
vers le dos, qui augmente après les repas, qui s'exaspère
par les secousses de la marche, qui devient aiguë par la
pression du creux épigastrique, nous la connaissons déjà, et
savons qu'elle est pathognomonique de la distension hépa-
tique.
La douleur latérale droite, à la fois superficielle et pro-
fonde, exagérée par la pression sous les fausses côtes ou dans
les espaces intercostaux, que l'on peut suivre, à la palpa-
tion tout le long de son irradiation phrénique, jusque dans
le cou, qui possède une autre irradiation, vers le sommet
de l'épaule et l'omoplate du même côté, c'est encore une
douleur de congestion hépatique confirmée, que le renfor-
cement douloureux de l'épigastre vient corroborer.
Le point de côté gauche, situé parfois assez haut sous le
mamelon, qui donne très souvent au malade la sensation
d'une pression limitée et permanente vers une articulation
chondro-costale (bouton diaphragmatique) et s'accompagne
d'éréthisme cardiaque avec dyspnée angoissante, a sa raison
d'être unique dans des troubles fonctionnels gastriques.
Toujours, dans ces cas, On retrouve l'estomac dilaté, cla-
potant au-dessous de l'ombilic, et c'est sa grosse tubérosité
surdistendue par les gaz, logée beaucoup plus haut qu'on le
.
croit, dans la base thoracique, qui est, par la compression
SURALIMENTATION ET ZOMOTHÉRAPIË 217
qu'elle exerce sur le poumon et le coeur, l'origine de tous ces
troubles, si déroutants de prime abord.
Enfin, si la tolérance organique du malade est capable de
s'accommoder assez longtemps encore de pareil surmênagef
on peut voir apparaître des troubles tardifs plus gravés.
L'ulcère d'estomac n'est pas rare ; l'entéro-colite mucô-mêm-
branêuse et l'appendicite sont extrâordinairement fré-
quentes ; lés cirrhoses graisseuses et la lithiase biliaire se
voient souvent ; la lithiase rénale et l'albuminurie ont été
constatées (Chauffârdî Robin, Monsséâux) ; la nutrition
générale se ralentit dé plus en plus ; l'obésité, là goutte, Y ar-
tériosclérose, l'asthme, les éruptions cutanées (M. Labbé,
Mouisset, etc.) sont les manifestations ordinaires de cette
déviation trophique.
Mais cette séméiologie de la suralimentation, avec ses
effets immédiats d'apparence si rassurante, et ses consé-
quences tardives si désastreuses, né fait elle pas songer à un
autre ensemble symptômâtiquê sur lequel on la croirait
calquée ? Ne reconnaissons-nous pas là, toute la succession
des troubles arthritiques ?
C'est parfaitement exact et cela se comprend aisément.
Lés mêmes causés engendrent les mêmes effets. La sur-
alimentation, même pratiquée dans un but thérapeutique,
né pouvait finir autrement. Elle provoque l'apparition d'un
arthritisme qui à ceci de spécial, qu'il brûle les étapes et
fait converger sur le même individu tous les effets nocifs
qui s'éparpillent sur plusieurs générations. La séméiologie
de la suralimentation, c'est la séméiologie de l'arthritisme,
mais considérablement aggravée et accélérée. Les troubles
de suralimentation ne sont que la caricaturé dés signes de
l'arthritisme. L'arthritisme est aux troubles de suralimenta-
tion, ce que h rouleau pelliculaire photographique regardé
directement est à la projection cinématographique, qui ï inten-
sifie en grandeur et en vitesse.
218 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

C'est ce qu'a fort bien vu Labbé (1), quand il écrit :


« Puisque les hommes civilisés se soumettent presque tous à
la suralimentation, puisque celle-ci est l'idéal pour lequel
la plupart des hommes se battent entre eux, on comprend
que l'arthritisme soit la diathèse la plus répandue, dans
toutes les classes de la société et dans tous les pays du
monde. »
A quoi rimaient alors ce surcroît de vigueur évident et cet
indéniable sursaut vital, du début de la période suralimen-
taire? Ils reconnaissent la même pathogénie que les signes
florissants, précurseurs de l'arthritisme. Ils correspondent
à l'excès de fonctionnement des cellules tétanisées par le
flot des aliments hyperexcitants : viande, sucre, alcool ; ils
ne sont que les manifestations, en apparence favorables,
au fond désastreuses, de l'effort d'un organisme qui cherche
à équilibrer ses réactions cellulaires et à les rendre équiva-
lentes aux excitations reçues. A cet essai d'adaptation défen-
sive, l'organisme brûle ses dernières cartouches, fait feu de
toutes parts et' bientôt épuisé, hors de combat, donne
prise à tous les symptômes morbides qui caractérisent les
accidents tardifs graves.
Au fond, ces signes d'amélioration trompeuse, n'étaient
que des symptômes « cache-misère » qui, loin de traduire
un bien-être organique, n'étaient que des réactions d'hyper-
fonctionnement défensif. Ce qu'on prenait pour un regain
de vitalité, n'était que souffrance et surmenage cellulaire.
Et cette fatigue cellulaire sera simple, réparable par suite,
si la fâcheuse thérapeutique ne dure pas trop ; si elle se pro-
longe, elle entraînera au contraire des lésions irrémédiables.
Quand l'organisme criait sa révolte, en repoussant par
le vomissement, les excès d'aliments qu'il sentait nuisibles,
fi fallait l'écouter et ne pas. prendre
pour de la mauvaise
(i)M. Labbé. La suralimentation et ses dangers. Revue hebdoma-
daire,p. 640. 1910.
SURALIMENTATION ET ZOMÔTHÉRAPIË 219
volonté fonctionnelle, de l'intolérance, ce qui n'était qu'un
moyen naturel de défense. Bien loin de contrarier cet effort
instinctif curatif, il fallait tâcher de discerner parmi la
gamme alimentaire naturelle, les quelques aliments qui
pouvaient être acceptés sans révolte stomacale, et ne plus
composer les menus qu'à l'aide de ces données expérimen-
tales cliniques.
Imposer, au contraire, par le gavage forcé, à la sonde et
faire supporter par ce moyen une alimentation toxique, ne
constituait pas un progrès et encore moins un succès théra-
.
peutique. On brisait simplement, en agissant ainsi, une des
armes de protection naturelle de l'organisme : la contraction
spasmodlque de la poche gastrique, qui fournissait une pre-
mière barrière opposée à l'invasion toxique, et la seule sau-
vegarde contre le surmenage intestinal. Du fait du gavage
forcé, on a transformé un estomac, dit intolérant, c'est-à-
dire en l'état de rébellion défensive, en une poche atone et
avachie ; on â, de ses propres mains, abattu le premier bar-
rage élevé contre l'empoisonnement, et on va s'attaquer
maintenant que la voie est libre, à. détruire la seconde bar-
ricade dressée par la nature, c'est-à-dire l'intestin et le foie.
On a cru dompter l'estomac ; on l'a démoli ; la belle avance !
Et ce sont pareils moyens qu'on emploie sur les organes
d'un malade, sur l'estomac déjà si délabré du malheureux
arthritique, que le surmenage digestif a rendu tuberculeux !
Mais quel est l'estomac le plus robuste, possédé par un sujet
choisi parmi les plus vigoureux, qui pourrait résister à de
telles voies de fait ! Et alors, par quel illogisme extraordi-
naire, peut-on espérer des effets curatifs sur des malades,
d'une méthode homicide pour les sujets les plus sains ! N'est-
il pas insensé de penser à guérir par le surmenage digestif,
un tuberculeux qui, justement, doit sa maladie au surme-
nage alimentaire ?
D'autre part, suffit-il de faire tolérer à un tube digestif,
220 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

une crosse masse alimentaire pour en attendre de bons


effets nutritifs ? C'est le cas de rappeler le précepte qu' « on
ne vit point de ce qu'on ingère, mais de ce qu'on digère ».
Fournir des matériaux, au-delà des capacités assimilatrices
du foie et des besoins stricts de l'organisme arthritique
fatigué, c'est inévitablement achever l'usure, aggraver les
lésions, amener par métabolisme imparfait, un empoison-
nement du sang encore plus prononcé.
Cette inutilisation dangereuse a été rendue évidente par
H. Labbé et G. Vitry (1). « L'augmentation de la ration,
azotée, disent-ils, ne conduit pas à une meilleure utilisa-
tion, mais au contraire, n'a pour effet que d'augmenter l'a-
zote fécal des sujets qui continuent à maigrir. La puissance
d'assimilation du tube digestif de chaque tuberculeux doit
donc être prise en considération, si l'on veut fixer d'une
façon utile, la quantité de matières albuminoïdes que l'on
doit lui donner. Au-delà d'un certain chiffre, variable sui-
vant les sujets, et chez chaque sujet suivant les périodes
de la maladie, chiffre qu'il faut donc déterminer chaque fois,
il n'y a que des inconvénients à augmenter l'alimentation
azotée du tuberculeux. »
Ceci suffirait déjà à montrer l'inutilité et les dangers des
prises azotées excessives, réalisées par la pratique de la
zomothérapie.
Cette méthode qui fut propice au chien tuberculeux, qui
est un animal Carnivore, ne devait pas s'appliquer sans
restriction à l'homme, animal omnivore, ou du moins, qui
se croit tel. La transformation d'un animal que l'étude de
fanatomie comparée enseigne être surtout un végétarien
frugivore, en un Carnivore strict, ne pouvait guère se sou-
tenir logiquement, puisqu'elle s'élève contre les lois natu-
relles.
(1) H. Labbé et G. Vitry. Echanges azotés chez les tuberculeux. Con-
gres international de la Tuberculose, 1905.
SURALIMENTATION ET ZOMOTHÉRAPIE 221
L'expérience clinique, en décelant les effets nocifs de la
viande crue, s'est, encore une fois, chargée de.démontrer
qu'il est parfois hazardeux de conclure, sans contrôle cli-
nique suffisamment probant et prolongé, de l'animal de
laboratoire à l'homme,
L'enthousiasme, qui fit prescrire sans réserves la viande
crue, commence à faiblir chez tous les cliniciens qui s'oc-
cupent de soigner spécialement les tuberculeux, et beau-
coup d'entre eux, ne la considèrent plus que comme une
mesure thérapeutique d'exception, à laquelle on a recours,
le plus souvent, sous l'influence du malade qui arrive à vous
forcer la main. Car, dans les milieux populaires, mondains
et même médicaux non spécialisés, la suralimentation con-
tinue à faire rage et le dogme de la zomothérapiê, même
préventive, demeure intangible.
La viande saignante est maintenant considérée comme
un aliment indispensable à la vie et au travail, à un point
tel, que dans les milieux populaires, ce désir d'alimentation
carnée est devenu la raison et la base des revendications et
que l'ouvrier qui, régulièrement, n'a pas un copieux plat de
viande, aux deux repas, se figure « crever de faim ». Les
salaires augmentés ne servent pas à mieux appliquer cer-
taines mesures hygiéniques, à assurer un meilleur confort
de l'habitation ou des vêtements, à activer la culture phy-
sique et cérébrale, mais à corser les menus, à l'aide d'ali-
ments dits « de luxe », dits « énergétiques », c'est-à-dire à
se gaver de viande, de sucreries et surtout d'alcool.
Cela est si vrai, que l'augmentation toujours croissante
.
du prix de la viande reconnaît comme cause, non seulement
la plus grande consommation, maisla demande de plus en
plus forte des morceaux de choix, destinés à fournir des plats
dé viande saignante, et le dédain des morceaux dits infé-
rieurs, moins riches en sang, qu'on réservait jusqu'ici à la
confection des ragoûts. Cette constatation a déjà été faite par
222 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

M. Labbé (1) qui dit : « L'ouvrier mange trop de viande et


pas assez de légumes ; le plat de résistance à tous ses repas
est un plat de viande ; les légumes ne viennent guère que
d'une façon toute secondaire, comme assaisonnement de
la viande. La nourriture du travailleur parisien est donc
trop carnée et elle tend avec l'augmentation des salaires à
le devenir de plus en plus. L'ouvrier s'imagine que la viande
donne des forces et est nécessaire pour faire du muscle. Il
croit que le régime de la viande est un régime de force, tan-
dis que le régime lacto-végétarien est débilitant ; préjugé
contre lequel on ne saurait s'élever avec trop d'énergie, et
qu'il suffit de quelques exemples pour réfuter ».
La toxicité naturelle de la viande, son action beaucoup-
plus excitante que nutritive, action qu'elle partage avec
d'autres poisons, tels que l'alcool, devraient pourtant lui as-
signer un rôle très secondaire dans l'alimentation moderne,
et ses qualités stimulantes et nullement énergétiques, de-
vraient, au contraire, la faire rejeter de l'alimentation des
individus obligés à des efforts prolongés. Propre à commu-
niquer une énergie brutale mais très momentanée, elle
oblige le travailleur à boire de l'alcool, pour contrebalancer
à chaque instant la dépression qui suit la période d'hyper-
excitation, que sa digestion procure.
Mais, absorbée crue, la viande a peut-être des vertus cu-
ratives réelles, bien que difficiles à expliquer ? En clinique,
elles sont impossibles à mettre en évidence. L'opinion de
Malibran (2) est formelle sur ce point : « La viande crue,
dit-il, m'a semblé, comme à Sabourin, l'objet d'un tel aléa
et la cause de tels accidents que je lui ai réellement attribué
un rôle secondaire dans la ration du tuberculeux ». En plus,
ce qu'il y a de certain, c'est que, comme l'ont démontré

(i) M. Labbé. L'éducation alimentaire dans la Tuberculose. Congrès


international delà Tuberculose, 1905.
_

(2) Malibran. Congrès de Climatothérapie de Nice, 1904.


SURALIMENTATION ET ZOMOTHÉRAPIE 223
Linossier et Lemoine (1), la toxicité de la viande crue l'em-
porte de beaucoup sur celle de la viande cuite, et que tous
les aliments d'origine animale perdent de leur toxicité par
la cuisson.
Cette dernière considération, jointe aux précédentes,
achève dé justifier la méfiance qu'on doit professer vis-à-vis
de la zornothérapie en général, et l'écart systématique qu'on
en fera dans la diététique des tuberculeux.
Ce n'est pas d'hier, d'ailleurs, que les méfaits delà surali-
mentation et de la zomôthérapie sont signalés p ar les cliniciens
qui se sont spécialisés soit dans l'étude pratique des régimes
alimentaires, soit dans la cure de la tuberculose pulmonaire.
Dès l'année 1902, Maurel (2), Sabourin (3), Barbary (4),
Malibran (5) s'élevèrent contre la suralimentation des tu-
berculeux et la zornothérapie. Ils furent appuyés plus tard
par Môuisset (6), Guinard (7), Landouzy, Laufer (8),
Labbé (9), Pascault (10), Bourcart (11), Renon (12), Fernet
(13), Zoja (14), G. Leven (15), etc.

(1) Linossier et Lemoine. Recherches sur les régimes alimentaires.


Presse Médicale, n° 18,1910.
(2) Maurel. Causes de nôtre dépopulation, 1902.
(3) Sabourin. Journal des Praticiens, 15 avril 1902.
Revue dé Médecine, mars 1903.
(4.) Barbâry. Mémoire à l'Académie de Médecine, 19 mai 1903.
(5) Malibran. Congrès de Climatothérapie de Nice, 1904.
(6) Mouisset. Congrès international delà Tuberculose, 1905.
(7) Guinard. Congrès international de la Tuberculose, 1905.
(8) Laufer. Revue de la Tuberculose, 1906.
(9) M. Labbé. Société Médicale des Hôpitaux, juillet 1908..— La
Clinique, juillet 1908 et d'autres nombreux articles, communications
et conférences.
(10) Pascault. Congrès de Climatothérapie. Cannes, 1907.
(U) Bourcart. Congrès de Climatothérapie, Cannes, 1907.
(12) Rehon.ie traitementpratique de la Tuberculosepulmonaire, p. 80.
(13) Fernet. Du surmenage gastro-intestinal. Revue des Maladies de
la Nutrition.
(14) Zoja. Congrès de la Société Italienne de Médecine interne,
Rome, 1908.
(15) G. Leven. Toux et suralimentation. Congrès physiothérapique,
1910. -
.
224 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

-
C'est en ces termes que Guinard exprima sa protestation
au Congrès de la Tuberculose de 1905 : « Manger beau-
coup, se soumettre à un régime alimentaire très abondant
aussi bien que varié, telle est la formule simpliste à laquelle
on s'arrête et qui est si souvent imposée aux tuberculeux.
Formule fausse et dangereuse, je m'empresse de le procla-
mer, car les malades obnubilés par le souci de se nourrir au
maximum, font parfois des efforts inouïs pour dévorer ;
aussi en voit-on qui, en plus des légumes, rôtis et plats cou-
rants, ingurgitent des oeufs crus, de la viande crue, du lait,
de la poudre de viande, etc., etc. II n'y a qu'une chose
qu'on oublie dans tout cela, c'est l'estomac, ainsi con-
damné à une tâche parfois bien au-dessus dé sa résis-
tance ».
G. Petit, au cours d'une conférence faite à la Société vé-
gétarienne de France en 1905, disait : « Depuis quelques
années, on a introduit la suralimentation dans le traitement
de la tuberculose et ce qui est pire encore, on a préconisé
l'usage de la viande crue, contre lequel je m'élève au nom de
la raison et de l'intérêt des malheureux malades qui sont là,
victimes d'une erreur absolue. Appliqué à des prédis-
posés à la tuberculose, ce régime les condamne à le deve-
nir, car on fatigue leur organisme, on les intoxique, on
diminue leur résistance vitale qui est leur seule sauve-
garde. »
J'ai constaté moi-même, très souvent, cette action tuber-
culigène de la zornothérapie préventive, et on en verra plus
loin de probants exemples dans certaines observations de
malades qui, jusque-là robustes, se mirent à la viande crue,
contagionnés par les néfastes habitudes qu'ils avaient jour-
nellement sous les yeux, et dont le désir de se fortifier
davantage n'aboutit qu'à Féclosion d'une infection bacil-
laire par intoxication arthritique.
Effrayé des régimes de 5 à 6.000 calories imposés à des
SURALIMENTATION ET ZOMOTHÉRAPIE 225
tuberculeux cavitaires, Renon (1) s'élève contre ces désas-
treuses prescriptions, qui obligent les malheureux malades
à lutter à la fois « contre leur tuberculose, leur hypernutri-
tion et leur intoxication alimentaire ». Ailleurs, se faisant
plus encore explicite, il ajoute : « La suralimentation, dans
la pratique, aboutit presque toujours à faire d'un tubercu-
leux tolérant bien les aliments, un dyspeptique qui ne sup-
porte plus rien du tout. »
Tout récemment, Sabourin (2) écrivait encore : « On a,
par principe, après de fort belles expérimentations sur
les chiens, suralimenté tous lés phtisiques qui se réclament
du médecin et il a fallu pas mal d'années, pour s'apercevoir
qu'on empêchait ainsi de guérir une quantité de malades
qui se seraient fort bien tirés d'affaire, si on les eût laissés
manger comme tout le monde, sinon moins. A l'heure ac-
tuelle, heureusement, les médecins sont édifiés sur les désas-
tres occasionnés par la suralimentation du tuberculeux,
si le public, par contre, en dehors de tout conseil médical,
se laisse encore aller à cette pratique par entraînement, par
vitesse acquise et contagion mentale. »
Cette quasi-unanimité, à dénoncer les dangers de la sur-
alimentation, constatée chez les médecins qui soignent spé-
cialement les tuberculeux, est vraiment remarquable et
digne enfin de retenir l'attention du corps médical- qui, à
son tour, devrait s'opposer de toutes ses forces, au courant
suralimentaire qui emporte la santé, non seulement des
tuberculeux, mais de la population entière.
Beaucoup de médecins de sanatoriums, du fait qu'ils ont
depuis longtemps décrit les troubles suralimentaires et re-
noncé à cette thérapeutique nocive, croient avoir été en-
tendus et suivis par le reste du corps médical. C'est, mal-
(1) Renon. Le traitement pratique de la Tuberculose, p. 80.
Les maladies populaires, p. 416.
(2) Sabourin. La Tuberculose dans la pratique médico-chirurgicale,
a0 1, 1910.
15
226 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

heureusement, une illusion. La suralimentation est de plus


en plus un dogme qui s'étale à chaque page des traités clas-
siques, et la zornothérapie reste notée à l'égal d'un « médi-
cament opothérapique de la tuberculose. »
La campagne de réaction n'est donc qu'entamée, le com-
bat commence seulement, et je puis dire que les publica-
tions, communications et.conférences faites jusqu'à ce jour,
n'ont eu que des résultats insignifiants, pour ne pas dire
nuls. Je n'en veux pour preuve que la constatation sui-
vante : les milliers de malades que je vois défiler depuis
quatre ans dans le quartier des tuberculeux de Brévannes, se
présentent tous, pour ainsi dire, ayant suivi des régimes de
suralimentation excessive, imbus du préjugé zomothéra-
pique, et porteurs de lésions gastro-hépâtiques graves.
Je n'ai donc par la sensation d'enfoncer une porte ou-
verte, en joignant mes efforts à ceux des rares médecins qui
s'opposent depuis quelques années déjà à la marche enva-
hissante des excès alimentaires, et ma protestation se fait
particulièrement véhémente et énergique.
Le mouvement suralimentaire a même pris une telle ex-
tension, ses progrès et ses ravages sont si effrayants et si
rapides, que si le mouvement d'entrave ne se généralise pas,
si le corps médical entier ne réagit pas, il sera bientôt dé-
bordé et devra assister impuissant, à l'achèvement de la
ruine physique de l'espèce.
Déjà, actuellement, la lutte est singulièrement difficile
et rude, propre à décourager les volontés mal trempées. Le
praticien qui sait les dangers de l'alimentation excessive,
n'ose guère la combattre de front ; tout en écrivant en
tête de ses ordonnances : pas de suralimentation, il.se laisse
aller inconsciemment dans les lignes suivantes, à étaler
encore la nomenclature des aliments « riches », viande crue,
gelées de viande, corps gras, sucreries, condiments. Il sait
trop bien, en effet, pour en avoir fait la cuisante expérience,
SURALIMENTATION ET ZOMOTHÉRAPIE 227

que réduire, par exemple, la ration d'un enfant gavé, c'est


risquer d'être accusé de le faire mourir de faim, et que dimi-
nuer l'alimentation carnée d'un diathésique ou d'un tuber-
culeux, qui vient justement lui demander un « fortifiant »,
c'est être taxé de singularité. Aussi, comme il lui faut vivre,
plutôt que de perdre sa clientèle, il laisse faire, spectateur
impuissant du flot toujours montant dés maladies et dés
dégénérescences, et du suicide inconscient d'une race qui
s'empoisonne par une alimentation vicieuse.
Ce qu'il faut, pourtant, c'est renoncer, dans tous les cas,
à employer la pratique suralimentaire et ne pas croire qu'elle
a encore dès indications exceptionnelles. Que de véritables
anémiés, des miséreux, des inanitiés aient besoin d'une ali-
mentation reconstituante, c'est bien certain ; qu'on la leur
fournisse, équivalente à leurs besoins exagérés du moment,
c'est légitime ; employons donc tous les moyens culinaires
pour les bien alimenter, mais ne disons pas que nous allons
les suralimenter.
Il est trop évident, en effet, que donner à un organisme
au-delà de ses besoins et de ses capacités métaboliques,
même sous le prétexte d'une stimulation hyperfonction-
nelle, c'est ignorer que cette hyperfonction, comme je l'ai
déjà dit, n'est pas synonyme de bien-être, mais de souffrance
cellulaire, et qu'ore ne doit se permettre aucune voie de fait
même passagère, même avec les meilleures intentions, sur les
organes d'un malade. Si la merveilleuse résistance de la
machine humaine ne permet pas d'apercevoir des effets
immédiats et rapides de ces petits attentats répétés, ils n'en
sont pas moins inscrits dans les tissus, où leur empreinte
reste ineffaçable. A n'arracher qu'une pierre chaque jour
à l'édifice sans le voir broncher, on proclame son intégrité,
jusqu'au jour où tout s'additionne, et où l'on demeure stu-
péfait de l'étendue des ravages et de l'imminence du cata-
clysme final, dont on fut pourtant l'aveugle et patient artisan.
228 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Aussi, rassemblant tous les griefs qu'on est en droit de


lui adresser, je dirai avec le professeur Landouzy, que la
suralimentation n'est qu'une surintoxication, et j'ajouterai
qu'elle est un mot à rayer et un procédé à bannir du répertoire
thérapeutique.
Enfin, comme témoignage de ce que peut provoquer chez
des tuberculeux, une suralimentation menée avec convic-
tion, je résumerai deux observations éminemment démons-
tratives, qui indiqueront l'une, l'intensité que peuvent
acquérir des manifestations pléthoriques et hémorragiques ;
l'autre, la gravité parfois exagérée que revêtent les troubles
gastro-intestinaux.

Tuberculose hémoptoïque par suralimentation

L... A..., âgé de 27 ans. Antécédents héréditaires arthritiques


nets. Tout jeune, le malade était déjà sujet aux troubles du
petit arthritisme ; plus tard, à 19 ans, il eut même une violente
attaque de rhumatismes. A son retour du régiment il fit de
nombreux excès ; c'était un gros mangeur et un fort buveur,
absorbant beaucoup de viande et peu de légumes, le tout arrosé
devins stimulants. Il eut, à ce moment, des troubles pléthoriques,
congestion faciale, essouflements, épistaxis, mais n'y fit guère
attention, lorsqu'un jour, en octobre 1903, il fut pris subite-
ment, coup sur coup, de deux formidables hémoptysies, qui
l'obligèrent à garder lé lit pendant près d'un mois.
Aussitôt sur pied, il quitte sa ville de province et s'en vient
consulter un spécialiste parisien, qui lui prescrit des cachets de
gaïacol, tanin, et de la suralimentation. L'ordonnancé fut rigou^
reusement suivie. Les cachets furent pris pendant plusieurs
mois, et le malade, déjà enclin aux excès de table, n'eut pas à
se contraindre pour les aggraver. Bien que gêné très souvent
par des poussées congestives faciales, il accrut son embonpoint;
sa mine restait excellente; il reprit son travail dé négociant,
n'ayant guère à se plaindre que de troubles digestifs passagers,
mais peu alarmants.
SURALIMENTATION ET ZOMOTHÉRAPIE 229
Les choses allèrent ainsi pendant un an, jusqu'en décembre
1904, où il fut pris brusquement de fièvre violente à 40°, qui
dura plusieurs jours,et de symptômes nerveux qui firent craindre
une méningite ; mais la fièvre tomba, et l'attention fut retenue
sur le poumon droit qui présentait une évolution tuberculeuse
évidente.
Pour se remettre de cette alerte, le malade fit un séjour dans
un sanatorium du Midi, de février à avril 1905. Il y continua
son régime suralimentâire, et vit ses petits malaises et sa lésion
pulmonaire s'aggraver peu à peu.
A son retour chez lui, en avril 1905, comme il se sentait un
peu mieux, il reprit ses occupations ; mais ce fut plus pénible-
ment que la première fois ; il était de plus en plus essoufflé, con-r
gestionné, et la période d'accalmie fut ÎSrèVe, puisque en mai,
il fut atteint d'une nouvelle hémoptysie qui le décida à faire
encore une fois une cure sanatoriale, pendant l'été 1905.
En juin, il entre donc dans un autre sanatorium. Là, le régime
de suralimentation était remarquablement institué, et le gavage
poussé au plus haut point. On n'en doutera pas un instant
quand on saura que de 78 kilos, le poids du malade s'éleva en
un mois de 14 kilos et passa à 92 kilos. Il est facile de prévoir la
suite. Le 15 juillet : hémoptysie formidable, qui nécessite vingt
cinq jours de lit par sa persistance. Une baisse de 22 kilos en
"résulta, et, de 92 kilos, le poids tomba à 70 kilos. Pendant les
six semaines qui suivirent, la suralimentation reprit de plus
belle, dans la louable intention de rattraper le temps perdu et
de combattre la faiblesse qui devait résulter de la perte sanguine.
On peut juger si l'alimentation fut copieuse et substantielle-
d'après le nouvel embonpoint obtenu. De 70 kilos, le poids
grimpa à 93 kilos : soit 23 kilos en six semaines.
Le malade, en octobre 1905, quitte le sanatorium en pleine
obésité, ne cessant d'avoir des suffocations nocturnes, incâ*
pable de faire quelques pas sans étouffer, en proie à de vio-
lentes poussées sanguines de la face, de la gorge et des poumons.
Se voyant dans l'impossibilité de passer l'hiver chez lui, il
retourne dans le Midi, et s'installe encore une fois dans le sana-
torium qui l'avait accueilli l'hiver précédent.
230 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Là, il est pris d'une série fantastique d'hémoptysies du


15 novembre au 10 décembre 1905. Rarement il passait deux
jours sans cracher le sang, et fréquemment il lui arrivait d'avoir
deux ou trois crachements dans la même journée. Ses longs
appels de sonnerie accompagnés d'efforts d'expectoration,
étaient devenus une obsession pour ses voisins.
La période prolongée de diète forcée qui s'ensuivit, amena,
une fois de plus, la cessation des hémorragies avec là baisse
habituelle de poids qui de 93 kilos retomba encore à 72 kilos.
Le malade put erjfin se lever un peu, faire quelques pas dans
les couloirs, et recevoir, comme il le faisait après chaque crise
hémorragique, la visite de son tailleur qui retouchait, une fois
de plus, les ceintures de ses vêtements, pour qu'il puisse s'y
maintenir.
A la suite de cette série d'hémoptysies, il fut prié par le per-
sonnel médical de restreindre son alimentation et de mettre un
frein à ses néfastes habitudes de gavage ; mais il était trop
entraîné depuis des années à suivre les prescriptions contraires,
et restait incrédule ; il avait trop vu autour de lui recommander
les fortes nourritures à ses compagnons de sanatorium, pour
consentir à manger comme tout le monde. Aussi, trouVa-t-ille
moyen de corser en fraude les menus raisonnables qu'on lui
servait dans sa chambre, en se faisant monter en cachette par le
cuisinier, qu'il avait soudoyé, force langoustes, entrecôtes et vin
de Champagne.
Il n'y avait donc pas de raison d'en finir avec les séries hémop-
tôïques et de fait, le gavage reprenant, le poids passe de 72 à
76 kilos, et de nouvelles hémoptysies survinrent, moins fortes tou-
tefois et moins nombreuses ; il n'y en eut que 16 au lieu de 35 s
Le sanatorium fermant, il revient chez lui, et d'avril à octo-
bre 1906, continue à se gaver consciencieusement et à lutter
contre une vingtaine d'hémoptysies et un état pléthorique qu'on
imagine imparfaitement.
Un nouveau séjour dans le Midi, au Cannet, se fait pendant
l'hiver 1906-1907. Là, sous l'intelligente direction du DT Man-
toux, un régime de réduction alimentaire est enfin suivi, le ma-
lade baisse régulièrement de
un kilo chaque mois, et ayant
SURALIMENTATION ET ZOMOTHÉRAPIE 231
obtenu, pendant ces six mois d'hiver, une grosse amélioration de
ses lésions et de son état général, avec seulement deux hémop-
tysies insignifiantes (à peine une cuillerée à café, tandis.qu'au-
trefois elles dépassaient toujours plusieurs centaines de grammes)
il est enfin convaincu..., mais trop tard.
Il avait même appris à s'observer, et remarquait, de lui-même,
que quand il mouchait du sang deux ou trois jours de suite, il
lui fallait prendre un léger purgatif pour éviter l'apparition
consécutive de stries sanglantes dans ses crachats.
Je le vis en avril 1907, encore congestif, dyspnéique ; la sur-
alimentation avait fait son oeuvre, la machine était usée et
la tuberculose irrémédiable. Il mourut en août 1907,

Intoxication arthritique compliquée de tuberculose pulmonaire.^


Ulcère d'estomac et appendicite par suralimentation.

Lag,.., 40 ans.
Antécédents héréditaires. Côté paternel. Arrière grand-père,
.
mort asthmatique et empirysémâteux ; Arrière grand'mère,
morte d'un cancer de l'estomac; Grand'mère; âgée de 88 ans,
sujette à des troubles dyspeptiques mais très robuste; Grand-
père, mort à 50 ans de cancer d'estomac ; Père vivant, tempé-
rament très congestif avec petit arthritisme. Très émotif.
Côté maternel. Arrière grând-mère, morte d'un cancer du py-
lore; Grand-père, mort de pneumonie à 30 ans; Grand'mère,
morte d'embolie à 70 ans; Mère, morte à 37 ans de diabète qui
vers la fin se compliqua de tuberculose pulmonaire.
La malade eut huit; frères et soeurs. Son frère aîné est très
arthritique, et gastropathe au plus haut point; deux de ses
enfants sont morts de méningite tuberculeuse. Elle était la
seconde enfant. La troisième fut une fille qui mourut à 8 mois
de diarrhée infantile. C'est à ce moment, que la mère devint dia-
bétique. ; aussi, les sept enfants qui naquirent ensuite, mouru-
rent-ils, les premiers en naissant, les autres in utero.
Le relevé de ces antécédents permet, d'abord de souligner la
fréquence du cancer et l'apparition tardive de la tuberculose
232 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

chez les descendants ; ces deux complications infectieuses


sont de constatation courante d'ailleurs, dans les familles tarées
d'arthritisme. II.explique d'autre part, que l'organe qui va
fléchir le premier au surmenage, chez nôtre malade, sera juste-
ment celui qui aura eu le plus à souffrir chez ses parents. Le point
faible ici, c'est l'estomac; les troubles dyspeptiques et le cancer
reviennent avec insistance chez les ascendants, rien d'étonnant
alors, à ce qu'elle soit à son tour plutôt une gastropathe, qu'une*
hépatique ou une rénale.
Dans son enfance, on note une rougeole à 7 ans, dés vomisse-
.
ments et migraines espacés, et de 16 à 20 ans, des coryzas et
angines à répétition. Mariée à 20 ans, elle souffrit quelque temps
après de métrite qui pendant quatre ans lui causa des ennuis,
et s'aggrava au point de nécessiter deux interventions chirur»
gicales à un an d'intervalle. Elles donnèrent des améliorations
passagères, et naturellement, pour la «fortifier », on la soumit à
la suralimentation et à une médication tonique à outrance. Les
choses empirèrent, la chloro-anémie s'accentuait, le poumon
attira l'attention et on craignit une évolution rapide de ce côté.
Cela se passait en 1897. La malade était en piteux état, déjà
surmenée par la suralimentation, et les vomissements étaient
incessants. Ces troubles de défense organique furent mis sur le
compte de l'état nerveux et on prit des mesures énergiques pour
que la malade gardât ses repas. Il fut prescrit des lavements nu^
tritifs, des injections quotidiennes de sérum artificiel, des pointes
de feu, et enfin du gavage à la sonde.
Voici quelle fut la technique employée pour ce gavage. La
malade absorbait d'abord une solution cocaïnée pour anesthésier
les voies digestives, tandis qu'on préparait le mélange suivant :
deux jaunes d'oeufs, deux cuillerées à soupe de poudre de viande
mélangées dans un verre de lait, et du bouillon de marmite
américaine. Le tube était alors introduit, et le mélange alimen-
taire versé dans l'entonnoir qu'il remplissait. Comme les pre-
mières fois, l'estomac s'insurgeait contre cette contrainte et
rejetait immédiatement son contenu, on voulut venir à bout
démette résistance, et la lutte commença.
L'entonnoir fut tenu élevé à un mètre au-dessus du plan du
SURALIMENTATION ET ZOMÔTHÉRAPÎÉ 233
lit, accroché par une ficelle fixée au ciel de lit ; le tube fut laissé
en place dans l'oesophage pendant un bon quart d'heure. Pen-'
dant le temps que durait ce supplice, la malade suffoquait, en
proie à une congestion effrayante de la face et des yeux, et était
prise de secousses de vomissements, qui à plusieurs reprises,
renvoyaient tout le liquide dans l'entonnoir. Quand l'estomac
s'avouait vaincu, On retirait le tube.
La journée était ainsi organisée : un premier gavage vers
10 heures le mâtin; un repas vers midi, composé de viandes sai-
gnantes et d'un peu de légumes ; un second gavage vers 5 heures
du soir. Malgré ces moyens coercitifs,lês vomissements ne ces»
sêfent pas. Les trois repas étaient presque toujours rejetés, une
heure Ou deux après, leur ingurgitation. Ces vomissements étaient
colorés de bile et si abondants, que l'idée vint de les mesurer,
et on constata,'non sans étonnement, que la malade rejetait plus
qu'elle ne prenait ; aussi son poids de 41 kilos tcmbà--t4l à
30 kilos !

Au bout de deux mois de ce traitement, se produisirent de


violentes hémâténièsês avec njeloena, accompagnées d'atroces
douleurs de trânsfixion. L'ulcère d'estomac était créé. On
'mit la patiente au traitement classique : bismuth, lavements
nutritifs, huile camphrée.
Au bout de quinze jours, une très grande amélioration étant
survenue, On reprit la suralimentation : jambon, viandes sai-
gnantes, gigot, côtelettes, bifteck, sans recourir à la sonde, cette
fois. Lés vomissements recommencèrent, les hématémèses moins
fortes reprirent également, ainsi que le meloenâ. L'alimentation
n'en fut pas moins continuée, et après les repas, on comprimait,
les phréniques avec les pouces, à la base du.cou, pendant une
grande demi-heure pour éviter le réflexe nauséeux. N'empêche
qu'une heure plus tard, l'estomac vraiment solide parvenait
bien souvent à se libérer. Les choses allèrent ainsi, pendant
quatre ans, avec des alternatives de mieux et d'âggraya'
tion.
En 1899, la malade consulte un spécialiste des maladies d'es-
tomac, qui diagnostique une affection du pylore, et propose une
pylorectomie, quand l'état de la. malade sera, meilleur. Il près*
234 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

crit un régime avec lait et farines. La malade s'améliora, mais


refusa l'intervention.
En 1900, elle, se nourrissait exclusivement de thé et de lait et
fut prise pendant quatre mois d'une crise d'anasarque mal ex-
pliquée, probablement par acidose. Ses jambes gonflèrent tel'
lement qu'il :se produisit un suintement séreux persistant pen-
dant plusieurs semaines.
Ensuite, jusqu'en 1903, grâce à ce régime restreint, elle n'eut
à se débattre-que contre des crises hyperchlorhydriques et une
constipation, très rebelle ; mais, comme elle était extrêmement
faible, et qu'on craignait de plus en plus de voir progresser une
tuberculose qui en somme évoluait très lentement et silencieu-
sement, on eut recours de nouveau à la suralimentation carnée.
Cette fois, ce fut une violente poussée d'appendicite qui
éclata, puis s'atténua peu à peu, mais laissa l'intestin de plus en
plus sensible et paresseux. Pendant deux ans, on chargea moins-
les menus ; la malade ne prit que du lait et des oeufs, et sans être
parfait, son état était assez satisfaisant.
Voulant obtenir mieux encore, on envoya la malade dans une"
ville d'eau. Là, on lui conseilla une fois de, plus de se surali-
menter. Au bout de dix jours de gavage au jambon, à la viande,
au poisson, une nouvelle crise d'appendicite se produisit ter-
rible, et immobilisa la patiente au lit pendant deux mois. Nous
sommes en 1905, la fin de l'année s'achève avec un régime très
modéré, lait, crèmes, etc., et des purgatifs chaque jour, Variés
et renouvelés.
En janvier. 1906, avec un acharnement vraiment incompré-
hensible, on remet la malade à la viande crue pilée et tamisée, et
aux jaunes d'oeufs. Résultat : quatre mois d'hématémèses et de
meloena, qui cessent, peu à peu, grâce au repos gastrique forcé.
Mais la trêve fut de courte durée cette fois ; en juillet, nou-
velle reprise alimentaire : viandes, poudres de viande, biscottes.
Le 14 août, se déclare une troisième crise appendiculaire, for-
midable, qui retient la malade au lit pendant un an.
•Je fus appelé près d'elle à
ce moment. Elle faisait peine à voir,
émaciée, les extrémités toujours refroidies,ayant chaque jour des
syncopes ; son abdomen était partout extrêmement douloureux,
SURALIMENTATION ET ZOMOTHÉRAPIE 235
la région coeçâle très empâtée, les viscères ptosës. Les lésions
pulmonaires étaient surtout prédominantes à droite. Le poumon
de ce côté présentait une obscurité respiratoire presque absolue
dans toute sa hauteur en avant et en arrière, et au sommet, la
toux permettait de déceler une pluie dé fines crépitations.
C'était en somme une véritable ruine.' Je la suppliai de ne
plus jamais se livrer à d'intempestifs essais suralimentaires. Elle
vit encore ; depuis trois ans elle n'a plus d'accidents à grands
fracas, mais elle n'en reste pas moins une infirme dont l'exis-
tence fut un long martyre. Elle ne va guère que de son lit à sa
chaise longue, et sa survie est un problème pour tous ceux qui
rapprochent.
CHAPITRE XI

LE RÉGIME CARNÉ MITIGÉ

« L'alimentation du tuberculeux doit


être simplement en rapport avec ses be-
soins organiques. »
M. LABEÊ(I).

Les grosses restrictions de ce régime devront porter sur


les aliments toxiques qui ont rendu le malade arthritique
puis tuberculeux, et qui ne pourraient, par conséquent,
qu'amplifier ses lésions ; le simple bon sens réclame donc
leur suppression radicale.
Aussi, on devra rayer des menus les viandes fortes, les
sucreries concentrées, les boissons fortement alcoolisées.
De plus, notre arthritique étant un empoisonné par
hyperacidité, on devra écarter tous lés aliments acides par
eux-mêmes ou générateurs d'acides, au cours du métabo-
lisme : les graisses notamment.
Les graisses végétales seront les mieux supportées, et
parmi celles-ci une grosse supériorité de tolérance se mani-
feste en faveur de l'huile blanche. Il faut, à ce propos,
lutter contre l'ostracisme dont om-frappe, dans la plupart
(1) M. Labbé. Les régimes alimentaires,
p. 462.
RÉGIME CARNÉ MITIGÉ

237
des milieux, la cuisine à l'huile. C'est un parti-pris que
rien ne motive ; il s'affirme surtout de la part de gens qui
n'ont jamais voulu eh faire l'essai loyal. Elle est facilement
assimilable, n'entrave pas la digestion des aliments aux-
quels on l'incorporé, et né détermine aucune gêne gas-
trique, à l'inverse dé ce qui se passe avec le beurre et les
graisses animales. La plupart dés aliments dits indigestes,
ne doivent cette réputation, qu'à leur préparation aux
graisses animales. Il y a là des « harmonies digestives »
(Monteuuis) qu'il faut bien connaître et s'efforcer de faire
Comprendre autour de soi.
Il pourra arriver qu'on soit surpris, en lisant le prochain
tableau, de me voir permettre aux arthritiques tuber-
culeux, sans aucune crainte, des aliments considérés comme
lourds, tels que la choucroute, les crêpes, ou toxiques à
cause de leur teneur assez élevée en purines, par exemple, les
champignons, les aspergés, lé ris de veau. C'est sciemment
que je m'écarte des restrictions classiques, car j'ai trop
souvent remarqué et contrôlé, qu'il ne fallait pas tenir
compte, d'une façon trop absolue, des distinctions toutes
théoriques de la chimie biologique, et qu'on risquait fort
de nuire aux malades en les suivant aveuglément.
J'ai préféré, de beaucoup, prendre pour guide la façon
dont se comportent le foie et l'estomac vis-à-vis de chaque
aliment et étayér uniquement, sur des données cliniques,
mon choix d'aliments permis, défendus ou à surveiller tel
que je l'établis ici.
Si on s'en tenait à la recherche chimique, portant sur les
purines, il faudrait en arriver, par exemple, à prescrire lé
boudin qui n'en contient pas et à défendre les haricots
verts et les pois jeunes, où on les retrouvé en assez forte
proportion. Le boudin contient d'autres poisons violents :
toxines animales, qui en font un aliment des plus dange-
reux, et ce motif d'interdiction prévaut.
238 ETUDE THERAPEUTIQUE

L'expérimentation clinique prendra donc toujours le


pas sur les distinctions de laboratoire pur. Le fait récent de
la tentative de réhabilitation de la tomate et des fraises
dans l'alimentation de l'arthritique, en est la meilleure
preuve. L'analyse et la théorie peuvent rendre inexpli-
cable l'intolérance de l'organisme arthritique vis-à-vis de
ces deux aliments, mais malgré cela, elles doivent s'in-
cliner devant les faits cliniques Jqui prouvent à l'évidence
leur nocivité.
Comptant reprendre plus loin avec les détails indispen-
sables, l'étude de chaque aliment en particulier, je signa-
lerai seulement, pour le moment, les motifs de certaines
restrictions.
Les viandes rouges sont à rejeter, sauf la viande d'agneau
très jeune. Elles sont manifestement plus toxiques que les-
blanches, et doivent cet écart, à leur teneur beaucoup plus
élevée en sang et en graisse. Le gros danger d'intoxication
réside principalement dans le sang, si riche en principes
extractifs, en ptomaïnes et en leucomaïnes. C'est lé même
motif qui fait interdire le bouillon de viande, dont les pro-
priétés stimulantes indiscutables, ne sont le fait que des
bases créatiniques et xanthiques : ce sont là des excitants
toxiques à l'excès pour l'arthritique.
La cervelle a une réputation d'aliment léger parfaite-
ment usurpée. Sa teneur en phosphore, sa coloration blan-
che ont dû contribuer à la faire prescrire. L'estomac et le
foie dé l'arthritique s'accommodent fort mal de sa richesse
en principes gras.
Le lait, nourriture d'enfants et non d'adultes, ne sera
jamais donné.pur, à moins de tolérance parfaite, ce qui
est rare, et doit être contrôlé, car les malades, trop enclins
à considérer cet aliment comme une panacée universelle,
ne peuvent se résoudre à le rendre responsable de leurs
malaises digestifs, et incriminent, à tort et trop facilement
RÉGIME CARNÉ MITIGÉ 239
d'autres aliments ingérés en même temps. En général, il
est mal accepté par tous les estomacs atones et clapotants.
Pris fermenté, préparé caillé selon une technique que j'in-
diquerai plus loin, il est au contraire admirablement sup-
porté. Nature, il peut pourtant être ajouté aux aliments
qui en réclament pour leur préparation culinaire : riz,
gâteaux, etc.
II faudra éviter de prendre, d'une façon trop suivie, les
oeufs préparés seuls ; on gagne à les incorporer à des entre-
mets légers et peu sucrés, à des pâtisseries. Il y a de mul-
tiples manières de varier leur préparation. Mais toujours,
j'y insiste encore, on devra éviter la confection de plats à
concentration d'oeufs et de sucre excessive.
En ce qui concerne les graisses et saucés, il faut se méfier
de toutes les graisses animales, surtout cuites. Le beurre
sera ajouté cru à table dans les plats et en petite quantité.
Les fritures aux graisses animales seront toujours bannies ;
faites à l'huile, au contraire, elles sont très légères, remar-
quablement tolérées, et dispensent d'enlever les enveloppes
des aliments frits. Les roux à l'huile passent sans incidents ;
les roux à la graisse donnent Heu invariablement à des in-
digestions. Je sais qu'il est difficile d'obtenir le change-
ment de vieilles et mauvaises habitudes, mais avec de la
patience, de la persuasion, en montrant les bénéfices de
santé qui en résultent, en provoquant des essais faits sans
arrière-pensée, on arrive assez vite à convaincre les ma-
lades de cette supériorité de la cuisiné à l'huile blanche. Je
m'empresse d'ajouter que, malgré sa facilité d'assimilation,
ce corps gras doit toujours être dosé avec modération, et il
est bien évident que des aliments nageant dans l'huile
seront encore lourds à digérer.
Pour tous les fruits et légumes, on recommandera de
garder soigneusement tous les déchets, de cesser l'emploi
de tous les tamis et presse-purée. Ce qu'il faudra exiger
240 ETUDE THERAPEUTIQUE

comme corollaire, c'est le trempage, vingt-quatre heures


d'avance, des légumes et fruits secs et leur cuisson lente et
prolongée.
A ce degré, encore léger d'arthritisme, le pain bis ra-
tionnel et non pas un affreux mélange de son et de fa-
rines inférieures dénommé pain complet, est préférable
au pain blanc. II est certainement plus nutritif, plus riche
en sels minéraux et favorise le balayage intestinal. Le pain
de seigle est également recommandable. Toujours le pain
sera mangé rassis et bien cuit, présenté plutôt sous forme
de baguettes larges comme la main où la croûte domine.
En ce qui concerne les boissons, la suppression radicale
.

des vins généreux, du thé en feuilles, et du café s'impose.


Les cafés de malt et le thé en fleurs ou les infusions légère-
ment aromatiques seront tolérés.
Enfin si le malade est fumeur, il devra s'entraîner à di-
.
minuer peu à peu sa ration de tabac, pour arriver assez
vite à n'en plus faire usage.

LISTE DES ALIMENTS

DÉFENDUS PERMIS A SURVEILLER

Viandes.
Viandes grasses : oie, Poulet. Agneau très jeune,
canard, foie gras. Côtelette. Gigot,
cervelles. Veau : ris, rognon, Chevreau,
foie, pied, tête.
Gibier. Lapin domestique.
Pintade. Pigeon. Pigeon jeune.
Viandedeporc. Char- Dindonneau.
cuterie. Jambon.
..
Viandes rouges.
j Boeuf. Mouton.
j
Jus de viandes. Ex-
| traits de viande.
; Abats
.
: Langue, tri-
j
pes, etc.
RÉGIME CARNÉ MITIGÉ 241

LISTE DES ALIMENTS

[
DÉFENDUS PERMIS A SURVEILLER

Poissons, Crustacés, Coquillages.


Poissons huileux : Sole,
maquereau, an-; Merlan,
guilîe, hareng.
Poissons salés et con- Poissons maigres de
serves : hareng rivière.
!
saur, morue, sar-
dine, thon, an-
| chois.
j Crustacés:langouste,
homard, écrevisse,
crevettes.
Coquillages : Moules, Huîtres,
coquilles Saint-
Jacques, clovisses,
bigorneaux.

Lait, Fromages, OEufs.


Lait pur. Lait fermenté, kéfir, Gruyères-Hollande.
lait caillé.
Fromages forts:Pont- Lait ajouté pur à Brie, Coulommiers,
\ l'Êvêque, Port-Sâ- certaines prépara-- Camembert,
lut, Roquefort, tions culinaires.
Cantal. Crème et fromages
frais.

Légumineuses.
j Pois secs. Pois jeunes.
i Flageolets secs. Flageolets jeunes.
Haricots secs blancs, Lentilles fraîches et
rouges, noirs. sèches.
i Fèves sèches. Fèves fraîches.
(

'
Céréales.

' Pain viennois, de Farines. Blé vert, blé,


l gruau. orge, avoine, sar-
I razin, maïs..
242 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

LISTE DES ALIMENTS

DÉFENDUS PERMIS A SURVEILLER

Pain au lait : crois- Maïs sucré en grains Pain frais,


sants. frais.
Pain bis rationnel et Biscottes, grissinis.
blanc rassis.
Pain de seigle.
Pâtes : Nouilles, ma-
caroni, vermicelle,
tapioca, semoule
de manioc, sagou.

Farineux.
Pomme de terre.
Riz.
Marrons.
Patates.
Igname de Chine.
Cerfeuil bulbeux.

Soupes, Sauces, Fritures, Graisses,


Bouillon de viande. Soupes maigres : lé- Bouillon de céréales.
Sauces grasses, épi- gumes, farines, pa-Bouillons de légumes
cées; mayonnaise; nades, flocons de trop concentrés.
Liebig. céréales, à l'oignon.
Sauces blanches.
Roux et ragoûts au Roux et ragoûts à Beurre cru nature.
beurre. l'huile.
Beurre cuit et noir. Beurre ajouté cru à
table.
Saindoux, lard. Huile blanche. Co-
cose. Beurre vé-
gétal.
Fritures à la graisse Fritures à l'huile.
] et au beurre

I
Légumes verts, Racines.
| Oseille. Patience ou Haricots verts. Epi- Asperges.
j oseille-épinard. nards. Artichauts.
;| Tomates. Aubergines Tétragone. Arroche. Concombres.
-i Poirée. |
REGIME CARNE MITIGE 243

LISTE DES ALIMENTS

DÉFENDUS PERMIS A SURVEltLfR

Crucifères : choux de Salades crues et cui- Cresson.


Bruxelles, choux- tes : laitue, romai-
f aves, raves, radis. ne, mâches, barbe, Céleri.
raiponce, pourpier,
scarole, chicorée,
endives, pissenlits.
Rhubarbe. Choux. Choucroute
sans graisse.
Légumes en conservé Choux-fleurs,Choux-
métallique, navets.
Salsifis. Scorsonère. Navets. Panais. Ca-
Crosnes ou Sta- rottes.
chys. Topinam- Betteraves,
bour. Hélianti. Cardons.
Champignons.
Légumes conservés
en flacons de verre
à fermeture her-
métique.
Julienne.

Fruits.
Groseilles. Cerises a- Prunes, Poires, Pom- Oranges douces.
cides. Citrons. O- mes, Pêches. Mandarines.
ranges acides. Cas- Abricots, Brugnons, Noix. Noisettes.
sis. Cerises douces.
Fraises et framboises Raisin, Ananas frais,
crues. Dattes. Bananes,
Pêches et Abricots Fraises et Framboi-
desséchés. ses cuites. Olives.
Coings. Nèfles, Gre- Groseille à maque-
nades. reau. Figues fraî-
ches.
Ananas et fruits en PruneauxtrempéS/OU
conserve. cuits.
Compotes et Mârme- Amandes fraîches.
lades très sucrées. Noisettes. Myrtilles.
Fruits pas mûrs crus Figues trempées.
ou cuits.
Raisins secs. Fruits cuits, mûrs,

avec peu de sucre.


244 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

LISTE DES ALIMENTS

DÉFENDUS PERMIS A SURVEILLER

Fruits secs non trem- Melons. Citrouille,


pés.

Pâtisseries, Entremets, Gâteaux, Sucreries.


Gâteaux moka, à la Biscuits. Gâteaux Nougat. Macarons,
crème (éclairs, secs. Gaufrettes.
choux, Saint-Ho- Pain d'épices. Non- Gâteaux aux aman-
noré). nettes. des.
Gâteaux de Savoie. Tartes aux fruits (à Crèmes.
Madeleines. l'huile si possible).
Brioche. Galette. Miel.
Poudings. Crêpes. Beignets à
l'huile.
Entremets sucrés, Meringues,
soufflés.
Crêpes, beignets, à OEufs à la neige,
la graisse ou au
beurre.
Confitures. Fruits Gâteaux de riz. Se-
confits. moule.
Dragées. Bonbons.
Chocolat, Cacao. Ca-
ramels.

Condiments et Excitants.

Ail. Echalotte. Persil. Cerfeuil. Es- Concombre,


tragon. Thym.
Laurier.
Epices. Poivre, mus- Pimprenelle. Girofle. Fleurs de thé.
cade, gingembre,
cannelle.
Cornichons, pickles, Poireau. Oignon. Fi- Café de céréales,
raifort, câpres) pi- nés herbes,
ment.
Vinaigre, moutarde. Fleurs de Capucine,
Hors-d'oeuvre. d'Oranger, de Ca-
momille.
Thé. Café. Vanille.
f| Menthe. Sauge.
RÉGIME CARNÉ MITIGÉ: 245

LISTE DES ALIMENTS

DÉFENDUS PERMIS A SURVEILLER

Boissons.
Vins généreux, toni- Eaux minérales alca- Jus de raisins frais,
ques et médica- fines (Vichy).
menteux.
Liqueurs ; alcool ;: Bière légère. Vin très léger et cou-
apéritifs, pé.
Sirops. Cidre doux.
Cidre aigre.

Autant que possible, On devra se rapprocher pour la com-


position dés repas dés principes que j'ai déjà énoncés et qui
rappellent l'excellente formule dé Monteuuis : le repas sera
fruitarien le matin, carné mitigé à midi, végétarien le soir.
Au repas du matin, il faut tâcher de changer Thâbitude
nocive du café au lait, qui encombre les estomacs atones
toute la matinée, enraye l'appétit pour le fort repas de midi
et n'est qu'une source d'intoxication. Au contraire, le
repas composé de fruits de saison ou de fruits secs trempés,
se prend avec appétit, contribue à l'évacuation toxique
gastro-intestinale, par les contractions qu'il sollicite, et en
même temps nourrit mieux que le lait. Il faut bien savoir
en effet, que quinze beaux pruneaux ou un même nombre de
figues, ou encore 50 grammes d'amandes, donnent un ren-
dement de 300 calories environ. Si on y joint 50 grammes de
pain, on obtient 425 calories ce qui est très suffisant pour
un repas du matin et peut s'augmenter encore en forçant
la dose. J'insiste, en passant, sur le trempage obligatoire
de ces fruits secs, exécuté 24 heures d'avance après inci-
sion ; il leur fait récupérer leur eau de composition et les
rend ainsi plus digestibles.
246 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Le repas de midi sera le plus copieux. La viande y sera


prise accompagnée de légumes nourrissants, pâtes, fécu-
lents. Le dessert sera composé de fromages et de fruits. Le
malade mangera largement à sa faim, mais toujours sans
se contraindre.
Le dîner, au contraire, sera léger; j'ai déjà dit pourquoi.
Les oeufs, les légumes verts, les fruits, en feront les frais.
Jamais les pâtes ou farineux n'y paraîtront.
La salade sera recommandée aux deux repas, si le ma-
lade l'aime. Elle constitue un puissant déeongestif, mais à
la condition d'être accommodée sans vinaigre. Exception-
nellement, on permettra quelques gouttes de vinaigre de
vin, si on est sûr de son origine ; le mieux est de le rem-
placer par quelques cuillerées de vin Manc.
Ainsi compris et établi, ce régime est celui qui convient
le mieux aux arthritiques tuberculeux, dont l'atteinte dia-
thésique n'est pas encore trop prononcée. C'est le régime
de choix ; c'est celui qui doit se prescrire dans la plupart des
cas de tuberculose.
Grâce à lui on peut escompter de belles et durables gué-
risons. Ses effets sont vite mis en évidence. Tel malade que
le régime suralimentaire affligeait d'hémoptysies inces-
santes, de fièvre avec dyspnée et sueurs, cesse de cracher
le sang et voit avec la chute de sa température, ses ma-
laises et ses lésions pulmonaires diminuer chaque jour. Tel
autre, suralimenté, en état d'indigestion permanente, qui
depuis des mois achevait sa ruine organique, en avalant
des médicaments aussi variés qu'inefficaces, et ne pouvait
se débarrasser de crises diarrhéiques putrides, voit-comme
par enchantement ses troubles digestifs s'apaiser, ses selles
redevenir normales, sa soif se calmer et un grand bien-être
général en être la conséquence.
Si dans la première quinzaine qui suit le changement de
régime, le malade s'inquiétait d'une légère baisse de poids et
RÉGIME CARNÉ MITIGÉ 247

se plaignait d'une sensation de faiblesse, il ne faudrait pas


se laisser intimider par ces symptômes. Ils sont inévitables
pendant la courte période de transition, et on doit, d'avance,
les signaler au malade pour le rassurer et éviter qu'il at-
tribue, bien à tort, au nouvel ordre de choses, des effets,
d'apparence défavorable, dont il n'est nullement respon-
sable. En effet, la suppression rapide de l'excitation toxi-
que des viandes rouges, des sucreries excessives, de la sura-
limentation, amène une légère dépression momentanée,
analogue à celle qu'on observe chez un alcoolique que l'on
sèvre rapidement de son poison. Au bout de quelques
jours, l'équilibre est repris et sans encombré, cette fois^ la
progression se fait rapide et sûre vers la guérison.
Voici quelques observations, prises au hasard, qui té-
moigneront en faveur de ce régime.

Tuberculose -pulmonaire hémoptoïque avec rhumatisme

Er... 39 ans. Arthritisme héréditaire d'origine éthylique.


Mère gastropathe, surmenée, mourut à 23 ans d'hémoptysie
foudroyante. Père atteint de rhumatisme déformant. Grands-
parents névropathes, rhumatisants, graveleux et non tuber-
culeux.:
Notre malade fit du rachitisme à 4 ans. Il en conserve une
déformation thoracique. Trouvé anémique à l'âge de 9 ans, on
l'envoya à la campagne, où il séjourna 9 mois.
Puis, il se remit suffisamment, pour ne plus.avoir à souffrir
d'affection sérieuse, jusqu'à l'âge de 17 ans. A ce moment, il
exerça la profession de boucher ; son alimentation simple, mo-
dérée, peu carnée jusque là, subit une profonde modification :
à tous les repas la viande est, dorénavant, consommée en grande
quantité, et presque exclusivement. Du même coup, la série des
misères commence.
A 18 ans : volumineux anthrax qui l'oblige à se soigner pen-
dant trois mois. Pour s'en remettre, il exagère les prises de nour-
riture azotée et fortifiante.
248 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

A 19 ans : première attaque de rhumatisme articulaire aigu,


qui le cloue au lit pour six mois. Les douleurs, à partir de ce
moment, ne vont plus guère le quitter : il sera ajourné deux fois
conseil de révision, reconnu bon pour le service une troisième
au
fois, mais finalement, réformé au bout de quelques mois, pour
cette même raison.
A 22 ans, la greffe tuberculeuse pulmonaire s'accomplit, soi-
gnée naturellement à la créosote, l'huile de foie de morue et
la suralimentation. A la suite, ses douleurs rhumatismales
deviennent de plus en plus gênantes, sa faiblesse s'accroît et de
la dyspnée toxique continue apparaît.
Trois ans plus tard, la série des crachements de sang dé-
bute par une violente hémoptysie, qui dure trois semaines.
Aussitôt le sang arrêté, on reprend de plus belle la créosote,
les biftecks hachés.
Il n'y avait plus de raison d'en finir, aussi, pendant huit ans,
le patient fut assailli par une extraordinaire succession de pous-
sées rhumatismales et hémoptoïques entremêlées, qui l'avaient
rendu presque impotent et infirme.
Je soignai ce malade en avril 1904. C'était un cas type, de ceux
qu'on a coutume d'étiqueter à tort : rhumatisme tuberculeux. Il
se tient à peine debout, tellement il souffre des jointures, et ne
peut se déplacer qu'en traînant les jambes et ens'accrochantaux
meubles. Les articulations des doigts sont déformées. Il a une
lésion du sommet droit, au second degré, avec craquements hu-
mides et bacilles dans les crachats. Son creux épigastrique (lobe
gauche) est atrocement douloureux et son estomac est dilaté
jusqu'au pubis. Il est impossible de lui faire dire approximati-
vement, le nombre de crises de rhumatismes et d'hémoptysie?
qu'il[subit depuis une dizaine d'années. Ce qu'il sait seulement,
c'est qu'il s'aggrave lentement, de plus en plus, et qu'il est arrivé
à l'extrême limite de tolérance des médicaments et de la viande
crue, qu'il absorbait avec tant de conviction pourtant, depuis
le début de ses accidents pulmonaires.
Je m'évertuai à prouver au malheureux combien il faisait
fausse route et se trouvait l'auteur de
ses propres maux; j'obtins
la cessation de tout médicament, de toute suralimentation.Après
RÉGIME CARNÉ MITIGÉ 249
lui avoir ouvert les yeux sur la filiation de ses troubles morbides, et
lui avoir démontré que toutes ses misères dataient de ses excès
d'alimentation carnée,et s'exagéraient en proportion de la crois-
sance et de la continuité de cette même diététique irrationnelle,
il fut suffisamment convaincu pour accepter de suivre le régime
carné blanc, très mitigé, avec les restrictions antiârthritiques
voulues (légumineuses, sucre, acides, matières grasses).
En trois mois, une véritable métamorphose s'accomplit : la
liberté des mouvements était récupérée de toutes parts, le
poumon ne présentait plus que de fins froissements, et l'état
des voies digestives ne laissait plus guère à désirer.
Le malade n'eut plus qu'une légère hémoptysie, en octobre
1904, due à un excès alimentaire, car, tout en ne mangeant stric-
tement que les aliments prescrits, il était toujours entraîné à
doubler la dose, à cause de ses vieilles habitudes de gavage. D'ail-
leurs, il avait, à ce moment, repris son poids normal et engraissé
par la modération alimentaire, tandis que les excès de table
l'avaient considérablement émacié.
Je suis régulièrement ce malade depuis 7 ans ; il a changé de
profession sur ma demande, et n'a plus jamais eu, depuis, le
moindre incident pulmonaire ou rhumatismal. Seul, son estomac
qui fut épuisé, reste fragile et nécessite, de temps en temps, des-
cures végétariennes strictes.

Tuberculose pulmonaire. Entérite muco-membraneuse.


(Observation du Sanatorium.)

X..., 30 ans,'innrmière.Habitait avec ses parents dans la Creuse


jusqu'à l'âge de 19 ans. Se nourrissait de légumes, de fruits, de fro-
mages, d'oeufs, de pain bis. La viande n'était consommée que
rarement, en petite quantité et jamais le soir. Elle ne buvait
jamais de vin et ne mangeait pas de sucreries. Aussi ne fut-elle
jamais malade pendant toute cette période.
Elle vint ensuite à Paris, se plaça comme femme de chambre
dans une première maison où l'hygiène alimentaire laissait peu
à désirer. La viande est consommée à midi seulement, très
rarement le soir ; on cuit beaucoup de légumes à l'eau ; une
250 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

bouteille de vin lui est donnée tous les trois jours. Pendant ces
deux années, elle s'est bien portée. Elle change ensuite déplace,
et séjourne chez des gens dont l'alimentation était surabon-
dante et forte. Au repas de midi, il y avait toujours deux
plats de viande ; des légumes excitants (tomates, aubergines,
etc.), des hors-d'oeuvres, des entremets sucrés, des confitures et
sucreries, Le vin et la bière étaient à discrétion. Le pain était
du pain viennois. Enfin, après chaque repas, on prenait une
bonne dose de café très fort et un petit verre de liqueur. A
quatre heures : thé, gâteaux, sucreries. Le soir, deux plats de
viande ou poisson et réédition des excès du déjeuner. Et à
minuit, au retour de ses maîtres : viandes froides et vin blanc.
Au bout de deux ans de cet empoisonnement alimentaire,
apparurent de la perte des forces, de l'amaigrissement et une
violente crise d'entérite muco-membraneuse.
Elle garde le lit un mois, s'alimente de farines, de potages au
lait, de fruits cuits, et part ensuite en convalescence dans son
pays, nantie d'une ordonnance de viande crue et d'oeufs en sup-
plément.
Le séjour à la campagne la rétablit un peu et elle revient se
placer à Paris. Mais l'usure suralimentaire a fait son oeuvre; elle
reste dolente, fatiguée, souffrant de l'estomac, de l'intestin;
tout effort lui est pénible, elle change de places souvent, espé-
rant en trouver de moins dures, mais toutes se Valent, puisque
c'est elle qui est épuisée.
De guerre lasse, elle rentre dans les hôpitaux. Pendant trois
ans, elle est toujours fatiguée, souffre de l'estomac, fait quelques
accès rhumatismaux,
En 1910, elle part en vacances chez elle, et au lieu d'y re-
prendre la vie sobre d'autrefois, elle soigne son entérite en se
suralimentant, en forçant son appétit et en prenant six oeufs
par jour.
Finalement elle verse dans la tuberculose, tousse, crache quel-
que peu le sang, maigrit et on l'envoie ici.
Elle a une lésion du sommet droit : infiltration et sclérose,
de l'entérite muco-membraneuse; le foie est touché,
au niveau
du lobe gauche, surtout.
RÉGIME CARNÉ MITIGÉ 25,1
Mise au régime carné mitigé, elle quitte le service au bout de
trois mois, n'ayant présenté aucun incident pendant son sé-
jour. Son intestin est en parfait état, son état général excellent ;
la respiration est égale des deux côtés, dans ses sommets pul-
monaires et elle â augmenté de deux kilos.

Tuberculose pulmonaire hêmoptoïque

Rab 22 ans. Fait partie d'une famille .de rhumatisants,


,
de congestifs avec hémorragies, d'hépatiques et de gros man-
geurs.
Il fit, dans son enfance, diverses maladies : fluxion de poi-
trine, oreillons, rougeole, coqueluche. Puis de 12 à 18 ans, il
n'eut guère d'affections graves, pendant sa vie de lycée.
Ses,classés terminées, il retourne dans sa famille, et là, n'étant
plus rationné, vivant au grand air et au contact de personnes
qui se suralimentaient habituellement, avec des viandes, du
poisson, du gibier, il subit l'entraînement et donne libre cours
à son- appétit « fantastique ».

sulta.
. ......
Une attaque sérieuse d'entérite, puis d'appendicite en ré-

Quittant plus tard le milieu familial, il change d'habitudes


et modère son alimentation jusqu'au jour où, appelé une troi-
sième fois par sa profession, à modifier sa diététique, il re-
tombe dans ses anciennes coutumes suralimentaires et fait

: ...
usage, de nouveau, d'une nourriture trop abondante, trop
chargée en viandes et en sucreries.
C'est à ce moment que se produisit soudainement, une vio-
lente congestion pulmonaire avec forte hémoptysie, qui, natu-
rellement fut traitée par le repos et la suralimentation. A
quelques mois d'intervalle, une seconde hémoptysie éclata,
.puis six mois plus tard,.une troisième. Une.fois dans l'engre-
nage, chaque crachement de sang s'accompagnant d'un redou-
blement alimentaire, il n'y avait plus de motif de voir cesser
un état pléthorique qu'on aggravait de plus en plus..
Au début de l'année 1909, ce malade vint me consulter. Il
avait déjà subi une dizaine d'hémoptysies ; son état, général
252 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

n'était pas mauvais. Ce qui retenait seulement l'attention,


c'était un foyer d'opacité pulmonaire à droite, avec de fines cré-
pitations amidonnées à la toux, et surtout une congestion hépa-
tique des plus caractérisées (creux épigastrique très doulou-
reux, teint cholémique). Le poids était un peu au dessus de la
normale et le faciès très vultueux.
Je prescrivis l'abstention des viandes rouges, des sucreries,
des légumineuses, des acides, la reprise du travail, la modération
et l'espacement des repas, l'abstention de tout médicament, ne
laissant que très peu de viande blanche, et à midi seulement.
Enfin, je conseillai l'usage fréquent du sel de Cârlsbad et de
l'huile de ricin.
Cette thérapeutique alimentaire mitigée suffit d'elle-même
à faire rétrocéder et disparaître le foyer pulmonaire, la
congestion hépatique et à éviter tout retour offensif hémorrra-
gique depuis trois ans, tout en permettant l'exercice d'une pro-
fession fatigante.

Tuberculose pulmonaire compliquée d'emphysème et d'obésité.

Mlle V 37 ans. Aucun renseignement héréditaire.


,
Personnellement, la malade fut toujours fragile pendant son
enfance. Elle eut des broncho-pneumonies à répétition de 10 à
15 ans et même, à 18 ans, se déclara une pneumonie franche
compliquée de pleurésie interlobaire, terminée sans. vomique
ni ponction.
A 28 ans, elle fit une violente hémoptysie et fut soignée dans
le Midi, par la suralimentation; elle pesait, à ce moment,
48 kilos. Elle eut une seconde hémoptysie un an après.
Depuis 8 ans, elle se soigne seule, continue à se suralimenter
et à prendre de la créosote.
Quand, il y a 3 ans, je vis cette malade, voici l'état dans le-
quel l'avait mis la suralimentation : énorme, anhélante, la
figure pâle et bouffie, les épaules toujours recouvertes d'épais
manteaux, elle ne peut faire quelques pas sans suer, suffoquer,
tousser, cracher. A l'auscultation, on trouve des lésions d'em-
physème et de bronchite chronique et
une localisation tubercu-
RÉGIME CARNÉ MITIGÉ 253
leuse du sommet droit. Son régime alimentaire était ainsi équi-
libré :
Le matin, 3 jaunes d'oeufs, 1 tasse de café.
A midi, 2 oeufs, une forte dose de viande rouge saignante, pas
de légumes ni de dessert.
Le soir, une soupe, 2 oeufs, et du lait.
Rien d'étonnant,' qu'avec ce régime strictement ovo-earné,
sans traces de légumes, la patiente soit arrivée à se gratifier
d'une remarquable polysarcie, de lésions emphysémateuses, de
troubles toxiques graves, et à entretenir sa lésion bacillaire.
Après lui avoir bien démontré l'illogisme de telles pratiques,
je la mis au régime carné très mitigé, l'obligeai à absorber beau-
coup de légumes et de fruits, et lui fis prendre de petites purga-
tions répétées (Sedlitz, phénôlphtâléine, etc.).
Au bout d'un an, elle avait perdu 16 kilos et pouvait cir-
culer sans fatigue ni malaises. Non seulement elle est redevenue
alerte, mais il est tout à fait exceptionnel qu'elle souffre mainte-
nant des troubles asthmatiques qui, autrefois, ne lui lais-
saient pas un moment de repos. Quant à sa lésion bacillaire, elle
s'est complètement éteinte.

Tuberculose pulmonaire.

S 12 ans. Rhumatismes, diabète, obésité, migraines,


,
troubles nerveux et dyspeptiques chez les ascendants. Enfant
qui fut toujours très délicat, surtout du côté de l'appareil
digestif. II est assailli tous les deux ou trois mois, par des crises
de vomissements bilieux et de fièvre arthritique, que ses parents
savent bien reconnaître, et traiter par quelques purgatifs salins
répétés.
Il fit en 1907, une poussée bacillaire du sommet droit avec
fines crépitations. Pouf l'enrayer, il me suffit de m'ôpposer aux-
préjugés familiaux de l'alimentation et de la médication forti-
fiantes, et de renouveler de temps en temps cette opposition,
chaque fois que la velléité d'une reprise alimentaire se dessi-
nait.
Le petit malade, laissé au régime carné très mitigé, éteignit
254 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

rapidement son foyer pulmonaire etespaçaconsidérablementses


crises de vomissements périodiques. Il reste, depuis 4 ans, dans
un état de santé très satisfaisant, et sans récidive.

Tuberculose pulmonaire avec entérite muco-membraneuse, appen-


dicite et lithiase biliaire.
(Observation du Sanatorium.).

Lam...... 31 ans, Arthritisme héréditaire. Vécut en Nor-


mandie, jusqu'à l'âge de 24 ans, avec une hygiène alimen-
taire satisfaisante, touchant rarement à la viande, à des sucre-
ries.
Vint alors à Paris, et son régime alimentaire devenant défec-
tueux, elle fut harcelée par une série de troubles gastro-intes-
tinaux et hépatiques des plus sérieux.
En 1904, fièvre typhoïde avec hémorragie et laparotomie
pour syndrome de perforation (non confirmée par l'interven-
tion).
En 1905, violente crise d'appendicite, pour laquelle on dut
encore intervenir.
En 1908, deux crises de coliques hépatiques avec ictère ; acci-
dents lithiasiques si sérieux, qu'on faillit lui faire une troisième
laparotomie.
En 1909, entérite muco-membraneuse.
Finalement, greffe tuberculeuse en 1910 : perte des forces,
toux, amaigrissement de 13 kilos en six mois.
On lui trouve, à'l'entrée, une infiltration totale du poumon
droit avec sclérose, un foie gros et douloureux surtout au
niveau du lobe gauche, un intestin extrêmement sensible, ré-
tracté en corde, donnant lieu à des troubles fonctionnels très
pénibles.
Au bout de deux mois de régime carné blanc mitigé, la ma-
lade est méconnaissable :elle ne souffre plus ni de
son intestin,
m du creux épigastrique, digère parfaitement, va à la selle sans
difficulté; son poumon s'est perméabilisé. Son poids s'est
accru de trois kilos. .... ' "
RÉGIME CARNÉ MITIGÉ 255

Tuberculose pulmonaire. Appendicite.


(Observation du Sanatorium.)

Mat 28 ans, ouvrière. Migraines, rhumatismes, cardio-


,
pathies, troubles dyspeptiques, chez les ascendants.
La malade fut élevée au biberon et resta assez chétive. Rien
à signaler de spécial dans son enfance. A 17 ans, elle vint à
Paris et là commença la série morbide ; à 20 ans, une crise de rhu-
matisme articulaire aigu.
Le début de son affection bacillaire se fit à 22 ans, par con-
gestion pulmonaire, que suivirent des bronchites à répétition.
Soignée à la viande crue et aux oeufs, elle eut ensuite, il y a
2 ans, une hémoptysie.
La suralimentation fut reprise de plus belle, et aboutit à
une Violente crise d'appendicite.
A son entrée ici, en janvier 1910, on lui trouve le syndrome
hyposystolique, avec une lésion au premier degré, du sommet
droit. Les méfaits suralimentaires sur le tube digestif sont très
accusés : lelobe gauche du foie est très gros, très douloureux,l'es-
tomac clapote au-dessous del'ombilic, et la région appendiculaire
reste un peu empâtée et sensible.
Soumise d'abord, pendant 15 jours, à la diététique végéta-
rienne et très améliorée de ce fait, la malade put ensuite sup-
porter le régime carné blanc mitigé.
Au bout d'un mois, elle quitte le service, n'ayant plus au-
cune sensibilité du foie, de l'appendice, aucune dilatation d'es-
tomac, en très bon état général, avec un gain de 1500 grammes.
Les forces sont complètement revenues et son foyer de sclérose
pulmonaire est très atténué. "

Tuberculose pulmonaire avec entérite muco-membraneuseet eczéma.


(Observation du Sanatorium.)
Pi...... 38 ans, ouvrière. Arthritisme héréditaire net. Fièvre
typhoïde à 20 ans. Entérite muco-menbraneuse depuis 7 ans.
Eczéma très accusé des deux mains depuis 5 ans. Malade rhu-
matisante : nouures des doigts.
256 ÉTUDE. THÉRAPEUTIQUE

Depuis plusieurs hivers, elle tousse, crache, et elle a beaucoup


maigri et perdu ses forces ces temps-ci.
Elle présente le syndrome hyposystolique : ongles carminés,
creux épigastrique sensible, lésion droite au premier degré. Son
entérite est encore en pleine évolution.
En 3 mois de régime carné très mitigé, la lésion eczémateuse
sur laquelle s'exerçaient en Vain depuis 5 ans toutes les pom-
niades,les pâtes, sans compterles gants de caoutchouc, est com-
plètement guérie ; la malade ne souffre plus du tout de son in-
testin, et, du même coup, son syndrome hyposystolique a dis-
paru, son poumon s'est complètement dégagé et elle sort guérie
ayant récupéré 5 kilos.

Tuberculose hémoptolque.
(Observation du Sanatorium.)

Bill 32 ans, ménagère. Rhumatisme.déformant, cardio-


,
pathies, albuminuries, obésité et tempéraments congestifs, du
côté paternel. Rhumatismes noueux, migraines, hémiplégies,
du côté maternel. La tare est surtout d'origine éthylique. Parmi
ses 7 frères et soeurs, tous tarés d'arthritisme, 2 sont tubercu-
leux.
Il y a deux ans, la malade fit une salpingite qui se compliqua
de phlébite, puis de pleurésie non ponctionnée, dont elle mit
deux mois à se remettre.
Suralimentée à ce moment, elle absorba, chaque jour,..
150 grammes de viande crue et 4 oeufs. On lui prescrivit égale-
ment de la créosote. Elle pritj à partir de ce moment, des habi-
tudes de gavage, et força toujours son alimentation.
Après un an de ce surmenage digestif, se produisit une vio-
lente hémoptysie qui dura 5 jours. Aussitôt le sang arrêté, on
la remet à la viande crue, aux oeufs et à la créosote. Deux mois
plus tard, c'est la récidive hémorragique fatale, suivie de la
même reprise suralimentaire.
Le 1er août 1910, elle entre à l'hôpital pour
une troisième
hémoptysie encore plus forte que les précédentes elle vomit le
;
RÉGIME CARNÉ MITIGÉ 257
sang à flots et remplit un demi vase de nuit. Là encore, on lui
ordonne de la viande crue, aussitôt l'hémoptysie arrêtée.
La malade vient à Brévannes le 19 août 1910. Elle présente le
syndrome hyposystolique réflexe, et son foie est très gros et fort
douloureux.
.
Le poumon droit en avant, les deux en arrière, sont le siège
de nombreuses et fines crépitations.
La malade est soumise au régime carné blanc très mitigé, sans
médicaments. Au bout d'un mois, quand elle sort, il est impos-
sible de retrouver trace du moindre froissement pulmonaire. Le
côté droit, assez obscur, s'est perméâbilisé. Les ongles ont
repris leur teinte normale. Le poids s'est accru de 2.600 grammes
et la malade se sent en excellent état général.
Tuberculose pulmonaire. Pleurésie séro-fïbrineuse.
(Observation du Sanatorium.)

Ch 26 ans. Vit en province jusqu'à 22 ans. Se place à


,
Paris ensuite, comme femme de chambre, jusqu'à 24 ans.
En janvier 1910, s'enrhume, maigrit de 11 kilos, et perd ses
forces. Elle entre dans le service eh 1910, avec une infil-
tration des deux sommets et une pleurésie séro-fibrineuse,
avec matité remontant à deux travers de doigts, au-dessus de
l'angle de l'omoplate. Son estomac clapote sous l'ombilic, et
donne lieu à dés troubles dyspeptiques sérieux.
Mise au régime carné mitigé, elle se débarrasse rapidement
de son épanchement, et quitte le service au bout de trois mois,
n'ayant plus traces de signes pulmonaires et gastriques et ayant
grossi de 8.700 grammes.

Tuberculose pulmonaire.
(Observation du Sanatorium.)
Ge 30 ans, couturière. Arthritisme héréditaire.
,
Eut un érysipèle étant enfant, puis des coliques de plomb
à 18 ans. Quitte la profession de typographe à cause de cet acci-
dent.
En avril 1910, panaris grave traité par l'incision et l'injec-
17
258 ETUDE THERAPEUTIQUE

tion d'une spécialité qui n'eut pour effet que de produire le


lendemain et le surlendemain une série de cinq hémoptysies
énormes (sang recueilli dans des cuvettes) qui durent être
combattues aux sérums artificiel, antidiphtérique, et avec la
glace surla poitrine.
En juin 1910, la malade a maigri de 20 kilos et fait une pleu-
résie avec épanchement non ponctionné.
Entrée ici en août 1910, on lui trouve une lésion du premier
degré à droite, avec forte obscurité respiratoire jusqu'à labase.
En trois mois, par le simple régime carné blanc mitigé, la ma-
lade reprend 10 kilos et sort en parfait état local et général.

Tuberculose pulmonaire à forme bronchitique.


(Observation du Sanatorium.)

Pr 25 ans. Antécédents arthritiques. Jusqu'à 22 ans ré-


,
sida en province et vécut très sobrement ; aussi né fit-elle
aucune maladie.
La mauvaise hygiène alimentaire parisienne lui occasionne
des troubles dyspeptiques, de la fatigue par intoxication et fina-
lement la rend tuberculeuse. Elle fut soignée parla suralimen-
tation : 6 oeufs quotidiens et 150 grammes de viande crue.
A son entrée, en juin 1910, on trouve des râles muqueux et si-
bilants, disséminés dans ses deux sommets.
Le régime carné blanc mitigé est prescrit, et peu à peu, en
six semaines, les deux sommets sont nettoyés. Trois mois après,
la malade sort, ayant engraissé de 3 kilos, retrouvé ses forces
et n'offrant plus aucun signe morbide d'auscultation.

Tuberculose pulmonaire.
(Observation du Sanatorium.)
Tom..., 32 ans. Antécédents arthritiques.
Début de l'affection pulmonaire actuelle, il y a quatre ans.
Puis, hémoptysie avec congestion pulmonaire droite, il
y a
deux ans. Depuis, la malade fut souvent obligée de suspendre
son travail, par suite de la reapparition.de la toux, des sueurs,
REGIME CARNÉ MITIGÉ 259
de la faiblesse, Elle fut toujours suralimentée à la viande et aux
oeufs.
Entrée ici, en octobre 1909, elle présente le syndrome hyposys-
tolique, des troubles gastro-hépatiques nets et une localisation
du poumon droit, caractérisée par de la bronchite du sommet en
avant (sibilançes et fines crépitations) et de l'opacité respira-
toire très marquée, dans toute la hauteur en arrière.
Mise au régime carné mitigé, on dut, à plusieurs reprises,
modérer là quantité des aliments ingérés et recourir à de fré-
_
quents purgatifs légers, car la malade engraissait trop vite et
faisait des troubles de surmenage digestif (état subfébrile, con-
gestion du lobe gauche du foie).
Malgré tout, au bout de trois mois, elle sort guérie, n'ayant
plus de bruits anormaux dans le poumon, plus de sensibilité
épigastriquê, en pleine possession de ses forces et avec une aug-
mentation de poids de 3 kil. 500.
CHAPITRE XII

LE RÉGIME ÔVO-LACTO-VÉGÉTARIEN

« La viande est toxique. Même saine,


même fraîche, elle apporte avec elle des
leucomaïnes et des ptomaïnes plus ou
moins nocives. Même bien digérée, elle
laisse dans l'intestin un résidu qui fata-
lement est l'origine de fermentations
dangereuses. »
PASOAUM.

Assez fréquemment, on observe des formes plus sérieuses,


où le régime précédent, carné mitigé, se montre notoire-
ment insuffisant, incapable soit d'enrayer les symptômes
d'intoxication et la marche corrélative des foyers bacillaires,
soit de parachever une guérison bien amorcée. Il persiste
encore des troubles dont les manifestations sont, comme
toujours, plus accusées en période digestive ; c'est tantôt
un état subfébrilê mal explicable, avec son cortège de signes
fonctionnels habituels ; ce sont, d'autres fois, de petites
poussées pérituberculeuses, qui bien qu'espacées de plus
en plus, n'en indiquent pas moins une cause permanente
d'irritation.
A quoi tout cela tient-t-il ? Toujours à une faute alimen-
taire. Il est resté dans les menus un aliment dont la pré-
RÉGIME QVO-LACTC-VÉGÉTARIËN 261

sence suffit, à elle seule, à entretenir l'état diathésique et


pâf suite la pérennité des lésions tuberculeuses. Le sucre,
l'alcool, les acides sont pourtant réduits d'une façon suf-
fisante ! A quoi s'en prendre alors ? A la viande ; c'est elle
la coupable. Donc, si l'on veut obtenir un effet thérapeu-
tique meilleur, il faut faire un pas restrictif en avant et
supprimer la viande.
On aura beau dire que la viande constitue un excitant
puissant du système nerveux; qu'elle est de digestion
facile, purement stomacale ; qu'elle est d'assimilation
parfaite, s'absorbant dans la proportion de 95 p. 100,
sans laisser pour ainsi dire de résidus. Je répondrai seule-
ment, que ce sont là autant d'inconvénients, pour certains
arthritiques tuberculeux.
Quelle amélioration à leur état, peuvent-ils en effet es-
pérer d'un aliment dont la digestion produit une excitation
violente et brusque, qui provoque des poussées congestives
de la face et dés fôyêrs tuberculeux, de la fièvre, des trou-
bles toxiques dyspnéiques et cardio-vasculâirês, du fait de
la résorption des toxines préfôfmées : leucomaïnes, ptô*
maïnes, purines, Ou engendrées au cours de la digestion
par la putréfaction intestinale, et dont beaucoup sont
des dérivés xânthiques, cônvulsivânts cardiaques ? Lés
résidus intestinaux qu'elle laisse, sont l'origine dé fermen-
tations acides et de pullulâtions microbiennes, sur le danger
desquelles on ne saurait trop insister, et dont les recherches
de Gilbert et de Dôminiei (1) montrent bien l'étendue. Ils
.calculèrent qu'une alimentation riche en viande faisait
monter le nombre des bactéries au chiffre de 67.000 par
millimètre cube do matière, tandis que le régime lacto-
végétârien rabaissait à 2.000.
Et tout cela n'est contrebalancé par aucun avantage nu-
tritif évident, car la viande est peu minéralisée, dépourvue
(1) Gilbert et Dominici. Société de biologie. 1894.
262 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

d'hydrocarbones, et sa grande richesse azotée en fait


justement un poison de l'arthritique, pour lequel l'azote est
l'ennemi. En somme, elle est pour lui bien plus un excitant
dangereux parce que toxique et brutal, qu'un aliment, et cela
suffit à motiver sa prohibition.
Quelles modifications doit subir de ce fait, le tableau ali-
mentaire précédent ? Il n'y aura qu'à rayer toutes les
viandes blanches et poissons, qui restaient permis ou à sur-
veiller, et à garder la même disposition des menus pour
chaque repas, en remplaçant par des oeufs le plat de viande
supprimé.
Les restrictions, par ailleurs, resteront identiques, et on
devra veiller avec soin à ne pas tolérer la reprise de légu-
mineuses interdites, sous prétexte de corser un menu, soi-
disant appauvri. J'ai vu des poussées tuberculeuses sur-
venir à la suite de l'usage répété de purées de haricots ou
de pois cassés. Ces aliments sont peut-être aussi toxiques
que la viande rouge, et pris à plusieurs reprises, on peut en
attendre les pires effets. Les graisses, le beurre ingéré en
excès, aboutissent aux mêmes résultats.
C'est, du reste, un travers commun à la plupart des végé-
tariens, que ce souci perpétuel de substituer à la viande un
aliment végétal qui lui soit superposable, c'est-à-dire qui
possède quelques-uns de ses défauts, notamment la haute
teneur azotée. Il suffit de feuilleter un livre de cuisine végé-
tarienne, et d'y lire les nombreuses recettes de côtelettes
végétariennes, pour juger de la réalité de ce fait. Aussi,
n'est-il pas rare de voir des gens qui soumis pour une raison
médicale quelconque au régime végétarien, se croient
obligés en plus du lait, des oeufs, des féculents, de se gaver
consciencieusement de légumineuses (pois, lentilles, ha-
ricots, fèves), de sucreries et de graisses, et qui restent
fort surpris de constater que leurs migraines
ou leur dys-
pepsie s'aggravent.
RÉGIME OVO-LACTO-yÉGÉTARIEN 263
Je sais qu'on peut faire plusieurs objections à l'appli-
cation du régime végétarien. Elles peuvent se résumer dans
les trois suivantes :
lô Un homme tuberculeux ne peut se passer de viande.
2° Le régime végétarien est antiphysiologique, car l'hom-
me est un omnivore.
3° Lé régime végétarien est incapable de fournir à lui seul,
une ration normale et suffisante.
Examinons d'abord celle qui affirme l'impossibilité
d'équilibrer un régime antituberculeux sans viande. Il est
bien certain, que si l'on s'en tient à l'opinion courante,
qui considère la viande comme un aliment indispensable à
la vie, les légumes comme des accessoires, et les fruits
comme des superflus malsains, sources de troubles digestifs,
cette objection s'explique. Mais pour qui réfléchit un peu
et connaît la valeur énergétique du régime végétarien, les
choses paraissent moins évidentes.
Je pense être arrivé à démontrer dans les pages précé-
dentes la nocivité de la viande pour l'arthritique, son rôle
arthritigène prépondérant, et l'illogisme qu'il y aurait à
en prolonger l'usage, dès que la diathèse est assez pro-
noncée. Et comme l'expérimentation clinique prouve bien
que lé malade s'est rendu tuberculeux par arthritismê, le
fait de la complication tuberculeuse n'est pas devenu un
motif suffisant pour nous faire perdre de vue la succession
pathogénique des lésions, et nous engager à prescrire dans
ia diététique un aliment qui, précisément, est responsable de
l'état morbide. Aussi, de même qu'il ne viendrait à l'idée
de personne, de soigner un diabétique devenu bacillaire,
en lui faisant ingérer des aliments sucrés, de même on
ne peut logiquement prescrire un régime carné à un arthri-
tique grave, infecté par le bacille de Kôch.
Passons à la seconde objection : le régime est anormal,
car l'homme est omnivore. Sur quoi se base cette affirma-
264 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

tion ? Sur la simple constatation du fait que l'homme


mange de tout. Est-ce une raison suffisante pour affirmer
catégoriquement qu'il est dans sa nature d'agir ainsi ?
Il n'y a qu'une façon à la fois simple et définitive de
trancher la question, c'est de s'en rapporter aux ensei-
gnements de l'anatomie et de la physiologie humaines et
comparées. Pour cela, étudions très rapidement à ce point
de vue, la structure des voies digestives. La dentition de
l'homme n'est pas celle d'un Carnivore, car il n'a ni les
molaires aiguës, ni la canine longue des carnassiers ; ce-
qu'il a, c'est une dentition identique à celle du singe, ani-
mal frugivore. Rien d'étonnant à cela, leur origine ances-
trale n'est-elle pas commune ?
Il n'a pas non plus la forte musculature gastrique des
carnivores, mais encore, la même conformation d'estomac
que les singes frugivores. Son intestin grêle a également la
structure glandulaire et la longueur du frugivore ; comme
chez le singe, sa longueur atteint dix fois celle du tronc,
tandis qu'elle a quatre fois seulement la même dimension
chez les carnivores et vingt-cinq fois chez les herbivores.
Enfin la physiologie nous apprend que l'homme n'a aucun
pouvoir d'élaboration de l'azote en ammoniaque, comme
l'ont les carnivores, qui doivent à leur forte production am-
moniacale, d'arriver à neutraliser les acides produits par
l'alimentation carnée.
Cette identité organique avec les frugivores a d'ailleurs
été proclamée par de nombreux auteurs ; Cuvier, Milne-
Edwards, entre autres, reconnaissent à l'homme, comme
étant adaptée à sa structure, une alimentation seulement
fruitarienne et végétarienne. Flourens (1) écrit : « Par
son estomac, par ses dents, par ses intestins, l'homme est
naturellement et primitivement un frugivore, comme les
singes. »
(1) Flourens, De la longévité humaine,
p. 126.
REGIME OVO-LACTO-VÉGÉTARIËN 265
Le fait qu'actuellement l'homme peut faire usage de la
viande sans en mourir rapidement, ne suffit pas à affirmer
qu'il est adapté à cette nouvelle alimentation. L'ingestion
de la viande a dû être primitivement provoquée par la dif-
ficulté/saisonnière ou climatérique, de trouver à portée les
éléments de la nourriture normale et la nécessité de recou-
rir, accidentellement, à une alimentation carnée, pour ne
pas mourir de faim. Sur Je moment, l'homme n'en souffrit
pas assez pour y renoncer, et même il prit goût à l'excita-
tion que provoque cet aliment et s'y habitua, de même qu'il
le fit plus tard pour l'alcool et le tabac. Mais, de ce qu'il
peut supporter accidentellement et même assez longtemps
l'intoxication camée, alcoolique ou tabagique, on ne peut con-
clure qu'il est dans sa nature d'être omnivore, alcoolique ou
empoisonné par le tabac.
D'autres animaux, des herbivores par exemple, sont sus-
ceptibles de pareilles adaptations. Labbé (1) et Thaon ont
pu nourrir des lapins et des cobayes avec de la viande.
Ignatôwski (2) fit les mêmes expériences, et selon la dose
carnée ingérée, provoqua soit la mort, soit des lésions orga-
niques chez des lapins. Ces animaux absorbèrent égale-
ment la viande, parce qu'ils n'avaient pas d'autres aliments
à leur disposition, mais comme chez eux la raison n'a pas
étouffé l'instinct, dès qu'ils ont de nouveau le choix, ils dé-
laissent l'aliment nocif, reviennent aux lois naturelles et
cessent de se nuire en les transgressant.
Chez l'homme, l'alimentation carnée est la principale
dispensatrice des morbidités ; c'est elle qui est là grande
cause des infections qui s'abattent sur les individus trans-
plantés dans les villes, qui, venus de coins perdus, ne goû-
taient guère jusqu'alors à la viande qu'une fois par mois, et
n'étaient jamais tombés malades. Sa nocivité ad' ailleurs^
(1) LàbBé. Les régimes alimentaires, p. 241.
(2) Igîiatowski. Archives de Médecine expérimentale, janvier 1908.
266 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

été assez signalée par Dujardin-Baumetz, Huchard,


Lucas-Championnière, Haig, Nyssens, Pascault, Collière,
etc., pour être enfin prise en considération par
tous les thérapeutes, et pour que sa prohibition,
même pour les tuberculeux, cesse de provoquer l'étonne-
ment.
Plus sérieuse pourrait être l'objection de l'insuffisance de
la ration azotée et calorimétrique, si elle était vraiment
fondée. On a dit, d'abord, que l'albumine végétale s'assi-
milait moins bien que l'animale. Lefèvre (1) a démontré
que cette opinion était sans fondement. En réalité, elle
s'absorbe moins vite, mais aussi parfaitement. Et la pro-
longation de sa période d'absorption est justement une
grande qualité. L'albumine animale est à assimilation gas-
trique pure, passe très vite et à doses massives dans le sang,
donnant lieu à des excitations violentes, dangereuses, pour
un organisme surmené, et suivies d'épuisement fatal, avec
sensation de faiblesse ; tandis que les albumines végétales
s'absorbent dans tout le trajet intestinal, produisent une
excitation plus douce et plus prolongée, qui se traduit par
un bien-être et une endurance remarquable du sujet à la
fatigue.
Mais le triomphe des partisans du régime, carné consiste
à proclamer l'incapacité notoire du régime végétarien à
fournir de la force et de la vigueur.
Continuer à soutenir pareille affirmation, c'est mécon-
naître l'existence de tous les travaux scientifiques dont fut
l'objet la doctrine végétarienne depuis quelques années.
L'ostracisme qui frappa cette méthode tant qu'elle fut
entre les mains d'émpiristes, doit cesser depuis que l'étude
rigoureuse en a été poursuivie et l'effet thérapeutique bien
établi, par des auteurs tels que Huchard, Maurel,^Lefèvre,

(1) Lefèvre, Chaleur animale et bio-énergétique, Paris 1911.


RÉGIME OVÔ-LACTO-VÉGÉTARIEN 267
Collière (1), Pascault (2), Labbé, Haig (3), Fauvel (4), Tha-
lasso (5), Nyssens, Pauchet, Monteuuis (6), Jôteyko et
Kipiani (7), Fischer (8), etc. A lire leurs travaux, on sera
stupéfait de voir de quels exploits sportifs, de quels pouvoirs
d'endurance, sont capables les athlètes végétariens. D'ail-
leurs la vigueur des peuples végétariens et, sans aller plus
loin de nos paysans français, dans les provinces reculées
où le luxe alimentaire n'a pas encore pénétré, sont des faits
suffisamment éloquents pour qu'il soit utile d'insister.
Les exemples individuels de médecins végétariens tels que
Haig, Collière, Pascault, Chauvel (9), etc., sont aussi par-
ticulièrement convaincants. Je n'entre pas dans le détail
d'une facile et copieuse argumentation qui n'est pas dans le
cadre de mon étude, mais qu'on trouvera, tout au long, dans
les livres des auteurs déjà cités. Et je dirai seulement, que le
régime végétarien qui est capable de communiquer une telle
vigueur, une pareille endurance à des athlètes profession-
nels, à des peuples non carnivores, à des individus sains et
actifs, ûe peut jamais encourir le reproche d'insuffisance
puisqu'il répond aux exigences organiques les plus exagé-
rées en intensité et en durée. Constatant alors les résultats
extraordinaires, que l'homme bien portant peut obtenir de
son usage, il paraîtra moins étonnant de le voir préconiser
dans un but thérapeutique, et c'est en toute tranquillité
qu'on le prescrira à des tuberculeux, qui n'ont jamais les
besoins énergétiques et azotés de sujets entraînés aux sports.
(1) Collière. Le végétarisme et la physiologie alimentaire.
(2) Pascault. Alimentation et hygiène de Varthritique.
(3) Haig. Pu régime alimentaire. Traduction Nyssens.
(4) Fauvel. L'alimentation et l'acide urique.
(5) Thalâsso. De la théorie urique.
(6) MoîitêUuis. L'alimentation et la cuisine naturelles.
(7) Mlles Joteykô et Kipiani. Enquête scientifique sur les végétariens
de Bruxelles. -
(8) Fischer. Influence dé l'alimentation camée sur la résistance à la
fatigue:
(9) Pierre Chauvel. Régime végétarien. Bulletin médical,.!!0 90,1908.
268 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Aussi, je conclus en disant avec Lefèvre (1) En somme,


: «
toujours bienfaisant, jamais dangereux, propre à soulager
et à écarter les plus grandes morbidités, le régime végétarien
est l'un des plus puissants instruments de guérison et de
santé que l'homme possède ».
Les observations suivantes de tuberculose pulmonaire,
associées à des manifestations arthritiques diverses (eczé-
mas, ulcères d'estomac, asthmes, cardiopathie, pleurésies),
attesteront la valeur de la thérapeutique végétarienne,
comme moyen curatif, à la fois de l'arthritisme causal et de
la tuberculose conséquente.
Tuberculose pulmonaire avec hémoptysies et hématémèses
(Observation du Sanatorium.)
X 27 ans, infirmière. Antécédents arthritiques : Branche
,
paternelle : père éthylique ; deux cousines ictériquês.
Branche maternelle : mère migraineuse, congestive, morte de
tuberculose à 35 ans ; grand-père cardiaque, graveleux, rhu-
matisant ; grand'mère emphysémateuse et asthmatique ; un
oncle asthmatique ; une tante cancéreuse ; une autre tante très
congestive, morte d'un coup de sang.
Ils étaient six enfants : un frère est mort d'albuminurie et de
tuberculose ; deux autres, vivants, sont gastropathes, nerveux
et ont des hémoptysies.
Elevée à la campagne, jusqu'à l'âge de 15 ans, la malade eut
une hygiène alimentaire déplorable, se bourrant de sucreries,
de bonbons, dans l'épicerie paternelle et ne mangeant presque
pas à table, faute d'appétit.
Elle eut, pendant son enfance, la diphtérie à 3 ans et la fièvre
typhoïde à 11 ans.
De 15 à 17 ans, elle vécut à Paris, chez une soeur qui exerçait
la profession de crémière. Elle se nourrissait exclusivement de
légumes, de lait, d'oeufs et, rarement, d'un
peu de viande blanche.
La malade reconnaît qu'elle «n'a jamais été si bien portante qu'à
ce moment-là ».
(1) J. Lefèvre. Examen scientifique du végétarisme, 77.
p.
RÉGIME OVO-LACTOVÉGÉfARIEN 269
A 18 ans, elle entre dans les hôpitaux, mange de nouveau de
la viande rouge, touche à peine aux légumes, et boit du vin.
Elle en goûte pour la première fois, habituée jusqu'alors à
consommer du cidre. Aussi, au bout de 7 mois, elle fait un ictère.
A quelque temps de là, éclata une première série d'hémopty-
sies (trois ou quatre) qui duraient plusieurs jours et s'espacèrent
sur une période de six mois. La malade fut suralimentée et prit
pendant cinq mois : 6 oeufs, 250 grammes de viande crue et de
l'huile dé foie de morue.
Sur le moment, elle paraît s'en trouver fort bien, elle engraisse,
retrouve des forcés et peut reprendre son service, tout en con-
tinuant à se suralimenter, par intervalles,
Au bout de deux ans, son organisme a donné tout son effort
d'adaptation hyperfonctionnel et l'usure commence. Elle mai-
grit, souffre de l'estomac et vomit d'abord ses aliments, puis du
sang.
Malgré tout, On continue à la suralimenter et on lui fait même
prendre de la créosote pendant quatre mois ; cela ne fait qu'ag-
graver ses troubles. Elle raconte que, régulièrement, elle rejetait
son déjeuner, Vers cinq heures du soir, et son dîner le lende-
main matin, au réveil.
En 1905, on l'envoie à la campagne; on trouve, à ce moment,
des bacilles dans ses crachats. Alimentée plus modérément, la pa-
tiente connaît un moment de répit, elle ne vomit plus que rare-
ment, regagne 5 kilos et sort en assez bon état, prévenue qu'elle
devait pourtant se soigner encore, et séjourner à la campagne.
Elle n'en fait rien, et recommence son service. Trois mois
plus tard, elle est obligée de s'arrêter, et, une fois de plus, on la
suralimente : 4 oeufs et 5 cuillerées à soupe de poudre de viande,
en dehors des repas. Elle maigrit de plus en 'plus, s'aggrave,
et part se soigner dans sa famille.
Son séjour s'y prolonge neuf mois. Imbue du préjugé surali-
mentaire, de sa propre initiative maintenant, elle exagère ses
habitudes de gavage forcené, et arrive à engloutir chaque jour,
des viandes grillées aux deux repas, 14 à 16 oeufs, et un grand
verre de sang, qu'elle allait boire chaque matin à l'abattoir.
On devine la suite : un amaigrissement effrayant, des vomis-
270 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

sements alimentaires incessants, enfin une hémoptysie formi-


dable, suivie d'une longue série d'hématémèses.
Cette fois, elle consulte un médecin qui interdit les viandes,
le sang, et prescrit des légumes, des crèmes, des jaunes d'oeuf.
Dans le désir de bien faire, la malade prend chaque jour 18 jau-
nes d'oeufs, tant nature que mélangés aux autres aliments, et
absorbe encore des cachets de têrpine et de créosote.
Les vomissements continuent, bien que moins violents, et ce
n'est qu'après quelques semaines qu'onpeut obtenir d'elle qu'elle
modère ses néfastes habitudes suralimentaires contractées à
Paris, et qu'elle renonce à ses médicaments : elle obéit enfin

Fig. 3. — Tuberculose pulmonaire au 26 degré.


Chute de la température par le régime végétarien.

et aussitôt elle va mieux, ses forces reviennent, elle engraisse


de 15 kilos, en restreignant sa diététique.
Elle revient alors à Paris et de 1907 à 1909, elle a de très
fréquents arrêts de travail, a peu d'appétit, maigrit, tousse,
crache, s'alimente irrationnellement, mais sans faire les excès
REGIME ÔVO-LACTO-VÉGÉTARÏËN 271
d'autan, et est reprise de temps à autre d'hémoptysies et
d'hématémèses.
Une poussée congestive un peu plus forte l'obligé à se faire
admettre dans le service. Elle a de la fièvre, sa température
oscille entre 38° et 39?. Elle vomit ses aliments et souvent du
sang, elle â même du moêlena. Son sommet droit présente dés
craquements humides, ses crachats contiennent quelques bacil-
les. Son foie est très douloureux, surtout au niveau du lobe
gauche ; son estomac dilaté clapoté.
Soumise d'abord au régime carné blanc mitigé, la malade n'en
ressent aucune amélioration, elle continue à faire de la tempé-
rature et ses vomissements alimentaires, mélangés de sang, sont
quotidiens.
Enfin, elle se décidé au bout d'un mois, à aborder le régime
végétalienj auquel on ajoute du lait caillé. Aussitôt, comme on
peut lé voir sur sa courbe thermique, la fièvre cesse ; les vomisse-
ments disparaissent ; la malade reprend rapidement et en quel-
ques semaines, ses râles pulmonaires s'évanouissent.
Depuis, elle n'eut qu'une hématémèse en février 1910, sur-
venue à là suite d'écarts, trop prolongés, de régime ; elle travaille
régulièrement et quand elle fait des fautes alimentaires, elle sait
en reconnaître les effets nocifs et y pare de suite, d'elle-même,
en réglant son alimentation dans le sens qu'on lui a enseigné.

Tuberculose pulmonaire-
Rétrécissement mitral. — Pleurésie.
(Observation du Sanatorium.)

Mlle Barg.,., 21 ans, couturière. Alcoolisme du père, de la


mère et des grands-parents. De plus, dans la branche paternelle,
on note le cancer chez une grand'mère,] l'albuminurie chez le
père ; et du côté maternel, une grand'mère et une tante mortes
cardiaques, un oncle ictérique, la mère morte de congestion cé-
rébrale,
La malade fut élevée au sein à Paris. De santé délicate, elle
fit une bronchite à 8 ans, fut réglée à 11 ans régulièrement,
excepté depuis deux ans. Vers 15 ans, on s'aperçut qu'elle était
272 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

essoufflée, un médecin consulté diagnostiqua une affection car-


diaque avec anémie, et ordonna du lait, des oeufs, de la digitale.
Deux ans plus tard, elle fut reprise des mêmes troubles et vit
un autre médecin., Cette fois, l'affection cardiaque fut négligée ;
les poumons, affirme le malade, ne retinrent jamais l'attention
et le diagnostic d'anémie simple fut porté.
Pendant trois ans, sans trêve, la suralimentation fut prati-
quée : 150 grammes de viande crue, 2 oeufs, en plus des repas, des
graisses, du beurre et de l'huile de foie de morue chaque hiver.
Aussi, la malade qui, jusque-là, n'avait rien eu au poumon, fit
en novembre 1908 une violente poussée de congestion pulmo-
naire à gauche, qui fut soignée par l'alimentation « fortifiante » :
biftecks, côtelettes. Cela ne suffisant pas, car on trouvait qu'elle
« n'avait pas assez de sang», elle reprit de la viande crue et des
oeufs.
La rechute se produit plus forte, en février 1909. La malade
suffoque, tousse, crache, et, de plus en plus, on la condamne
au repos et à la suralimentation. Elle va à Villepfnté pendant
six mois et en sort en médiocre état en août 1909.
Le 20 août 1909, se déclare une pleurésie gauche, qui néces-
site un nouveau séjour à l'hôpital. On la ponctionne et un litre
et demi de liquide sanguinolent est retiré. Après huit jours de
diète, on reprit, naturellement, l'usage de là viande crue ha-
chée, dans du bouillon.
Le 16 septembre 1909, la malade vint à Brévannes. Son état
pulmonaire est le suivant : en avant, des deux côtés, fines cré-
pitations sous-pleurales disséminées ; en arrière, à droite, un
foyer de râles crépitants à la toux, sous l'Omoplate, et une sclé-
rose accentuée du sommet. A gauche, on trouve les traces de
l'épanchement pleural sous forme de matité et d'affaiblisse-
ment respiratoire, sans égophonie.
Par ailleurs, on observe le syndrome hyposystolique fort net :
ongles très carminés, foie très gros et douloureux de surali-
mentée ; le syndrome de décalcification ; le syndrome de con-
gestion du dôme pleural droit : douleurs d'épaule, souffle sous-
clavier, congestion intense de la face à droite et
rougeur écarlate
de l'oreille droite, aussitôt après les
repas, épistâxis de la narine
RÉGIME ÔVO-LACTo-VÉGÉfARIEN 273
droite. La malade n'eut jamais d'hémoptysies. Le coeur présente
un léger rétrécissement mitral, bien compensé.
La patiente, qui depuis cinq ans, se gavé de nourriture for*
«
tifiante » et se suralimente, consent seulement à suivre le ré-
gime carné blanc mitigé.
Deux mois plus tard, la pleurésie gauche récidive, sans grand
fracas ; une ponction exploratrice ramène du liquide citrin
;
le thorax est bien plein, l'espace de Traube est mat. La
dyspnée étant modérée, On temporise pour l'évacuation. Le
régime végétarien avec lait, sans oeufs nibéurreôst accepté et
suivi rigoureusement cette fois. Huit jours plus tard, l'épân-
•chement est complètement résorbé ; et il est impossible de
re-
trouver 1a moindre crépitation pulmonaire nulle part ; il n'y
a plus que la vieille lésion scléreuse du sommet droit.
Se sentant fort bien* la malade incorrigible, réclame de la
viande au bout de quinze jours, car elle craint « l'anémie ». On
lui cède et le régime carné mitigé est repris.
Un mois plus tard, en juin 1909, l'intoxication carnée ramène
des foyers multiples dé congestion pulmonaire avec dyspnée
intense. D'elle-même cette fois, la patiente demande le régime
végétâriem
Nouvelle amélioration générale et disparition des foyers pul-
monaires, suivie de l'inévitable demande d'alimentation, à la*
quelle On consent encore et qui, une fois de plus, au bout de
quelques semaines, occasionne une nouvelle complication : une
deuxième récidive de la pleurésie gauche, dont le liquide est,
maintenant, sérô-sanguinolent. Ce second épanchement, comme
le premier, se résorbe avec une rapidité extraordinaire, sans
ponction, sans un seul médicament, par la diététique végéta-
rienne seule.
Le 8 septembre 1910, malgré toutes les objurgations, le régime
carné est réclamé par l'incorrigible malade. Refusé à plusieurs
reprisés, ce changement est pourtant accordé, pour laisser s'aç*
eomplir une dernière expérience, dont la patiente fera, peut-être,
enfin son profit. L'effet du retour à l'alimentation, carnée sur
la température est consigné dans la courbe çi-jointe. Au bout
de six semaines, elle aboutit, comme cela était prévu, à une
274 ETUDE THERAPEUTIQUE

véritable crise d'asystolie, qui céda rapidement à l'emploi de la


digitale.

Fig- 4. — Tuberculose pulmonaire au 2e degré.


Elévation de la température par le régime carné.

A quelque temps de là, la malade quitta le service en excel-


lent état général et pulmonaire, ayant repris une légère avance
sur son poids d'entrée et paraissant enfin convaincue des dangers
du régime carné.

Tuberculose avec emphysème pulmonaire.

Bob..., 38 ans, horticulteur. Antécédents arthritiques et tuber-


culeux héréditaires.
Le malade, d'aspect robuste et pléthorique, a fait des excès
de boisson. Aussi, depuis l'âge de 26 ans, fut-il pris tous les
hivers de bronchites et de crises d'asthme. Sur ses lésions d'em-
physème pulmonaire, se greffèrent des localisations bacillaires
des deux sommets.
Cette complication tuberculeuse fut soignée à grand renfort
REGIME OVO-LACTO^VÉGÉTARÎËN 275
d'aliments, avec 5 oeufs par jour, du foie gras, du gras de jam-
bon, des purées de légumineuses.
Quand j'examinai lé malade au début de 1909, il était alité
depuis trois mois, harcelé par d'incessantes crises d'Oppression et
dé toux quinteusô. H continuait, quand même, à absorberla série
d'aliments toxiques énumérés, et chaque jour s'administrait
dés lavements créosotes.
A f auscultation des deux poumons, on trouvait de la respi-
.
ration très emphysémateuse, des sibilancês disséminées, et à
gauche, un foyer de sous crépitants au sommet et de gros frot-
tements à la base. Les crachats contenaient quelques bacilles;
de Koçh.
L'appareil gastro^hépatique était sérieusement lésé :1e creux
épigastrique très sensible, l'estomac dilaté et. les troubles dys-
peptiques, très prononcés.
Le malade était fébrile ; la température oscillait autour de 39°
et les sueurs continuelles redoublaient après les repas.
Mis aux purgatifs légers et répétés, au sel de Carlsbâd et au
régime ovo-végétarien sans lait, le malade put se lever au bout
de huit jours. Quinze jours plus tard, il avait repris ses occupa-
tions pénibles habituelles. Je l'encourageai à travailler et dus
intervenir plusieurs fois, pour modérer ses excès d'alimentation,
qui occasionnaient la reprise de la dyspnée toxique et de la toux.
Au bout de deux mois, tous lés foyers pulmonaires étaient
éteints, et il ne restait plus que de la rudesse respiratoire. Dès
qu'il a un malaise, le malade sait qu'il n'a qu'à se purger et à
modérer son alimentation, pour tout faire rentrer dans l'ordre.

Tuberculose pulmonaire.

Fér.,., Marguerite, 7 ans. Arrière grands-parents encore vi-


vants, obèses, congestifs, rhumatisants, gros mangeurs, fort
buveurs (marchands de vins). Père obèse, congestif, mort d'hé-
morragie cérébrale. Mère variqueuse et eczémateuse.
Toute petite, la malade s'enrhumait facilement ; elle eut la
rougeole à 3 ans, puis fut soignée pour une entérite.
Il y a quatre ans, on lui reconnut, paraît-il, de l'anémie et de
276 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Padénopathie trachéo-bronchique. De l'huile de foie de morue, de


la viande crue, des viandes saignantes, des oeufs, en un mot,
une nourriture « fortifiante » fut employée pour combattre ces
troubles.
En 1908, comme, malgré ce traitement rigoureusement suivi,
elle toussait de plus en plus, les parents, très inquiets, vinrent
me consulter.
L'enfant présente des lésions pulmonaires droites du premier
degré, obscurité respiratoire du haut en bas, en arrière ; fins
froissements sous la clavicule droite avec submatité, rudesse
respiratoire ; expiration prolongée et retentissement de la toux.
Elle a, de plus, une taregastro-hépatique nette : douleur du lobe
gauche, estomac qui clapote au-dessous de Pombilic. L'élimi-
nation toxique nasale se traduit par un coryza muco-purulent,
abondant et chronique.
Je supprime les médicaments, la suralimentation, laisse un peu
de viande blanche à midi, car les parents redoutent .« l'affai-
blissement ».
Au bout de quatre mois, la petite malade me revient en bien
meilleur état, son appétit s'est régularisé ; l'estomac ne clapote
plus. Le poumon est devenu plus perméable.
J'eus l'occasion de la revoir un an après, à l'occasion d'une
crise d'empoisonnement acide, causée par l'ingestion immodérée
et prolongée de prunes vertes. L'enfant a de la gingivite, de
l'irritation dentaire, des fissures commissurales de la bouche et
des cavités nasales. De nouveau, lé poumon est repris, l'esto-
mac clapote et le lobe gauche du foie est redevenu sensible.
Je profite de cet incident pour perfectionner le régime, pour
supprimerla viande, le lait, laisser quelques oeufs et des légumes
non acides et non toxiques.
Depuis deux ans que la malade suit ce régime, elle n'a plus
eu aucun malaise gastrique et son poumon reste en parfait état.
Tuberculose pulmonaire.
— Eczéma.
(Observation du Sanatorium.)
Meill..., ménagère, 29 ans. Père éthylique, souffrant de scia-
tique et de dyspepsie, mourut de lithiase biliaire
avec ictère ;
REGIME OVO-LAÇÏC-VÉGÉTARIËN 277
diabète, rhumatismes déformants, migraines, varices, chez les
grands-parents, oncles et tantes. Mère asthmatique, puis tuber-
culeuse avec hémoptysies, morte à 45 ans. Tare' alcoolique
bilatérale.
Elevée dans le Cher jusqu'à l'âge de 15 ans ; elle n'eut pas de
maladies pendant son enfance.
Le changement d'alimentation à Paris (elle mangeait rare-
ment de la Viande auparavant) fit qu'au bout de quelques années
elle est prise de troubles d'estomac, de crampes, qui la font « se
plier en deux,», et de dyspnée toxi-alimentaire.
Depuis quinze mois, elle a des lésions d'eczéma, qui ne font
que s'accroître, recouvrant le dos dés mains, dés avant-bras, la
base du cou à droite et le milieu du dos, sous forme de plaques
larges comme la main, avec rougeur et épaississement dermique
très accentué.
Il y a six mois, elle se mit à tousser et on lui trouva une loca-
lisation pulmonaire droite.
Entrée ici, le 24 octobre 1910, elle présente le syndrome hypo-
systolique très net : ongles très carminés, creux épigastrique.
(lobe gauche) très sensible; gros estomac qui clapote jus-
qu'au pubis ; sommet droit infiltré et scléreux, base droite
obscure.
Toutes les pommades appliquées jusqu'ici sur les lésions eczé-
mateuses n'ont amené aucun soulagement, ni entravé l'exten-
sion progressive du mal. Il n'y a dans les urines, ni sucre, ni
albumine.
La malade est mise au régime végétarien strict hypoconcentré
et à la cure de pruneaux ; on ajoute en plus deux oeufs au- repas
de midi : en somme à une diététique ovo-végétalienne.
Au bout d'un mois, sans l'aide d'aucun médicament, ni d'au-
cune pommade, par le seul effet de la thérapeutique alimen-
taire, l'eczéma avait disparu complètement aux mains, au cou,
au dos. Il persistait simplement une légère coloration Tosée de
la peau et en même temps, le syndrome s'était évanoui : les
ongles étaient de coloration normale, le creux épigastrique sans
trace de sensibilité, l'estomac ne clapote plus, et du même coup,
le poumon est redevenu perméable : la respiration est égale des
278 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

deux côtés. Le bien-être général est considérable. La malade


sort, ayant augmenté de 4 kilos.
Tuberculose pulmonaire.
(Observation du Sanatorium.)
Mlle Boig..., 20 ans, bijoutière. Sa mère était obèse et mourut
d'un cancer de l'utérus. Son père, emphysémateux, asthmatique)
souffrit de rhumatismes. Parmi ses frères et soeurs, on relève de
la gravelle, du psoriasis, des troublés urticariens, de la tubercu-
lose pulmonaire.
Elle eut à plusieurs reprises de l'eczéma.
Il y a six mois, elle s'enrhuma, fut soignée pour des lésions
bacillaires des poumons et mise à la suralimentation (150 gram-
mes de viande crue et 4 oeufs). Au bout de deux mois, l'into-
lérance gastrique apparut, elle Vomissait la viande, aussitôt
après l'avoir absorbée. En même temps, elle souffrit de céphalée
continuelle, de dyspnée toxique, d'éréthisme cardio-vasculâire,
de sueurs nocturnes et d'insomnies.
Ces mêmes troubles morbides se retrouvent à son entrée au
sanatorium.
Déplus, la malade est touchée nettement parle syndrome hypo-
systolique réflexe : ongles très carminés, épigastre extrêmement
sensible (lobe gauche). Du côté pulmonaire, il y a des lésions
bilatérales, plus accusées à droite et consistant en pluies de
fines crépitations.
Le régime ovo-végétarien est prescrit, avec lait caillé.
Au bout d'un mois, la malade quitte l'hôpital complètement
métamorphosée et ayant engraissé de 4 kilos. Le syndrome
n'existe plus, les ongles ont repris leur coloration normale, le foie
n'est plus douloureux. Quant aux poumons, c'est à peine si on
relève un peu de rudesse respiratoire et les râles ont tout à fait
disparu.
Tuberculose pulmonaire.
(Observation du Sanatorium.)
Le B..., 21 ans. Père éthylique ; mère migraineuse, dyspepti-
que ; grand'mère asthmatique. Réside en Bretagne jusqu'à
RÉGIME OVO-LACTO-VÉGÉTARIEN 279
19 ans, sans avoir jamais été malade ; son alimentation était des
plus simples.: peu de viande, jamais de légumes secs ni de
sucreries, mais beaucoup de pommes de terre, des fruits, du pain
bis, du cidre.
Peu de temps après son arrivée à Paris, elle remarque elle-
même que ce sont les légumineuses (haricots, pois) qui pro-
voquent l'éçlosion de troubles digestifs. A la suite de ces malai-
ses, elle fit de la grippe, avec bronchite qui dura un mois.
Un an plus tard, en novembre 1909, elle entre dans le service.
Elle a perdu ses forces, elle tousse, et présente de l'infiltration
légère des deux sommets.
Mais ce qui appelle surtout l'attention, ce sont des troubles
gastro-hépatiques et son tempérament congestif. Son estomac
énorme, clapote sous l'ombilic, elle éprouve du dégoût pour la
viande. Son foie est hypertrophié et Pépigastre est fort doulou-
reux. Le système cardio-vasculaire se ressent de l'intoxication :
l'éréthisme cardiaque la tourmente, surtout après les repas, et
ses extrémités sont froides et marbrées. Le faciès est très coloré,
et lés joues couvertes de varicosités.
Là malade, mise au régime végétarien et au lait caillé, s'amé-
liore si rapidement, qu'au bout d'un mois elle peut reprendre
son travail, n'ayant plus aucun trouble digestif ; ses poumons
sont en excellent état, ses forces bien revenues ; elle a engraissé
de 1 kilo, et, depuis lors, elle n'a pas eu la moindre récidive.
CHAPITRE XIII

LE RÉGIME VÉGÉTALIEN

«...Tout tuberculeux dyspeptique sera


soigné comme s'il était exclusivement
dyspeptique, au point de vue de son
régime alimentaire, lequel devra être pro-
portionné (qualité et quantité) à la tolé-
sance de son tube digestif et plutôt en
deçà qu'au-delà. Peu importe si le ma-
lade maigrit plus ou moins pendant cette
cure gastrique. L'essentiel est que la
dyspepsie disparaisse. A ce moment on
verra seulement s'il est nécessaire d'aug-
menter le régime. »
MAIIBKAH (1).

Il existe enfin des cas de tuberculose par arthritisme,


avec tare considérable de l'appareil digestif, cas moins
fréquents, il faut le reconnaître, sur lesquels l'attention n'a
pas été suffisamment arrêtée, et que l'on considère, jusqu'à
présent, comme au-dessus de toute ressource thérapeutique,
faute de leur avoir consacré une étude pathogénique appro-
fondie et de leur avoir appliqué une diététique judicieuse-
ment appropriée.
Il faut bien savoir en effet, que tous les régimes préconisés
(1) Malibran. L'alimentation dans la tuberculose pulmonaire. Presse
Médicale, n° 7, 1907.
RÉGIME VÉGÉTALIËN 281
jusqu'ici, qui brodent sur ce thème : viandes blanches, lait,
oeufs, légumes non acides, s'ils sont parfaits pour enrayer
les cas légers et moyens d'arthritisme, compliqué de tuber-
culose, sont totalement insuffisants et inefficaces contre
certaines formes très accusées de pléthore et d'intoxication
acide. On ignore trop l'incommensurable fragilité de tels
malades vis-à-vis, non seulement des médicaments, mais
de certains aliments qu'on est habitué à considérer comme
très anodins, comme présentant la plus grande digestibilité
avec le minimum d'intoxication. Ces aliments pourtant,
constituent pour eux de véritables poisons, occasionnant
des réactions générales et péribaciliaires, dont l'intensité
paraît absolument disproportionnée à la cause alimentaire
minime qui, pourtant, les provoque réellement.
Ce sont ces effets surprenants, que je veux mettre en lu-
mière et bien démontrer, à l'aide d'observations cliniques.
Leur lecture fera comprendre l'extraordinaire importance
que peuvent revêtir, dans ces formes extrêmes, assez rares,
c'est entendu, la qualité et la quantité des aliments destinés
à composer les menus ; elle prouvera également, que ce
qu'il pouvait y avoir d'un peu osé dans le fait de parler de
régime végétalien strict, pour la cure de certaines variétés
de tuberculose par ârthritisme, semblera, après réflexion,
bien moins étrange, si l'on considère d'une part, la gra-
vité de l'atteinte gastro-hépatique et, d'autre part, la pos-
sibilité d'établir des régimes satisfaisants, rien qu'avec des
aliments végétaux. En face des résultats thérapeutiques
acquis, la prévention devra cesser et ce qu'on était tenté,
de prime abord, de taxer d'imprudence, apparaîtra simple-
ment comme l'unique et logique moyen de guérir ces ma-
lades. A des cas exceptionnels, doit s'appliquer un régime
d'exception.
Dès maintenant, j'insiste sur ce fait qu'il ne s'agit nulle-
ment de régimes de sous-alimentation ; il ne sera jamais ques-
282 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

tion de réduire les rations calorimétriques ou azotées, au-


dessous de ce que réclame l'entretien de l'organisme, ni de
détruire l'équilibre des échanges, à moins d'obésité à com-
battre. Si, ce qui est certain, les chiffres paraissent très
faibles, dans certains cas, et fort éloignés des données clas-
siques, il ne faudra pas moins les estimer comme suffisants,
puisqu'ils ont permis aux malades, non seulement de gar-
der leur poids, mais de reprendre un embonpoint perdu et
de guérir très rapidement. Ces rations ne doivent pas non
plus être considérées comme celles d'individus sains, et au-
cune déduction ne pourra en être tirée pour l'étude de la
ration alimentaire d'hommes bien portants. Elles atteste-
ront simplement qu'à un très minime pouvoir cellulaire de
métabolisme, à un très grand ralentissement nutritif, doit
correspondre un dosage azoté et calorimétrique approprié,
donc minime, et qu'à cette condition seule, les malades doi-
vent la cessation de leur intoxication acide, le relèvement
de résistance de leur terrain et la disparition de leurs foyers
bacillaires.
Quelles sont donc les causes d'intoxication qui peuvent
persister dans le régime végétarien tel qu'il a été décrit au
.
chapitre précédent ? Elles sont de deux ordres : c'est, d'a-
bord, la présence d'aliments d'origine animale, puis les ali-
ments végétaux à concentration moléculaire (azote, hy-
drocarbones ou graisse) trop élevée pour le petit travail cel-
lulaire possible. Les premiers sont des agents toxiques ; les
seconds, des causes de surmenage.

A. —IMPORTANCE DE LA SUPPRESSION DES ALIMENTS


D'ORIGINE ANIMALE

H y a une différence de toxicité, entré les aliments


animaux et végétaux, dont on est loin de soupçonner l'é-
REGIME VÉGÉTALIËN 283
tendue. L'alimentation animale est à la fois acidifiante et
toxique, tandis que la végétale, convenablement choisie,
est aîcalinisânte et non toxique.
Mais, sur quoi se baser pour affirmer cette différencia-
tion ? Des faits expérimentaux et cliniques en donneront
là justification. Il est d'abord une expérience assez gros-
sière, mais très convaincante, qui consiste à exposer sépa-
rément en plein soleil, dans des assiettes, d'un côté de la
viande, du poisson, des oeufs, du lait, par exemple, et de
l'autre, des pommes de terre, des haricots verts, des fruits
cuits. Passez au bout de quarante-huit heures ; il vous sera
impossible d'approcher des récipients contenant les ali-
ments animaux, tellement ils dégageront une odeur infecte,
et le contraste sera frappant avec les végétaux. Les premiers
seront pourris, les seconds auront suri. On ne peut suppor-
ter le voisinage des uns, on pourrait, à la rigueur, manger
encore les seconds. D'où provient un pareil contraste ? Il
tient à ce fait, que lés végétaux ont subi une fermentation
acide principalement lactique, qui joue un rôle empêchant,
vis-à-vis des bacilles de putréfaction, ainsi que l'ont bien
mis en lumière les recherches de Tissier. Et, du fait de
cette acidification, non seulement les légumes sont inoffen-
sifs pour l'homme bien portant, mais ils équivalent, en
quelque sorte, à des aliments antiseptiques, arrêtant les pu-
tréfactions intestinales. Un exemple vraiment frappant, en
est fourni par la choucroute, dont la haute teneur acide
permet aux races qui en font un usage courant, de suppor-
ter sans dommage trop accentué, une alimentation manifes-
tement trop chargée en viande et en graisse.
Mais, dira-t-on, cette expérience est trop artificielle ?
Elle est, au contraire, l'exacte reproduction de ce qui se
passe dans le tube digestif, où les microbes trouvent un
milieu de culture idéal sur les déchets alimentaires ani-
maux, et à la température favorable de 37°5. Ce qui le prouve
284 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

bien, c'est le-contraste odorant des selles, selon que l'alimen-


tation du malade change. Des menus chargés de viandes
provoquent des selles putrides ; une alimentation exclusi-
vement végétarienne les rend à peine odorantes. A la dif-
férence d'odeur, il est facile de juger la différence d'absorp-
tion et d'apport toxique, qui se fait au foie dans les deux
cas, et de comprendre tout le repos bienfaisant dont béné-
ficie cet organe, par l'institution d'une alimentation exclu-
sivement végétarienne.
'
Ce que cette expérience élémentaire démontre déjà d'une
façon indubitable, va se trouver confirmé par une expéri-
mentation plus minutieuse. Les recherches de Linossier et
Lemoine(l), sur la toxicité des albuminoïdes d'origine ani-
male, lui fournissent un appui solide. Choisissant la voie ex-
périmentale sous-cutanée, ces auteurs ont opéré àpeu de chose
près dans les conditions où se trouve l'arthritique grave,
chez qui la barrière hépatique est extrêmement affaiblie. Ils
observèrent que « tous les aliments albuminoïdes d'origine
animale, crus, ont tous, même le lait, une action néphro-to-
xique et hépato-toxique ». Ils ajoutent : « L'abus qu'on a
fait des oeufs pour gaver les tuberculeux, a eu souvent des
conséquences fâcheuses pour leurs reins... La digestion gas-
trique a une importance prépondérante pour la protection.
"Si elle se fait mal, le lait lui-même devient poison ». Comme
l'arthritique a, essentiellement, un estomac et un foie en
hypofonction, c'est donc à coup sûr qu'il s'intoxiquera avec
les albuminoïdes d'origine animale. L'objection que les ma-
tériaux non élaborés ne sont pas absorbés par le tube diges-
.
tif est également réfutée par eux. Cette possibilité de l'ab-
sorption intestinale de matières albuminoïdes solubles, non
transformées par le travail digestif, soupçonnée depuis
(1) Linossier et Lemoine. Recherches sur le régime alimentaire dans
les affections du rein. Aliments albuminoïdes d'origine animale. Presse
Médicale, 2 mars 1910.
REGIME VÉGÉTALIEN 285
Brucke, et prouvée par Ascoli pour l'ovalbumine, est au-
jourd'hui incontestable.
Poursuivant leur étude, ils décrivent dans une communi-
cation suivante (1), trois facteurs de toxicité des albumi-
noïdes d'origine animale :
1° Toxines propres de l'aliment, normales, en quelque
sorte, que l'on retrouve dans les viandes immédiatement
après l'abatâge, dans les oeufs quelques moments après la
ponte, dans le lait aussitôt après la traite, et qui-ne peuvent
être mises sur le compte d'une altération septique ou non
de conservation.
2° Toxines développées par la conservation aseptique,
(signalées également dans les expériences de Ch. Richet
fils) (2).
3Q Toxines engendrées par les altérations microbiennes.
L'expérimentation clinique, à son tour, détermine, chez
les malades à l'organisme particulièrement délicat, tels que
les arthritiques tuberculeux, le rôle capital des aliments
animaux dans l'origine et l'entretien des désordres gastro-
hépatiques, dans la genèse des poussées congestives géné-
rales et pérituberculeuses, et la nécessité de leur rejet systé-
matique dans les cas graves. Parmi les nombreux cliniciens
qui se sont élevés contre l'alimentation animale, et dont je
ne veux pas refaire l'énumération, je citerai pourtant en-
core Fernet (3), dont la phrase suivante résume bien les
constatations cliniques que chacun peut faire : « Or, il est
avéré, les médecins le répètent sur tous les tons, qu'on
abuse de la viande, du poisson, des oeufs, en un mot de tous
les aliments d'origine animale, et qu'on ne fait qu'une part
insignifiante aux céréales, aux légumes et aux fruits, à tous

(1) Linossier et Lemoine. Sur la toxicité des aliments albuminoïdes


frais. Société de Biologie, 16 avril 1910.
(2) Gh. Richet fils. Société de biologie. 25 mars et 15 avril 1.910.
(3) Fernet. Du surmenage gastro-hépatique. Société de Biologie.
286 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

les aliments végétaux qui sont les vrais pourvoyeurs d'éner-


gie ».
Quel est, en définitive, l'élément nocif commun à tous les
aliments animaux ? Sont-ce les purines ? Est=ce l'acide
urique ? Non, puisque le lait n'en contient pas (Haig) et les
oeufs non plus (Fauvél). Aussi, se baser pour établir un
régime, sur la seule distinction d'aliments avec ou sans
purines, comme le fait Haig, c'est déjà fort bien, mais pour-
tant incomplet, quand on vise à obtenir une diététique
hypotoxique idéale, car, c'est ne tenir aucun compte de la
présence d'autres corps encore plus dangereux peut-être :
des ptomaïnes et des leucomdines. Bien certainement, ce sont
elles qu'il faut incriminer, en grande partie, dans la toxicité
si spéciale aux aliments animaux, car on les retrouve pré-
formées dans les tissus, dans les sécrétions normales des ani-
maux et exagérées après leur mort. Ce sont elles également,
qui continuent à se dégager en abondance au cours des fer-
mentations, des putréfactions, qui se produisent si intenses
dans un tube digestif encombré de déchets animaux. Ce
sont elles qui expliquent la différence de toxicité considé-
rable constatée cliniquement, et le contraste qui sépare les
signes d'empoisonnement violent que donne l'ingestion
d'oeufs avariés, des troubles minimes que peuvent engen-
drer des légumes ou des fruits gâtés.
Mais, dira-t-on, le foie qui est un véritable filtre, inter-
posé entre le tube digestif et la circulation générale, n'est
jamais réduit à une impuissance telle, qu'il ne puisse neu-
traliser la dose en somme peu élevée, de ptomaïnes, de leu-
comaïnes contenues dans du lait ou des oeufs. Qu'il soit inca-
pable de s'opposer à la toxicité carnée qui est plus considé-
rable, cela peut encore se comprendre, mais pour d'autres-
aliments animaux, pour le lait par exemple, qui a une répu-
tation de contrepoison, la restriction peut sembler exagérée.
Si invraisemblable que cela puisse paraître, cette nocivité
REGIME VEGÉTALIEN 287
démontrée expérimentalement est également très nette-
ment mise en relief par l'étude clinique de certains cas
d'arthritisme grave, où l'on peut observer, bien souvent,
un degré d'usure hépatique tellement prononcé, qu'on est en
droit de considérer alors le rôle antitoxique du foie comme
presque inexistant. On a peine à croire à un hypofonction-
nênient aussi réduit, on s'imagine difficilement la sus-
ceptibilité d'un organe pareillement lésé. Il faut vrai-
ment l'avoir éprouvé et avoir constaté à maintes reprises,
l'influence désastreuse dés écarts les plus minimes, les
effets curatifs remarquables de restrictions alimentaires
extraordinairement sévères, pour être convaincu de la réa-
lité de cette usure extrême et de la nécessité de la diététique
ainsi dirigée.
Arrivé-à ce degré d'altération hépatique, l'arthritique
grave tuberculeux est absolument comparable àun animal sur
lequel On aurait pratiqué la fistule d'Eck. Cette intervention
consiste, je le rappelle, à dériver le sang du système porte,
directement dans le système cave, à faire une exclusion du
foie, par abouchement de la veine porte dans la veine cave
inférieure. Pratiquée par Eck pour la première fois en 1877,
ses résultats expérimentaux furent contrôlés et confirmés
par Hohn, Massein, Néncki et Pavlow. Voici comment
Arthus (1) décrit les conséquences de cette opération sur
le chien : « L'animal devient méchant et entêté, puis faible
et somnolent ; sa marche est irrégulière et ataxique ; plus
tard, il est en proie à une agitation extrême... Enfin il pré-
sente dés convulsions cloniques et tétaniques et du coma
alternant avec des convulsions. L'ensemble de ces phéno-
mènes constitue une crise... On peut faire apparaître à
volonté une crise chez un animal à fistule d'Eck ; il suffit
de lui faire ingérer un repas riche en viande ou de la poudre
de viande ». Si l'alimentation carnée persiste, il meurt rapi-
(1) Arthus. Eléments de physiologie.
288 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

dément, épuisé par une série de crises convulsives, tandis


que, si on le nourrit exclusivement de légumes, il résiste fort
longtemps.
Le tuberculeux en hypofonction gastro-hépatiquegrave,
grièvement blessé, par là même, dans la lutte désespérée
qu'il doit soutenir contre l'envahissement toxique, est
dans un état pathologique comparable, je le dis encore,
à celui de l'animal chez lequel on a pratiqué la fistule
d'Eck. Aussi, n'est-il pas évident que, dans ces cas ex-
ceptionnellement graves, on accélère la déchéance et la
marche vers le dénouement fatal en continuant à faire une
part, si petite soit-elle, dans les régimes, aux aliments
d'origine animale ?
Cette longue explication était nécessaire pour faire com-
prendre les raisons des restrictions alimentaires qui s'éten-
dent aux oeufs, au lait et à ses dérivés : fromages et beurre.

B. IMPORTANCE DE LA NOTION
—-
DE CONCENTRATION MOLÉCULAIRE DES ALIMENTS

Jusqu'ici, nous nous sommes appliqués à écarter tous les


aliments possédant un degré de toxicité même minime, que
ce soient des ptomaïnes animales, des purines ou des acides
végétaux ; nous avons également déclaré la guerre à tous
les produits artificiellement concentrés : alcool, sucreries,
pâtisseries, etc. Toutes ces réserves étaient motivées par
une lésion hépatique sérieuse.
Mais, dans les formes très prononcées d'hypohépatie, il
faut étendre encore davantage la restriction de concentration
et l'appliquer même aux aliments naturels. Cette notion, nou-
velle en diététique, est au moins aussi importante que les
précédentes, et j'estime qu'elle seule rend possible l'établis-
sèment d'un régime, adéquat au fléchissement fonctionnel
RÉGIME VÉGÉTALIEN 289
des organes digestifs et qui permette, par un travail assimi-
lateur facilité, à la fois la cessation du surmenage viscéral,
et lé relèvement de l'état général : à vitalités et pouvoirs cel-
lulaires très amoindris, il faut une concentration moléculaire
des aliments très abaissée.
En effet, on ne doit pas seulement considérer la toxicité
alimentaire, mais surtout la valeur intrinsèque des or-
ganes chargés de transformer les matériaux: nutritifs, sans
fatigue et sans imperfection métabolique. Ce qui importe
donc, dans le cas présent, c'est de bien proportionner le
degré de concentration moléculaire des aliments, à l'état
de déchéance de la cellule hépatique de l'arthritique grave
tuberculeux.
Jouissant de très petits moyens, cette cellule est capable de
réagir sans fatigue aux excitations très modérées, et d'accom-
plir, dans ce cas, sa tâche aussi parfaitement que la cellule la
plus saine, la plus robuste. Tout contact alimentaire produit
sur elle une impression, une excitation qui engendre de sa
part une réaction, qui est le travail d'assimilation digestive.
Que des corps azotés, hydrocarbonés, gras, lui soient pré-
sentés en petite quantité, mais surtout à l'état de combinai-
son moléculaire pas trop élevée, pour éviter d'être nocifs à
sa vitalité (du sucre contenu dans des fruits, par exemple),
tout ira le mieux du monde ; le travail digestif local et le
fonctionnement organique général se feront à la perfection.
Qu'au contraire, elle se trouve en rapport avec des produits
même peu abondants, mais à teneur chimique élevée, à con-
centration massive (du sucre sous forme de confitures, par
exemple) ; en face de cette excitation à dose excessive, elle
s'effondrera, sera incapable de tenir tête à ce « coup de feu» et
ne pourra fournir l'effort nécessaire à la transformation de
cet aliment. Non seulement la digestion ne pourra s'opérers
mais la paralysie cellulaire persistera un certain temps, à
la suite de ce contact trop violent. Il sera donc de toute né-
19
290 ETUDE THERAPEUTIQUE

cessité, dans les cas graves, de déterminer par l'expérimen-


tation clinique, renouvelée pour chaque variété d'aliments,
le taux azoté, hydrocarboné et gras, qu'il ne faudra jamais
dépasser dans le choix des aliments destinés à composer
le répertoire alimentaire, pour obtenir des digestions par-
faites et par suite, une renaissance des forces naturelles de
préservation.
Reprenant l'exemple du sucre, il est facile de constater,
par l'expérimentation clinique dans l'hypohépatie grave,
que du sucre pris saturé loin de fournir Un surcroît d'éner-
gie n'a pour effet que de congestionner le foie, de le rendre
douloureux, et de donner lieu, par suite du travail digestif
imparfait, à la production d'acides lactique et oxalique qui
empoisonnent le malade. Bien loin d'avoir accru ses forces,
le malade est pris de courbature, d'abattement et d'essouf-
flement. Qu'au contraire, il absorbe du sucre, non plus sous
forme de produit cristallisé, mais sous forme de fruits, la
tolérance sera, cette fois, parfaite. Du contact cellulaire ne
résultera pas un méfait, mais unbienfait, qui se traduira par
le bien-être, la facilité de l'effort et la résistance à la fatigue.
Ce qui vient d'être dit du sucre, s'applique aux autres ali-
ments. L'azote, par exemple, sera toléré et bienfaisant pris
sous forme de pain blanc où sa concentration est égale à
"8 p. 100, tandis qu'il devient nocif si elle s'élève à 24 p. 100

comme dans les lentilles. Les hydrocarbones supportés-à


la dose de 55 p. 100 dans le pain blanc, donnent des troubles
bép-atiques et généraux, si on les fait prendre sous forme
de pâtes où leur taux atteint 75 p. 100.
Le malade, dans les cas graves, il faut bien le savoir, et ne
pas s'en étonner, est à la merci de pareils détails.
Mais cette nocivité de la haute teneur moléculaire n'est-
elle pas connue par ailleurs en clinique ? Pour le sel, par
exemple, Widal (1) a écrit : « Une quantité de 30 à 40 grammes
(1) Widal. La cure de déchloruration, p. 17.
.
RÉGIME VÉGÉTALIEN 291

de sel, prise par doses fractionnées et mêlée aux aliments,


est absorbée sans provoquer d'intolérance. Avalée d'un seul
coup dans un demi-litre d'eau, elle provoque nausées et
vomissements ».
Des faits d'observation banale prouvent encore combien
on doit tenir compte de cette notion. Telle personne qui peut
ingérer sans inconvénients, un demi-litre de vin par jour,
ressent des malaises sérieux ou dé la griserie, pour avoir bu
une cuillerée à café de cognac. Et les réactions individuellesne
sont-elles pas excessivement variables? Dé plusieurs sujets,
se livrant ensemble aux mêmes abus de boisson, les uns sup-
porteront des dosés souvent considérables d'alcool sans en
être incommodés, tandis qu'au premier verre, leurs voisins
déraisonneront rapidement. Les premiers ont des cellules
hépatiques encore indemnes ; les autres sont plus vul-
nérables, du fait d'une aplasie des mêmes cellules.
Ce qui va achever de justifier l'importance de cette
notion de concentration dans le choix des aliments et son
influence primordiale sur la vitalité "et les réactions proto-
plasmiques, c'est le rôle considérable qu'elle joue dans la
genèse de divers phénomènes physiologiques et patholo-
giques tels que la soif, la faim, le diabète, l'anorexie, la
fièvre, les oedèmes, la pléthore.
Voyons d'abord la soif. Cette sensation a pour origine
une cause de concentration plasmatique qui peut être, soit
généralisée à tout l'organisme, soit localisée en un point
limité du corps. Dans lé premier cas, elle est provoquée par
des états physiologiques tels que la chaleur, les sueurs, ou
pathologiques comme la fièvre, les hémorragies. Si la teneur
moléculaire excessive resté limitée à un organe, malgré
cela elle apparaît encore. Les appels liquides que provoque,
au cours des repas, l'ingestion d'aliments trop salés, trop
sucrés, trop gras ou trop alcoolisés sont dus au contact de
292 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

la muqueuse gastrique, avec des solutions chimiques trop


concentrées. Un autre curieux exemple d'appel à l'inges-
tion de liquide par concentration plasmâtique localisée,
nous est fourni par l'exemple des nourrices, que l'on voit,
très souvent au début des tétées, être prises d'un besoin
impérieux de boire, qu'elles doivent satisfaire immédiate-
ment. Si elles résistent, la sensation ne persiste pas, car l'af-
flux local de dilution s'est fait à l'aide et aux dépens des
liquides du reste de l'organisme.
Comment explique-t-on ce phénomène ? « La soif, écrit
Loeper (1), si fréquente chez le brightique, et dont l'origine
n'est pas uniquement, comme le dit Mayer, dans l'hyper-
concentration du sang, mais aussi dans l'hyperconcentration
des tissus, qui semble lui être secondaire, est véritablement
providentielle, car elle permet la dilution. »
Mayer (2) la définit ainsi fort justement : « La soif nous
apparaît comme le terme dernier d'une longue série d'ef-
forts de l'organisme se défendant contre la cause nocive qui
est apparue en lui ».
Tous les auteurs, dans l'étude du mécanisme de sa pro-
duction, font jouer le rôle essentiel, à l'excès de tension os-
motique du sang, transmis par les parois vasculaires à un
centre bulbaire (Mayer). Ils en font surtout un phénomène
physico-chimique osmotique, où la vitalité protoplasmique
joue un rôle trop effacé, à mon avis.
J'envisage la soif comme une manifestation défensive de
l'organisme, d'un ordre biologique bien supérieur au simple
phénomène de l'osmose, comme un acte vivant et non méca-
nique. Sa cause véritable réside dans la réaction cellulaire
en présence d'une excitation antiphysiologique. Elle traduit
toujours une souffrance du protoplasme qui baigne dans des

(1) Loeper. Mécanisme régulateur de la composition du sans. Thèse,


1903, p. 92.
(2) Mayer. Essaisur lasoif. Thèse, 1900, 69.
p.
RÉGIME VÉGÉTALIÈN 293

produits nocifs, pour le maintien de son équilibre vital, parce


que toxiques ou trop concentrés. Cette souffrance varie selon
le degré de vitalité cellulaire ; elle est minime si la cellule est
saine ; elle est très prononcée, si l'usure cellulaire est grave. Le
liquide qu'elle réclame à l'organisme a pour but de diluer,
puis d'éliminer les composés nocifs, grâce à l'apport et à
la circulation d'un afflux aqueux libérateur.
L'expérience du botaniste Stahl citée par Mayer (1)
n'est-elle pas une preuve frappante de cette initiative cel-
lulaire, de son désir de défense et de survie ? « Examinant
les mouvements de la plasmôdie du tan, il vit que si l'on
place cette masse de protoplasme dans un air chaud et sec,
et qu'on pose, non loin d'elle, une feuille de papier buvard
mouillé, le protoplasme pousse vers la région humide du
papier des prolongements, se meut par amoeboïsme vers elle
et finalement, va se placer sur elle, pour absorber l'eau
.
qu'elle contient. »
N'est-il pas indéniable, que dans ce cas, il s'agit bien plus
d'un effort du protoplasme pour fuir un milieu antiphysio-
logique, que d'un simple phénomène physico-chimique d'os-
mose ? La soif, acte défensif commandé par le malaise
cellulaire et transmis aux centres par les terminaisons ner-
veuses, apparaît, en définitive, comme une réaction de la
cellule, qui souffre d'être mise en rapport avec des plasmas
d'une concentration salée, médicamenteuse, alimentaire,
toxique, trop élevée, qui constituent pour elle un milieu
antivital, ântiphysiologiquê, où son existence risque de
sombrer et qui crie sa détresse en réclamant un liquide de
dilution pour atténuer et chasser le contact dangereux. /r^
Nombre de sécrétions pathologiques ne sont en râpitë>
(

que des moyens autogènes de préservation, des appels^Jéses-


pérés à la dilution, pour obtenir le retour d'un mïHéu plas-
matique physiologique. Les diarrhées ne reconnaissent pas
(1) Mayer. Essai sur là soif. Thèse, p. 18, 1900.
294 ETUDE THERAPEUTIQUE

d'autre cause que la défense des cellules muqueuses de l'in-


testin, en présence de solutions irritantes. Les pituites, les
vomissements glaireux, ne sont que des sécrétions protec-
trices de répithélium gastrique, pour diluer les aliments trop
concentrés ou trop irritants, dont la proximité est dange-
reuse pour sa vitalité. Bon nombre de coryzas et de bron-
chites ne doivent leur sécrétion muqueuse qu'à la défense
par dilution, des épithéliums lésés par le passage des poisons
en voie d'élimination.
La faim, elle-même, relève d'un mécanisme physiolo-
gique de même ordre, mais en sens inverse- Cette fois, ce
n'est plus l'excès, mais l'abaissement de concentration.qui
est antivital pour les groupements cellulaires. Ce manque
de matériaux chimiques, produit dans les protoplasmes un
malaise, dont la traduction eénesthésique est la faim. Pour
voir combien ce processus répond à la réalité, il suffit de
.
réfléchir à la rapidité d'apaisement de la faim par les ali-
ments à concentration azotée, hydrocarbonée, grasse, ou
toxique élevée : quelques bouchées de viandes fortes, de
corps gras, de sucreries, suffisent à caler l'estomac. Ce
sont là des aliments dont le taux chimique élevé bloque
les protoplasmes. Tandis qu'au contraire, et nous verrons
que c'est un des petits inconvénients du régime végétalien
à concentration faible, la sensation d'apaisement de la
faim est retardée, si l'on ingère exclusivement des aliments
à teneur chimique modérée.
Un exemple pathologique, celui du diabète, fera compren-
dre combien ce mécanisme de la soif et de la faim est exact, et
en même temps, projette une vive clarté sur la pathogénie
de cette affection, où ces deux sensations cénesthésiques
voisinent, également accrues.
Par suite, le plus souvent, d'un trouble fonctionnel hé-
patique, plus rarement d'une lésion pancréatique ou ner-
veuse, la glycémie apparaît. Le sucre déversé à dose anti-
RÉGIME VÉGÉTA-LIEN 295
physiologique dans le torrent circulatoire, impressionne
désagréablement les protoplasmes, et vaseujaires et orga-
niques. Leur révolte contre le contact malfaisant, se traduit
par la soif continue, puisque l'irritation glycémique est per-
manente. La polydipsie en résulte. Les liquides ingérés
passent dans l'économie entière, et étendent la concen-
tration sucrée nocive. Mais cette dilution, si elle s'exerce
favorablement sur le sucre, a pour conséquence fâcheuse,
simultanée, de dissoudre les sels minéraux, azotés, des
protoplasmes : à la dilution sucrée s'ajoute la dégradation
saline.
Il en résulte un nouveau malaise prûtoplasmique, par
abaissement de la concentration minérale et azotée, qui se
traduit par l'exagération de l'appel à la restauration chi^
mique des cellules, par la polyphagie.
En fin de compté, l'organisme se trouve harcelé par une
perpétuelle alternative de deux souffrances, causées : la
première, par la glycémie qui commande la polydipsie;
l'autre, par la dégradation chimique de lavage, qui aiguil-
lonne la faim, et c'est cet éternel balancement entre deux
offenses qui résume le syndrome clinique du diabète.
La polyufie, c'est l'eau de lavage qui s'écoule et qui
entraîne à la fois le mauvais : le sucre, comme le bon :
l'azote, les chlorures, les phosphates (glycosurie, azoturie^
chlorurie, phosphaturie).
D'après cette conception, l'anorexie est simplement en-
gendrée par le manque d'appel réparateur par suitede l'en-
combrement chimique ou toxique des cellules. L'anorexie,
défense naturelle humorale, est donc un phénomène émi-
nemment respectable, un symptôme de trop plein orga-
nique, auquel il faut parer en ne mangeant pas de nouveau,
si l'excédent est d'origine suralimentaire ; en déblayant
les tissus par une chasse liquide thérapeutique, si la
surcharge est toxique. Car les causes qui suppriment l'appel
296 ÉTUDE'THÉRAPEUTIQUE

cénesthésique à la concentration chimique, se réduisent à


ces deux groupes : surcroît d'éléments normaux par excès
alimentaires, ou excès de poisons endogènes ou exogènes
(fièvre, fatigue de surmenage, infections, empoisonne-
ments, etc.).
Quand il s'agit de causes toxiques, en même temps que
le désir réparateur d'alimentation est supprimé, l'appel
à la dilution est conservé et même accru. Plus la fièvre est
élevée, plus l'intoxication est violente, plus l'anorexie est
intense et plus la soif est vive. Cet effort de protection
dont la caractéristique générale, cénesthésique, est la soif,
engendre d'autres manifestations locales non psychiques
qui relèvent toujours du même mécanisme. Les foyers con-
gestifs, la pléthore, nous l'avons vu, à propos de la patho-
génie de l'arthritisme, ne sont que des appels d'atténuation
toxique des cellules organiques ou des épithéliunis vascu-
laires, qui souffrent de concentrations dangereuses pour
leur vitalité.
Les oedèmes médicamenteux (iode), infectieux (phlegmons),
toxiques (piqûres d'insectes, urticaires, oedèmes brigh-
tiques, hépatiques), ne sont également que la traduction
de souffrances cellulaires. Ces réactions contre là concen-
tration nocive, sont d'ailleurs variables en intensité d'un
sujet à l'autre. Plus la vitalité cellulaire est abaissée, plus
sa fragilité est grande, plus le besoin de dilution sera violent
et la manifestation oedémateuse prononcée. Une sensibilité
cellulaire excessive, réclame une dilution toxique extrême.
Aussi, n'est-il pas surprenant de voir, que c'est justement
chez des artério-scléreux, chez des arthritiques patents,
malades à vitalité cellulaire amoindrie, que se constatent les-
<edèmes glottiques par iodisme, les réactions urticantes
généralisées et volumineuses.
L'oedème brightique mérite de fixer un moment nôtre at-
tention, car c'est l'étude de son mode de production et lai
' RÉGIME VÉGÉTALIEN 297
recherche dé la raison de l'action bienfaisante du régime
déchloruré, qui va nous permettre d'expliquer notre souci
d'éviter dans les menus de l'arthritique grave tuberculeux,
les aliments végétaux à concentration moléculaire élevée.
Cet oedème brightique, lui aussi, nous apparaît bien plus
comme étant un acte de biologie cellulaire, de réaction tro-
phique, qu'un phénomène purement physique d'équilibre
osmotique.
Les cellules baignées dans des humeurs à concentra-
tion chlorurée très accentuée, assez forte pour compro-
mettre leur existence, sont irritées et font un appel défen-
sif à la dilution : elles empruntent le liquide nécessaire
au sérum des vaisseaux sanguins voisins. Celui-ci afflue,
étend la solution délictueuse ; la souffrance cellulaire
cesse, mais, comme le rein se refuse à laisser passer les
chlorures à partir d'un certain taux, trop élevé pour son
travail cellulaire amoindri, la reprise circulatoire du liquide
épanché ne peut s'accomplir et l'oedème, mode de dé-
fense des tissus, en résulte.
Si l'on applique alors le régime déchloruré, l'organisme,
pour suffire à ses dépenses chlorurées, est forcé de se faire
des emprunts de sel à lui-même (Langlois et Richet) (1).
Du même coup, la concentration séreuse des chlorures di-
minue ; la cellule étant soulagée, l'appel liquide de dilu-
tion se relâche, le sérum entre en circulation, l'oedème dis-
paraît.
C'est par une action analogue, par un phénomène de
substitution déjà décrit (2), que s'explique l'effet renforcé
du bromure chez les épileptiques, par suite de la déchlo-
ruration alimentaire. Toutes les cellules du corps, les cel-
(1) Langlois et Richet. De la proportion des chlorures dans tés tissus
de l'organisme. Journal de Physiologie et de Pathologie générale. T. II,
1900, p. 742.
(2) Paçhet; et Toulouse. Académie des Sciences, 1899, p. 850.
Toulouse. Société Médicale des Hôpitaux, 1900, p. 10.
298 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Iules nerveuses entre autres, contiennent à l'état normal,


dans leur protoplasme, des quantités infinitésimales de
chlorure de sodium, en proportion dite physiologique ;
qu'à ce moment, le sujet soit bromure, le sel passe à proxi-
mité des cellules, les influence par contact, mais ne tra-
verse guère leur enveloppe,, car le protoplasme qui y est
inclus, possède une teneur minérale normale et suffi-
sante. Qu'au contraire, on vienne à tarir, par une alimen-
tation pauvre en chlorures, toute source exogène de récu-
pération salée, le taux de la concentration chlorurée des
cellules baissera, et, comme la cellule pâtit aussi bien
d'un milieu hypotonique qu'hypertonique, elle fait un
appel à la concentration. N'ayant à sa portée que du bro-
mure de sodium, elle s'en accommode, s'en sert pour com-
bler ses vides moléculaires, et ce sel pénètre cette fois-ci
plus abondamment à travers les parois cellulaires, rétablit
l'équilibre physiologique, indispensable à la vie, imprègne
davantage les protoplasmes et par suite, augmente l'in-
tensité de son action calmante et l'efficacité de la dose in-
gérée.
Mais, comme ce sel est en somme un toxique, il peut ar-
river si la déchloruration a été trop poussée, que la substi-
tution se soit accomplie dans des proportions trop grandes,
nocives pour la vitalité cellulaire. Celle-ci a réussi à réta-
blir son équilibre salé physiologique, mais avec des maté-
riaux inaccoutumés et toxiques. Voilà encore l'explication
des accidents observés au cours des traitements bromures,
associés à des cures déchlorurées trop rigoureuses ou trop
prolongées (Voisin) (1).
Si le chlorure est un des principaux facteurs d'oedème,
il n'est pas le seul,, ainsi que l'a démontré Achard (2) :

(1) Voisin. Presse Médicale, n° 68, 1906.


,rty Achard- Mécanisme régulateur de la composition du
sans. Presse
Médicale, 1901,
p. 133.
RÉGIME VÉGÉTALIEN 299
d'autres rétentions séreuses, les oedèmes d'ordre toxi-
hépatique entre autres, reconnaissent pour cause une réac-
tion de préservation vis-à-vis d'autres corps chimiques, ou
de toxines accumulées dans les plasmas. La preuve en est
dans la résistance qu'offrent au régime déchiôruré, cer-
tains états morbides avec accumulation séreuse : oedèmes
arthritiques, hépatiques, oedèmes par acidose par exemple.
Un bon nombre d'épanchements de nature non inflam-
matoire, qui se font dans des séreuses, né relèvent pas d'un
autre processus pathogénique. Quantité d'épanchements
torpides, indolores et chroniques constatés dans les arti-
culations, les bourses séreuses, les vaginales' chez des ar-
thritiques, rentrent bien dans cette catégorie de faits, puis-
qu'ils disparaissent avec le régime hypotoxique et hypocon-
centré, tel que je le préconise.
Il semble donc bien, que les causes pathologiques de
réaction des tissus sous forme d'oedèmes, relèvent de plu-
sieurs pathogénies, variables suivant le viscère qui, par sa
lésion, aura provoqué l'intoxication.
On peut d'abord mettre à part les atteintes rénales, sour-
ces d'oedème brightique, où seul le chlorure de sodium est à
incriminer et à diminuer dans l'alimentation. D'autre part,
il y a des altérations gastro-hépatiques, surtout hépatiques,
causes d'infiltrations aqueuses défensives des organes pro-
fonds et du sang (oedèmes, foyers congestifs viscéraux, plé-
thore) où les facteurs d'intoxications sont multiples (azo-
témie, glycémie, toxémie) et doivent être séparément com-
battus dans le régime alimentaire. En un mot, il y a un
syndrome toxique brightique à opposer au syndrome
toxique arthritique.
De même qu'un rein lésé, dont les cellules glandulaires sont
dégénérées, ne peut plus travailler qu'en sourdine, et sup-
porter le contact de doses de chlorures de sodium même
moyennes; de même un foie arthritique, aux cellules mal-.
300 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

menées, ne peut accomplir qu'un travail des plus modérés et


souffre d'être mis en présence de doses toxiques minimes ou
de concentrations d'origine alimentaire même peu élevées.
Parfois même, sa limite de tolérance sera abaissée dans
d'invraisemblables proportions.
En résumé, chez les brightiques, l'obstacle est au rein, chez
l'arthritique grave il est au foie. Le poison du rein malade est
presque exclusivement le chlorure de sodium, qui provoqué,
par sa rétention, une urémie surtout hydropigène. Les poi-
sons du foie sont multiples et sont fournis par toutes les
concentrations chimiques ou toxiques un peu élevées, dont
la rétention donne lieu, dans l'immense majorité des cas,
à une urémie plutôt sèche, car l'appel défensif à la dilution
reste longtemps localisé aux organes profonds et à la masse
sanguine. Les expériences de Leathes, déjà relatées ici, à
propos de la pathogénie de la pléthore, établissent bien
cette différence de réaction, le sel faisant passer le sérum
du sang vers les tissus pour constituer les oedèmes, tandis
que le sucre accroît la masse sanguine aux dépens des plas-
mas des tissus, engendrant la pléthore, véritable oedème
sanguin.
Ces longues considérations, qui sembleraient nous éloi-
gner de notre sujet, étaient indispensables pourtant pour
démontrer les motifs et l'importance primordiale de l'abais-
sement de concentration moléculaire de notre régime végé-
talien. Elles nous permettent de comprendre que si dans
la chlorémie il faut viser au rein et recourir au régime dé-
chloruré de Widal, par analogie, dans la toxémie complexe
d'origine gastro-hépatique qu'est Varthritisme grave, il faut
viser au foie et appliquer les données restrictives d'abaisse-
ment du taux de concentration toxique et chimique des ali-
ments, que commande l'hypofonction de cet organe.
De même que le régime déchloruré de Widal n'est en
réalité qu'un régime hypochloruré, dans lequel n'entrent
REGIME VÉGÉTALIËN 301

•que des aliments à concentration moléculaire salée très-


faible, et qui s'adapte, sans troubler la nutrition du malade,
à un fonctionnement très abaissé de l'épithélium rénal ;
•de même le régime végétalien à faible concentration est un
régime où la teneur azotée, grasse, hydrocarbonée, toxique,
aussi peu concentrée que possible, s'adapte, sans nuire à
l'équilibre général de l'organisme, à un fonctionnement
des cellules hépatiques très réduit. Et, finalement, ce ré-
gime apparaît dans son principe et son application, comme
une extension du régime de Widal aux autres corps chimi-
ques nutritifs.
Les malades soumis au régime déchloruré, prennent
encore du sel en quantité suffisante aux besoins organiques,
mais par l'intermédiaire d'aliments où sa concentration ne
dépasse pas un pourcentage assez minime, un. degré limite,
au-delà duquel la cellule rénale souffre. De même les ar-
thritiques graves qui suivent mon régime hypoconcentré,
satisfont aux besoins légitimes de leur organisme en azote,
hydrôcarbones et graisses, mais à la condition que le ren-
dement nécessaire azoté et calorimétrique soit demandé
uniquement à des aliments à teneur chimique suffisamment
faible. Ce n'est donc nullement un régime hyponutritif ; l'a-
baissement porte sur le taux de concentration et aucunement
sur la somme totale utile à la ration d'entretien du sujet.
On observe à la suite de l'application de ce régime, toute
une série de transformations nutritives et d'effets théra-
peutiques, sur lesquels je reviendrai plus loin. Mais, je tiens
pourtant, avant d'entreprendre la description détaillée
du régime, à en signaler quelques-uns pour ce motif qu'ils
ont une pathogénie qui se rattache aux faits que je viens
de développer et parce qu'ils leur apportent une nouvelle
confirmation.
Un des premiers symptômes que le malade remarque et
qui l'étonné toujours c'est la disparition de la soif. L'as-
302 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

soifîé d'hier n'éprouve plus le besoin de boire, même parfois


au moment des repas, et jamais non plus, ni par temps très
chaud, ni après un exercice un peu vif, circonstances qui
pourtant amènent par sudation, une appréciable perte
aqueuse. Cette disparition de la soif est parfois si pro-
noncée, que certains malades arrivent à ne plus boire jamais.
Un de mes sujets, en expérience depuis plusieurs années,
reste souvent six mois sans qu'un verre touche ses lèvres ;
à table, la personne qui dresse le couvert, ne met jamais
un verre à sa place. Il trouvé, dans ses légumes et ses
fruits, tout le liquide nécessaire à son organisme, et sa
quantité d'urine éliminée est toujours normale. Quand il
a soif, ce n'est jamais après une déperdition aqueuse de
l'organisme, mais toujours à la suite d'un écart alimentaire,
après avoir ingéré un aliment défendu, dont la concen-
tration moléculaire a été trop élevée. Cette constatation
vraiment extraordinaire s'explique fort bien par l'état
physiologique des cellules des tissus qui n'étant plus en-
combrées de matériaux toxiques ou chimiques à haute
teneur moléculaire n'ont plus jamais besoin de se défendre
contre un voisinage désagéable et par suite ne recourent
plus à l'appel défensif de dilution : à la soif. Ce phéno-
mène cénesthésique est donc bien un indice de malaise
cellulaire, tandis que l'absence de soif est un symptôme de
bien-être, de soulagement protoplasmique qu'aucun con-
tact blessant n'irrite, une détente, un apaisement vital qui
va permettre une épargne et une meilleure utilisation
énergétique.
A la surexcitation cellulaire et à l'usure vitale, succède
un calme réparateur, condition nécessaire à la récupé-
ration fonctionnelle des appareils. Et, ce bienfaisant repos
esttel, qu'on peut dire du régime hypoconcentré, qu'il provo-
que l'avènement d'une période sédative capable même d'en-
traîner, à la longue, une véritable résurrection organique.
REGIME VÉGÉTALIEN 303
Un autre effet, très évident, c'est la décongestion puis-
sante générale et locale sur les foyers tuberculeux, que pro-
voque ce même régime. Des malades au faciès vultueux,
sujets à des hémorragies répétées, à des poussées fébriles,
coïncidant avec l'apparition de zones congestives pulmo-
naires pérituberculeuses, sont tout d'un coup délivrés de
leurs afflux sanguins. Nous avons assez insisté sur le méca-
nisme de la pléthore, et des congestions locales, pour qu'il
soit nécessaire de montrer à nouveau pourquoi, la concen-
tration toxique et chimique d'origine alimentaire cessant,
les manifestations morbides qu'elle engendrait se trouvent
du même coup suspendues.
Mais, où cet effet décongestif est encore singulièrement
accru, c'est quand le malade, entré en convalescence, peut
se livrer à des exercices un peu prolongés. Quand il suivait
son précédent et mauvais régime concentré, la moindre
marche aggravait l'élévation thermique, l'essoufflement, les
malaises congestifs, et vraiment, il n'évitait toute augmen-
tation de ses troubles, qu'en restant immobilisé. Au con-
traire, à la suite de l'application du nouveau régime, il
peut sans fatigue et sans ennuis se livrer à dés exercices
même violents. Cette fois-ci même, bien loin d'aggraver
fièvre et congestions, la culture physique devient un puis-
sant adjuvant décongestif par l'activité accrue de la circu-
lation sanguine et pulmonaire, et par la perte sudorale
qu'elle entraîne. Cette décongestion est si flagrante que,
je l'ai déjà fait remarquer, des malades porteurs du syn-
drome hyposystolique, dont le creux épigastrique est
douloureux, dont les ongles sont très carminés, suivent
des yeux la décroissance de cette teinte pléthorique au
cours d'une bonne marche, et constatent à la fois, le retour
de la coloration rosée normale, indice d'un parfait équilibre
sanguin, en même temps que la disparition de leur malaise
épigastrique, due au dégorgement hépatique.
304 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Fait encore plus extraordinaire, quand ils se sont livrés


à une dépense physique qui a entraîné une perte aqueuse
très importante par transpiration, jamais ils n'éprouvent le
besoin de boire, de récupérer la perte liquide ainsi accom-
plie, à l'opposé des gens normaux qui, à la moindre suée,
.s'empressent de « se rafraîchir ». Voici pourquoi : chez
les individus soumis au régime carné, toute perte aqueuse
demande à être compensée immédiatement, et la soif se
fait impérieuse, parce que les tissus imprégnés de déchets
toxiques ou chimiques à forte teneur, réclament leur im-
médiat déblayage, pour éviter la lésion des cellules qui
sont plongées dans ces plasmas irritants. Comme, chez le
malade soumis au régime hypoconcentré, les tissus et les
plasmas sont à teneur chimique et toxique peu élevée,
une perte séreuse, même importante, ne s'accompagne pas
de souffrance cellulaire, et par suite, l'appel cénesthésique
de dilution n'a aucune raison de s'établir, la soif manque.
La conséquence de ce contraste, c'est que dans le pre-
mier cas, le sujet ne tire aucun bénéfice de sa perte liquide,
tandis que dans le second, elle équivaut à une véritable sai-
gnée bienfaisante. En effet, chez l'assoiffé, il ne se fait pas
de courant séreux des tissus vers le torrent circulatoire; les
tissus qui souffrent de la concentration ne peuvent lâcher
leur eau de composition, et le liquide ingéré ne sert qu'à
faire le plein de la masse sanguine. Par suite, la pression
Artérielle reste élevée, la décongestion générale ou viscé-
rale ne se réalise pas, et, somme toute,'la sudation est
plutôt malfaisante qu'utile, puisqu'elle offense les cellules.
Chez celui dont les organes contiennent, au contraire,
un minimum de produits toxiques et une concentration
chimique jamais excessive, la possibilité de se défaire d'une
partie de leur eau de composition est réalisable, et son
échappement vers le torrent circulatoire est possible, car
les cellules n'ayant
pas à lutter contre des plasmas toxi-
REGIME VEGÉTALIËN 305

ques, peuvent subir le contact d'une légère augmentation


de concentration, sans demander une dilution. L'avantage
qui en résulte est considérable. Il s'est fait une chasse
utile des tissus vers le sang et une élimination favorable
par la peau, les poumons et le rein. Ce fut là une saignée
véritable où tout fut bénéfice, car sans perdre un seul glo-
bule, l'organisme, grâce à la non compensation de sa perte
liquide, a pu, par la déplétion de ses vaisseaux viscéraux,
décongestionner son foie, ses poumons et obtenir ainsi
un soulagement cardio-pulmonaire et général considérable.
Cette saignée désintôxicante n'est pas un leurre. Le même
malade dont je citais l'exemple, il y a quelques instants,
arrive à perdre par sudation et élimination pulmonaire
jusqu'à 800 grammes de son poids en une heure d'exercice
actif (assaut à l'épée, par exemple) sans éprouver la moindre
soif ou le moindre malaise, même par les plus fortes cha-
leurs (1). •

Enfin, il reste à signaler un dernier phénomène-qu'on


doit bien connaître et surtout bien interpréter : c'est la
baisse de poids qui, très souvent, se produit dans les pre-
miers temps, à la suite de la diététique nouvelle.
Elle se comprend aisément. Avec le régime alimentaire
fortement concentré, le malade, sans toutefois faire de
véritables oedèmes, retient des liquides dans ses organes : il
augmente de poids, paraît avoir engraissé et va ainsi jus-
qu'à la tolérance d'hydratation de ses tissus, au-delà de
laquelle, seulement, l'oedème peut apparaître. Ce qu'il met
en réserve, ce n'est pas de la graisse, c'est de l'eau qui lui
sert à se protéger contre l'envahissement toxique. Les
augmentations brusques de poids de 6, 8 et 10 kilos en un mois
ne sont que des hydratations défensives de l'organisme ; loin
(1) Cette perte n'a rien qui doive surprendre quand on songe « que
les entraîneurs de la Tamise font perdre à leurs rameurs jusqu'à 6
et 7 kilos en une journée, par leurs courses dites de déperdition. »
Lagrange. La Médication par l'exercice, p. 255.
20
306 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

de s'en réjouir, le tuberculeux devrait déplorer un pareil


accroissement, dont l'excès atteste, non pas un bien-être
organique, mais une extrême souffrance de l'économie.
Et ces rétentions d'eâu ne sont pas seulement dues aux
chlorures pour lesquels le fait a été bien prouvé, entre autres,
par Labbé et Marchoisne (1), mais relèvent surtout de
toutes les concentrations chimiques ou toxiques (alimenta-
tion, toxines, médicaments). Si cette opinion, déjà sou-
tenue par Achard, par Ambard (2), a pu paraître discutable
(Widal) (3), quand il s'est agi exclusivement des oedèmes
brightiques, elle est, au contraire, exacte et bien établie
par l'expérimentation clinique, en ce qui concerne les phé-
nomènes d'intoxication et d'infiltration oedémateuse par
lésions gastro-hépatiques et arthritiques.
Si l'on soumet au régime hypoconcentré de tels malades,
gonflés d'eau, leurs cellules n'ayant plus à lutter contre les
contacts néfastes, l'appel à la dilution cessera et du même
coup la stagnation séreuse interstitielle va disparaître. Il en
résultera un amaigrissement apparent, par reprise des liquides
accumulés au cours de la période précédente. Ce fait, qui
pourrait paraître alarmant chez des arthritiques tubercu-
leux, est de constatation banale au cours des cures de dé-
chloruration. (Widal, Dieulafoy, Chauffard, Courmont et
Genêt, Cordier.)
Il n'y aura donc pas lieu d'incriminer l'insuffisance du
nouveau mode d'alimentation, ni de s'affoler en voyant le
graphique du poids baisser, au début, chez les tuberculeux
soumis à ce régime, d'autant plus que, bientôt, grâce à une
meilleure utilisation des petites capacités fonctionnelles du
foie et de l'estomac, il se fera peu à peu un gain qui, cette
fois, sera véritable, ne constituera pas un trompe-!'oeil, et
(1) Labbé et Marchoisne. Le métabolisme de Veau et des chlorures.
Revue de Médecine, avril 1905, p. 250.
(2) Ambard. Semaine Médicale, 1904, 313.
p.
(3) Widal. La Cure de déchloruration, 29.
p.
RÉGIME VEGÉTALIEN 307
portera sur les tissus eux-mêmes et non plus sur leurs liqui-
des interstitiels.
Il me semble avoir suffisamment démontré, au cours de
ce long exposé, que si les cellules d'un individu sain souf-
frent du voisinage de concentrations alimentaires artificiel-
lement accrues, les cellules amoindries de l'arthritique
grave peuvent, de leur côté, pâtir de contacts même d'ali-
ments naturels, qui sont souvent trop forts pour leur dimi-
nution de vitalité, et avoir ainsi logiquement motivé l'adop-
tion et la nécessité d'un régime hypôconçentré, pour la dié-
tétique de malades gravement atteints.

C. = IMPORTANCE DE LA DÉSINTOXICATION PERMANENTE


OBTENUE A L'AIDE
D'UNE CIRCULATION INTESTINALE ACTIVÉE

Dans de nombreux cas, le régime alimentaire restreint en


concentration suffit à donner satisfaction à l'organisme sur-
mené, empoisonné et à lui assurer un fonctionnement nor-
mal.
Assez souvent, pourtant, la fragilité hépatique à l'égard
des poisons est telle, qu'elle nécessite l'application d'une
mesuré diététique complémentaire, destinée à favoriser par
la voie intestinale l'élimination active et régulière des
toxines digestives, et cela à tel point, que parfois ce fonc-
tionnement activé de l'intestin a une importance égale à celle
du régime alimentaire lui-même, et qu'omettre de l'assurer,
équivaut souvent à faire échouer le traitement.
Le rôle néfaste de l'empoisonnement par stase ou simple
retard dans l'évacuation des matières est si flagrant, que bien
souvent, il suffit à lui seul à enrayer les effets bienfaisants
de la diététique et à entretenir la permanence des lésions et
des poussées pérituberculeuses.
308 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Non seulement, en effet, le balayage facilité de la voie


intestinale empêche la formation et l'absorption des poi-
sons digestifs, mais il débouche d'une façon permanente le
filtre intestinal qui, nous le répétons, est une voie d'élimi-
nation normale et très importante pour l'organisme. Il sou-
lage également le foie, par la décongestion qu'il amène dans
les ramifications distales de la veine porte.
Ce rôle d'émonctoire dont nous avons déjà fait ressortir
l'importance, et l'intérêt clinique qui s'y attache, a été
également mis en lumière par certains expérimentateurs.
Charrin (1), résumant les résultats d'injections de toxines
pyocyaniques sur le lapin, pratiquées en suivant des voies
d'introduction variées, dit : « Quand on veut provoquer
une lésion intestinale à l'aide de toxines, il faut les déposer
dans la circulation et non pas dans l'iléon, car c'est beau-
coup par cet émonctoire que l'économie se débarrasse de
ses composés nuisibles. »
Loeper (2), injectant du ferrocyanure dans les veines d'un
lapin, constate que c'est surtout le foie et le tube digestif
qui restent envahis le plus tardivement et par les quantités
les plus fortes de poison. Il explique ainsi cette particula-
rité : « Si les matières fécales sont si riches en ferrocyanure,
cela tient à deux causes : la première, qu'elles contiennent
de la bile, de la salive, du suc gastrique, la seconde, que la
muqueuse intestinale elle-même, sert de voie d'élimination
à une certaine partie du ferrocyanure injecté ».
La valeur thérapeutique de ce mode de désintoxication
a déjà été proclamée par de nombreux cliniciens, chez les-
quels on retrouve ce souci d'assurer une évacuation, régu-
lièrement renouvelée, des résidus digestifs. Ils la réalisent
dé diverses manières. Combe, Haig, ont surtout recours aux
antiseptiques intestinaux et aux laxatifs. Pascault consi-
(1) Charrin. Les défenses naturelles de l'organisme, 165.
(2) Loeper. Mécanisme régulateur de la composition dup.
sang, p. 75.
RÉGIME VÉGÉTALIEN 309
dère le purgatif comme « le maître médicament » de l'ar-
thritique, et décrit des curés de « ramonage intestinal ».
Glénard fait alterner tous les matins les laxatifs les plus
variés. Dans les cures de désintoxication de Sehroth et de
Guelpa, le purgatif tient une place prépondérante.
Mais, ce sont des procédés un peu trop énergiques, pour
notre arthritique tuberculeux. Son équilibre vital si ins-
table, son extrême fragilité gastro-intestinale vis-à-vis des
irritants chimiques, et sa sensibilité hépatique si grande
à l'égard des médicaments, nous font rejeter chez lui, en
règle générale, l'emploi des antiseptiques et des purgatifs.
Ayant à choisir entre l'usage d'agents médicamenteux ou
de moyens diététiques, l'hésitation n'est pas permise, et
c'est aux seconds qu'il faudra s'adresser, pour éviter
l'épuisement général et la fatigue organique.
En effet, les antiseptiques intestinaux ont une action
nulle à dose modérée, et à dose active ils deviennent dan-
gereux pour la muqueuse.
Les purgatifs répétés provoquent une anémie véritable,
cessent d'agir à la longue, malgré leur variété, et ont une
action néfaste sur la flore microbienne de l'intestin, tuant
les ferments utiles (bifidus, paralactiques) et favorisant, au
contraire, la pullulation des bacilles de putréfaction, ainsi
que l'ont démontré Metchnikoff et Tissier.
Les agents naturels, alimentaires, de balayage intes-
tinal sont, au contraire, admirablement tolérés, parce que
physiologiques, et répondent au but que nous nous proposons.
Si nous pouvions introduire dans les menus quotidiens, un
aliment peu nutritif, assez volumineux, non irritant et faci-
lement acceptable au goût du malade, nous aurions ainsi
réalisé l'absorption d'un excitant idéal du péristaltismê
gastro-intestinal, et par suite effectué, d'une façon naturelle,
la décongestion du foie et l'antisepsie des voies digestives,
La douceur et la lenteur d'action d'un tel bol alimentaire,
310 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

qui formerait comme un piston souple et moelleux, s'adap-


tant au cylindre intestinal et le détergeant sur son passage,
s'accommoderait à merveille à la fragilité organique même
la plus prononcée.
Cette action que je considère comme une véritable culture
physique intestinale ne peut être obtenue qu'à l'aide de
déchets alimentaires non irritants, et répond ainsi au rôle
utile de ces résidus tel que le conçoit Metchnikoff (1), quand
il écrit : « Il est impossible de se nourrir avec des aliments
qui s'assimilent trop facilement sans laisser de déchets, car,
dans ce cas, le gros intestin ne se vide qu'avec une grande
difficulté, ce qui peut amener des troubles sérieux. La
bonne hygiène doit par conséquent tenir compte de l'or-
ganisation de notre tube digestif et introduire dans nôtre
menu des substances végétales, qui laissent une quantité
suffisante de déchets ».
J'ai d'abord expérimenté des corps étrangers neutres, tels
.
que l'agar-agar, mais sans succès, et me suis adressé en-
suite aux fruits. Les cures habituelles de fruits de saison,
raisins, poires, prunes, myrtilles, etc., si elles donnent sou-
vent de bons résultats, ont en revanche de notables incon-
vénients. Comme l'absorption de ces fruits doit être assez
considérable, on introduit en même temps dans l'orga-
nisme des quantités très grandes de sucres et surtout d'a-
cides naturels, vis-à-vis desquels l'arthritique grave tuber-
culeux est particulièrement sensible. Ces acides ont une
action très pernicieuse sur l'évolution des foyers tuber-
culeux. D'autre part, il est des moments de l'année
où ces fruits viennent à manquer complètement et obligent
à suspendre une cure de balayage, qui n'a de valeur que si
elle est régulière et habituelle^
Finalement, après des essais multiples et prolongés, j'ai
trouvé dans le pruneau, préparé et pris suivant une technique
(1) Metclmikofï. Etudes sur la nature humaine, p. 96.
REGIME VÉGÉTALIEN 311

culinaire assez spéciale, le fruit idéal qui répond à tous les


desiderata. Il est facilement accepté, n'irrite jamais les
muqueuses digestives, et se trouve en toutes saisons.
Pour éviter les apports excessifs en acides et en sucre dont
ces fruits sont très riches, pour en faire presque des corps
étrangers et réduire considérablement leur valeur à la fois
nutritive et toxique, ils doivent être préparés et pris de la
façon suivante. Mis trempés vingt-quatre heures à l'avance
après avoir été incisés au couteau, comme des marrons qu'on
se prépare à griller, ils sont mis à cuire à grande eau pen-
dant deux heures, et changés en moyenne quatre fois
d'eau, pendant leur cuisson ; puis ils seront servis non
égouttés.On obtient ainsi des fruits qui doivent être presque
insipides, tout au moins à peine sucrés. Leur ingestion se
fait au début des deux principaux repas. Placés ainsi, bien
loin d'enrayer l'appétit et la prise des aliments qui suit, ils
ont au contraire une action apéritive évidente et surpre-
nante.
On devra toujours s'assurer que les pruneaux sont de
bonne qualité, et qu'ils ont été récoltés bien mûrs, car des
fruits trop acides, aigrelets au goût, ne peuvent être privés
-
suffisamment de leur acidité à la cuisson et au lavage, et
deviennent une cause d'entretien des foyers congestifs, dont
on chercherait en vain la raison ailleurs.
La tolérance individuelle et lé résultat obtenu seront les
seuls guides pour le nombre de fruits à ingérer. Certains
malades ont un effet suffisant avec 20 ou 30 fruits ; j'en ai,
par contre, de nombreux qui, depuis des années, pren-
nent jusqu'à 60 fruits (1) au début de leurs deux grands
repas.
On pourrait croire que pareille quantité de fruits soit
impossible à absorber sans contrainte. C'est une erreur ab-
solue. Autant une dizaine de pruneaux préparés comme on
(1) Il s'agit de pruneaux donnant de 60 à 75 fruits à la livre.
312 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

a coutume de le faire, au sucre et au vin, font bloc dans l'es-


tomac, dès leur introduction, autant les pruneaux dessucrés
passent inaperçus et même stimulent l'appétit. D'ailleurs il
suffit d'en faire l'essai pour être convaincu. Il ne faut donc
pas se laisser impressionner par le volume que forme parfois-
la dose de fruits nécessaire à la régularisation digestive.
La crainte de l'encombrement gastro-intestinal est illusoire,
car une fois dans l'estomac, la masse est vite réduite par
l'absorption de l'eau de composition qui transforme, très
rapidement, la volumineuse masse en un écouvillon souple
et non encombrant.
Mais, dira-t-on, quelles fermentations intenses accom-
pagnées d'acidité gastrique et de gaz intestinaux va pro-
voquer le passage de pareils déchets ?
Il est remarquable de constater un effet exactement op-
posé. Si des fermentations putrides existaient auparavant,
si de l'acidité gastrique gênait le malade, le tout s'éva-
nouit. Et cela se conçoit facilement. Il n'y a plus de sucre
dans les fruits qui permette un milieu de culture favorable,
et, d'autre part, tout ce qui circule rapidement, sans pro-
voquer d'irritation mécanique et chimique antiphysiolo-
gique de la muqueuse, ne fermente jamais. Tout réservoir qui
se vide régulièrement ne s'infecte pas, qu'il s'agisse d'une
vessie, d'un estomac ou d'un intestin.
Alors, les malades ont souvent, sinon toujours, de la
diarrhée ?
Cet ennui n'est jamais à redouter. Le pruneau, pris de
cette façon, est un régularisateur idéal de la circulation in-
testinale ; il donne des selles parfaitement moulées, enraye
la diarrhée si elle existait, ne la provoque jamais, et s'op-
pose, d'autre part, à la constipation. Les malades ont habi-
tuellement deux selles quotidiennes, absolument normales
d'aspect. Le reproche d'affaiblissement, d'amaigrissement
possible, que pourrait provoquer une déperdition séreuse
^ RÉGIME VÉGÉTALIEN 313

par voie intestinale, tombe donc du même coup et, en pra-


tique, n'est jamais constaté.
La satiété va rapidement se produire, objectera-t-on en-
core? L'estomac, le goût du malade doivent vite se lasser de
cette cure monotone et fastidieuse. Quand le malade n'a
pas opposé une résistance manifeste au début du traite-
ment, je n'ai jamais observé, par la suite, de phénomènes
physiques ou psychiques d'intolérance. D'ailleurs, tout ce
qui passe sans encombre et sans fatigue dans les voies di-
gestives est toujours bien accepté, même d'une façon habi-
tuelle et répétée. Ne mange^t-on pas du pain à chaque repas
sans jamais s'en lasser ?
Voici maintenant les effets bienfaisants que procure l'ad-
dition au régime végétalien, de cette cure habituelle de pru-
neaux dessûcrés.
1° Une régularisation parfaite dés selles, qui détermine la
disparition de la constipation absolue ou relative, avec les
troubles fonctionnels qu'elle engendrait : les spasmes dou-
loureux du gros intestin, les coliques, les sécrétions défen-
sives muco-membraneuses ou sanglantes.
2° La désodorisation des matières, qui est bien près d'être
absolue. Tel malade, que des évacuations gazeuses putrides
incommodaient toutes les quatre ou cinq minutes, et que
les fermentations intestinales empoisonnaient, se trouve
subitement soulagé, et cette désodorisation des matières
avec la disparition des gaz intestinaux, est un des phéno-
mènes qui attire le plus son attention.
3° La décongestion hépatique est remarquable et rapide.
Le creux épigastrique cesse d'être douloureux à la pression
et à la marche ; le foie se rétracte sous les fausses côtes.
4° La désintoxication générale et locale se manifeste par
une amélioration des foyers tuberculeux, par une baisse du
pouls et dé la température, par un bien-être ôt un aspect
satisfaisants. Le teint n'est plus terreux ou cholémique ;
314 ETUDE THERAPEUTIQUE

les téguments reprennent leur coloration normale à la fois


blanche et rosée.
5° Le retour et la régularisation de l'appétit.
Si, dans l'immense majorité des cas, cette cure habituelle de
pruneaux dessucrés est bien acceptée et tolérée, il faut pour-
tant compter avec des incompatibilités individuelles. Elles
sont assez rares ; je n'en ai pas souvent rencontré chez
les adultes qui avaient vraiment la volonté de se soigner et
le désir de guérir.
En pareilles circonstances, je tâche de parer à cette
imperfection dans le régime, en augmentant par ailleurs,
la quantité des déchets alimentaires, forçant la dose des
légumes verts cuits du soir, et donnant de la salade crue à
volonté, aux deux repas. Plus rarement, j'ai recours à l'in-
gestion de graines de lin ou de psyllium.
Si ces adjuvants sont insuffisants, on est bien obligé de se
rejeter sur les moyens médicamenteux. Ce sont des pis-
aller qui ne donnent jamais la constance et la régularité
d'effet, la progression curative de la cure habituelle de pru-
neaux dessucrés. Ils agissent par à-coups, artificiellement, et
provoquent toujours une certaine excitation du tube diges-
tif que suit, inévitablement, une phase dépressive sécré-
toire et tonique ; ils n'ont pas l'action à la fois sédative, mu-
queuse et toni-musculaire, que donne l'excitation douce et
prolongée de la cure de fruits.
Les antiseptiques seront toujours à rejeter. Le calomel,
entre autres, est extraordinairement mal supporté par ces
malades. Le laxatif qui donne le moins d'irritation, le moins
d'accoutumance, est sans conteste, l'huile de ricin. Prise le
matin, au lever, à la dose de une à deux cuillerées à café,
soit pure, soit enrobée dans un pain azyme mouillé, elle n'a
que le petit inconvénient de déterminer un état nauséeux
très passager, mais en revanche, elle décongestionne fort bien
le foie et les voies digestives. Absorbée
en capsules, elle n'a
REGIME VÉGÉTA-LIEN 315
plus aucun effet, parce que sa mise en liberté s'effectue trop
tard, ou trop loin, dans le tube digestif. Un autre bon mé-
dicament, c'est le sel de Carlsbad dont on peut entremêler
l'usage avec l'huile de ricin. Une à deux cuillerées à café de
sel, dissoutes dans un tiers de verre d'eau tiède, produisent
des effets identiques.
Enfin, si ces moyens laxatifs ne sont pas couronnés de
succès Ou ne sont pas supportés par lé malade, on est obligé
finalement d'avoir recours aux lavages intestinaux quo-
tidiens, faits à l'eau salée, au taux physiologique, ou à un
taux plus concentré si les premiers sont inefficaces. Ils
seront, comme toujours, pratiqués dans la position du
décubitus latéral droit et pris de préférence le soir, soit
avant le dîner, soit avant le coucher.
Ayant ainsi bien expliqué les raisons des restrictions et
des particularités diététiques de ce régime, nous pouvons
maintenant aborder l'étude détaillée des aliments qui vont
entrer dans sa composition.
Comme précédemment, nous diviserons les aliments en
trois catégories : les aliments défendus, dont on ne devra
faire usage sous aucun prétexte ; les aliments permis qui,
en règle générale, ne donneront lieu à aucun mécompte ;
les aliments à surveiller qui, dans lé cas présent, ne devront
jamais être employés en cours de poussée évolutive tuber-
culeuse aiguë, et auxquels on n'aura recours qu'au moment
où les foyers seront en grande partie éteints, et qui servi-
ront de transition, pour remonter peu à peu l'échelle des
régimes.
Les restrictions ordinaires devront être, souvent, encore
plus accentuées. Les acides seront proscrits même.dans les
fruits. Les graisses mêmes végétales seront toujours inter-
dites et on préparera les légumes cuits à l'eau et salés, selon
le goût de chacun. Si la cuisine y gagne en simplicité, on
pourrait craindre que les malades ne puissent se résoudre à
316 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

prendre des aliments, sans addition d'une graisse quelcon-


mais cette crainte est plus théorique que réelle, car, en
que,
pratique, ils s'accoutument vite à la suppression du beurre,
et trouvent même souvent à leurs légumes une saveur plus
prononcée, que l'adjonction de graisse contribue à masquer
dans les préparations culinaires usuelles. Enfin, on évi-
tera plus que jamais l'usage des sucreries et des boissons
fermentées.
Quant à la concentration relative des substances chi-
miques, nous avons insisté sur son rôle capital. Il nécessite
donc une étude moins succincte. Pour l'azote, pour les hy-
drocarbones, pour les graisses, il est un taux de concentra-

Fig. 5. — Tableau de concentration du chlorure de sodium.

tion qu'on ne peut impunément dépasser. Je suis arrivé


à le déterminer assez exactement, en partant, non pas d'une
indication théorique, mais en me basant sur une longue et
patiente observation clinique des effets de chaque aliment
sur les foyers tuberculeux visibles, évoluant sur des sujets
très gravement entachés d'arthritisme. Ce degré de tolé-
rance indique donc une moyenne qui, dans chaque cas parti-
RÉGIME VÉGÉTALIEN 317
culier, pourra subir des oscillations en plus ou en moins,
mais dont on ne devra s'écarter que très prudemment, car
dans l'immense majorité des cas,, on risque des insuccès à
le dépasser.
Je me suis guidé, pour la notation des chiffres, sur les
tables de J. Alquier publiées dans l'excellent livre de
M, Lâbbé : Les Régimes alimentaires, chiffres qui s'accor-
dent d'ailleurs parfaitement avec les données cliniques ex-
périmentales. Ces restrictions, portant sur la concentration
moléculaire, sont condensées dans des tableaux établis pour
chaque composé alimentaire, et confrontées à dessein avec
un tableau d'hypôchloruration, tel qu'il ressortirait des
données du régime de Widal.
Pour les aliments azotés, la limite de tolérance gastro-

Fig. 6. — Tableau de concentration de l'azote.


hépatique atteint d'ordinaire 8 p. 1Ô0, chiffre qui corres-
pond au pain blanc. Le pain complet, bien qu'à peine supé-
rieur de 1 à 2 p. 100, passe plus difficultueusement. Quant
aux produits farineux plus concentrés, ils produisent dès
phénomènes congestifs locaux et généraux, qui en interdi-
ront l'usage dans les périodes de poussée aiguë : Us pâtes,
les flocons de céréales,- les bouillons de céréales, provoquent
318 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

de ces ennuis. Des courbes thermiques et des observations


le prouveront plus loin. Aucune des légumineuses n'est
acceptée, sauf toutefois les pois très jeunes et rarement les
lentilles fraîches prises en petite quantité ; ils ne compose-
ront jamais le plat de résistance et viendront comme sim-
ple apport après un plat de pommes de terre. J'ai plusieurs
malades qu'une cuillerée à café de haricots en grains, prise
au repas de midi, rend migraineux à coup sûr pour le reste
de l'après-midi, tandis qu'ils peuvent manger 200 grammes
de pain blanc par repas, sans aucun malaise.
La limite de concentration permise pour les hydrocarbo-
nes se trouve aux environs de 55 p. 100. L'aliment limite

Fig. 7. — Tableau de concentration des matières grasses.

est ici encore le pain blanc. La pomme de terre, dont le taux


atteint seulement 21 p. 100, est toujours merveilleusement
supportée.
Le taux de concentration moléculaire grasse est extraor-
dinairement abaissé dans ce degré d'hypofonction gastro-
hépatique et les malades s'alimentent, s'entretiennent par-
faitement, et guérissent, avec une absence presque totale de
substances grasses dans leurs menus, puisque la limite de
RÉGIME VÉGÉTALIEN 319
tolérance est une fois de plus donnée par le pain, qui encon-
tient la dose infime de 1,50 p. 100. :{

En somme, parmi les aliments à base de céréales, il va


rester le pain blanc. Celui-ci devra être consommé rassis et

Fig. 8 -= Tableau de concentration des bydrocarbones.

sous forme de baguettes assez longues, pour que la croûte


domine. Sa mastication demandera à être particulièrement
soignée pour le rendre plus digestible et éviter qu'il donne
lieu à des fermentations. Le reproche ordinaire qu'on lui
adresse de fermenter facilement et d'engendrer ainsi de nom-
breux produits acides cesse d'exister, d'abord, si on prend
bien soin de le triturer et de l'insaliver. Mais surtout, cet in-
convénient se trouve aboli du fait que le pain n'est mélangé,
dans l'estomac, ni à des corps gras, ni à des aliments ani-
maux ou indigestes, qui retardent son évolution assimi-
latrice et son passage à travers le tube digestif. Il fournit
320 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

donc dans le régime actuel un aliment extrêmement pré-


cieux, qui sera toujours consommé à assez forte dose et ne
produira pas, pour les motifs que je viens d'indiquer,
les troubles qu'on a coutume de lui voir engendrer dans
des régimes alimentaires autrement conçus.
Si on éprouvait quelque difficulté à le faire accepter en
quantité voulue à l'état nature, il suffit de le faire griller et
dessécher lentement au four pour remédier à cet obstacle.
Plus rarement, on doit recourir à l'usage des panades ;
comme pour le grillage au four, on détruit ainsi les levures ;
mais ce dernier mode de préparation doit être considéré
comme exceptionnel et n'être employé que pour une partie
de la dose quotidienne du pain et d'une façon passagère.
Les légumes riches en azote, riches en purines, sont à
rejeter. Les petits pois, très jeunes, je le répète, sont pour-
tant sans effet nuisible, de même que les lentilles fraîches,
mais à la condition d'être absorbés à dose modérée, et admis
seulement pour apporter un peu de variété dans les menus
et non pas pour en constituer la base. Même pendant la pé-
riode de convalescence, cette prohibition ne pourra se
relâcher.
Parmi les féculents, c'est surtout la pomme de terre qui
reviendra chaque jour dans les menus. C'est, avec le pain,
l'aliment qui forme la base de l'alimentation de l'arthri"
tique grave tuberculeux. Elle est d'ailleurs si remarquable-
ment asssimilée, que le malade ne s'en fatigue jamais. Pré-
parée à l'étuvée, au four, à l'anglaise, en robe, rissolée à séc
sur ses deux faces dans' une cocotte en fonte après cuisson
et rejet de l'eau de cuisson, elle apparaîtra toujours au repas
de midi. Dans les périodes de poussée tuberculeuse, elle-est
le seul farineux qui n'occasionne pas de congestions périba-
cillaires en période digestive. Même les marrons et le riz
sont dangereux dans ces phases aiguës. Plus tard, au con-
traire, les châtaignes peuvent être permises, principalement
REGIME VÉGÉTALIEN 321
celles poussées sous le climat parisien, puis le riz, ou plutôt
certaine variété de riz. Le riz d'origine asiatique â toujours
une concentration hydrocarbonée trop forte, et seul, le riz
du Piémont ne donne pas d'ennuis, quand le moment est
venu de lui faire place dans le régime. La patate, quand
les foyers sont éteints, peut être permise ; l'igname de Chine
sera toujours réservé.
Les soupes et les sauces seront, en général, supprimées. Si,
par hasard, on tolère une soupe maigre au dîner, il faut la
faire très légère, sans pâtes, avec.un peu de pommes de
terre et quelques légumes verts écrasés ; le mieux est de
s'en passer. Et ce qui est désastreux, c'est de la préparer très
épaisse, et de se servir d'eau de cuisson des légumes pour l'é-
tablir. Cela ne sera pas sans surprendre tous ceux qui n'i-
gnorent pas la haute valeur de ces bouillons, mais
qu'ils se rassurent ! Des gens normaux, en bonne santé,
qui rejettent l'eau dé cuisson de leurs légumes, commettent
une hérésie culinaire, en se privant des sels vitalisés, mer-
veilleux stimulants cellulaires que contenait ce bouillon.
Mais, il s'agit ici d'arthritiques graves tuberculeux, fra-
giles à l'excès à toute excitation, qui, s'ils ne se trouvent pas
trop incommodés par une prise d'eau de légumes diluée,
contenant des sels minéraux à faible concentration, mani-
festent au contraire des troubles très sérieux, pour faire un
usage courant d'eaux de cuisson où la concentration est fort
élevée. Combien n'en ai-je pas vu qui entretenaient ou ag-
gravaient leurs localisations bacillaires, qui accusaient de
l'élévation thermique avec soif et céphalée par suite de
l'usage quotidien de bouillon de légumes trop concentré, ou
dans là confection duquel rentraient des légumineuses, et
qui même parfois, émettaient du sable dans les urines, tan-
dis que la suppression du bouillon suffisait à faire brusque-
ment et radicalement disparaître ces diverses complications.
Cet exemple prouvé donc bien, au contraire, la valeur nu-
21
322 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

tritive de ces préparations culinaires, mais, en même temps,


le danger qu'on fait courir à des organes très fatigués, en
les mettant en contact avec des solutions minérales hyper-
actives.
Aussi, quand on croira nécessaire l'usage de bouillon de
légumes, on prendra soin de doser les légumes comme pour
des enfants, de supprimer les pois, lentilles, haricots, de ne
pas ajouter de céréales, et de se contenter, pour sa prépara-
tion, de pommes de terre, haricots verts, carottes, selon la
saison.
Ce bouillon gagnera à être pris à la dose d'une grande
tasse et très chaud, quatre à cinq heures après les repas. Il
favorise à ce moment l'évacuation gastrique et donne une
bonne stimulation.
Les légumes verts, dont rénumération détaillée se trouve
dans le tableau ci-contre, sont des aliments précieux à cause
de leur haute valeur tonique, minéralisante et décon-
gestive. La salade crue est parfaitement supportée dans,
l'immense majorité des cas, et même à forte dose. Comme
on ne peut l'assaisonner, les malades l'incorporent, après
l'avoir hachée assez finement, aux autres légumes, faisant
ainsi une sorte de salade russe, qu'un peu de sel ajouté relève
suffisamment. Car Je sel, loin d'être diminué, doit être pres-
crit dans la cuisine de l'arthritique tuberculeux dont le rein
fonctionne normalement. Les excès sont, malgré tout,
nocifs, mais je reviendrai plus loin sur ce sujet et j'expli-
querai les raisons de cette prescription.
Ces salades et autres légumes verts seront toujours cuits
à l'eau et hachés grossièrement quand il sera nécessaire,
mais surtout, ne seront jamais passés au tamis. Si les ma-
lades au début prennent difficilement ces verdures non
accommodées, on les lie avec une ou deux pommes déterre
écrasées.
Tous les fruits cuits ou crus, sauf les pruneaux dessucrés,
REGIME VÉGÉTALIEN 323
sont interdits pendant les phases aiguës de la tuberculose
(congestion pulmonaire péribacillaire, foyer de spléno-pneu-
monie, suppuration ganglionnaire) ; ils sont permis dès que
le foyer redevient silencieux, et on doit alors en surveiller
l'effet ; s'ils provoquent l'éclosion dé nouvelles poussées,
il faut les suspendre, patienter davantage, attendre une ré-
gression plus marquée, et, plus tard* en graduer la dose en
tâtant le degré de susceptibilité des lésions bacillaires.
Quandils pourront être repris sans ennuis, on recommandera
de les choisir très mûrs, presque blets, parce qu'à ce moment
ils ont perdu la plus grande partie de leurs acides.
Les fruits ont pourtant la réputation d'engendrer l'alca-
linité plâsmatique, qui se fait par réaction neutralisante
exagérée des cellules vis-à-vis des acides naturels, que leur
ingestion introduit dans les humeurs. Ce mécanisme, bien
exact, est comparable à celui qui se passe, en sens inverse,
dans l'exagération de sécrétion d'acide chlorbydrique, à la
suite d'une prise de bicarbonate de soude un peu avant
l'heure du repas. Mais, ne perdons pas de vue que cet excès
réactionnel n'est possible que chez des sujets sains ou pos-
sesseurs d'un fonctionnement cellulaire peu compromis.
Chez l'arthritique grave, la vitalité et les réactions des cel-
lules glandulaires sont si amoindries que l'appel alcalin de
neutralisation est impossible, ou demeure insuffisant, s'il
se produit. La conséquence ? L'acidité des fruits non neu-
tralisée s'ajoute à celle des humeurs, aggrave la souffrance
cellulaire, l'hyperacidité plâsmatique abat davantage la
réaction défensive naturelle alcaline de l'organisme, enfin,
favorise la persistance de l'infection bacillaire, et provoque
dés poussées hyperhémiques locales. Voilà leur effet indé-
niable, tant qu'on n'a pas.relevé, par un régime particuliè-
rement sévère, la vitalité des organes lésés:le foie et l'esto-
mac.
Quand plus tard, par suite de l'amélioration organique
324 ETUDE THERAPEUTIQUE

et bacillaire, on verra qu'ils sont bien supportés, ils seront


prescrits crus plutôt que cuits, et dans tous les cas, jamais
passés ni dépouillés de leur enveloppe naturelle, ni sucrés
artificiellement.
Les boissons sont réduites au minimum dans ce régime.
La plupart du temps les malades n'éprouvent pas le besoin
de boire ; on est obligé de leur recommander de se guider
seulement sur leurs sensations et dé ne pas boire par habi-
tude, par raison, ou encore pour « laver leur rein », comme
ils vous objectent si souvent. Pourquoi laver un organe qui
n'est plus sali ? Si la soif persiste, on l'apaise aux repas avec
une petite quantité d'eau de Vichy, ou vers la fin de la diges-
tion, à l'aide d'une infusion très peu sucrée, très chaude
(tilleul ou camomille).

LISTE DES ALIMENTS

DÉFENDUS PERMIS A SURVEILLEE

Tous les aliments d'o-


rigine animale :
Viandes, poissons,
crustacés, coquil-
lages, oeufs, lait,
beurre, fromages.
Les sucreries :
Confitures, miel, bon-
bons, pain d'épices
Pâtisseries. Entre-
mets. Chocolat. Ca-
!
cao.
! Les Boissons fermen-
\ tées.

Légumineuses.
| Haricots. Pois. Len- Pois très jeunes.
tilles sèches. Fèves. Lentilles fraîches
' jeunes.
RÉGIME VÉGÉTALÎEN 325

LISTE DES ALIMENTS

DÉFENDUS PERMIS A SURVEILLER

Céréales.

Farines en soupe ou Pain blanc rassis. Pa in de seigle.


p âtisseries.
Pain bis, complet.
Pain viennois, gruau,
croissants.
Biscottes, grissinis,
Biscuits. Gâteaux
secs.
Pâtes. Vermicelle.
Tapioca. Semoule.
Bouillon de céréales.

Farineuxt
Igname de Chine. Pommes de terre. Riz du Piémont.
Marrons. Patates.
Cerfeuil bulbeux.

Soupes, Sauces, Graisses,


Sauces farines ou Soupes maigres au
graisses. bouillon de légu-
Cocose. Huiles. mes non concentré.
Eau de cuisson des
légumes.

Légumes verts, Racines.

Oseille. Patience. To- Haricots verts. Epi- Champignons.


mates.Aubergines. nards jeunes. Ar- Choux. (Changés
Radis. Rhubarbe. tichauts. Tétragô- d'eau de cuisson).
Asperges Topi- ne. Arroche. Poi- Choucroute. (Idem).
nambours.. Hélian- rée. Navets.
tig. Salsifis. Gros- Salades crues et cui- Betterave.
nés. tes : laitue, scarole
Légumes de conserve chicorée, endives,
Choux-fleurs. Choux pissenlits, mâche,
de Bruxelles. barbe, raiponce.
Choux-raves. Cardons, Carottes.
326 ÉTtJDE THÉRAPEUTIQUE

LISTE DES ALIMENTS

DÉFENDUS ' PERMIS A SURVEILLER

Fruits.
Groseilles. Oranges. Pruneaux dessucrés. Prunes. Poires. Pom-
Citrons. Cassis. mes. Pêches. Abri-
Fraises. Framboi- cots. Brugnons.
ses. Coings. Nèfles. Raisins. Cerises
.
Pêches et abricots douces. Ananas
desséchés. Dattes. frais. Groseille à
Bananes. Fruits maquereaux. Fi-
pas mûrs. Pru- gués. Myrtilles,
neaux acides. Rai- Melons. Citrouilles,
sin sec.
Amandes, noix, noi-
settes.
Fruits cuits au sucre.

Condiments et Excitants.
Ail. Echâlotte. Epi- Persil. Cerfeuil. Es- Poireau.
ces. Poivre. tragon. Oignons.
Cornichons. Concom- Fleurs de capucine,
bres. d'oranger, de ca-
momille.
Vinaigre. Moutarde.
Thym. Sauge. Vanille.
Menthe.
Thé. Café.

Les repas seront organisés de la façon suivante : Comme


précédemment le petit déjeuner sera fruitarien, composé
habituellement de pruneaux crus trempés, incisés d'avance,
et non dessucrés par cuisson. Ces fruits seront pris sans bois-
son ni pain. Dans les estomacs très délabrés des malades qui
relèvent de cet exceptionnel régime, une demi-bouchée de
pain surajoutée suffit à donner des fermentations et un
arrêt digestif. Ce point de détail a donc son importance.
REGIME VÉGÉTALIEN 327
Si le malade se plaint de la privation d'un petit repas
chaud, On peut faire chauffer les fruits, mais sans les faire
cuire. Assez souvent, il m'est arrivé de constater encore des
poussées pérituberculeuses chez des sujets atteints de sup-
purations ganglionnaires à la suite de la prise de sucre et
d'acide que contiennent ces pruneaux crusetnondessucréX
et j'ai dû, pour y remédier, les donner à plus forte dose mais
préparés comme ceux des autres repas, c'est-à-dire privés
de leurs acides et de la plus grande partie de leur sucre,
par le lavage et la cuisson.
A midi, c'est le repas des farineux. Les pruneaux dëssu-
çrés sont servis en premier lieu, puis le plat de pommes de
terres, le pain blanc, la salade crue qui, ici, peut être facul-
tative, et enfin des fruits s'ils sont tolérés.
Le soir, c'est un repas vert : il commence par la ration
habituelle de fruits dessucrés, se continue par une forte dose
de légumes verts cuits, choisis dans la nomenclature variée
de ceux qui sont permis, et pris avec de la salade crue,
presque obligatoire cette fois, la même quantité de pain qu'à
midi et encore des fruits de saison, si on peut les permettre.
Si on introduit un farineux au repas du soir, c'est l'insom-
nie assurée, la fièvre avec cauchemars et poussées conges-
tives nocturnes inévitables. Donc, jamais de légumes verts
cuits à midi, jamais de farineux le soir ; c'est d'ailleurs là
une excellente mesure diététique générale.

APPLICATION DU RÉGIME

Les moindres recommandations ont ici l'importance de


gros événements. L'extrême fragilité cellulaire de ces ma-
lades nécessite leur application minutieuse et rigoureuse.
Autant il pouvait y avoir de la marge et des accommode-
ments avec les régimes précédents, autant ici, la progrès-
328 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

sion curative, pendant la période aiguë, est à la merci du


moindre détail. La sévérité restrictive ne peut se relâcher
qu'en suivant pas à pas les progrès de tolérance des lésions-
et de l'amélioration organique. Les malades, je le dis encore,
sont à la merci d'une tracé de beurre dans leurs aliments
ou d'une cuillerée de légumineuses. J'en ai plusieurs, pré-
sents à l'esprit, qui, guéris de leur tuberculose, grâce à cet
invraisemblable régime, n'ont pu pourtant remonter com-
plètement le courant de l'arthritisme, et qui, après plusieurs
années de convalescence, bien que menant une vie active,
exempte de tous malaises, quoique jouissant par ailleurs
d'une santé et d'une vigueur parfaites, n'en gardent pas
moins leur fragilité gastro-hépatique, et ne se conservent
en excellent état, que grâce à l'observance absolue de ce
régime incroyable. Mais n'anticipons pas.
La plupart du temps, au bout de quelques mois, la sévé-
rité peut se relâcher, et des incursions, que dicteront les cir-
constances cliniques, pourront s'accomplir dans les régimes
moins rigoureux.
Mais, pour juger de l'opportunité d'un élargissement du
régime, comme pour l'établir ou le manier, quand il est en
cours d'application, sur quoi doit-on se fier, pour jugêF
qu'un aliment est nocif ou favorable, que la ration calori-
métrique ou azotée est suffisante ? Car, enfin, même parmi
les aliments permis, il peut y avoir des incompatibilités-
individuelles, comme il peut y avoir des accords excep-
tionnels, pour l'un des aliments de la liste à surveiller.
C'est exact! Dans les cas difficultueux, où l'un des régimes
prescrits jusqu'ici ne s'adapte pas presque du premier coup
à la susceptibilité organique et à la capacité fonctionnelle
du tuberculeux en traitement, il faut avoir recours à
l'expérimentation clinique et composer au malade un
répertoire alimentaire individuel.
Pour cela, il faut mettre le malade
au lit, afin d'éviter-
REGIME VEGÉTALIEN 329
toute cause étrangère d'élévation thermique, et essayer pa-
tiemment aliment par aliment. On reconnaîtra ainsi ceux
que son appareil digestif veut bien accepter. Cette recherche
demande une quinzaine de jours de surveillance suivie et
minutieuse. Ce que l'estomac refuse, donne lieu à de la sen-
sibilité épigastrique, à du clapotage plus de quatre heures
après les repas, à de l'état saburral de la langue et enfin à
des malaises subjectifs, sur lesquels l'esprit d'observation du
malade doit être entraîné. D'une façon concomitante, on
note le pouls et la température à jeun, et pendant la phase
digestive. L'élévation des deux est peu prononcée, quand
l'aliment est approprié en qualité ou quantité à l'état phy-
siologique amoindri des viscères ; elle est anormale, dans
le cas contraire. Enfin on interroge en même temps les mo-
difications possibles des foyers tuberculeux prof onds ou visi-
bles, selon qu'il s'agit de lésions pulmonaires ou extérieures
chirurgicales (articulation, ganglion, peau). Les aliments non
toxiques et ceux qui ne seront pas générateurs d'acides
par métabolisme imparfait, laisseront les lésions station-
naires en période digestive ; les autres provoqueront leur
congestion, leur turgescence et leur sensibilité.
Quand le malade n'est pas en état d'hypofonction irré-
médiable, incurable, ce que l'étude ultérieure du pronostic
établira, on arrive ainsi à établir un répertoire alimentaire
qui permet à la fois, le repos gastro-hépatique et une nutri-
tion suffisante du sujet.
Car, il ne suffit pas de tenir compte de la qualité de l'ali-
ment, il faut encore veiller au dosage quantitatif. Les pre-
miers temps, On est obligé de faire peser chaque aliment.
D'abord, parce qu'un aliment, même parfaitement adapté,
cesse d'être accepté si sa quantité dépasse un certain poids
et produit un excès de travail dû, cette fois, non plus à la
trop forte concentration, mais à la quantité. Il y a donc lieu
d'établir un double réglage portant d'une part sur la qua-
330 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

lité d'autre part sur la quantité que chaque estomac peut


métaboliser sans surmenage.
Cette pesée est encore indispensable pour équilibrer la
ration calorimétrique nécessaire. C'est ici qu'intervient
l'usage quotidien de la bascule. Chaque matin, à la.même
heure et avec les mêmes vêtements, le malade est pesé. Des
oscillations quotidiennes de 500 grammes ne doivent pas
étonner tant qu'elles ne se succèdent pas dans le même
sens. Au début, il faut toujours s'attendre à une baisse
due, comme nous l'avons vu, à la déshydratation du su-
jet, par suite de la déconcentration des humeurs. Une
baisse continue est à suivre de près chez les maigres, elle
est favorable chez les gras. Si la bascule accuse une pro-
gression trop vive : le malade est suralimenté, il faut mo-
dérer la ration. Si la chute du poids se poursuit, minime,
mais régulière, il faut au contraire augmenter la dose des
aliments nutritifs : la pomme de terre et surtout le pain.
Enfin la pesée des aliments est, au début, indispensable
au malade qui, habitué au cours de ses précédents régimes
à toucher à peine aux fruits et aux légumes, à se sentir gavé
par des farineux accommodés à la viande et à la graisse,
ne se rend compte ni du volume que représentent, par
exemple, 300 grammes de pommes de terre, ni dé la possi-
bilité d'ingérer, sans effort appréciable, cette dose de fari-
neux prise sans graisses. La facilité remarquable avec la-
quelle sont pris et admis les plats 'les plus volumineux.de
légumes non concentrés et non accommodés au beurre,
reste un motif de stupéfaction pour l'entourage de ces
malades.
La diététique étant ainsi bien établie, bien équilibrée,
s'il se produit des a-coups, des arrêts dans l'amélioration,
c'est qu'il y a quelque part une imperfection qu'il faut
s'ingénier à découvrir, en passant en revue les menus, le
changement possible de qualité
ou de quantité des ali-
RÉGIME VÉGÉTALIEN 331
mênts, la façon dont ils sont cuits et préparés, en s'âssu-
rant dé la rapidité du balayage intestinal et en se faisant
confirmer que les prescriptions d'hygiène physique sont
toujours fidèlement exécutées. Ce trépied thérapeutique :
régime alimentaire, circulation intestinale facile, culture
physique dès qu'elle est possible, doit toujours être contrôlé
dans son application. Il suffit d'un détail omis, pour que tout
en souffre. Le dessucrâge des fruits a-t-il été incomplet ;
a-t-on introduit des farineux en quantité accrue, ou à un
repas où ils ne devaient pas paraître : a-t-on essayé d'un
nouvel aliment réputé suspect ? Une poussée peut en
résulter. La dose de marche ou d'exercices quotidiens a-t-
elle été éçourtée ? Cela suffit pour engendrer les mêmes-
malaises. La cure doit donc être réglée et disciplinée ma-
thématiquement.

OBJECTIONS AU RÉGIME VÉGÉTALIEN HYPOCONCENTRÉ

Passons maintenant en revue les objections qu'on ne


manquera .pas d'opposer à cette diététique. Bien que très
logique dans ses déductions théoriques, on ne peut s'em-
pêcher de penser qu'en pratique, un tel régime doit être
inapplicable. Quant à sa valeur thérapeutique, je ne l'exa-
minerai pas maintenant, me contentant de fournir dans un
instant des observations détaillées, qui prévaudront sur
toute discussion.
On peut d'abord dire : jamais avec un nombre d'aliments
aussi restreint, et sans le secours de mets d'origine animale,
il ne sera possible d'équilibrer une ration calorimétrique et
azotée, suffisante à la nutrition d'un individu, surtout s'il
est tuberculeux. Il faut vraiment être bien hardi, pour se
résoudre à le mettre en pratique en pareilles circonstances.
Très longtemps je me suis tenu le même raisonnement ;
332 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

aussi, c'est peu à peu, très prudemment, en y mettant des


années, que j'ai osé l'application progressive de ces nom-
breuses restrictions. Après les avoir jugées à l'oeuvre, je suis
devenu moins hésitant, et suis convaincu, par de nombreux
exemples que l'invraisemblable, après contrôle et résultats
probants, cesse de l'être.
Bien que je n'attache pas une valeur absolue aux cal-
culs théoriques de ration, parce que surtout ils ne tien-
nent aucun compte du degré d'assimilation variable d'un
individu à l'autre, et chez le même, d'un jour à l'autre,
selon le degré de fatigue organique et la rapidité du passage
des aliments dans le tube digestif, ils sont toutefois utiles
comme point de comparaison.
Car, plus un malade est entaché gravement d'arthritisme,
plus la ration calorimétrique et azotée nécessaire à son équi-
libre vital parfait, baisse. Et toujours, avec la récupération
fonctionnelle progressive de ses organes digestifs et de sa nutri-
tion générale, se constate un relèvement parallèle de cette même
ration. Nombre de malades qui guérissaient grâce à une
ration quotidienne de 1.300 calories, ont vu, après guérison,
leur ration monter et s'équilibrer vers 1.800 ou 2.000 calories.
Ceci nous permet déjà de faire remarquer combien les
rations classiques seraient disproportionnées aux capaci-
tés fonctionnelles et aux besoins réels de ces arthritiques
graves tuberculeux.
On commence d'ailleurs à s'apercevoir, que pour les gens
normaux, les rations calorimétriques et azotées signalées
jusqu'ici par les physiologistes, ont été singulièrement exa-
gérées. Etablies à l'aide de sujets soumis à la suralimenta-
tion habituelle et inconsciente, ou pis encore, à l'aide de
données statistiques, elles manquent de base physiologique
solide et par suite ne correspondent nullement aux besoins
réels. Comme dit Labbé : « coutume alimentaire ne veut pas
dire nécessité alimentaire
».
REGIME VÉGÉTALIEN 333
Aussi, on tend à réagir contre les données qui dé-
terminent les rations de fort travail à 4.000 calories en-
viron et celles de moyen travail, autour de 3.000 calories.
Pour l'alimentation courante, les chiffres mieux étudiés de
Labbé (2.000 calories), de Pascault (1.900 calories), sont
ceux qui, expérimentalement, m'ont paru répondre le plus
exactement aux besoins nutritifs de l'individu normal. Pres-
que tous mes arthritiques tuberculeux moyennement tou-
chés, guérissent avec des rations de 1.800 à 2.000 calo-
ries, et se livrent ensuite à' des travaux fatigants avec
2.200 calories. Quant à ceux gravement atteints, ils se suf-
fisent, prennent même une forte augmentation de poids
(jusqu'à une dizaine de kilos parfois) avec des rations qui,
en hypofonction grave, ne dépassent pas 1.300 à 1.400 ca-
lories, pour s'élever à 1.800 ou 2.000 quand leurs organes
ont repris de la vitalité !
Il en est de même des besoins azotés. Les chiffres de
120 grammes d'azote de Voit et Pettenkoffer, de 130 gram-
mes de Moleschott, sont des taux quotidiens excessifs. J'ai
toujours constaté que 50 grammes d'azote satisfaisaient am-
plement aux besoins de l'organisme et ce chiffre se rappro-
che de ceux, de Labbé (45 grammes) et de Pascault (53
grammes). L'usure azotée quotidienne est en effet minime.
Le travail musculaire s'accomplit bien plus à l'aidé d'hy-
drocarbonês qu'avec de l'azote. Il y a déjà longtemps que
Lagrange et Gâutrelet ont montré qu'après des exercices
prolongés et menés avec la plus grande énergie, l'urée
n'augmente guère dans les urines. Labbé et Marchoisne (1)
expérimentant sur l'un d'eux, ont de nouveau mis en évi-
dence ce fait, que la ration azotée peut être abaissée dans
des proportions énormes, sans que le sujet en souffre. Pen-
dant 38 jours, en suivant un régime végétarien, ils ont pu
(1) H. Labbé et Marchoisne. Grandeur et besoin d'albumine dans le
régime alimentaire humain. Académie des Sciences, 30 mai 1904.
334 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

diminuer la ration azotée de 30 grammes à 6 grammes


sans rompre l'équilibre physiologique. Enfin, les travaux
de Landergren, Chittenden, confirment ces données et
permettent de conclure que 1 gramme d'albumine au
kilo, suffit très largement à l'entretien de la machine hu-
maine.
Ce sont là les chiffres que réclame le fonctionnement d'Un
organisme à la vitalité normale, en plein rendement. Quoi
de surprenant à ce que ce chiffre soit encore moins élevé,
quand il s'agit d'arthritiques, c'est-à-dire de malades à
vitalité cellulaire amoindrie ? Et de fait, voici autour de
quelle ration végétalienne bypoconcentrée, schématique
brodent le menu et les dosages azotés, hydrocarbonés qui
suffisent aux arthritiques graves tuberculeux, et leur permet-
tent de guérir, quand l'usure organique ou l'atteinte bacil-
laire n'est pas irrémédiable.
Calories Azote Hydrocarbones

Matin. 1,00 gr. pruneaux trempés


crus ( 302 2,27 73,07
Midi. 400 gr. pruneaux dessucrés. 240 2,00 58
.
— 175 gr. pain blanc rassis 445 14,55 94
....
— 350 gr. pommes de terre 332 9,03 74
Soir. 400 gr. pruneaux dessucrés. 240 2 58
.
175 pain blanc rassis 445 14,55 94

400
gr.
gr. légumes verts cuits ... 100 6 12

75 salade .. 22 1,50 4
— gr. crue
2,126 51,90 467,07

Ainsi établis, les menus satisfont aux appétits les plus


vifs et aux besoins nutritifs les plus justifiés. D'ordinaire,
on est obligé de baisser les quantités, de supprimer, quel-
quefois, les pruneaux crus du matin à cause de leur acidité,
et de les remplacer par des fruits dessucrés. Habituellement
aussi, les malades se contentent de 300 grammes de pain et
de 300 grammes de pommes de terre, ce qui baisse la ration
calorimétrique vers 1.800 ou 1.900 calories et l'azotée vers
45 grammes. Mais il n'est pas exceptionnel d'être obligé de
REGIME VÉGÉTALIEN 335
diminuer les calories jusqu'à 1.500 et 1.300 grammes, et
l'azote jusqu'à 35 grammes.
Quelle est en effet la ration de cette catégorie de tuber-
culeux ? C'est celle qui leur permet de garder leur équi-
libre corporel ou de prendre du poids, tout en ne donnant
lieu ni à des troubles gastriques, ni à des poussées fébriles
ou congestives, Eh bien ! dans les cas graves, seules ces
petites rations réalisent ces conditions, permettent même
une existence normale et une augmentation de poids. J'ai
suivi plusieurs malades qui ont pu, en pleine poussée
suppurâtive tuberculeuse, non seulement vivre pendant
un an avec un régime leur fournissant 1.300 calories
(poids moyen 52 kilos) et 40 grammes d'azote, mais
continuer à mener une existence active, sportive même,
et à se livrer à leurs occupations professionnelles sans un
seul jour d'arrêt ; loin de baisser, leur poids augmentait
souvent et leur perpétuelle préoccupation était de ne pas
dépasser le poids au-delà duquel des malaises congestifs
apparaissaient, et d'y remédier par une baisse alimen-
taire ou Un accroissement d'exercice.
Mais alors, tout ceci est fort éloigné des notions classiques
qui, sans suralimentation, attribuent, d'après Laufer, au
tuberculeux, un ration indispensable de 2.000 calories
avec 105 grammes d'azote, 90 grammes de graisses, et
270 grammes d'hydrocarbones.
Assurément, ces rations, beaucoup trop chargées en
azote, même pour des gens sains, sont certainement
excessives, pour des tuberculeux non arthritiques et
en tout cas, donnent des désastres, quand on les
applique à des arthritiques tuberculeux. D'autant plus
que pour équilibrer la ration d'un malade, on oublie trop
que les données classiques s'appliquent à des individus du
poids théorique de 65 kilos. Aussi a-t-on le plus souvent la
déplorable habitude de se servir d'un schéma de menu qui
336 ETUDE THERAPEUTIQUE

sert en toutes circonstances et ne tient aucun compte du


poids du sujet. On voit ainsi, prescrire à des émaciés pesant
35 kilos, des rations de 4.000 calories et 150 grammes d'a-
zote. On ne réfléchit pas qu'on inflige au patient un sur-
menage fantastique pour élaborer 115 calories et 4 grammes
d'azote au kilo !
Rapportés au kilo, les chiffres de Laufer (1) sont en
moyenne les suivants :
Calories 40
Azote 2 gr.
Graisses 1 gr. 50
Hydrocarbones 5 gr.

En comparaison, je citerai les chiffres que je ne puis dé-


passer, sans nuire aux malades, dans les cas d'arthritisme
grave et modéré, et qui me permettent d'obtenir de ra-
pides et solides guérisons.

CAS GRAVES CAS MOYENS


Calories 26 Calories 40
Azote 0 gr. 60 à 0 gr. 80 Azote 1 gr.
Hydrocarbone 6 gr. Hydrocarbones 7 gr.

On remarquera que je ne parle pas des graisses. Laufer


exige une moyenne de 100 grammes de graisses par jour.
Mes arthritiques tuberculeux graves se suffisent avec
8 grammes par jour ! Il est bon d'ajouter qu'il n'existe pas
pour les substances grasses, comme pour l'azote, un mini-
mum théorique indispensable au sujet, parce que l'orga-
nisme peut en fabriquer avec des hydrocarbones ; ceci
explique la dose élevée et disproportionnée qu'atteignent
ces derniers dans mes rations, destinées qu'elles sont à
suppléer à l'absence de graisses que le foie de ces malades se
refuse toujours à méiaboliser.
J'ai, je le répète encore, une quantité de malades guéris
(1) Laufer. Revue de la Tuberculose, 1906.
RÉGIME VÉGÉTALIËN 337
et en traitement qui, depuis des mois, des années (j'en
suis plusieurs depuis 3 ans), vivent avec des rations
établies à l'aide de l'alimentation végétarienne
.
stricte
hypoconcentrée, se.livrent même à des travaux fatigants
et qui souffrent au moindre écart de régime.
Ceci prouve donc qu'il n'y a pas une alimentation et
un
Tationnemênt type du tuberculeux, pas plus qu'il n'y a,
comme je le disais plus haut, un terrain unique tuberculi-
sable, mais des séries d'équilibres variables avec chaque
tempérament. Que l'arthritique soit tuberculeux ou non,
n'y a pas à tenir compte en aucun cas de la greffe bacillaire et
la ration qui lui convient est celle qui suffit à l'équilibre
strict de son poids normal, et au parfait entretien de ses
forces. Et il faut bien retenir ce fait paradoxal en apparence,
que sa ration est plus faible en période de poussée évolutive
aiguë tuberculeuse et qu'elle s'élève pas à pas en suivant les
progrès de la guérison. Mais, pourquoi s'en étonner, puis-
•qu'au début, la vitalité organique déjà très amoindrie par
la tare diathésique, est encore affaiblie davantage par l'in-
toxication bacillaire et que plus tard le traitement de repos
et de désintoxication organique va peu à peu relever les for-
ces naturelles de l'économie, lui donner un rendement méta-
bolique chaque jour meilleur, et une valeur phagoçytâire
peu à peu accrue ?
Que ces très faibles rations soient très surprenantes et
même paraissent incroyables, je n'en disconviens pas, mais
les faits sont là et je n'y puis rien. C'est justement l'invrai-
semblance de ces cas qui me fait les souligner et insister avec
une si longue minutie sur leur description. On est appelé,
en effet, aies rencontrer encore plus souvent qu'on ne croit,
et la prescription de ce régime, bien que non habituelle,
n'en trouvera pas moins d'assez fréquentes applications.
Nous venons de voir qu'il est très facile d'obtenir des
rations nécessaires à tous les besoins nutritifs, même à l'aide
338 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

du nombre très restreint d'aliments qui restent à notre dis-


position. Mais il faut encore répondre à d'autres objections.
Le volume des aliments paraît, à première vue, un obsta-
cle insurmontable. Comment des malades, qui ont si peu
d'appétit au régime normal, qu'on s'est ingénié pourtant
à varier à l'infini, en changeant chaque jour la qualité des
aliments et leur mode de préparation culinaire, en ajoutant
aux menus des« chatteries », des excitants, des sucreries
qui flattent le palais, vont-ils pouvoir absorber ces masses
de fruits et de végétaux ?
Quand ils veulent en faire l'essai sans parti-pris, ils s'en
accommodent fort bien ; l'alimentation raffinée de naguère
-était pour eux un empoisonnement qui bloquait leurs
protoplasmes cellulaires. La nouvelle, par l'assainissement
vital qu'elle procure aux organes, développe immédiate-
ment un appétit remarquable pour lequel le volume des
aliments passe inaperçu. Le réveil extraordinaire de l'ap-
pétit masque la monotonie du menu. D'ailleurs, ce volume
est plus apparent que réel, car sa réduction dans le tube
digestif est rapide après absorption des liquides de consti-
tution, qui se fait immédiate, et explique l'apaisement
ou l'absence de la soif.
Le manque de variété, dû aux si nombreuses restrictions
qui obligent à faire revenir aux mêmes repas les mêmes ali-
ments, semblerait devoir entraîner le refus d'alimentation..
Que des gens bien portants se refusent à absorber ces menus,,
c'est fort compréhensible, mais n'en feraient-ils pas autant
du régime lacté intégral ? Il s'agit, ne l'oublions toujourspas,
de malades gravement lésés au foie et à l'estomac, et leur
permettre l'usage d'une quinzaine d'aliments végétaux
leur fait encore plus plaisir que de leur imposer un unique
aliment : le lait. Ce dernier régime, lacté intégral, avec
lequel pourtant on satisfait moins facilement
aux besoins
calorimétriques, azotés, et hydrocarbonés de l'organisme,
REGIME VÉGÉTALIEN 339
n'est plus un motif d'étonnement quand on le prescrit.
N'est-il pas pourtant moins varié ?
Au fond, ce qui devrait être un sujet d'étonnement, ce
n'est pas la limitation à une vingtaine d'aliments appro-
priés à notre fonctionnement organique, mais l'irrationnelle
conviction que nous avons, de la nécessité de varier sans
cesse notre diététique. A rechercher la variété simplement
par elle seule, à nous ingénier à parcourir la gamme de tout
ce qui est comestible et excitant, sans suites mortelles
rapides, en un mot, à nous croire des omnivores prédestinés
parce qu'en réprimant la voix de l'instinct, il nous fut pos-
sible d'ingérer les mets les plus disparates et les plus anti-
physiologiques, nous n'aboutissons qu'à nous nuire en nous
dressant contre les lois naturelles, qui assignent à chaque
espèce une nourriture bien limitée et déterminée, et qui
nous montrent que chaque être reste cantonné, pour son ali-
mentation, dans la catégorie exclusive qui a déterminé sa
physiologie digestive.
En pratique, le dégoût venant de l'uniformité, la sa-
tiété que pourrait engendrer la différence de sapidité des
mets préparés sans graisse, ne .s'observe que d'une façon
exceptionnelle chez des malades dont aucun raisonnement,
aucun essai, ne vient à bout de préjugés enracinés. Les au-
tres ne se plaignent pas de ce changement et ne se fatiguent
pas plus de manger chaque jour des pommes de terre, qu'ils
ne se lassaient de pain auparavant.
En plus, tout ce qui est toléré par l'estomac, tout ce qui
se digère et s'assimile sans malaises, n'engendre jamais la
satiété. Le contraste des effets bienfaisants, du bien-être
local et général, qu'amène ce régime désintoxicant, avec les
misères que causaient les précédentes habitudes alimentai-
res, sont d'un effet trop convaincant pour laisser persister
même un ostracisme évident.
D'ailleurs, rien ne vaut un écart volontaire pour amener
340 ETUDE THERAPEUTIQUE

le malade à composition. Après avoir goûté du repos et de


l'amélioration de ce régime sédatif, l'intoxication que pro-
duit le retour d'un aliment défendu se fait particulièrement
sérieuse, et sert d'avertissement aux moins bons obser-
vateurs. ,
Le préjugé le plus difficile à combattre, le seul en réalité
contre lequel on ait à lutter, c'est celui de « l'anémie » que doit
inévitablement, dans l'esprit de bien des gens, engendrer
ce régime, qui est la négation du tonique et du fortifiant.
Certains même crieront à l'inanition ! C'est ici qu'intervient
l'influence morale du médecin. En relevant les antécédents
héréditaires et surtout personnels du malade, il suffit de
faire ressortir la coïncidence de l'apparition des lésions ar-
thritiques et tuberculeuses, avec l'augmentation excessive
des rations de viande, de sucre, ou d'alcool dans l'alimen-
tation courante, et d'en montrer tous les effets produits sur
le sujet lui-même, pour l'amener, sans contrainte, à faire
l'essai du traitement. On lui demande de patienter quelques
jours, on le prévient de la sensation d'affaissement pas-
sager que va produire, au début, la disparition de l'excita-
tion toxique, et s'il est un peu intelligent, l'effet bienfaisant
du traitement et la rude nocivité des écarts qu'on laissera,
à dessein, s'accomplir par hasard, feront le reste et établi-
ront solidement sa conviction personnelle.
Car cette accusation d'affaiblissement n'est aucunement
justifiée en pratique, est-il utile de le dire ? Chez tous ceux
que j'ai vu suivre ce régime, et même parmi ceux qui du-
rent y persévérer pendant des années, j'ai noté un accrois-
sement invraisemblable de vigueur musculaire, d'endu-
rance à la fatigue et de résistance à la maladie. Cela vaut
donc la peine de prendre philosophiquement son parti d'une
alimentation qui permet un tel retour vital. Dans les cas
où elle reste irrévocablement indiquée, le malade n'a le
choix qu'entre deux alternatives : guérir contre les préjugés
RÉGIME VÉGÉTALÎEN 341.

ou mourir. Tant pis pour les abouliques ou les révoltés !


Rien ne sert de s'insurger contre les fatalités, on en
est la première victime. Le mieux est donc de se résigner et
de guérir.
Il ne faut donc pas croire que les malades qui s'accom-
modent de ce régime restreint sont si rares que cela. On y
rallie plus facilement il est vrai, les malades de la clientèle
de ville, sur l'intelligence et la raison desquels on â en gêné*
rai plus de prise. Les effets curatifs sont également plus évi-
dents chez eux, parce qu'ils sont plus disciplinés et n'ont
pas à résister aux entraînements d'une collectivité igno-
rante. Pourtant, dans la clientèle hospitalière, j'ai toujours
5 ou 6 malades à la table spéciale du régime végétaîien strict.
Ils y sont placés par persuasion, jamais par autorité. Le
premier qui me réclame un changement ou de la viande
l'obtient immédiatement, et s'il n'est pas trop insensé, je
sais qu'au bout de deux ou trois jours, incommodé par le
retour d'anciens malaises très accrus, il me demandera de
lui-même à reprendre son ancienne alimentation.
S'il n'a pu comprendre le pourquoi de cette. diététi-
que, lé contraste des effets suffit à le convaincre. Si, à l'hô-
pital, ce régime est moins facilement applicable, si les
malades ne tirent pas de cette cure tout le bénéfice qu'ils
devraient, cela tient à plusieurs raisons : l'irrégularité
dans la préparation culinaire des aliments, l'impossibilité de
servir des plats,pesés pour l'équilibre nutritif de chacun et
le manque absolu de Culture physique. Presque tous ces
malades continuent à dévorer à l'excès et cela leur est
néfaste, même s'il s'agit d'aliments permis, nous l'avons
vu; de plus une installation ou une organisation culturiste
n'est guère praticable, avec nos coutumes actuelles et notre
phobie du mouvement. Elle est pourtant indispensable,
nous le verrons plus loin, pour obtenir des résultats parfaits
et durables.
342 ETUDE THERAPEUTIQUE

EFFETS DU RÉGIME VÉGÉTALIEN HYPOCONCENTRE

Quand on peut instituer le trépied thérapeutique en en-


tier tel que je l'ai déjà signalé : c'est-à-dire, le régime ali-
mentaire approprié, la régularisation de la chasse intesti-
nale et la culture physique graduée à chaque cas, on peut
attendre du traitement les effets suivants. Déjà, à propos
de la cure habituelle de pruneaux dessucrés, nous avons
signalé :
La régularisation et la désodorisation des selles.
La décongestion des viscères abdominaux.
Le retour et la régularisation de l'appétit.
L'atténuation ou la disparition de la soif.
En plus, on constate des signes d'amélioration du côté
des organes digestifs, des lésions tuberculeuses et de l'état gé-
néral. Le bien-être général résulte de la désintoxication. La
dyspnée qui était surtout toxique n'existe plus ; la tempé-
rature et le pouls baissent ; l'éréthisme cardio-vasculaire
et le syndrome d'hyposystolie pléthorique s'évanouissent ;
les urines redeviennent claires et abondantes ; le système
nerveux se ressent de cet état sédatif; l'irritation, les rêves,
les cauchemars, l'insomnie, s'atténuent. Le repos des voies
digestives qui maintenant travaillent sur les seules données
qui leur sont permises, sans fatigue ni souffrance, se tra-
duit par l'absence de malaises digestifs, la disparition de
l'atonie (plus de clapotage, ni de dilatation défensive en
période digestive) et de la sensibilité épigastrique.
Le relèvement de la vitalité cellulaire et la suppression de
la pléthore provoquent un amendement corrélatif des
foyers bacillaires. Dépouillés de leur engorgement conges-
tif, les lésions apparaissent avec leur réelle étendue, qui est
bien moins grande que ne le faisait croire l'intensité des
signes physiques, trouvés auparavant. Si la tuberculose
REGIME VEGETALIEN 343
n'est pas ramollie ou ulcérée, sa disparition sera très rapide ;
si, par contre, il y a un foyer nécrosé ou ulcéré, il Va peu à peu
se rapetisser ou s'éliminer, et rien n'entravera plus désor-
mais sa cicatrisation. Mais dans ce dernier cas, il faudra
patienter un peu, faire crédit à l'organisme qui, par ses seuls
efforts cUratifs, non enrayés maladroitement par l'usage
de médicaments ou par la fatigue suralimentaire, en un an
ou deux, accomplira le nettoyage parfait de ses foyers bacil-
laires.
En somme, ce qu'il faut retenir de ces longues explica-
tions, c'est, d'une part, la fragilité fantastique de la cel-
lule hépatique, profondément usée par un ârthritisme
grave, vis-à-vis des poisons et des concentrations alimen-
taires même non excessives, et, d'autre part, son fonction-
nement presque parfait, à l'égal dés cellules de l'organisme
le mieux doué, si on né lui offre que des aliments à concen-
tration moléculaire faible, qui seuls peuvent être irrépro-
chablement métabôlisés. Cette unique condition permet
une transformation progressive de l'état général, un retour
complet des défenses naturelles et des forces qui devien-
nent égales à celles des constitutions les plus robustes.
Travaillant dorénavant sur des données possibles, n'ayant
plus aucun motif de laisser apparaître son atrophie fonc-
tionnelle et sa déchéance, la tare hépatique passe inaper-
çue. Aussi, était-ce intentionnellement que, dès le début,
au cours de l'exposé pathogénique de l'ârthritisme, nous
avons insisté sur la limitation de cette décrépitude prématurée,
très longtemps exclusive, au joie surtout et à l'estomac, et
que nous avons décrit l'arthritisme comme une sénilité
gastro-hépatique précoce, montrant, que si ces deux organes
sont devenus ceux d'un vieillard, d'autre part, très long-
temps, le reste de l'organisme demeure peu lésé.
Cette stricte limitation de l'usure fait donc bien com-
prendre que du moment où le foie et l'estomac ont retrouvé
344 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

fonctionnement normal, toute la machine puisse se re-


un
mettre en marche comme si aucun rouage n'était détérioré,
donner l'illusion d'une santé parfaite, et permettre un ren-
dement énergétique encore très satisfaisant. On ne verrait
pas les malades à table, on ne serait pas ainsi spectateur de
leurs misères alimentaires, qu'on ne pourrait jamais croire à
leur atteinte diathêsique.
D'ailleurs, ces arthritiques graves tuberculeux, s'ils sa-
vent se ménager, ne plus faire d'erreurs alimentaires, suivre
pas à pas les étapes de leur relèvement cellulaire, peuvent
vivre avec la même activité et la même résistance que
n'importe quel autre individu normal. Tous, en effet, une
fois désintoxiqués et rééquilibrés, ont l'impression de n'a-
voir jamais, à aucun moment de leur existence, ressenti une
sensation aussi nette d'allégement, de joie du mouvement,
d'endurance physique et intellectuelle.
Ajoutons en passant que ce régime, qui amène de véri-
tables résurrections, dans les cas de tuberculose par ârthri-
tisme grave, donne également des cures remarquables,
quand on l'applique à d'autres manifestations très accusées
de la diathèse hyperacide. Les gros foies congestionnés par
le surmenage alimentaire, les gastropathies spasmodiques
ou atoniques invétérées, les entérites muco-membrâneuses
à- grand fracas, certaines manifestations toxiques cutanées

ou nerveuses, sont toujours très amendées et disparaissent


même, si les lésions ne sont pas trop profondes, par l'appli-
cation des mesures restrictives et désintoxicantes qui vien-
nent d'être décrites.
La guérison absolue de tous ces cas, la restitutio ad inte-
grum, nous y revenons, est possible seulement quand l'é-
puisement cellulaire a été surtout physiologique et la lésion
anatomique peu accusée. Quand l'usure et la destruction
sont indélébiles, il ne reste donc qu'à tirer le meilleur parti
possible du rouage et à ne pas le détraquer davantage.
RÉGIME VÉGÉTALIËN 345:

Aussi, suis-je loin de considérer cette thérapeutique, si


logique, si merveilleuse soh>eIIe, comme une panacée uni-
verselle qui remédierait à tous les maux d'une façon absolue
et définitive. " Laissons-lui simplement son indéniable
action curative, là où la plupart du temps tous les autres
moyens thérapeutiques ont échoué, et l'utilisation presque
parfaite qu'elle permet à des organismes partiellement
déchus.

INCIDENTS DE TRANSITION.

Le passage du régime de suralimentation à l'alimentation


végétarienne hypocôneentrée, dans les cas où elle est recon-
nue indispensable, ne se fait pas toujours sans incidents.
Comme ils pourraient décourager les personnes qui ne sont
pas familiarisées avec cette thérapeutique, qui, certaine-
ment, peut sembler difficile à diriger, je tiens à les passer
en revue.
Sans parler de l'indocilité du malade et de la révolte de
l'entourage, dont il faut s'efforcer de triompher par la per-
suasion et l'application, non pas brusque, mais faite peu à
peu, aliment par aliment, des mesures restrictives. Il faut
encore éviter au malade le spectacle dés repas pris en corn-
mun, où le défilé des plats accoutumés, les réflexions des
parents qui s'âpitoyerit, risquent de venir à bout des meil-
leures résolutions.
D'autre part, au début, il faut que le malade reçoive une
visite médicale biquotidienne qui, non seulement aura
pour but de l'encourager, mais de parer immédiatement
aux incidents parfois inévitables, et de s'inspirer, pour
cela, des réactions alimentaires sur le pouls, la température,
l'-état des voies digestives et des foyers tuberculeux, ainsi
que je l'ai déjà dit. En constatant ces réactions, il faut en
même temps apprendre au malade à s'observer et à rapporter
346 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

à leur véritable cause des malaises, qu'il est toujours enclin à


faire dépendre de sa lésion bacillaire. Il sera, par exemple,
toujours tenté de rattacher toute élévation thermique à un
progrès de l'infection par le bacille de Kochet nullement à
son origine réelle : l'intoxication gastro-hépatique. Il faut,
en un mot, lui apprendre à reconnaître les raisons, faciles
à comprendre, qui motivent le choix ou le refus de chaque
aliment.
C'est dire l'impossibilité presque absolue qu'il y a à trai-
ter de tels malades à distance et la nécessité où l'on est par-
fois, de les isoler d'un milieu néfaste, pendant les quelques
semaines que durent leur éducation diététique et la recher-
che de leur répertoire alimentaire et de l'équilibre de leur
ration.
En effet, livrés à leurs propres impulsions, les malades ne
se croiront jamais suffisamment nourris, et toujours ils
auront tendance à forcer leur alimentation, ou à faire des
essais malencontreux. Malgré les plus persuasives expéri-
mentations, ils garderont un doute sur la nécessité de res-
trictions si sévères, surtout après avoir tant entendu pro-
clamer la nécessité des viandes saignantes et des concentra-
tions alimentaires de tous genres, pour s'opposer à la con-
somption et à la déminéralisation de l'organisme tubercu-
leux. La tâche du médecin est donc, il faut bien l'avouer,
fort ingrate. Si parfois il a le plaisir d'être compris, obéi et
aidé, trop souvent il doit lutter contre des hostilités plus ou
moins sourdes, des impatiences mal déguisées, des préjugés
enracinés, et quand il a implanté la confiance, puis la guéri-
son, il peut se réjouir d'avoir obtenu, de haute lutte, un
résultat ardu, mais vraiment utile à son malade.
Quelques-uns des incidents de transition déjà étudiés,
méritent un simple rappel. Le retard dans l'apaisement de
la faim tient, nous l'avons vu, à ce que la reconstitutionphy-
siologique de concentration moléculaire chimique des cel-
RÉGIME VÉGÉTALIËN 347
Iules,, au lieu de se faire à dose massive, comme dans l'ali-
mentation ordinaire, s'accomplit plus lentement, à cause
de rhypôconeentfâtion du chyme.
La baisse de poids des premiers jours est, nous le savons,
fatale. Elle dépend de la déshydratation des tissus, qui,
n'ayant plus à se défendre de contacts dangereux, laissent
se faire la reprise dés liquides de dilution.
ASTHÉNIE PASSAGÈRE. —- La sensation d'affaissement
du débuts nous l'avons assez démontré, n'est que la dis-
parition d'une excitation cellulaire toxique. Elle est com-
plètement superposablê à l'asthénie qui suit le sevrage de
l'alcool Ou de la morphine, chez les individus qui font un
usagé courant de ces poisons. Elle ne dure d'ailleurs que
quelques jours, et le malade, bien prévenu, ne s'en effraye
plus. Cette asthénie du début des cures végétariennes a
d'ailleurs été déjà fort bien vue et décrite par Schultz (1).
Si le malade n'est pas trop intoxiqué, si son poids se rap-
proche de çé qui constitue son équilibré normal, la transi-
tion s'Opère insensiblement, sans donner lieu à des ma-
laises importants. Si, par contre, l'intoxication est vio-
lente et très ancienne, ou si le sujet est trop gras, on pourra
observer la persistance ou même l'augmentation passagère
des troubles toxiques. Ces troubles ne devront pas faire
crier à l'insuccès ou à f inefficacité du traitement, car Us
sont caractéristiques d'une phase intercalaire inévitable,
d'une période transitoire oie décrassement cellulaire.
PHASE DE DÉCRASSEMENT. — Observée parfois chez les ar-
thritiques gravés tuberculeux, elle est comparable àlaphase
identique observée chez les brightiquês en cours de cure
déchlorurée. Elle n'en revêt toutefois pas l'allure inquié-
tante (crises convrisives, délire, etc.). Mais sa pathogénie
est identique et reconnaît la mise en circulation et l'afflux
éliminateur de substances toxiques, tels que l'ont déjà ré-
(1) Schultz. Latablê du végétarien, p. 436.
348 ETUDE THERAPEUTIQUE

connu Dupré (1), Claude (2), Dopter (3) pour les brightiques
déchlorurés.
Cette réserve toxique s'accumule, principalement, dans
le foie et les graisses. Le foie emmagasine les poisons, alca-
loïdes, toxines, sous forme de combinaisons avec les nu-
cléines, comme il met en épargne le sucre. Ces combinaisons
sont complexes et très tenaces, demandant parfois fort
longtemps pour être détruites et libérées. Souvent une véri-
table rénovation des tissus doit s'accomplir sur de nouvelles
bases chimiques, pour tous leurs éléments constitutifs.
Cette élimination toxique se fera soit peu à peu, entre-
tenant les malaises généraux ou gastro-hépatiques, ou assez
souvent par poussées (fièvre, frissons, état saburral de la
langue, douleur épigastrique, constipation, congestion péri-
bacillaire). Ces saccades possibles de décharges toxiques
méritent d'être bien connues et prévues dans les cas invé-
térés, sans quoi on les prendrait, trop volontiers, pour des
sursauts d'aggravation infectieuse.
C'est seulement quand la libération toxique est obtenue,
quand toutes les cellules sont désencombrées de leurs poi-
sons et les protoplasmes nettoyés de leurs combinaisons si
tenaces et paralysantes, que les échanges nutritifs repren-
nent toute leur valeur et que la ration alimentaire peut être
accrue, en suivant pas à pas l'ascension énergétique et en se
basant toujours sur les données de concentration possible.
Il arrive parfois, quand l'équilibre vital est ainsi retrouvé,
de constater que le malade est devenu un hypothermique
permanent et normal. Il ne faudra jamais s'inquiéter de voir
la température centrale descendre à 36° le matin et 36°6 le
soir. Elle est la normale de tels sujets. J'ai des malades guéris
depuis de longs mois qui, très robustes, conservent une tem-

(1) Dupré. Société Médicale des Hôpitaux, 1904, p. 613.


(2) Claude. Société Médicale des Hôpitaux, 1904. 613.
(3) Dopter. Société Médicale des Hôpitaux, 1904, p.
p. 613.
RÉGIME VÉGÉTALIEN. 349
pérature habituelle oscillant entre 36° et 3'6°5. Quand ils
atteignent 37°, ils sont fébriles. Même décrassés et guéris,
quand leur hypofonctionnement hépatique n'a pu cesser à
cause de dégénérescences cellulaires irréparables, ils restent
des hypothermiques à perpétuité, et ne s'en portent pas
plus mal, s'ils ne surmènent pas, de nouveau, leur foie.
Cette hypothermie (qu'on peut voir par exemple sur la
courbe thermique de la page 270) indique même la fin de la
période de décrassement. Elle s'accompagne souvent de
polyurië, de sueurs et dé bien-être général et cet ensemble
symptomâtique rappelle une véritable crise de convales-
cence.
De courte durée, le plus souvent, cette phase peut anor-
malement se prolonger et être fertile en incidents, principa-
lement si le sujet est obèse. On a intérêt d'ailleurs, dans ce
cas, à mener la cure avec une sage lenteur et une grande
prudence, pour éviter des accidents d'acidose dont je repar-
lerai. Elle peut traîner également, quand pour une raison
quelconque, on n'a pu réaliser la désintoxication intes-
tinale à l'aide de la cure de fruits dessucrés et qu'on a
dû recourir aux moyens médicamenteux. J'ai vu, dans des
cas exceptionnels, les incidents de désintoxication chez des
obèses tuberculeux durer jusqu'à 5, 6 ou 8 mois, laps de
temps nécessaire aux réductions graisseuses progressives,
portant parfois sur 30 kilos de perte. Cette longue adapta-
tion, ces oscillations prolongées, avant le rétablissement
d'un équilibre définitif, sont parfois désespérantes pour le
malade et le médecin. Elles exigent une ténacité et une
minutie longtemps poursuivie. Une observation, reproduite
plus loin, montrera les excellents effets d'une baisse de
28 kilos, qui s'obtint en un an, s'accompagna d'incidents
variés, mais aboutit à une guérison durable.
TROUBLES D'AUTOPHAGIE. — Parmi ces incidents de dé-
sintoxication, il en est un qui, pour ne pas être spécial à ce
350 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

régime en particulier, demande à être commenté, parce qu'il


fournit d'utiles indications pour le dosage de la ration ali-
mentaire. Ce phénomène peut également s'observer, au
cours de l'application des autres régimes ; on le rencontre
même dans les instants de repos forcé des cures suralimen-
taires et, bien que de production banale dans tous les états
pathologiques, souvent on l'interprète mal ou pas du tout.
Voici ce qui peut se passer. Les prescriptions alimentaires
sont bien établies et suivies, et pourtant, il se produit subi-
tement une élévation thermique légère, coïncidant avec une
excitation cérébrale remarquable. L'énervement est d'ail-
leurs visible,le malade a un peu le faciès d'un fébricitant, l'oeil
vif, les traits un peu tirés, les gestes saccadés, la parole ra-
pide. L'insomnie est habituelle et, la nuit, le fonctionnement
cérébral devient encore plus actif et plus facile. Un de
mes malades, homme de lettres, construisit ainsi une nuit,
sans efforts, d'excellents alexandrins ; une autre, une de-
moiselle, me racontait qu'avant de suivre mon traitement,
elle faisait, dans les périodes de repos alimentaire que lui
imposaient, obligatoirement, de temps à autre, des excès
surâlimentaires, des crises d'agitation, d'insomnie, et la
nuit, avec une facilité et une vélocité déconcertantes, tra-
vaillait à fabriquer de la dentelle.
A quoi attribuer cela ? A de l'autophagie. On a sevré le
malade de poisons, d'excitants ; on lui a remplacé ses ali-
ments toxiques par d'autres nullement dangereux, mais,
pour un motif quelconque, voulu ou imprévu, la ration
du repas précédent s'est trouvée insuffisante à la nutri-
tion générale, et le malade a fait les emprunts nécessaires
à ses propres tissus. On lui a supprimé la viande ; il a vécu
sur la sienne, et rien ne saurait mieux démontrer l'action
toxique et excitante de la viande, que ce phénomène
clinique banal. Si les grands fébricitants ont le faciès si
animé et le délire si prononcé, ce ne sont pas seulement les
RÉGIME VÉGÉTALIËN 351
poisons infectieux qui sont en cause, mais beaucoup aussi
l'autophagie carnée.
« C'est un vieil adage en médecine, écrit Mosso (1), que de
dire qu'une fièvre modérée rend l'imagination plus féconde
et la parole plus facile... Haller raconte dans sa physiologie
qu'il a plusieurs fois remarqué que, lorsqu'il avait la fièvre,
il versifiait plus facilement. Rousseau dit quelque chose de
semblable, »
Mais ce phénomènej quand la cure est bien conduite, n'est
nullement fréquent. Si, quand l'arthritique tuberculeux est
gras, il peut parfois apparaître, lorsque la réduction de
l'obésité est trop accélérée, ce qu'on doit s'efforcer d'éviter ;
il n'est qu'exceptionnel, quand le tuberculeux est à son
poids normal, et reconnaît alors pour cause une faute dans
la prescription ou l'exécution du régime. Souvent, c'est le
malade, à qui on a omis de dire de peser ses aliments, qui ne
se rend pas compte du poids que représente tel volume ali-
mentaire, et qui a pris ainsi, une ration insuffisante, habitué
qu'il est, à considérer les légumes comme des accessoires
dans les menus. Parfois, ce sont les dépenses (promenade)
qui ont dépassé les recettes. D'autres fois, le ralentissement
alimentaire, a eu pour cause un malaise digestif ou général.
Dans tous les cas, il y a indication à remédier à cette insuf-
fisance, que l'on contrôle à l'aide de la bascule, en veillant
au relèvement nécessaire en azote et calories.
Ces constatations, qui sont rares, passagères, auxquelles
on paré immédiatement, qui disparaissent au repas suivant,
ne sont d'ailleurs aucunement inquiétantes, si on sait les
attribuer à leur véritable cause et, par conséquent, ne pas
les laisser persister, car tandis qu'ils se produisent, on ne
note jamais d'aggravation bacillaire.
ANAPHYLAXÎE ALIMENTAIRE. —Il est encore un autre
incident possible de la cure de désintoxication, qui est très
(IJMôsso. La fatigue intellectuelle et physique, p. 171.
352 ETUDE THERAPEUTIQUE

curieux, paradoxal en apparence et fécond en enseignements ;


c'est que, plus on fournit une nourriture hypotoxique à
ces malades, plus on les rend, pour un moment, sensibles
l'action des. poisons alimentaires.
Ainsi, l'ingestion d'aliments qu'ils supportaient sans de
trop grands malaises autrefois, des oeufs, par exemple,
s'accompagne maintenant, si on en reprend l'usage, de ma-
nifestations d'intolérance à grand fracas : fièvre vive, asthé-
nie très prononcée, troubles digestifs très sérieux. Et les
malades se voient obligés d'abandonner immédiatement
l'usage de mets qu'ils supportaient à moindres frais au-
paravant, et de se cantonner dans la vingtaine d'aliments
Jiypotoxiques qu'on leur a permis. Tout retour en arrière,
toute entorse faite au régime sans discernement, s'accom-
pagne des mêmes phénomènes d'intolérance surprenante.
Inexplicables à première vue, il faut bien se garder de les
mettre sur le compte d'une aggravation de l'état des ma-
lades, ou d'en rendre responsable la nouvelle alimentation,
car leur raison est toute autre.
Ce sont simplement des phénomènes d'anaphylaxie. Ils
n'entraînent, d'ailleurs, aucune conséquence sérieuse, sont
le plus souvent très momentanés, localisés au début du trai-
tement, et disparaissent peu à peu, parallèlement au retour
progressif de la résistance et de la vitalité cellulaires. Ils
sont, d'ailleurs, toujours évitables, puisqu'ils ne s'observent
que si on reprend d'une façon intempestive l'usage d'aliments
toxiques défendus.
Le phénomène de l'anaphylaxie, décrit pour la première
fois par Richet, en 1902, s'explique ainsi dans ce cas par-
ticulier. Ayant subi très longtemps les assauts d'une intoxi-
cation, dont la répétition accrue l'a empoisonné, en même
temps qu'il en souffre, comme le prouvent les manifesta-
tions morbides de la diathèse, l'arthritique tuberculeux,
acquiert pourtant un certain degré d'accoutumance aux
RÉGIME VÉGÉTALIEN 353
toxines ; en un mot, il est quelque peu mithridatisé. Aussi,
quand on vient à lui supprimer complètement la source
d'empoisonnement, et qu'après l'avoir, pendant un certain '
temps, laissé au repos sans prise alimentaire toxique, on le
.soumet de nouveau à l'action des mets dangereux, il mani-
feste tout d'un coup un accroissement de sensibilité orga-
nique, pour des doses de poison même fort minimes. Les
cellules sont passées à l'état d'anaphylaxie.
Immédiatement, il vient à l'idée d'objecter : mais, l'état
de mithridatisation était respectable, et ne faut-il pas
craindre que cette sensibilisation soit plus dangereuse que
l'état primitif ?
Pareille alternative n'est pas à redouter. D'abord, pour-
quoi vouloir continuer l'accoutumance cellulaire, vis-à-vis
de poisons qui sont dangereux par leur seule présence, tan-
dis qu'il est si simple de soustraire les tissus à leur action en
les supprimant? N'ayant plus aies combattre, l'anaphylaxie
n'apparaîtra jamais, et n'étant plus empoisonnées, les cel-
lules pourront reprendre vitalité et fonctionnement meil-
leurs. C'est là, seulement, ce que nous devons viser à obte-
nir, nous l'avons assez démontré.
Car si la mithridatisation se pro duis ait et se continuait sans
causer de dégâts organiques, certes, elle serait respectable.
Mais, les lésions anatômo-pathologiques d'usure et de sclé-
rose arthritique, nous enseignent que ce n'est pas le cas et,
en regard de ces méfaits et des graves signes diathésiques
qu'ils engendrent, le faible degré d'accoutumance de la
mithridatisation n'entre pas en ligne de compte. Aussi,
laisser persister l'empoisonnement sous prétexte de crainte
anaphylactique, c'est attendre, contre toute logique, d'un
organisme débordé, impuissant à lutter davantage, la ces-
sation d'un état morbide, qu'il sera toujours au-dessus de
ses forces de réaliser, puisqu'on entretient l'alimentation
toxique qui le provoque.
M
354 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Cet état d'anaphylaxie parfaitement évitable, nous l'a-


vons vu, puisqu'il suffit de ne plus faire usage d'aliments
dangereux (ceux qui ont le pouvoir de le provoquer sont
presque exclusivement les aliments d'origine animale), cons-
titue, par ailleurs, un bienfait pour le malade, puisqu'il va
forcément lui interdire tout écart de régime. Dans les cas
où la conviction paraît imparfaite, ces infractions suivies
de châtiment, seront même utiles, sinon recommandables,
car elles démontrent irréfutablement au tuberculeux, le
danger qu'il fait courir à sa santé, en ne tenant pas un
compte strict des réserves que la raison lui impose.
Le tout est donc de bien connaître ce fait biologique, car
une fois en possession de son explication, ce qui semblait une
énigme, une idiosyncrasie, une aggravation même, n'appa-
raît plus que comme un motif de persévérer dans la bonne
voie. Et en attribuant à ce phénomène un rôle défensif natu-
.
rel dans la physiologie organique, je ne fais que reprendre
l'opinion de Richet (1) qui dit : « Le fait, pour un animal,
d'être devenu extrêmement sensible àl'action d'un poison,
après qu'il a été touché une première fois par ce poison, va
le forcer à être prudent, et à ne pas s'exposer une deuxième
fois au danger. Par exemple, après qu'il a reçu le venin d'une
actinie, il va, dès qu'il sera, quelque temps après, touché
même extrêmement légèrement par une autre actinie, réagir
tout de suite à cette seconde offense et par conséquent, il
se préservera tout de suite. C'est un avertissement qui a été
donné à son organisme et dont celui-ci doit finalement pro-
fiter... Au point de vue de la pathologie et de la thérapeu-
tique générales, l'étude de l'anaphylaxie mériterait d'être
approfondie ; car on trouverait peut-être là l'explication
de ce phénomène étrange et insaisissable qu'on appelle
l'idiosyncrasie, mot très savant en apparence, mais qui
masque mal une ignorance douloureuse. »
(1) Richet. De l'anaphylaxie. Presse Médicale, n°.24,1908.
RÉGIME VÉGÉTALLEN 355
Enfin, ce qui doit dissiper toute arrière-pensée," sûr la
crainte qu'on pourrait avoir, de provoquer cette sensibili-
sation organique, par l'institution d'un régime antitoxique
sévère, c'est que ces phénomènes d'anaphylaxie apportent la
preuve indéniable que les aliments qui les provoquent,
étaient autant d'incontestables et violents poisons pour
l'appareil gastro-hépatique gravement lésé, des arthriti-
ques tuberculeux, et dont la proscription, à n'importe
quelle dose, paraît ainsi inévitable et la réintroduction
impossible, sous aucun prétexte, tant qu'ils seront mal
tolérés.
Ces phénomènes d'anaphylaxie alimentaire commencent
d'ailleurs à retenir l'attention, et des observations analogues
ont été déjà signalées par Castaigne et Gouraud (1), Bar-
bier (2), Gallois (3), Lesné et Dreyfus (4).
ACIDOSE. — Signalons encore, pour n'omettre aucun
incident, même les plus rares, les conséquences que peut
avoir une diète passagère, intentionnelle ou non, qui s'ac-
compagne de retard dans la circulation intestinale. Cette
fois, le malade s'empoisonne, non seulement avec ses pro-
pres tissus, mais avec ses toxines intestinales, et fait de
l'intoxication acide aiguë, de l'acidose en un mot. On la
reconnaît immédiatement à l'odeur chloroformique de l'ha-
leine et à la production d'oedèmes légers généralisés (pieds,
mains, paupières). Ayant l'occasion d'en retracer le tableau,
au cours d'une des observations suivantes, ou je suivis de
près une crise d'acidose très grave, je n'en dirai pas davan-
tage pour le moment. Ce syndrome a déjà été remarquablé-

(1) Castaigne et Gouraud. Anaphylaxie et intoxications alimentaires.


Journal médical français, septembre 1910.
(2) Barbier. Archives de médecine des enfants. Juillet 1910, p. 580.
(3) Gallois. Diététique de la période de sevrage. Journal de diététique,
janvier
.
1911.
(4) Lesné et Dreyfus. Sur la réalité de l'anaphylaxie par les voies
digestives. Soc. de Biologie, 1911, p. 136.
356 ETUDE THÉRAPEUTIQUE

ment étudié par Labbé (1), dont la description clinique et


pathogénique est parfaite.
Quand on en connaît la possibilité chez les arthritiques
graves tuberculeux, et les motifs déterminants, rien n'est
plus simple que de faire disparaître rapidement la crise
d'intoxication hyperacide. Je ne l'ai d'ailleurs jamais vu
produire de conséquences fâcheuses. Venant toujours d'une
faute dans l'application de la diététique, il suffit de faire
cesser l'autophagie, de désencombrer le tube digestif et les
protoplasmes cellulaires, pour que tout rentre aussitôt
dans l'ordre. Pour arriver à ce résultat, la diète est néfaste,
les purgatifs sont impuissants ; la neutralisation bicarbo-
natée excessive et la marche sont des adjuvants insuffi-
sants, tandis que la cure de pruneaux dessucrés, pris à forte
dose réalise un antidote merveilleux et radical.
Avant de passer à un autre sujet, je tiens à faire ressortir
encore, pour qu'il ne s'établisse aucune confusion, qu'il
ne faudrait pas déduire de l'importance descriptive plus
grande, mais obligatoire, donnée à ce régime vègètalien strict
hypoconcentrê, que je le considère comme habituel dans la cure
de la tuberculose par ârthritisme. C'est, je le redis, un régime
d'exception, applicable aux cas d'hypohépatie grave, aux
cirrhoses bypertrophiques graisseuses avec syndrome hypo-
systolique, entre autres, dans lesquels les régimes moins
sévères ont fait preuve d'insuffisance notoire, pour la dé-
sintoxication générale et l'amélioration des foyers bacillai-
res. Quand il est indiqué, et bien conduit, en tenant compte
des moindres détails que j'ai signalés, et qui, tous, ont
une importance extrême, il permet de ressusciter des ma-
lades que tous les autres procédés thérapeutiques ne fai-
saient qu'aggraver. Il est, dans tous les cas, d'une inno-
cuité absolue et, en l'essayant, on n'a rien à perdre, tan-
dis qu'on risque de beaucoup gagner.
(1) M. Labbé. Presse Médicale, 5 février 1910, p. 90.
CHAPITRE XIV

LE CHOIX ET LES CHANGEMENTS DE RÉGIMES


LE PRONOSTIC

En présence d'un tuberculeux dys-


«
peptique, on songera avant tout à la cure
de la dyspepsie (estomac et intestin).
C'est le seul syndrome sur lequel on ait
Une prise réelle, tandis que la tuberculose
ne peut être traitée directement. »
MALIBEAN (1).

L'atteinte diathésiquô légère se combat, nous l'avons vu,


à l'aide du régime carné mitigé ; le régime végétarien ordi-
naire est indiqué pour remédier aux intoxications de
moyenne intensité, et les cas graves relèvent du régime
végétalien. A une gamme croissante d'empoisonnement et
d'hypofonction gastro-hépatique, s'adaptent des menus de
plus en plus désintoxicants.
Pour théoriques et difficiles à apprécier que paraissent
ces distinctions, elles n'en constituent pas moins des caté-
gories réelles, dont la différenciation est plus facile qu'on
le suppose.
Il ne faut d'abord jamais perdre de vue la lésion gastro-
(1) Malibran. L'alimentation dans la Tuberculose pulmonaire. Presse
Médicale, n° 7, 1907.
358 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

hépatique, elle prime la localisation bacillaire comme source


d'indications thérapeutiques formelles. Autour d'elle gra-
vitent la pathogéniéTla séméiologie, la diététique et le trai-
tement médicamenteux de l'immense majorité des' cas de
tuberculose, à tel point, qu'après quelques mois de prati-
que sanatoriale, on s'aperçoit vite que ce qu'on a vraiment à
soigner, ce ne sont pas des tuberculeux, mais bien des dys-
peptiques et des hépatiques.
Si le degré d'arthritisme est récent, aigu en quelque
sorte, relevant d'une intoxication individuelle pas encore
trop invétérée, par exemple d'excès alcooliques moyens, Ou
de cure suralimentaire intempestive ; si, d'autre part, on
ne retrouve que de faibles traces d'arthritisme héréditaire,
l'atteinte cellulaire est encore minime, réparable complè-
tement ; il suffit de suspendre l'alimentation excessive et
vicieuse, et de recourir au régime carné mitigé, pour voir
disparaître rapidement à la fois, les signes du petit âr-
thritisme et Tes foyers tuberculeux. Des syndromes hypo-
systoliquee très nets, provoqués par la seule suralimen-
tation, s'évanouissent ainsi en quelques jours.
Si, au contraire, la tare arthritique familiale est fort an^
demie et riche en syndromes graves, si en même temps le
malade est porteur lui-même de manifestations toxiques,
pléthoriques et tuberculeuses très sérieuses, on peut d'em-
blée recourir au régime végétalien strict. Le syndrome hy-
posystolique par pléthore et réflexe hépatique, quand il est
généralisé et très intense ; les troubles hépatiques sérieux
avec gros foie très douloureux, grosse atonie gastrique et
subictère ; les crises d'intoxication hyperacide : l'acidose ;
les crises toxi-dyspnéiques pseudo-asthmatiquès;les formes
hémoptoïques à répétition ; les formes spléno-pneumoni-
ques ; toutes ces manifestations sont justiciables pour un
temps plus ou moins long de cette même diététique très
sévère.
CHOIX ET. CHANGEMENTS DE RÉGIMES 359

;
Restent les cas moyens ou ceux qui, à première vue, sont
difficiles à ranger dans l'une quelconque des catégories.
Il y a alors deux façons d'aborder la question. La première
consiste à prescrire d'abord le régime le moins sévère,
pour en rayer peu à peu les aliments les plus toxiques; on
arrive ainsi, en décapitant plus ou moins l'échelle toxique, à
trouver le degré de tolérance du malade. Quand il est por-
teur du syndrome hyposystolique, un excellent guide, en
plus de tous ceux sur lesquels j'ai attiré l'attention
(variations thermiques, pulsatives, gastro-hépatiques, pul-
monaires et générales en phase digestive), consiste dans
l'examen de la coloration des ongles. Tout repas dont la
toxicité Ou la concentration est trop élevée pour le sujet,
provoque l'apparition de la teinte carminée unguéale,
tandis qu'un repas dont le dosage et le degré de concen-
tration chimique et toxique est bien adapté aux capacités
glandulaires, n'amène qu'une accentuation de coloration
infime. A ce procédé d'aggravation restrictive .progressive,
employé ainsi d'emblée, on est parfois obligé d'apporter des
retouches, au bout de quelque temps. Si la vitalité orga-
nique s'est vite relevée, on peut tâtonner et faire des essais
de réascension ; si, par contre, après avoir obtenu une très
évidente amélioration sur toute la ligne, on piétine de nou-
veau, c'est que là désintoxication n'a pas été suffisante,
et qu'il faut descendre davantage le long de l'échelle toxi-
que.
Ce procédé décroissant est le plus facile à réaliser, à sui-
vre, à faire admettre et comprendre aux malades. Mais,
quand le cas est particulièrement épineux, à la limite de
la curabilité, quand les incompatibilités alimentaires sont
nombreuses, difficiles à débrouiller avec un régime com-
plexe, on est obligé d'avoir recours au procédé inverse et
•on doit composer, pour chaque malade, un répertoire ali-
mentaire individuel, portant, comme nous l'avons vu, à la
360 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

fois sur la variété et le dosage de chaque aliment pris en


particulier..On agit plus sûrement en opérant ainsi; mais
il ne faut pas le cacher, c'est un peu plus long, et on se bute
plus souvent à des incidents tels que ceux que j'ai décrits
dans le chapitre précédent. Aussi, cette façon d'établir
un menu et un régime calorimétrique et azoté, nécessite-
t-elle, pour donner des résultats satisfaisants, une certaine
expérience du maniement alimentaire, et une participation,
une communauté d'efforts et de patience, qu'on ne peut
obtenir que de malades intelligents et énergiques.
Une fois trouvé et équilibré, combien de temps le malade
restera-t-il condamné à des restrictions, en soi souvent
fort désagréables ? Tout dépend du degré d'atteinte cellu-
laire. Si l'ârthritisme n'est pas enraciné, si la lésion bacil-
laire est au premier degré, non câséifiée ou non ulcérée,
si la suralimentation n'a pas fait rage pendant des années,
le retour à un fonctionnement quasi-normal s'obtient en
2 ou 3 mois. Il ne reste ensuite qu'à ne plus faire d'excès
et à se comporter à table avec modération.
Si la tare arthritique est plus profonde, si la tuberculose
a fait subir aux organes un processus de nécrose ou d'ulcé-
ration, le régime ne pourra guère se relâcher de sa sévérité,
avant que l'évacuation caséeuse et la cicatrisation ne
soient en grande partie opérées. Et alors, la cure diététique
devra se prolonger une ou deux années, selon l'étendue des-
lésions.
Enfin même, si l'organisme, bien que venu à bout du
nettoyage de ses viscères et de sa greffe bacillaire, con-
serve une lésion gastro-hépatique trop forte pour être
jamais effacée, presque toute son existence, le malade
devra s'astreindre à des précautions alimentaires, dont
l'étendue ^décroîtra peu à peu, c'est certain, mais dans une
très lente progression.
Mais, va-t-on dire, à chaque essai de retour
en arrière, à
CHOIX ET CHANGEMENTS DE RÉGIMES 361
chaque tâtonnement alimentaire, nous allons voir sur-
venir de l'intolérance anaphylactique, et l'économie devra
chaque fois se mithridatisêr. D'abord, dans les cas de léger
et moyen ârthritisme, le phénomène est exceptionnel, ou
il est si atténué qn'il passe inaperçu. Dans les formes où
l'on s'expose seulement à le rencontrer, il n'apparaîtra pas
non plus, si on sait attendre le moment favorable pour re-
monter le courant et si de plus les essais portent non pas sur
des aliments hypertoxiques, haut situés dans l'échelle, mais-
sur ceux immédiatement sus-jacents dans la gamme.
On pourra se baser pour réaliser ces premiers emprunts,
sur le tableau suivant de toxicité décroissante qui, sauf
variations individuelles, représente l'ordinaire gradation
de toxicité des divers aliments.
,
Cette échelle a été établie à l'aide de minutieuses obser-
vations .cliniques portant sur des organismes très tarés du
côté dé l'appareil gâstrô-=hépatique, ce qui m'a permis de
saisir des nuances de toxicité évidentes et multiples, que
l'expérimentation sur dés individus sains ou peu malades
laissé couramment inaperçues. Les premiers sujets sont
comparables à des balances de précision, les seconds à des
bascules. Les gens bien portants ne devront donc pas s'é-
tonner, si l'ordre de toxicité ainsi obtenu bouleverse les
préjugés courants, ni s'ils n'arrivent pas à en discerner sur
eux-mêmes tous les degrés. L'énorme différence qui sépare
un organisme indemne, d'un épuisé, en est la simple rai-
son ; et si, comme le dit Binet (1) : « La tolérance des écarts
de régime, c'est la définition même de la santé », l'into-
lérance souvent prodigieuse pour les écarts les plus in-
fimes est précisément la caractéristique des graves atteintes
morbides.

(1) Binet. Les idées modernes sur les enfants, p. 43.


362 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE
Alcool.
Viandes noires. Gibier. Porc.
Poissons gras. Crustacés. Sardines et Thon à l'huile.
Viandes rouges. Bouillon. Jus de viande. Poudre de viande.
Poissons maigres. Coquillages.
Jambon. Oie.
Cervelle.
Viandes blanches. Pigeon.
Lapin domestique.
Dinde.
Veau. Riz de veau.
Poulet.
Boissons fermentées. Vin.
Cidre doux.
Bière.
^ Condiments violents. Vinaigre. Epices.

Haricots et pois secs.


Sucreries concentrées. Confitures. Bonbons. Chocolat.
Fromages fermentes.
Fromages cuits. Gruyère. Hollande.
Fromages blancs.
Beurre. "

Lait nature.
Bouillon de céréales.
Pâtisseries. Entremets.- -
,
Oseille. Tomate. Hofs-d'ceuvre.
Topinambours. Héliantis. Salsifis. Crosnes.
Groseilles. Citrons.
Rhubarbe.
Oranges.
OEufs nature.
Café. Thé. Asperges.
: Haricots flageolets jeunes.
Lentilles.
Choux de Bruxelles (sans graisses, changés d'eau de cuisson).
Pain d'épices. '
Pain viennois.
CHOIX ET CHANGEMENTS DE RÉGIMES 363
Lait fermenté.
Noix.
Fruits secs non trempés.
,
Eau de cuisson des légumes.
Coçose.
...
(pâtisserie à l'huile, biscuits, biscottes, gâteaux
OEuf mélangé
secs, tarte, beignets; crêpes, charlotte aux pommes).
Huile blanche. Fritures.
Fèves jeunes.
Pâtes : nouilles, macaroni, semoule, tapioca, farines.

Dattes, Amandes.
.
Riz de Piémont.
Çhoux-fleurs.
,:
Igname de Chine.
Patate.
,
Marrons.
Choux. Chûux-navets. Navets (changés d'eau de cuisson).
Choucroute cuite à l'eau (idem).
Poireau, Oignon.
Champignons. Olives.
Bananes.
Pois jeunes.
Melon, Citrouille.
Châtaignes du pays.
Fruits crus, non acides, très mûrs.
Pruneaux crus trempés.
Pain complet.
Pain de seigle.
Pain blanc. Panades.
Pain grillé.
Cerfeuil bulbeux.
Pommes de terre.
Artichauts.
Cardons.
Carottes.
Cardes.
-
Epinârds jeunes. Tétràgone. Arroche. .h
364 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Haricots verts.
Salades crues.
Salades cuites.
Pruneaux dessucrés.
On voit ainsi que les trois grands régimes ne forment
pas en quelque sorte des compartiments étanches, et qu'une
incursion de l'un à l'autre est permise de temps en temps.
On la fera d'abord espacée, laissant des intervalles de plu-
sieurs jours, pour répéter la prise du nouvel aliment, car
il faut toujours craindre que la réintroduction d'un ali-
ment qui longtemps fut dangereux, ne ramène de la fatigue
et de l'intolérance, si sa consommation redevient quotidienne.
On prendra soin, également, de faire porter les essais sur de
petites quantités et jamais l'aliment nouvellement repris
ne pourra constituer la base d'un repas ; il ne viendra que
comme appoint.
Les premières acidités tolérées seront celles des fruits.
On devra commencer par des fruits très mûrs, choisis parmi
les variétés les moins âpres au goût dans chaque espèce.
Les premières fois même, ces fruits gagneront à être cuits,
à peine sucrés ou sans sucre, car la cuisson atténue encore
leur acidité naturelle. Des cerises noires non acides, du
raisin extrêmement mûr, des poires prêtes à devenir blettes,
des prunes non acides très mûres, seront les premiers fruits
à essayer.
Parmiles graisses,l'huile blanche seralamieux supportée,
soit incorporée en très petite quantité à table aux aliments,
soit pour faire sauter les légumes ; puis, on pourra essayer
l'huile d'olive, la cocose, qui est la plus acidifiante des
graisses végétales, et enfin le beurre.
La pomme de terre sera très longtemps le seul farineux
toléré sans ennuis dans les cas graves. Viendront ensuite,
les châtaignes de pays (climat parisien) moins chargées
en
hydrocarbones, que le marron d'Auvergne d'Italie puis
ou ;
PRONOSTIC 365
le riz du Piémont, plus léger pour le même motif, que le riz
asiatique ; enfin, la patate qui a deux fois la valeur nutritive
de la pommé dé terre.
Parfois, le pain blanc sera assez longtemps le seul
aliment à base de céréales qui pourra être autorisé à haute
dose. Viendront ensuite les pâtes, les flocons de céréales,
les pâtisseries légères et gâteaux secs.
On devra toujours surveiller l'usage des légumineuses.
Les petits pois très jeunes sont admis de très bonne heure
dans les cas graves, puis, ce sont les fèves et les len-
"

tilles fraîches, les lentilles sèches, les flageolets jeunes frais,


et enfin les haricots et pois secs. Même dans les cas d'intoxi-
cation légère, ces deux dernières légumineuses ne seront
qu'exceptionnellement permises, car leur toxicité se rap-
proche de celle de la viande.
L'oeuf sera le premier aliment d'origine animale qui
s'acceptera sans incidents. Employé d'abord dilué en sauces
ou en pâtisseries (tartes aux fruits, sans graisses animales,
beignets), ce n'est qu'un peu plus tard qu'il sera donné na-
ture. Le second produit animal qu'on peut prescrire, c'est le
lait fermenté. Quand il peut être introduit dans l'alimen-
tation, l'acide lactique qn'ilcontient n'est plus un danger pour
l'organisme dont le pouvoir de neutralisation alcaline, vis-
à-vis de cet acide, est redevenu facile. La grosse différence
de toxicité entre le lait fermenté et le lait naturel, tient à
la présence de ce même acide lactique, qui en fait un ali-
ment antiseptique dont le passage intestinal ne s'accom-
pagne pas de putréfactions dangereuses. Aussi le lait natu-
rel êst-il en général très mal digéré par tous les arthritiques.
PRONOSTIC. ^- L'examen du degré d'intolérance de cha-
que malade pour les divers aliments peut déjà servir à
établir le pronostic. J'ai toujours remarqué que l'incom-
patibilité gastrique la plus grave était celle des céréales.
Un tuberculeux qui supporte mal de petites doses de pain
366 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

grillé, qui fait de la fièvre et de l'atonie gastrique avec cet


aliment, sans que le régime hypotoxique amène une tolé-
rance lentement accrue, se trouve atteint d'une dégénéres-
cence organique souvent irrémédiable. Et quand il ne digère
plus le pain, non mélangé dans l'estomac, à des graisses ani-
males, il ne supporte pas davantage les pâtes et farines. Ne
pouvant plus alors trouver dans son alimentation une récu-
pération azotée nécessaire, il maigrit et ses lésions tubercu-
leuses s'aggravent quoi qu'on fasse, et quelle que soit la dié-
tétique qu'on lui conseille.
D'ordinaire, de tels malades sont, dès le début, avant
tout essai thérapeutique, des émaciés, des aplasiques, dont
le passé arthritique héréditaire est lourdement chargé, qui,
très vite, ont une expectoration qui fourmille de bacilles
tuberculeux. Chez eux, toute réaction pléthorique est
éteinte, ils conservent un foie plutôt petit, peu sensible,
souvent même rétracte et indolore parce qu'atrophié. Ils
ont une glande hépatique de grands séniles, dont l'usure
prématurée, intense et irréparable, est hors de portée de
tous les efforts diététiques, hygiéniques ou médicamen-
teux. Ici, vraiment, le malade se consume, non pas par
accélération de la nutrition, mais par incapacité fonction-
nelle des organes de la digestion et de l'assimilation. 11
n'use pas davantage qu'un sujet normal, c'est seulement
son foie ruiné qui se refuse à tout travail de récupé-
ration énergétique.
Appliquer à ces tuberculeux un régime hypotoxique
semble logique, mais n'enraye ni ne répare rien d'une façon
absolue. Ils y trouvent une amélioration momentanée, qui,
trop rarement, se fait persistante et permet un regain de
vitalité suffisante pour obvier à la grave atteinte organique.
Ce très minime espoir, joint à la prolongation vitale indé-
niable que l'on obtient ainsi, motive donc l'essai d'une ali-
mentation modérée.et peu toxique. Mais, trop souvent,
PRONOSTIC 367
quoi qu'on fasse, quoi qu'on essaye, le résultat ne change
guère. L'alimentation ordinaire accélère l'échéance ; quant
à. la suralimentation, elle les achève avec une rapidité fou-
droyante.
Le pronostic est beaucoup plus favorable si l'on est en
présence d'un pléthorique. Pourvu que la lésion pulmo-
naire ne soit pas trop profonde et qu'il consente à se plier
à la discipline alimentaire qui lui convient, on est à peu
près certain de le mener à la guérison. On a donc plus de
prisé sur les congestifs, avec gros foies sensibles, avec réac-
tions hyposystoliquês, qui ont encore des cellules glandu-
laires en état de révolte défensive, dont la vitalité, par con-
séquent, n'est pas totalement épuisée.
Je suis, depuis plusieurs années, des malades qui
rentrent dans cette catégorie et qui, malgré de grosses
lésions ulcérées des sommets avec de nombreux ba-
cilles dans les crachats, parviennent à s'améliorer et
même à cicatriser des lésions câvitaires, qu'on était en droit
dé considérer comme désespérées. Malgré de formidables
poussées pulmonaires, l'un d'eux qui, dès qu'il est hors
de portée, se- livre, par illogisme insurmontable, à de
graves écarts alimentaires, retrouve à chaque récidive une
vitalité suffisante pour réparer en grande partie ses dégâts
pulmonaires, parce qu'on lui surveille son régime alimen-
taire, pendant le temps que dure le traitement nécessaire
à le remettre sur pied.
Le contraste du pronostic dans ces deux cas tient à ce
que, chez le pléthorique, l'ârthritisme est encore capable
de réactions d'hyperfonctionnement, qui impliquent, for-
cément, une atteinte cellulaire gastro-hépatique moindre,
avec tendances à la reprise vitale, et à l'ascension souvent
très facile du poids corporel, tandis que chez l'aplasique,
Thypofonctionnement est devenu uniforme, les organes
digestifs n'ont plus aucun sursaut de révolte, la fatigue
.368 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

et l'usure sont irréparables, et rien ne peut plus s'opposer à


la dénutrition fatale et à l'extinction énergétique.
C'est dans ces cas seuls que l'amaigrissement continu est
à redouter et commande des réserves, car il s'accompagne
toujours d'aggravation des lésions bacillaires. Par contre,
nous le savons, un amaigrissement léger chez des malades
près de leur équilibre normal, ou plus accusé chez des adi-
peux, qui, dans les deux cas, s'accompagne de bien-être
.général et d'amélioration pulmonaire, doit être respecté.
L'ascension du poids, nous l'avons d'ailleurs assez dit,
est loin de fournir toujours un élément indiscutable
d'évolution pronostique favorable chez les tuberculeux,
car trop souvent, on note l'apparition de malaises
digestifs et généraux suivis bientôt d'aggravation bacil-
laire, si le poids s'élève trop ou trop vite. Comme le fait
remarquer Ferrier (1) à propos de son traitement qui, nous
le verrons, a bien des points communs avec le nôtre : « le
critérium du traitement est, non l'augmentation du poids,
mais la conservation ou le retour des forces, la suppression
des troubles digestifs qui existent presque toujours et de
la diarrhée qui en dérive, ainsi que de la fièvre, des transpi-
rations nocturnes, des hémoptysies ; la limitation rapide,
puis la diminution des zones d'infiltration. L'absence de
ces améliorations doit faire rechercher une faute alimen-
taire ».
La présence des bacilles dans les crachats, même s'ils
sont en grand nombre, n'indique pas toujours une échéance
grave. Il est bien certain que les cas où ils n'apparaissent
pas guérissent en quelques mois et que ceux où ils four-
millent et où l'état général du malade décline, sont sans
ressources ; mais dans nombre de cas, chez des tuberculeux
à lésion arthritique encore réactive, on ne doit pas forcé-
ment porter un pronostic fatal, en se basant sur le seul fait
(1) Ferrier. La Cure de la Tuberculose, p. 128.
PRONOSTIC 369
de la constatation de nombreux bacilles de Koch, car bien
souvent, si la cure de désintoxication est bien menée et
poursuivie avec persévérance, on arrive, en un ou deux ans,
à fermer complètement des ulcérations très profondes.
Dés lésions concomitantes des viscères importants, dues,
soit à de la tuberculose, soit à l'usure arthritique, sont or-
dinairement redoutables. L'atteinte rénale, par exemple,
que cet organe ait souffert de la toxémie hyperacide ou que
le bacille tuberculeux s'y soit greffé, assombrit le pronostic.
Il en est de même des localisations tuberculeuses de'l'in-
testin. Les autres manifestations bacillaires, osseuses, arti-
culaires, ganglionnaires, si elles se produisent chez des ar-
thritiques dont l'épuisement n'est pas insurmontable, n'en-
travent pas d'ordinaire l'évolution curâtive.
Quand, à la suite d'efforts diététiques plus ou moins pro-
longés, selon la gravité du cas, la guérison a été obtenue, on
doit bien rappeler à l'arthritique tuberculeux débarrassé de
sa complication bacillaire que, chez lui, l'infection est une
affaire dé terrain, que c'est pour avoir laissé fléchir les
défenses innées de son organisme, qu'il a ouvert la porte
au bacille de Koch, que fatalement les mêmes causes d'af-
faiblissement, s'il les remet en action, ramèneront les mêmes
•effets.
Guéri, ses efforts devront donc toujours tendre à se main-
tenir en parfait équilibre biologique. Il lui faudra éviter de
retomber dans les mêmes errements alimentaires, qui repro-
duiraient sa réceptivité microbienne. Il devra savoir, en
outre, que son patrimoine organique n'est pas intact et
jamais ne se considérer comme un individu normal, mais
-continuer à éviter toute intoxication, que l'état morbide
souvent indélébile de son appareil gastro-hépatique,ne peut
lui permettre. Il veillera à bien équilibrer sa vie, laissant la
part large à l'existence au grand air, à la culture physique
et se transformera au besoin en homme de sport.
370 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Par ce souci constant de la sobriété alimentaire, il mas-


quera sa déchéance partielle et mènera, par ailleurs une
vie normale. Et le temps consacré à l'hygiène et à la
culture physique ne sera perdu, ni pour sa santé, ni
même pour son travail intellectuel. Car il gagnera un
accroissement de vigueur et de facilité de travail cérébral,
qui compensera largement le temps consacré à ces soins.
Ainsi, il pourra espérer vivre mieux et plus avant que tant
d'autres qui, sur la foi des apparences, se croyant au-dessus
des lois naturelles, à cause de leur vigueur physique, auront
abusé de tout et tomberont frappés brusquement.
CHAPITRE XV

OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALÏENNËS


STRICTES

Dans le but d'éviter la monotonie des redites, et de surcharger


inutilemënt ce livre, j'extrais du lot de faits cliniques que je pos-
sède, une série d'observations, se rapportant à des formes et à
des localisations diverses de la tuberculose, associées à.des mani-
festations arthritiques variées, qui seront autant d'exemples
particulièrement féconds en enseignements, en ce qui concerne
l'importance et la pratique de la diététique strictement végé<
talienné, dans la tuberculose par arthritisme grave. Elles mon-
treront quelles reviviscences et quelles guérisons extraordi*
naires on peut attendre de cette thérapeutique rationnelle.

Tuberculose pulmonaire et ganglionnaire suppurée*

X..., docteur en médecine, 35 ans. Né de souche fortement


entachée d'arthritisme, puisqu'on relève du côté de la branche
maternelle dés congestions cérébrales avec paralysies, des morts
rapides par congestion, dés coliques hépatiques et cirrhoses du
foie, des maladies d'estomac ; et du côté paternel des rhuma*
tismes, de la goutte, de l'asthme, des migraines, des congestions.
Elevé au biberon et mis de très bonne heure aux bouillies, il
présenta des troubles gâstro-intestinaux sérieux, dont il devait
372 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

se ressentir toute sa vie. Son enfance dénota un tempérament


très fragile : il n'échappa guère à aucune infection, et prit
successivement la varicelle, la rougeole, la scarlatine, les oreil-
ons, la coqueluche, sans compter de très nombreuses an-
gines, rhumes, bronchites, des congestions pulmonaires répé-
tées et même une pleurésie gauche, qui occasionna le retrait
permanent d'un large volet costal. Des crises migraineuses pé-
riodiques, avec épistaxis et débâcles diarrhéiques, se répétèrent
pendant son enfance, et persistèrent jusqu'à l'âge adulte. Vers
l'âge de 14 ans, fortement inquiets de voir s'aggraver une défor-
mation scoliotique, qui évoluait lentement depuis des années,
ses parents consultèrent un spécialiste parisien qui ordonna le
port d'un corset en cuir moulé. Pendant quatre ans, ce corset
fut appliqué nuit et jour et remédia légèrement à la déformation
squelettique.
Vers la fin de ses études de Collège, on nota l'apparition des
crises dyspnéiques bizarres, cataloguées sur le moment, sous le
nom de fausse angine de poitrine et hypertrophie cardiaque de
croissance. Ces accès de dyspnée angoissante, qui revêtaient
fréquemment le rythme de Cheyne Stokes, n'étaient dues en
réalité qu'à de l'intoxication arthritique d'origine alimentaire
car elles se produisaient toujours après les repas, soit aussitôt
après le déjeuner, soit dans le premier tiers de la nuit, et n'ap-
paraissaient jamais à jeun.
Pendant la période d'études médicales, il ne se produisit pas
d'incidents importants. La vie menée était assez active, l'ali-
mentation .mieux réglée et moins copieuse qu'à la table fami-'
liale, aussi remarque-t-on à ce moment un répit manifeste dans
les troubles diathésiques.
Nommé plus tard interne des hôpitaux, le malade eut à subir
de nouveaux avatars. Pour qui connaît la déplorable hygiène
générale et culinaire des salles de garde, qui ont une réputation
non usurpée de bien-être et de luxe alimentaire, cela ne doit pas
surprendre. Les menus plus chargés, surtout en viandes, le man-
que de dosage pour chaque plat, à l'inverse de ce qui se pratique
au restaurant, l'entraînement suralimentaire, l'arrièrê-pensée
de lutter contre l'infection, en prenant
une nourriture abondante.
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIENNES 373
et « reconstituante », ne pouvaient qu'avoir de fâcheuses consé-
quences sur un organisme déjà fortement touché par l'intoxication
hyperacide. A une courte période d'hyperfonctionnement et de
bon aspect général, succédèrent vite les troubles gastro-hépa^
tiques habituels du petit arthritisme ; des diarrhées et des po-
lyuries défensives ; des manifestations cutanées toxiques ; des
épistaxis, etc., et, finalement la courbature générale et la fièvre
apparurent avec des bronchites qui, n'en finissant plus, attirè-
rent l'attention sur l'état pulmonaire. Des lésions bacillaires
furent reconnues principalement au- sommet droit, et le
malade dut prendre un congé et aller passer en Suisse l'été de
l'année 1900.
Là, tout en s'alimentant fortement, le malade bénéficia du
grand âir et surtout d'une existence fort active, faisant de lon-
gues marches et surtout de quotidiennes séances de canotage
qui le métamorphosèrent.
De retour à Paris, bien qu'en excellent état pulmonaire et
général, dans le but d'éviter tout retour offensif des bacilles
et dans la louable intention de consolider une guérison mani-
feste, la suralimentation fut prescrite et rigoureusement exé*
cutée-' : 12 oeufs et 150 grammes de viande crue furent absorbés
chaque jour ; pendant six mois, elle fut poursuivie à ce taux.
Ensuite, pendant cinq ans, elle fut pratiquée avec 2 oeufs sup-
plémentaires quotidiens, et toujours 150 grammes de viande
crue.
De ce jour, le malade ne connut plus la sensation de faim, ni
l'entrain à se mettre à table qu'engendre un appétit bien éveillé.
Pendant cinq ans, les repas furent pris « par raison ». Aussi,
peu à peu, progressivement à l'augmentation de poids, lés
malaises digestifs, dyspnéiques et les lésions pulmonaires s'ac-
crurent.
Venant de faire en Suisse deux mois de culture physique, sans
véritable suralimentation et se mettant ensuite au gavage sys-
tématique et excessif, sans prendre aucun exercice, il se pro-
duisit un engraissement dont on se réjouissait, et une difficulté
du mouvement avec essoufflement, que le désir de faire de la
classique « cure de repos » n'était pas fait pour combattre. Au
374 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

bout de quelques mois de ce surmenage gastro-hépatique et de


cet engourdissement musculaire, la fatale rechute se produisit
et nécessita, l'hiver suivant, un premier séjour dans le Midi.
Là encore, par suite de la suppression momentanée des sup-
pléments suralimentaires, de la reprise de la marche et des ex-
cursions, une nouvelle amélioration se produisit qui fut détruite
comme la fois précédente, au retour à Paris, par la sédentarité
et les excès thérapeutiques d'alimentation.
Et ce fut pendant quatre ans, répétées tous les six mois envi-
ron, les mêmes alternatives de mieux et de pire avec pourtant
une tendance nette à l'aggravation générale, au fléchissement
des résistances vitales et à l'extension des lésions pulmonaires.
Malgré tout, le malade au sortir de l'internat, s'installe à
Paris. Il continue de plus belle l'usage de la viande crue et la
pratique de l'alimentation sans faim, convaincu que là seule-
ment se trouve le salut, tellement on lui avait enseigné et répété
qu'en cela se résumait la thérapeutique de tous les états dits
anémiques et principalement de la tuberculose.
Il lui fallut déployer toute son énergie pour faire face à ses
nouvelles occupations et fermer les yeux sur toutes les misères
qui l'assaillaient : troubles digestifs de plus en plus pénibles,
dus à l'alimentation toxique, qui l'obligaient à avaler de grandes
tasses d'infusions variées pour diluer ses poisons ; troubles
cutanés, eczéma, acné rosacée, épistaxis quotidiennes, essouf»
flement continu lui rendant très pénible l'ascension des nom-
breux étages qu'il devait gravir chaque jour; incessants points
de côté et 'douleurs d'épaules, et enfin des rhumes, grippes,
coryzas à répétition, l'un chassant l'autre, mis sur le compte de
l'infection et des. courants d'air et qui n'étaient que des
éliminations toxiques par voie muqueuse respiratoire.
Un jour, il se produisit un violent accès fébrile avec symptômes
typhiques, qui firent croire à une infection éberthienne. Il s'ac*
compagna de fortes douleurs épigastriques et obligea le malade
à garder le lit une quinzaine de jours. C'était une formidable
poussée de congestion hépatique qui, sur le moment, fut laissée
sans dénomination exacte. Un séjour en Suisse rétablit un peu
de calme mais, dès ce.moment, l'intolérance hépatique
ne va
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIENNES 375
plus cesser et s'aggravera chaque jour. Le creux épigastriqu&
restera toujours sensible spontanément, à la- pression et à la
marche ; les vomissements vont apparaître de temps à autre;
le subictère sera habituel, les douleurs de l'épaule droite avec
fourmillement du bras droit augmenteront de plus en plus, les
hémorragies nasales se feront sans répit.
Enfin, les signes congestifs pulmonaires péribacillaires de-
viendront assez prononcés pour réclamer l'application hebdo-
madaire de nombreuses pointes de feu, de séries de piqûres
d'huile léçithinée, de prises d'arsenic, et... un redoublement sur-
aUmentâire. L'hiver 1904-1905 se passa ainsi à continuer quand
même, et fort péniblement, la pratique d'une clientèle déjà
fatigante.
L'effort à fournir devenait démesuré et en juin 1905 la fatigue
gastro-hépatique et L'intoxication générale étaient extrêmes ;
aussi le malade se vit contraint de tout abandonner et de se
soigner désormais plus sérieusement.
Un séjour en Bretagne, au bord de la mer, provoqua, un peu
par l'action excitante du climat maritime, mais surtout par
l'alimentation à base de poissons et de crustacés, de violentes
poussées congestives avec fièvre, frissons ; tout .mouvement
devint impossible : d'une part parce qu'il faisait monter la
température vers 38°5, et surtout parce qu'apparaissaient des
douleurs dans les jointures qui, naturellement, furent mises
sur le compte du rhumatisme tuberculeux. Une localisation
particulièrement tenace et douloureuse sur l'articulation
coxo-fémorâle droite, provoqua de la boiterie pendant plu-
sieurs semaines et fit redouter l'éclosion d'une coxalgie.
Au bout d'un mois d'attente, voyant l'aggravation se faire
sur toute la ligne, le malade incrimina le voisinage de l'air marin
et se retira loin dans l'intérieur des terres. Impotent, se gavant,
toujours, surtout à l'aide d'oeufs, engraissant de plus en plus,,
il était en perpétuelle hyposystolie, anhélant, souffrant de
palpitations et d'angoisses cardiaques provoquées par la fa-
tigue de cet organe, qui se débattait contre la pléthore
arrivée à son apogée.
L'automne se passa en banlieue parisienne^ puis à Paris, L'é-
376 ETUDE THERAPEUTIQUE

tat s'aggrava de plus en plus, au point de devenir fort inquié-


tant ; les deux poumons du haut en bas étaient le siège de
foyers congestifs variables d'un jour à l'autre, et se déplaçant
souvent même en quelques heures. La face et les extrémités
étaient cyanosées, le pouls descendait rarement au-dessous de
110 pulsations, il était hypertendu ; le malade qui était habi-
tué à dormir à plat, la tête basse, ne pouvait plus reposer
qu'en position assise. Son sommeil n'était plus qu'un continuel
cauchemar, la céphalée ne le quittait plus, les sueurs ne
cessaient pas un instant. Les urines contenaient des. pigments
biliaires, de l'indican et même un peu d'albumine.
L'alimentation se continua aussi abondante que le permet-
taient des nausées, des vomissements et des diarrhées putrides :
jaunes d'oeufs, entremets, viandes saignantes composaient
les menus. Des essais de traitement au cacodylate provoquèrent
des crises d'empoisonnement, avec sueurs et diarrhée d'odeur
alliacée. L'embonpoint était excessif et frisait l'obésité, puisque
le poids qui, auparavant était de 56 kilos, s'était élevé pro-
gressivement à 75 kilos. Et toujours, pendant cette grave
période, l'attention se concentra uniquement sur les foyers
tuberculeux pulmonaires ; victime en quelque sorte de sa
vieille étiquette : tuberculeux pulmonaire, le malade ne prit
jamais garde à l'état morbide de ses autres viscères.
A ce moment même, voulant tout essayer pour se rétablir,
comme il se savait arthritique, et comme tel, d'après les clas-
siques, rebelle à toute tare bacillaire très sérieuse, il fit des essais
thérapeutiques arthritisants, pensant enrayer l'évolution des
poussées tuberculeuses en aggravant sa diathèse. Sardines,
charcuterie, prises en série ne réussirent d'ailleurs qu'à provo-
quer des poussées d'urticaire, de dyshidrose et à accentuer la
cyanose, les lésions congestives des poumons et à-provoquer
l'éclosion d'une violente poussée de pleurésie sèche fort doulou-
reuse.
Redoutant de passer l'hiver à Paris,le malade se rendit alors
dans un sanatorium du Midi. Il retrouva là un de ses anciens
collègues d'internat, le Dr Mantoux, qui lui découvrit une lésion
hépatique énorme; le foie extrêmement sensible débordait jus-
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIENNÊS 377
qu'au niveau de l'ombilic. Sur- son conseil, la suralimentation
cessa et les repas se, prirent en conformité des menus du sana-
torium, sans plus. Cette atténuation de l'intoxication nutri-
tive, jointe à des prises matinales de sel de Cârlsbad, provoqua
une heureuse détente.
Elle ne dura guère qu'une quinzaine de jours ; les phénomènes
hyposystoliques réapparurent, encore plus menaçants : pa-
roxysmes dyspnéiquês après les repas, épistaxisnocturnes, con-
gestions pulmonaires, poussées de pleurite avec névralgie phré-
nique très pénible, éréthisme cardio-vasculaife angoissant avec
hypertension artérielle. L'insuffisance hépatique devenait
excessive : le subictère. et la constipation ne cessaient plus ;
les selles étaient complètement décolorées. Le syndrome çOn-
gestif du bonnet pleural droit se montrait fort aggravé, entraî-
nant des douleurs névralgiques de l'épaule avec fourmillements
et engourdissement du bras droit, de l'oedème et de la cyanose
de la main droite. Ce. signe d'ailleurs intriguait fortement le
malade, qui à ce moment ne savait à quoi l'attribuer et consi-
dérait sa main droite noirâtre et sa main gauche blanche, sans
arriver à comprendre la raison de ce phénomène, qui, traduisait
simplement la compression du paquet vasculo-nerveux du bras
par le sommet pleural, cedématié et infiltré. La cyanose était
généralisée, se constatait aux ongles et à la langue qui de
rouge carminés étaient devenus violacés. Les douleurs rhuma-
tismales et. les épanchements des articulations et des bourses
séreuses endolorissaient de plus en plus le malade.
A ce moment, en décembre 1905, une issue fatale fut redoutée,
au point que la direction du sanatorium rappela la famille du
malade et la mit au courant de la gravité de la situation. C'est
alors que se produisit une complication, dont l'intervention for-
tuite et bienfaisante devait mettre le patient sur la piste de sa
véritable affection et lui permettre, en rapportant à leur ori-
gine réelle tous les symptômes de sa maladie, de les combattre
-avec efficacité.
Ayant subi un violent empoisonnement d'origine alimentaire,
il fut pris de débâcles cholériformes qui, pendant quarante-
huit, heures, le vidèrent littéralement. Il se passa alors ce fait
378 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

étrange, que malgré la gravité de l'atteinte toxique, un im-


soulagement survint. Pendant les huit jours qui suivi-
mense
rent on constata un allégement général, une énorme diminution
des signes d'hyposystolie, de la dyspnée, de la cyanose, une
baisse du pouls et de la température. Enfin une lueur d'espoir
apparut dans l'esprit du patient, qui n'envisageait plus guère
la possibilité d'une issue favorable, à cause d'une situation
qui semblait vraiment inextricable.
Mais ces huit jours écoulés, tout le cortège symptomatique
récidiva. Très intrigué par cette rechute, ayant observé
cette coïncidence d'un immense bien-être avec une formidable
chasse intestinale, le malade se décida à la provoquer de nou-
veau artificiellement. Une forte purgation fut prise et effective-
ment fit s'apaiser, comme la première fois, tous les malaises.
Trois jours plus tard, nouveau retour offensif pléthorique et
toxique qui motive une nouvelle purge. Et tous les trois ou
quatre jours ce sera dès maintenant la même reprise toxique
combattue de la même façon et toujours avec le même succès.
Mais, à ce jeu-là, le poids baissait singulièrement et l'appré-
hension de cette perte, de la faiblesse et de l'aggravation tuber-
culeuse qu'elle pourrait produire ne laissaient pas d'inquiéter.
Il fallut la constatation du retour des forces, la possibilité du
lever, après six mois de séjour au lit dans la position assise,
calé dans des oreillers, l'immense soulagement pulmonaire et
abdominal, la baisse du pouls et de la température, l'améliora-
tion des signes d'auscultation, pour dissiper toute crainte et
persévérer dans Une ligne de conduite qui, malgré son illogisme
apparent, était démontrée excellente par les résultats qu'elle
produisait.
Ce n'était pourtant pas la perfection. Des poussées douloureu-
ses du foie et des poumons apparaissaient de temps à autre.
Ayant maintenant l'attention dirigée vers l'état de son tube
digestif, le malade appliqua son esprit d'observation profession-
nelle à étudier son mode d'alimentation. Il fut vite reconnu que
les faux pas se produisaient à la suite de l'absorption d'ali-
ments toxiques, un régime arthritique fut institué qui pro-
cura un nouveau soulagement. L'étude dirigée dans ce sens se
OBSERVATIONS DE CURÉS VÉGÉTALIËNNES 379
poursuivit et amena de successifs perfectionnements ; c'est
ainsi, qu'après expérimentation et contre-épreuves fut résolue
la suppression de l'alimentation excessive, puis de la viande,
puis du vin.
A la sortie du sanatorium, en mai 1906, la baisse de poids
était déjà de 10 kilos, la température au lieu d'osciller entre
37°5 et 38° ne dépassait plus 36°7, le pouls, de 100, était tombé à
60 pulsations.. D'alité et toujours anhélant, le malade en arrive
bientôt à .faire quelques kilomètres sans essoufflement ; venu
en wagon-lit, il reprend le chemin de Paris en empruntant
les moyens ordinaires de locomotion.
Puis, ce fut une longue période de décrassement et de perte
de poids faite pas à pas, toujours comme à regret. Elle dura
plus d'un an, avec purgations tous les deux jours ; elle fut en-
trecoupée d'incidents multiples et fort pénibles, amenant des
moments de désespérance, devant Pâpreté de la lutte à sou-
tenir pour remonter la pente morbide et le très mince espoir
d'arriver jamais à un résultat un peu satisfaisant. Ce furent,
surtout, des poussées fébriles de congestion hépatique qui
à chaque fois, se faisaient plus longues et plus douloureuses ;
certaines étaient si violentes que chaque secousse imprimée au
corps donnait la sensation d'un brutal choc épigastrique. Des
fermentations intestinales incessantes et putrides torturaient
également le malade, et contribuaient à entretenir un état
toxique, auquel il fut très long à pouvoir parer, car tout moyen
médicamenteux ne faisait qu'accentuer le mal.
A côté de cela, des signes d'évidente amélioration consti-
tuaient une indication formelle à persévérer dans l'étude des
restrictions alimentaires (qualité et quantité). La température,
en dehors des poussées accidentelles, restait très basse, descen-
dait parfois au-dessous de 36" le matin, le pouls était souvent
à 48 au réveil. Ces constatations n'alarmaient plus le sujet ; il
voyait trop, tous les jours, que chaque fois que le thermomètre
ou les pulsations montaient au-dessus de ces chiffres invraisem-
blables, tous les malaises réapparaissaient et il lui importait
alors peu que ces deux symptômes renversent toutes ses no-
tions classiques, puisqu'ils étaient contemporains d'une dimi-
380 ETUDE THERAPEUTIQUE

nution croissante des foyers pulmonaires et d'un état physique


en constante progression. La marche, en effet, devenait de plus
plus facile avec des rations qui, le plus souvent, ne dépas-
en ;
saient pas 1000 calories et 35 grammes d'azote, des promenades
de 12 kilomètres se faisaient régulièrement chaque jour. Loin
de déterminer de. la fatigue, elles procuraient une amélioration
flagrante de tous les symptômes. Au bout de deux kilomètres,
déjà, la douleur épigastrique et scapulaire droite s'atténuait,
la respiration devenait plus libre, la tête était moins lourde
et au retour c'était une sédation absolue de tous les troubles
pléthoriques et toxiques.
Finalement, le poids tomba à 50 kilos (sans Vêtements). Cette
chute coïncidant avec l'abaissement extrême du pouls et de la
température indiquait la fin de la période de nettoyage cellu-
laire. La rénovation allait commencer.
Sans autre guide que l'expérimentation personnelle cette
période fut, elle aussi, fort longue et bien souvent décourageante.
Que de tâtonnements, d'essais répétés en série, de retours en
arrière provoqués par la bizarrerie des constatations, l'im-
prévu du résultat des expériences alimentaires et de leurs
effets, en si déconcertante contradiction avec les données cou-
rantes ! A la longue, il fallut pourtant bien se rendre à l'évi-
dence et rayer des menus les mets vraiment trop néfastes :
tous les aliments d'origine animale, puis toutes les sucreries,
qui, invariablement, provoquaient des poussées pulmonaires et
hépatiques.
Malgré de nombreux incidents, le relèvement organique s'ac-
complissait lentement, mais suffisamment pourtant, pour qu'en
1908, notre malade put.reprendre.un service médical actif, visite
hospitalière quotidienne et petite clientèle. Mais son régime
restait toujours fort mal établi et équilibré.; et c'est sur le choix
des aliments végétaux que le perfectionnement dut porter dé-
sormais. Quelques-uns des plus toxiques, comme les haricots
en grains, les pois, les légumes trop acides furent mis de côté, à
la suite d'avatars par trop graves (poussées de sinusite puru-
lente, de congestionhépatique, d'hydarthrose),queleur usage en-
tretenait et que leur suppression suffit à faire cesser subitement.
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIENNËS 381
A ce moment, le malade qui consommait en grande quantité
de la salade crue, fit des excès de citron. Considérant ce fruit
comme anodin et même comme générateur d'alcalins, sur la
foi des auteurs, il crut pouvoir en faire un usage biquotidien,
pour remplacer le vinaigre. Une forte crise d'intoxication hyper-
âcide décalcifiante et infectante en résulta : agacement des
collets dentaires avec caries, érosions des cornets du nez et des
commissures buccales, coryza, douleurs laryngo-trachéales. Mais
ce qui fut pire, c'est que cet affaiblissement de. la résistance
organique, par hyperacidité, permit l'éclosion d'une nouvelle
grave infection.
Au cours d'une intervention chirurgicale, une inoculation
tuberculeuse se fit, au niveau d'une plaie anfractueuse de la
paume de la main qui, deux mois plus tard, aboutissait à une
Volumineuse adénite tuberculeuse suppurée de l'aisselle droite.
Cette complication fut un grand bienfait ! Le malade avait
maintenant sous les yeux un foyer tuberculeux en pleine évo-
lution, qui par sa suppuration, ses accès oedémateux, ses pous-
sées côngestives, ses réactions douloureuses, violentes et varia-
bles allait constituer pour lui le plus sûr guide pour le réglage
de sa diététique.
Ce foyer d'abord ponctionné et reponctionné ; incisé et ré-
incisé à maintes reprises, aurait pu être enlevé sous chloroforme,
mais le foie, était en si piteux état, que le plus sage était de
patienter. Las des coups de bistouri, le malade se fit passer un
séton et, prenant philosophiquement son parti de ce nouveau
petit incident, il ne cessa pas pour cela un seul instant son ser-
vice médical, ni ses exercices physiques, ni son alimentation
bizarre. Son plus grand effort d'énergie fut employé à résister
à toutes les sollicitations d'amis, de collègues, de parents qui le
suppliaient de prendre une nourriture plus substantielle ;
d'avoir recours à cette bonne poudre de viande ; de goûter à ne
serait-ce que 50 grammes de viande crue ; d'absorber, pour le
moins, un peu de lait, quelques oeufs, gros comme une noisette
de beurre, tous aliments si légers et .qui réussissent si bien aux
-convalescents et aux débilités !
Suivant de très près ce malade, depuis son retour du sana-
382 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE
-

torium, et jugeant chaque jour de la progression curative de


ses lésions, de l'amélioration de son état général, je ne pou-
vais, quant à moi, que l'encourager à persévérer dans son mode
d'alimentation, que je considérais comme son unique chance
de salut. Il savait d'ailleurs trop bien maintenant ce qui était
à l'origine de tous ces maux et sa conviction sur Ja valeur mor-
telle de tous ces poisons était solidement établie. Fort de son
expérience passée et des essais nouveaux chaque jour poursui-
vis et contrôlés, il résolut, grâce à de nouvelles restrictions,
dûment motivées, de guérir envers et contre tous.
Il remarqua ainsi qu'il lui fallait une ration.calorimétrique
et azotée encore plus basse qu'il ne le soupçonnait, parce que
les jours où « il crevait de faim » comme il disait, son aisselle
se libérait, son ganglion tuberculeux se rapetissait et ne sup-
purait plus ; tandis que les jours où l'alimentation dépassait
1200 calories et 45 grammes d'azote soit 26 calories et 0 gr. 70
d'azote au kilo (qui pour lui constituaient une ration d'acti-
vité !) le creux axillaire se comblait, des douleurs violentes et
des élancements irradiés dans tout le bras surgissaient, l'oedème'
périganglionnaire s'aggravait, au point d'empâter toute la
région, des fusées s'irradiaient vers le bras ou- la paroi thora-
cique, et du sang apparaissait dans la suppuration, donnant
lieu ainsi, à de véritables « hémoptysies » ganglionnaires. Cette
ration, pourtant infime, n'entrava jamais son- activité phy-
sique et cérébrale coutumière. Son poids avait beau être des-
cendu à 46 kil. 500, il ne s'inquiéta jamais de cette baisse, qu'à
juste titre il considérait comme une défense organique natu-
relle.
Les mêmes différences d'effet, provoquées par les écarts de
dosage, s'observèrent identiques, selon la variété des légumes
admis à paraître dans les menus. Les restrictions successives que
décrétèrent l'état neutre où les réactions excessives du foyer
ganglionnaire aboutirent à l'institution d'un répertoire alimen-
taire réduit à une quinzaine d'aliments qui, à la condition d'être
bien dosés, passaient sans accroc. ,

Cher-chant, de concert avec lui, quelle pouvait bien être-


l'étrange propriété, commune à chacun de
ces quinze aliments,
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉÎALÏËNNES 383
qui les reliait dans la même possibilité d'alimentation non
toxique, nous en vînmes à découvrir que cette propriété, à la
fois si mystérieuse et merveilleuse, tenait tout bonnement à leur
faible concentration azotée, hydrocarbonée et grasse. Tout ali-
ment qui contenait l'un de ces corps, au-delà d'un certain taux,
limite, assigné par l'expérimentation clinique, déterminait du
surmenage de la cellule glandulaire gastro-hépatique amoindrie,
et, par suite, de l'intoxication acide, avec ses conséquences ha-
bituelles : fléchissement des résistances naturelles et retour
offensif de l'infection bacillaire.
Le régime convenable était cette fois définitivement trouvé ;
la culture physique d'autre part montrait sa pratique obliga-,
toire par lés malaises qu'engendrait sa suppression. Il restait
un dernier perfectionnement à apporter du côté de l'état intes-
tinal. L'usage des laxatifs était devenu presque quotidien,
L'huile dé ricin rendait de grands services, mais à la longue,
l'estomac et l'intestin se fatiguaient. De plus, les fermentations
intestinales se produisaient encore plus abondantes et plus
putrides si possible ; des prises de bacilles paralactiques renié-*
diaient passagèrement aux putréfactions, mais les toxines du
bouillon de culture et l'acidité du milieu amenaient des poussées
ganglionnaires.
Une dernière et très sérieuse complication, à laquelle il fallut
s'opposer, permit de. trouver le moyen à la fois anodin et effi-
cace, qui devait permettre d'obvier à ce dernier inconvénient, et
d'assurer la guérison définitive du.malade qui, on peut le dire,
méritait vraiment de voir ses longs efforts aboutir à ce résultat..
A la suite d'un essai malencontreux et trop prolongé de « pain
de guerre » pris à la dose de deux biscuits par jour, il se produisit
une poussée coiigestive du foie, telle, que jamais le malade n'en
subit de pareille. Je passe sur les phénomènes douloureux de
distension hépatique, le subictère, le ballonnement abdominal,
la céphalée,le coryza purulent, pour insister sur les phénomènes
d'acidose très sérieux qui s'en suivirent.
Le foie était atrocement sensible, debout, assis, dans le déciir.
bitus latéral.; le décubitus dorsal restait la seule position sup- "

portable. Le subictère était plus accusé qu'à l'ordinaire. Une


384 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

céphalalgie violente était apparue. Une infiltration généralisée,


véritable anasarque, s'installait progressivement, les paupières
étaient bouffies ; un dentier qui s'imprimait douloureusement
dans l'oedème de la muqueuse palatine avait dû être retiré.
Les mains étaient gonflées, de profonds godets s'imprimaient
dans les membres inférieurs jusqu'à la racine des cuisses. La
diète absolue, poursuivie pendant vingt-quatre heures, amena
une détente dans l'état hépatique, mais ne fit qu'aggraver
l'anasarque. Le malade continuait pourtant son service et ac-
complissait, comme à l'ordinaire, sa longue promenade à pied,
malgré la grande lourdeur de ses membres inférieurs. Au retour,
on pouvait imprimer dans les mains qui pendaient en position
déclive des godets très creux ; mais par ailleurs le malade se sen-
tait soulagé par l'exercice, même pénible, et refusait de rester
à la chambre.
Le lendemain, le tableau de l'acidose se compléta par l'appa-
rition de l'odeur chloroformique de l'haleine et l'apparition dans
les urines de l'acide diacétique et de l'acétone (réactions de
Gerhardt et de Lieben). L'haleine était tellement chloroformique
que dans son service, chez lui, aussitôt rentré dans une pièce,
on lui posait la même question : «Tiens, vous avez donné le chlo-
roforme à un dé vos malades, ce matin ? » Pendant quatre
jours il en fut ainsi. Tous les essais thérapeutiques ne donnaient
que des résultats négatifs. Le régime sec, les boissons abon-
dantes, le régime déchloruré, le bicarbonate à haute dose, tous
les moyens laxatifs, médicamenteux et diététiques, restaient
impuissants.
Peu rassuré, et né sachant plus que faire, j'eus l'idée de faire
-absorber au malade, à chaque repas, une assez forte dose de
pruneaux cuits sans sucre. Immédiatement, il en ressentit un
grand soulagement ; l'odeur chloroformique de l'haleine s'at-
ténua, disparut en quarante-huit heures et l'anasarque se ré-
sorba complètement dans le même laps de temps.
L'effet curatif sur l'acidose fut positivement merveilleux ;
mais il y eut un'revers à la médaille : ce furent des phénomènes
congestifs qui se produisirent sur divers points :1e foie redevint
sensible. ; le ganglion se tuméfia de nouveau, donna issue à de
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIENNËS 385
«la sérositésanguinolente, et surtout une violente inflammation
naso-pharyngo-trachéale éclata avec épistaxis, écoulement puru-
lent du nez et des sinus, dyspnée, toux, douleur pharyngée et.
-céphalalgie. Pour les avoir déjà subis maintes et maintes fois,
le malade sut bientôt à quoi rattacher l'apparition de tous ces
ennuis, et reconnut là, l'habituel tableau de l'élimination toxique
par les voies respiratoires. Si les pruneaux., par leur volume,
leur action favorisante sur le péristaltisme, avaient rendu un
extraordinaire service, en débouchant l'émonctoire intestinal,
la grosse quantité de sucre qu'ils renfermaient était, par contre,
fort dangereuse et causait tout le mal.
Le dêssucrâgê des fruits fut alors recherché et obtenu par des
changements successifs d'eau de cuisson. A partir de ce moment
commença pour le malade une vraie phase de reviviscence.
Ne quittant plus son régime hypoconcêntré, poursuivant sa
cure de pruneaux dessucrés à la dose de 1 kilo chaque j our (ce qui
faisait 50 à 60 fruits avant chaque repas), il obtint un relève-
ment vital extraordinaire. D'abord, en deux mois, s'effectua la
résorption dé la périadénite axillaire et la disparition du gan-
glion tuberculeux, qui ne cessait de donner lieu.à des poussées,
suppurativés, depuis presque deux ans. L'usage des laxatifs,
répété tous les deux jours, sous forme de sel de Carlsbad, puis
d'huile de ricin, qu'on n'avait jamais pu arrêter depuis quatre
ans, sans occasionner des troubles d'intoxication, se trouva
définitivement aboli par la curé permanente de fruits. Les
fermentations putrides qui, depuis quatre ans, tourmentaient le
malade, furent du même coup radicalement supprimées. La soif,
qui auparavant se faisait impérieuse, nécessitant souvent l'ab-
sorption de deux bouteilles d'eau minérale dans l'après-midi,
pour diluer l'intoxication alimentaire, quand le malade prenait
des végétaux toxiques ou trop concentrés, disparut complè-
tement. Ce malade reste de longs mois sans porter un verre
à ses lèvres, et ne boit plus jamais même pendant ses repas,
parce qu'il n'en ressent jamais l'envie..
'
Mais, pendant toute la période que dura cette.suppuration,
ganglionnaire, le régime dut être d'une invraisemblable sévé-
rité. Tous les fruits crus, à cause de leur acidité (même les
25
386 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

pruneaux dessucrés du matin) ; les traces les plus infimes de sub-


stances d'origine animale; lait, beurre, oeufs ; tous les aliments
végétaux, dès qu'ils étaient un peu au-dessus du taux de con-
centration toléré par le foie et l'estomac, tels que les pâtes, les
marrons, l'huile, les lentilles, etc., ne purent jamais, malgré des
tentatives réitérées, être introduits dans l'alimentation, sans
donner lieu à de brusques et douloureux poussées tuberculeuses,
que leur suppression faisait rétrocéder d'ailleurs avec la même
rapidité.
L'étude des rations alimentaires qui furent toujours dosées
minutieusement montre, de son côté, de curieuses particularités.
Tout le temps que dura la période de déclassement toxique,
même après la phase d'amaigrissement, la ration calorimétrique
fut souvent inférieure à 1.000 calories et à 30 grammes d'azote,
permettant, à cette dose,l'équilibre du poids autour de 48 kilos
et des marches quotidiennes de 10 kilomètres en trois fois, sans
fatigue. Plus tard, au cours de la complication ganglionnaire,
une vie très active put être menée, pendant deux ans, avec
1.300 calories et 40 grammes d'azote pour un poids net de
50 kilos. Cette ration se répartissait en deux repas. Jamais l'ali-
mentation du matin ne put être tolérée, à cause de poussées
tuberculeuses : le repas du soir demandant à être usé, avant une
nouvelle prise alimentaire. Enfin, depuis que s'est accompli le
relèvement fonctionnel gastro-hépatique, la ration s'est élevée
à 1.900 calories et 50 grammes d'azote. Les jours de travail
manuel très pénible, elle peut monter jusqu'à 2.100 calories.
La ration moyenne habituelle de 1.900 permet même, à ce
malade, une vie sportive très fatigante. Toujours d'ailleurs,
dès le début de la cure d'amaigrissement, la culture physique
fut mise en pratique. Ce furent d'abord des exercices d'entretien
des muscles abdominaux et respiratoires ; puis, la marche inter-
vint dès que le sujet put évoluer sans fièvre ni malaises. Enfin
l'escrime, puis la boxe (sans assauts) au ballon et au sac de sable,
furent commencées, bien avant la fin de la suppuration axillaire.
Chaque jour, depuis sa guérison, il continue à faire la série
complète des exercices indispensables à l'entretien parfait de
sa nutrition (mouvements systématiques à l'aide d'appareils
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIENNËS 387
appropriés, boxe, marche, etc.). Deux fois par semaine, une
longue séance d'assaut à l'épée lui procure ces bienfaisantes sai-
gnées sudorales de 500 à 1.000 grammes dont j'ai parlé précé-
demment. Enfin, des bains d'air quotidiens et des cures solaires,
répétés pendant deux; ans, contribuèrent puissamment au relè-
vement organique.
Le bilan obtenu à la suite de l'application du trépied théra-
peutique : diététique appropriée, désintoxication intestinale,
culture physique intensive, vaut la peiné d'être établi.
Du côté des pertes, on note : l'évacuation de 25 kilos de graisse
et de réserves toxiques, la rétrocession des signes d'intoxication
arthritique (épanchements séreux entre autres, qui stagnaient
depuis vingt ans à l'état chronique dans les tuniques vaginales
et dans les articulations du genou) ; lacessation des troubles fonc-
tionnels gastro-intestinaux avec fermentations, des lésions cuta-
nées, des coryzas et grippes à répétition, etc., et la disparition
corrélative des foyers d'infection tuberculeuse.
Du côté des gains, on constate Une résurrection physique et
intellectuelle. Jamais le travail cérébral ne fut plus facile ni plus
agréable ; l'état de dépression toxique a fait place à une joie de
vivre inconnue jusqu'ici. Le développement corporel, malgré
l'âge et les rations qui, à certains, sembleraient des rations de
famine, fut tel, qu'en quelques mois, sans augmentation de poids,
le tour de poitrine s'accrut de 12 centimètres, tandis que la cir-
conférence abdominale baissait de 10 centimètres. La vigueur
et l'endurance physiques sont devenues extraordinaires et stu-
péfient le malade qui, autrefois, en proie à la faiblesse toxique,
répugnait à l'effort et se reposait avec soulagement. Jamais,
même à la fin des plus rudes besognes, le malade ne se sent fati-
gué et n'éprouve le besoin de s'asseoir, Endurci à toutes les in-
tempéries, il circule par les froids les plus rigoureux, libéré de
l'usage des foulards, dont il ne pouvait se dispenser, l'hiver,
depuis vingt ans, et dort dans une chambre sans feu, les fenêtres
ouvertes, par tous les temps.
Le rendement digestif, bien que considérablement accru, res-
tera le seul point noir au tableau. L'usure gastro-hépatique a été
trop prononcée pour espérer jamais la possibilité d'un métâbo-
388 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

lisme satisfaisant d'aliments trop concentrés. Une constatation


décèle ce ralentissement fonctionnel des organes digestifs, c'est
l'abaissement constant, qu'on peut ici considérer comme nor-
mal, du pouls entre 54 et 60 pulsations et de la température entre
36 et 36°5.
Si tous les fruits crus, les châtaignes et certains légumes, tels
que la patate, les pois jeunes, les choux, peuvent être tolérés
maintenant, par contre, il demeure encore impossible de consom-
mer des légumes secs, des bouillons de légumes ou de céréales, et
même des pâtes, sans provoquer des migraines et de la courba-
ture toxique. Mais, comme je l'ai déjà fait remarquer, si on
n'assistait pas aux repas du malade, jamais on ne pourrait soup-
çonner sa tare, arthritique gastro-hépatique, tellement elle est
bien compensée par une diététique appropriée, et des mesures
adjuvantes de désintoxication intestinale et de culture phy-
sique.

Tuberculose pulmonaire et ganglionnaire suppurée.

Mlle X..., 18 ans. Passé familial riche en manifestations ar-


thritiques : rhumatismes, asthme, calvitie, eczémas, du côté
paternel ; lithiases hépatiques, rénales, goutte, obésité, dys-
pepsies, migraines, tempéraments des plus congestifs, campto-
dactylie, du côté maternel.
La malade eut deux frères, qui moururent, l'un en bas âge,
l'autre de méningite. Toute petite, elle était une belle, grosse et
forte enfant, avec une apparence de santé splendide, que le
médecin qui la soignait à ce moment jugeait factice, car à dif-
férentes reprises, elle présenta des troubles gastro-intestinaux.
A 3 ans, à la suite d'une angine, se produisit une otite suppu-
rée, qui persista jusqu'à l'âge de 16 ans, où elle guérit |à la
suite d'une intervention chirurgicale, au cours de laquelle on
enleva des osselets.
Puis, les infections suivantes se succédèrent à 6 ans : la
:
coqueluche ; des végétations adénoïdes qui furent opérées à
;
10 ans : une récidive des mêmes végétations, opérées de
nou-
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIËNNES 389
veau ; à 12 ans : rougeole ; à 15 ans : redoublement d'otite qui
nécessita l'intervention déjà signalée ; à 16 ans, enfin, une scar-
latine.
C'est à partir de cette dernière fièvre éruptive que la situation,
déjà peu brillante, laissa de plus en plus à désirer. Avant sa scar-
latine, la malade qui s'alimentait « comme tout le monde », avec
de la viande aux deux repas et fort peu de légumes, touchait à
peine au sucre, qu'elle n'aimait pas. Elle pesait à ce moment
23 kilos. ,>

Après sa fièvre, au bout de vingt jours de régime lacté, elle


suivit pendant quatre mois le bizarre régime de convalescence
suivant :
Matin : du chocolat au lait.
Midi : 18 huîtres.
4 heures : 5 gros bonbons au chocolat.
Soir : un potage aux oeufs et à la crème.
Pendant quatre mois, ce menu fut invariable. La malade, qui
auparavant n'avait aucun penchant pour les mets sucrés, dévore
maintenant des bonbons et des sucreries toute la journée, en
dehors des repas ci-dessus, et ne touche plus jamais à des légu-
mes ou à du pain.
Il en résulta : d'une part, une anorexie extrême et une cons-
tipation «phénoménale», et l'autre conséquence directe de cette
intoxication sucrée fut l'apparition de ganglions tuberculeux
du cou qui progressivement grossirent beaucoup.

Quatre mois après la fièvre scarlatine, la malade fit un séjour
de neuf mois en Angleterre. Là, la diététique se modifia ainsi :
Le matin : jambon, lard sauté à la graisse, pain, beurre, oeufs,
confitures.
10 heures : lait, beurre, banane, pain.
1 heure : un plat de viande ou dé poisson avec légumes à l'eau.
4 heures : thé, pudding très sucré, beurre, confitures, gâteaux.
Dîner : viande et poisson. Légumes, pudding, sucreries.
9 heures : chocolat au lait.
10 heures : gâteaux.
Ce flot suralimentaire produisit les effets suivants : une hyper-
trophie considérable des ganglions du cou qui furent soignés au
390 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

sirop iodé, à la teinture d'iode et à l'alimentation forcée ; une


ascension du poids qui, de 53 kilos à l'arrivée en Angleterre,
passa à 65 kilos ; une constipation opiniâtre ; un état d'intoxi-
cation générale, caractérisé par de la fatigue et de la somno-
lence insurmontables.
La malade revient alors en France et réside à Paris pendant
quatre mois. Elle continue, à suivre le régime anglais, mais elle
a perdu de nouveau l'appétit, mange de moins en moins, souffre
beaucoup de l'estomac et son intoxication retentit sur. ses cen-
tres nerveux. Elle devient acariâtre, méchante, va jusqu'à battre
les siens. On la douche, ce qui d'ailleurs ne fait qu'aggraver les
choses. Le poids a fléchi à ce moment à 58 kilos,
Pendant deux mois (nous sommes en 1909), elle voyage en
Normandie et en Bretagne. Dorénavant, elle a perdu l'appétit,
et « vit de rien », de quelques gâteaux secs, de pâtisseries, d'un
peu de lait, d'ailleurs fort mal toléré et qui ne se digérait que
par adjonction d'un petit verre de rhum. Elle ne pèse plus main-
tenant que 51 kilos, elle marche voûtée à cause de la sensibilité
excessive de son abdomen. En cours de route, elle voit un de ses
parents, un médecin, qui après l'avoir examinée, formule ainsi
son ordonnance : « elle n'a rien ; il faut lui donner la fessée le
matin, et la gaver de viande ».
On exécute la deuxième recommandation ; une violente pous-
sée d'entérite muco-membraneuse s'en suit.
La malade rentre à Paris et se couche. Elle reste neuf mois
sans pouvoir quitter le lit.
On la met d'abord au régime lacté exclusif, 125 grammes
toutes les deux heures. Elle le supporte très difficilement et se
cachectise à grands pas. Son poids est tombé à 35 kilos. Elle
devient comme parcheminée, fait de l'autophagie, ce qui la rend
d'une nervosité fébrile. Sa température oscille entre 35° et 37°,
ses bruits cardiaques sont à peine perceptibles, on annonce à la
famille qu'elle va mourir. Ses souffrances sont atroces, à chaque
prise de lait succèdent des cris; la bouche.remplie d'aphtes,
laisse s'écouler de la bave gluante qui salit chaque jour plusieurs
douzaines de mouchoirs. La constipation est inimaginable,
on
obtient rarement, à l'aide de lavements d'huile, quelques
ma-
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIËNNES 391
tières recouvertes de peaux et complètement décolorées : le foie
ne fonctionne plus.
Un spécialiste consulté lui ordonne le régime suivant :
3 litres de lait ;
100 grammes de sucre ;
50 grammes de beurre ;
2 cuillerées à soupe d'extrait de viande ;
2 oeufs,
Et des lavements d'huilé.
On fait tout son. possible pendant six semaines pour lui faire
ingurgiter de force une partie de cet amas alimentaire.
Ce nouveau régime eut pour effet d'aggraver, si possible, sa
constipation, les douleurs d'estomac, l'hypothermie, l'irrita-
bilité nerveuse "et mentale. Des crises de névralgies faciales
atroces, s'ajoutent aux précédentes souffrances. Chaque prise
-alimentaire était aussitôt suivie d'une salivation éxtraordinai-
rement abondante, d'odeur nauséabonde, à cause des aphtes
encore plus étendues, l'haleine était si fétide, qu'elle écoeurait le
médecin lui-même, à son entrée dans la chambre. Enfin une pho-
tophobie intense et de l'éréthisme cardiaque avec arrêts syn-
-copaux s'établirent.
Ne sachant plus que faire, on propose à sa famille de l'in-
terner, de lui mettre là camisole de force, dé l'hypnotiser et
-on affirme qu'elle ne guérira jamais sans cela.
Devant le refus et les supplications de la malade, on surseoit
à l'exécution de ce projet, et en attendant on la remet au lait
et au sucre, mais en supprimant l'extrait de viande et le beurre
car on s'aperçoit, par l'analyse coprologique, qu'ils passent sans
modification appréciable.
Au bout d'un mois de ce répit alimentaire, de cette suspen-
sion des hostilités, un léger apaisement s'observe ; la patiente
peut s'étendre sur une de chaise longue, et se sent un peu
mieux. On en profite aussitôt pour la faire manger davantage,
et on s'ingénie surtout à lui offrir des aliments « fortifiants » et
concentrés: des biscottes, du beurre, du sucré, des confitures,,
du poulet. On lui répartit ainsi sa ration alimentaire :
8 heures : 500 grammes de lait avec biscottes.
392 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

10 heures :un oeuf avec biscottes.


Midi :
jambon, purée de haricots, confitures, beurre, bis-
cottes.
4 heures : confitures et biscottes.
7 heures : potages épais, oeufs, confitures, pain d'épices.
Ce qui préserva la malade, ce fut qu'elle ne put suivre cette
diététique, et se contenta de grignoter quelques biscottes et
quelques sucreries. Pour la stimuler, on lui fit deux injections
d'eau de mer.
Trois heures après ces piqûres, elle fut prise d'hyperesthésie
et parésie généralisées et d'oedèmes des membres surtout infé-
rieurs qui durèrent trois jours.
Cette fois, on la considère de plus en plus comme une hysté-
rique, on la cloître dans sa chambre, hors de la vue des siens, et
on ne pénètre près d'elle que pour lui apporter ses aliments,
lui faire suivre un traitement hydrothérapique, à l'aide de dou-
ches et de draps mouillés.
Cette thérapeutique n'aboutit qu'à l'éclosion d'une nouvelle
crise d'entérite, d'une rétention d'urine qui oblige à sonder la
malade, et qu'à l'aggravation des oedèmes et la production
d'anasarque. La malade, toute habillée, pèse 42 kilos.
Elle est alors transportée à la campagne, et je prends la direc-
tion du traitement, à ce moment.
Elle est moribonde et considérée comme telle ; sa cachexie
est extrême, et l'état d'anasarque persiste encore. Des poussées
fébriles se font tous les quatre ou cinq jours, qui correspondent à
des crises entéritiques. L'abdomen est extraordinairement sen-
sible ; l'estomac, très dilaté, clapote partout, le creux épigas-
trique (lobe gauche du foie) est atrocement douloureux. Les
ongles ont la teinte carminée caractéristique. Le poumon droit,
obscur du haut en bas, présente de fins craquements à son som-
met et des froissements à sa base. Au cou, des adénites siègent
dans la-région sus-hyoïdienne et sous-maxillaire gauche. Les-
bruits du coeur sont très assourdis. Il n'y a pas et il n'y a jamais-
eu d'albumine dans les urines. Le faciès est cireux. En somme,
l'empoisonnement arthritique est extrême (syndromes hypo-
systolique et décalcifiant au complet), l'usure organique consi-
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIËNNËS 393
dérable, et la greffe tuberculeuse évidente, dans le. poumon et
les ganglions du cou.
Il m'est difficile de prescrire d'emblée une cure de désintoxi-
cation parfaite, car je sens que cette prescription déconcerterait
par trop et laisserait incrédule l'entourage de la malade. Et, en
présence de cette situation fort alarmante, désespérée même, je
mécontentai de parer au plus pressé, de défendre énergiquement
l'usage des sucreries, gâteaux, biscottes, viandes, jus de viandes*
J'ordonnai du lait caillé, j'insistai sur l'alimentation végéta-
rienne et fruitarienne.
On m'écouta. Au bout de quelques jours, une-grosse amélio-
ration se fit, les douleurs intestinales et la fièvre cédèrent, les
peaux disparurent des matières. Sentant la confiance s'établir,
je supprimai le lait et le beurre, et mis la malade au régime végé-
talien strict hypoconcentré, et à la cure habituelle de pruneaux
dessucréSj sans aucun médicament.
En huit jours, s'établit une reviviscence inouïe, une véritable
résurrection, la malade se levé définitivement, va à l,a selle cha-
que jour spontanément, facilement, et se trouve si bien, que je
puis commencer à l'entraîner à la culture physique.
Pendant les trois mois qui suivirent,je n'eus àparer qu'à quel-
ques petits incidents, qui toujours furent commandés par des
infractions au régime. Chaque fois, par exemple, que la malade
venait à suspendre de son propre chef la cure habituelle de pru-
neaux dessucrés, il se produisait de la constipation, de l'ano-
rexie, de l'insomnie, et même une fois de l'acidose avec anasar-
que et torpeur cérébrale.
Ayant ainsi obtenu, chez cette malade, un fonctionnement,
digestif et hépatique à peu près normal, et fait cesser la cause
d'intoxication alimentaire qui, à elle seule, entretenait depuis
de si longs mois une situation vraiment angoissante et sans
issue, j'eus le plaisir de la. voir délivrée de ses troubles céré-
braux, de ses insomnies rebelles, de son anorexie, de ses signes
pulmonaires et de son état mental de déséquilibrée par empoi-
sonnement qui, seul, avait retenu l'attention jusqu'ici.
Se croyant désormais hors d'atteinte de tout malaise et ou-
bliant, malgré mon insistance,.la gravité et la chronicité de son
394 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

atteinte locale gastro-hépatique, la malade, trop confiante dans


les apparences, crut pouvoir, malgré mes défenses formelles et
réitérées, se permettre quelques incartades de régime.
Une fois, entre autres, elle se livra à des orgies de purée de
haricots au repas de midi, pendant une dizaine de jours de suite.
La punition fut exemplaire. Les ganglions sous-maxillaires, qui
avaient fondu, se mirent à s'hypertrophier avec une rapidité
excessive, et quand on me rappela les dégâts étaient accomplis.
La périadénite empêchait de sentir la masse elle-même,les élan-
cements étaient très douloureux et la nécrose centrale certaine.
Cette contre-expérience, dont la patiente fut seule resp onsable,
si elle fut déplorable, pour l'adénite bacillaire qu'elle fit ramol-
lir et suppurer, lui servit prodigieusement, pour lui montrer la
valeur des restrictions qualitatives du régime hypoconcentré, et
l'obligation absolue de s'en tenir aux prescriptions diététiques
et physiothérapiques établies.
En effet, chaque fois qu'elle voulait changer la disposition du
menu d'un repas, plaçant, par exemple, des farineux le soir,
-quand il fallait des légumes verts ; chaque fois qu'elle diminuait
le balayage intestinal ou la dose de marche, de culture physique,
ou de cure atmosphérique, immédiatement, un avertissement
répondait du côté ganglionnaire, sous forme de poussée dou-
loureuse hypertrophique.
La suppuration du cou nécessita, pour guérir, une sérié de
ponctions simplement évacuatrices.
A la suite de ce cuisant rappel à l'ordre et des petits incidents
de chaque période digestive mal réglée, de chaque journée passée
sans longues marches, la malade se le tint pour dit. Sa convic-
tion, cette fois, est inébranlable. Ses amis peuvent continuer à
s'effarer de son régime, qui bouleverse tous leurs préjugés for-
tifiants, elle en rit et se contente de stupéfier tout son entourage
par sa bonne mine et sa bonne humeur, sa sobriété, sa résis-
tance invraisemblable à la fatigue et surtout... sa guérison.
L'ancienne candidate à la maison d'isolement, l'ancienne soi-
disant hystérique, est maintenant une forte personne à l'allure
robuste et dégagée, à la parole vive. Ceux qui ont
connu la ma-
lade à l'allure nonchalante, à la parole traînante,
ne peuvent
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIËNNËS 395
comprendre par quel phénomène un tel régime alimentaire a pu
amener une indéniable rénovation, et permettre, avec joie, la
pratique de sports aussi fatigants que les longues marches et le
-punchjng-ball.
Pouf terminer, une comparaison s'impose entre deux régimes,
celui qu'on Ordonna conformément aux usagés, pendant le cours
dé son intoxication, et Celui qui lui permit de guérir, et de main-
tenir sa guérison.
Régime prescrit quand la malade était alitée et pesait 85 kilos :
Azote Calories
3 litresdelait......,._ 104,70 2.070
.
100 gr, de sucre,.,,,., » 368
50 gr. de beurre 0,38 376
30 gr. d'extrait de viande 18 80
2 oeufs ..,,,...,. 28 342
151,08 "3.236

ce qui donne 40 grammes d'azote et 92 calories au kilo.


Régime que suit la malade depuis deux ans, qui lui a
permis de guérir, avec lequel elle a repris son poids normal de
56 kilos et qui lui suffit pour accomplir de longues randonnées
quotidiennes, sans trace de fatigue :
Azote Calories

200 gr.de pain 16,50 510


,. de terre,
350 gr. de pommes 9,03 332
800 gr. de pruneaux dessùcrés 4 480
,
250 gr. de salade cuite 2,50 50
,
32^03 " ï'Mi

ce qui donne 0 gr. 57 d'azoteet 25 calories au kilo.


Le rapprochement de ces chiffrés est suffisamment éloquent
par lui-même, et se passe de commentaires.

Tuberculose pulmonaire compliquée de spUno-pneumonie.

Mme X,.., 32 ans, Lourde hérédité.arthritique ; albuminurie,


obésité, lithiase rénale, calculs vésicaux, congestions pulmo-
naires, névropathie, du. côté paternel ; obésité, diabète, afec-
396 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

lions hépatiques et gastriques, rhumatisme déformant, enté-


rite, eczémas, migraines, du côté maternel.
Notre malade eut la rougeole à 8 ans, la coqueluche à 9 ans.
Depuis l'âge de 10 ans, elle est sujette à de très fréquentes épis-
taxis, à des poussées acnéiques du visage et à des éruptions
d'urticaire avec fièvre, chaque fois qu'elle mange du poisson.
Toujours, elle eut un appétit « effroyable ». Voici comment
était organisée sa diététique :
Le matin : crème de riz, pain, lait.
Midi : un plat de viande, très souvent du gibier pendant la
saison. Un plat de farineux, haricots, pâtes, etc. Un plat sucré
au riz, semoule, maïs. Un dessert très sucré, crème, un tiers de
pot de confitures.
4 heures : lait et pain.
Soir : repas aussi chargé en plats qu'à midi et encore plus
riche en sucre et sucreries. D'ailleurs, il est fait dans son milieu
un abus considérable de sucre et de sucreries.
Voici les conséquences de cette très défectueuse hygiène ali-
mentaire (viandes lourdes aux deux repas, surcharge de sucre) :
Il y a quatre ans, ictère qui dura huit jours, avec vomisse-
ments incessants, troubles généraux très sérieux, et convales-
cence longue et difficile.
Il y a trois ans, grosse dilatation d'estomac qui fut reconnue
et soignée.
Enfin, depuis deux ans, la fatigue gastro-hépatique s'est
accrue, au point que l'appétit est considérablement diminué
et qu'après l'excès alimentaire du repas de midi, le dîner deve-
nait impossible à absorber. De plus, après les repas, la malade est
prise de torpeur invincible, et la nuit elle est fréquemment ré-
veillée par de violents cauchemars.Au début de 1909, la malade,
qui toussait depuis une quinzaine, est prise de fièvre à 40° sans
frissons, qui dure quelques jours et que l'on soigne pour une
grippe avec laryngite.
Au bout de quelques jours, l'évolution se fait traînante, la
température oscille autour de la ligne de 38° et il apparaît un
foyer congestif pulmonaire du côté droit, arrière, puis point
en un
de côté vers la base gauche du thorax qui, à
son tour, présente
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIENNES 397
des signes de congestion. On.modifie le diagnostic en disant :
grippe avec pleurite, et on reste fort déconcerté par l'allure
traînante et la variabilité, le déplacement de foyers pulmo-
naires avant Iâ forte localisation gauche.
Après quelques mois, l'affection n'en finissant pas, une con-
sultation est décidée, et, cette fois, on établit le diagnostic ferme
de pleurésie séro-fibrineuse du côté gauche. La suralimentation,
la cure de chaise longue, la campagne, les soins médicamenteux
classiques : piqûres de cacodylâtê, etc., sont jprescrits, et les
parents prévenus que leur fille en a pour, au moins, deux ans à
se remettre.
-
On part à la campagne et, à partir de ce moment, la direction
du traitement m'incombe.
Ënpossêssion de ces indications anamnestiques, j'examinai la
malade,
Le poumon droit présente, au sommet, en avant, un foyer fort
net de fines crépitations avec opacité pulmonaire (diminution du
volume respiratoire, exagération de vibration, retentissement
de la toux). En arrière, ce même poumon reste opaque jusqu'à
la base, avec un foyer de froissements et de sibilances vers
la zone moyenne.
Le poumon gauche respire un peu rudement en avant ; en ar-
rière, vers la base, on tombé sur un gros foyer mat, soufflant
avec égophoniê et pectoriloquie aphone des plus typiques. A
première vue, il semble ne pas y avoir à hésiter, il s'agit bien d'un
épanchement pleural.
Mais, regardant de plus près, j'observe que le souffle et l'égo-
phonie s'entendent, sur une zone située au ras de la pointe de.
l'omoplate, sur 6 centimètres de hauteur environ seulement, et
une dizaine de largeur, et, qu'au-dessous, le murmure vésicu-
Iaire reste perceptible quoique affaibli. Faisant tousser la ma-
lade, de gros râles à timbre cavernuleux fort inquiétant vien-
nent alors seulement frapper mon oreille. Je passe en avant : la
zone de Traube est intacte, la pointe cardiaque nullement déviée.
Mon diagnostic est fait, il s'agit d'une spléno-pneumonie, et
pour convaincre l'entourage de l'absence de liquide pleural, je
pratique, sur le champ, une ponction qui reste blanche.
398 ÉTUDE- THÉRAPEUTIQUE

L'examen des autres viscères achève la démonstration. Le


syndrome hyposystolique réflexe est au complet : la teinte car-
minée des ongles, bien marquée, contraste sur la pâleur des tégu-
ments des doigts, le creux épigastrique est extrêmement dou-
loureux (lobe gauche), le foyer pulmonaire droit primitif avec
opacité généralisée à tout l'organe, achève le tableau. Le syn-
drome d'intoxication acide est là également : agacement des
collets dentaires, diminution du poids spécifique, fissures la-
biales et troubles trophiques cutanés fissuraires. Enfin, l'es-
tomac est dans un fâcheux état, clapotant jusque près du pubis.
Le poids n'a guère Changé : il restéà 61 kilos, et l'état géné-
ral n'est pas autrement inquiétant. La toux est sèche, quin-
teuse, et ramène une expectoration insignifiante.
Le régime suivi jusqu'ici a été le suivant :

Matin : chocolat au lait.


10 heures : 2 oeufs dans du lait.
Midi : viandes saignantes, biftecks, purées de légumineuses,
entremets sucrés, desserts sucrés.
4 heures : 2 oeufs au lait.
' Soir : repas comme à midi.
Tous ces aliments se prennent avec une certaine difficulté, et
donnent lien à des troubles gastro-hépatiques et à des putréfac-
tions intestinales très prononcées.
Me trouvant dans un milieu très intelligent, très au courant
du mouvement végétarien qui se dessine actuellement, je n'eus
aucune peine à faire comprendre et accepter mes idées. Le régime
végétalien strict hypoconcentré et la cure habituelle de pruneaux
dessucrés furent institués et suivis à la lettre.
Revenant deux jours après, j'eus la stupéfaction de trouver
le foyer pulmonaire presque inexistant : à sa place il n'y avait
plus que la màtité et l'obscurité respiratoire très marquée, mais
plus de souffle, plus d'égophonie, plus de râles. L'estomac cla-
potait à peine, le foie n'était presque plus sensible, les selles
avaient perdu toute odeur, la soif avait cessé, un immense bien-
être général était ressenti.
Après quelques jours de ce mieux, subit et profond, je crus
pouvoir être moins sévère, et permettre d'accommoder les
OBSERVATIONS DE CURES' VÉGÉTALIENNES 399
légumes au beurre de coco. A partir de ce moment, sans qu'on en
soupçonne l'origine, sur le moment, la température qui avait
baissé, remonta un peu, et des signes pulmonaires récidivèrent :
souffle, pectoriîoquiê, etc. Fort intrigué, je suivis de près cette,
évolution et, toute autre hypotèhse étant écartée, j'incriminai
comme cause de ce retour offensif, l'introduction dans les menus
dé la graisse végétale, qui avait, indirectement, acidifié l'orga*
nisme, comme en faisait foi le retour du syndrome décalcifi-
câtêur et des signes d'auscultation.

Fig, 9, = Effet dé l'introduction et dé la suppression d'Une graisse végétale.

Le surlendemain dé la suppression du beurre de coco, la tem-


pérature baissa, comme le-montre la courbe ci-jointe, et. le
souffle, l'égophoniê, le réveil du foyer spléno-pneumonique, se
dissipèrent une fois pour toutes. Cette expérience alimentaire
si démonstrative, prouva à tout l'entourage et à la malade, à
quelles minuties alimentaires il fallait désormais s'attarder,.à
cause dé son atteinte sérieuse d'hypohépatié, pour obtenir des
résultats, thérapeutiques pleinement satisfaisants.
Au bout de dix jours de diététique végétarienne, sans l'aide
d'aucun médicament, la malade put quitter le lit et commencer.
40Ô ÉTUDE THERAPEUTIQUE

l'entraînement à la culture physique et aux bains atmosphé-


riques. Elle y gagna un appétit prodigieux, un retour des forces
complet, et quinze jours plus tard pouvait jouer au tennis.
A quelque temps de là, bien que l'état général fut toujours
merveilleux, et lé poids toujours identique : 61 kilos, dans le
seul but d'être agréable, je prescrivis, au repas du soir, un potage
au bouillon de légumes et aux flocons de céréales.
Aussitôt, la mine se fit moins bonne, l'enrouement et la toux
revinrent, sans toutefois entraîner de modifications au siège de

Fig. 10. — Effet thermique d'un aliment à concentration azotée excessive.

l'ancien foyer pulmonaire ; des cauchemars avec cris et agita-


tion nocturne réapparurent ; puis, des insomnies s'installèrent ;
la température remonta et, un beau jour, un violent accès fé-
brile se déclara, comme on peut le voir sur la courbe ci-contre.
Le poids également s'était élevé.
Rien, d'autre part, n'ayant subi de modification, il n'y avait
qu'à s'en prendre à la nouveauté alimentaire ; c'est elle qui
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIENNES 401
devait avoir amené la production de tous ces ennuis. Et de fait,
aussitôt sevrée de ces céréales et remise à son ancienne diété-
tique, brusquement tous les symptômes s'évanouirent.
Les seuls minimes incidents qu'il y eut à combattre depuis,
furent toujours engendrés soit par une augmentation de poids
intempestive, soit par une erreur alimentaire (pruneaux acides
non mûrs, pain viennois, farineux le soir, par exemple), soit
par une insuffisance d'exercice physique.
Depuis dix-huit mois, la malade reste au régime suivant qui
amenasa guérisonrapide et auquel elle ne peut encore déroger.
Azote Calories
250 gr.de pain 20,65 635
300 gr. de pommes de terre 7,74 285
1.000 gr.de pruneaux dessucrés 4,20 600
385 gr. de fruits crus (pommes).... 1,20 240
200 gr. salade crue 2 40
400 gr. salade ou verdure cuite. 6 80
41,79" 1.930

Elle guérit donc avec 0 gr. 66 d'azote et 27 calories au kilo,


et trouve dans ce menu de quoi entretenir son organisme en plein
rendement physique, avec longues, marches, jeux violents,
punching-ball, chaque jour répétés.
La malade est devenue physiquement méconnaissable. Sa
large poitrine aux épaules naturellement rejetées en arrière, sa
tête droite et sa mine réjouie font contraste avec la poitrine
rentrée, les épaules fuyantes, le front incliné et l'aspect las d'au-
trefois.
Quant à ses poumons, il est impossible à l'oreille la plus fine
de retrouver trace d'un reliquat quelconque de ses foyers des
sommets et des bases.

! Tuberculose pulmonaire avec entérite muco-membraneuse.


Grossesse. —* Allaitement.

Mm..., 35 ans. Eczémas, ulcère variqueux, emphysème, gas-


tropathies, nervosisme chez les ascendants. Jusqu'à l'âge de
12 ans, vit à la campagne. Enfant très remuante qui jusqu'alors
26
402 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

prit énormément d'exercice et fut nourrie simplement.de légu-


mes, d'ceufs, surtout de fruits en abondance, et très rarement
de viande. Aussi, n'eut-elle aucune maladie pendant toute cette
période de son existence.
A 12 ans, mise en pension dans un couvent parisien, elle ne
tarda pas à pâtir de ce changement de vie. Ne prenant plus
aucun mouvement, mangeant des viandes rouges chaque jour et
beaucoup de légumineuses, elle fut prise de troubles gastro-intes-
tinaux très sérieux. Tous les quinze jours, des crises de migrai-
nes avec anorexie et langue sale nécessitèrent des purgations à
l'huile de ricin. Au bout d'un an, ces accès d'intoxication diges-
tive dégénérèrent en débâcles diarrhéiques d'abord passagères,
puis continues.
Une entérite muco-membraneuse se déclara, qui pendant dix
ans persistera à l'état subaigu. Certains jours, on comptait
jusqu'à quinze évacuations,alvines. Il est intéressant de noter
en passant que ces lésions furent remarquablement supportées,
sans. atteinte trop flagrante de l'état général, ce qui prouve
bien la haute Valeur de l'émonctoire intestinal.
Malgré tout, pendant ces dix années d'entérite, d'autres acci-
dents arthritiques se surajoutèrent. Ce furent d'abord des an-
gines, des érysipèles à répétition, des crises d'urticaire.
En 1897, au cours d'un séjour au bord de la mer, où la malade
se suralimenta et consomma force poissons, se produisit une aug-
mentation de poids, un engraissement qui eut pour aboutissant
une violente crise de rhumatisme articulaire aigu.
En 1903, par suite de changements nouveaux dans le régime
alimentaire et de l'usage accru de viandes fortes, de sucreries,
les troubles gastro-intestinaux s'aggravèrent;. les débâcles et
douleurs entéritiques reprirent de plus belle, s'accompagnèrent
de vomissements alimentaires et, cette fois, l'atteinte générale
fut assez vive pour permettre une greffe bacillaire du sommet
droit, au premier degré.
Mise à la suralimentation, aux oeufs, à la viande crue, à l'ar-
senic, la malade ressentit, sur le moment, un coup de fouet sti-
mulant, qui produisit une factice amélioration.
Mais, au bout de trois ans de ce régime suralimentaire, lès
OBSERVATIONS DE QÙRËS VÉGÉTALIENNËS 403
troubles gastro-intestinâux, qui n'avaient pas cessé, mais qui
toujours restaient bien tolérés, grâce à l'absence habituelle de
constipation, même relative, s'accentuèrent considérablement.
La limite de résistance organique était atteinte. Une forte crise
d'appendicite éclata, qu'on faillit opérer d'urgence.
In 1907, je fus appelé à donner mes soins à cette malade,
Elle avait une lésion bacillaire avec sclérose du sommet droit,
de la micropôlyâdénite, dés grippes incessantes, un estomac
délabré qui clapotait dans la région sous-ombilicale, un gros
intestin, surtout le Coeçum, très douloureux. Le creux épigâs-
triquê était très sensible et le syndrome hyposystolique réflexe
au complet. -
J'amenai progressivement la patiente à la diététique végéta-
lienne stricte, et j'arrivai âinsi,.sans employer aucun médicament
à la délivrer de toutes lés misères qui la tyrannisaient depuis
l'âge de 12 ans, La lésion pulmonaire rétrocéda, au point de ne
laisser qu'un peu de rudesse respiratoire, et jamais-plus, la
malade; n'eut à subir lés indigestions, lés vomissements, les
entéralgiés violentes quotidiennes, les malaises gastriques et
tfouJbles de santé générale, qui ne la quittaient pas auparavant.
- A maintes reprises, dé sa propre initiative et se croyant
défi-
nitivement hors de portée de tous ces ennuis, tellement elle se-
sentait métamorphosée, la malade crut pouvoir faire des ten*
tatives de réalimentation carnée. A chaque fois ce furent, soit
des poussées pseudo-grippales, des accès entéritiques d'élimi-
nation toxique, soit dés réveils ganglionnaires cervicaux qui,
venus rapidement à la suite de l'empoisonnement par la viande,
rétrocédèrent brusquement, dès qu'on estimait l'expérience.suf-
fisânte et qu'on supprimait l'erreur alimentaire qui en avait
motivé l'apparition.'
" En 1909, la malade, mena à terme urie grossesse qui se fit
absolument normale. Pendant toute la période de gestation, ValU
mentation strictement végéialienne fut poursuivie, sans malaises,
sans la moindre fatigue ou défaillance. Les menus incidents
généraux ou digestifs qui se produisirent succédèrent toujours
à des essais alimentaires supplémentaires ou toxiques, c'est*
à-dire d'origine animale.
404 ETUDE THÉRAPEUTIQUE

L'enfant, du poids de 3.000 grammes, fut ensuite allaité par


sa mère qui, le premier mois, se contenta du régime végétalien
strict. La fatigue générale, ayant des tendances à se produire, au
second mois d'allaitement, et la capacité digestive et assimiîa-
trice se trouvant physiologiquement stimulée et accrue, on fit
subir au régime alimentaire les modifications suivantes : 3 oeufs,
150 grammes de lait caillé et 20 grammes de fromage furent
ajoutés aux menus.
La moyenne des rations, fournie exclusivement par la quan-
tité d'oeufs, de lait, de fromage qui vient d'être dite, et par des
céréales, des féculents (pas de légumineuses), des fruits et des
légumes verts (pas de boissons fermentées), fournit à cette per-
sonne un total quotidien de 1.800 calories et 60 grammes
d'azote ; soit pour un poids corporel de 45 kilos, 40 calories et
1 gr. 33 d'azote au kilo.
Actuellement, au bout de huit mois d'allaitement, l'enfant a
poussé avec une régularité mathématique, et de 3.000 grammes
poids de naissance, est arrivé au chiffre de 7 kil. 500. Jamais
l'enfant n'eut la moindre affection ; son poids n'a jamais fléchi
plus d'une journée. Son éruption dentaire s'est accomplie nor-
malement, à six mois. La mère, de son côté, toujours très en
train, se porte bien mieux qu'autrefois et continue l'allaitement
avec ce simple régime végétarien, sans éprouver le moindre
malaise.

Tuberculose pulmonaire et génito-nrinaire.

M. Jor..., 32 ans. Famille arthritique. Artério-sclérose, eczé-


mas, nervosisme, rhumatisme, dans les antécédents.
Le malade a eu la rougeole à 7 ans ; puis on note en 1889 une
fièvre typhoïde ; en 1890, une grippe traînante, qui dura deux
mois, et en 1893 une appendicite avec abcès, qui se vida spon-
tanément dans l'intestin, deux heures avant l'intervention chi-
rurgicale, qui de ce fait fut. évitée.
En juin 1905, se déclara une lésion bacillaire légère du som-
met droit, et un mois plus tard, une localisation épididymaire
gauche.
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALÎËNNËS 405
A la suite d'un traitement suralimentaire et. médicamenteux
classique, les lésions ne firent que s'aggraver et subirent les
progressions suivantes : en août 1905, l'épididymê droite se prit
à son tour ; en janvier 1906, là cystite bacillaire se déclara et la
prostate fut prise également ; en février, l'épididymite gauche,
considérablement accrue, se ramollit, s'abçéda et se fistulisâ.
Pendant toute cette période, la suralimentation fut continuée
et lés traitements locaux les plus variés furent essayés, sans
grand succès ; les urines étaient très purulentes, très souvent
hémorragiques, contenaient des bacilles de Koch ; les dou-
leurs vésicales et les mictions pénibles et incessantes tortu-
raient lé malheureux, malade, qui passait son existence à res»
ter alité et à souffrir.
Finalement, en août 1906, se déclara une poussée d'entéfo-cô-
lite qui donna l'éveil du côté de la diététique et obligea, par la
sensibilité intestinale, les troubles, digestifs et la fièvre, de re-
-cOurlr à l'alimentation végétarienne. Dès qu'une amélioration
était obtenue dans l'état intestinal et génital, on essayait dé
nouveau de l'alimentation « fortifiante », et, à chaque fois,
c'étaient la succession des mêmes crises entérâlgiques, des mêmes
poussées hypertrophiqu.es et s.Uppurativés des noyaux tuber-
culeux, et lé même retour des crises d'hématurie et de cystalgie.
Au début de l'année 1907, je suivis et guidai le traitement de
ce malade. Il â une sclérose du sommet droit, une exostôse de
la clavicule droite, reliquat, d'un ancien foyer d'ostéite ba-
cillaire : il est très ichtyosiqué et très variqueux. Du côté
abdominal, on note une vive sensibilité du creux épigastrique
et de la région coecale.
Du côté génital, à droite, il y a une hydrocèle et des lésions
inflammatoires du volume des deux pôings,aVêc une épididymite
en cimier de casque, large comme deux doigts, bourrée de noyaux
tuberculeux fistulisés, A gauche, lés lésions sont moitié moin-
dres environ, La cystite est toujours très accentuée et la pros-
tate très hypertrophiée. Les reins, légèrement sensibles et aug-
mentés de volume, né sont peut-être pas Indemnes.
Le malade est mis au régime végétâlien strict, qui l'amélioré
et le met en état de résistance suffisante, pour supporter une in-
406 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

tervention chirurgicale, destinée à aider la nature et à énucléer


tous les foyers ramollis. J'exige cette simple ouverture, suivie
de curettage des noyaux caséifiés, comptant dans le relèvement
organique naturel, obtenu par le régime végétarien, pour par-
faire la guérison.
Le malade se releva très vite des suites de l'intervention et
ressentit immédiatement une amélioration générale évidente.
Puis, suivant sa diététique végétalienne, et se garant de tout
médicament, il est arrivé, malgré la gravité de ses lésions vési-
cales, malgré une légère atteinte rénale, malgré l'étendue des
ravages testiculaires et prostatique, à cicatriser tous ces foyers
tuberculeux et à reprendre, actuellement, une existence nor-
male et très active.

Tuberculose ganglionnaire cervicale suppurée.

Mlle Pi..., couturière, 19 ans. A un passé héréditaire arthri-


tique fort, chargé. Dans la branche maternelle, on retrouve des
lésions de rhumatisme déformant,jusque chez les arrière grands-
parents, des migraines, des troubles hépatiques (ictères, etc.),
de l'emphysème ; du côté paternel, l'obésité, le cancer, les ten-
dances congestives, et une forte tare d'origine éthylique.
Notre malade, élevée au sein, fut mise aux bouillies d'une
façon précoce, dès l'âge de 6 mois. Elle eut, étant enfant, quel-
ques maladies infectieuses, la rougeole entre autres. A partir
de 13 ans, elle souffrit de crises de bourdonnements d'oreilles,
puis de débâcles diarrhéiquôs périodiques qui, chaque fois,
duraient trois semaines.
En 1905, lés troubles auriculaires s'accrurent, s'accompa-
gnèrent d'étourdissements, de faiblesses, de syncopes même. Un
médecin fut consulté, qui attira l'attention sur de très petites
glandes, au niveau du cou, et prescrivit un. régime fortifiant
« »,
avec force viandes saignantes et oeufs .et des médicaments to-
niques : quinquina, sirop iodo-tannique.
Ce régime stimulant ne fit qu'augmenter,
peu à peu, les trou-
bles pléthoriques les étourdissements, les étoufïements toxi-
:
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIENNES 407
ques et, du même coup, fit progresser les ganglions tuberculeux
si bien qu'en 1909 la situation était devenue très sérieuse.
Ace moment, auniveau de la base du cou à droite, située sous
le sternô-mastoïdien, se trouve une masse ganglionnaire, de la
grosseur d'une pomme d'api, mal délimitée, s'enfonçant derrière
la clavicule ; la peau est sur le point de s'ulcérer. Une ponction
ramène du pus.
Depuis quatre ans, la malade et son entourage ne songent
qu'à combattre un soi-disant état de faiblesse par les « forti-
fiants », et. leur parler de restreindre l'empoisonnement alimen-
taire, revient à prêcher dans le désert. J'obtiens seulement l'ali-
' mentation non forcée et l'abstention de tout médicament. A
quelque temps de là, on vient me retrouver. Le mal a empiré,
on a, malgré moi, fait pratiquer une série de piqûres au caco-
dylate de soudé et, à la suite, s'est faite une seconde fistulation,
voisiné de la première, et surtout, une grosse hypertrophie de la
masse qui â, maintenant, le volume du poing, avec infiltration
diffuse du sterno-mastoïdien dans sa moitié inférieure et de tout
le creux sus-claviculaire, qui éloigne la possibilité d'une inter-
vention chirurgicale.
A force d'insister et de montrer les dangers des errements dié-
tétiques, on se résout à essayer de la thérapeutique végétarienne,
et à supprimer, pendant quelques jours seulement, la viande.
Je revoisTa malade au bout de dix jours ; Une amélioration
locale considérable s'est produite, la région s'est assouplie, le
ganglion peut même être mobilisé. Mais les parents, terrorisés
par la crainte de la faiblesse générale, qui ne peut manquer de se
produire par la privation de viandes, disênt-ils, me supplient
d'en autoriser de nouveau. Je résiste énergiquement et demande
de continuer encore à suivre ce même traitement une ving-
taine de jours.
Après cette nouvelle période, le mieux s'est accentué. Le
sterno-mastoïdien s'est libéré, et le ganglion maintenantrétracté
suppure de moins en moins. Les choses/traînant trop à mon gré,
et voyant d'autre part que ma malade commence: à se rendre à
l'évidence des faits, je me décide à employer les grands moyens.
Je fais supprimer le lait, les oeufs, le beurre, et prescris le régime
408 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

végétalien strict hypoconcentré. En même temps, comme les


pansements, faits à l'eau probablement trop salée, ont amené
de l'irritation périfistulaire, j'ordonne des applications locales
d'une pâte à l'oxyde de zinc, pour atténuer l'érythème.
L'effet du régime dut être subit, car, au bout de trois jours,
la mère de la malade m'écrit qu'elle « n'en peut croire ses yeux »
tellement « tout est plat » ; la région s'est affaissée, l'écoulement
s'est tari, et la facilité des mouvements du Cou est récupérée en
totalité. Elle ne sait comment me remercier des bons effets... de
la pommade, car, au fond d'elle-même, elle ne peut se figurer que
le régime est l'auteur de cette brusque métamorphose.
Pendant trois mois, le calme et la guérison persistent, quand
un jour je vois revenir la mère et sa fille affolées. Depuis quel-
ques jours, des étourdissements sont survenus et, ce qui est pire,
des engourdissements du bras droit, de l'injection vasculaire de
l'oeil droit ; la malade même se plaint de ne presque plus voir
de cet oeil.
La compression nerveuse du plexus brachial et du ganglion
cervical inférieur sympathique est manifeste. Le visage est con-
gestionné, et, comme autrefois, le lobe gauche du foie est rede-
venu très douloureux. En même temps, la fistule s'est rouverte
et donne de nouveau de la sérosité muco-purulente.En profon-
deur, les dégâts sont moindres que ne le feraient supposer tous
ces signes inquiétants, et l'hypertrophie inflammatoire est mo-
dérée.
Justement surpris, je demande si le régime végétalien est
toujours strictement suivi, et on m'avoue que depuis une dizaine
de jours, on a repris de la côtelette de veau, des oeufs et du vin.
Cette contre-expérience faite involontairement est magni-
fiquement démonstrative. J'en fais ressortir toute la valeur et on
me promet de ne plus recommencer à déroger aux prescriptions.
Le surlendemain de la reprisé de la thérapeutique végéta-
lienne stricte hypoconcentrée, tout le cortège des troubles mor-
bides locaux et généraux cessait d'exister. Et depuis plus d'un
an, sans aucune aide médicamenteuse quelconque, la malade
reste guérie ; localement, il n'y a plus qu'une cicatrice cuta-
née souple, non douloureuse et toute la région retrouvé son
a
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIENNËS 409
aspect et sa consistance normaux. L'état général est de plus en
plus satisfaisant, la malade qui auparavant était triste, le regard
terne, le teint jaunâtre, a maintenant la figure gaie, vive et
rosée.
La guérison fut obtenue à l'aide de la douzaine habituelle
d'aliments végétaliens hypoconcentrés et de la minime ration
de 1.900 calories et de 46 grammes d'azote. La malade pesait
un poids normal de 60 kilos toute habillée, et n'a guère bougé
de ce poids pendant la durée du traitement.

Tuberculose pulmonaire, laryngée et articulaire.

- Dub..., 37 ans. Négociant, Antécédents héréditaires et per-


sonnels arthritiques.
En 1904, début par hémoptysie. Ce malade fut soigné par la
suralimentation. Il eut ensuite seize hémoptysies en l'espace de
2 ans, maigrit et fut pris de laryngite assez intense.
On augmenta alors de plus en plus la dose d'alimentation et
chaque jour en dehors des repas, le malade absorba 200 gram-
mes de viande crue et 8 oeufs. Des séries de piqûres de câco-
dylate furent faites à ce moment.
Ce traitement ne fit qu'empirer les choses et amena même
l'éclosion d'une troisième localisation bacillaire sur le genou
gauche.
Ce malade vint me consulter à ce moment, au début de 1908.
La voix est très voilée, et la laryngite très accusée. Le pou-
mon droit, au sommet en avant, et dans toute la hauteur en ar-
rière, est parsemé de râles secs, fins, qui crépitent en. pluie à la
toux.
Le genou gauche apparaît très gonflé. On note en le palpant
.

un épaississement fongueux des culs de sac synoviaux très


prononcé, de l'hydarthrose et une grosse hypertrophie dou-
loureuse du plateau tibial interne. On peut encore imprimer
des mouvements à l'articulation, mais ils sont douloureux et
-s'accompagnent de craquements. Le triceps est très atrophié.
Le foie est douloureux, et l'estomac très dilaté.
410 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

L'affection articulaire ayant malgré tout une allure tor-


pide, le malade est laissé sans immobilisation absolue et mis
régime végétalien strict. Au bout de quelques semaines, une
au
amélioration flagrante se produisit sur toute la ligne. L'appétit
revint plus vif, la voix reprit sa netteté ; le poumon se débar-
rassa de ses foyers congestifs et l'articulation se libéra peu à peu
de son inflammation, si bien que le malade put rapidement
marcher et reprendre son travail assez fatigant ; il traîna seu-
lement un peu la jambe pendant trois mois. Sa guérison s'est
maintenue depuis.

Tuberculose pulmonaire ulcéro-caséeuse.


(Observation du Sanatorium.)

Ter...., 34 ans. Arthritisme héréditaire congestif très mar-


qué : congestion cérébrale avec hémiplégie chez le père ;
congestions, rhumatismes, eczéma, nervosisme, migraines,
obésité, asthme, diabète dans la branche maternelle.
En 1897, fièvre typhoïde.
En 1903, pleurésie gauche, séro-fibrineuse,. non ponctionnée
et soignée par la suralimentation : 200 grammes de viande crue
et six oeufs par jour. Une forte hémoptysie en résulta.
Elle se remit, de ces accidents, mais toujours très passagère-
ment, travaillant quelques mois pour retomber chaque fois
plus malade ; jusqu'en 1908,' elle eut ainsi cinq à six petites
hémoptysies et toute une série de poussées pulmonaires
fébriles.
A ce moment, les lésions pulmonaires s'aggravèrent, et il. se
fit dans son poumon une excavation assez volumineuse, puisque
quand la malade se déplaçait elle percevait comme un bruit de
glou-glou de bouteille, et que sa toux, dit-elle, résonnait comme
dans un tonneau.
.
A son arrivée à BréVannes,.en août 1909, on trouve effecti-
vement, sous l'omoplate droite, un peu au-dessous du sommet,
une cavité des plus nettes, avec souffle amphorique, gargouil-
lement et, par ailleurs, dans les deux sommets, des pluies de
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIENNËS 411
craquements humides. Les bacilles abondent dans les crachats.
Les lésions gastro-hépatiques sont très graves. Le foie très gros
et très sensible, l'estomac énorme et clapotant, le syndrome hy-
posystolique très marqué : la langue rosée avant les repas,
devient noire après les prises alimentaires.
La malade, considérée comme perdue, est mise au régime
carné mitigé, sans suralimentation ni médicaments, Cette sup-
pression dé toute intoxication exogène, amena une améliora»
tion rapide et stupéfiante : les bruits caverneux diminuèrent
peu à peu d'étendue, d'intensité, se firent de plus en plus loin-
tains, si bien que trois mois plus tafd, on ne pouvait plus déceler
le moindre signe cavitaire et que la malade ne gardait plus dans
ses deux sommets, aussi bien en avant qu'en arrière, que de
légers craquements humides. Aussi, en mars 1910, ayant con-
servé son poids d'entrée, 54 kilos, la malade qui n'a plus dans
ses poumons que des râles congestifs fins, qui ne crache plus et
n'a plus de fièvre, peut reprendre ses occupations.
Malheureusement, malgré -toutes les objurgations, elle se
remit, n'étant plus surveillée, à manger, à se gaver, et une-re-
chute inévitable s'en suivit.
Au bout de trois mois, il s'était fait dans- les sommets des
signes de fonte rapide, avec atteinte grave de l'état général,
qui, une fois de plus, me firent porter un pronostic fatal. Les

_'-
deux sommets., le gauche en avant, le droit en arrière, .soufflent,
gargouillent et sont bourrés de gros râles cavernuleux. L'ex-
pectoration est revenue et de nouveau fourmille de bacilles de
Koch.
La situation paraissait irrémédiable. L'impossible est pour-
tant tenté et la diététique fait l'objet d'une étude suivie et
raisonnée. La viande, même blanche, reconnue comme donnant
des poussées pulmonaires et des accès fébriles, fut supprimée,
puis le lait, les oeufs, les légumineuses et, peu à peu, par res-
trictions successives, la malade se trouva au régime végétalien
strict,-à la cure de fruits. Dé nouveau, un changement extraor-
dinaire, imprévu, inespéré, s'obtint dans les deux sommets ra-
mollis. La fièvre tomba ; la soif si ardente céda, les insomnies
rebelles ne se reproduisirent plus, l'expectoration très abon-
412 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

dante se résuma à l'expulsion de 2 ou 3 crachats quotidiens,


contenant à peine quelques bacilles. Ce fut une nouvelle résur-
rection, et la reprise du travail fut de nouveau possible, au bout
de quatre mois.
Combien durera cette considérable et invraisemblable amé-
lioration ? Il est difficile de le dire, parce que la malade, abso-
lument incorrigible et indocile, revient à ses fatales erreurs ali-
mentaires dès qu'on ne la surveille plus. Quoi qu'il en soit, le
fait seul de ces retours à la santé satisfaisante obtenus après
des assauts aussi rudes, grâce à des restrictions alimentaires
de plus en plus sévères, et si éloignées des données courantes,
est suffisamment démonstratif par lui seul.

Spléno-pneumonie tuberculeuse.
(Observation du Sanatorium.)

Dug..., 31 ans, couturière. Diabète, hémiplégies, obésité


maladies de foie, migraines, nervosisme, dans les antécédents
héréditaires.
Cette malade a vécu en province, jusqu'en 1908. Elle n'y fit
jamais de grandes maladies et son hygiène alimentaire laissait
peu.à désirer, puisqu'elle ne mangeait de la viande, à son dé-
jeuner, que deux fois par semaine, et d'une façon tout à fait
exceptionnelle au dîner.
Pendant un an, après son arrivée à Paris, elle continua ce
même régime, jusqu'au jour où, lasse d'entendre des voisins lui
affirmer qu'«elle allait se débiliter, ànémânger que des légumes,
et que la viande, surtout prise crue, était seule capable de don-
ner de la force et de préserver des maladies », elle se mit à son
tour à en consommer. Elle délaissa donc les légumes, fit entrer
la viande dans les menus de ses deux repas et, de plus, sans
aucun motif de maladie, dans le seul but avoué de faire comme
tout le monde, et de se « fortifier » davantage, elle prit chaque
jour, à midi, de la viande crue, hachée dans du bouillon.
Au bout de quatre mois de cette zomothérapie préventive,
cette personne fut prise de fièvre, d'épistaxis, de points de côté
OBSERVATIONS DE CURES VÉGÉTALIENNES 413'

et se mit à tousser et à cracher. Elle va en consultation dans un


dispensaire : on lui dit qu'elle est « anémique » et qu'il
y a lieu plus que jamais de continuer l'usage de la viande
crue.
Son état s'aggraVant de plus en plus, elle rentre à l'hôpital, où
on la soigne pour une pleurésie gauche : on lui fait une ponction
exploratrice, et on est fort surpris, raconte-t-elle, de ne pas ra-
mener de liquide. On en reste là et le traitement classique est
prescrit (150 grammes de viande crue, julep codéine, teinture
d'iode gaïacolée).
Au bout d'un mois la malade quitte l'hôpital, rentre chez elle,
se sentant très faible, allant un jour bien, un jour mal, et fina-
lement, au bout de six semaines, revient de nouveau dans le
même service hospitalier.
On la reconnaît : c'est une ancienne pleurésie, qui garde tou-
jours ses signes pulmonaires ; on la reponctionne, et de nouveau,
on s'étonne dé ne rien trouver. La malade est envoyée alors à
Brévannes.
Là, je trouvé une vieille lésion scléreuse du sommet droit,
chez une arthritique qui présente d'autre part le syndrome
hyposystolique par réflexe hépatique au complet. L'étiquette
pleurésie fait son office et est momentanément conservée. Il
y a, à gauche, de la matité, de l'égophonie, de la pectoriloquie
aphone. La malade est mise au régime carné normal, et aux
sels alcalins.
Au bout dé six semaines,- au cours d'une révision, je m'aper-
çoit qu'elle reste subfébrile entre 37°2 et 38°, et que le foyer
pleural s'est aggravé. La respiration obscure s'est muée en un
souffle tubairê intense, qu'accompagnent de très gros râles ca-
vernuleux, et le foyer, qui simule la pneumonie caséeuse, est
reconnu, cette fois, pour une spléno-pneumonie. La ponction
exploratrice renouvelée, reste toujours négative.
Il y a un peu plus d'expectoration qu'à l'entrée, et on y re-
trouve quelques bacilles tuberculeux. La cuti-réaction est posi-
tive.
Tous les petits signes d'intoxication arthritique sufalimen-
taire sont au complet : douleur épigastrique, épistaxis, eau-
414 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

chemars, bouffées de chaleur et de congestion faciale après les


repos,.dyspnée toxique.
La malade est mise alors au régime végétalien strict et à la
cure de fruits. Immédiatement une grosse amélioration se fit.
Tous les petits signes énumérés plus haut disparurent, et
localement le foyer diminua d'intensité et d'étendue, si bien
que quand la malade, son temps de séjour terminé, un mois après
la nouvelle diététique, quitta le service, elle ne conservait plus
qu'un peu de rudesse respiratoire et de fins froissements ami-
donnés au niveau de la base gauche.
Je n'ai pu la suivre depuis, mais je suis bien persuadé qu'elle
a dû continuer à s'améliorer et à guérir, si elle n'a pas modifié
son régime, et qu'au contraire, tout a dû s'aggraver, si elle est
revenue à ses anciens errements.
CHAPITRE XVI

ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS

«L'estomac est pour le tuberculeux le


laboratoire dé la guérison. »
G-RANOHEE.

Les notions courantes concernant la valeur nutritive, et


surtout, le mode d'action et les effets des principaux ali-
ments, sur l'organisme fatigué des tuberculeux, m'ont
paru si imparfaites et souvent si entachées d'erreurs,
au cours de mes expériences cliniques, que je ne crois pas
inutile d'en compléter l'étude. La prescription médicamen-
teuse étant, trop souvent, comme nous le verrons, réduite
à sa plus simple expression, il est indispensable de bien con-
naître tous les effets nocifs ou bienfaisants, qu'on doit reti-
rer de l'emploi et du dosage de chaque aliment, puisque la
thérapeutique sera forcément plus diététique que chimique. A
l'arthritique tuberculeux, plus qu'à tout autre malade,
s'applique le mot de Voltaire « Régime vaut mieux que méde-
cine ».

LA VIANDE

Le préjugé de la viande, et l'erreur ancrée dans les esprits


sur sa valeur énergétique, confondue avec son pouvoir
416 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

-d'excitation toxique sont tels, que, bien souvent, dire à


un malade qu'on sera obligé de lui défendre l'usage de cet
aliment, c'est s'attirer cette réponse : « mais, vous voulez
•donc que je meure de faim » ?
Sans vouloir répéter les griefs déjà énumérés, on peut
faire remarquer avec Hâig (1) que son mode d'action dans
l'organisme est comparable, vis-à-vis des autres aliments,
à celui d'une huile à force explosible opposée à une huile à
•combustion lente. C'est cette saccade stimulatrice qui lui
rallie tant de partisans, inconscients de la dépression consé-
cutive, de l'atténuation progressive de sa valeur exci-
tante, de l'usure et de l'empoisonnement lents qu'elle accu-
mule dans nos viscères.
Les avertissements répétés de cliniciens tels que Lucas-
Championnière, Huchard, sont restés, sur ce point, lettre
morte. La responsabilité manifeste de la nourriture carnée
dans l'éclosion de l'infection appendiculaire, mise en lu-
mière par le premier de ces auteurs, est ainsi confirmée par
Collière (2) : « En Roumanie, les statistiques indiquent que,
sur 22.000 malades de la campagne, presque tous végéta-
riens, il n'y a qu'un cas d'appendicite, tandis que dans les
villes où la population se nourrit de viande, on en compte
un cas sur 221 habitants ». Les trente années d'expériences
et d'observations du professeur Huchard, consignées dans
de nombreux travaux, montrant le rôle primordial joué
par l'intoxication carnée dans l'apparition et l'entretien des
cardiopathies, des dyspnées soi-disant nerveuses, angi-
neuses, de croissance, de l'asthme avec empbysème, de l'ar-
tério-sclérose, n'ont frappé l'attention que d'une minorité.
La proclamation des méfaits de la viande crue et de la sur-
-alimentation carnée, par les phtisiatres déjà nommés, n'a
pas été entendue.
(1) Haig. Le régime alimentaire. (Traduction),
p. 39.
{2) Collière. Végétarisme et Longévité.
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 417
Bouchard, de son côté, n'a-t-il pas écrit : « Je ne veux
point qu'on fasse du travail musculaire avec de la viande...
Les médecins sont coupables de cette grande erreur... C'est
à eux, au contraire, de faire connaître la vérité et de mon-
trer quels abus on fait de la viande et quel préjudice il en
résulte, non seulement pour la richesse publique, mais aussi
pour la santé publique ! »
Dangereuse pour des individus sains, pour les débilités,
l'alimentation carnée est d'autant plus redoutable pour les
arthritiques tuberculeux. Chez l'arthritique en grave hypo-
fonction hépatique, le suc musculaire peut être considéré
comme passant directement dans le courant circulatoire.
Les conséquences de l'insuffisance de neutralisation hépa-
tique, mises en évidence par l'expérience de la fistule d'Eck,
furent encore confirmées par les recherchés de Ch. Richet (1)
qui, en pratiquant une injection sous-cutanée de 5 centi-
mètres cubes de suc musculaire par kilo d'animal, pro-
voqua des lésions viscérales énormes. Et, il s'agit bien là
d'une toxicité spécifique, puisquel'albumine du blanc d'oeuf,
même à forte dose, est incapable de déterminer des effets
aussi graves.
La poudre de viande est peut-être encore plus nocive.
Après avoir recherché expérimentalement sur le chien, sa
valeur alimentaire réelle, Lassablière (2) conclut ainsi :
« Les poudres de viande constituent un agent
de dénutri-
tion très actif ; on ne peut les ranger au nombre des aliments
physiologiques. Probablement, elles sont non seulement
inutiles, mais dangereuses ».
Le préjugé de la viande, que le corps médical a tant fait
pour accréditer et propager, est tel encore, qu'on en est
venu à prescrire du jus de viande à des nourrissons, à la
dose de plusieurs cuillerées à café par jour ! Dans la seconde

(1) Ch. Richet. Du sérum musculaire. Académie des Sciences, 1900.


(2) Lassablière. Société de Biologie, avril 1907.
27
418 ETUDE THÉRAPEUTIQUE

enfance, toute indisposition, toute maladie est soignée à


grand renfort de viande saignante. L'enfant a beau pleurer,
supplier, les parents, bien intentionnés et fidèles exécuteurs
de l'ordonnance, résistent aux cris et aux larmes et, à
chaque repas, c'est, pour arriver à faire prendre à l'enfant
une nourriture que son instinct lui fait refuser, la même répé-
tition des promesses, des menaces, le même conflit entre
là voix de la nature et l'inconscience lamentable de gens
qui se font les propres auteurs de leurs maux.
N'est-ce pas le cas de rappeler l'amère réflexion de Tha-
lasso : « Si les hommes tuent les animaux, les animaux le
leur rendent bien »?

LES OEUFS

En général, l'oeuf est le premier aliment d'origine ani-


male qui est accepté sans malaises par l'organisme arthri-
tique, quand on remonte la gamme des régimes restrictifs.
Il est infiniment moins toxique que la viande, le beurre et
même le lait, à la condition, toutefois, d'être, au début, pré-
senté dilué, incorporé à d'autres mets tels que : pâtisseries
et entremets légers, gâteaux de riz,' de semoule, charlotte
aux fruits. Il y a lieu, toutefois, de tenir compte de certaines
susceptibilités individuelles ; on a en cité d'extraordinaires
(Mauté) (1). Les malades qui présentent une telle incompa-
tibilité sont le plus souvent justiciables du régime-végéta-
lien strict.
L'oeuf frais ne contient pas de purines, et il faut vraiment
qu'il soit peu toxique, quand on songe à la longue endurance
organique constatée, au cours de certaines cures surali-
mentaires, où les oeufs ont été prescrits et absorbés jusqu'à
la dose de 18 par jour, apportant ainsi, à eux seubvun
(1) Mauté. Intoxication par les oeais. Journal des Praticiens, janvier
1910.
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 419
total de 258 grammes d'azote qui, vraiment, est fantastique,
quand on sait que 50 grammes suffisent à équilibrer des
rations de travail ! Aussi, dans les cas d'intoxication arthri-
tique modérée, ne devra-t-on jamais permettre plus de
deux oeufs par jour, et encore, pas d'une façon suivie, car
l'estomac et surtout le foie arthritiques se fatiguent vite à
métaboliser les graisses lécithinées.
Le degré de cuisson influe beaucoup sur la toxicité des
oeufs. Ce qui fait qu'ils passent mieux, mélangés à d'autres
aliments, c'est qu'ainsi préparés, non seulement ils sont
moins concentrés, mais surtout ils subissent une cuisson pro-
longée. Pris à la coque, Sur le plat, ou gobés crus comme on
a l'habitude de les prescrire aux tuberculeux, ils sont dan-
gereux, même s'ils sont très frais. Linossier et Lemoine (1),
nous l'avons déjà vu, ont démontré expérimentalement
cette toxicité et prouvé que l'emploi des oeufs crus ou insuf-
fisamment cuits devait être interdit dans les régimes hypo-
toxiquês, dès qu'on se trouve en présence de foies dont le
fonctionnement laissé à désirer.

LE LAIT ET SES DERIVES

Le lait, que l'on a longtemps prescrit à tort et à travers,


est loin de constituer la panacée universelle que l'on croyait.
D'une façon générale d'abord, c'est un aliment de crois-
sance, destiné à être digéré par des estomacs jeunes, riches
en labfèrment. Or, comme le fait remarquer Pages, l'adulte
« n'a pas, pour bien digérer le lait,-la présure qu'il faut, et
il a la pepsine qu'il ne faut pas », Rien d'étonnant alors à
ce qu'il provoque si souvent des fermentations gastriques,
acétiques et butyriques, auxquelles est si sensible l'arthri-
et Lemoine. Recherches sur le régime alimentaire.
(1) Linossier
Presse Médicale, n° 18,1910.
420 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

tique tuberculeux. Ces inconvénients ont déjà été signalés


avec insistance par Glénard, Pascault, Bourget, Pages,
Monteuuis, Meunier (1), au cours de leurs recherches dié-
tétiques.
Souvent mal accepté chez l'individu normal, il produit
toujours des effets désastreux, quand on l'introduit dans
l'estomac atone et clapotant d'un d3"speptique tuberculeux;
il stagne dans la grande courbure ectasiée et y fermente de
longues heures ; il enraye la digestion des aliments avec les-
quels il se trouve mélangé, et parfois se prend en bloc, ce
qui rend impossible son attaque par le suc gastrique, et la
traversée pylorique.
Passé dans l'intestin, il fermente encore davantage et
nécessite, par la constipation qu'il provoque, l'emploi de
laxatifs énergiques.
En somme, toxique par 'ses leucomaïnes, ses ptomaïnes,
par les fermentations acides, par l'auto-intoxication de
constipation qu'il engendre, le lait demande à être intro-
duit avec prudence dans les régimes des tuberculeux.
Pris pur et à dose massive, il ne passe jamais; prescrit à
doses fractionnées, mélangé à du pain soigneusement mas-
tiqué, on a de plus grandes chances de ne pas le voir pro-
voquer de troubles dyspeptiques. Les mêmes recherches
de Linossier et Lemoine montrent que, comme les oeufs, le
lait perd de sa toxicité naturelle par la cuisson et qu'on a
tout intérêt à le faire bouillir. D'ordinaire, il ne faudra donc
le permettre que dans la confection des plats qui en récla-
ment, et toujours le prohiber comme boisson prise à table.
Mélangé ainsi à forte dose aux aliments, il entrave leur
digestion, les fait fermenter, et, de plus, pousse à la surali-
mentation, car, présenté de cette manière, les malades sont
tentés de le considérer comme une boisson anodine, dont
on peut abuser impunément.
(t) Meunier. Les victimes du lait.
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 421
La plupart de ces inconvénients sont atténués ou dis-
paraissent, si l'on prend soin d'administrer le lait caillé,
après qu'il a subi la fermentation par les bacilles lactiques
et paralactiquês. Ce qui constituait le gros danger du lait
non modifié, c'étaient les fermentations, les putréfactions
et l'arrêt circulatoire que sa présence provoquait dans l'in-
testin. Prescrit nature dans les entérites, il réalisé le
moyen le plus sûr de les aggraver. -
Il en va tout autrement du lait caillé. Sa richesse en acide
lactique et en bacilles acidifiants, dont On sait, depuis les
recherches de Tissier, l'action paralysante sur les microbes
de putréfaction, le transforme en un aliment antiseptique.
Le mot n'est pas exagéré ; Metchnikoff (1), un des vulgari-
sateurs du lait caillé, n'écrit-il pas : « Le lait aigri, grâce
à son acide lactique, est capable même d'empêcher la pu-
tréfaction des viandes. Aussi, dans certains pays, conser-
ve-t-on la viande dans le petit lait acide, car ce mode de con-
servation préserve de toute putréfaction ».
Les plus employés sont le képhyr et le yahourt. Le pre-
mier a l'inconvénient de contenir de l'alcool ; les deux néces-
sitent une préparation minutieuse et coûteuse, qui en fait
des aliments de luxe. Aussi ne puis-je comprendre quel
avantage on â à se servir de ferments lactiques dépaysés,
et à emprunter à de lointaines contrées des microbes qui ne
peuvent en aucune façon s'acclimater chez nous, nécessi-
tent un matériel de culture compliqué et de perpétuels
réensemencements. D'autant plus, que ces bacilles qui nous
viennent sous formés d'agglomérats, souvent fort impurs,
n'ont aucune supériorité clinique sur nos races de bacilles
lactiques. N'est-il pas plus simple alors de s'adresser, pour
faire cailler le lait, à l'une de nos espèces locales qui, par-
faitement adaptées à notre climat, sont aussi résistantes
aux infections secondaires, poussent facilement à des tem-
(1) Metchnikoff, Essais optimistes, p. 216.
422 ETUDE THÉRAPEUTIQUE

pératures moyennes, rendant ainsi inutile toute dépense,


tout souci matériel.
Après avoir étudié expérimentalement et cliniquement
plusieurs races paralactiques que je me suis fait adresser
de diverses provinces françaises, mon choix s'est fixé sur
une variété d'origine bretonne qui, depuis deux ans, me
donne dans la pratique hospitalière, toute satisfaction. Ce
ferment m'a été indiqué par M. R qui avait remar-
,
qué sa constance, sa facilité de culture, son goût délicieux et
ses excellents effets, au cours de ses séjours dans le coin de
Bretagne qu'il affectionne.
En Bretagne, sa préparation s'accomplit ainsi : Le lait,
aussitôt trait, est réparti dans de grands récipients, dans
lesquels on verse et mélange une cuillerée à pot, de lait, pris
dans le plat qui contient celui qui fut caillé précédemment.
L'ensemencement se pratique donc, dans le lait encore
chaud, à l'aide de bacilles recueillis sans précautions spé-
ciales et mélangés au lait qui leur a servi de milieu de cul-
ture. On obtient ainsi, très rapidement, un lait de consis-
tance sirupeuse, ayant un goût de crème, et une légère aci-
dité très agréables.
En pratique, il suffit de modifier très peu cette technique,
qu'un long usage a enseigné aux paysans bretons. Pour
éviter la contamination massive du lait qui, à Paris, arrive
fatalement souillé, il suffit de le faire bouillir, de le verser
dans des pots de un ou deux litres et, quand il est redevenu
tiède, de l'ensemencer en ajoutant deux cuillerées à soupe
de lait caillé de la veille, par litre de lait. En 24 heures en^
été, en 48 heures en hiver, si on prend soin de le placer dans
un endroit un peu chaud, le lait est caillé, et prêt à être
consommé. Il peut être pris nature ou mieux être ajouté
à table dans les salades qu'il suffit alors à assaisonner ou
dans les légumes chauds qu'il lie et relève agréablement.
Ce ferment, qui ne peut être l'objet d'aucun
commerce,
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 423
puisqu'il est à la portée de tous dans la nature, peut d'ail-
leurs se remplacer par d'autres ferments locaux qui, bien
que de goûts différents, se traitent de même manière et
produisent des effets équivalents.
L'emploi du lait caillé provoque chez les arthritiques
tuberculeux qui peuvent le supporter sans inconvénients,
lés excellents résultats habituels sur l'antisepsie gastro-
intestinale, et les lésions inflammatoires entéro-coliques
'(diminution dis fermentations et désodorisation des selles).
De plus, j'ai toujours remarqué, à la suite de son usage, une
plus grande facilité des digestions et une disparition rapide
des engorgements hépatiques.
Le lait caillé par la présure, ou la crème ordinaire ne
peuvent être utilisés en guise de lait fermenté parce qu'ils
sont pour ainsi dire dénués de bacilles lactiques et par
suite privés des avantagés du lait acidifié par ces mi-
crobes.
Mais tout n'est pas que bénéfice dans remploi du lait
caillé. Il y a lieu de distinguer. Dans les cas légers, moyens
même, on a avantage à prescrire, à chaque repas, une dose
modérée, un verre par exemple, de lait caillé qui aura une
action nutritive, digestive et antiseptique efficace, parce que
de tels malades, caractérisés par une atteinte gastro-hépa-
tique encore peu accusée, peuvent très facilement neutrali-
ser la petite quantité d'acide lactique ainsi introduite et
voir diminuer en même temps, légèrement, le taux de leur
absorption d'azote (1), dont les arthritiques ont toujours de
trop.
Mais dans l'hyponépâtie plus accentuée, le lait caillé
ne donne que des ennuis. Son acide ne peut plus être neu-
tralisé par des cellules épuisées et son action s'ajoute à celle
des autres acides endogènes, aggravant la diathèse et abou-
ti) M.Labbé. Les effets de la bactériothérapie lactique sur la diges-
tion intestinale. Presse Médicale, n° 65, 1909,
.
424 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

tissant à ses deux conséquences qui sont sur le même plan r


la décalcification d'une part, avec tout le Syndrome de
Ferrier : agacement des collets dentaires, etc., et l'affai-
blissement de la résistance des tissus que mettent en lu-
mière les excoriations nasales, les fissures buccales, les
-

kératites et conjonctivites récidivantes, les éruptions cuta-


nées, et surtout les poussées des foyers tuberculeux.
Pour ces cas d'intoxication extrême d'ailleurs, caillé
ou non caillé, le lait reste interdit ; caillé, il intoxique par
son acide lactique ; non caillé, par ses fermentations acides
anormales, au cours de la traversée du tube digestif.
D éf endu dans ces mêmes circonstances, le fromage peut être
recommandé à dose modérée et espacée, quand l'intoxication
est plus légère. Les fromages blancs non fermentes seront
absorbés en même temps que du pain soigneusement mas-
tiqué, pour éviter les fermentations gastriques et pour favo-
riser leur digestion par leur division et leur mélange parfaits.
On peut', quand ils sont bien tolérés, essayer des fromages
cuits : le Hollande d'abord, puis le Gruyère, mais il faut
écarter le Port-Salut, le Pont-1'Evêque, qui sont trop
toxiques. Pris plus tard encore, en petite quantité, les fro-
mages de Brie, de Camembert, de Coulommiers, par les
levures et les bacilles paralactiques qu'ils contiennent, pro-
curent une aide digestive certaine, et possèdent.une action
Joactériothérapique comparable à celle du lait caillé.

LES CEREALES

De tous les aliments à base de céréales, le plus précieux:


pour l'arthritique tuberculeux, c'est le pain. Il est même à
placer bien avant les pâtes. C'est à cet aliment que ces-
malades doivent emprunter la plus grande partie de l'azote
qui leur est indispensable. Je ne crains donc pas de le laisser
ÉTUDE DE QUELQUES ALIMENTS 425
prendre et même à forte dose, n'ayant jamais pu lui im-
puter, au cours de mes expérimentations cliniques, une
aggravation diâthésiquêquelconque,pourvu que son absorp-
tion soit accompagnée de certaines prescriptions qui cou-
pent court aux petits inconvénients qu'on a coutume de
lui reprocher. Et, qui plus est, je recommande toujours
remploi du pain blanc ordinaire, présenté en longues ba-
guettes larges comme quatre doigts et très cuites. Je m'em-
presse d'ajouter que cette opinion favorable sur le pain
blanc, se limite au cas très spécial de l'arthritique tuber-
culeux assez touché déjà par l'intoxication liyperacide.
Par ailleurs, je m'associe complètement à la campagne
-qui se poursuit, pour la réhabilitation du pain bis, ration-
nel, dans l'alimentation dés gens bien portants. Mais, pour
des sujets dlathësiques, jouissant de petits moyens cellu-
laires, ce pain est trop concentré, trop riche en sels et même
ênpurin.es contenues dans les enveloppes et les parties sous-
corticales du grain (Haig, Thalasso), Dans les intoxications
un peu sérieuses, il m'a donné trop de mécomptes, et le
pain blanc trop de bienfaits, pour que l'hésitation soit
permise.
La longue période d'expérimentations cliniques, qui per-
mit à Haig (1) de plaider si chaleureusement la cause du
pain, et de le placer à la base de l'alimentation, constitue
une conrormité de vues que je ne puis m'empêcher de signa-
ler. Dans une de ses publications, vantant les avantages
de l'énergie plus longue, plus durable, que fournit le pain,
il écrit : « Ce métabolisme lent, explique en partie l'endu-
rance supérieure que manifestent les animaux granivores et
je pourrais ajouter les hommes qui se nourrissent de céréa-
les. Si vous voulez fournir un travail très dur pendant une
heure seulement, prenez du lait. Si vous voulez fournir un
(1) Hâig. Du régime alimentaire. Traduction Nyssens, pp. 49 et
-
suivantes.
426 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

travail continu pendant trois ou quatre heures, prenez du


pain ». N'est-ce pas précisément cet aliment peu concentré,
d'action douce, lente, progressive qu'il importe de fournir
aux cellules fatiguées de l'arthritique tuberculeux. Plus
loin, il dit encore : « Ceux qui n'aiment pas le lait ou le fro-
mage doivent se rappeler qu'une livre de pain peut leur
donner environ les trois quarts de la ration d'albumine qui
leur est nécessaire par jour... Parmi les aliments qui ne
contiennent pas d'acide urique, il (l'arthritique) peut choi-
sir ceux qui conviennent le mieux et en absorber la quan-
tité voulue ; cette règle peut se résumer en ces cinq mots :
ne mangez que du pain ».
Il est d'autant plus facile de donner une part prépondé-
rante au pain dans la diététique de nos tuberculeux,
que c'est là un aliment qui plaît au goût de notre race,
accoutumée à en faire un usage copieux, depuis des siècles.
Enfin, pour juger de sa valeur toni-nutritive, il suffit de
songer que c'est à la consommation prédominante du pain,
que nos précédentes générations, qui touchaient peu à la
viande, à l'alcool et au sucre, durent d'être si vigoureuses et
si endurantes.
Les principaux reproches qu'on a cru pouvoir lui adres-
ser, se résument à ceux-ci : C'est un facteur de dyspepsie,
parce qu'il fermente et suralimente, c'est un facteur d'ar-
thritisme parce qu'il contient lui-même des acides et qu'il
en produit en plus, dans le tube digestif.
Mais le pain ne fermente que dans les estomacs très ava-
chis. Dans de tels estomacs, il n'y a qu'à ne pas introduire
de substances grasses ou d'aliments d'origine animale, en
même temps que lui, pour voir les fermentations cesser.
Ce qui empêchait l'estomac de digérer le pain, ce n'était pas
une incompatibilité organique, mais un mariage de mau-
vais aloi avec des mets toxiques, gras, ou trop concentrés.
Même dans un estomac très, dilaté, introduisez du pain
en
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 427
compagnie d'un régime végétalien hypoconcentré ; si en
même temps vous prenez la simple précaution de le faire
mastiquer très soigneusement, d'assurer une circulation
intestinale rapide, et de cultiver par de très faciles exer-
cices, la sangle musculaire abdominale, il est certain que
votre malade ignorera tous démêlés de digestion avec cet
aliment, à moins qu'il ne soit irrémédiablement usé.
En somme, les incompatibilités du pain se décèlent dans
les dyspepsies moyennes, à l'égard des graisses surtout ani-
males, des viandes rouges et noires, des sauces et des sucre-
ries ; graisses, viandes fortes, sucre favorisent la culture des
levures et microbes de fermentation. Dans les formes gra-
ves, cette incompatibilité s'étend aux légumes préparés en
purée ; des pommes de terre prises diluées en purée fermen-
tent, tandis qu'absorbées àl'anglaise, enrobe, rissolées à sec,
elles s'assimilent avec le pain, sans le moindre incident. Dans
les estomacs particulièrement délicats, j'ai Vu aussi, au
petit repas du matin, la discordance s'établir entre le pain
et les fruits et ces derniers être admirablement digérés, dès
qu'ils étaient isolés.
S'harmonisent au contraire parfaitement avec le pain,
dans les cas moyens, les viandes blanches, les oeufs, le lait
caillé, les graisses végétales, les fromages fermentes, et dans
les dyspepsies graves tous les aliments végétaux non toxi-
ques et peu concentrés, crus ou cuits, même les choux et la
choucroute, à la condition essentielle qu'ils soient rigou-
reusement exempts de graisse animale ou végétale.
La digestibilité du pain se résume donc dans la connais-
sance de ses diverses incompatibilités. Si on sait discerner
et éviter les quelques associations désharmoniques qui le
font fermenter, l'acidité d'origine endogène se trouve ainsi
supprimée ; quant à celle qui est propre au pain, elle est
vraiment négligeable en pratique. Le peu d'acide phos-
phorique qu'il contient se trouve déjà neutralisé, en partie,
428 ETUDE THERAPEUTIQUE

par les bases, voisines de constitution, et la réaction qu'il


donne au papier de tournesol n'est pas plus prononcée
que celle des pommes de terre cuites, dont on vante les
propriétés alcalinisantes. D'ailleurs, la recherche de l'ali-
ment absolument neutre est une utopie, car il n'y a guère
de vraiment neutres que les verdures cuites, et il suffit
simplement, même dans les régimes les plus stricts, de
prohiber les fruits ou légumes rougissant fortement le
papier de tournesol, pour ne plus nuire en aucune manière
aux cellules arthritiques les plus amoindries. Et il est de
toute évidence qu'en rayant les fraises, les citrons et la
tomate, qui sont d'une réaction acide brutale, on aura rendu
plus de services aux malades qu'en leur rationnant leur por-
tion de pain.
Le pain, pour être bien accueilli, devra donc être consommé
toujours rassis, peu chargé en mie : deux précautions qui
déjà entravent les fermentations ; il sera en outre mastiqué
avec énergie et introduit en dehors de tout voisinage d'ali-
ments gras ou putrescibles. Parfois, on aura avantage à le
dessécher au four ; on produit ainsi une véritable stérilisa-
tion qui fait disparaître les levures, sources principales des
fermentations acides, ainsi que l'ont déjà fait remarquer
Hayem, Spillmann, Ferrier (1). Si malgré tout il fermente
encore, c'est que le malade a une sangle abdominale inexis-
tante ou une circulation intestinale ralentie. Dans le pre-
mier cas, une dizaine de jours d'exercices de redressement
du tronc, auront rétabli la tonicité musculaire abdominale ;
dans le second, une cure modérée de fruits dessucrés, sup-
prime radicalement toute fermentation.
Toutes ces précautions, qui peuvent sembler bien minu-
tieuses et d'application malaisée à obtenir, se prennent
pourtant sans grands efforts, et ce n'est d'ailleurs, que dans
les cas exceptionnellement graves qu'on doit recourir,
y
(1) Ferrier. La guérison de la Tuberculose, p. 38.
ÉTUDE DE QUELQUES ALIMENTS 429
D'ordinaire, on ne se bute pas à des ennuis aussi sérieux.
Si. le pain bis est parfois nuisible, combien davan-
tage le sont certains pains condensés, surazotês, biscottes,
zwiebacks, grissinis, etc., dont la trop haute valeur nutritive
fatigue ou même paralyse les fonctions glandulaires.
Les pains de gruau, viennois, les croissants fabriqués au
beurre, additionnés de margarine, de lait, ou de poudre de
lait, et obtenus par des manipulations spéciales, sur les-
quelles les boulangers sont d'une discrétion unanime remar-
quable, seront à rejeter impitoyablement. Pratiquement,
.

ils sont lourds, indigestes et sont avant tout, d'actifs géné-


rateurs d'acides, comme le prouvent les éruptions, éry-
thèmes, acnés, céphalées qu'ils déterminent, d'ordinaire.
Les pains d'épices et nonnettes, très nourrissants, et en
même temps laxatifs, peuvent entrer dans la composition
des régimes peu sévères, mais si l'atteinte hépatique est un
peu sérieuse, on ne pourra les permettre, car le miel y entre
à forte concentration, à poids égal avec la farine, et, de plus,
ils contiennent une certaine dose d'oeufs et souvent de corps
chimiques tels que le carbonate d'ammoniaque et la po-
tasse perlasse.
Le pain de seigle, dont on se fatigue vite, à le consommer
d'une façon courante, est un excellent décongestif hépatique
et régularisateur intestinal d'occasion. Pris pendant quel-
ques jours seulement, Ou ajouté à la ration de pain blanc,
il peut rendre de grands services. Mais, sa richesse en grais-
ses et sa surcharge en levure, à laquelle on peut pour-
tant remédier par la dessication à haute température, en
restreignent les indications et en limitent l'usage habituel.
Les farines préparées en sauces ou en bouillies demande-
ront toujours à être très cuites et peu épaisses. Employées
en pâtisseries, il faudra de préférence les travailler à l'huile
blanche, plutôt qu'au beurre et les pétrir la veille de leur
cuisson pour les rendre très légères. Prises sous forme de
430 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

flocons ou grains écrasés, elles servent à préparer d'excel-


lents potages. Les farines maltées, lactées, phosphatées,
surazotées, peuvent être assimilées par les estomacs encore
solides, mais il est préférable de n'en pas faire usage. Rien
ne vaut la farine naturelle. Dans les formes un peu sérieuses
de dyspepsie, elles ne donnent que des mécomptes, et j'ai
toujours observé que là où l'aliment naturel ne passe pas, son
truquage chimique ou culinaire est encore bien moins accepté.
Enfin, les biscuits de Reims, biscuits à la cuiller sont moins
nocifs que les gâteaux secs et gaufrettes.
Quant aux pâtes, nouilles, macaronis, vermicelle, etc.,
elles seront d'un précieux appoint dans les menus des ar-
thritiques tuberculeux ; elles gagneront à être bien cuites,
sans.toutefois tomber en bouillie (il suffit de les faire cuire
sans les remuer) et toujours on devra, de préférence, em-
ployer dès pâtes sans oeufs ou sans adjonction de lécithine.

LE SUCRE.

C'est l'aliment énergétique par excellence. Cette puis-


sance, cette violence même de l'excitation cellulaire qu'il
provoque, est précisément ce qui le rend souvent dangereux.
Quand on eut bien établi expérimentalement cette valeur
extraordinaire, et qu'on se fut émerveillé des résultats obte-
nus, quand on eut reconnu sa force de stimulation nerveuse,
la rapidité de rappel d'énergies musculaires défaillantes
qu'il provoque au cours d'exercices pénibles, on crut pou-
voir conseiller l'usage immodéré du sucre et en quantité et
en concentration.
Mais il restait à envisager l'autre face du problème.
Comment la cellule vivante allait-elle, à la longue,
se com-
porter vis-à-vis d'un agent énergétique, dont la force allait
souvent la brutaliser. Luttant au début en s'hypertro-
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 431
phiant et en fonctionnant à l'excès, elle fut vite exténuée
par ces efforts d'adaptation hyperfonctionnelle ; et au sur-
menage succéda la détérioration arthritique.
Si, maintenant, sur cette cellule arthritique, on continue
à appliquer les mêmes contacts excessifs de matières su-
crées, croyant obtenir ainsi le relèvement de forces qu'il
n'est plus au pouvoir d'aucun excitant violent de réaliser,
mais que seuls le repos cellulaire et le calme métabolique
peuvent rétablir, on aboutit à ce résultat imprévu, d'ac-
tiver la déchéance d'un organisme qu'on pensait réparer.
L'abus du sucre et des sucreries, que montre l'observa-
tion clinique journalière, que prouvent les données statis-
tiques, indiquant une consommation de ces aliments plus
que quintuplée ces dernières années, qu'explique la cul-
ture de plus en plus intensive de la betterave sucrière,
constitue un des fléaux actuels de l'humanité. Comme pour
la consommation de la viande, les médecins ont ici une
grosse part de responsabilité des excès et des dégâts con-
sécutifs, commis au nom de la science expérimentale pure.
Est-ce à dire que le sucre doit être banni de l'alimen-
tation ? ce serait un contre bon-sens. Le sucre reste pré-
cieux à faible concentration et en quantité modérée, parce
qu'à ce taux, il fournit à la machiné humaine un char-
bon idéal, d'action suffisamment douce et bien équilibrée,
quoique puissante. Ajouté à dose raisonnable aux mets, aux
boissons, ou pris sous forme de fruits frais, il reste à con-
seiller ; ce qui est dangereux, par contre, ce sont les ali-
ments où le sucre entre à partie égale avec un autre com-
posé ou même s'y trouve incorporé à saturation. Les fruits
confits, bonbons, entremets très sucrés, chocolat, confi-
tures et même dans quelques cas les fruits secs sucrés, si
n'a obvié à la concentration qui est le fait de la
on pas
perte d'eau de constitution, par un trempage préalable,
sont particulièrement nocifs.
432 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Sur l'organisme d'un arthritique tuberculeux, le sucre,


pris en proportion ou en concentration exagérées, pro-
voque, à coup sûr, une augmentation de la pléthore, une
surproduction acide, une congestion des organes digestifs,
principalement du foie, une perte d'appétit avec appari-
tion de soif impérieuse et surtout, une action aggravante,
congestive, des plus marquées sur. les foyers tuberculeux
visibles ; ensemble de troubles motivant assez la modéra-
tion d'emploi que l'on doit imposer aux malades.
Cette action si pernicieuse du sucre sur les cellules tou-
chées par l'usure arthritique est clairement prouvée par les
troubles polydipsiques du diabétique, dont les tissus.bai-
gnés dans des plasmas trop sucrés, ne cessent de faire un
appel à la dilution par la soif. Et ce passage incessant de
grandes quantités d'eau le long des cellules, s'il les soulage
du contact glycosique, les débarrasse du même coup d'au-
tres sels de compositionqui sont indispensables à leur vita-
lité, et donne, consécutivement, lieu à un appel de répa-
ration, à la faim, à la polyphagie. Les malades sont doré-
navant enfermés dans ce cercle vicieux : l'intoxication
sucrée avec sa polydipsie de défense, puis la dissolution
salée protoplasmique avec sa polyphagie défensive consé-
cutive, qui, à son tour, provoque l'excès glycosique et fait
recommencer le cycle.
Dans la pratique journalière, chez des sujets non tuber-
culeux, nombre d'accidents observés et rattachés à des
causes aussi variées que mal établies, ne relèvent que de
l'intoxication sucrée. Quantités de congestions hépa-
tiques, de dyspepsies, de constipations, de céphalées,
d'états neurasthéniques, de grippes à répétition, d'in-
somnies surtout, soignées à l'aide de l'habituel arsenal
médicamenteux, ne sont le fait que de l'abus du sucre ou
des mets sucrés et s'évanouissent par la simple suppression
de l'agent causal. Comme on n'a pas coutume de dépister
ÉTUDE DE QUELQUES ALIMENTS 433
ces intoxications, dues à des erreurs alimentaires, on laisse
ainsi persister pendant des années et on aggrave, par une
intervention médicamenteuse inopportune, des troubles
auxquels il est pourtant facile de remédier par une dié-
tétique judicieuse. En voici quelques exemples typiques.
Un homme de 45 ans me consulte un jour pour des bour=
donnements d'oreilles avec hyperacousie venus peu à peu,
depuis un mois et qui s'accentuaient au point d'obséder le
malade qui ne pouvait ni se pencher en avant ni faire un
effort sans les voir redoubler. Suivant mon habitude, je
m'enquiers du régime alimentaire et j'apprends que le
malade consomme chaque jour sept morceaux de sucre dans
des liquides et infusions variés, et un pot de sucreries (miel
ou confitures) presque en entier. Il m'a suffi de supprimer
radicalement le sucre de son alimentation pour voir dis-
paraître en deux ou trois jours tous les bruits subjectifs et
les malaises généraux qui. les accompagnaient. Que serait-il
advenu si, sans chercher davantage, j'avais appliqué le
classique traitement à l'iodure de potassium ?
Une autre fois, c'est une femme qu'inquiétait une hydar*
throse d'un genou, qui augmentait depuis 15 jours. En
même temps, elle se sentait endolorie de toutes les jointures
et courbaturée de partout, Elle avait un gros épanchement
articulaire d'un côté et un autre un peu moins fort du côté
opposé, le tout à peine douloureux. Me méfiant d'une intoxi-
cation alimentaire plus que d'une infection, je fis porter
sur ce point mon interrogatoire et je retrouvai encore un
excès de sucre dans les menus : huit morceaux de sucre et
un demi-pot de confitures chaque jour. Trois jours après la
cessation du sucre, les épanchements et la fatigue avaient
disparu.
Ces cas de pseudô-rhumâtismes abondent au début de
l'hiver, et sont invariablement mis sur le compte de la
mauvaise saison; si l'on ne s'attache pas à les dépister, et
28
434 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

à leur appliquer le seul remède logique et efficace : la prohi-


bition du sucre, on voit persister et s'aggraver par les
médications antirhumatismales, des lésions arthritiques,
qu'il est si simple d'enrayer, quand on sait les rattacher à
leur véritable origine. Est-il utile de dire que la saison, elle-
même, n'y est pour rien ; elle intervient indirectement,
parce que c'est à ce moment de l'année que manquant de
desserts frais, on attaque les conserves de fruits préparés
en gelées ou confitures.
Chez les enfants, les méfaits du sucre sont extraordinai-
rement fréquents et accrus par la déplorable habitude
qu'on a de les gaver de bonbons, de stimuler leur obéissance,
de récompenser leurs efforts à l'aide de sucreries. Le sucre
est avec la viande, l'ordinaire cause qui provoque ces crises
périodiques, de vomissements et de migraines de l'enfance.
Je me souviens d'une petite fille de quatre ans, de souche
arthritique, qui toutes les trois semaines avait des accès
de fièvre avec convulsions et vomissements, qu'on ne savait
à quoi attribuer, qui cédaient le plus souvent à l'huile de
ricin, tandis que le calomel amenait des signes d'empoi-
sonnement, qui, dé plus, en temps ordinaire, avait des
insomnies rebelles et ne cessait d'être nerveuse et insup-
portable. J'appris de la mère, qui se plaignait amèrement
de cet état de choses, qu'elle ne pouvait venir à bout de sa
petite, qn'en lui donnant toute la journée du chocolat, des
bonbons et des morceaux de sucre. La diminution, puis la
prohibition de tout sucre concentré, fit vite tout rentrer
dans l'ordre.
Je pourrais rapporter à-foison, des faits du même genre,
chez les enfants. J'ai même observé des crachements de sang
nettement provoqués par une ingestion excessive de sucre-
ries. En voici un exemple. Une fillette de 6 ans, assez calme
d'ordinaire, fut prise au début d'une nuit d'agitation extrême,
avec peurs, cauchemars. Elle était fébrile, la face congés-
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 435
tionnée et ne cessait de parler ; puis, survint de la toux irri-
tative suivie d'un rejet de salive très sanguinolente qui ne
venait ni du nez ni de la bouche. Elle salit ainsi deux
grands mouchoirs que je vis au milieu de la nuit. Le len-
demain, elle avait la langue sale, le creux épigastrique sen-
sible, mais absolument rien d'anormal dans les poumons
ni ailleurs. Recherchant dans la journée précédente ce qui
avait pu provoquer pareils incidents, j'appris, qu'au cours
d'une visite familiale, l'enfant se gorgea dans l'après-midi
de bonbons et de tablettes de chocolat, qui l'empêchèrent
de prendre quoi que ce soit au repas du soir, et constituaient
l'évidente cause de tous ces ennuis. Depuis deux ans, les
parents avertis par cette expérience veillent à empêcher le
retour de tout excès dans la consommation du sucre, et
jamais leur fillette n'a ressenti le moindre malaise.
L'excès de puissance énergétique, qui fait du sucre con-
centré un aliment que l'arthritique ne peut aborder sans
inconvénients, â pourtant été signalé par divers auteurs.
Schultz (1), Monteuuis_(2), Raymond (de Chexbres) entre
autres qui en faisait un sous-alcool, lui adressèrent les
mêmes reproches.
Tous les aliments sucrés ne sont pas également nocifs.
Jamais les fruits frais, même les plus sucrés, ne donnent
lieu à des incidents ; desséchés, nous le savons, ils sont
nuisibles pour l'arthritique grave tuberculeux. Les sucres
de canne ou de betterave n'ont pas une notable différence
d'action et demandent à être introduits à petite dose dans
les compotes, les pâtisseries, les infusions.
Parmi les sucreries concentrées, les plus dangereuses sont
le chocolat, les confitures, les bonbons, puis les fruits con-
fits. Le miel est mieux toléré, parce que, tandis que le sucre
ordinaire est un saccharose que notre organisme doit élâ-
(-1)Schultz. La table du végétarien, p. 431.
(2) Monteuuis. La cuisine naturelle, p. 277.
436 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

borer et transformer en glycose, ce produit naturel a déjà


subi cette transformation dans le jabot de l'abeille, ce qui
soulage d'autant le travail cellulaire.

LES LÉGUMINEUSES.

Il faudra insister à plusieurs reprises auprès des ma-


lades, sur le danger que présente l'absorption inconsidérée
de plats de purée de légumineuses. Très souvent, les légu-
mineuses sèches devront être considérées comme nocives, à
l'égal de la viande. Cette toxicité tient à leur richesse
en purines et aussi à leur haute concentration azotée.
Toutefois, une énorme différence dans les effets toxiques
s'observe selon l'état de formation plus ou moins avancé
du grain et d'une espèce à l'autre, à tel point, que certaines
légumineuses, des pois écossés, très fins par exemple, peu-
vent être permis dans les régimes les plus sévères, tandis
que des haricots secs blancs demanderont à être surveillés,
même dans les régimes les moins restrictifs. L'échelle de
toxicité des légumineuses, sauf susceptibilités individuelles,
est la suivante.
1° Pois.jeunes très fins.
2° Lentilles jeunes fraîches.
3° Fèves fraîches jeunes.
4° Lentilles sèches.
3° Flageolets frais jeunes.
6° Flageolets secs.
7° Haricots blancs.
8° Haricots rouges et noirs.
Les légumineuses sèches seront toujours trempées vingt-
quatre heures avant la cuisson et cuites très longtemps à
petit feu, de façonàpouvoir s'écraser à la simple pression de
la langue sur le palais. Grâce à ces précautions,-on pourra
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 437
lesmanger avec les enveloppes, sans aucun inconvénient ;
leur réduction en purée, après tamisage, les rend indigestes
et provoque la constipation. Enfin, jamais elles ne forme-
ront le plat de résistance, elles paraîtront après un autre
plat de féculents ou de pâtes, et seront prises à doses mo-
dérées.
.
Cette toxicité générale de la famille des légumineuses, a
déjà été remarquée par quelques auteurs. Schultz (1) écri-'
vait : « Quant aux légumineuses, elles doivent être laissées
de côté par les plus malades et n'être employées par les es-
tomacs délicats qu'en petite quantité, à intervalles éloi-
gnés ; les lentilles seront plus facilement digérées que les
autres légumineuses. »
Haig (2) a remarqué la fréquence du rhumatisme chez
les indigènes des Indes et l'attribue à l'introduction d'acide
urique et de xanthine contenus dans les légumineuses, dont
ils font une très forte consommation.
Chez les malades qui méconnaissent le danger de ces
.
légumes secs, ou persistent à en manger malgré toute
défense, "on constate des troubles digestifs après leur in-
gestion : lourdeur, congestion faciale, migraine, fièvre avec
paroxysmes douloureux et congestifs pérituberculeux.

LES FÉCULENTS

Les principaux féculents sont : la pomme de terre, le riz,


les marrons, les patates, et l'igname de Chine. Cette caté-
gorie est très précieuse et sera la plus employée pour la
composition des menus, parce que ces féculents ont une
action énergétique, douce, lente, progressive qui convient
à merveille aux organismes fatigués.
(1) Schultz. Latablé du végétarien, p. 430.
(2) Haig. Le régime alimentaire, p. 67.
438 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

La pomme de terre est l'aliment idéal de l'arthritique


tuberculeux. En pratique, elle est celui qui passe le mieux,
et je n'ai jamais rencontré d'estomac qui ne puisse la to-
lérer. Elle contient environ 2.50 p. 100 d'azoté et 21 parties
d'hydrocarbone. Les variétés blanches dites à fécule, plus
faibles en azote et en sels minéraux, ont une valeur nutri-
tive minime et anémient. Aussi devra-t-on donner la pré-
férence aux variétés dites de Hollande, ou, mieux encore, à
la pomme de terre rouge,, saucisse.
Elle est excellente parce qu'elle a une concentration
azotée et hydrocarbonée faible, parce qu'elle a dans l'orga-
nisme un pouvoir alcalinisant considérable et qu'elle
abaisse l'acidité plasmatique et urinaire. « J'ai soin, dit
Haig (1), de manger chaque jour des pommes de terre qui
contiennent une quantité considérable d'alcalins... Après
la chaleur et l'activité naturelles, il n'y a rien qui paraisse
empêcher la rétention de l'acide urique plus que l'humble
pomme de terre. »
La pomme de terre, je l'ai déjà fait remarquer, gagne à
n'être jamais présentée sous forme de purée, car elle sur-
charge ainsi l'estomac, empêche un dosage régulier des
tubercules dont la mise en purée nécessite un poids beau-
coup plus fort qu'on se l'imagine et qu'il est difficile d'ap-
précier, à cause de la quantité variable d'eau de dissolu-
tion. De plus, n'obligeant plus le malade à mastiquer, elle
fermente dans l'estomac et se digère moins facilement que si
elle est servie à sec, entière, en robe, à l'anglaise, ou ris-
solée à sec après cuisson. C'est à ce dernier mode de prépa-
ration que je donne la préférence. Quand l'huile est suppor-
tée, on peut les servir sautées ou frites sans crainte d'in-
digestion.
On reste surpris, dans les régimes végétaliens stricts, de
voir la facilité avec laquelle les malades peuvent insaliver
(1) Haig. Cité par Thâlasso. La théorie urique du D1 Haig.
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 439
et absorber 3 ou 400 grammes de pommes de terre par
repas. Autant des pommes de terre cuites à la graisse ani-
male, au jus de viande ou mangées avec du beurre cru,
sont lourdes à l'estomac, autant, cuites à l'eau, elles com-
posent un plat léger.
Les marrons, surtout frais et cuits à l'étuvée, seront en-
suite lés féculents les mieux acceptés; je signale encore la
légèreté plus grande de la châtaigne du climat parisien.
Comme pour les pommes de terre, on évitera de les donner
en purée, qui aurait les mêmes inconvénients que je viens
de noter.
La patate, plus lourde que la pomme de terre, se sup-
porte mieux que le riz. Elle devra être prise en quantité
moindre que celle-là, car elle est très sucrée. Pâteuse et peu
agréable cuite à l'eau, elle est plus savoureuse, cuite au four
ou sautée.
Le riz, même celui de Chine, est bien moins toxique que les
légumineuses. Celui du Piémont, je l'ai dit, sera toujours
plus léger. Il paraîtra aux repas de midi, jamais le soir, et
dans les régimes végétariens, viendra comme appoint,
après un. plat de pommes de terre.
L'igname de Chine â une odeur qui rappelle un peu la
rave et qui est due à une essence un peu excitante pour le
système cardio-vasculaire, ce qui en rend l'usage difficile,
quand la sensibilité arthritique est extrême. Sa saveur
assez insignifiante demande à être corrigée par une prépa-
ration culinaire quelconque.

LES GRAISSES.

On a la manie de les prescrire à haute dose chez les tu-


berculeux, sous forme de sardines, beurre, gras de jambon,
huile de foie de morue, etc. Et pourtant, elles constituent
440 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

pour lui un des aliments les plus indigestes, qu'on retrouve


inassimilé dans les selles, et par suite un véritable poison,
par la gêne digestive et la surproduction d'acides qu'elles
entraînent. Aussi, à l'exemple de Ferrier, je les proscris éner-
giquement sous forme concentrée et recommande plus, volon-
tiers l'emploi des graisses végétales, pour l'assaisonnement
culinaire. On connaît, d'ailleurs, le dégoût instinctif qu'é-
prouvent les hépatiques pour les graisses. La régurgitation
grasse élective, dont on a voulu faire un signe de kyste hyda-
tique du foie, est commune à tous les états morbides un peu
sérieux de cet organe. Tout foie sérieusement lésé ne peut plus
tolérer les corps gras et surtout les graisses animales.
De plus, elles déterminent chez les arthritiques une vio-
lente inertie gastrique, à tel point que leur suppression com-
plète suffit parfois à réduire les dilatations sans obstacle
les plus invétérées. Lintwarew a déjà mis en lumière ce
rôle d'arrêt dans l'évacuation gastrique. Ferrier (1) écrit :
« Lorsque avec les amylacées il ne reste plus que
les graisses
dans la cavité stomacale, cet organe n'a plus de tendance à
se vider. » Paulow, de son côté, a montré qu'elles dimi-
nuaient la valeur digestive du suc gastrique. Enfin, dans
l'intestin, la pauvreté de la sécrétion biliaire et pancréatique,
rend leur émulsion et leur saponification problématiques.
Chez les tuberculeux, Laufer a signalé cette nocivité
des aliments gras introduits en grande quantité dans leur
alimentation. René Gaultier, au Congrès de la Tuberculose
de 1905, a rapporté le résultat de l'étude coprologique des
selles, dans les diarrhées de suralimentation du début de la
tuberculose. Ces diarrhées, très acides au tournesol, irri-
tantes pour la région anale, contiennent en grande abon-
dance les graisses non utilisées et des acides gras, ainsi que
des albuminoïdes en quantité exagérée. Seuls les hydrates
de carbone sont bien utilisés.
(1) Ferrier. La Cure de la Tuberculose, y. 35.
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 441
Tous ces faits prouvent donc bien l'effet pernicieux des
graisses, dans la diététique des tuberculeux et par contre
leur tolérance vraiment remarquable pour les féculents.
De tous les aliments gras, les plus nocifs sont ceux d'ori-
gine animale. Un grand nombre d'aliments tels que les choux,
la choucroute, le pain, les fruits, ne doivent leur indigestibilitè
qu'à leur association gastrique avec des graisses animales. Les
leucomaïnes, les ptomaïnes et aussi la présence d'éthers,
des acides butyriques, caproïques, capryliques, etc., suf-
fisent à expliquer leur plus grande toxicité. Les graisses
extraites de tissus animaux (saindoux, gras de veau), sont
les plus dangereuses. Le beurre, surtout si on l'ajoute cru à
table dans les mets, est mieux digéré.
Parmi les graisses végétales, la moins acidifiante pour
l'organisme est l'huile blanche, puis viennent l'huile d'olive,
la cocose ou huile épurée extraite de la noix de coco, et
enfin les beurres d'arachides, de noisettes et d'amandes.
Dans les formes avec hypofonction hépatique très sé-
rieuse, on est obligé de les rayer complètement du réper-
toire alimentaire, parce que, animales ou végétales, elles
sont, dans ces circonstances, de très puissants générateurs
d'acides, qui immédiatement aggravent l'empoisonnement
hyperacide, font apparaître le syndrome de Ferrier et simul-
tanément accélèrent la marche progressive des lésions ba-
cillaires. L'organisme ne souffre aucunement de cette privation
absolue d'aliments gras, parce qu'il assimile, d'autre part, ad-
mirablement, les hydrocarbones à faible concentration et
s'en sert très facilement pour refaire ses réserves graisseuses
indispensables.
LES FRUITS.
.

On peut les permettre en abondance dans les atteintes


légères et moyennes d'arthritisme, mais ils sont manifeste-
ment nuisibles pour les tuberculeux très touchés par Tin-
442 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

toxication acide et cela, à cause de leurs acides naturels.


Que chez des gens à vitalité organique normale ou peu
entamée, qui ont des réactions cellulaires presque entières,
les fruits, le citron même, soient indirectement de puis-
sants alcalinisants, c'est indiscutable ; mais, chez les arthri-
tiques graves, où le métabolisme reste inachevé, la neutra-
lisation, et encore bien moins, la réaction alcaline dé-
passant le but, sont impossibles à réaliser du fait de l'a-
moindrissement vital glandulaire. Chez de tels malades, la
réaction salivaire montre bien ce fait. Avec une alimentation
privée d'acides, ils ont une salive à peine acide au tournesol.
Si, au contraire, on leur fait prendre des fruits et de suite
rincer la bouche à l'aide d'un alcalin, on constate, malgré
tout, plusieurs heures après, une hyperacidité au tournesol,
qui se confirme cliniquement par de l'agacement des collets
dentaires, et par de la sensibilité des foyers tuberculeux
extérieurs. Par les glandes salivaires, il s'est fait une élimi-
nation acide, capable de provoquer de la gingivite selon
un mécanisme comparable à celui de l'élimination mercu-
rielle.
Cette absence de neutralisation des acides naturels par
les organismes fatigués, est un fait bien connu des chi-
rurgiens. Un opéré qui, en bonne santé, pouvait sans incon-
vénients absorber vinaigre, oranges, citrons, voit les jours
qui suivent l'opération, une sensibilisation organique vis-à-
vis des acides se produire, du fait du fléchissement mo-
mentané de ses cellules, qui ne peuvent plus neutraliser les
acides comme autrefois. Et, ces malades, s'ils prennent du
citrond'une façon quotidienne,pendantlapériodepost-opéra-
toire, risquent de provoquer des effondrements rapides de
leurs couronnes dentaires, bien moins parle contact
passa-
ger du fruit, que par la persistance de l'acidité salivaire,
due à l'élimination d'acides
non neutralisés.par les organes
digestifs.
.
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 443
Sur quoi se guider alors pour permettre l'introductiondes
fruits dans les menus des arthritiques tuberculeux ? Sur
l'étude de signes cliniques d'intoxication acide qu'il pro-
voquent et qui sont :
1° L'agacement des collets dentaires et l'hyperacidité
salivaire. (Syndrome de Ferrier.)
2°.Les réveils et paroxysmes douloureux ou congestifs
des foyers tuberculeux.
3° Les signes d'irritation cutanée ou muqueuse (rou-
geurs, fissures suintantes, infections consécutives).
4° La sensation de fatigue, de courbature générale qui
peut suivre un repas de fruits et décèle une intoxication
acide générale. Toute prise de fruits, qui produit de l'acca-
blement, de la diminution énergétique, signifie que là neu-
tralisation est encore imparfaite.
Pour les fruits très mûrs, presque blets, surtout si en plus
on les a fait cuire, ce qui abaisse encore leur acidité, la tolé-
rance est très vite obtenue et ainsi, poires, raisins, pru-
nes, pêches, peuvent rapidement composer les desserts aux
repas. Leur cuisson sera prescrite exceptionnellement ; ils se
digèrent toujours bien mieux crus. Cuits, et par suite tou-
jours un peu sucrés artificiellement, ils n'ont pas l'effet dé-
congestij hépatique que réalisent habituellement les crus. Quant
aux fruits très acides, groseilles, citrons, oranges, tomates,
ils devront toujours être prohibés à l'égal du vinaigre,
quoi qu'on prétende. L'expérimentation clinique m'a tou-
jours montré qu'il y avait grand danger à en permettre un
emploi même passager.
En ce qui concerne les fraises, elles sont beaucoup moins
dangereuses après cuisson et j'ai pu très souvent les laisser
prendre ainsi préparées et très peu sucrées, à des malades.
qui étaient très incommodés par.les mêmes fruits crus.
Parmi les fruits secs, j'ai assez vanté la valeur thérapeu-
tique des pruneaux pour y revenir ; les variétés de Cali-
444 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

fornie, plus charnues et plus résistantes d'enveloppe, sont pré-


férables pour le balayage intestinal. Tous ces fruits deman-
dent à être trempés, après incision, vingt-quatre heures à
l'avance, quand ils sont destinés à être absorbés au repas du
matin. Des pruneaux, par exemple, qu'on doit mastiquer
ou séparer avec effort du noyau, pèsent dans l'estomac,
tandis qu'ils passent sans donner lieu à aucune sensation,
s'ils ont bien récupéré leur eau de constitution ; si on ne
prend cette précaution, ils sont aussi. nocifs que du
sucre concentré. Les raisins secs qui ne peuvent se gon-
fler par ce procédé seront réservés aux estomacs encore
solides.
Cette différence de toxicité si appréciable qui sépare les
fruits secs, des fruits frais ou secs trempés tient à la grosse
variation de teneur en sucre qu'amène la dessiccation et
qu'accentue le confisage. Ainsi, tandis que dans les fruits
frais, la proportion de sucre oscille entre 1 et 25 p. 100,
dans les fruits secs (raisins, pruneaux, dattes), elle peut
atteindre de 75 à 80 p. 100.
Les fruits huileux secs ne sont également supportés que
par les sujets peu arthritiques ; chez de plus atteints, on ne
pourra permettre que les amandes et noisettes fraîches ; les
noix même fraîches sont irritantes pour la peau et les lésions
tuberculeuses.
Secs ou frais, les fruits seront toujours cuits avec un mini-
mum de sucre et de condiments. En tous cas, onn'y ajou-
tera j amais de vin.
Les fruits qui trop souvent jouissent d'une mauvaise ré-
putation, surtout en été, et dont on méconnaît la valeur
nutritive, ne sont indigestes que si on les fait voisiner avec
des viandes fortes et des graisses. De plus,
on a la mauvaise
habitude de les dépouiller de leurs enveloppes, de rejeter
leurs peaux et de les passer au tamis
; on les prive ainsi de
parties nutritives et surtout on les empêche de remplir le
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 445
rôle si important qu'ils jouent, grâce à leurs déchets, dans
l'excitation péristaîtique.

LES LÉGUMES VERTS.

Ce sont certainement les plus calomniés de tous les ali-


ments dont l'homme dispose. Leur aspect herbacé ne dit
rien qui vaille; comme ils ne bourrent pas, cela leur fait dénier
foute valeur nutritive. Et pourtant ils devraient occuper
une place fort importante dans toute diététique un peu
logique. D'abord ils sont indispensables, parce qu'ils pro-
curent par les déchets qu'ils laissent dans le tube digestif,
au cours de leur digestion, un merveilleux stimulant pour
la culture physique intestinale. De plus, ce sont eux, nos
grands pourvoyeurs de sels minéraux. Loin de débiliter, ils
sont toniques, souvent à l'excès, puisque, je l'ai déjà fait
remarquer, chez certains arthritiques aux cellules très
fragiles, je dois souvent interdire l'usage, pourtant si
recommandable d'ordinaire, des eaux de cuisson des légu-
mes verts qui leur occasionnent des migraines et du sable
urinaire. La force de la concentration mineraie de ces bouil-
lons est donc telle, qu'elle peut devenir un danger pour des
organismes trop sensibles.
Les principaux sels qu'ils contiennent sont des sels de
soude, de chaux, de potasse, de magnésie et de fer. La ma-
gnésie, utile au fonctionnement de nos cellules cérébrales,
la potasse, énergétique de la cellule musculaire, le fer, qui
est la vie de nos globules rouges, la chaux, qui est nécessaire
à notre entretien squelettique : tous ces éléments indispen-
sables à l'existence de nos protoplasmes ont donc l'immense
avantage d'être présentés ici, sous une forme éminemment
assimilable, parce qu'ils sont, pourrait-on dire, vitalisés,
c'est-à-dire incorporés sous une forme vivante, à un aliment
446 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

organique qui va nous servir d'intermédiaire précieux, entre


les sels inertes, tels qu'ils sont contenus dans le sol;Jet nos
organes assimilateurs.
Car tout essai de récupération de sels minéraux, empruntés
directement au règne minéral est voué, il faut bien le dire, à
un échec inévitable et les médicaments à base de phospha-
tes, qu'on absorbe pourtant avec tant de confiance, se re-
trouvent en totalité dans les selles et ne se fixent pas dans
nos cellules, parce qu'ils n'ont pas été vitalisés d'abord par
les végétaux. « Pour la thérapie, dit Ragnar Berg (1), les
médicaments au phosphate de chaux n'offrent aucune utilité
ou sont directement nuisibles, tant comme préparations
phosphatées qu'à titre de préparations calcaires. La meil-
leure préparation calcaire est en toute circonstances un.
plat de légumes verts, préparés sans perte de sels nutri-
tifs. »
Cette utilité des sels minéraux et par suite des légumes
verts qui en sont les détenteurs les plus riches et le rôle
capital âlcalinisant et réparateur à la fois de ces aliments,
découle de ces constatations et se trouve bien confirmée,
par les recherches des biologistes. M. Labbé (2), entre-
autres, écrit : « Les sels minéraux servent à empêcher l'aci-
dification de l'organisme par les produits de désinté-
gration des matières albuminoïdes. Le soufre qui fait partie
de la molécule albuminoïde s'oxyde dans l'organisme et
se transforme en acide sulfurique ; à l'état physiologique,
cet acide est saturé par les sels alcalins apportés par les ali-
ments végétaux. L'absence de sels minéraux produirait donc
une intoxication acide de l'organisme. » C'est en négligeant
de recommander l'usage des légumes verts, qu'on augmente^
l'acidité des humeurs de l'arthritique tuberculeux, c'est

(1) Ragnar Berg. Des échanges de l'acide phosphorique. IIe Congrès-


international d'hygiène alimentaire. Bruxelles, 1910.
(2) Marcel Labbé. Le régime alimentaire, p. 19.
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 447

en les prescrivant chaque jour, qu'on arrive à lutter avan-


tageusement contre son intoxication hyper acide et à le re-
minéraliser rapidement.
Le repas du soir conviendra le mieux pour l'ingestion des
légumes verts, parce que ce Sont des aliments bien plus
réparateurs qu'énergétiques, qui combinent ainsi leur
action reconstituante à celle du repos nocturne et que,
de plus, ils sont des sédatifs, des calmants du système
nerveux, qui vont permettre un sommeil profond, pai-
sible, sans rêves ni cauchemars, et qu'enfin leur facilité
de digestion supprimera les malaises et les réveils de la
période d'évacuation gastrique, qu'entraîne inévitable-
ment l'absorption de mets lourds, de viandes, de fécu-
lents, d'entremets sucrés, introduits maladroitement dans
les menus du dîner.
Parmi les légumes verts il n'y a guère à prohiher que
l'oseille, la patience ou oseille-épinard, les choux de Bru-
xelles et la rhubarbe..
La famille des crucifères, riche en principes sulfureux :
radis, navets, choux, cresson, raves, demande à être essayée
avec prudence. Interdites dans les intoxications extrê-
mes, les plantes comestibles de cette famille sont pour-
tant assez vite tolérées cuites (sauf les choux de Bruxelles),
pourvu qu'on prenne la précaution de les changer une ou
plusieurs fois d'eau de cuisson, selon le degré de suscep-
tibilité du sujet, et de ne pas les accommoder à la viande,
aux graisses animales. J'ai déjà signalé, d'ailleurs, que des
choux ordinaires, des choux-fleurs, des choux-navéts, de
la choucroute même, dans les cas moyens, étaient fort bien
admis à ces conditions.
Les épinards jeunes sont doux au goût et passent sans
ennuis, tandis qu'après plusieurs récoltes, les vieux plants
donnent des feuilles acides, rêches au goût, parce que riches
en acide oxalique, dont on doit les débarrasser par le chan-
448 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

gement de l'eau de cuisson. Le céleri surtout cru sera bien


souvent mal accueilli.
Parmi les bourgeons, il faut toujours être sobre d'as-
perges, de poireaux, d'oignons, qui ne serviront que pris à
petite dose, comme condiments. L'ail, l'échalotte, ne se-
ront jamais autorisés.
Les carottes, les juliennes, où l'on fera à tour de rôle do-
miner l'un des légumes permis, contribueront à apporter un
peu de variété dans les menus du soir.
Les légumes verts, artificiellement blanchis, endives,
barbes, coeur des salades, ont une valeur reminéralisante
bien moins prononcée. Ce sont les parties vertes des végé-
taux, celles que la fonction chlorophyllienne a fait s'appro-.
visionner de sels minéraux au contact de la vivifiante lu-
mière, qui seules sont abondamment pourvues de ces prin-
cipes vitalisants. La coloration verte est donc synonyme de
réserve minérale et de pouvoir rèminèralisateur intenses, que
confirme d'ailleurs en pratique l'effet extraordinairement
tonique que procurent ces végétaux verts et l'action
d'arrêt rapide qu'ils exercent sur les symptômes de décalci-
fication organique.
Seront d'ordinaire admirablement supportées, toutes les
salades cuites, les haricots verts, les artichauts, la tétra-
gone, l'arroche, les endives, les cardons, la poirée, dont les
côtes et les larges feuilles cuites et hachées ensemble sup-
pléent parfaitement les. salades cuites.
Les salades crues constituent pour l'arthritique tuberculeux
un aliment décongestif par excellence, un sédatif idéal des éré-
ihismes, un véritable contrepoison. Ces qualités qui semble-
raient bien étranges et pourraient surprendre ceux dont
l'esprit l'observation ne s'est pas exercé sur ce point, ont
déjà frappé des auteurs tels que Pages (1), Schultz (2),
(1) Pages. L'hygiène des sédentaires,
p. 49.
(2) Schultz. La table du végétarien, 370.
p.
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 449
Pascault (1). Leur valeur mméralisante n'est pas le seul
motif qui les fait recommander, et c'est surtout dans un
but de désintoxication et de dégorgement cellulaire qu'on
doit les ordonner.
Ainsi donc, loin de les proscrire des régimes des arthriti-
ques, il faut en vanter les bienfaits aux malades. Ce qui est nui-
sible d'ordinaire dans la salade, c'est la façon de l'accommo-
der. Les salades pourront, à moins de lésions rénales, être sa-
lées à volonté, mais jamais on ne devra tolérer trace de poivre.
De même, si, quand l'intoxication arthritique est modérée,
on peut permettre l'usage d'huile blanche et de vinaigre
de vin véritable à très petite dose, le mieux est encore-
"

de remplacer cet acide par quelques cuillerées à café de vin


blanc assez parfumé ou mieux encore par une petite quan-
tité de lait caillé.
Enfin, dans les formes graves de tuberculose par arthri-
tisme, la salade devra être consommée, toujours en grande
quantité, sans huile, ni vinaigre, mais simplement salée,
hachée assez finement au couteau à table et incorporée
aux autres légumes verts ou farineux cuits. Prise ainsi,.,
bien mastiquée, elle est facilement acceptée au goût et
digérée sans fermentations, par les estomacs les plus ato-
nes dont elle stimule, au contraire, la contrâctilité. Ce qui
la faisait fermenter, l'empêchait d'être évacuée, c'était
le seul fait d'être accompagnée de vinaigre, de poivre et
de graisse ou de viandes. Les méfaits de la salade n'étaient
que des troubles dus à la présence de condiments ou d'aliments
dangereux pour l'estomac arthritique. Quand elle en est sé-
parée, elle réalise, au contraire, un des meilleurs remèdes
contre la dilatation atonique de l'estomac.
Parlant des salades crues, Pages (2) écrit : « Je ne connais
pas de meilleur moyen de réveiller un estomac atone ou
(1 )Pascault. Alimentation et hygiène de l'arthritique.
(2) Pages. Hygiène des sédentaires, p. 49.
29
450 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

d'exciter Une sécrétion paresseuse'. Aussi, quelques feuilles


de salade prises au début et au cours du repas suffisent pour
cela ; je ne connais pas de moyen qui permette de réduire
pareillement les boissons ingérées avec les aliments ; je ne
connais pas de moyen plus sûr d'éviter la suralimentation
tout en conservant le lest suffisant ; et je m'explique la
grande consommation qu'en font les plus beaux vieillards
qu'il m'ait été donné d'observer jusqu'ici. Je n'ignore pas
que certaines personnes les digèrent mal, mais celatientle
plus souvent, au mauvais apprêt, et à la mastication incom-
plète. Je ne crois pas qu'il y ait d'estomac se refusant, après
quelques essais, à la digestion d'une salade... mâchée en
même temps que des pommes de terre cuites à l'eau et bien
chaudes ; cette association constitue le plat réplétif par
excellence. »

LES LÉGUMES BLANCS.

Les légumes blancs non féculents (ce qui exclut les pom-
mes de terre, patates, ignames, cerfeuil bulbeux), sont
vraiment dénués de toute propriété nutritive ou mméra-
lisante. Les principaux sont : les salsifis, crosnes, topinam-
bours, héliantis, céleris-raves, navets. Leur action très débi-
litante est rendue particulièrement manifeste, dès qu'ils
doivent contribuer à composer des menus végétâliens stricts.
Tel arthritique grave qui, grâce aux repas de légumes verts
cuits, jouit d'une stimulation et d'un bien-être organiques
remarquables, se sent las, sans énergie, prend mauvaise
mine, voit apparaître tous les petits signes de décalcifica-
tion (agacement des collets dentaires, malaises généraux,
sensibilité au froid, érosions muqueuses, etc.), et aggrave
ses foyers bacillaires, après quelques prises répétées et ex-
clusives d'un des légumes de cette catégorie. Il semblerait,
je le répète, que la minéralisation des légumes non fécu-
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 451
lents soit liée intimement à la fonction chlorophyllienne
et que seules posséderaient une haute valeur reminérali-
sânte, les parties des végétaux exposées à la lumière solaire
et qui doivent à leur pouvoir de fixation coloratrice des
phénomènes métaboliques et assimilateurs très accrus.
L'emploi répété et assez abondant de ces légumes produit
invariablement les troubles que je viens de signaler, à là
fois par absence de récupération minérale nécessaire à
l'économie, et aussi par l'action toxique, due à des fermen-
tations intestinales avec selles d'odeur butyrique que cer-
tai: d'entre eux provoquent à l'excès.
,

LES CONDIMENTS ET STIMULANTS,.

Certains, peu dangereux, et pris à dose raisonnable, reste-


ront permis ; sont du nombre : le persil, le cerfeuil, l'estra-
gon, les fleurs de capucine, d'oTanger, la vanille et parfois
même le thym, le laurier, le girolle ; mais les malades de-
vront se déshabituer des épiées, du poivre, du gingembre,
de la cannelle, des pickles, de la moutarde, de la muscâde-et
enfin du thé et du. café.
Quoiqu'ils contiennent des purines et soient riches en
azote, les champignons ne doivent pas être systématique-
ment rejetés des régimes ântiarthritiques, car ils n'ont pas
la nocivité qu'on leur a trop vite attribuée sur la foi de l'ana-
lyse chimique. Ils ne sont guère plus riches en purines que
les épinards, mais sont loin d'atteindre la teneur purique
des haricots et des pois. En pratique, mes malades les plus
fragiles, que quelques haricots en grains rendent migraineux,
peuvent, sans en être incommodés, absorber d'assez fortes
doses de champignons, même les plus variés comme espèces.
452 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

LE SEL.

Depuis les travaux de Widal prouvant l'effet bienfaisant


des régimes hypochlorurés sur les lésions du rein et le rôle
de poison que-joue ce condiment vis-à-vis de la cellule
rénale altérée, l'anathème a été jeté sur le sel à tous propos
et souvent mal à propos. Le sel, je ne crains pas de le dire,
s'il est un violent poison du rein malade, ne m'a jamais paru
dangereux pour la cellule hépatique amoindrie de l'ar-
thritique. Je parle de doses raisonnables, car l'excès en
tout peut être nuisible. Bien loin de le proscrire chez l'ar-
thritique, je voudrais le voir réhabiliter, car il constitue
pour lui un excellent stimulant cellulaire, qui a le grand
mérite d'être physiologique et par là même non nocif.
Ferrier, qui a fait de si remarquables travaux d'observation
clinique sur le chimisme des tuberculeux acidifiés, le prescrit
même à l'égal d'un médicament dans ses cachets recalci-
fiants. Il reste bien entendu que cette prescription sera
seulement légitime en dehors de toute atteinte rénale.
Le sel a, en effet, un triple avantage : il est antiacide,
antitoxique et excitant physiologique normal. Malgré son
action, purement locale, favorisante de la sécrétion çhlor-
hydrique gastrique, qu'il doit à son chlore, le sel de cuisiné,
par sa soude, contribue à neutraliser les acides de la circu-
lation générale. Pourquoi lui refuserait-on cette prérogative
qu'on accorde, sans difficultés, aux autres sels de soude, à
ceux dé la pomme de terre, et des légumes verts, par exem-
ple ?
Le sel possède une action protectrice vis-à-vis des poisons
dont il diminue la toxicité, que démontrent nettement les
expériences de Lesné et Ch. Richet fils (1).
(1) Lesné et Ch. Richet fils. Des effets antitoxiques de Vhyperchloru--
ration. Société de Biologie, 1903, p. 371.
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 453
Enfin, on ne peut lui dénier la fonction capitale qu'il pos-
sède dans l'entretien des protoplasmes organiques et du
milieu sanguin. Son rôle d'excitant vital est trop connu
pour y insister. Cette valeur de stimulation, du fait qu'elle
est naturelle et physiologique, est bien supérieure à tous les
autres toniques, non seulement artificiels, médicamen-
teux, mais même alimentaires.
Ainsi, mettant pour un instant de côté, le pouvoir éner-
gétique du sucre, pour n'envisager que son rôle stimulant,
on peut établir entre le sel et le sucre uùé comparaison
d'effets sur l'organisme de l'arthritique, que j'ai maintes
fois réalisée et contrôlée, et qui est toute en faveur du chlo-
rure de sodium. Le sel, d'abord, n'est pas un facteur de
pléthore comme le sucre, il produit un appel d'eau vers les
tissus et non pas vers la masse sanguine (expériences de
Leathes et faits cliniques). La polydipsie qu'entraîne le
premier n'est jamais aussi violente au cours des repas que
celle que provoque le second ; en clinique, les diabétiques
sont autrement assoiffés que les brightiques. Le sel, toutes
proportions gardées, est un stimulant général et nerveux
d'action beaucoup plus douce, quoique presque aussi effi-
cace, que le sucre ; l'absence de congestion faciale, hépa-
tique, et péri-tuberculeuse, que l'on constate après l'inges-
tion modérée de sel, contraste avec les violentes réactions
congestives qu'engendre une dose moyenne de sucre sur ces
divers points. Le sel aiguillonne l'appétit ; le sucre l'anni-
hile brutalement. Le sel ne provoque jamais de poussées
douloureuses de congestion hépatique; le sucre est un poi-
son hépatique remarquable qui congestionne et sensibilise
à coup sûr cet organe.
Dans les formes moyennes et avec un maximum d'in-
tensité dans les cas graves, je n'ai jamais eu à-me louer du
régime hypochloruré appliqué en dehors des lésions rénales,
pour remédier à des oedèmes par acidôse, par exemple. Eh
454 ETUDE THERAPEUTIQUE

plus de l'efficacité absolument nulle sur ces rétentions


aqueuses toxiques et non chlorurées, j'ai observé seulement,
un effet sédatif immédiat et puissant sur le système ner-
veux, qui aboutissait à une apathie musculaire et une asthé-
nie nerveuse très prononcées. J'ai remarqué, de plus, une
grosse perte d'appétit, une difficulté croissante des diges-
tions stomacales et une facilité d'infection intestinale inac-
coutumée. Tous ces désordres s'évanouissaient par là re-
prise de l'alimentation salée.
Pourquoi ce désaccord apparent avec les données cou-
rantes qui n'enregistrent pas de tels faits? Cela tient à la
diététique suivie à côté. On dut, contraint par la fragilité
fort grande de l'organisme arthritique vis-à-vis des exci-
tants violents ou toxiques, supprimer à la plupart des
malades en expérience l'alcool, le thé, le café, les épices, la
viande. Ils étaient, les uns au régime végétarien, d'autres
au végétalien. Supprimer le sel à ces malades, surtout à
ceux qui suivent la diététique hypoconcentrée, c'est leur
retirer le dernier excitant cellulaire, le seul qu'ils puissent
supporter sans troubles, le seul dont ils retirent des avan-
tages certains. Rien d'étonnant alors de voir survenir des
incidents.
Qu'un brightique à qui on laisse la stimulation carnée ou
alimentaire animale, ne souffre pas de la privation de sel,
c'est compréhensible, mais l'arthritique assez touché qui
doit se garer de tous les excitants toxiques alimentaires ou
médicamenteux, se trouve fort incommodé pour vivre nor-.
malement et résister aux infections, si on lui diminue ou
supprime sa ration de chlorure de sodium. Elle est pour lui
un élément physiologique naturel, toujours indispensable
et inofîensif, car, je le répète, le sel, poison du rein, reste sans
action nocive sur le foie malade.
ETUDE DE QUELQUES ALIMENTS 455

LES BOISSONS.

Ce qui altère, nous le savons, ce sont les aliments très


toxiques ou très concentrés. Quand on aura, par une diété-
tique, dont la sévérité variera selon l'intensité d'intoxica-
tion, réduit ces causes d'appel liquide, à une proportion
souvent minime, la question des boissons aura perdu de
son. importance. Les boissons fermentées, autorisées dans
les formes légères, seront surtout de la bière et du vin très
léger. Il n'est jamais mauvais, à ce propos, de rappeler aux
malades que du vin qui pèse 10 degrés, contient, par litre,
100 grammes d'alcool à 100°, soit 200 gr.ammes d'eau-de-
vie à 50°, et que, par conséquent, boire un litre de vin par
jour, c'est absorber une quantité d'alcool, équivalente en
dose, à un grand verre de cognac, dont un arthritique n'a
que faire, car pour lui l'alcool n'est jamais un stimulant
médicamenteux, mais reste, dans tous les cas, un poison..
Les boissons seront prises en très petite quantité à table
ou, de préférence, quatre heures après les repas, pour aider
à la chasse gastrique, sous forme d'infusions très chaudes
et peu sucrées, ou de bouillon de légumes très léger.
Parmi les eaux minérales, on ne devra permettre que les
eaux non gazeuses, Ou l'eau de Vichy-Célestins ; car la plu-
part des eaux gazeuses, même celles que l'on pare de
qualités recalculantes, parce qu'elles contiennent des traces
infinitésimales de chaux, sont, en fait, par -l'abondance de
l'acide carbonique qui les, acidulé fortement, ce que prouve
la réaction au tournesol, des facteurs nullement négligeables
d'acidification plasmatique.
Les bouillons de viande, que leur stimulation toxique
rend si agréables, seront défendus. Ceux de légumes et de
céréales, je l'ai déjà dit, demanderont à être employés pru-
demment et en se guidant, pour leur mode de préparation,
456 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

la formule employée pour les enfants, les légumineuses


sur
étant remplacées par une dose équivalente de légumes verts
et de féculents.

LES ÉLÉMENTS ACIDES ET GÉNÉRATEURS D'ACIDES.

Incapable, du fait de sa lésion et de son atonie cellulaire,


de neutraliser les acides exogènes concentrés, le tubercu-
leux devrait en quelque sorte avoir, à table, du papier
de tournesol à sa portée, pour se guider sur la réaction
dans le choix des aliments. Est-ce à dire qu'il ne doit
aborder que les aliments neutres ou alcalins ? Il ne nous
viendrait jamais à l'idée de soutenir une opinion aussi exa-
gérée et inapplicable. Ici, encore, il faudra se baser sur la
notion de concentration, et il y a pour les aliments une te-
neur de concentration moléculaire acide variable, et un
degré à partir duquel elle devient nocive à l'arthritique.
On pourrait ainsi établir pour les acides alimentaires, un
tableau analogue à ceux des concentrations azotées, hy-
drocarbonées et grasses. Les doses d'acides minimes sont
parfaitement tolérées, les fortes ont une action brutalement
décalcifiante et infectante, et provoquent immédiatement
de l'agacement des collets dentaires, dés fissures et érosions
muqueuses et des poussées violentes des foyers tuberculeux.
Mais, dira-t-on, cette réaction au tournesol est bien ru-
climentaire ; en dehors des acides, certains sels la donnent.
Qu'importe, puisque dans l'organisme ils ont un effet iden-
tique, et que dans tous les cas, cette réaction élémentaire
fait le départ exact et vérifié tel, par l'expérimentation
clinique, entre ce qui est indifférent et ce qui est dangereux.
Sont neutres, par exemple, les pruneaux dessucrés, les
légumes verts cuits : haricots verts, toutes les salades Cuites,
les cardes, épinards, etc., et parmi les boissons, les
eaux
minérales non gazeuses.
ETUDE DÉ QUELQUES ALIMENTS 457
Ne sont guère alcalines au tournesol que les eaux, miné-
rales de Vichy.
Ont une acidité négligeable qui les fait admettre, même
dans les cas d'hypofonction excessive : les pommes de
terre, le pain, les carottes, etc., les salades crues, certains
fruits très mûrs, presque blets et cuits (poires, prunes,
pêches, melon, potiron et même des figues du pays, moins
l'enveloppe qui reste toujours très acide).
Sont, par contre, à rejeter, parce que très acides, le vi-
naigre, le citron, les oranges, certaines prunes, les groseilles,,
les fraises, les fruits crus insuffisamment mûrs, la rhubarbe,
l'oseille, la tomate, etc. Et parmi les boissons, le vin, la
bière et nombre d'eaux minérales gazeuses qui rougissent
fortement le tournesol, malgré leur réputation d'alcalinité.
En dehors des acides préformés, il reste tout un groupe
d'aliments qui, au cours de leur métabolisme, ne peuvent
être transformés complètement et sont pour les tuber-
culeux, des sources fort importantes d'acides endogènes.
En tête, viennent les graisses; parmi les graisses ani-
males, la plus dangereuse est la margarine, dont l'emploi
est malheureusement très répandu et sert à la confection de
certains pains de fantaisie, croissants^ biscottes, longuets,
biscuits secs, pâtisseries ; puis, viennent le saindoux, le
beurre, les fromages. Les graisses végétales sont également
acidifiantes, mais elles aussi, dans des proportions très iné-
gales. La plus nocive est sans conteste, la graisse retirée de
la noix de coco, qui provoque une décalcification dentaire
rapide et énergique ; la moins dangereuse est l'huile blanche
qui, très vite, se voit tolérée sans troubles décalcifiants.
La viande, puis le sucre pris concentré ou en excès, sont
d'autres puissants générateurs d'acides. Quant au pain, à
qui on fait souvent reproche d'être nuisible à cause de son
acide, absorbé en prenant les précautions que j'ai passées
en revue, je n'ai jamais vu qu'il ait la plus petite influence
458 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

déterminante sur réclusion des phénomènes de dissolution


calcique ou aggravante des foyers tuberculeux.
Quels sont les plus à redouter des acides minéraux ou des
acides organiques ? A n'en pas douter, ce sont les acides
organiques engendrés par le métabolisme imparfait des
graisses animales. Ici, comme partout ailleurs, une énorme
différence de toxicité sépare l'aliment animal, du végétal.
Les acides minéraux agissent simplement par leur action
dissolvante des sels calciques et par l'abaissement de l'al-
calinité défensive des humeurs, tandis que les acides orga-
niques, issus des transformations des graisses animales, s'ils
jouissent des propriétés nocives, sont en outre extraordinai-
rement toxiques et comatigènes. Tous les incidents d'acidose
qu'il m'a été donné d'observer dans les formes d'hypofonc-
tion arthritique grave, furent causés par des graisses ani-
males. Ces faits cliniques sont d'ailleurs pleinement confir-
més par les récentes expériences de Violle (1), qui provoqua
chez le lapin les accidents comateux par acidose, unique-
ment à l'aide d'acides organiques et. jamais en se servant
d'acides minéraux. L'ensemble de sa thèse est, d'autre part,
singulièrement démonstrative de la nocivité des acides
dans l'économie.

(1) Violle. Recherches expérimentales sur Vacidose. Contribution à la


pathogénie du coma diabétique, Paris, 1910.
CHAPITRE XVII

LA THÉORIE ET LE TRAITEMENT DE FERRIER

«Il s'agit, non de prendre de la chaux,


mais d'en garder. »
FERRIER (1).

A la suite d'une série de recherches commencées en 1900


avec sa thèse : « Relations de nutrition entre le squelette et
les dents », orientées ensuite du côté des rapports de la décal-
cification organique avec l'infection bacillaire, Ferrier par-
vint à établir, grâce à des observations remarquablement
étudiées et très probantes, la concomitance de ces deux syn-
dromes morbides, et crut pouvoir leur attribuer une relation
de cause à effet, à la suite des constatations suivantes.
Très' souvent, la carie dentaire s'observe chez les tuber-
culeux et, avec son maximum d'intensité, au moment des
poussées pulmonaires. En même temps, il n'est pas rare de
retrouver dans l'urine, dés quantités anormales de sels de
chaux, principalement de phosphates. Ces deux phénomènes
semblent bien indiquer qu'il se produit dans l'organisme
une déperdition calcaire, sous une influence dénutritive
quelconque. Cliniquement, ces malades ont, en plus des
(1) Ferrier. Guérison. de la Tuberculose. Préface, page II.
460 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

caries, de la sensibilité dentaire avec agacement des collets


très caractéristique. Enfin, ils ont un abaissement de den-
sité du squelette, que prouve la diminution du poids spé-
cifique, mise en évidence par la tendance qu'a le corps à
nager entre deux eaux, dans une baignoire, par exemple.
S'aidant de données expérimentales et géographiques, un
peu moins probantes, toutefois, Ferrier incrimina comme
cause ordinaire de la tuberculose, la décalcification nutri-
tive, causée par les acides. Pour étayer encore davantage sa
thèse, il invoqua la fréquence de la calcification des vieux
foyers tuberculeux guéris ou silencieux, tels qu'on les re-
trouve assez souvent au cours des autopsies.
Il observa que les acides qui s'attaquent ainsi aux sels de
chaux du corps, sont surtout d'origine alimentaire et en
possession, maintenant, de données pathogéniques suffisan-
tes, il édifia une méthode thérapeutique où la diététique
joue un rôle capital et dont les principales données sont les
suivantes :
Eviter dans l'alimentation tout ce qui est acide, ou qui
peut engendrer des acides (boissons fermentées, fruits, lé-
gumes acides, fromages).
Eviter les graisses qui, par le trouble qu'elles apportent à
la digestion et la difficulté de leur assimilation sont des
sources d'acides nombreux.
Faire usage d'eau minérale alcaline ou calcique et prendre
de la chaux aux repas sous forme de cachets :
Carbonate de chaux 0,50
Phosphate tribasique de chaux 0,20
Magnésie " 0,15
, .
Chlorure de sodium 0,05
.

Cesser toute suralimentation, et laisser le malade" remuer,


et travailler selon ses forces : « J'étais libéré, écrit Ferrier (1),
de la formule repos et de la formule suralimentation... ceux
(1) Ferrier. Guérison de la Tuberculose, 143.
p.
THEORIE ET TRAITEMENT DE FERRIER 461
qui se sont guéris sont précisément des gens qui travaillaient
soit physiquement, soit intellectuellement. »
Grâce à l'application de ces restrictions alimentaires et à
l'emploi de ce minimum de médicaments, Ferrier obtint,
dans la plupart des cas, des améliorations manifestes et
même des guérisons surprenantes.
Ses idées furent, en général, accueillies avec une certaine
surprise, mêlée d'ironie. Sergent (1), pourtant, dès le début,
lui apporta son précieux appui et, plus récemment, publiait
les résultats de six années de pratique de ce traitement,
qui sont vraiment remarquables et n'ont fait que confirmer
sa conviction de la valeur de cette méthode. Letulle (2L
de son côté, ne put cacher sa surprise en présence du con-
traste frappant de l'aspect extérieur et du rendement social
nullement négligeable des malades traités par ce procédé
et de ceux qu'on a coutume de voir dans les hôpitaux,
« loques humaines qui se savent inutiles et condamnées ».
On n'a pas été sans remarquer jusqu'ici, que, sur bien des
points, mes vues sur le traitement de la tuberculose par
arthritisme sont communes avec celles de Ferrier, et que,
souvemyj'ai eu à enregistrer le syndrome de décalcification
dans la séméiôlogie des arthritiques tuberculeux. Cette ren-
contre n'est nullement fortuite; elle s'est produite dans :

des circonstances qu'il est utile et intéressant de préciser.


C'est, en effet, toujours dans des formes nettes et sérieuses,
d'intoxication arthritique, et jamais chez des sujets non
arthritiques ou peu touchés par cette diathèse, que j'ai
rencontré le syndrome clinique de Ferrier. Et de l'étude de
très nombreux malades porteurs de ce syndrome, j'ai em-
porté la conviction que le décalcifié est toujours un arthri-
tique accompli. Tout prouve d'ailleurs la réalité de cette

(1) Sergent; La valeur thérapeutique de la recalcification. Presse Mé-


dicale, 19. novembre 1910.
(2) Letulle. Presse Médicale, 24 mars 1909.
462 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

coïncidence : la pathogénie, les constatations étiologiques et


cliniques, et la similitude thérapeutique.
L'étude pathogénique nous apprend d'abord que, dans
l'intoxication hyperacide arthritique bien caractérisée, l'éli-
mination calcaire est un phénomène courant et caractéristique.
L'acidité humorale, engendrée par l'usure cellulaire du foie
et de l'estomac, s'attaque aux tissus riches en chaux, aux os,
aux dents, met en liberté leurs sels qui vont ensuite être
éliminés par les émonctoires naturels de l'économie. Et il
n'y a guère en pathologie d'autre affection capable de pro-
duire une dissolution calcaire aussi intense et aussi prolon-
gée que l'arthritisme. Par voie urinaire, l'élimination sera
particulièrement forte, donnant lieu à de la phosphaturie
abondante ; par voie intestinale, les pertes calcaires des en-
térites muco-membraneuses sont maintenant bien connues
depuis les études cliniques de Dieulafoy et les recherches
expérimentales de Loeper (1). Les concrétions lithiasiques
biliaires et urinaires ne peuvent s'édifier qu'à la faveur d'une
élimination calcaire faite presque à saturation. Quand il
s'agit de boue biliaire ou de sable, de graviers urinaires,
l'infection n'est pour rien dans la pathogénie de la lithiase.
C'est à la faveur de l'irritation et de la blessure des voies
excrétrices que, secondairement, l'infection peut se réaliser
et provoquer autour d'agglomérations épithéliales et micro-
biennes inflammatoires, la précipitation et les stratifications
accumulées de sels calcaires, qui continuent à être éliminés
en abondance. Ces spoliations, chez des arthritiques, peuvent
même exceptionnellement s'observer par voie pulmonaire,
donnant lieu à l'expulsion de concrétions calcaires dans les
crachats de tuberculeux ou d'emphysémateux, ou encore,
par voie salivaire, en occasionnant là encore la formation
de calculs.
(1) Loeper. Société de Biologie, juillet 1909-mars 1910. Tribune
Médicale, 581,1910. —
p.
THEORIE ET TRAITEMENT DE FERRIER 463
Le pouvoir décalcifiant considérable de l'intoxication
acide arthritique est même un fait de pathologie générale,
dont l'importance n'est pas assez reconnue. C'est à lui, qu'on
doit certainement rattacher la genèse des déformations sque-
lettiques de l'enfance et de l'adolescence, qui se rencontretou-
jours chez des malades porteurs d'incontestables lésions gas-
triques, et chez lesquels on relève des signes du petit arthri-
tisme et les tares héréditaires de cette diathèse. Les lésions
du rachitisme précoce ou tardif, les déviations des membres
ou de la colonne vertébrale, le pied plat valgus douloureux
(t préparé sans
douté, dit Broca (1), par une altération in-
connue de tout l'appareil locomoteur, provoqué par une
surcharge professionnelle » me sont toujours apparus en
clinique, sous la dépendance de l'intoxication hyperacide.
Il m'a toujours été possible de retrouver, dans tous ces cas
de troubles trophiques osseux, les traces concomitantes de
l'atteinte gastro-hépatique (dyspepsie, dilatation d'estomac,
congestion du foie), et la cause alimentaire qui les avait en-
gendrés (excès alimentaires, alcoolisme, abus carnés ou
sucrés).
Non content d'observer ces faits indéniables de décalcifi-
cation dus à l'arthritisme, nous pouvons nous demander
quel est le mécanisme intime de la production d'acides en
si forte proportion. Ce serait reprendre toute la pathogénie
de l'arthritisme et nous avons assez insisté sur les effets du
surmenage alimentaire, provoquant la fatigue fonction-
nelle, puis l'amoindrissement définitif de la cellule hépa-
tique par usure, pour en montrer de nouveau toutes les
conséquences sur la production des acides. Rappelons sim-
plement qu'un arthritique ainsi tombé ne peut plus méta-
boliser complètement les graisses, les sucres, et tous les ali-
ments concentrés, que cette imperfection aboutit à une sur-
(1) A. Brocâ et Ed. Lévy. La larsalgie des adolescents n'est pas une
tuberculose atténuée. Presse Médicale, 3 décembre 1910.
464 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

production d'acides, variés et que, d'autre part, par corré-


lation, tout acide introduit par l'alimentation n'est plus du
tout neutralisé et joint ses effets pernicieux aux acides en-
dogènes. J'ai déjà dit, également, que ce phénomène avait
son équivalent passager, chez les convalescents d'affections
graves, chez les opérés, où l'intoxication acide reconnaît la
même hypofonction cellulaire, mais momentanée ici, et
aboutit aux mêmes résultats décalcifiants que prouvent les
caries dentaires rapides de ces malades.
Il ne suffit donc pas de constater que le tuberculeux perd
souvent ses sels de chaux, pour, sans chercher davantage, en
faire une circonstance nécessaire et suffisante de la pré-,
disposition tuberculeuse, mais on doit logiquement pousser
plus loin les investigations, et se demander quel est le méca-
nisme nutritif anormal qui détermine à la fois, pareille sensi-
bilité organique vis-à-vis des acides exogènes, et une surpro-
duction aussi exagérée d'acides endogènes. C'est en poussant
les recherches pathogéniques jusqu'à ce point extrême,
qu'on tombe sur la seule cause capable de donner naissance
à d'aussi néfastes manifestations morbides, sur l'intoxica-
tion arthritique, et, du coup, la question se trouve sin-
gulièrement éclairée.
De ce point de vue, la décalcification et la tuberculinisa-
tion apparaissent dans leurs rapports réels, c'est-à-dire,
comme deux phénomènes concomitants. Ils sont les co-efjêts
d'une même cause : l'intoxication acide arthritique ; cette
relation causale est la seule qui les relie et, par ailleurs, ils
n'ont aucune influence réciproque. L'acidité plasmatique
engendre d'une part, la dissolution, la déperdition calcaire
par les voies d'élimination naturelles, la raréfaction osseuse
et dentaire, et, d'autre part, comme nous l'avons assez
répété, elle affaiblit les réactions défensives naturelles, sui-
vant le mécanisme biologique général, qui fait que l'alca-
linité humorale crée l'immunité, et son acidité, la prédispo-
THEORIE ET TRAITEMENT DE FERRIER 465
sition à l'infection. Et ces deux épiphénomènes toujours
situés côte à côte dans le sillage de V arthritisme sont si cons-
tants, qu'ils permettent de justifier une fois de plus la défi-
nition que nous en avons donnée, et de dire que c'est
une
diathèse hypéracide décalcifiante et infectante.
Etant contemporaines et commandées par une commune
origine, on comprend qu'il soit difficile de leur attribuer
une influence réciproque déterminante, aussi bien dans un
sens que dans l'autre. Il devient ainsi, également impos-
sible de soutenir, par exemple, que la lésion tuberculeuse est
la cause décalcifiante, déminéralisante (Robin) ou que, àl'op-
posë, la décalcification engendre le processus tuberculeux.
Et, si.le fait de la reçâlcification médicamenteuse coïncidant
avec un relèvement des forces et une guérison des tubercules, '
a pu faire croire que vraiment la perte calcaire était l'unique
source du mal, c'est parce que, sans le vouloir positivement,
à l'aide d'un régime étayé sur. dés faits cliniques indiscu-
tables, on s'est attaqué à l'intoxication acide arthritique,
qui présidait au développement égal des deux effets paral-
lèles : la dissolution calcique et l'infection bacillaire.
Je n'ignore pas non plus, qu'on peut invoquer en faveur
de l'influence curative de la reçâlcification, et, nocive de
la décalcification, la constatation de concrétions calcaires
pérituberculeuses sur des vieux foyers guéris ou en évolution.
Ce fait prouve seulement qu'il s'est effectué, par voie pul-
monaire, à un moment donné, une déperdition de sels de
chaux qui s'est fixée sur le point enflammé, s'y est cristalli-
sée et concrétée absolument comme cela se produit dans les
voies biliaires ou rénales, sans'qu'il soit.nécessaire de recon-
naître là un processus curatif vraiment spécial. D'ailleurs,
Cet.encerclement calcaire n'est guère habituel dans la tuber-
culose,, où la réaction fibreuse du tissu conjonctif est, au
contraire, la lésion cicatricielle vulgaire. On ne peut donc
tabler sur l'absence d'un phénomène qui, lui-même, est
30
466 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

exceptionnel, pour en faire la cause unique de la marche


progressive des lésions.
De même, si l'on se bornait à enregistrer cet important
groupement de pertes calcaires, sans lui chercher une ori-
gine possible hors de l'infection tuberculeuse, on incrimi-
nerait volontiers une déminéralisation, une dénutrition,
hypothétique, tandis que la filiation pathogénique met. en
évidence une acidification toxique causale.
Ce coup d'oeil pathogénique démontre une fois de plus
que, pour remédier à ces pertes calciques, ce n'est pas tant
en augmentant les recettes en sels de chaux, ni surtout en
suralimentant l'arthritique tuberculeux, qu'on peut espérer
le guérir, mais simplement en enrayant tout apport d'acides
tant exogènes qu'endogènes, et toute cause de fatigue cel-
lulaire. Nous savons bien maintenant, quelles réactions
acides excessives crée une alimentation trop copieuse, trop
grasse ou trop sucrée, et, au contraire, quels bénéfices l'ar-
thritique peut réaliser, d'une diététique logiquement res-
trictive. Il acquerra un gain durable et solide à reposer ses
cellules gastriques et hépatiques, bien plus qu'à les surexciter.
Ce rattachement à une commune origine, de la dissolu-
tion calcique et de la prédisposition infectante, que la pa-
thogénie vient de logiquement motiver, va recevoir une
justification complémentaire dans l'étude clinique et thé-
rapeutique de ces deux syndromes.
Les malades observés comme présentant des troubles
de décalcification, offrent, en même temps, tous les signes
caractéristiques du terrain arthritique. Ce sont d'anciens
gastropathes ou entéritiques, ce sont des sujets en proie
aux troubles nerveux d'intoxication, aux migraines, à la
neurasthénie, ce sont des congestifs qui, très souvent, ont
l'hémoptysie facile, qui encombrent le pourtour de leurs
foyers tuberculeux par des infiltrations, des oedèmes à
grand fracas qui en imposent à.première vue. Dans nombre
THEORIE ET TRAITEMENT DÉ FËRRIËR 467
d'observations rapportées par Ferrier, par Sergent, et
justement, dans celles où le traitement a eu son maximum
d'efficacité, ces troubles congestifs pérituberçuleux et gé-
néraux, cette indication répétée de la « dépression phy-
sique et mentale » de la neurasthénie toxique, ces coïnci-
dences fréquentes d'entérites simples ou mucô-mémbrâ-
neuses, d'appendicite même (Roux et Josserand) (1), se
trouvent consignés.
J'ai toujours, pour ma part, constaté d'abord la réelle
existence et la parfaite exactitude du syndrome de décal-
cification tel que le décrit Ferrier; j'ai vu des cas êxtraor-
dinairêment rapides et sérieux d'effondrements dentaires,
coïncider avec la. phosphaturie et la diminution du poids
spécifique du corps, et, de plus, point complémentaire,
avec un mauvais état trophique des tissus, une tendance
à l'ulcération des muqueuses et de la peau, blessées par les
éliminations acides, et un retard dans la cicatrisation des
plaies accidentelles. Ces excoriations fissuraires des com-
missures buccales, ces inflammations irritatives des mu-
queuses nasales et oculaires, ces éruptions cutanées sui-
vaient toujours une marche parallèle à l'intoxication acide
et s'éteignaient avec elle. Mais je n'ai jamais rencontré ce
syndrome chez des tuberculeux non arthritiques et, très
souvent, je l'ai noté chez des arthritiques non tubercu-
leux.
Chez tous les tuberculeux où ce syndrome est patent,
il est constant de retrouver, en leur posant le questionnaire
détaillé des troubles arthritiques, les manifestations nom-
breuses de cette diathèse, dans leurs antécédents hérédi-
taires et personnels, et de les relier à des erreurs ou à des
excès alimentaires. Dans les cas où la tuberculose et la dé-
calcification étaient juxtaposées, elles coïncidaient dans
(1)Rôûx et Jussérand. La pdthogéniê de l'infection tuberculeuse.
Archives de Médecine des enfants, février 1909.
468 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

leurs paroxysmes et leurs atténuations, et toujours, ces


alternances étaient commandées par une variation de
l'état toxique diathésique, dont la raison se retrouvait
constamment et uniquement dans des modifications diété-
tiques.
Chez ces mêmes malades tuberculeux arthritiques, toute
cause d'acidification aggravait les deux facteurs, tandis que
toute intoxication simple non acidifiante (médicaments, pto-
maïnes, leucomaïnes) aggravait la lésion tuberculeuse seule,
sans provoquer l'apparition d'aucun signe du syndrome
de décalcification. Ceci est donc bien une preuve que la
décalcification est un phénomène connexe qui n'est pour
rien dans l'aggravation ou l'atténuation de l'infection
bacillaire, et que seul, l'arthritisme avec ses causes à la
fois toxiques et acides, intervient comme facteur d'en-
tretien des foyers tuberculeux.
Cela nous montre, de plus, que dans toutes ces formes
de- tuberculose par arthritisme, la lutte contre l'acide,
contre la décalcification, sera insuffisante, comme je l'ai
déjà dit, à donner des résultats curatifs rapides, et qu'elle
devra toujours être complétée par un souci de désintoxi-
cation alimentaire et gastro-intestinale qui formera au
traitement, tel que l'a conçu Ferrier, un appoint indispen-
sable.
Ce qui précisément explique la valeur curative du régime
de Ferrier et ses. succès thérapeutiques, c'est qu'il cons-
titue un évident régime antiarthritique, mettant de côté
la suralimentation et la médication active, apportant des
restrictions alimentaires, là où on a coutume d'encourager
les pires erreurs et excès, et proclamant l'influence nocive
du repos et la haute valeur de l'exercice, convenablement
dosé, au grand air. Ces prescriptions qui s'attaquent ainsi
aux effets diathésiques les plus graves, en "supprimant
les erreurs alimentaires et la sédentarité, qui
en sont les
THEORIE ET TRAITEMENT DE FERRIER ' 469
constants dispensateurs, agissent donc directement contre
l'intoxication et, par son intermédiaire seulement, à la fois
sur ses deux conséquences parallèles : la décalcification et
la tuberculose.
Placés sur le môme rang pathogénique, ces deux épi-
phénomènês restent donc sur le même plan clinique et
thérapeutique. Us s'aggravent de concert ; ils s'améliorent
corrélativement parce qu'ils sont régis par la même cause.
C'est donc bien un mariage qui les relie et non une filia-
tion.
Dans les cas graves, le traitement de Ferrier reste in-
suffisant à donner des résultats thérapeutiques définitifs ;
il ne fournit que des améliorations, et doit être complété
par des mesures restrictives visant les sources d'intoxi-
cation autres que lés acides : les poisons animaux (la
viande), les purines végétales (légumineuses). Sachant que
l'arthritisme est à l'origine du mal, on se rend compte que,
s'attaquer à la seule décalcification, c'est faire de la médica-
tion symptomatique atténuante et non. curative, tandis
que lutter contre l'ensemble des causes diathésiques, c'est
faire de la. thérapeutique pathogénique, la seule efficace.
Les prises calcaires, médicamenteuses elles-mêmes, sont
la plupart du temps inutiles et même nuisibles ; en tous
cas leur valeur paraît bien exagérée. D'abord leur assimi-
lation est plus que problématique et, surtout, j'ai très sou-
vent remarqué dans les formes moyennes, et toujours
dans les graves, un effet retardant sur la circulation in-
testinale, qui m'a fait renoncer à leur emploi. Les sels de
chaux encrassent les parois intestinales à la façon du bis-
muth. J'ai trop insisté sur la valeur capitale de la déter-
siôn incessante de cette muqueuse, et de l'élimination
toxique dont elle est le siège, pour motiver davantage le
rejet de la poudre de chaux.
D'ailleurs, je suis toujours arrivé à recalcifier très rapide-
470 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

ment et à guérir de leur inoculation bacillaire, la plupart


des arthritiques gravement intoxiqués, sans leur faire
prendre un atome de sel calcique sous une forme médica-
menteuse quelconque, tant il est vrai, comme le dit Ferrier
lui-même « qu'il s'agit non de prendre de la chaux, mais
d'en garder ».
A mon point de vue, la cure médicamenteuse devra être
beaucoup plus alcaline que calcique, et c'est modifiée dans
ce sens, que je prescris d'habitude, au début de chaque
repas, la prise du mélange suivant :
Bicarbonate de soude ,
1 gr.
Magnésie 0 gr. 30
Chlorure de sodium 0 gr. 10

traitement de Ferrier
Ces réserves une fois faites, le
réalise un immense progrès dans le traitement de la tu-
berculose pulmonaire, en démontrant qu'à ces malades,
il suffit de fournir une alimentation normale, de veiller à
un espacement suffisant des repas, à la prohibition des
mets acides ou capables d'en produire dans le cours de la
digestion, et que la diététique jointe à l'exercice dosé, résume
la thérapeutique ; la mauvaise hygiène alimentaire étant
bien plus néfaste que le mauvais air. « L'aération de Paris
peut être suffisante » (Ferrier) (1).
Résumant ce chapitre, nous pouvons émettre les propo-
sitions suivantes :
La décalcification est un fait indéniable de dénutrition
calcique chez les arthritiques, tuberculeux ou non tuber-
culeux. On y remédie par la désintoxication acide, par des
restrictions alimentaires et des prescriptions hygiéniques
appropriées. On l'aggrave par la surnutrition et la sédenta-
rité.
La tuberculose ne tient nullement à la décalcification
(1) Ferrier. La cure de la Tuberculose, p. 129.
THEORIE ET TRAITEMENT DE FERRIER 471

des os et des tissus, mais à l'abaissement de l'alcali-


nité plasmatique, qui abat les forces innées de préser-
vation, et permet la greffe bacillaire. Comme ces deux
symptômes évoluent de conserve, comme il nous est im-
possible de nous rendre compte de la baisse de l'alcalinité
humorale prédisposante à l'infection, le syndrome de dé-
calcification, par ses localisations dentaires surtout, cons-
titue un excellent signe d'avertissement. Et l'apparition
de l'agacement des collets doit immédiatement donner
l'éveil, faire rechercher dans l'alimentation et éliminer de
suite, la cause acide directe ou indirecte, dont la persistance
placerait le terrain organique en moindre résistance.
La décalcification et l'infection tuberculeuse sont co-
effets, sans retentissement réciproque, sans relation cau-
sale l'un vis-à-vis de l'autre. Ils relèvent d'une étiologie
commune, l'intoxication hyperacide arthritique, à la fois
décalcifiante et infectante dans Ses effets, qui, elle-même,
reconnaît pour unique cause, l'usure prématurée de l'ap-
pareil gastro-hépatique par suite d'erreurs ou d'excès ali-
mentaires du malade, et le plus souvent aussi de ses ascen-
dants.
La décalcification n'est donc pas la caractéristique
du terrain tuberculisable, mais simplement, un aspect
clinique un peu spécial du terrain arthritique, qui lui-même
n'est qu'une des causes, la plus importante certes, qui pré-
disposent à la tuberculose.
CHAPITRE XVIII

TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX
ET HYGIÉNIQUE
État général, Symptômes, Complications, Hygiène

« Entourez de soins pieux les fonctions


de l'estomac des tuberculeux. »
PETER.

Au début de ce chapitre de thérapeutique, qui a pour


objet d'étudier les divers moyens médicamenteux, des-
tinés à soutenir l'état nutritif général du tuberculeux,
à combattre les symptômes nocifs ou douloureux, à
parer aux complications qui peuvent s'adjoindre, et enfin,
à compléter certaines prescriptions hygiéniques, il est en-
core indispensable de redire la susceptibilité fantastique
des organismes arthritiques avérés, vis-à-vis de toutes les
variétés d'intoxications, qu'elles soient alimentaires, mi-
crobiennes ou médicamenteuses. La plupart des corps chi-
miques employés en thérapeutique, sont d'actifs poisons,
et ne devront être utilisés qu'avec une extrême réserve
et la plus grande modération. Huchard n'a-t-il pas écrit :
« On peut se montrer grand praticien sans ordonner de mé-
TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX ET HYGIÉNIQUE 473
dicaments ; le meilleur remède est souvent de n'en prescrire
aucun. »

A. — MÉDICATION GÉNÉRALE

LES STIMULANTS

Les principaux excitants de la nutrition employés sont :


l'arsenic avec ses nombreux dérivés (câcodylate, arrhénal,
etc.), le fer, les lécithines, etc. Ce sont des agents très actifs
dé réaction cellulaire, et c'est précisément dans cet excès
de pouvoir excitant que réside en même temps leur plus
grave inconvénient,
Le gros travers de la thérapeutique actuelle, qu'elle soit
alimentaire ou médicamenteuse, c'est de ne viser qu'un but
unique : l'excitation continuelle et de plus en plus pro-
noncée, sous, le prétexte fallacieux de tenir les organes en
haleine. Elle semble ignorer totalement la haute valeur re-
constituante du repos, de l'épargne, et surtout du dosage de la
puissance et de la concentration de l'agent excitant, alimentaire
ou médicamenteux, en proportion stricte de la possibilité réac-
tionnelle sans fatigue, des protoplasmes cellulaires, toujours
fort amoindris chez les grands malades.
On considère l'organisme humain comme un réservoir
énergétique inépuisable, capable de refaire son plein
à l'infini, en toutes circonstances, et dans lequel on peut
puiser sans trêve ni retenue. On pense toujours à l'effet
immédiat, au présent, jamais on ne prévoit l'avenir. Et,
pourtant, quand le réservoir est presque à vide, n'est-ce pas
plutôt la parcimonie qui semble indiquée, que la suractivité
dépensière ?
Toujours les cellules hépatiques, nos grandes pour-
voyeuses d'énergie, doivent être sur la brèche. Jamais
474 ETUDE THERAPEUTIQUE

de répit ! Elles sont surmenées, on les dit affaiblies ;


elle sont épuisées, on les croit paresseuses. Affolées de fa-
tigue, parce que surmenées ; éperdues de sensibilité, parce
que meurtries sans cesse, elles crient grâce ; on leur répond
par un coup de fouet.
Ce qu'est l'arthritique tuberculeux, nous le savons pour-
tant bien. C'est un malheureux dont les parents ont dilapidé
le patrimoine vital, qui, lui-même, a continué le gaspillage
énergétique, pour faire face aux excitations toxiques et ali-
mentaires surabondantes. C'est l'abus et la violence des
excitants qui l'ont conduit là où nous le trouvons. Il n'a
plus de réserves derrière lui, il n'a plus de force vitale dans
ses protoplasmes exténués. Et c'est à ce sujet harassé, que
nous nous proposons de demander un suprême effort de
surexcitation cellulaire !
Mais ce n'est pas la prodigalité qui peut sauver cet indi-
gent ; il ne doit plus vivre que sur un budget de pauvre, et
ne peut plus rien dépenser brusquement, sans amener sa
ruine subite. Ce qu'il lui faut, c'est de la parcimonie, qui
seule peut lui permettre d'économiser son très faible avoir,
et même, parfois, de retrouver un regain de vitalité pour
faire de petites épargnes, qu'il emploiera pour lutter,
avantageusement cette fois, contre l'infection bacillaire.
Ne nous fions donc pas aux apparences, ne croyons pas au
mauvais vouloir de ses organes, quand ils sont simplement
défaillants par surmenage. N'aggravons pas la blessure
hépatique, en accroissant la surexcitation cellulaire par
notre médication stimulante intempestive. Ce que l'ap-
pareil gastro-hépatiquedu tuberculeux attend de nous, c'est
l'aumône d'un répit réparateur, et non pas une condam-
nation aux travaux forcés à perpétuité, qui consommerait
sa ruine.
Comment se fait-il que nous ne pensions qu'à regarder la
flamme qui brûle, et nullement la lampe qui
se vide, et
TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX ET HYGIÉNIQUE 475
qu'à cause, de cette vision partielle nous nous montrions
d'imprévoyants gâcheurs et dégrâdâteurs d'énergie, là où
il importerait tant d'être avare et de restaurer ? Cela tient
à ce que nous avons trop l'habitude de considérer l'orga-
nisme humain comme une machine inerte, dans laquelle
se passent des phénomènes purement physico-chimiques,
et nous ne tenons pas assez compte de la biologie proto-
plasmique. Là machine a des besoins rythmiques de dé-
tente moins accusés et moins prolongés ; un moteur :utilise
l'essence sans lui faire subir des transformations chimiques
d'assimilation, comparables, même de loin, à celles que
réclament nos aliments pour être utilisés. La force de l'ex-
citant dont s'accommode la robustesse de l'acier, produit
dans la machine de prodigieux rendements ; la fragilité de
la matière vivante, au contraire, ne permet pas la tolérance
prolongée d'agents excitants antiphysiologiques, antina-
turels, parce que plus concentrés que ceux que nous offre
la nature, et qui furent les architectes de nos organes, dans
le cours des siècles. Aussi, là où nous escomptions de mer-
veilleux effets de rénovation trophique, nous n'aboutis-
sons qu'à la lésion organique et au tarissement énergé-:
tique.
Combien plus appropriée se trouve la comparaison avec
un organe ou un organisme vivant. Voyons le coeur,
notre primum movens ; son rythme alternant de travail:et
de détente, ne prouve-t-il pas le besoin naturel de la ma-
tière vivante, d'un partage équitable entre la dépense et la
récupération énergétiques. L'impossibilité de l'excitation
continue, de la tétanisâtionj la nocivité des agents stimu-
lants trop énergiques, trop prolongés, ou trop fortement
dosés (digitale, strophantus, etc.), l'action néfaste des coups
de fouets moraux ou physiques (alimentation ou médi-
cation toxiques), les bienfaits du. repos physique et alimen-
taire dans les cardiopathies graves, tout cela ne démontre^
476 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

t-il pas les dangers de l'excitation exacerbée et prolongée,


sur les organes fatigués et même sains.
L'organisme entier d'ailleurs obéit aux mêmes lois. Que
réclame un animal qui vient de fournir une course pro-
longée et qui halète, est-ce un coup de fouet, une stimula-
tion chimique factice ? Personne ne songerait à pareille ab-
surdité Pourquoi alors agir autrement, vis-à-vis d'un
!

malade surmené. L'appareil gastro-hépatiquê du tuber-


culeux n'est-il pas comparable à ce cheval, fourbu,
pour avoir fourni au grand galop une trop longue
étape, qui bute à chaque instant et réclame pour se
refaire un peu de marche au pas. Quand le galop se
ralentit, est-il raisonnable de refuser le repos réparateur
et de prolonger le train d'enfer, par une surexcitation
alimentaire ou médicamenteuse. Obnubilés par les manifes-
tations extérieures, par le ralentissement d'allures et par
la sotte confusion de la fatigue avec la faiblesse, de l'in-
toxication avec l'anémie, on se refuse à prescrire le repos
et la modération des excitants, et on achève de détériorer
les organes par l'absorption de violents stimulants chi-
miques.
Comment, en effet, agissent ces modificateurs cellu-
laires ? Ils'provoquent un sursaut vital notoire, une plé-
thore sanguine certaine, élèvent la pression sanguine, aug-
mentent le nombre des hématies et des globules blancs, et
cette stimulation hématopoïétique s'étend aux organes
digestifs,- au système nerveux. Sur le moment, c'est splen-
dide, on a surexcité l'organisme, on lui a fait dissiper ses
réserves énergétiques, et, à ne considérer que le résultat
immédiat et les apparences, on a tout lieu de croire à la
guérison. Mais ce rudoiement, cette violence se paye ; la
phase fatale de défaillance viendra, la fatigue inévitable
se produira, et l'infection va récidiver. On y répond par
une nouvelle violente stimulation. Déjà l'organisme réagit
TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX ET HYGIÉNIQUE 477
moins bien, le relèvement paraît moins net ; on augmente
la dose, on répète les prises excitantes ; on frappe toujours,
mais on ne trouve plus personne qui réponde. L'usure cel-
lulaire est venue, la fuite énergétique a été trop forte et
trop rapide.
. .
Ce à quoi aboutit finalement le cacodylate, par exemple,
c'est à l'accentuation fébrile, aux récidives hémoptoïques,
à l'abattement des. forces. Dans les cas graves même, l'em-
poisonnement se fait à grand fracas : vomissements, accès
-hyperhémiques douloureux du foie, diarrhée alliacée, su-
dations, etc. K Nous avons vu souvent, dit Barbary (1), des
hémoptysies suivre des cures de cacodylate, d'arrhénal,
hémoptysies précédées d'élévations toujours croissante dans
la tension artérielle. »
Mais nous avons déjà un exemple de ces trompeuses
améliorations acquises chèrement, puisqu'elles sont obte-
nues en faisant souffrir l'organisme, en offensant ses tissus
et accélérant ses fuites énergétiques ; nous avons déjà vu,
qu'à une action brutale, s'adapte une réaction violente,
et c'est à propos de cet autre procédé thérapeutique qui dé-
rive également de cet illogique idée fixe d'excitation per-
manente : la suralimentation.
Cacodylate et suralimentation n'agissant que par les
mêmes efforts épuisants d'adaptation de l'économie, vis-
à-vis d'excitants antiphysiologiques, qui rudoient les cel-
lules hépatiques. Tous les deux provoquent les mêmes amé-
liorations factices immédiates, et les mêmes effets meur-
triers tardifs : fièvre, congestion hépatique, hémoptysies,
troubles gastro-intestinaux, etc.
Si même, on a la malencontreuse idée de les associer chez
le même malade, et que son atteinte diathésique soit assez
grave pour ne pas lui permettre d'opposer une longue ré-
(1) Barbary. La tension artérielle chez les tuberculeux. Congrès de la
Tuberculose, 1905.
478 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

sistance, il est habituel de constater, après une assez courte


période hyperfonctionnelle, où l'organisme a fait tous les
frais d'une dernière flambée, un effondrement subit dans
l'état pulmonaire et général ; la médication stimulante fusille
le malade en quelques semaines. Et on en est quitte pour in-
criminer la virulence du germe, là où pourtant, il n'y a
qu'une seule chose à dénoncer : le traitement.
Les effets passagers d'apparence bienfaisante des chan-
gements de traitement médicamenteux, qui ont intrigué
nombre de cliniciens, n'ont pas d'autre raison que la
réaction organique, vis-à-vis d'un excitant inaccoutumé,
qui après avoir, à son tour, fourni son apport de dégrada-
tion énergétique, cesse peu à peu d'agir, ou mieux, n'ob-
tient plus de réponse de là part des protoplasmes dont il
a achevé l'anéantissement, parce que sa puissance et sa
toxicité ne furent pas calculées sur la capacité fonction-
nelle abaissée de l'arthritique, et proportionnées à son
amoindrissement vital. Et, dans ces cas, il ne s'agit nulle-
ment d'atténuation, puis de mithridatisâtion microbienne,
mais seulement d'une irritation organique nocive, parce
que suivie d'un épuisement réactionnel de plus en plus
prononcé, à la suite d'une excitation d'un nouveau genre.
Faut-il donc renoncer à jamais à toute stimulation arti-
ficielle médicamenteuse ? Dans les formes d'intoxication
arthritiques prononcées, c'est certain, il est indispensable
de s'abstenir de toute excitation artificielle, qui sera tou-
jours mal appropriée et dangereuse. Dans les cas légers
on pourra encore avoir recours à des doses modérées et
éloignées, de fer, d'arséniate de soudé, mais le mieux est
encore de s'en passer.
Alors, autant dire que nous sommes désarmés, et qu'im-
puissants à enrayer le mal, notre rôle thérapeutique
sera singulièrement réduit, sinon complètement effacé.
Mais non, notre mission reste
encore plus importante et
TRAITEMENT MEDICAMENTEUX ET HYGIÉNIQUE 479
plus attrayante qu'on le croirait. Nous avons, à notre portée,
des agents de vitalisation naturelle, quiseront d'une ressource
considérable et qui, appropriés à l'organisme, puisqu'ils
l'ont façonné, seront seuls capables de le rénover, parce
qu'ils sont ses bienfaiteurs naturels. Et là, où les excitants
chimiques artificiels, les aliments antiphysiologiques con-
centrés, n'ont su que semer la ruine, l'aliment naturel bien
choisi, la culture physique bien réglée, l'air, la lumière et
le soleil bien dosés, vont redonner à l'organisme épuisé
son ancienne vigueur, et lui permettre de refaire ses défenses
naturelles. Et celles-ci vont détruire ou tenir en respect lés
bacilles tuberculeux, bien mieux et à moins de frais, que ne
pourraient le faire tous les antiseptiques réunis. Le rôle du
médecin sera donc, d'une part, d'empêcher le malade de
se nuire, de lui montrer tous lés dangers que font courir à
ses viscères les médicaments actifs et l'alimentation anti-
physiologique, et de lui enseigner, d'autre part, les hautes
vertus curatives, malheureusement si méconnues, des
agents naturels, alimentaires et physiques, qui sont les
seuls stimulants non meurtriers,, parce que physiologi-
ques.

LES ANTISEPTIQUES

L'antisepsie médicamenteuse est un mythe dans le trai-


tement de la tuberculose. La stérilisation organique ne
peut s'obtenir que quand il s'agit de germes particulière-
ment délicats, dont la très courte survie hors des tissus ou
des sécrétions atteste la grande fragilité. Sont du nombre
les parasites de la malaria, de la syphilis, de la blennor-
ragie, entre autres. Et dans ces diverses maladies, tout le
problème thérapeutique réside dans la découverte d'un
agent antiseptique spécifique, dont la toxicité et le dosage
480 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

soient à cheval entre les fragilités cellulaires et micro-


biennes.
Mais pour des germes résistants, tels que le bacille de
Koch, qui ne redoute nullement la dessiccation, dont la
coque grasse constitue une cuirasse fort efficace, l'anti-
sepsie restera toujours une Vue de l'esprit, et l'action des
médicaments antiseptiques absorbés se réduira simple-
ment à une dangereuse meurtrissure organique.
Aussi, s'acharner à prescrire à des tuberculeux de l'iode,
de l'iodoforme, du tanin, de la créosote, du gaïacol et tous
ses dérivés, c'est aider puissamment le bacille tuberculeux
dans sa progression destructive, car c'est paralyser ou tuer
plus de cellules défensives que de microbes. Leucocytes ou
cellules glandulaires ainsi détruits, sont autant de soldats
perdus pour le combat contre l'envahissement infectieux.
Sous prétexte d'enrayer la colonisation microbienne, on
a simplement rompu la barrière phagocytaire qui l'encer-
clait.
L'exemple de la chirurgie qui enseigne la supériorité de
l'asepsie sur l'antisepsie, devrait pourtant faire réfléchir et
achever de démontrer, que tout ce qui est nécrosant pour
les tissus ne saurait préserver de l'infection. N'est-il pas,
de plus, surprenant, de voir appliquer à des épuisés, in-
troduire dans les tubes digestifs détériorés, des médica-
ments ou des aliments qui rendraient malades des gens sains
et vigoureux. Quel est l'estomac le plus robuste qui puisse
impunément s'accommoder de prises prolongées d'iodo-
forme, de créosote, de tanin et même "d'huile de foie de
morue, et par quelle aberration peut-on alors arriver à pres-
crire de tels produits pharmaceutiques dans un.but curatif.
Les médicaments qui ont fait leurs preuves, tels que la digi-
tale, le fer, l'arsenic ont au contraire, à dose modérée une
innocuité absolue sur les individus bien portants, et cette
innocuité nous est le. plus sûr garant de leur efficacité pos-
TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX ET HYGIÉNIQUE 481
sible, dans des affections déterminées/Tandis que tout
ce qui constitue un agent dolosif manifeste pour l'homme
sain, ne peut raisonnablement devenir un remède pour
un malade. « L'organisme malade, a dit Cl. Bernard^ ne
saurait obéir à d'autres lois que l'organisme sain. »
Ces considérations s'appliquent aux seuls médicaments
curatifs, car s'il s'agit de combattre un symptôme gênant
ou douloureux, il ne viendra à l'idée de personne de re-
fuser l'emploi de la morphine, par exemple, sous prétexte
qu'elle est un poison de l'organisme sain.
Les méfaits de l'iode, de la créosote, du gaïaçol sur les
voies digestives, sur le foie, et leur action hyperhémiante et
hémorragipare sur les foyers tuberculeux est trop connue
pour qu'il faille y insister. Le tanin, qui n'agirait qu'à
forte dose, a surtout pour effet de coaguler les sécrétions
gastro-intestinales, de tanner les épithéliums, et c'est là
le plus clair de son action. « La question est de tolérer cette
drogue à haute dose, écrit Sabourin (1), et trop souvent les
tuberculeux qui la supportent à haute dose, paraissent n'en
retirer aucun bénéfice sérieux. »
Enfin, il faut protéger les malades contre les innombra-
bles spécialités et produits antiseptiques nouveaux, tous
plus spécifiques les uns que les autres, qui lancés à grand
fracas, jouissent d'une éphémère renommée, et se garder
d'en faire usage, même pendant qu'ils guérissent, à cause
de leur haute puissance antiseptique c'est-à-dire mor-
telle.
Un exemple, choisi entre mille, montrera quels troubles,
parfois fort déconcertants, peut déterminer l'emploi pro-
longé de substances antiseptiques.
Madame Bou... vint me consulter un jour, au sujet d'acci-
dents nerveux dont elle souffrait depuis plusieurs années,
mais qui, ces derniers temps, s'étaient considérablement ag-
(1) Sâbouriji. Le traitement rationnel de la phtisie, p. 58.
31
482 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

gravés. Depuis quatre ans, tous les trois ou quatre mois, elle
était en proie à de singulières attaques se répétant la nuit, par
petites séries de 3 ou 4, en huit jours. Une douleur et un trem-
blement du bras gauche la- prenaient et, de lui-même, son bras
contracture se dressait au-dessus de sa tête. Peu à peu, les séries
se rapprochèrent, éclatèrent tous les deux mois, puis tous les
huit jours, et même s'aggravèrent à ce point que, maintenant,
l'attaque se généralise et simule, à s'y méprendre, l'épilepsie
jacksonnienne. La malade a un aura, crie : mon bras ! mon
bras ! les secousses gagnent la jambe correspondante, puis la
perte de connaissance se fait, avec constriction des mâchoires,
yeux révulsés, morsure de la langue, et retour de la conscience
environ dix minutes après. L'examen permet de constater de
l'exagération des réflexes rotuliens surtout du côté gauche, une
lésion pulmonaire du sommet droit au premier degré, et un
gros foie congestionné et très douloureux. Après avoir éliminé,
peu à peu, les hypothèses de tumeur cérébrale, de syphilis,
d'intoxication par un diabète ou une albuminurie, j'en vins à
penser à une cause d'intoxication chez une arthritique, et je
fouillai davantage dans les antécédents familiaux et personnels
de la malade, bien qu'elle me ditne rien avoir d'extraordinaire à
me signaler, à ce propos. Je retrouvai ainsi, chez ses ascendants,
d'abord toute la pléiade arthritique : éthylisme du père ; obé-
sité, diabète, hémiplégie, vésanie chez les oncles et les tantes,
nervosisme, albuminurie, ictères, chez des frères et soeurs.
Elle-même est une arthritique patente, très adipeuse, conges-
tive, très colorée avec varicosités des joues. Mais, surtout, j'ap-
prends que depuis cinq ans, elle continue à se soigner pour sa
lésion bacillaire du sommet droit, et prend régulièrement de
l'huile de foie de morue et des cachets contenant de l'iodoforme,
du gaïacol et du tanin, en même temps qu'elle s'alimente outre
mesure. J'étais édifié, tous les accidents coïncidaient avec le
traitement toxique institué, et s'aggravaient, de plus en plus
du fait de sa persistance. Il m'a suffi de supprimer tout médica-
ment, de prescrire l'alimentation végétarienne, pour rendre la
malade à la santé et supprimer brusquement tous les troubles
nerveux et généraux qui l'assaillaient depuis quatre années.
TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX ET HYGIÉNIQUE 483

LA MEDICATION SPÉCIFIQUE

La variété des sérums, vaccins et tuberculines proposés


est un témoignage suffisant de leur inefficacité. Qu'un jour,
la découverte du sérum antituberculeux soit une réalité,
ce ne sera pas la victoire tant désirée, mais seulement l'in-
troduction d'un adjuvant fort appréciable dans la lutte anti-
bacillaire, parce que ce sérum ne remédiera qu'à une face
du problème, la moindre, l'infection bacillaire, et qu'il ne
suffira jamais à rétablir à lui seul, l'intégrité dés défenses
naturelles. Car, en fait, le malade succombe bien plus à
l'épuisement de ses forces énergétiques, à l'usure de son ap-
pareil gastro-hépatique, qu'à sa complication parasitaire.
La tuberculose n'est que le masque qu'empruntent les dé-
chéances organiques : le bacille expulsé, la tare subsistera. Sa-
prophyte modérément dangereux, le bacille de Koch ne se
fixe que Sur les organismes défaillants et n'achève que ceux
qui sont en ruine.

LES TONIQUES
(Kola, quinquina, coca, strychnine, glycêro^phosphates, etc.)

Ce sont certes les médicaments les plus réclamés, et il


est bien embarrassant de les refuser à ces malades qui,
avant toute explication, vous servent la classique formule :
« Je viens vous consulter parce que j'ai
besoin d'un forti-
fiant. » Jamais de tels sujets ne veulent croire que leur in-
vincible torpeur, leur perpétuel et angoissant malaise, leur
courbature continuelle, ne sont le fait que de leur alimen-
tation toxique et exagérée, et de leurs médicaments to-
niques qui, par l'excitation renouvelée sans trêve, aggra-
vent de plus en plus la fatigue générale consécutive. Il est
484 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

très difficile de les convaincre et de les résoudre à abandon-


ner leur quinquina et leur bifteck saignant.
C'est dire, combien on devra éviter d'ordonner tous ces
pseudo-toniques, auxquels les malades prennent trop faci-
lement goût et qui les rendent cocaïmanes comme on de-
vient alcoolique. Tous ces excitants factices, très passagers,
sont des gaspilleurs d'énergie et des facteurs de dépression
dont il ne faut jamais faire usage.
Les sels minéraux, les glycéro-phosphates eux-mêmes
sont d'un effet très problématique quand ils sont tolérés,
et dans les cas d'intoxication grave sont franchement nui-
sibles, à cause de l'entrave qu'ils apportent à la circulation
intestinale, par leur inertie pulvérulente. C'est encore le cas
de répéter avec Ferrier : « Il s'agit non de prendre de la
chaux, mais d'en garder. » Si on sait enrayer la décalcifi-
cation par une diététique bien établie, il est complètement
inutile d'ordonner les sels de chaux.
D'ailleurs, tous ces sels de chaux accomplissent la tra-
versée digestive sans être absorbés le moins du monde.
Les expériences de Gilbert et Posternack (1) semblent
bien prouver que les phosphates minéraux ne sont pas assi-
milés dans l'organisme. Celles de Lunin (2) confirment
également cette opinion, en montrant que des souris nour-
ries de matières hydrocarbonées et grasses, privées de
sels minéraux naturels, meurent aussi bien, qu'on adjoigne
ou non des sels chimiques pour les remplacer. « Ces expé-
riences prouvent, dit Labbé, qu'il ne suffit pas d'intro-
duire dans le tube digestif les substances minérales que ré-
clame l'économie, il faut encore que la nourriture les ap-
porte sous forme convenable pour qu'elles puissent remplir
la fonction qui leur est dévolue. »

(1) Gilbert et Posternack. La médication phosphorée envisagée


au
point de vue des échanges, 1905.
(2) Lunin. in Labbé, p. 19. Les régimes.
TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX ET HYGIÉNIQUE 485
Cette forme convenable, c'est la vitalisation végétale, et
quand on se croit autorisé à prescrire des sels minéraux
(phosphore, chaux, magnésie, fer), rien ne vaut l'ingestion
quotidienne, au repas du soir, d'un plat abondant de lé-
gumes verts cuits, qui contiennent, vitalisés, déjà asso-
ciés au protoplasme végétal, les sels minéraux qui nous sont
utiles, et dont nous ne pouvons bénéficier qu'en les em-
pruntant indirectement au sol, en passant par l'intermé-
diaire obligatoire des végétaux. Labbé écrit encore plus
loin : « A l'état de sels minéraux, ces substances sont inab-
sorbables et inutilisables : les combinaisons organiques, sur-
tout celles qui proviennent d'un être vivant, sont les plus
assimilables. »
Même pour les sels de fer et de chaux, si utiles à l'éco-
nomie, il n'est pas mauvais de rappeler que les végétaux
en contiennent une proportion souvent supérieure à celle
des aliments animaux.

Poids de fer en milligrammes pour 100 parties sèches


(d'après Bunge)
Fer Chaux
Aliments animaux Viande 17 à 25,0 29
Jauned'oeuf 10 à 24,0 380
Poisson 5,0 »
Lait 2,0 1.510
Végétaux Epinards 36,0 »
Choux 17,0 717
Pommes 13,0 »
Cerises 10,0 136
Lentilles 9,0 »
Carottes 8,6 »
Pommes de terre 6,4 100
.
Amandes 4,9 »
Pain 1.3 46
Farines 8,8 65

'
En résumé, en dehors des accidents pénibles ou doulou-
reux et de certaines complications, il est bien évident que
l'arthritique tuberculeux n'a besoin d'aucun médicament,
486 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

et que tous les stimulants, toniques, fortifiants et antisep-


tiques sont pour lui des poisons. Aussi, faut-il ne jamais
se laisser entraîner à en prescrire, car transgresser cette
prohibition, c'est vouloir nuire aux malades de propos
délibéré.
« Le
tuberculeux capable de guérir ou susceptible d'amé-
lioration, écrit Sabourin (1), n'a besoin d'aucun médica-
ment dit antibacillaire, dès qu'il est soumis au traitement
hygiénique. »
Et c'est ce que Daremberg et Chuquet (2) affirment d'une
façon encore plus explicite en disant : « La tubercu-
lose est une maladie curable, mais difficilement curable,
parce que les tuberculeux sont très imprévoyants, que
leurs familles sont très impatientes, que les médecins sont
peu courageux et n'osent pas dire à leurs malades : Les
médicaments sont les ennemis des tuberculeux ; tous les spé-
cifiques introduits sous la peau, dans l'estomac, dans l'in-
testin ou dans la trachée, sont des substances malfaisantes,
qui retardent ou empêchent votre guérison. »

L HYGIENE MEDICAMENTEUSE

En ce qui concerne les médicaments internes, on devra


toujours veiller à ne pas les introduire isolés dans l'estomac,
pour éviter leur contact massif avec la muqueuse gas-
trique. Quand on se verra obligé d'en ordonner, il faudra les
faire absorber au début des repas, ou si la prise se fait à
intervalle éloigné d'un repas, de la faire suivre d'ingestion
d'eau de Vichy ou d'infusion très chaude.
Pour les médicaments externes, que les soins hygiéni-
(1) Sabourin. Traitement rationnel de la phtisie, p. 128..
(2) Daremberg et Chuquet. Histoire de tuberculeux guéri. Congrès
de la Tuberculose, 1905.
TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX ET HYGIÉNIQUE 487

ques, que des inflammations de l'épithélium des cavités


ou du revêtement cutané peuvent réclamer, il faudra tou-
jours se souvenir que les antiseptiques violents et les médi-
caments acides sont très dangereux pour l'arthritique. Ils
peuvent être de bons topiques et dé bons désinfectants oc-
casionnels (l'eau oxygénée, le formol, le sublimé, par exem-
ple), mais ne pourront, sans danger, servir d'une façon habi-
tuelle. Les pansements les plus efficaces seront toujours ceux
faits à la gaze stérilisée, imbibée légèrement d'eau salée
physiologique, et non recouverte de taffetas qui donne une
macération nocive. L'eau salée physiologique s'obtient
facilement en faisant bouillir une cuillerée à café de gros
sel (7 gr. 50 environ) par litre d'eau.
Les soins de la bouche, si importants, seront pris matin
et soir et après chaque repas. Jamais on ne devra faire
usage d'antiseptiques acides, tels que le formol, l'eau oxy-
génée, le phénol, l'acide borique ; la salive normalement
alcaline est trop souvent acide chez l'arthritique, et il ne
peut que gagner à pratiquer le rinçage de la cavité buccale
à l'aide d'eau bicarbonatée. J'ai vu, très souvent, surtout
après les pyrexies, des angines d'allures fort inquiétantes
qui ne devaient leur persistance qu'à une intervention
médicamenteuse intempestive. L'eau oxygénée, entre au-
tres, dont on abuse pour les lavages de gorge, n'aboutit qu'à
l'entretien des inflammations tonsillaires et à l'éclosion de
fissures labiales et buccales par irritation acide des tissus
et il suffit, dans ces cas souvent alarmants, de remplacer
l'antiseptique par l'eau salée physiologique pour voir rétro-
céder rapidement toutes les lésions inflammatoires.
La résorcine est le seul antiseptique qu'on puisse autoriser
dans ces cas ; il est suffisamment actif, non acide, légère-
ment anesthésiant et, sôit en grands lavages, soit en solution
glycérinée, aide grandement à l'extinction des angines et
des coryzas.
488 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Quant aux pâtes dentifrices, la meilleure, sans conteste,


est obtenue par le simple mélange de savon et de glycé-
rine, sans adjonction d'aucun astringent ou d'aucun anti-
septique (tanin, phénol, sajol, ratanhia, etc.), qui, tous,
aggravent l'irritation des collets dentaires et contribuent
à la décalcification. La formule suivante m'a toujours donné
satisfaction.
Glycérine 20 gr.
Savon amygdalin 50 gr.
Essence de menthe 0 gr. 50
Essence d'anis 1 gr.
Matin et soir, la cavité nasale sera débarrassée des muco-
sités et des poussières, j^ar l'aspiration et le rejet d'eau salée
physiologique. On évitera de se servir d'un appareil quelcon-
que, qui provoquerait des reflux dans la trompe d'Eustache.
L'eau salée tiède aspirée dans le creux de la main, puis in-
troduite par le simple renversement de la tête en arrière,
et finalement rejetée en se mouchant, la tête fortement incli-
née en avant, pour éviter les retours dans la trompe, donne,
en suivant cette technique élémentaire, les meilleurs résul-
tats. Si un coryza s'est déclaré, nous savons que, dans l'im-
mense majorité des cas, il est traduction, non pas d'infec-
tion, mais d'élimination toxique et qu'il suffit pour en venir
à bout très vite, de se purger et de mieux régler l'alimen-
tation. En tout cas, les inhalations mentholées, les
lavages à l'eau salée ou légèrement résorcinée, sont les seuls
moyens médicamenteux ayant quelque efficacité. Les pou-
dres inertes ou antiseptiques sont plus nuisibles qu'utiles.

B. -^TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE

La médication symptomatique, bien loin de constituer


l'unique préoccupation médicale, comme cela est habituel,
gagnera toujours à être tenue dans l'ombre. Tous les signes
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE 489
de l'affection seront maîtrisés d'une façon autrement
sûre, si on s'attaque à leur cause productrice, au lieu de les
combattre isolément comme s'ils possédaient une indivi-
dualité propre. Et c'est faire de la mauvaise besogne, que
d'opposer à la soi-disant faiblesse : le fer, le quinquina, l'ar-
senic, la viande crue ; à la dyspepsie : les alcalins, puis les
amers, puis les acides ; à la toux : la gamme dés calmants ;
à la fièvre : la série des antithermiques ; tandis qu'on peut
agir sur tous ces troubles à la fois, en s'en prenant à leur-
source commune, l'intoxication alimentaire et médicamen-
teuse. Aussi, n'est-ce que dans les cas désespérés, ou seule-
ment si l'un des symptômes devient trop .gênant par son
insistance, ou trop pénible pour être supporté, qu'il y a in-
dication réelle à le combattre.

LA FIEVRE

L'élévation thermique chez les tuberculeux peut tenir à


plusieurs causes qu'il importe de bien déterminer, puisque
le traitement, guidé par la notion pathogénique, devra for-
cément varier avec chacune d'elles. Les trois principales
causes de fièvre sont, par ordre d'importance : la fièvre d'o-
rigine gastro-hépatique, la fièvre par infection secondaire de-
foyers pulmonaires très ulcérés, et enfin, la fièvre tubêrcu*
leuse véritable.
En règle générale, il est admis que toute température-
anormale chez un tuberculeux relève invariablement de son
infection bacillaire. Je suis bien persuadé que, dans la plu-
part des cas, la fièvre tuberculeuse est, au contraire, l'im-
mense exception, et l'ascension thermique d'origine gastro--
hépatique, la règle. Je suis certain, pour l'avoir constaté cou-
ramment, que, dans la tuberculose pulmonaire chronique,
en dehors des formes à évolution rapide, ou des infections
490 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

secondaires, les neuf dixièmes des élévations de tempéra-


ture sont d'ordre digestif, et reconnaissent une cause toxique
alimentaire ou intestinale. Quand on sait régler la diété-
tique, espacer les repas, enrayer l'intoxication gastro-intes-
tinale en diminuant ou supprimant la viande, les sucreries,
les graisses, les légumineuses, et en activant la circulation in-
testinale par une nourriture riche en déchets alimentaires, on
voit à coup sûr tomber les élévations thermiques les plus irré-
ductibles par les autres moyens, et cesser les poussées fébriles
cycliques, chez des phtisiques ayant même des foyers du
second degré avec une expectoration fourmillant de bacil-
les de Koch. Dans les formes d'intoxication arthritique
graves même, comme l'attestent les courbes publiées plus
haut, la cause de l'écart thermique peut ne tenir qu'à un
seul aliment, dont le degré de concentration moléculaire
peut être trop élevé pour le degré de ralentissement fonc-
tionnel du foie du patient. C'est à de telles minuties alimen-
taires, fort surprenantes parce que insoupçonnées, que tiennent
pourtant l'abaissement de la fièvre et la guérison de bon nom-
bre d''arthritiques tuberculeux. Aussi, n'est-on en droit de con-
clure à de la fièvre tuberculeuse que, quand le sujet étant
mis au repos et l'alimentation réglée selon un régime
approprié, on n'obtient pas sa cessation. On verra alors
combien les cas de fièvre bacillaire sont exceptionnels.
La fièvre de marche, elle-même, à part, toujours, les cas
d'évolution aiguë ou d'infections secondaires, ne reconnaît
pas, le plus souvent, d'autre raison que les troubles diges-
tifs. Il est très facile, d'ailleurs, de s'en rendre compte. Tel
tuberculeux, alimenté selon les règles classiques, qui, pour
un trajet déterminé, constate au thermomètre une élévation
de un degré, par exemple, verra, le lendemain, pour un
effort identique, fait au même moment de la journée, mais
après un repas hypotoxique, sa température rester station-
mare et même bien souvent descendre une demie-heure après
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE 491
la marche au-dessous du point qu'on considérait comme sa
normale personnelle. Car, chez les tuberculeux, qui gar-
dent un léger état subfébrile au début de la marche, il ne
faut pas considérer ce fait comme une contre-indication à
l'exercice, parce que si le sujet est soumis à une cure de
désintoxication bien conduite, il verra peu à peu sa tempéra-
ture baisser dans les jours qui suivront tandis que s'il était au
régime toxique habituel, plus il remuerait, plus il activerait
la mise en circulation de ses toxines et aggraverait son état
fébrile.
La fièvre cyclique, caractérisée par des ondulations régu-
lières du graphique, dont les descentes coïncident avec des
signes de crise urinaire et sanguine et parfois des décharges
de bacilles de Koch, et avec une augmentation des symp-
tômes d'auscultation, est toujours sous la dépendance de
saccades toxiques d'origine hépatique, comme en témoigne
la sensibilité du creux épigastrique, accrue au moment de
la poussée fébrile. Et ces accès hépatiques eux-mêmes, ne
sont engendrés que par l'alimentation toxique ou l'empoi-
sonnement intestinal.
Chaque fois qu'un tuberculeux a. la moindre élévation
thermométrique, il faut donc s'efforcer d'en déterminer la
cause, et, c'est du côté du foie, de l'estomac, ou de la circu-
lation intestinale (douleur épigastrique, clapotage stomacal,
sensibilité coecale, retard dans l'évacuation, selles fétides),
qu'on en trouvera le plus habituellement l'origine. Tou-
jours, dans ces cas, il faudra bien se garder d'administrer
un antithermique, qui adjoindrait son action toxique à
l'empoisonnement arthritique du sujet. La pratique de
Sabourin (1), à ce sujet, est également basée sur les mêmes
considérations : « Comme le surmenage des tuberculeux
n'est que l'extériorisation d'un empoisonnement endogène,
(1) Sabourin. Inconvénients et dangers des antipyrétiques chez les
phtisiques. Journal des Praticiens, 15 mai 1909.
492 "
ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

l'administration d'un antithermique tombant à faux sur


des organes déjà empoisonnés, n'aura pour effet que d'aug-
menter cet état toxique... qu'on se garde bien de donner
à ce malade un antithermique quelconque destiné à lui pro-
curer le bénéfice d'un abaissement de fièvre ! Car tous ses
organes sont encombrés et n'en peuvent plus... Ce ne sont
pas des tuberculeux que l'on a à soigner, ce sont des em-
poisonnés par surmenage et il est aussi irrationnel de leur
donner des drogues contre leur fièvre, que de vouloir les
soutenir avec des aliments reconstituants, sous prétexte
qu'ils sont tuberculeux. »
L'observation suivante, va nous indiquer quels écarts
thermiques, vraiment extraordinaires, ' peut déterminer,
chez un tuberculeux, une diététique mal réglée.

Ro... Berthe, 17 ans, couturière. Sonpère tousse chaque hiver,


sa mère est migraineuse, eczémateuse, congestive, dyspnéique.
Tous les deux sont très nerveux. La malade fut élevée au sein
à Paris, et jusqu'à l'âge de 10 ans, elle eut une bonne hygiène
alimentaire que commandait la modicité des ressources pécu-
niaires familiales.
Jusque-là, elle ne fut. jamais malade. A partir de ce moment,
la situation se modifie ; la mère travaille comme cravatière, et un
frère comme vendeur. C'est du bien-être qui entre au logis et
qu'on emploie aussitôt à mieux s'alimenter : les viandes sai-
gnantes, les sucreries, chocolat, confitures, entremets, gâ-
teaux, ignorés jusqu'alors, apparaissent à chaque repas. L'un
des frères ayant eu des malaises à la suite de ce nouveau ré-
gime, un médecin conclut à l'anémie, et ordonne la viande crue
pour le fortifier. Tous les membres de la famille en prirent
par la même occasion et on se fortifia en choeur.
Notre malade qui, jusqu'alors, n'avait jamais eu le moindre
malaise, fut prise de migraines très fréquentes, de poussées con-
gestives faciales, de maux de coeur, de vomissements, d'éré-
thisme cardiaque, de fourmillements dans les bras, surtout
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE 493
après le repas de midi. Chaque nuit, elle se mit à parler à haute
voix, et à se débattre.
Un an plus tard, se fit une poussée de psoriasis des coudes et
des genoux.,'qui dura 6 mois, puis ce furent des abcès du cuir
chevelu.
En janvier 1910, elle fut prise de coryzas à répétition, d'irri-
tations laryngées qui l'obligeaient à tousser sans cesse ; puis
de crises diarrhéiques, avec 6 à 7 selles quotidiennes.
Cet état n'en finissant pas, elle rentra à l'hôpital Lariboi»
sière, où on trouva une localisation pulmonaire droite et de
l'anémie. Mise à la viande crue, aux côtelettes, au caco dylate,
cela ne fit qu'aggraver sa diarrhée, provoquer des vomisse-
ments et des sueurs très abondantes, enrayées par f atropine.

Fig. 11.— Oscillations thermiques d'origine alimentaire.


1» Juillet: T° normale. Poids 57 kilos. =- 2° Août -.
Fièvre d'engraissement
intempestif. Poids, 62 kilos. Oscillations dont l'accroissement se fit lente-
ment et fut parallèle à l'ascension du poids.— 3» Septembre Poids 58
kilos. Chute de la T° par le régime végétalien strict. — 4° Novembre :
Réascension, par le régime carné.

Elle fit des périodes de fièvre à grandes oscillations, avec 3T> le


matin et 39ô le soir, pendant lesquelles on la nourrissait exclusi-
vement de bouillons de légumes.
Non fébrile à son arrivée à Brévannes, où on l'envoya ensuite,
elle prit très rapidement du poids, bien que mise au simple ré-
494 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

gime des viandes blanches ; en 8 jours, elle avait pris 2 kilos,


et comme elle continuait à surmener son tube digestif en man-
geant outre mesure, un mois après, elle retrouvait peu à
peu les grandes oscillations thermiques qui déjà l'avaient
assaillie.
On constatait sur elle le syndrome hyposystolique réflexe,
de la sensibilité très vive du creux épigastrique et Une lésion
pulmonaire droite au premier degré.
Pendant les périodes de grandes oscillations fébriles, en de-
hors des petits signes d'arthritisme digestif, de la sensibilité
du lobe gauche et de la diarrhée très fréquente, il était impos-
sible de découvrir d'autres motifs de fièvre, ni dans l'abdomen,
ni dans les poumons. Et ces températures excessives, unique-
ment dues à du surmenage gastro-hépatique, s'atténuaient,
sans disparaître, par le séjour au lit. Elles étaient occasionnées
uniquement par le régime carné et s'évanouissaient toujours
par les restrictions alimentaires et le régime végétalien strict,
comme l'atteste la courbe ci-jointe, si prodigieusement démons-
trative des contrastes thermiques qu'on peut produire par le
seul maniement de la diététique.
Toute élévation thermique d'origine digestive, même
minime, doit donc être.combattue par la suppression de la
faute alimentaire qui la commande. Qu'on ne vienne pas
dire que, dans ce cas, la fièvre joue le rôle, d'un excitant
cellulaire favorable ; ce serait confondre la sollicitation bien-
faisante physiologique avec l'excitation toxique offensante.
L'étude clinique complémentaire du symptôme, dans ces
cas-là, démontre bien que ce bienfait de stimulation
organique est un leurre, puisqu'il s'accompagne d'aggrava-
tion des foyers bacillaires, de souffrance hépatique, et de
malaises locaux et généraux d'ordre digestif, qui accablent
le malade. L'élévation thermique procurée, au contraire, par
certains agents physiques naturels (mouvement, bains d'air,
de soleil) n'est nullement redoutable, et le bien-être général
qui accompagne cette ascension est la meilleure preuve que
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE 495
l'organisme se trouve bien d'une réaction qui, cette fois,
est vraiment physiologique et non pathologique.
A côté de ces trois principales causes d'élévation ther-
mique chez les bacillaires : fièvre digestive du arthritique
(estomac, foie, intestin), fièvre par infections secondaires de
foyers ulcérés, fièvre bacillaire véritable, il en est d'autres
qui ont moins retenu l'attention peut-être, mais qu'il im-
porte pourtant de bien connaître.
La fièvre d'engraissement intempestif est fréquemment
observée dans les sanatoriums et c'est même un fait banal de
voir, chez de nombreux malades, le calme thermique du début
de la cure, cesser au bout de deux à six semaines, et des oscilla-
tions de plus en plus étendues se produire parallèlement à
l'augmentation croissante de la courbe du poids. Cet état
subfébrile, au moment où il commence, constitue un signe
d'alarme et un indice précieux à recueillir, il montre pour
chaque malade en particulier, le poids limite au-delà duquel
la surcharge toxique commence et la graisse devient pa-
thologique. Aussi, doit-on y voir une indication formelle à
enrayer cette progression du poids par une modération ali-
mentaire ou une chasse intestinale activée ou une augmen-
tation de l'exercice,
La fièvre par anaphylaxie alimentaire dont j'ai déjà parlé
à propos du régime végétalien est caractérisée par une as-
cension modérée ou assez élevée, selon le degré de sensibili-
sation, et provoquée soit par la prise d'un aliment isolé,
toxique, nouvellement réintroduit dans les menus, soit en-
core par le passage d'un régime hypotoxique à un autre plus
élevé en degré de toxicité. L'anaphylaxie alimentaire, nous
l'avons vu, fournit l'explication de nombre d'élévations
thermiques et d'incidents locaux et généraux fort décon-
certants quand on ne sait pas les y rattacher.
La fièvre par autophagie se produit dans plusieurs circons-
tances. Elle peut s'observer pendant la phase de tâtonne-
496 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

ments qui précède rétablissement d'un régime alimentaire


approprié ; elle résulte alors d'une insuffisance passagère
-de la ration quotidienne et nullement, comme on pourrait
être porté à le supposer, d'une aggravation bacillaire occa-
sionnée par la nouvelle diététique. On peut la constater en-
core au cours de cures de réduction de polysarcies qui en-
tretenaient indéfiniment des lésions tuberculeuses ; là en-
core, il importe de ne pas se méprendre sur sa cause et de ne
pas prendre pour de l'infection, des troubles tbermiques de
mise en circulation des réserves toxiques. Enfin, dans les
périodes d'amaigrissement défensif, souvent respectable,
l'oscillation thermique est due dans bien des cas, à l'auto-
intoxication du sujet qui s'empoisonne avec sa propre
viande et ses déchets de désassimilation accrue.
La.fièvre par excès ou par insuffisance de mouvement déter-
mine une variété assez fréquente d'élévation thermique sur
laquelle je reviendrai plus en détail, à propos de la culture
physique.
Enfin, je signalerai la fièvre menstruelle qui peut s'accom-
pagner d'accidents hémoptoïques et qui a été bien étudiée
par Sabourin (1).
Quand on n'a pu enrayer la fièvre parce que, par exem-
ple, elle est vraiment d'origine microbienne, et que sa cause
«st alors difficile à atteindre, faut-il s'attaquer au symptôme
lui-même ? Non, encore, dans la plupart des cas. La fièvre
est, en effet, une défense naturelle de l'économie qu'on
ne doit pas entraver, puisqu'elle correspond à une activité
phagocytaire augmentée, à un état bactéricide des humeurs
accru, et que l'hypothermie abat la leucocytose.
Quand, pourtant, elle peut paraître excessive, quand le
malade vous supplie de « couper » cette fièvre, ne serait-ce

(1) Sabourin. La, fièvre menstruelle des phtisiques. Revue de Médecine


10 mars 1905. La phtisie à forme menstruelle. Journal des Prati-

ciens, 21 janvier 1911.
- ....
TRAITEMENT SYMPTOIÎATIQUE .497

que comme effet moral, on peut se résoudre à l'atténuer et


administrer des antithermiques. Les sels de quinine, tou-
jours néfastes pour l'estomac et sans aucune action hypo-
thermiquê dans ces cas, sont à rejeter. Le pyramidon et le
camphorate de pyramidon, qui augmentent les oxydations
organiques et abaissent presque à coup sûr la température
en donnant peu de sueurs seront les antithermiques de choix.
Plus rarement, on pourra recourir à la cryogénine, mais
il faudra se méfier de son action brutale et des sueurs pro-
fuses qu'elle provoque. Le mieux est de prescrire ces médi-
caments à dose fractionnée, pour disséminer un peu les ma-
laises qui résultent de leur administration. Le bénéfice qu'on
retire de ces drogues est très hypothétique, on déplace les
accès fébriles, on supprime définitivement l'appétit, et on
enrayé les réactions protectrices spontanées. Il peut
même arriver dans les formes' d'hépatisme grave, qu'une
dose un peu forte amène l'éclosion d'accidents fort graves
et même mortels, et comme l'a également remarqué Sabou-
rin (1) « dans ces conditions un malade peut être sidéré en
vingt-quatre heures. Il y a donc ici un danger véritable à
considérer. »
Dans les poussées fébriles sérieuses, doit-on suspendre
l'alimentation et mettre les malades à la diète ? Dans aucun
cas, surtout à la diète lactée, car c'est, par l'intoxication
intestinale, suite de l'arrêt de circulation des matières, et
par l'autophagie, un redoublement toxique qui en résul-
terait et aggraverait l'empoisonnement. L'alimentation
fruitarienne et végétarienne hypotoxique au contraire,
fournira à la fois la nourriture la moins difficile à assi-
miler, et le contrepoison le plus efficace, en remédiant à la
dénutrition, à la congestion viscérale et à l'intoxication
liyperacidê.
(1) Sabourin. Inconvénients et dangers des antipyrétiques chez les-
phtisiques. Joûrnaldës Praticiens, 15 mai 1909.
32
498 ETUDE THERAPEUTIQUE

LES HEMOPTYSIES

Neuf sur dix des hémoptysies, nous l'avons fait remar-


quer à propos de l'étude clinique de ce symptôme, sont
provoquées par une intervention médicamenteuse ou dié-
tétique, bien intentionnée mais désastreuse, de la part du
médecin ou du malade. Et, à ce propos, nous avons signalé
l'insistance avec laquelle Sabourin incriminait également,
comme principale cause provocatrice, ces erreurs alimen-
taires.
Le seul remède curatif et préventif de l'hémoptysie rési-
dera donc dans des mesures hygiéno-diététiques restric-
tives ; mais, d'autre part, l'hémoptysie déclarée sera pour-
tant justiciable de prescriptions médicamenteuses, qui sont
trop spéciales pour être passées sous silence.
« C'est en instituant les formules alimentaires paraissant
adéquates à la constitution du sujet et à l'état de ses orga-
nes digestifs, écrit Sabourin (1), que l'on arrive à supprimer
la plupart des crachements de sang chez les phtisiques. »
Les aliments qui provoquent la rupture vasculaire par
leur action toxique Ou pléthorique sur le foie et l'appareil
cardio-vasculaire, sont variables en qualité et quantité,
d'un sujet à l'autre. En tête de liste, ayant le maximum
d'effets meurtriers, nous retrouvons encore les éternels
grands facteurs d'arthritisme, la viande, le vin, le sucre
artificiellement concentré, puis viennent toutes les prépa-
rations culinaires ou chimiques saturées, et souvent, dans
le cas d'intoxication extrême, tous les aliments d'origine
animale.
Les malades arthritiques, fragiles à ce point, ne sont pas
:

forcément des pléthoriques, des congestionnés, des gros


mangeurs ; la même étiologie s'applique exactement à des
1) Sabourin. Le traitement rationnel de la phtisie,
p. 232.
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUË 499
arthritiques pâles, émaciés, petits mangeurs, qui crachent
le sang pour les mêmes motifs.
L'alimentation végétalienne stricte et copieuse possède,
au contraire, une action cessante immédiate. Malheureuse-
ment, aussitôt l'effet sédatif du repos alimentaire obtenu,
le malade et, trop souvent encore, le médecin qui le guide,
n'ont plus qu'une pensée : réparer la perte sanguine par une
alimentation copieuse et « fortifiante ». Et c'est la réappari-
tion des repas plantureux, chargés d'oeufs, de viandes sai-
gnantes, de viande crue, de sucreries, de beurre, de graisses,
de légumineuses en purée. Le résultat ne se fait guère at-
tendre : brusquement, sans raison, sêmble-t-il au malade
et à son entourage, éclate un nouveau et violent crachement
de sang. On se torture l'esprit pour en trouver la cause.
Quelle peut bien être la raison de ces retours si angoissants,
grands dieux ? Est-ce le soleil, l'orage, la température, l'hu-
midité, la sécheresse, la pression atmosphérique ? Car ce
ne peut être que l'une de ces causes ; le malade allait si
bien, il reprenait si vite son poids et sa mine florissante,
son coloris si rassurant et voilà que de nouveau tout casse,
et qu'une fois de plus le bénéfice, si difficilement acquis, va
s'envoler, et que tout sera à recommencer.
Des gens, pourtant très intelligents et clairvoyants pour
le resté des choses, sont à tel point aveuglés par le préjugé
de l'alimentation «fortifiante» carnée, sucrée et concentrée,
qu'ils né s'aperçoivent pas que c'est ce rudoiement continu
de leur appareil gastro-hépatique fourbu, qui est l'unique
cause de leurs malheurs, et qu'à semer la violence, ils ré-
coltent le drame.
« Pour ces malades sujets aux
hémoptysies, qui se remet-
tent à l'alimentation carnée, écrit encore Sabourin (1), sous
le prétexte, cette fois, de ne pas se laisser affaiblir, il n'y
a plus, on le conçoit, de raison pour qu'elles prennent fin et
(1) Sabourin. Les hémoptysies d'origine alimentaire. ,
500 ETUDE THERAPEUTIQUE .

dans un cas, nous avons vu ce petit commerce durer près de


trois mois... Les malades qui n'acceptent pas ces leçons
successives et continuent à se soutenir, disent-ils, avec ce
régime d'empoisonnement, cultivent leurs hémoptysies et
leur exutoire pulmonaire et finissent par devenir incurables,
de guérissables qu'ils étaient. »
La contre-épreuve est excessivement convaincante ; un
hémoptysique qui veut bien se résoudre à cesser toute prise
alimentaire carnée et même, si c'est nécessaire, toute ali-
mentation animale ou concentrée, peut impunément, désor-
mais, absorber des repas très copieux, très volumineux, sé-
journer dans des climats excitants, où il ne cessait au-
trefois de cracher le sang, se livrer aux exercices les plus vio-
lents, et même faire de la cure solaire assidue, comme je l'ai
bien des fois constaté, sans revoir un seul filet de sang dans
ses crachats. Le minime pourcentage des hémoptysies, que
j'ai déjà indiqué, dans une agglomération de bacillaires non
suralimentées, est également fort probant, et montre la
valeur préventive, suffisante dans la plupart des cas, de l'a-
limentation simple et espacée.
L'observation suivante, particulièrement démonstra-
tive de la nocivité des écarts alimentaires et de l'influence
purement favorisante, mais aucunement efficiente des cli-
mats et agents atmosphériques sur les hémoptysies, appor-
tera un témoignage irrécusable en faveur de cette patho-
génie.

Ber..., âgée de 30 ans élevée, dans un département du


Centre, y séjourna jusqu'à l'âge de 20 ans et ne fit jusqu'à
ce moment aucune maladie. Il est vrai que pendant toute
cette période son régime alimentaire était fort logiquement
établi puisqu'elle prenait de la soupe au petit déjeuner et
qu'au repas de midi les oeufs n'apparaissaient que trois fois
par semaine et la viande une seule fois et encore en-très petite
quantité (il n'y avait pas de boucher dans le pays). Ce qui
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE 501
formait le plat de résistance, c'étaient des légumes consommés
avec du pain bis ; le dessert était composé de fromages à la
crème ou de fruits et jamais de sucreries. Le soir, il y avait
toujours une soupe maigre, des légumes et du pain.
:
A 20 ans, cette personne vint habiter Paris et naturellement
une modification dans son régime alimentaire en résulta : des
viandes rouges furent absorbées aux deux principaux repas, en
quantité toujours beaucoup plus forte que les légumes. Au bout de
deux ans de ce régime carné presque absolu, la faiblesse et le
dégoût apparurent et il fallut recourir à des mets plus exci-
tants pour parer à ces deux symptômes. La malade, à ce mo-
ment, en arriva à se nourrir presque exclusivement de charcu-
terie, aux deux repas, surtout de saucisson, sans jamais tou-
cher aux légumes, et à faire des consommations excessives de
thé et de café, pour stimuler son système nerveux engourdi par
cette diététique toxique.
A la suite de cet,illogique régime apparurent des maux de
tête terribles avec 39° qui duraient 4 Ou 5 jours et firent penser
souvent à de la méningite. Ces accès cédaient peu à peu pour re-
paraître tous les six mois environ. En même temps s'instal-
lèrent des crampes d'estomac, des cauchemars avec agitation
nocturne, des insomnies. Enfin, ce furent des grippes à grand
fracas, ou du moins des poussées d'élimination toxiques cata-
loguées sous ce nom, qui la prenaient l'hiver, et dégénéraient en
rhumes permanents.
En 1900, se déclara une pleurésie droite, séro-fibrineuse, qui
nécessita l'évacuation d'un litre de liquide séro-fibrineux et dura
cinq mois. Une asthénie persistante suivit qui fut traitée par
la poudre de viande, le vin carné et la suralimentation, avec
6 à 8 oeufs par jour. Il en résulta une stimulation momen-
tanée qui fut chèrement payée, car au bout de deux ans de
cette surintoxication, la malade, perpétuellement dolente,
fut reprise de grippes à répétition et, dégoûtée de sa poudre de
viande et des oeufs, s'alimenta difficilement, à l'aide de mets dan-
gereux : viandes fumées, charcuteries, pâtisseries bizarres, si
bien qu'en 1904 se produisit une terrible poussée tuberculeuse
du sommet droit avec souffle, gros sous-crépitants, toux opi-
502 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

niâtre, douleurs d'épaule extraordinairement pénibles, qui ne


céda que fort lentement, et pendant plusieurs années, jusqu'en
1909, fit une série de retours offensifs.
Ce qui sauva la malade pendant cette phase ulcéreuse de sa
maladie, ce fut qu'elle renonça à toute suralimentation, et assez
fantasque, se nourrit de très peu de viande, de quelques oeufs et
fruits, sans vouloir, fort heureusement, se plier à aucune pres-
cription suralimentaire ou médicamenteuse.
Pendant l'été de l'année 1909, elle fit un séjour dans le Midi,
qui fut particulièrement nocif et voici pourquoi. Sous l'in-
fluence du changement d'air, l'appétit reprit et la malade en
profita pour satisfaire ses anciens goûts pour la charcuterie.
Chaque jour, pendant 8 mois, fait vraiment incroyable, son
repas de midi se composa invariablement de jambon aux choux.
La patiente qui jusque-là n'avait jamais craché un filet de sang
fut prise d'hémoptysies violentes, de congestions faciales fantas-
tiques qui l'immobilisèrent absolument, car à chaque tentative
de déplacement elle crachait le sang. Ces hémoptysies qui du-
raient vingt-quatre à quarante-huit heures furent naturelle-
ment mises sur le compte du climat et de l'ardeur solaire.
Revoyant la malade à son retour à Paris, je fus frappé du
changement opéré. Elle était méconnaissable ; son teint mat
d'ordinaire était devenu livide, tandis que le sang affluait seu-
lement aux'pommettes et au nez. D'autre part, elle s'était gra-
tifiée d'une intoxication pléthorique typique avec le syndrome
hyposystolique réflexe au complet : creux épigastrique atro-
cement douloureux, ongles carminés foncés, estomac clapo-
tant, aggravation considérable du sommet droit avec souffle
tubaire.
Mise au régime lacto-végétalien, sans, oeufs, ni graisse, la
malade fut métamorphosée en un mois, conservant seulement
de la respiration rude et quelques fins craquements, tandis
qu'en même temps, tous les signes congestifs s'évanouissaient.
L'année suivante,, j'autorisai une nouvelle villégiature dans
le Midi, en plein été, dans la même région, dont le séjour lui
fut si pernicieux l'année précédente, sans redouter le retour
des mêmes accidents hémorragiques,
pourvu que la malade
TRAITEMENT SYMPTOMAÏIQUE 503,
s'engageât formellement à persister dans ses restrictions quali-
tatives alimentaires.
Pendant six mois, effectivement, aucun incident ne survint ;
la malade put même faire impunément de l'insolation et sé-
journerplusieurssemaines au bord de la mer. Elle bénéficia même
d'une excellente stimulation, par ce contact avec l'air marin.
Une fois pourtant, elle eut une hémoptysie et, fait prodigieuse-
ment démonstratif, ce fut le lendemain d'un jour où, reprise
d'une antique fringale pour le jambon aux choux, et curieuse
d'expérimenter, une fois au moins, les effets de ce mets inter-
dit, elle en prit une copieuse dose qui aboutit à des malaises
fort sérieux et à la rupture vasculaire.
,
Mais, quand on se trouve en face du fait accompli, com-
ment convient-il d'agir ? C'est maintenant qu'intervien-
nent les moyens médicamenteux. Cette question thérapeu-
tique a été définitivement tranchée et mise au point par
L. Guinard (1), le directeur du sanatorium de Blignj^, et
mon expérience personnelle m'a permis de contrôler l'exacte
.distinction qu'il établit entre les pratiques non efficientes,
et lés moyens vraiment actifs dans lé traitement de l'hé-
moptysie. Comme lui, j'ai pu constater la complète
inefficacité des astringents (tanin, ratanhia, acides), des
coagulants, tels que le chlorure de calcium, le sérum gélatine
(Marcel Labbé et Froin, Gley et Richaud). En ce qui con-
cerne les médicaments vaso-constricteurs, il convient d'a-
bord d'éliminer l'adrénaline, Yantipyrine qui, s'ils sont de
parfaits hémostatiques locaux, n'ont plus aucune action à
distance. Il reste les vaso-constricteurs habituels (ergotine,
quinine, hydrastis, hamamelis, digitale) dont on sature d'or-
dinaire les hémoptysiques et qui ne font qu'entretenir
l'expectoration sanglante, pour les motifs suivants. Le
principe même de la médication est illogique, car, comme
le fait observer Guinard, dans un système de tubes en caout-
(1) L. Guinard. Mode d'action dés procédés employés dans le traite-
ment des hémoptysies des tuberculeux. Bulletin Médical, 6 mai 1908.
504 ^
ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

chouc où circule un liquide, le meilleur moyen d'accélérer


l'issue de ce liquide par une fissure, c'est d'augmenter la
pression intérieure, tandis que l'écoulement est réduit à
un strict minimum, qui favorise la formation du caillot, si
on diminue la pression intracanalieulaire. D'autre part,
nous le savons, la plupart des tuberculeux, tous ceux, en
tous cas, qui font des ruptures vasculaires du poumon,
sont des hyposystoliques victimes de leur hypertension
pulmonaire par réflexe hépatique et de la compression de
leurs veines pulmonaires droites. Et c'est à de tels malades
qu'on administre des vaso-constricteurs !
Ils ne peuvent, au contraire, que retirer d'inappréciables
bienfaits de la médication vaso-dilatatrice. Elle seule, par
l'expansion des parois vasculaires qu'elle provoque, va di-
minuer la pression sanguine, ralentir l'issue hémorragique,
favoriser la coagulation et l'obturation de la fissure, etrelâ-
cher, d'urgence, l'hypertension des vaisseaux pulmonaires,
qui est la cause physio-pathologique du symptôme.
Le vaso-dilatateur idéal, efficace et peu toxique est le
nitrite d'amyle. Avec quelques gouttes de ce médicament,
on supprime, la plupart du temps, le crachement de sang
comme avec la main, et « on a l'impression très nette d'être
immédiatement et promptement utile aux malades » (Gui-
nard). Ce moyen thérapeutique, employé pour la première
fois par Hare (1) en 1904, fut successivement préconisé par
divers auteurs, qui proclamèrent son efficacité (Rouget (2),
Lemoine (3), Bourlaud (4), Pouliot (5), Crace Calvert (6),
Guinard (7), Dieuzeide (8).
(1) Hare. Australasian Médical Gazette, 1904.
(2) Rouget. Société Médicale des Hôpitaux, 14 avril 1905.
(3) Lemoine. Société Médicale des Hôpitaux, 14 avril 1905.
(4) Bourlaud. Thèse, Lyon, 1905.
(5) Pouliot. Semaine Médicale, 10 octobre 1906.
(6) Grâce Calvert. The Lancet, 6 avril 1907.
O) Guinard. Bulletin Médical, 6 mai 1908.
(8) Dieuzeide. La Clinique, 6 mars 1908.
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE 505
Si on ne veut pas voir le crachement de sang récidiver,
par suite du relèvement fatal de l'hypertension pulmonaire,
il faut compléter cette mesure d'urgence, par d'autres pro-
cédés qui vont, en poursuivant le même but hypotenseur,
entretenir l'obturation vasculaire.
Aussitôt après l'inhalation du nitrite d'amyle, si l'hémor-
ragie est de quelque importance, il faut pratiquer une injec-
tion sous-cutanée de morphine, et administrer un purgatif
salin. La morphine accentue l'hypotension, apaise l'éré*
thisme cardio-vasculaire, engourdit les réactions angois-
santes nerveuses ; la purge soustrait du liquide au sang,
s'oppose à la pléthore, décongestionne le foie, cause de tout
le mal, et tout le système vasculaire organique. Ce complé-
ment de dérivation intestinale, a déjà été mis en pratique,
avec d'heureux résultats, par Peverell Hichens (1). Il m'a
toujours paru un moyen hémostatique indirect des plus
efficaces, et que, dans tous les cas, j'emploie de pair avec
l'inhalation dé nitrite d'amyle et la piqûre de morphine.
Enfin, la diète prolongée plus d'une journée est inutile et
même dangereuse, à cause de l'intoxication intestinale
qu'engendre inévitablement la cessation du balayage anti-
toxique. L'alimentation végétarienne, ou végétalienne,
selon la gravité des formes, devra donc être reprise très vite.
Quant à la glace, je reconnais, après Sabourin et Guinard,
que ses effets sont fort illusoires, peut-être nuisibles ; mais
il y a, dans son emploi, un tel effet moral dû au préjugé de
la glace aussi ancré dans l'esprit des patients que celui de la
viande, qu'on peut, sans grands inconvénients, en permettre
l'usage très momentané et espacé.
Peverell Hichens. The Practitionar, mars 1907 et Revue de
(1)
Thérapeutique, 1907.
506 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

LA TOUX.

Les tuberculeux suralimentés ou mal alimentés, sont as-


saillis par de violentes quintes de toux qui surviennent sur-
tout après les repas, relèvent de l'hyperhémie laryngée, s'ac-
compagnent dé picotements, de sensation de sécheresse,
d'aphonie passagère et parfois provoquent, par les brusques
secousses du diaphragme, le vomissement alimentaire. Le
seul remède efficace à appliquer à ces accès de toux, émê-
tisante ou non, consiste, une fois de plus, dans l'hygiène dié-
tétique. Quand les malades ne veulent s'y résoudre, on a
recours aux drogues qui sont des pis-aller. Pourtant, une
courte inhalation d'oxygène faite immédiatement après les
repas, supprime le plus souvent ces accès de toux éméti-
sante. Les potions à base de sirop risquent de les accen-
tuer à la longue, à Cause du sucre qu'elles contiennent ;
il est préférable de. formuler une mixture à base de tein-
tures (aconit, belladone, opium, jusquiame), qui, prise par
gouttes dans un peu de tisane, calme l'irritation laryngée.
D'autres fois une potion au menthol arrive au même ré-
sultat.

'"'"' LES'DOULÊURS DE CÔTÉ.

La plupart des points de côté, nous avons déjà insisté


sur ce sujet page 215, ne sont que des manifestations dou-
loureuses focales (base thoracique) ou à distance (épaule)
occasionnées par des troubles gastro-hépatiques d'origine
alimentaire. Aussi, avant de recourir aux moyens révul-
sifs habituels, convient-il d'éliminer d'abord et de remédier
a ces douleurs de cause extra-thoracique.
Les cataplasmes sinapisés, la teinture d'iode et les sinapis-
mes sont d'ordinaire anodins, peu efficaces, mais donnent aux
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE 507
malades une satisfaction qu'on n'est pas en droit de leur
refuser. J'ai pourtant noté, assez souvent, des réactions
excessives avec oedème sous-cutané fort marqué, à la suite
d'application iodée, chez des arthritiques très susceptibles
aux médicaments.
Les pointes de feu, malgré qu'il soit assez difficile d'ex-
pliquer leur action à travers les plans thoraciques, sur un
viscère profond et mobile, m'ont paru, dans nombre de cas,
contribuer à atténuer des poussées hyperhémiques pul-
monaires et à diminuer les sensations douloureuses des pa-
tients.
Les ventouses sèches et surtout scarifiées, peuvent rendre
des services pour combattre des phénomènes dyspnéiques
et dégorger indirectement des foyers congestifs. Quant aux
cautères et aux vésicâtoires, leur inefficacité absolue et le
danger qui peut résulter de la plaie des premiers, et de l'in-
toxication possible par les seconds, les contre-indiquent
absolument.

LA DILATATION D'ESTOMAC.

Il y a deux grandes classes de dilatation d'estomac, selon


que la cause qui les engendre est due à un obstacle méca-
nique ou à une atonie du muscle gastrique.
Les premières, que l'obstacle soit intrinsèque (cicatrice,
ulcère, cancer de la zone polyriqué), ou extrinsèque (tu-
meur, bride de voisinage) sont habituellement irréduc-
tibles par un traitement médical, et sont du ressort de la
chirurgie.
Les secondes dépendent de troublesparalytiques momen-
tanés, consécutifs à des lésions muqueuses de l'organe. A
moins d'être invétérées, ces atonies sont passagères et faci-
lement réductibles par une diététique bien comprise.
Elles s'établissent selon le mécanisme suivant : L'estomac,
508 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

pendant la digestion, se moule toujours exactement et


applique sa muqueuse sans réagir pathologiquement, sur
un contenu dont le contact n'est pas désagréable à son
épithélium, ni dangereux pour la vitalité des protoplasmes
cellulaires. Au contraire, il se contracte trop, pour s'en
délivrer, ou pas du tout, pour le fuir, sur un contenu irri-
tant pour son revêtement muqueux.
_
En effet, quand un bol alimentaire composé d'aliments
excitants, toxiques ou trop concentrés, est déversé dans la
cavité gastrique, et que l'estomac commence son travail en
s'appliquant sur sa masse, il est douloureusement impres-
sionné par la souffrance de sa muqueuse, de ses glandes
et de ses terminaisons nerveuses, pour lesquelles cette
proximité constitue un milieu antivital. Des mesures na-
turelles de protection et de défense vont s'en suivre. La
première, c'est la contraction énergique qui provoque une
chasse supérieure : le vomissement, et parfois, en même
temps, une vidange inférieure, intestinale, qui offense à son
tour l'intestin et détermine une rapide débâcle djarrhéique.
Si l'irritation est souvent renouvelée, le spasme peut de-
venir permanent et l'intolérance de l'organe s'installer à
demeure. Cette réaction protectrice active conduit peu à
peu à la fatigue, à l'usure musculaire, et lentement le
spasme cède et fait place à l'atonie.
Si le sujet a des réactions nerveuses modérées, la phase
-spasmodique peut être très écourtée, et la dilatation ato-
nique peut apparaître, dès le début. Epuisé par l'effort
démesuré, l'estomac vaincu renonce à expulser l'ennemi, et
désormais se résigne à la fuite. Chaque fois qu'un ali-
ment qu'il ne pourra métaboliser facilement, ou qui sera
toxique ou blessant, sera introduit dans sa cavité, il se
laissera distendre par une sorte d'action répulsive, de façon
à offrir un minimum de contact muqueux, c'est-à-dire à
souffrir le moins possible. S'il se contractait, toute sa sur-
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE 509
face épithéliale aurait à subir l'agression, tandis qu'en
se
distendant à l'excès, il fait la part du feu et limite les effets
du voisinage pernicieux.
Et ces deux phénomènes morbides dé contracture puis
de paralysie qui, au fond, ne sont que l'exagération de deux
réflexes de préservation vitale, s'observent également
sur
l'intestin Où la répulsion provoque, pour les mêmes motifs,
tantôt l'évacuation prématurée par spasme : la diarrhée ;
tantôt l'évacuation retardée par paralysie : la constipation
avec dilatation çoecale.
On peut donc ériger en règle clinique absolue, que tout es-
tomac qui clapote en période digestive et tout coecum qui gar-
gouille et est sensible au palper, ne doivent de présenter ces
manifestations morbides qu'à l'introduction d'aliments toxi-
ques OU irritants dans leurs cavités. Ce signe du clapotage,
obtenu par succussion locale de la paroi ou totale du sujet,
conserve donc la valeur considérable que lui assignait Bou-
chard.
La meilleure preuve en est dans la possibilité de réduc-
tion rapide des dilatations atoniques les plus excessives,
par l'application de mesures diététiques convenables, et
il est extraordinaire de voir ainsi des estomacs clapotant
vers le pubis, se rétracter en quelques jours, et ne plus
atteindre la région ombilicale à l'état de réplétion.
Les régurgitations- électives viennent aussi témoigner de
la répulsion qu'éprouvent les cellules glandulaires de l'es-
tomac, .vis-à-vis de certains aliments, qui sont trop exci-
tants ou nocifs, pour leurs protoplasmes. Dans un repas
composé de 5 ou 6 aliments, l'estomac fait son tri ; tout
ce qui est dans ses capacités de métabolisme possible, sans
malaises, est vite transformé et évacué, tout ce qui est
pernicieux est au contraire placé en réserve. Des sécrétions
exagérées, surtout acides, sont mises en oeuvre pour venir
à bout de l'aliment rébarbatif, la digestion traîne, s'ac-
510 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

compagne de renvois aigres et si, finalement, l'organe ne


peut s'en tirer, il réexpédie le corps du délit par la voie qui
servit à l'introduire. Ces régurgitations électives, l'odeur,
le goût des renvois qui les précèdent, sont autant d'indica-
tions des plus utiles à recueillir, car tout aliment qui n'est
pas dangereux pour le malade ne donne lieu a aucun ren-
voi, ou bien ne leur communique pas son goût particulier,
tandis que tout ce qui « revient » et rappelle les sensations
gustatives de l'aliment ingéré, fournit une indication
formelle, et trop souvent négligée, de ne plus jamais faire
usage de cet aliment.
Il est intéressant enfin de noter, que ce sont précisément
les aliments arthritigènes qui sont les grands facteurs
d'atonie gastrique, c'est-à-dire l'alcool, les toxines ani-
males (viandes, oeufs, lait), le sucre concentré, les graisses,
les acides, et enfin, dans les cas graves, les végétaux à con-
centration moléculaire trop élevée.
« Si aucun auteur, écrit Ferrier (1), n'a signalé l'in-
fluence paralytique des graisses et de l'alcool sur le muscle
gastrique, je n'hésite'pas à prendre la responsabilité de
cette assertion... J'ai cité l'expression typique (Archives
générales de Médecine, 1905) « faire un trou dans l'estomac »
employée en France pour désigner la paralysie stomacale
consécutive à l'ingestion d'un verre d'alcool au milieu d'un
repas copieux, paralysie qui permet à l'estomac de recevoir-
une nouvelle quantité d'aliments.... il est recommandable-
lorsqu'il est nécessaire de rétablir à bref délai la fonction
gastrique défectueuse, de proscrire complètement vin,
bière, cidre, poiré, liqueurs, apéritifs, etc. »
Relevant uniquement d'erreurs alimentaires, la dyspepsie-
avec dilatation d'estomac ne pourra donc être traitée de façon,
vraiment logique et efficace, qu'en retranchant des menus
tous les aliments qui seront reconnus comme nocifs dans-
(1) Ferrier. Le traitement de la Tuberculose, et 40.
pp. 36
TRAITEMENT SYMPTOMATIQÙË 511
chaque cas particulier. Il faut savoir également éviter des
associations alimentaires incompatibles et ne pas faire
voisiner dés aliments qui, pris isolément, passent facile-
ment, mais dont le mariage provoque l'indigestion.
Il restera encore à respecter les déchets alimentaires,
car un estomac se contracte mal si on lui refuse les résidus
de végétaux ou de fruits, nécessaires à l'éveil de la contracta
lité réflexe de sa paroi.
Enfin, dernière précaution indispensable, l'estomac sera
maintenu à l'aide d'une solide sangle musculaire abdomi-
nale, que quelques exercices physiques quotidiens four-
niront et entretiendront, comme je l'indiquerai plus loin,
et qui dispensera de l'usage inutile et encombrant des cein-
tures orthopédiques.
Ayant été les seuls artisans de nos troubles gastro-hépa-
tiques, du fait des erreurs et des abus alimentaires que nous
avons inconsciemment commis, il résulte qu'une fois pré-
venus et mis en garde contre ces fautes, nous sommes les
maîtres de notre guérison, qui dépend strictement de la dié-
tétique et en aucune façon de la pharmacopée si riche et
si dangereuse des dyspepsies. En effet, les pepsines in-
toxiquent, les acides décalcifient, les poudres inertes cons-
tipent,, et toutes ces drogues deviennent inutiles d'ailleurs,
dès qu'on a établi les restrictions indispensables, et re-
tranché tous les aliments facteurs de dyspepsie et d'atonie.

LA CONSTIPATION.

La facilité d'évacuation intestinale pour activer le balayage


des poisons éliminés par la muqueuse, et de ceux engendrés
dans le tube digestif lui-même, au sein des résidus alimentaires,
importance primordiale dans la cure de la tuberculose
a une
par arthritisme.
512 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

La constipation, absolue ou relative, est, après l'alimenta-


tion vicieuse, la cause la plus importante d'intoxication et
d'entretien des foyers tuberculeux. Elle déverse dans l'orga-
nisme des poisons extrêmement violents (ptomaïnes, leu-
comaïnes, muscarine, acides), qui sont la raison d'être des
congestions hépatiques, des poussées hyperhémiques péri-
bacillaires et des troubles généraux, nerveux, viscéraux,
cutanés, d'empoisonnement arthritique. On est tellement
habitué à ne pas perdre de vue le bacille un seul instant,
à ne regarder que la lésion qu'il développe, à ne considérer
que l'effet et non la cause, qu'hypnotisé par le fait de l'in-
fection tuberculeuse, on est tenté de lui attribuer, unifor-
mément, la paternité de tous ces troubles qui, pourtant,
ne relèvent absolument que de la circulation intestinale
vicieuse. Les malades, et même trop souvent le médecin,
qui regardent le retard évacuateur comme normal, parce
que constant, ne songent guère à rattacher à si vulgaire
cause, tous les gros ennuis qu'elle provoque pourtant à elle
seule.
La constipation ne reconnaît que deux causes : d'une
part, l'alimentation toxique ou trop concentrée (viandes,
sucreries, aliments surnutritifs), qui colmate les parois in-
testinales, paralyse le muscle sous-jacent, entrave la sé-
crétion biliaire par surmenage hépatique et, d'autre part,
l'insuffisance de déchets alimentaires, due à l'absurde ma-
nie qu'on a de passer tous les légumes et les fruits au ta-
mis ou au pressé-purée.
Il est bien évident alors, que le seul remède agissant ne
pourra consister que dans le choix d'aliments non toxiques,
non concentrés et riches en résidus non irritants, tandis
qu'on ne pourra rien obtenir de solide et de définitif comme
amélioration, par l'emploi de la longue série des drogues
laxatives. Il faut s'efforcer de réaliser,
par les seuls moyens
diététiques, la progression lente et incessante du bol fécal,
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE 513
et d'obtenir qu'un repas soit évacué au bout de vingt-quatre
heures, immédiatement avant celui auquel il correspond.
Pour réaliser ces conditions, nous avons vu que si, dans
les formes moyennes d'intoxication arthritique, il suffit
de prendre des fruits le matin et une bonne dose de lé-
gumes verts au repas du soir, dans les cas d'intoxication
hépatique un peu sérieuse, seule la cure habituelle de
pruneaux dessucrés, pris au début, des deux principaux
repas, pouvait remplir ce rôle. Grâce à cette véritable cul-
ture physique intestinale, on obtient une chasse facile,
régulière, qui a comme corrélatifs : la décongestion géné-
rale, viscérale et pérituberculeuse, la cessation des troubles
d'intoxication arthritique, la disparition absolue des fer-
mentations et des putréfactions intestinales.
Ces bienfaisants déchets, dont les partisans du régime
carné font argument pour accabler la diététique végéta-
rienne, sont justement nos protecteurs les plus puissants
vis-à-vis des infections intestinales : entérites, appendi-
cite, fièvre typhoïde, qui sont devenues de plus en plus
fréquentes, au fur et à mesuré que se faisait plus énergique
la chasse au résidu alimentaire.
C'est par le même illogisme qu'on en arrive à faire grief
à la nature de nous avoir dotés d'un gros intestin, orga-
nisme inutile et dangereux. Ne serait-il pas plus sage d'y
voir, au contraire, une indication à conformer notre ali-
mentation aux données anatomiques et physiologiques,
créées parle régime vraiment naturel, suivi au cours de notre
longue évolution ancestrale, qui est la seule raison d'être
de notre structure viscérale. Il n'est pas mauvais de rap-
peler que c'est la fonction qui crée l'organe et que, de
plus, le gros intestin, par son volume, n'a rien d'un organe
en régression et ne doit pas être considéré comme tel. Au
lieu de nous construire, a priori, un tube digestif soi-disant
idéal, déduit de nos erreurs alimentaires, et de vouloir
33
514 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

modifier notre anatomie intestinale, en vue de nos désirs


carnivores, ne ferions-nous pas mieux de régler notre alimen-
tation sur les données anatomo-physiologiques actuelles et
non sur les analyses chimiques alimentaires. A vouloir
adapter le contenant sur un contenu antiphysiologique,
nous renversons l'ordre logique des choses et n'aboutissons
qu'à nous nuire.
Parlant du gros intestin qu'il voudrait voir supprimer,
Metchnikoff (1) n'a-t-il pas écrit lui-même : « inutile pour
la digestion des aliments d'origine animale, il peut rendre
des services incontestables pour l'utilisation de la nourriture
végétale. »
La présence de ce viscère est précisément un des meil-
leurs arguments à opposer aux partisans de l'alimentation
carnée. Ne sont en effet pernicieuses dans le gros intestin,
que les putréfactions si toxiques causées par les matières
animales, tandis que les fermentations végétales, minimes
sources d'acide lactique, presque exclusivement, sont inof-
fensives et même fort utiles, par l'action annihilante qu'elles
exercent sur le développement des microbes dangereux.
Quand on est obligé, pour un cause ou une autre, de
prescrire des laxatifs, on peut recourir à l'emploi de l'huile
de ricin et du sel de Carlsbad ; nous les avons, déjà signalés
comme donnant le moins d'ennuis. Rappelons simplement
que l'huile produit moins d'accoutumance, d'irritation et
de constipation secondaire, et que, de plus, elle ne détériore
pas la flore microbienne intestinale comme les sels de
soude, qui détruisent les ferments paralactiques et favo-
risent la pullulation des gros bacilles de putréfaction.
(1) Metchnikoiî. Etudes sur la nature humaine,
p. 91.
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE 515

LA CONGESTION DU FOIE.

Habituelle à un degré plus ou moins prononcé, la con-


gestion du foie peut parfois subir un redoublement d'in-
tensité, qui la fait passer au premier plan. Si alors, on ne
sait pas la reconnaître et y remédier promptement, elle
peut devenir le point de départ de complications toxi-
infectieuses mortelles.
Voici comment, le plus souvent, les choses se passent
quand les accidents aigus éclatent. Après une période de
surmenage alimentaire, ou de constipation plus ou moins
absolue, relativement bien tolérée, la température, jusque-
là à peu près normale, se met à osciller légèrement, frôlant
de temps en temps la ligne de 38° ; puis un beau jour, arrive
la goutte d'eau qui fait déborder le vase, la courbe grimpe
subitement vers 39 ou 40° et, si on n'en soupçonne pas la
raison, êlié va y rester. En même temps, le patient présente
des signes généraux d'intoxication, qui font le plus sou-
vent penser à une fièvre typhoïde ; ce sont les mêmes signes
d'abattement, de stupeur, de faciès grippé, les mêmes sou-
bresauts nerveux ; pourtant, la torpeur cérébrale est moins
profonde et la conscience est toujours à peu près in-
tacte. Ces malades ont également des sibilances bronchi-
tiques et de la douleur avec gargouillement de la fosse
iliaque, qui n'est que le fait de la dilatation et de l'embarras
coecal. Si même ce signe douloureux d'irritation coecale re-
tient seul l'attention, on peut conclure à de la colite ou dé
l'appendicite.
Le tableau n'est pourtant pas calqué complètement sur
.
celui de l'infection typhique : la langue reste humide, l'éveil
cérébral possible, les taches rosées manquent, et surtout,
il existe, en plus, un signe pathognomonique : c'est une dou-
leur épigastrique, très vive à la pression, une sensibilité exas-
516 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

pérée du lobe gauche hépatique distendu, qu'on oublie d'in-


terroger et qui, presque toujours, est accompagné du reste
de l'ensemble symptomatique hyposystolique réflexe et
toxique, avec principalement, la teinte carminée unguéale
et l'opacité pulmonaire droite du haut en bas.
L'affection peut être également confondue avec la typho-
bacillose, ou faire croire à l'existence d'infections mé-
ningées, car elle peut s'accompagner de lymphocytose du
liquide céphalo-rachidien, et il est bien probable que bon
nombre, d'observations de tj^pho-bacillose, de méningites
de nature indéterminée, qui guérirent spontanément,
n'étaient en réalité que des poussées d'intoxication géné-
rale, avec réactions méningées, par dyshépatie arthritique.
Si on s'enquiert des antécédents de ces malades, on est
tout étonné d'apprendre qu'ils ont été sujets déjà, à
maintes reprises, à des accidents similaires qui furent qua-
lifiés indigestion, embarras gastrique, grippe et même, bien
souvent : méningite, fièvre muqueuse ou typhoïde. A les en-
tendre, quelquefois, ils auraient eu trois ou quatre fièvres
typhoïdes dans le cours de leur existence. C'est qu'en effet,
ces retours çongestifs à grand fracas sont assez périodiques,
venant d'abord tous les deux ou trois ans, puis se rappro-
chant de plus en plus. La tuberculeuse cavitaire, très arthri-
tique, dont je présente la courbe ci-jointe, eut ainsi trois pous-
sées très caractérisées en l'espace de quatre mois.
On jugule rapidement de tels accès, en administrant
d'abord un fort purgatif salin qu'on fait immédiatement
suivre de l'encombrement et du balayage intestinal, obtenus
par un régime végétalien strict copieux, et en se gardant
bien de prescrire la diète lactée, ou des médicaments tels
que le calomel, quine feraient qu'accroîtrel'empoisonnement
et conduiraient trop souvent le malade à une issue fatale.
C'est ici que le cholagogue classique, le calomel, est
éminemment redoutable. Même dans les congestions lé-
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUÈ 517

gères, quand on le donne à doses fractionnées quotidiennes,


il est absorbé en presque totalité, s'accumule dans le foie,
et contribue, pour une large part, aux crises d'empoison-

Fig. 12. — Poussée dé congestion hépatique chez une tuberculeuse cavitaire.

nement. Là cure habituelle de fruits dessucrés fait au


contraire merveille dans ces poussées congestives à répé-
tition ; elle enraye, en un jour ou deux, les symptômes les
plus graves et prévient toute récidive.

LES SUEURS NOCTURNES.

Mettant à part, d'abord, les violentes poussées sudo-


raies en rapport avec les grandes oscillations thermiques dés
tuberculoses à marche rapide, ou des infections secondaires,
lesquelles il n'y guère autre chose à faire qu'à
contre a
prescrire l'agaric blanc, ou surtout l'atropine, il reste, en
sudations nocturnes fort gênantes, qui
outre, quantité de
518 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

inquiètent bien à tort les malades, car elles ne sont dues, en


..aucune façon, à l'infection bacillaire, mais seulement à l'in-
toxication suralimentaire de la phase digestive du repas
du soir. Elles se produisent, invariablement, de 4 à 6 heures
après ce repas, au moment de la chasse gastrique, s'ac-
compagnent d'élévation thermique dont la modération
contraste d'ordinaire avec l'abondance des pertes sudo-
rales. Très souvent, en même temps que se produit de
l'hyperfonctionnement du filtre cutané, l'émonctoire rénal"
participe à l'évacuation par des mictions abondantes et
répétées, qui se font dans la seconde moitié de la nuit.
Donner à ces malades tous les médicaments préconisés
en pareil cas, c'est faire de la mauvaise thérapeutique
symptomatique ; on les intoxique davantage, et la plu-
part du temps on n'atténue en rien les désagréments que
la transpiration leur procure. Cherchant, par contre, du
côté du régime alimentaire du repas du soir, on arrivera
toujours à retrouver l'erreur ou l'abus qui y aura été com-
mis. Tantôt c'est un repas trop copieux ou composé d'ali-
ments trop nutritifs, dans lequel il a été introduit des
viandes, des oeufs, des farineux, des sucreries, tandis qu'on
avait prescrit un repas léger, un repas vert (légumes verts
obligatoires du soir). D'autres fois, ce fut un repas trop
diurétique, où il y eut abus de lait, de fruits ou de boissons.
J'ai souvent observé des malades obligés de changer de
chemise au milieu de la nuit, juste au moment de l'éva-
cuation gastrique, tellement ils transpiraient, et chez les-
quels il a suffi d'ordonner une hygiène alimentaire appro-
priée pour voir cesser les transpirations, comme par enchan-
tement.
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE 519

LES INSOMNIES.

Les rêves, les cauchemars, les réveils prématurés et pé-


nibles, les excitations cérébrales nocturnes, qui provoquent
une insomnie définitive, retranchant la seconde moitié de
la nuit, ou partielle si le sujet peut au bout d'une heure ou
deux se rendormir d'un sommeil'pénible et agité, recon-
naissent une pathogénie absolument identique.
L'homme sain et même l'arthritique tuberculeux à qui
on a fait retrouver, grâce à la diététique raisonnée, un
fonctionnement gastro-intestinal normal, ne rêvent, pour
ainsi dire, jamais. Toute excitation cérébrale nocturne in-
dique soit un trouble de la digestion hépatique, soit une
stimulation intempestive due à un aliment toxique ou trop
nourrissant, placé maladroitement au repas du soir. Le
menu de.ce repas doit être, je le répète encore,.composé
d'aliments réparateurs mais non stimulants et non énergé-
tiques, on y laisse le pain et les légumes verts en forte pro-
portion, parce que l'azote du premier et les sels minéraux
des seconds joindront leurs effets reconstituants à ceux du
sommeil, tandis que des viandes, des légumes secs, du sucre
artificiel déterminent un besoin dé dépense énergétique, une
mise sous pression de l'organisme qui nuit au sommeil, et
entraîne une stimulation du système nerveux qui est pour
le moins irrationnelle et malencontreuse. L'irrigation noc-
turne toxique ou énergétique des cellules nerveuses est
seule responsable de leurs vibrations désordonnées, des
incohérences psychiques qui en résultent, et si elle est exces-
sive, de l'insomnie qui n'est qu'un appel défensif à la dé-
pense d'un trop plein de forces mal placées.
520 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

C. —TRAITEMENT DE QUELQUES COMPLICATIONS

LÉS ENTÉRITES.

Quand le bacille tuberculeux s'est fixé sur la muqueuse


intestinale et y a déterminé des lésions ulcéreuses, quand
encore, la diarrhée résulte d'une dégénérescence amylôïde
des viscères, on est à peu près désarmé, et, le mieux qu'on
puisse faire est de pallier les effets douloureux et cachec-
tisants de ces déperditions intestinales, en recourant à la
médication purement s3>mptomatique coutumière, bis-
muth, talc, tannigène, bleu de méthylène, nitrate d'argent,
opium, tout en surveillant les effets toxiques ou nocifs pos-
sibles.
A côté de ces formes qui ne pardonnent guère, il est
heureusement toute une série, la plus importante, de diar-
rhées non tuberculeuses, qui sont singulièrement fréquentes
chez les arthritiques. Elles relèvent de deux facteurs, soit
d'une vieille lésion d'entérite muco-membraneuse prémoni-
toire, soit de troubles suralimentaires. La diarrhée enté-
ritique, écrit Loeper (1) est consécutive « à la suralimenta-
tion par la viande, les extraits de viande altérés ou non, à
l'absorption des médicaments tels que l'huile de foie de
morue, l'ichtyol, la créosote, l'arsenic, etc. ». Elle peut,
revêtir différentes allures cliniques, être séreuse simple,
glaireuse, membraneuse, dysentéritique, hémorragique, in-
cessante, alternante avec des périodes de constipation ; elle
peut, au point de vue de la viciation fonctionnelle, passer'
par des périodes successives et contradictoires d'hyper et
(1) Loeper. Les diarrhées tuberculeuses des tuberculeux. Tribune-
Médicale, 1909, p. 53.
non
TRAITEMENT DES COMPLICATIONS 521
d'hypofonctionnement comme cela s'observe d'une façon
si caractéristique pour tous les viscères touchés par le sur-
menage arthritique. Loeper également a noté des « dyspep-
sies intestinales par déficit » à côté de « ces dyspepsies par
hyperfonctionnement ».
L'acidité des selles, constatée aussi par Robin, du Pas-
quier, Gaultier, Loeper, provoque souvent du ténesme et de
la brûlure anale. Enfin, l'abdomen météorisé et uniformé-
ment endolori, présente deux points particulièrement sen-
sibles, l'un dans la région coecale où s'accumulent les réser-
ves fécales toxiques, et l'autre au creux épigastrique sur le
lobe gauche du foie. Ces malades, écrit Loeper, « accusent
une sensibilité spéciale au creux épigastrique, qu'on localise
difficilement à l'estomac ou au côlon, et qui semble plus
profonde. » La cirrhose du foie avec dégénérescence grais-
seuse, trouvée à l'autopsie de ces malades, attesté la v aleur
clinique du signe du « lobe d'alarme ».
Toutes ces manifestations entéritiques anciennes ou ré-
centes deviennent silencieuses et ne révèlent plus la fragi-
lité de l'organe qu'à l'occasion d'un écart alimentaire, si
l'on soumet ces malades au régime végétarien plus ou moins
sévère, selon les degrés d'intoxication arthritique, et à la
cure habituelle de fruits dessucrés. Les aliments d'origine
.animale, les graisses-animales, les sucreries, les oeufs, le lait
surtout, sont toujours très dangereux et doivent être l'ob-
jet d'une prohibition raisonnée, progressivement expéri-
mentée sur chaque sujet.

LE RHUMATISME.

En dehors des tumeurs blanches indéniables, des arthri-


tes-bacillaires qui relèvent du traitement classique par im-
mobilisation et ponction, s'il s'est fait une suppuration, on
peut dire des autres manifestations articulaires, périarti-
522 ETUDE THERAPEUTIQUE

culaires et abarticulaires, qu'elles dépendent toutes de l'ar-


thritisme et nullement du bacille dé Koch. Le rhumatisme
tuberculeux n'existe pas, parce qu'il guérit toujours par les
restrictions alimentaires, et s'aggrave toujours, tôt ou tard, par
le traitement classique antituberculeux, ce qui prouve sans
appel son origine arthritique sur alimentaire et nullement ba-
cillaire. Que le sujet soit tuberculeux ou non, les manifes-
tations cliniques rhumatismales sont identiques; elles re-
connaissent la même cause : erreur ou abus alimentaire, et
ne s'améliorent ou guérissent que par la diététique anti-
arthritique. C'est à cette conclusion que j'ai abouti, en
examinant des milliers de tuberculeux, en voyant la fré-
quence extrême des phénomènes rhumatismaux chez les
tuberculeux suralimentés, la rareté vraiment prodigieuse
de ces mêmes troubles chez les non suralimentés, la ténacité
des lésions chez les sujets à l'hygiène alimentaire mal ré-
glée, et l'invariable extinction de tous ces troubles par. la
suppression de la viande, de l'alcool, des graisses, des légu-
mineuses et du sucre, chez ceux qui en souffraient.

LES ARCÈS.

Les suppurations tuberculeuses reconnaissent deux gran-


des causes : les inflammations osseuses ou ganglionnaires.
Chez les arthritiques, les abcès osseux seront traités par
ponction simple renouvelée autant qu'il sera nécessaire, et
il faudra avoir recours le moins possible aux injections mo-
dificatrices ou antiseptiques qui, trop souvent, engendrent
des poussées extensives dangereuses et de l'intoxication
générale chez des malades aussi fragiles.
Si l'abcès est d'origine ganglionnaire, siège dans
une
région où une cicatrice opératoire ne sera ni gênante, ni
inesthétique, on peut l'enlever chirurgicalement, à condi-
TRAITEMENT DÉS COMPLICATIONS 523
tion, toutefois, que le foie du patient soit en état de sup-
porter l'intoxication chloroformique, qui est toujours fort
à redouter chez ces sujets. Aussi, l'intervention sanglante
restê-t-elle, la plupart du temps, une mesure d'exception.
En effet, le travail d'élimination d'un noyau de ramol-
lissement ganglionnaire, même s'effectuant en plusieurs
mois, ne constitue jamais un danger pour l'arthritique tu-
berculeux. J'ai suivi ainsi nombre de malades gravement
intoxiqués, qui avaient obtenu un fonctionnement orga-
nique général excellent et un retour à la vie normale, grâce
à un régime des plus sévères et qui, pendant un an, dix-
huit mois, éliminaient, sans la moindre atteinte générale,
sans la moindre fatigue ou fièvre, de petits foyers ganglion-
naires. Chez ces malades même, ces légères suppurations
doivent être respectées, c'est-à-dire qu'on doit laisser à
l'organisme régénéré seul, le soin de se nettoyer de ses ba-
cilles : rien n'est durable, en effet, je l'ai déjà écrit, qui est
obtenu sans son consentement et sans son aide effective.
.

Cette adénite sera donc, en quelque sorte, le baromètre


de la guérison et de la remise en état défensif du terrain ar-
thritique. Elle sera pour lé malade une véritable sauve- <

garde, qui va le garantir contre les erreurs et les excès ali-


mentaires, à cause des aggravations visibles que chaque
.écart amènera dans l'état inflammatoire local. Il n'y a rien
de tel pour convaincre les plus incrédules, en ce qui concerne
l'influence heureuse ou pernicieuse de chaque aliment pris en
particulier, qu'une petite suppuration ganglionnaire. Elle
oblige l'arthritique à régler strictement sa diététique, lui
•impose de bonnes habitudes d'hygiène alimentaire et. de
culture physique et, par la série des petits ennuis qui suit
chaque manquement à la chasse intestinale, chaque insuf-
fisance d'exercice physique, elle détermine par ces châti-
ments inflammatoires, l'éclosion d'une conviction désor-
mais indéracinable, sur la nécessité du régime pondéré
524 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

habituel et de ses adjuvants : culture physique générale et


intestinale.
Quand la suppuration ganglionnaire est assez volumi-
neuse, il n'y a qu'une règle : la ponction simple répétée.
Si, par contre, elle est petite et siège dans une région où un
pansement ni une minime cicatrice ne sont gênants, le
mieux est d'y passer un séton. Ce moyen, qui peut paraître
ancestral à certains, est même formellement indiqué dans
les formes scléro-inflammatoires diffuses avec poussées hy-
perhémiques subintrantes. Le séton sert de soupape de
sûreté à l'afflux congestif, et réalise, le moyen le plus sûr
de soulager le malade des élancements douloureux qu'oc-
casionnent ces foyers mal délimités, inopérables, parce
qu'infiltrant à distance les tissus voisins (muscles, gaînes,
tissu cellulaire) et d'écourter la durée de l'élimination sup-
puratrice.
Gangolphe (1), après avoir ponctionné des centaines
d'abcès, dans les régions les plus diverses, donne la préfé-
rence à la ponction simple évacuatrice, quelquefois suivie
d'un lavage au sérum artificiel. « Le traitement de choix,
dit-il, est la ponction simple, sans injection ou quelquefois
avec injection de sérum artificiel dans la poche. La guérison
est la règle, l'intervention sanglante n'est acceptable et
logique, que si l'on est sûr d'enlever d'un seul coup et com-
plètement, le foyer osseux initial et la poche ossifluente qui
en dérive. »
Ces sages conclusions, qui s'appliquent à tous les bacil-
laires en général, sont particulièrement adaptées aux tem-
péraments arthritiques chez lesquels les injections actives
donnent des réactions très douloureuses, extensives et hé-
morragiques.
D'ailleurs, ces injections actives n'agissent qu'en hâtant
(1) Gangolphe. Abcès tuberculeux symptomatiques. Congrès interna-
tional de la Tuberculose, 1905.
_
TRAITEMENT DES COMPLICATIONS 525
la nécrose cellulaire par leur pouvoir mortifiant, et nullement
par effet antiseptique. Loin d'avoir un rôle d'arrêt sur le'
développement des colonies bacillaires, elles peuvent, par
la meurtrissure des tissus qu'elles provoquent, produire
un point d'appel, un lieu, de moindre résistance, qui entre-
tiendra l'extension tuberculeuse. Les expériences de Jean-
nel (1) montrant que, sur des lapins tuberculinisés, des
injections sous-cutanées d'éther iodoformé, pratiquées dans
un but curatif, firent naître au point d'injection des abcès
froids indéniables, motivent, une fois de plus, le rejet de ces
drogues antiseptiques chez les tuberculeux.

EMPHYSÈME.

Cette autre manifestation pulmonaire morbide, qu'elle


.

soit ou non accompagnée de bronchite et de crises d'asthme,


n'a rien à voir avec l'infection tuberculeuse. Je répéterai, à
propos de cette association, ce que j'ai déjà dit à propos du
pseudo-rhumatisme tuberculeux : asthme et tuberculose
sont coefïets d'une même cause, l'intoxication hyperacide :
elles se développent sous la même influence, subissent de
concert les mêmes fluctuations, s'aggravent par le traite-
ment antibacillaire classique et guérissent, de pair, par une
thérapeutique alimentaire appropriée, et- la culture physi-
que générale et intestinale. J'ai vu des malades obèses,
emphysémateux, traînant depuis des dizaines d'hivers des
poussées bronchitiques avec foyers bacillaires minimes qui,
à la suite d'une cure continue de désintoxication par le
régime végétalien strict, se délivrèrent de leur obésité, de
leur bronchite, de leur foyer bacillaire et ont retrouvé un
Jeannel. Traumatisme et Tuberculose. Congrès International de
(1)
la Tuberculose, 1905, T. Il, p. 153. ;'
526 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

état de santé des plus satisfaisants. J'en suis un, entre


autres, qui, âgé de 62 ans, perdit en six mois 30 kilos de
graisse et, en même temps, ses troubles emphysémateux et
ses bronchites à répétition ; depuis quatre ans, il n'a pas
quitté son régime végétalien, et n'en revient pas de ne plus
avoir ses poussées bronchitiques qui ne l'avaient pas quitté
depuis l'année 1870. Ce régime végétalien strict lui permet
d'ailleurs de se livrer à de rudes occupations manuelles,
auxquelles il répugnait auparavant.
Chez les sujets harcelés par des crises d'asthme à répéti-
tion, les moyens médicamenteux qui donnent le maximum
d'efficacité pour juguler les crises sont : la piqûre de mor-
phine, ou mieux encore, le chloral en sirop, mélangé à parties
égales avec le sirop de Désessartz, pris par doses successives
de un gramme, de demi-heure en demi-heure, jusqu'à discon-
tinuation de la dyspnée. Enfin, j'ai pu obtenir de très lon-
gues trêves chez des asthmatiques, tourmentés par des
attaques répétées plusieurs fois par jour, pendant des se-
maines, par une copieuse saignée de 300 à 500 grammes.

ALBUMINURIE. —DIABÈTE.

A l'égard de ces deux complications, qui sont très souvent


de nature arthritique, il n'y a pas à déroger au principe que
je m'efforce de mettre en vedette : la tuberculose ne se
greffe que sur les terrains épuisés, aussi ne faut-il pas s'at-
taquer à elle seule, puisqu'elle n'est que conséquence, et-
vaut-il mieux s'en prendre toujours à la cause morbide d'in-
toxication générale : le syndrome rénal ou diabétique. On
doit se comporter dans ces cas presque comme si la tuber-
culose n'existait pas, et s'occuper uniquement de relever
les résistantes organiques défaillantes par des^
mesures dié-
tétiques d'épargne énergétique et de repos gastro-hépatique.
TRAITEMENT DÉS COMPLICATIONS 527

LA PLEURÉSIE.

Une simple mention suffit pour cette complication, qui


garde ici ses mêmes indications thérapeutiques que partout
ailleurs : révulsion et ponction évacuatrice, quand il est
nécessaire. La diététique végétarienne contribue toujours
puissamment à la résorption rapide des épânchements et à
la restauration de l'état général.
CHAPITRE XIX

LA CULTURE PHYSIQUE

«L'exercice au grand air en accélérant


les oxydations abaisse la toxicité uri-
naire d'un quart. »
CHAKEIK.

Voici notre tuberculeux en possession d'un régime ali-


mentaire bien équilibré et de fonctions intestinales bien
rétablies et même activées. Il n'absorbe plus de poisons,
et son élimination par voie digestive est parfaite : deux
des points du programme sont remplis. Il reste à envisager
le troisième membre du trépied thérapeutique : la cul-
ture physique. Elle se pratiquera autant que possible au
grand air et demandera, même, à se voir compléter par des
bains d'air et de soleil, sur la technique desquels nous re-
viendrons dans le chapitre suivant.
La culture physique générale vient, comme importance,
sur le même plan que la diététique et la désintoxication
intestinale.
De même que nous avons mis en garde les malades contre
les méfaits du bien-être ou de la richesse, qui entraînent
(1) Charrin. Les défenses naturelles de l'organisme, p. 261.
CULTURE PHYSIQUE 529

presque fatalement le luxe et l'erreur alimentaires, quand


on n'a pas la raison et l'énergie de s'astreindre à une vie
sobre et un peu rude, de même il nous faut maintenant leur
montrer les dangers des excès du confortable. Actuellement,
notre crainte obsédante de la «faiblesse » nous fait refuser tout
exercice musculaire, de peur de nous fatiguer. Nos moindres
déplacements se font à l'aide de véhiculés divers (omnibus,
voitures, ascenseurs, etc.) ; n'ayant plus l'occasion d'accom-
plir un travail même modéré, nos masses musculaires, notre
muscle cardiaque s'atrophient et, au moindre effort, nous
sommes anhélants et courbaturés. Et pour combattre les
troubles ainsi engendrés, nous n'avons rien trouvé de mieux
que de les baptiser faiblesse et de les accroître encore, en
nous employant à parfaire notre atrophié et notre rouille
par des cures d'immobilisation, de repos à la chaise longue.
Voici, par exemple, un malheureux qui doit à l'erreur et
à l'excès alimentaires joints à la sédentarité d'avoir, d'un
côté, un appareil gastro-hépatique usé par excès de recettes
et, d'autre part, un appareil locomoteur atrophié et une
nutrition générale ralentie et déviée par absence de dépen-
ses ; cet excès de recettes, rendu encore plus dangereux par
le manqué de dépenses, a fait se développer chez lui l'in-
toxication arthritique qui, peu à peu, en l'affaiblissant, l'a
conduit à la tuberculose," et c'est à cet inéluctable enchaî-
nement qu'on espère remédier, en aggravant ses causes
productrices, c'est-à-dire en condamnant le patient à la sur-
alimentation et au repos forcé !
Des sujets, encore peu touchés par la diathèse peuvent,
c'est bien certain, s'améliorer et même, guérir avec, ou
mieux, malgré ce traitement insensé, mais ils n'en sortiront
moins amoindris dans leur vitalité, pour avoir eu à
pas
vaincre, à la fois, leur infection et leur empoisonnement
thérapeutique.
La haute valeur préservatrice de l'effort musculaire con-
530 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

tre l'abâtardissement de la race, même si elle commet des


erreurs diététiques, n'est-elle pas assez attestée par l'exem-
ple de la nation anglaise qui, malgré ses fautes alimentaires,
doit à la culture sportive intensive de rester à la fois fleg-
matique et vigoureuse.
Loin de constituer une « guenille » méprisable, notre
appareil musculaire, dont la masse compose le tiers de notre
corps, est destiné, grâce à cette prépondérance, à jouer un
rôle des plus actifs comme régulateur admirable de nos
échanges nutritifs, de nos fonctions cardio-pulmonaires et
nerveuses ; aussi comprend-on la valeur thérapeutique et la
puissante efficacité d'un tel agent de trophismë général.
« La notion de thérapeutique par l'exercice, écrit La-

grange (1), existe à peine dans notre pays, peut-être à cause


de l'acceptation généralement donnée au mot « gymnas-
tique » qui est resté dans notre langue synonyme d'exercice
violent. Parler de faire intervenir l'exercice dans le trai-
tement des affections du poumon ou du coeur, ou simple-
ment dans l'hygiène des convalescents et des vieillards,
c'est s'exposer à provoquer le plus souvent l'étonnement
des médecins et les railleries du public. »
Il n'est donc pas inutile, à notre époque, qui se carac-
térise par la recherche ardente de la nourriture dite forti-
fiante, et la phobie, de la fatigue physique, de proclamer les
bienfaits de l'alimentation simple et sobre, la puissance
hygiénique et curative de la culture physique, de crier l'in-
suffisance des promenades soi-disant hygiéniques, faites à
pas mesurés, et de répéter que, pour la chasse des poisons
arthritigènes et l'entretien de la santé, l'exercice qui s'ac-
compagne d'un effort musculaire suffisamment énergique
et prolongé, a seul une valeur tonifiante et curative.
Et pourtant, que sont la plupart des sanatoriums, sinon
des écoles de gavage et d'immobilisation, c'est-à-dire de
(1) Lagrange. La médication par l'exercice, p. 230.
- -
CURE DE REPOS 531
gourmandise et de fainéantise ? La triade classique : cure
d'air, cure de suralimentation, cure de repos, serait-elle
donc un leurre ? Dans l'immense majorité des cas, il n'y
a pas à en douter. La cure d'air seule reste intangible, et
encore, elle est illogiquement appliquée, puisque le malade
est immobilisé et, de plus, ne bénéficie d'aucun des bains
d'air, de lumière et de soleil. La cure suralimentaire com-
mence à être fortement battue en brèche par tous ceux qui
suivent de près des tuberculeux. Quant à la cure de repos,
elle constitue pour les arthritiques tuberculeux, qui sont
l'immense majorité des bacillaires, une erreur évidente et
un préjugé qu'il faut également combattre.

1°LA CURE DÉ REPOS.

Elle a pour promoteur Dettweiller dont la maxime était :


« La cure d'alimentation doit se faire au repos ». Ce qui
revient à dire : la cure d'empoisonnement doit se parfaire
à l'aide de l'immobilisation.
D'ailleurs, cette cure à la chaise longue était la consé-
quence inévitable de la suralimentation. Comment se ris-
quer, en effet, à faire remuer un malade gavé, soufflé de
graisse, gêné par son incessante réplétion gastrique, qui,
aux premiers mouvements, va activer la mise en circula-
tion de ses poisons, faire par suite de la fièvre, souffrir de
migraines, suer, haleter et même cracher le sang ?
L'immobilisation systématique est donc l'unique moyen
d'éviter l'éclosion d'accidents aigus, et elle reste la seule
ressource thérapeutique qui permette de parer dans une
certaine mesure aux troubles suralimentaires, d'espacer
les hémoptysies, d'atténuer les élévations thermiques soi-
disant bacillaires, les tachycardies d'indigestion, les dys-
pnées, les faiblesses et les courbatures d'origine toxi-ali-
532 ETUDE THERAPEUTIQUE

mentaires. Aussi la cure de repos à la chaise longue, mesure


indispensable et inévitable chez les suralimentés, devient-
elle une thérapeutique d'exception chez les tuberculeux
nourris normalement, puisque, de ce fait, sont supprimés
la plupart des petits signes qui nécessitaient la cure d'im-
mobilisation.
Si même, chez des arthritiques soumis à une diététique
bien équilibrée, on s'obstine à la prescrire sans motif autre
que celui de suivre les habitudes consacrées par l'usage,
on est vite amené à en réduire les séances à cause des ennuis
qu'elle provoque. La chaise longue 'contribue à donner ces
augmentations brusques de poids observées au début des-
traitements, qui aboutissent fatalement aux troubles hépa-
tiques, à la fièvre, aux hémoptysies. L'organisme mis sous
pression par des recettes sans cesse renouvelées, n'a plus,
dans l'exercice, l'échappement physiologique nécessaire ; il
se fait de la mise en réserve, de la construction adipeuse qui,
peu à peu, encombre tous les éléments nobles : cellules
hépatiques, glandulaires, musculaires, myocardiques. La
rétention toxique joint ses effets à l'avachissement grais-
seux : l'appétit diminue, la pléthore et, par suite, la dys-
pnée et la tachycardie redoublent. Pour peu que les gale-
ries de cure soient bien ensoleillées et par suite surchauffées,
elles deviennent ainsi, pour les congestifs immobilisés et
suralimentés, et parfois même non suralimentés, des nids à
hémoptysies.
Chez des malades particulièrement sensibles à l'intoxi-
cation sédentaire, j'ai même souvent observé de la fièvre
par cure de chaise longue, fièvre que je pouvais à volonté
provoquer ou enrayer par application ou suppression de
l'immobilisation. En voici un exemple entre autres. _

Pélis... Marguerite, âgée de 39 ans, née de parents arthri-


tiques (diabète, rhumatisme) est elle-même une diathésique
congestive, au visage coloré, aux joues marquées de varico-
CURE DÉ REPOS 533
sites. Ses lésions tuberculeuses du premier degré à droite
ont débuté, il y a six ans, par un crachement de sang. Elle
fut suralimentée et fit une pleurésie il y a-six mois. Elle
présente très nettement, à son entrée, le syndrome hypo-
systolique arthritique et le syndrome de décalcification.
Mise au régime carné mitigé, elle eut fréquemment des

Fig. 13. = Fièvre par immobilisation à la chaise longue.

troubles gastro-hépatiques, qui nécessitèrent des périodes


intercalaires de régime végétarien. Même pendant ces pha-
ses d'alimentation hypotoxique, il fut impossible de la main-
tenir à la galerie de cure ; chaque essai d'immobilisation,
comme le montre la courbe ci-jointe, entraînait une série
d'ascensions thermiques accompagnées de malaises conges-
tifs hépatiques et généraux.
Mais, dira-t-on, l'arthritique tuberculeux est un épuisé,
à qui vous avez vous-même, conseillé l'épargne énergé-
tique ; n'y a-t-il pas contradiction à vouloir lui faire dépen-
ser ses réserves, par un exercice physique pour le moins
534 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

intempestif ? Assurément, l'épargne, le repos, et le rejet


des excitants alimentaires ou médicamenteux trop violents
étaient à conseiller, mais seulement quand il s'agissait de
la partie surmenée, usée : le foie et l'estomac de l'arthri-
tique. Nous avons assez insisté sur la localisation des lé-
sions sur ces seuls organes et sur l'intégrité du reste de l'é-
conomie, pour comprendre maintenant, que les conseils
d'atténuation dépensive et stimulatrice doivent se loca-
liser aux seuls points faibles et que, les étendre à toutes les
autres fonctions organiques, ce n'est plus prêcher le repos,
mais l'encrassement toxique.
Aussi, par ailleurs, la thérapeutique active, surtout quand
elle est physiologique, quand elle a recours à des agents
naturels (mouvement, air, soleil), reprend tous ses droits.
Déjà indispensable chez les individus normaux, elle de-
vient chez l'arthritique tuberculeux une nécessité, car seule
elle peut s'opposer au ralentissement des échanges et oxy-
der les déchets de nutrition. Loin de mettre en liberté des
poisons de désassimilation, elle va, chez les sujets que les
poisons suralimentaires n'encombrent pas, soulager le tra-
vail de neutralisation hépatique en brûlant complètement
les résidus imparfaits d'usure normale, et en les rendant
inoffensifs pour les émonctoires.
Il est bien certain, au contraire, qu'entraîner à l'exercice
des sujets saturés de poisons alimentaires, c'est secouer
dangereusement la lie qui stagne au fond du vase, et courir
au devant de troubles dé mise en circulation et d'aggrava-
tion toxique certaine. Je le répète donc une fois pour toutes,
la culture physique n'est possible, ne donne lieu à aucun ma-
laise toxique et ne permet de surprenantes cures, que chez dés
sujets à la diététique minutieusement établie et bien dosée.
Est-ce à dire que les galeries de cure devront être systé-
matiquement désertées ? Gardons-nous de tout excès. Là
chaise longue est fort utile aux vrais fébriles, aux vrais
CULTURE PHYSIQUE 535
épuisés, aux porteurs de lésions profondes ; ceux-là trou-
vent à respirer l'air non confiné et à reposer-leurs corps
surmenés en totalité, tous les bienfaits désirables : chute de
température, retour dés forces et de l'appétit.
Même pour les tuberculeux arthritiques, le repos à la
chaise longue est précieux, après les périodes de marche,
d'exercices Variés. Une courte immobilisation entre une
phase de mouvement et le repas qui va se prendre, ne fait
qu'aiguillonner l'appétit et apaiser les réactions qui pour-
raient devenir excessives, dépasser le but d'élimination et
de tonificâtion visé, et verser dans le surmenage. De pri-
mordiale, la thérapeutique par le repos systématique devra
donc passer au rôle plus modeste de mesure simplement adju-
vante, mais, malgré cela, nullement négligeable ; chaque
fois qu'elle sera applicable, la culture physique sera appelée
à la détrôner.

2° LA CULTURE PHYSIQUE.

De quelles fonctions organiques dépend la guérison de


la tuberculose ? De la digestion et de la respiration. Un
malade qui digère bien et qui respire bien, peut envisager
l'avenir avec une absolue confiance. A ces deux capitales
fonctions, correspondent deux groupes musculaires bien
déterminés : les muscles de l'abdomen dJune part, les mus-
cles du thorax d'autre part. C'est à la culture régulière,
systématique et presque exclusive de ces deux groupements
musculaires, qu'il faudra employer tous ses efforts.
Tout arthritique tuberculeux non alité, devra donc être en-
traîné en vue d'obtenir une sangle abdominale rigide et des
épaules solidement emmanchées.
536 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

LA CULTURE RESPIRATOIRE.

Elle aura pour but de rééduquer d'abord les fonctions


respiratoires, d'apprendre au tuberculeux à dilater et à
vider son thorax complètement, car la plupart du temps,
il ne sait plus respirer, parce que les douleurs de côté, les
irritations laryngées, la peur de l'air ont fait réprimer chez
lui les mouvements respiratoires instinctifs. Elle visera aux
effets physiologiques suivants : 1° l'augmentation de la
capacité pulmonaire en hypertrophiant les muscles respi-
ratoires et en assouplissant les articulations Costo-verté-
brales et costo-sternales. 2° L'accroissement des phéno-
mènes d'oxydation et d'hématose. 3° La reviviscence du
tissu pulmonaire. « La vitalité du tissu pulmonaire, écrit
Lagrange (1), s'accroît en raison directe du travail du pou-
mon, en vertu des mêmes lois qui président à la nutrition
du muscle, et du reste à celle de tous les organes vivants. »
N'est-il pas d'ailleurs curieux que ce soient précisé-
ment les sommets pulmonaires, régions où la circulation
pulmonaire aérienne est la plus ralentie, qui deviennent le
siège de prédilection des bacilles de Koch ?
L'accroissement du courant aérien a pour corollaire l'accé-
lération du courant sanguin ; plus l'air circule, plus l'appel
vasculaire se fait pressant ; aussi n'est-il pas extraordinaire
de constater, après quelques séances de gymnastique respi-
ratoire active, la disparition des foyers de congestion péri-
tuberculeuses, la perméabilisation des zones infiltrées et le
déblayage des points oedématiés.
Cette culture respiratoire, pourra être obtenue indirec-
tement, à l'aide d'exercices généraux tels que la marche,
la cure de terrain, etc., qui entraînent une oxygénation in-
(1) Lagrange. La médication par l'exercice,
p. 453.
CU.LTU.RE -PHYSIQUE 537
tense, en même temps qu'une progression des mouve-
ments respiratoires en vitesse et en amplitude. Mais cette
méthode indirecte, bien que très bonne, ne pourra être mise
en action que chez des sujets graduellement entraînés,
et surtout, chez lesquels on aura amené les muscles respira-
toires à un état trophique accru et satisfaisant, par une
culture préalable et nécessaire, qui leur permettra, sans
fatigue, de s'adapter à cet hyperfonctionnement.
Cette culture spéciale, dont nous exposerons plus loin
la technique détaillée, sera beaucoup plus active que pas-
sive. Jamais on n'obtiendra de résultats satisfaisants par
d'anodins efforts de remplissage respiratoire, par d'insuffi-
sants mouvements d'élévation ou d'abaissement du bras et des
épaules. Il faut des contractions autrement actives et
énergiques des muscles du moignon de l'épaule, pour leur
communiquer une tonicité et un volume qui les transforme
véritablement, et les rende aptes à servir inconsciemment.
Et pour cela, ce n'est pas du simple mouvement musculaire
qu'il faut provoquer, mais de la contraction vigoureuse ca-
pable d'amener un peu de fatigue. De plus, ce qu'on visera à
développer, ce sera surtout le haut du thorax. En évasant
la base thoracique, on abaisse les viscères abdominaux, on
laisse persister l'aplasie des sommets tandis qu'en élargis-
sant le tour d'épaule au détriment de la taille, on ventile véri-
tablement les hauts des poumons.
Il ne s'agit donc pas tant de déplisser toutes les alvéoles
pulmonaires, chaque matin pendant cinq minutes, que de
développer des muscles inspirateurs en état de tonicité per-
manente, remplis d'énergie potentielle, toujours prêts, par
suite, à entrer en fonctionnement instinctif et capables
d'assurer la ventilation pulmonaire réflexe pour le reste
de la journée, d'une façon automatique, sans que le malade
y songe.
Les exercices de gymnastique respiratoire habituelle-
538 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

ment prescrits, sont, pour la plupart, incapables de réaliser


de tels effets, qui, nous le verrons plus loin, ne peuvent être
obtenus qu'à l'aide de manoeuvres et d'appareils permet-
tant des contractions vraiment actives, c'est-à-dire effi-
caces, des muscles du moignon de l'épaule.

LA CULTURE ABDOMINALE.

Elle devra toujours se faire simultanément car les mou-


vements d'ampliation thoracique, qui se pratiquaient sans
prendre point d'appui sur les viscères abdominaux, solide-
ment maintenus eux-mêmes par une bonne sangle muscu-
laire abdominale, n'aboutiraientqu'à accélérer laptose viscé-
rale et à aggraver les troubles digestifs. Chaque poussée du
diaphragme provoque en effet de la distension abdominale
et de l'abaissement viscéral, si la paroi antérieure de cette
cavité est flasque.
L'abdomen est limité en tous sens par des parois souples
et contractiles ; en haut, c'est le diaphragme thoracique ;
en bas, le diaphragme pelvien ; en arrière, les muscles
lombaires ; en avant, et sur les côtés, le grand droit, les
obliques et le transverse. L'abdomen, comme le coeur, est
un muscle creux. Cette vaste poche musculaire est for-
mée par une série d'organes, dont les propriétés con-
tractiles indiquent assez que ces parois ne sont nullement
des frontières passives, mais des agents fonctionnels actifs.
C'est à leur tonicité que les viscères doivent d'être main-
tenus dans leur situation normale. De leur entretien dépend
le parfait accomplissement des actes digestifs ; s'ils vien-
nent à faiblir, l'atonie gastro-intestinale se déclare avec
ses conséquences de dilatation et de stase. Bien développés
au contraire, ils s'opposent aux flatulences, facilitent le
brassage et l'absorption alimentaire, remédient
aux engor-
CULTURE PHYSIQUE 539
gements de la circulation porte, et déterminent la dispari-
tion de la congestion hépatique ou hémorroïdaire. Enfin,
une bonne sangle abdominale, bien cultivée, est plus effi-
cace que la meilleure 'des ceintures orthopédiques, pour
s'opposer aux ptôses et aux troubles engendrés par les cou-
dures des conduits d'excrétion des organes déplacés.
Ces actions multiples, témoignent de l'importance qu'il
faut attacher à la restauration des muscles abdominaux
chez les tuberculeux. Comme l'a dit Glénard : « La ten-
sion abdominale donne la mesure de la. vigueur d'un in-
dividu » et, c'est la même opinion que Pasçault exprime
sous une forme encore plus concise : « On est fort par le
ventre ».

CHOIX DES MOYENS D'ACTION.

A quelles méthodes, à quelles techniques allons-nous


faire appel, pour développer les deux groupements mus-
culaires indispensables à la vitalité de notre malade ?
La gymnastique aux agrès ne saurait entrer en ligne de
compte. Elle est d'une pratique trop violente et trop ma-
laisée pour des malades. Et même, pour des individus sains,
elle a une piètre valeur, car tout exercice respiratoire qui
s'accomplit sans l'appui des pieds sur le sol, n'aboutit qu'à
l'immobilisation du sommet de la poitrine et à la congestion
des organes intra-thoraçiques.
La gymnastique suédoise, qui pourtant constitue un
dogme, à l'heure actuelle, est loin d'être acceptable en tota-
lité. Elle comporte quelques excellents exercices, qu'il
faudra lui emprunter, mais aussi un trop grand nombre
d'autres mouvements qui sont insuffisants ou même mal-
faisants, puisqu'ils sont appelés à détruire l'efficacité des
meilleurs.
Sa seule valeur réside dans les exercices de redressement
540 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

du tronc en flexion, qui réalisent une culture abdominale


très satisfaisante, non pénible et permettent de refaire
rapidement une bonne ceinture musculaire.
Où elle est notoirement insuffisante, c'est en ce qui con-
cerne la culture respiratoire. Elle fait jouer les muscles ins-
pirateurs, mais elle ne les développe pas : le malade respire
bien au moment de l'exercice, mais fort mal après. Aucun
des mouvements respiratoires préconisés à mains libres,
ne peut suffire à développer des muscles du moignon de
l'épaule capables-de servir instinctivement en dehors des
périodes d'exercice. Ce mépris du développement muscu-
laire des avant-bras, du bras,des épaules, du cou, est un des
gros travers de la méthode suédoise ; il n'y a qu'à regarder les
athlètes suédois, pour être frappé de la gracilité de leurs
membres supérieurs, de la chute de leurs épaules, de l'ab-
sence de saillie deltoïdienne ou pectorale. Ils ont bien la poi-
trine bombée, mais pas de doublure charnue ; à quoi sert
une vaste voiture sans moteur ? De plus ils ont les reins
creux.
La suédoise, en effet, mène à la lordose et c'est en quoi
elle est malfaisante. Par la fréquence et l'exagération des
renversements du tronc en arrière, elle donne à la co-
lonne vertébrale une courbure antiphysiologique, et déter-
mine ainsi une élongation des muscles droits antérieurs
de l'abdomen, qui vient détruire les bons effets de la con-
traction en position raccourcie, et laisse persister, par
suite, toutes les ptôses et les troubles viscéraux qu'il s'agis-
sait de combattre.
. .
« Le muscle, écrit Pages, quelle que soit sa puissance, ne
saurait faire du soutènement continu, et il faut autour de
la chair et dans la chair, des aponévroses et des tendons
qui se développent par la contracture statique en position
raccourcie, se distendent et se forcent au contraire par les
élongations inconsidérées, comme les renversements outrés
CULTURE PHYSIQUE 541

en arrière de la gymnastique suédoise, relativement aux


muscles abdominaux. »
Il nous faudra donc pour obtenir une culture respira-
toire et abdominale satisfaisante et pas par trop pénible
non plus, faire une sélection, emprunter à la suédoise cer-
tains de ses exercices, et pour les autres recourir à des
mouvements exécutés à l'aide d'engins variés : haltères
légers, exerciseurs, poignée à ressort.

TECHNIQUE.

Il n'est pas dans mon. intention d'entreprendre la des-


cription dé tous les exercices respiratoires possibles et
imaginables. Je laisse ce rôle de catalogué aux manuels de
gymnastique. De la collection de tous les mouvements pré-
conisés ou non, j'ai extrait et retenu après expérimentation
ceux dont la pratique m'a enseigné la valeur. D'ailleurs, à
vouloir être trop complet, à vouloir trop bien faire, on
fatigue l'attention, on astreint les malades à des séries de
mouvements fastidieux, souvent bien peu utiles, et on leur
fait dépenser du temps et de l'énergie, qui seraient bien
mieux employés à être limités sur un court ensemble, facile
et efficace.
Les exercices se feront le matin, au saut du lit, fenêtres
ouvertes en été, après avoir renouvelé l'air en hiver. Ils
s'exécuteront le corps libre de tout vêtement, et le malade
prendra du même coup un bain d'air matinal. Pour la façon
progressive ou rapide de se découvrir, la température du
milieu ambiant, etc., je donnerai d'autres détails au cours
du chapitre suivant qui traitera des bains d'air et de soleil.
Faite à cette heure, la culture musculaire doublée du
bain d'air, n'est que l'extension, dans un but thérapeutique,
du mouvement instinctif qui nous fait rejeter nos couver-
542 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

tures puis nous étendre dans un mouvement-de contracture-


simultané de la nuque, des membres et du tronc qui, en phy-
siologie, porte le nom de pandiculation. Placée à ce moment,,
elle aura de plus pour avantage de mettre en circulation,
d'oxyder tous les déchets de désassimilation nocturne, et
de permettre le libre jeu de tous nos organes. Le bien-être
extraordinaire qui suit l'exercice, et la torpeur qui envahit
pour le reste du jour, s'il fut négligé, indiquent assez la
réalité de cette action désintoxicante.
Comme prescriptions générales, il faudra insister sur les
points suivants. Les séances devront être régulières ; des
exercices faits un jour sur trois ne servent absolument à
rien. Chaque effort sera Conduit selon un rythme ni trop
lent ni trop vif ; dans le premier cas, il surmène ; dans le
second, il essouffle. Chaque sujet devra donc s'inspirer de
ces deux considérations, pour adopter le rythme qui lui
convient. Toute contraction musculaire se fera en inspi-
ration voulue et forcée, et chaque relâchement coïncidera
avec l'expiration, dé façon à bien développer à la fois le-
tissu musculaire et le tissu pulmonaire. La respiration se
fera toujours par le nez ; la bouche sera ténue close.
Les exercices s'accompliront devant une glace, qui per-
mettra au sujet de ju-
ger de la régularité des
mouvements, de la cor-
rection des attitudes et
de s'intéresser au jeu de
ses muscles. Enfin, ils
seront exécutés dans
l'ordre rigoureux suivi
pour cette description.
Fig. 14. Ie1'exercice.— Le ma-
lade étant couché par terre, sur le dos (fig. 14)
un coussin
très mince placé sous le siège, les bras étendus
en croix,.
CULTURE PHYSIQUE 543
perpendiculairement au corps, les jambes réunis sont élevées
doucement jusqu'à l'angle droit et redescendues ensuite
lentement sans frapper le plancher. Ce mouvement est
exécuté une dizaine dé fois. Quand l'entraînement est plus
avancé, la flexion des membres peut dépasser l'angle droit,
s'étendre au tronc, et la partie inférieure du corps être'
repliée parallèlement à la poitrine.
2e exercice. -— Sans changer le corps de position (fig. 15),
les bras sont ramenés parallèlement le.long de là tête
et le sujet se redressé
sans soulever les
membres inférieurs,
se penche lé tronc
en avant, jusqu'à ce
Fig. 15.
que ses mains tou-
chent l'extrémité de ses pieds. Puis, retour lent à la posi-
tion primitive. Au début, si la tonicité des muscles abdo-
minaux est faible, il faut que le malade passe les pieds sous
un meuble (commode, armoire), qui l'aidera à se redresser
en lui offrant un point d'appui et en s'opposant au sou-
lèvement synergique des membres inférieurs.
3e exercice. — Se placer debout, les
pieds écartés l'un dé l'autre à 40 centi-
mètres environ, pour obtenir une bonne
base de sustentation (fig. 16), croiser les
mains derrière la nuque et se courber en
avant jusqu'à ce que la tête atteigne le
niveau des genoux, se redresser ensuite
en rejetant la tête en arrière, mais sans
arquer le tronc en arrière, pour éviter
l'élongation de la paroi abdominale an-
térieure.
Fig. 16. 4e exercice. — Gardant la même posi-
tion des pieds- et des mains, tourner le tronc ex le visage
544 ETUDE THERAPEUTIQUE

à droite (fig. 17) et fléchir le thorax à gauche tout en con-


servant la torsion de la taille à droite.
Pendant le mouvement de flexion du
tronc, la jambe droite reste étendue,
la gauche est légèrement fléchie.
5e'exercice. — C'est la répétition du
précédent, mais en sens inverse. Torsion
du tronc à gauche, avec flexion simul-
tanée latérale droite du thorax.
Ces cinq exercices, qui visent uni-
quement au développement de la sangle
abdominale, seront exécutés chacun
Fig. 17. dix fois. Les suivants sont surtout des
exercices respiratoires. Celui auquel j'attache le plus
d'importance est un mouvement que je fais exécuter à
l'aide d'un engin que l'on vend dans le commerce sous le
nom de poignée à ressort. Préconisée d'ordinaire pour être
maniée d'une seule main, et pour développer les muscles de
l'avant-bras, cette poignée recevra ici une destination toute
autre.
6e exercice. —Le sujet étant debout,faceàlaglace,jambes
un peu écartées, la poignée est prise, un manche dans cha-
que main, 1 anneau étant place en haut.
Les bras sont élevés au-dessus de la
tête (fig. 18) incomplètement étendus.
En même temps qu'une profonde et
bruyante inspiration, on rapproche les
talons des deux mains comme pour
faire toucher les deux manches de la
poignée, et cet effort d'opposition s'ac-
compagne d'un mouvement de flexion
et de descente des membres supérieurs, Fig. 18
jusqu'à ce que les mains arrivent devant la figure. Le tout
s'accomplit pendant le temps inspiratoire. Les bras revien-
• CULTURE PHYSIQUE 545

nent au point de départ pendant l'expiration. La contrac-


tion doit être énergique et même un peu brusque. Pour
donner à l'exercice son maximum d'efficacité sur l'amplia-
tion thoracique, il sera exécuté en se hissant, au besoin,
sur la pointe des pieds pendant l'effort inspiratoire, et en
retombant sur les talons pendant l'expiration.
7e exercice. — C'est une variante du précédent destiné à
faire contracter les pectoraux, principalement dans leurs
faisceaux inférieurs, qui travaillent moins que les supé-
rieurs dans le premier mouvement. Les bras sont étendus
devant soi horizontalement à la hauteur des épaules, les
mains tiennent la poignée horizontale également, anneau
en avant et on exécute pendant l'inspiration, sans bouger
la position des coudes qui sont modérément fléchis, un
effort énergique d'opposition des paumes.
Pour juger de la grande efficacité de ces deux exercices,
il suffit de regarder les saillies musculaires qui se dessinent
de toutes parts pendant les contractions synergiques qu'ils
déterminent à la fois dans les avant-bras, les bras, les
épaules, le cou et tous les muscles thoraciques supérieurs.
Les deltoïdes se renflent, les pectoraux se projettent en
avant, les creux axillaires s'approfondissent, toute la moi-
tié supérieure de la cage thoracique soulevée, tirée cir-
conférenciellement, s'élargit véritablement. En très peu
de temps, ces mouvements développent Une respiration à
type costal supérieur, grâce à la tonicité extraordinaire
qu'ils communiquent aux muscles inspirateurs, et une am-
pliation permanente du sommet de la poitrine dont témoi-
gnent : l'augmentation vite obtenue de la circonférence
pectorale, le rejet naturel des épaules en arrière, et la sen-
sation de vigueur respiratoire habituelle que ressent le
malade. Pour aérer et irriguer les sommets pulmonaires, et
c'est ce'que nous devons rechercher avant tout chez les
tuberculeux, cet exercice possède une supériorité écrasante
35
546 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

sur tous les autres mouvements préconisés, qui agissent


plus sur la base que sur le haut de la cage thoracique.
Chacun de ces deux mouvements sera répété vingt fois.
Les exercices suivants seront exécutés à l'aide de l'exten-
seur en caoutchouc à deux branches. Ils seront faits toujours
face à la glace, et avec chaque extension, coïncidera un
bruyant effort inspiratoire et une contraction S3mergique
de la sangle abdominale. Chaque mouvement sera répété
une fois seulement, ce qui au total donnera, comme on va
le voir, trente-six inspirations profondes, en diverses posi-
tions. Les sujets très vigoureux pourront augmenter le
nombre des mouvements, mais n'oublions pas que nous par-
lons de malades. Pendant toutes les tractions faites devant
la poitrine, les coudes seront maintenus étendus. Les exer-
cices avec appareil passé derrière la tête, nécessitent au
contraire la flexion des coudes pendant le raccourcisse-
ment du caoutchouc.
5e exercice. -— Bras élevés parallèlement le long de la
tête, puis abaissés jusqu'à l'horizontale, en faisant frôler
la figure par les branches de l'extenseur (fig. 19).

Fig. 19. Fig. 20.

9e exercice. — Bras abaissés à la hauteur des hanches,


puis élevés jusqu'à l'horizontale (fig. 20).
— Bras tendus horizontalement droit devant
10e exercice.
soi, puis écartés en arrière jusqu'à l'angle droit (fig. 21).
CULTURE PHYSIQUE 547
11* exercice.
— Bras droit tenu immobile, oblique, en
bas et à droite. "Bras gauche tendu horizontalement devant

Fig. 21. Fig. 22.

soi. Puis élévation du bras gauche obliquement, en haut et


à gauche, le coude restant étendu (fig. 22).
12e exercice. — Même exercice, mais en sens inverse, le
bras gauche reste abaissé, le droit s'élève.
13e exercice. — Le bras droit est tenu immobile, élevé
oblique, en haut et à droite, le gauche tendu horizontale-
ment puis abaissé en bas et à gauche.
14e exercice. —Même exercice, mais en sens inverse.
15s exercice. —• Les deux bras tendus horizontalement
devant soi, le droit reste immobile, le gauche est étendu
(fig. 21) et inversement: gauche immobile, droit étendu.
Cet ensemble de 18 tractions, faites en tous sens et des-
sinant ainsi autour de la tête une sorte de rose des vents,
s'accomplit avec l'extenseur au-devant du corps. On
répète la même série avec l'extenseur passé en arrière de
la poitrine. Cette double série est faite une première fois
les mains tenant les poignées en supination, puis répétée
les poignets retournés en pronation; ce qui au total nous
fournit les trente-six tractions prévues. Assez longues à
expliquer, elles ne demandent jamais plus de trois minutes
pour être exécutées.
Avant de quitter l'extenseur, on peut encore s'en servir
548 ETUDE THERAPEUTIQUE

de la façon suivante, en lui laissant seulement une branche


de caoutchouc.
16e exercice. — Une des poignées est passée à terre sous
le pied droit (fig. 23), 1 autre est te-
nue de la main droite, à la hauteur
delà cuisse, au-devant du corps, puis
le coude restant en extension, la
main est élevée jusqu'à la hauteur
de la figure, et redescendue lente-
ment à la position première. Ce mou-
vement est répété ensuite, le bras
écarté sur le côté du corps, la trac-
tion se faisant latéralement.
17e exercice. — Le même que le
précédent, fait à l'aide du pied gau-
Fig. 23.
che et du bras gauche. Ces deux
exercices sont répétés de 3 à 5 fois.

Fig. 25.
Enfin, quatre derniers mouvements agissant à la fois
sur les muscles respiratoires et les abdominaux, se feront à
l'extenseur mural.
CULTURE PHYSIQUE 549
W exercice. — Dos à l'appareil, une poignée de chaque
main (fig. 24), inspiration en extension, les bras étendus
verticaux le long de la tête sont descendus en avant jus-
qu'à l'horizontale. Dix fois.
19e exercice. — Même position. Les bras étendus hori-
zontalement en croix, à angle droit, sont ramenés au-
devant de la poitrine (fig. 25). Dix fois.
20& exercice. — Côté droit à l'appareil, le bras droit tient
la poignée devant soi,
horizontalement (le
caoutchouc a été dou-
blé), le bras gauche
replié sur la hanche
gauche (fig. 26). Trac-
tion en décrivant un
mouvement circulaire
vers la gauche. Dix
fois.
21e exercice. -^ Le
même que le précédent,
mais en sens inverse.
Les métamorphoses qu'on obtient rapidement par l'usagé
de ces simples exercices, sont à la fois physiques et cliniques.
Du côté physique: un malade qui s'était présenté à nous
le regard terne, la mine abattue, le corps déformé : le
thorax émacié avec creux sous-claviers et côtes apparentes,
les épaules tombant en avant, la poitrine rentrée, lé ventre
saillant, ovoïde, adipeux ou mou, dont aucune contraction
ne pouvait modifier la forme, devient après quelques se-
maines absolument méconnaissable.
Le pannicule adipeux qui masquait ses saillies muscu-
laires, et rembourrait sa paroi abdominale, a fait place à
des masses charnues qui jouent sous la peau pendant les
efforts de contraction. Tandis que sa taille s'amincissait,
550 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

son thorax s'est dilaté : évasé par en bas, voici maintenant


le sujet épanoui par le haut, les épaules larges, rejetées na-
turellement en arrière, les pectoraux saillants. Son abdomen,
masse gélatineuse autrefois, présente maintenant pendant
la contraction de la sangle, la forme du ventre en balcon,
avec un étage sous-ombilical, maintenu par un rideau rigide
et plat, tendu presque en ligne droite d'un os iliaque à
l'autre, et un étage sus-ombilical, sorte d'encorbellement
contractile sous-thoracique, qui soutient et contient l'es-
tomac, le foie, la rate et les reins. Ainsi transformé, le
malade se sent Vraiment fort ; il a une mine assurée et
confiante qui étonne, tellement elle tranche sur l'aspect
déconfit qu'il jDrésentait au début du traitement.
Du côté clinique, comme il s'est produit un véritable
massage de tout l'organisme, car tout muscle qui se con-
tracte fait passer cinq fois plus de sang dans ses vaisseaux
qu'à l'état de repos, le courant circulatoire général s'en
est trouvé accéléré, la pléthore a fui, le trop plein de sang
attardé dans les viscères congestionnés fut attiré vers la cir-
culation, comme à la suite d'une véritable saignée. L'ac-
célération des oxydations, des échanges, se traduit par le
bien-être général, l'accroissement de l'appétit et des ca-
pacités digestives. La sangle abdominale a coupé court à
toute velléité de distension ou de stagnation intestinales.
La vitalisation thoracique a accru la force, la résistance
et le volume des tissus cardiaques et pulmonaires. Les
reliquats inflammatoires pulmonaires se sont évanouis, et
l'essoufflement surtout a disparu. Cette disparition de la
dyspnée que les malades remarquent, à la facilité avec la-
quelle ils montent les côtes, tient à la fois à la libération
congestive des viscères et à la tonification myocardique.
La supériorité de la culture physique sur la cure de
repos, pour la lutte contre la dyspnée, apparaît ici nette-
ment. Ne vaut-il pas mieux, en effet, faire disparaître un
CULTURE PHYSIQUE 551
trouble par le relèvement fonctionnel,
que de s'efforcer à
le masquer par une immobilisation qui
ne fait que l'aggra-
ver par son action atrophiante ?

OBJECTIONS.

On pourra dire : est-ce bien prudent d'assouplir ainsi des


foyers tuberculeux même éteints, ne peut-t-il pas se faire à
la faveur des tiraillements une mobilisation de bacilles,
qui vont essaimer dans le reste de l'économie ou tout au
moins s'éparpiller dans les tissus environnants ?
Cette crainte est purement chimérique, jamais on n'ob-
serve en clinique de dissémination bacillaire, chez des
tuberculeux en état de supporter les efforts musculaires
nécessaires à cette culture physique. Tout au contraire,
c'est la rétrogradation des foyers qui s'établit, et n'est-ce
pas dans la logique des choses, puisque partout où le cou-
rant sanguin est actif la greffe microbienne se fait très dif-
ficilement, tandis qu'elle est facilitée par le ralentissement
circulatoire ? Immobiliser des poumons, les congestionner
même en invoquant les théories de Bier, n'a jamais donné
que de mauvais résultats.
La crainte de l'accélération des échanges nutritifs, qui
va se produire précisément chez un malade, dont les com-
bustions sont soi-disant accrues, n'a également aucune rai-
son d'exister. L'arthritique tuberculeux est toujours, et
en toutes circonstances, un ralenti de la nutrition, et la
confusion entre sa dégradation calcaire, sa décalcification
par hyperacidité plasmatique et la dénutrition véritable
par combustion accélérée est une erreur qui a suffisam-
ment duré et dont il faut faire litière.
La peur des ruptures vasculaires (hémoptysies) ou de
l'intoxication par les déchets engendrés et mis en circula-
552 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

tion par l'exercice, cesse d'être motivée quand on prend


l'indispensable précaution de ne pas suralimenter sotte-
ment les malades, et quand ils ont un régime strictement
équilibré.
Dès qu'ils sont ainsi à l'abri du surmenage digestif et
cardio-vasculaire, ils peuvent aborder les exercices les plus
violents sans redouter les crachements de sang etl'auto-in-
toxication. N'ayant en eux aucune réserve dangereuse, se
gardant de tout apport alimentaire nocif, ils ne craignent
donc aucune mobilisation toxique, et c'est justement à
cette absence de poisons intra-organiques et d'ingestâ qui
pourraient en introduire ou en provoquer, que les végéta-
riens doivent cette endurance extraordinaire à la fatigue
qui les caractérise, et cette possibilité de l'exercice pro-
longé sans fabrication ou élimination de poisons.
Sur quoi se baser p'our permettre le mouvement et
l'exercice ? Car, comme on le pense bien, il y a de formelles
contre-indications à l'emploi de ces pratiques culturistes.
Il est bien évident que les affaiblis, les alités, les vrais
fébriles, les vrais asthéniques, ne peuvent songer à aborder
le moindre exercice. De même, au cours d'accidents aigus,
toujours possibles (congestion, hémoptysies, poussées
évolutives), ou bien encore, dès que les lésions iDulmonaires
sont trop largement ouvertes, le mieux est de s'abstenir.
Mais quand l'amélioration s'établit peu à peu, il est
nécessaire, déjà au lit, d'amorcer la cure physique par de
simples efforts inspiratûires, pour le thorax, et par des
mouvements de redressement du tronc en avant, pour la
ceinturé abdominale. Si l'amélioration persiste, on les fera,
ensuite sur la chaise longue, puis debout, en les graduant
en nombre et qualité, selon l'impression ressentie par le-
malade.
Les congestifs devront être entraînés d'une façon pré-
coce, mais à la condition capitale, je le répète, d'avoir une-
CULTURE PHYSIQUE 553-
alimentation hypotoxique et hypoconcentrée, sans quoi,
on en ferait des victimes toutes désignées pour la fièvre,
l'hémoptysie et l'aggravation bacillaire.
Les complications cardiaques demanderont un manie-
ment plus étudié. Fort utile dans les cardiopathies légères,,
la culture physique peut devenir dangereuse chez les tuber-
culeux porteurs de lésions valvulaires sérieuses ou mal com-
pensées.
La température est un signe dont on a énormément exagéré-
la valeur. Comme toujours, il est bien certain qu'un sur-
alimenté qui, au repos, dépasse 37Q5, grimpera de plus d'un
degré à la moindre marche, et que, chez lui, tout mouve-
ment musculaire activera la circulation des poisons qui le
minent. L'apparition des migraines, des points de côté con-
gestifs venus du foie ou de la rate, des manifestations arti-
culaires douloureuses, à la suite d'un exercice un peu poussé'
prouve surabondamment cette mobilisation toxique, que
l'élévation thermique permettait de prévoir. Mais dès que
la diététique est bien établie, loin de constituer un empêche-
ment, une minime élévation thermique indique au contraire un
besoin d'usure par le mouvement, une nécessité de perfection-
nement des échanges, que seul, l'exercice peut déterminer.
Il est en effet fort curieux d'observer que chez de tels ma-
lades, logiquement alimentés, la température du retour-
prise après un quart d'heure de repos est parfois infé-
rieure à celle du début de la marche. Chez nombre de tuber-
culeux, c'est donc bien souvent un contresens d'interdire
tout mouvement, parce que la courbe thermique n'est pas-
suffisamment basse.
Comme le dit fort bien Dumarest (1), « l'indication du-
seul degré thermique nous semble un peu fétichiste et en
tout cas ne peut avoir qu'une valeur relative et individuelle ».
(1) Dumarest. La cure de travail chez les tuberculeux. Bulletin Mé-
dical, 24 novembre 1909.
554 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Il est bien certain qu'en ce qui concerne l'exercice, c'est


bien moins le thermomètre qui doit servir de guide que les
sensations du sujet ; car toutes les élévations thermiques
ne s'accompagnent pas fatalement de troubles fonctionnels,
et il y a lieu de distinguer entre la fièvre physiologique et
pathologique. La première, qu'engendre par exemple le
mouvement, la marche, le bain d'air, l'exposition solaire,
n'est qu'une réaction pour l'équilibre cellulaire, produite
par l'excitation des agents naturels ; elle s'accompagne de
bien-être général évident et ne doit donc pas être redoutée,
mais recherchée comme agent thérapeutique de stimulation
organique et de netto3rage physiologiques. La seconde, au
contraire, provoquée j)ar une intoxication microbienne,
médicamenteuse ou alimentaire, est une réaction de souf-
france, de lutte cellulaire ; elle traduit une meurtrissure des
tissus, s'accompagne de nombreux malaises généraux et
demande à être entravée avec sévérité dans ses causes pro-
ductrices.
L'épreuve de marche dite de Daremberg ou de Penzoldt n'a
donc aucunement la valeur que lui attribuaient leurs promo-
teurs, puisque, fait déjà signalé par Bezançon et de Jong (1),
Nobécourt et.Merklen (2), Kùss (3), cette instabilité, ther-
mique s'observe, sur les petites distances, chez tous les
sujets non tuberculeux ayant une tare organique quel-
conque, souvent modérée, et sur les distances plus grandes,
pour tous les sujets sains.
En réalité donc, pour la prescription, le maniement, le
dosage delà culture physique, à part les grosses contre-indi-
(1) Bezançon et de Jong. Valeur de l'instabilité lltermique
comme
-signe révélateur de la tuberculose pulmonaire au début.(RvLÏÏétm médi-
cal, 23 mars 1910).
(2) Nobécourt et Merklen. Variations de la température du de
corps
l'enfant à l'état sain et au début de la tuberculose. (Bulletin médical,
avril 1910).
(3) Ktiss. L'instabilité thermique des tuberculeux. (Bulletin médical,
avril 1910).
CULTURE PHYSIQUE 555
cations que j'ai signalées, on ne peut se baser que sur l'essai
individuel, qui montrera les réactions de chacun vis-à-vis
des différents exercices et de leur durée d'application. On
veillera naturellement à ne jamais dépasser le but par l'é-
closion d'un surmenage intempestif. Mais, même si la
fatigue est apparue, il n'y a rien à redouter, je le dis encore, si
la toxémie alimentaire est évitée.

AUTRES EXERCICES SALUTAIRES.

En dehors de ces pratiques culturistes, il est une série


d'occupations matérielles ou de sports d'agrément qui doi-
vent apporter une contribution souvent indispensable à la
cure de vitalisation et de désintoxication de l'organisme
arthritique.
En tête de ces exercices, je placerai la marche. C'est le
premier exercice à ordonner, parce que c'est le mieux sup-
porté au début, et parce qu'il a une action décongestion-
nante caractéristique. J'ai déjà signalé, à propos de la des-
cription clinique du syndrome hyposystolique, ses effets
constants sur l'atténuation de tous les signes de ce syn-
drome, sur la disparition de la douleur épigastrique et de
la teinte carminée des ongles, qu'elle détermine à coup sûr,
chez les sujets qui peuvent s'entraîner à cet exercice.
Elle agit en activant la circulation en totalité, en accé-
lérant la circulation pulmonaire, les battements cardiaques,
en faisant agir le coeur périphérique : la semelle veineuse
plantaire. Elle active les phénomènes digestifs en faisant
contracter par action réflexe, tous les viscères creux. Les
éructations qui accompagnent, chez les dyspeptiques, le
début d'une marche un peu vive, faite quelques heures après
le repas, sont la preuve de cette action tonique réflexe sur le
muscle gastrique.
556 ETUDE THERAPEUTIQUE

On a avantage à laisser passer deux ou trois heures après


un repas, ayant d'excursionner ; aux approches de la chasse
o-astrique, la marche est plus recommandable. Dès que le
malade est suffisamment valide, il doit être entraîné à la
marche quotidienne et désormais, quelques heures de pro-
menade, faites à un pas assez rapide, chaque après-midi,
feront partie intégrante et obligatoire du traitement général.
« Nous avons
mis en pratique, pour notre part, et avec
un succès constant, dit Dumarest (1), le médecin du sana-
torium d'Hauteville, le principe de l'activité et de l'entraî-
nement progressif par la marche, chez les tuberculeux en
bonne voie et maintes fois, il faut l'ajouter, nous avons été
frappés des résultats excellents acquis, parfois avec une
rapidité surprenante, par des malades indociles qui dépas-
saient largement les limites d'activité que nous leur avions
fixées. »
Conseillée au début en chemin plat, la marche, une fois
le tuberculeux aguerri, sera ordonnée en terrain de plus en
plus accidenté. Cette véritable « cure de terrain », analogue
à celle imaginée par OErtel, de Munich, pour les'cardiaques
et les obèses, se fera selon un entraînement soigneusement
suivi et gradué, et permettra, en quelques mois, une revi-
viscence cardio-pulmonaire telle, que les plus rudes montées
se graviront sans essoufflement.
Seront également préconisés comme excellents : le tennis,
Véquitation, l'escrime et surtout le canotage et la boxe. Ces
véritables sports ne se pratiqueront, je m'empresse de le
redire, que quand les malades seront nettement conva-
lescents, entraînés déjà aux exercices précédemment décrits
et notamment à la marche.
Le canotage fait travailler au grand air à la fois les mus-
cles abdominaux et thoraciques.

(1) Dumarest. La cure de travail chez les tuberculeux. Bulletin Mé-


dical, 24 novembre 1909.
:
CULTURE PHYSIQUE 557
Quant à la boxe, c'est un merveilleux exercice
que je con-
sidère comme le complément de culture physique, indispensable
au maintien de la guérison de l'arthritisme. Il reste bien en-
tendu que le sujet ne devra jamais « encaisser ni se livrer
»
aux assauts, mais se contenter de devenir un fervent du
punching-ball et du sac de sable. Tous lés tuberculeux que
je rends à la vie normale sont engagés à se munir d'un bal-
lon et à compléter leur exercices du matin par cent ou deux
cents coups de poing, et au besoin à s'entraîner chez eux
avant l'heure du dîner, les jours où des occupations séden-
taires ou le mauvais temps, les auront.empêchés d'accomplir
feur période obligatoire de marche. Et je ne crains nul-
lement de faire la même prescription à de jeunes femmes.
Après en avoir constaté les bienfaits, elles se livrent avec
ardeur à cet exercice au ballon qui, en y réfléchissant bien,
ne leur fait pas déployer d'efforts plus violents que le tennis,
mais s'exécute plus facilement et possède une plus grande
efficacité.
En effet, la boxe développe presque uniquement deux
groupes -musculaires : les abdominaux et les respiratoires,
ceux dont nous réclamons justement la régénérescence chez
nos malades. Je ne connais aucun autre exercice qui soit
capable de ventiler aussi parfaitement les sommets pul-
monaires et de développer aussi complètement la sangle
abdominale. Par la projection et le retrait saccadé des
épaules, il se fait une expression et un remplissage énergi-
ques des tissus pulmonaires qui activent les courants aériens
et sanguins. En même temps, la rapidité et la force des con-
tractions entraînent le muscle cardiaque, tonifient sa fibre
musculaire et le rendent capable de résister sans essouffle-
ment aux efforts les plus pénibles. Par l'obligation d'accom-
pagner le coup avec la moitié supérieure du corps, et d'ac*
complir ces incessants mouvements de balancement du
tronc pour appuyer ou esquiver, qui font ressembler l'indi-
558 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

vidu à un marteau au manche flexible, il s'ensuit une cul-


ture de la sangle abdominale si intensive, qu'elle fait dire
aux boxeurs que le coup de poing se porte avec lé ventre.
Tous les sports, pourtant, ne sont pas bons à autoriser.
La natation, par exemple, est particulièrement nocive.
L'arthritique craint le froid et surtout l'eau froide. Elle
provoque une vaso-constriction périphérique et un coup de
bélier congestif sur les organes profonds, qui est vraiment
redoutable.
La bicyclette qui immobilise le thorax par le cramponne-
ment au guidon, provoque de la congestion et de l'hyper*
tension pulmonaire. Les efforts énergiques qu'elle entraîne
ne sont pas compensés par une circulation aérienne équi-
valente.

LA CURÉ DE TRAVAIL.

Certaines occupations manuelles, dont le choix sera


laissé au goût de chaque malade, sont fort recommandables.
Les travaux de jardinage, de terrassement, les efforts dé-
ployés pour scier du bois, pour faucher, etc., sont excellents
pour entretenir la tonicité des muscles abdominaux, respi-
ratoires, et pour entraîner le souffle.
La pratique de ces travaux, qu'on ne saurait trop encou-
rager, a même été érigée à la hauteur d'un traitement systé-
matique, par le Dr Paterson, entre autres, au sanatorium
de Frimley (Angleterre). Au retour d'un voyage d'études,
Dumarest écrivit son étonnement du contraste entre la cure
d'immobilisation à l'uniforme, telle qu'on la pratique dans
les sanatoriums allemands, et celle de travail systématique
employée dans la méthode anglaise.
En choisissant ses malades parmi ceux qui peuvent être
entraînés à l'exercice, en veillant à ce que la nourriture
«
de l'ouvrier convalescent sanatorié
ne diffère en rien de la
CULTURE PHYSIQUE 559
nourriture normale de son état, ni en quantité, ni en qua-
lité » (article Dumarest), Paterson affirme obtenir 80 p. 100
de guérisons.
Ce chiffre me paraît bien Correspondre à la réalité, car,
dans tous les cas où j'ai pu mettre en vigueur l'exercice
physique et obtenir en même temps, comme l'exige de son
côté Paterson, l'alimentation strictement nécessaire, j'ai
été frappé de l'excellence des résultats. Je ne crois pas
-inutile dé rappeler, à ce propos, l'opinion de Ferrier : » J'é-
tais libéré de la formule repos et de la formule surali-
mentation... ceux qui se sont guéris, sont précisément des
gens qui travaillaient ».
« Par la cure de travail, dit encore
Dumarest, le sanato-
rium échappe au reproche d'être une école de paresse ; il
devient vraiment une école de convalescence, qui prépare
le retour à la vie normale, la maison de cure qui rend à la
vie des hommes et des femmes valides et normaux, mieux
que cela, entraînés à la reprise de leurs occupations habi-
tuelles et non des êtres voués à une vie d'exception- »
Pour résumer cette étude, je dirai : un tuberculeux, qui
ne pratique pas la culture physique, dès que cela lui est per-
mis, n'en finit pas de guérir et traîne pendant des mois et
des années des séquelles (troubles digestifs, infiltrations pul-
monaires) qui, par leur persistance, entravent sa guérison
définitive. Un tuberculeux guéri, qui ne reste pas un prati-
quant fervent et habituel de la culture physique, est toujours à la
merci d'une récidive.
CHAPITRE XX

HYDROTHÉRAPIE AÉROTHÉRAPIE

HÉLIOTHÉRAPIE

« Il ne faut pas publier qu'une infinité


d'agents influentria nutrition en sollici-
tant les nombreuses terminaisons ner-
veuses de la peau ou les fonctions senso-
rielles ; parmi ces agents figurent l'oxy-
gène, les variations thermiques, le soleil,
la lumière. »
CHAERIN (1).

Avant d'entamer l'étude de la valeur thérapeutique, fort


inégale,, de l'eau, de l'air, et du soleil, il importe de dire un
mût de l'influence des variations thermiques communes à
ces trois agents physiques, sur l'organisme de l'arthritique
tuberculeux.
L'arthritique est particulièrement sensible aux écarts
thermiques brusques, surtout s'ils se font en moins. Ses
organes qui furent surmenés par les irritations violentes et
répétées des poisons alimentaires, sont hypersensibilisés et
s'accommodent mal. des excitations soudaines et vives, que
provoque le contact large et subit d'agents physiques à
basse température, tels que l'eau froide. En ce qui concerne
(1) Çharrin. Les défenses naturelles de l'organisme, p. 295.
HYDROTHÉRAPIE, AÉROTH-ÉRAPIE, HÉLIOTHÉRAPIE 561

le froid, sont seules bienfaisantes pour lui les réactions


douces, progressives et modérées en durée, comme en peu-
vent fournir, par exemple, les bains d'air pris en chambre.
Pour la chaleur, il est mieux armé ; sa nutrition de ralenti,
avec tendance à l'hypothermie, tire au contraire un gros
profit des contacts thermiques élevés, et lui fait bien mieux
supporter les excès du chaud que les grands froids. Aussi,
doit-on conseiller à ces malades de séjourner de préférence
dans les climats chauds, ensoleillés, et de passer, par exem-
ple, leurs hivers dans la zone méditerranéenne.
Cette sensibilité au froid est si manifeste, qu'elle autori-
sera le port permanent d'un tissu de flanelle, qui modère
l'action hypothermisante de l'évaporation sudorale et de
la radiation calorique.
Toutefois, il est capital de faire remarquer qu'une diffé-
rence considérable dans la susceptibilité vis-à-vis des écarts
thermiques s'observe selon que l'arthritique est alimenté
logiquement ou non. Tout sujet suralimenté, ou qui fait
usage même modéré d'aliments trop riches, trop brutale-
ment énergétiques et calorifiques, tels que des boissons fer-
mentées, des sucreries, des graisses et des tissus animaux,
engendre dans ses cellules un déséquilibre dû à cette hyper-
excitation, suivi d'un corrélatif affaissement, pendant lequel
les intempéries sont particulièrement pénibles à endurer.
Déplus, les déchets toxiques que laissent ces aliments para-
lysent la circulation périphérique, et prédisposent aux froi-
dures aussi bien qu'aux coups de chaleur. Tout tuberculeux
suralimenté ou mal alimenté, devra donc fuir comme la
peste les rayons solaires, l'eau froide ou l'air glacé. Il ne peut
•que se congestionner, au contact de ces
énergiques agents
physiques.
Par contre, le tuberculeux dont la diététique est juste-
ment équilibrée, dont les. aliments sont convenablement
adaptés en concentration à sa puissance fonctionnelle indi-
36
562 ETUDE THERAPEUTIQUE

viduelle, voit son endurcissement aux abaissements ther-


miques croître dans des proportions surprenantes, et, en
même temps, sa prédisposition aux froidures disparaître.
Il restera, malgré tout, susceptible aux variations exces-
sives et soudaines du froid. Mais en ce qui concerne le chaud,
il jouira désormais d'une immunité absolue, qui lui per-
mettra d'utiliser, pour son plus grand avantage, les recons-
tituants effets de la cure solaire directe et totale. Le soleil,
qui le faisait suffoquer et se congestionner quelques mois
auparavant, va désormais lui faire ressentir, au contraire,
une impression de bien-être et de reviviscence.

1° HYDROTHÉRAPIE.

L'eau froide, appliquée sous forme de bains de rivière, de


mer, de douches, de ruissellement simple, d'enveloppement
humide généralisé, est à rejeter chez tous les arthritiques
tuberculeux, à cause des réactions nocives qu'elle détermine
sur le système nerveux et l'appareil cardio-vasculaire de ces
malades.
L'effet de l'action violente du contact hypothermique
sur les terminaisons nerveuses cutanées, fait se propager un
ébranlement agressif vers les centres nerveux éperdus de
meurtrissures toxiques, et provoque sur eux un choc ana-
logue à celui d'un coup porté sur une zone déjà contuse.
En même temps, dans le système vasculaire, se produisent
une constrictionpériphériqueénergique, une fermeture des ré-
seaux vasculaires superficiels, et, par suite, une augmenta-
tion de pression et un refoulement de la masse sanguine
dans les gros viscères profonds, qui les congestionne encore
davantage, aggrave l'hypertension pulmonaire et l'hypo-
systolie réflexe. L'élévation de la pression artérielle et la
polyurie consécutive à l'action du froid, attestent la réa-
HYDROTHÉRAPIE 563
lité de ce mécanisme. Enfin, Haig a montré
que le froid est
une cause puissante de rétention de l'acide urique dans le
sang.
L'eau froide aura donc des indications fort limitées. On
pourra l'employer seulement dans deux circonstances,
soit dans le but de faire de la révulsion locale
sous forme
de compresses fraîches bien exprimées, appliquées
sur l'es-
tomac ou sur le thorax, pour lutter contre des phénomènes
douloureux, soit pour faire-cesser rapidement une déper-
dition calorifique ou sudorale. Dans ce dernier cas, le con-
tact devra être très court, sans ruissellement. Un tampon-
nement de tout le revêtement cutané fait à l'aide d'une large
éponge de caoutchouc exprimée, et non suivi d'essuyage,
permet une réaction douce, bienfaisante, dont l'effet sus-
pensif sur l'excitation organique est immédiat et agréable.
L'eau chaude, prescrite sous forme de bains tièdes quoti-
diens prolongés, rend de réels services chez les congestifs,
et surtout chez les bacillaires atteints d'une suppuration
osseuse, articulaire ou ganglionnaire, à la condition que la
chaleur de l'eau soit bien mesurée à leur impression indi-
viduelle, c'est-à-dire oscille entre 36° et 37°5. Si l'eau est
trop chaude, ils se congestionnent rapidement, de partout,
et surtout de la tête ; si elle l'est insuffisamment, ils grelot-
tent et font du refoulement sanguin viscéral. Ils doivent
donc pouvoir manier les robinets à leur convenance, pour
éviter ces deux écarts pendant la grande demi-heure que
doit durer chaque baméation. Pris ainsi, ces bains ont un
effet sédatif remarquable sur la pléthore et l'érétbisme car-
dio-vasculaire. Ils engendrent une vaso-dilatationde tous les
réseaux vasculaires superficiels et viscéraux, et abaissent la
pression artérielle ; ils produisent une reprise séreuse des
tissus vers les vaisseaux dilatés et par conséquent, un net-
toyage cellulaire salutaire. Cette détersion des tissus, par
reprise séreuse vasculaire, est mise en évidence par la ré-
5g4 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

traction cutanée visible sur les pulpes digitales, dont la


peau, devenue trop large, se plisse et se rétracte sur les tis-
sus sous-jacents déshydratés.
Pour les soins hygiéniques courants : pédiluves, toilette
des mains, de la tête, lavages des cavités naturelles (bouche,
nez, etc.), il sera fait usage d'eau chaude exclusivement.
On voit donc, qu'en dehors du contact frais, très passa-
ger, pour l'eau froide, et de l'action prolongée du bain
tiède, les vertus thérapeutiques de l'eau sont assez res-
treintes pour le tuberculeux, et que son rôle se bornera
le plus souvent à être un agent de nettoyage, et encore
faut-il la combiner au savon, car rien ne sert de pren-
dre un bain quotidien, si chaque balnéation ne s'accom-
pagne pas d'un décapage cutané.
On a donc fort exagéré les propriétés curatives de l'hy-
drothérapie : l'eau, qui n'est pas le milieu physiologique de
l'homme, ne saurait endosser cet excès d'honneur. L'air,
nous allons le voir, constitue, par contre, une arme théra-
peutique autrement efficace, car nous y puisons nos deux
excitants primordiaux : l'oxygène et la radiation solaire. Et
cela n'est-il pas dans l'ordre des choses, puisque l'air est
notre milieu physiologique et notre excitant naturel ?

2° L'AÉROTHÉRAPIÈ CLASSIQUE.

La cure atmosphérique, encore appelée cure d'air, telle


qu'on la comprend et l'applique actuellement, est incom-
plète et insuffisante, car elle ignore ou feint d'ignorer l'exis-
tence des bains d'air, de soleil, appliqués directement à la
totalité du revêtement cutané, qui sont les moyens les plus
effectifs de rénovation naturelle, physiologique, dont nous
disposons. Etudions d'abord l'aérothérapie telle qu'on la
pratique couramment.
AÉROTHÉRAPIE 565
La cure d'air classique évoque aussitôt, dans l'esprit du
lecteur, l'aspect d'une longue galerie abritant une rangée
de chaises longues, sur lesquelles sont immobilisés pendant
de longues heures, des malades entortillés dans d'épais
vêtements et de nombreuses couvertures.
Pour la plupart des malades, la cure d'air, c'est, soit la
villégiature quelconque hors de l'enceinte parisienne, soit
l'aération profuse, en tous sens ; du calfeutrage, ils sont
passés, par excès bien intentionné, à la projection aérienne
diffuse, par tous les temps et en toutes circonstances. On
leur a dit : ne craignez pas l'air, faites de la cure d'air ; ils
en ont déduit, et mis en pratique, la cure de courant d'air.
Dans tous les endroits publics (salles, voitures, comparti-
ments de chemins de fer, etc.), on se bute aux même bour-
rasques que déterminent les fenêtres ouvertes, dans toutes
les directions à la fois. Dans les salles de sanatoriums les
plus vastes, où le cube d'air est, pourrait-on dire, excessif,
un grand nombre de malades s'acharnent à réclamer l'ou-
verture des fenêtres dans des sens opposés, et par les p lus
basses températures. J'ai vu des salles ne céder que quand
tous les membres de la communauté se furent gratifiés, en
même temps, de poussées bronchitiques sérieuses.
De ces deux conceptions, la première est imparfaite, la
seconde est dangereuse, n'est-il pas vrai ? J'ai déjà assez
dénoncé les dangers de l'immobilisation systématique, pour
revenir sur l'illogisme de la cure habituelle de chaise longue.
Le malade y respire mal, enserré qu'il est dans ses vête-
ments; ne faisant aucun mouvement, il n'active pas les ap-
ports oxygénés dans ses viscères appauvris, et ne tire qu'un
bénéfice fort restreint et souvent problématique de sa cure
atmosphérique.
L'action vivifiante et régénératrice de Vair pur, dépourvu
d'oxyde de carbone, d'acide carbonique, de poussières irri-
tantes et infectieuses n'a de motif d'exercer toute sa puis-
566 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

sance que sur des organismes en mouvement. C'est dire qu'il


faudrait changer le nom et la destination des abris de chaise
longue, en faire bien plus des galeries de repos que des cures
d'air ; elles devraient être réservées aux vrais fébriles qui
sont l'exception, ou utilisées par les valides qui viendraient
seulement s'y délasser, après un exercice un peu prolongé.
Rien ne sert de faire de l'aérothérapie diurne, si on ne
veille pas à la parfaite aération nocturne des locaux où
vont dormir les malades. La pratique de la cure à l'aide de
« huttes
d'air » en faveur à l'étranger, c'est-à-dire le séjour
dans des cabanes dont une paroi manque, réalise un
excellent procédé d'aérothérapie continue.
S'enfermer hermétiquement dans un cube de maçonnerie
pendant douze heures sur vingt-quatre, c'est commettre
une absurdité et un suicide lent, car c'est passer la moitié
de sa vie à s'empoisonner en respirant un air déjà usagé,
surchargé d'acide carbonique, empesté de relents orga-
niques, et détruire, chaque nuit, les bénéfices de l'aération
du jour précédent. L'arthritique tuberculeux, plus que tout
autre, devra donc s'entraîner à dormir la fenêtre grande
ouverte ou entr'ouverte, selon les saisons, en prenant soin,
d'établir, si possible, un tirage d'air entre une ouverture
située à une extrémité de. la pièce et la cheminée placée à
l'autre bout. Le lit, on le devine, ne devra pas se trouver sur
le trajet de ce tirage d'air.
Est-ce à dire qu'il faille brusquement exposer le malade
à l'aération nocturne intense, et l'y laisser par tous les
temps et en toutes circonstances ? L'aérothérapie nocturne,
pour un malade habitué au calfeutrement, doit être lente,
progressive ; on commence par un filtrage à travers un
rideau, puis on ouvre, chaque jour, de quelques centimètres
en plus. En période d'incidents aigus (coryzas, -bronchite,
angme), ou par les temps d'humidité ou de froids excessifs,
on a avantage à réduire considérablement l'arrivée de l'air.
AEROTHÉRAPIE 567
Et ici, comme pour la culture physique, il me faut répéter
les mêmes considérations qui reviennent à propos de l'ap-
plication du même principe à des sujets différents. Les
malades suralimentés ou mal alimentés, ceux surtout qui
ont pris un dîner chargé d'aliments toxiques ou énergétiques,
au lieu du repas à base d'oeufs, de céréales et de légumes verts
cuits obligatoires, s'enrhumeront et se trouveront mal de
l'aération nocturne, à l'encontre de ceux qui, alimentés
logiquement, n'en retireront que bien-être et amélioration.
Quand la diététique est bien réglée, quand le malade est très
chaudement couvert, par les plus grands froids, la fenêtre
peut et doit rester ouverte. Autant l'air froid est bien toléré
par l'arbre respiratoire, autant l'impression cutanée réfri-
gérante prolongée doit être redoutée. Dans ces cas, il faut
bien savoir qu'071 s'enrhume par la peau et non par le pou-
mon. Aussi, l'arthritique devra-t-il toujours avoir, l'hiver,
une boule d'eau bien chaude aux pieds et une autre près de
lui. On veillera à ce qu'il dispose d'un nombre suffisant de
couvertures pour éviter l'impression de froid, et même on
conseillera l'emploi de l'antique édredon, qui, mieux que
toutes les couvertures, enraye la déperdition par irradia-
tion calorique, et permet de maintenir le corps à une douce
et égale température.
Enfin, si les malades endurcis, convalescents ou guéris,
doivent se passer de feu la nuit, les moins privilégiés ont
tout avantage à avoir une source de chaleur dans leur pièce,
à condition de ne pas clore lés fenêtres. Ils y gagnent de
pouvoir, au réveil, faire leurs exercices, leur toilette et
prendre leur bain d'air, sans être incommodés, et enfin le
tirage nocturne du foyer permet une aspiration aérienne
parfaite, même dans les coins les plus stagnants de l'at-
mosphère de la chambre. Le rayonnement calorifique, en
effet, oblige, en les chauffant, les couches d'air les plus éloi-
gnées et les plus basses à s'élever et à circuler ; on peut ob-
568 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

server, par exemple, que des pièces grandes ouvertes, en


été sentent malgré tout le « renfermé » dans les parties
éloignées du tirant d'air, tandis qu'en hiver, avec un bon
feu, elles ne présentent plus, même closes, aucune mauvaise
odeur.
Les bienfaisants résultats de l'aérothérapie nocturne
seront vite appréciables. Au réveil, le sujet se retrouvera
vif, alerte, en possession immédiate de tous ses moyens
physiques et psychiques. C'est autant à son repas végéta-
rien du soir, qu'à l'absence d'intoxication par l'air con-
finé, qu'il devra cette sensation agréable. Aussi, n'au-
ra-t-il pas besoin de recourir à l'action excitante du thé, du
café, ou brutalement énergétique des graisses (beurre) ou
des sucreries concentrées (chocolat, miel) pour lutter contre
ces pseudo-faiblesses du réveil, qui ne sont que des tor-
peurs d'ordre toxique, et prendra-t-il avec plaisir son repas
simplement fruitarien, source, à la fois, d'énergie et de lixi-
viation cellulaires.
La question des climats, nous le redisons, a perdu de son
importance, quand le malade est raisonnablement alimenté.
L'excitation saline, l'altitude, sont de réelles causes pré-
disposantes à la congestion, à l'hémoptysie, mais ne sont
nullement efficientes. Je ne crains même pas d'autoriser
de nouveaux séjours dans des régions où les malades firent
des accidents hémorragiques, quand ils sont devenus maî-
tres de leurs préjugés alimentaires. Qu'on se garde de re
commander le bord immédiat de la mer et les altitudes
excessives, à de grands congestifs, rien de plus sensé ; mais
les préventions systématiques doivent cesser, quand on a
su diriger et imposer une diététique raisonnée.
Y a-t-il pourtant des climats plus efficaces les uns que
les autres ? L'altitude modérée, la lisière de
zones fores-
tières, les climats juxtamaritimes, les forêts de sapins qui,
presque toujours, sont dépourvues d'humidité, fournissent
AÉROTHÉRAPIE 569
autant de facteurs d'excitation naturelle modérée, qui
feront préférer ces climats à ceux de plaine ou de hautes
altitudes. Mais, surtout, c'est la température douce et égale
qu'il importe de considérer dans le choix des régions à con-
seiller. Les pays jouissant de variations atmosphériques
minimes, de luminosité intense (Midi de la France) sont
surtout recommandables pour l'hiver. Pour l'été, ces con-
ditions sont suffisamment remplies par le climat parisien,
L'aérothérapie reste donc le seul membre du trépied
thérapeutique habituel de la tuberculose qui- demeure in-
tangible puisque l'immobilisation systématique et l'ali-
mentation « fortifiante », facteurs d'arthritisme et d'aggra-
vation bacillaire, ne peuvent plus se soutenir. Nous avons
fait remarquer pourtant, combien elle était imparfaite-
ment appliquée, parce que conseillée surtout d'une façon
passive sans participation fonctionnelle active de l'orga-
nisme malade. Mais, surtout, elle est fort incomplète,
même préconisée avec ces adjonctions, car elle méconnaît
la puissance régénératrice autrement décisive des exposi-
tions de tout le corps à l'air simple ou ensoleillé, dont
nous allons parler maintenant.

3° LES BAINS ATMOSPHÉRIQUES.

L'action vivifiante du contact assez prolongé de l'air


simple ou ensoleillé, avec notre revêtement cutané, est si
évidente et si facile à obtenir, qu'il est invraisemblable
qu'un tel procédé thérapeutique puisse continuer à être
méconnu et négligé, à l'heure actuelle, en France tout au
moins. Pratiqués dès la plus haute antiquité par les Grecs
et les Romains, ces bains tombèrent en désuétude avec la
chute du paganisme, et cessèrent d'être employés, même
en dehors de toute préoccupation médicale. C'est seulement
570 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

en 1852, sous l'influence du Dr Turck, en France, puis, sur-


tout, de l'empirique Rickli, en Autriche, que les bains d'air
et de soleil virent de nouveau mettre en relief leurs vertus
curatives.
Actuellement, à l'étranger, en Allemagne principalement,
«
bains d'air et de lumière tiennent une si grande place dans
les moeurs, écrit Monteuuis (1), que toute ville de quelque
importance a une -société dite de naturisme... qu'il existe
dans le pays plus de trois cents sociétés de ce genre ; qu'elles
sont fédérées et ont leur centre de direction à Berlin... et
que le jour n'est pas éloigné où, dans les centres importants,
il y aura plus de parcs pour bains d'air et de lumière que
d'établissements hydrothérapiques ». A Dresde, par exem-
ple, ,« le dimanche plus de 3.000 personnes fréquentent ces
bains moyennant un droit d'entrée de 50 jtfennings ». (San-
doz) (2).
Propagée en France par Monteuuis, Mâlgat, Sandoz, l'idée
de la cure atmosphérique véritable commence seulement
à retenir l'attention du monde médical. Mais, dit encore
Monteuuis, « bon nombre d'esprits sont tellement persuadés
que les bains d'air consistent uniquement en un séjour en
plein air, qu'ils s'en déclarent les partisans et ne soupçon-
nent pas qu'ils ne connaissent ni le premier mot de la ques-
tion dont ils parlent, ni la pratique dont ils se déclarent les
adeptes convaincus. La confusion est d'ailleurs si facile,
que les médecins eux-mêmes s'y trompent ; ils ignorent
l'existence du bain d'air et dans la pratique ne le distin-
guent pas de la cure d'air ».
Ces pratiques naturistes, qui constituent de précieux
agents thérapeutiques, à cause de leur étonnante efficacité,
gagneront à être répandues et étudiées scientifiquement.
(1) Monteuuis. De l'usage chez soi des Bains d'air, de lumière de
et
soleil, Paris, 1911, pp. 26 et 41.
(2) Sandoz. La
cure atmosphérique. Introduction à la thérapeutique
naturiste.
AÉRÔTHÉRAPIÈ 571
On doit les dégager des nébulosités de l'empirisme dont elles
ne commencent à sortir que depuis une dizaine d'années. La
critique scientifique devra s'employer à modifier des tech-
niques parfois illogiques, souvent puériles, et, après avoir
fait la part de ce qui est vraiment rationnel, à les perfec-
tionner puis à déterminer les nombreux état pathologiques
qui peuvent bénéficier de cette physiothérapie.
Les distinctions de pratique, par exemple, sont restées
mal tranchées, assez nuageuses et variables d'un auteur à
l'autre. On voit successivement décrits comme des choses
considérablement distantes, des bains d'air, puis de lu-
mière ; de soleil, puis de sudation par exposition solaire
prolongée ou modifiée par des enveloppements. Au fond,
en clinique, tout cela se résume à deux modes d'applica-
tion atmosphérique, qui correspondent à deux modifica-
tions réellement différentes de l'état physico-chimique de
notre milieu naturel, et qui agissent sur l'organisme selon
deux mécanismes dissemblables : il y a d'une part, les bains
d'air simple.non ensoleillé, et d'autre part, les bains d'air
ensoleillé ; ou plus brièvement, les bains d'air et les bains de
soleil.

LES BAINS D'AIR.

Par bain d'air, il faut entendre l'exposition au contact di-


rect de l'air, de la plus grande partie ou de la totalité du revê-
tement cutané. On prend un bain d'air, comme on prend un
bain d'eâu et dans un costume identique à celui qui sert
aux bains de rivière.
L'air est notre excitant physiologique normal. C'est no-
tre source de vie, non seulement par l'oxygène qu'il fournit
à nos organes respiratoires, mais, beaucoup aussi, par
les échanges et les stimulations qu'il suscite au niveau dé
notre revêtement cutané. Et loin de le considérer comme
572 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

notre bienfaiteur, nous le traitons en ennemi et ne savons


qu'inventer pour nous en protéger.
L'exemple des végétaux devrait pourtant nous amener
à comprendre combien nous nous nuisons en fuyant les
contacts aériens et solaires. Les plantes les plus robustes
sont celles qui poussent au grand air et à la pleine lumière.
Celles qui sont à l'ombre ou à l'obscurité, s'étiolent, jau-
nissent, se courbent vers la lumière, tendent leurs feuilles
vers la trop lointaine dispensatrice de vie, et, dégénérées,
deviennent infécondes.
Est-ce que nous n'aboutissons pas, également, aux mêmes
troubles chlorotiques et atrophiques, nous, qui nous calfeu-
trons sous de lourds vêtements, dans des pièces aux bourre-
lets bien appliqués ; nous, qui avons la terreur de rester un
instant découverts dans nos logis et qui nous glissons su-
brepticement dans une chemise propre sans lâcher à l'a-
vance la précédente ; nous qui, l'été, sommes pris d'une
phobie malfaisante de la lumière solaire qui nous fait fer-
mer nos persiennes, tirer nos rideaux, nous couvrir de
larges chapeaux, et trop souvent, de vêtements sombres et
d'ombrelles ?
Et pourtant l'air est pour nous un excitant de premier
ordre, parce que, je le répète, naturel et physiologique, de
même que le soleil est notre source d'énergie primordiale,
physiologique également, c'est-à-dire idéalement conve-
nable à notre économie, si nous savons ne pas la dévier de ses
prédestinations, par une alimentation irrationnelle.
« L'homme, écrit Monteuuis (1), est une créature de l'air
et les fonctions si importantes et si complexes de la surface
cutanée ne trouvent leur entière activité que lorsqu'elles
sont en contact avec leur aliment' naturel, leur excitant
physiologique qui est l'air. »
Ce rappel naturiste justifie donc bien la logique de
ces
(1) Monteuuis. L'usage chez soi des bains d'air et de soleil, p. 56.
AÉROTHÉRAPIË ' 573
pratiques et la raison, ainsi moins surprenante, de leur acti-
vité non agressive et si efficace.
Appliqués à des arthritiques tuberculeux, les bains d'air
donneront lieu à des variantes d'indications et de technique,
que motivent les sensibilités cutanées et pulmonaires sou-
vent extrêmes de ces malades..
.
Le bain d'air doit son action thérapeutique, stimulante,
un peu à l'accroissement des échanges nutritifs cutanés,
mais surtout à la réaction qu'engendre dans les viscères et
le système nerveux la déperdition douce et modérée de calo-
rique qu'il provoque. Il est donc surtout un bain stimulant,
réactif par déperdition. C'est dire que, chez nos malades, il
demandera à être appliqué en même temps que le mouve-
ment et durant un temps forcément assez court, beaucoup
plus court que le bain solaire, qui, nous le verrons, s'ac-
commode au contraire de l'immobilité relative et de la
longue application.
Les bains d'air seront donc pris presque toujours à la
chambre, fenêtres ouvertes en été, entr'ouvertes l'hiver,
avec feu à proximité, ou tout au moins, après renouvelle-
ment de l'atmosphère de la pièce. Les bains d'air en espaces
libres ne seront autorisés qu'aux sujets particulièrement
vigoureux, endurcis, et, en tous cas, convalescents ou gué-
ris.
Pour les grands malades, alités, fébriles, le bain sera
donné au lit. Le matin, après aération.de la pièce/le sujet
est découvert, déshabillé et exposé à l'air. Dès qu'apparaît,
non pas le frissonnement, mais simplement l'impression
désagréable, le désir d'être couvert, on pratique une vigou-
reuse friction des membres et du tronc, à l'aide d'un gant
de toile rugueuse imbibé de baume de Fioravanti. Cette
friction terminée, le malade reste de nouveau exposé, sans
.désagrément, à cause de l'aide réactive qu'a apportée la
friction. Quand, de nouveau, le désir d'être recouvert ap-
574 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

paraît, le patient est retourné, frictionné à la face posté-


rieure des membres et du tronc, exposé ensuite, encore une
fois à l'air, dans cette position, et finalement rhabillé, quand
il le réclame.
Les malades valides emploieront la technique suivante.
Le bain sera toujours pris au saut du lit, pendant les-
exercices de culture physique et sera prolongé, si possible,
pendant les soins de toilette. En été, le déshabillage peut
être brusque et total ; en hiver, il sera progressif, les vête-
ments de nuit seront quittés les uns après les autres, et la
pièce sera modérément chauffée pour les sujets fragiles ou
non endurcis. Ce bain, je le répète, ne peut être pris dans
l'immobilité. Pour éviter la réaction trop vive ou trop'
rapide de la déperdition calorique, on commence aus-
sitôt la série des exercices de culture abdominale, puis,
respiratoire. Le tout s'accomplit sans aucune sensation
désagréable; c'est, au contraire, un manifeste bien-être qui
envahit l'organisme. Les exercices terminés, le sujet pra-
tique, lui-même, une énergique friction de tout le corps,
au baume de Fioravanti, et se fait ensuite frotter le dos.
Cette friction échauffante, pratiquée par un aide, au mi-
lieu du bain d'air, va permettre de le prolonger en attisant
la réaction. Pendant les soins de toilette qui suivent, le
sujet reste découvert et, d'ordinaire, c'est seulement vers"
la fin de cette toilette qu'il éprouve le besoin de se vêtir,
ce qu'il' doit alors faire aussitôt. Pendant tout le temps
qu'a duré le bain d'air, le malade, en mouvement dans
une atmosphère modérément tiède, n'a dû ressentir
aucune impression désagréable, aucun frissonnement, le-
plus souvent même aucun phénomène de « chair de poule ».
La toilette s'est accomplie sans qu'il s'aperçoive de sa nu-
dité, et c'est seulement quand cette sensation de nudité in-
tervient qu'il faut se revêtir. La sensation de fraîcheur assez,
forte pour éveiller l'attention, occupée d'autre part
aux
AÉROTHÉRAPIÉ 575
.

exercices ou "aux soins de toilette, est un guide autrement


précieux que les indications thermométriques, parce qu'il
tient compte de ce qui importe seul : la susceptibilité indi-
viduelle.
Le besoin instinctif de recouvrement, indique la limite
d'application, et par suite, est un garant de la douceur
d'action qu'exige le bain d'air chez des tuberculeux. Le
frissonnement, qui n'est qu'une défense organique, va trop
loin, car il atteste une souffrance qu'il faut savoir éviter.
Au début, l'entraînement sera mené lentement, pro-
gressivement, et les premiers bains d'air seront très écour-
tés, mais le patient s'habituera très vite à l'exposition à
l'air. Lé bain, pour les sujets endurcis, ne devra pas et ne
pourra guère dépasser une demi-heure. La durée de dix
minutes est une bonne moyenne.
Après le bain, le malade n'a besoin de prendre aucun soin
supplémentaire. Le bain comporte en lui-même sa réaction,
puisque l'élévation thermique défensive de l'organisme,
que l'on peut parfois mettre en évidence avec le thermo-
mètre, a été dé plus, entretenue par l'exercice, puis la fric-
tion. Comme d'autre part, l'agent excitant, le bain d'air,
a été doux et lent dans son application, l'organisme n'en fut
pas rudoyé et sort de là en parfait équilibre, n'ayant à
calmer, ni une réaction échauffante excessive, ni une dé-
gradation calorimétrique outrée: il n'a pas souffert, il a
été stimulé dans la note juste, il n'y a donc pas aie soigner
ensuite.
Le malade peut, par conséquent, vaquer de suite à ses
occupations habituelles. Il le fera d'autant plus volontiers,
qu'il commence à ressentir les excellents effets de sa physio-
thérapie. Le contact prolongé de tout son corps avec son
milieu normal, a fait sur ses réseaux nerveux et capillaires
cutanés une impression chimique (oxygène) et calorique
(fraîcheur) doucement stimulante ôt trophique, qui lui
576 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

permettra, ensuite, de retrouver dans son économie une


énergie à un potentiel élevé,. libérable facilement et
sans fatigue, parce qu'elle fut adroitement réveillée et,
surtout, purgée de tous les déchets de désassiinilation qui
gênaient son expansion.
L'effet bienfaisant du bain d'air sur l'organisme du
malade ne peut d'ailleurs prêter à discussion comme le ferait
l'action toujours difficilement démontrable des médicaments
chimiques. Aussitôt revêtu, le sujet se sent envahi par
une sensation d'euphorie, dé douce chaleur, de tonicité mus-
culaire généralisée qui ne lui laisse aucun doute sur l'effi-
cacité de la prescription, et, l'amélioration de ses forces, au
bout de quelque temps, achève d'enraciner sa conviction.
Il n'a d'ailleurs qu'à faire la comparaison avec l'état dans
lequel le met une affusion d'eau fraîche. A là suite de ce
contact brutal, antiphysiologique, il reste pour plusieurs
heures, livide, glacé, mal à l'aise, ayant besoin de refaire
scn équilibre thermique, d'apaiser sa souffrance nerveuse
par une réaction prolongée en sens inverse (exposition au
chaud, exercice). Au sortir du bain d'air, au contraire, il
est rose, échauffé au degré convenable et tout dispos.

LÉS BAINS DE SOLEIL.

Par bains de soleil, on entend l'exposition de la plus grande


partie ou de la totalité du revêtement cutané, au contact direct
des rayons solaires.
L'effet curatif de la cure solaire sur l'organisme tuber-
culeux est si manifeste, et si merveilleux, que le bain de
soleil est une des armes les plus efficaces que nous possé-
dions pour lutter contre l'infection
par le bacille de Koch.
Employée dans le traitement de la bacillose depuis une
dizaine d'années seulement, par quelques praticiens qui
HÉLIOTHÉRAPIE 577
furent à même de l'apprécier à sa haute valeur, la cure so-
laire demeure malheureusement trop délaissée, 'malgré les
•efforts'de ses partisans qui s'en sont faits les ardents propa-
gandistes. Parmi ceux-ci, il faut citer Bernhard de Sama-
den qui, en Suisse, vers 1900, commença à utiliser l'action
des rayons solaires contre les tuberculoses chirurgicales ;
puis ce fuent, Monteuuis (1) de Nice Saint-Antoine, Mal-
gat (2), de Nice, Borriglione, de Nice (3), Reboul "(4), de
Nîmes, Revillet (5), de Cannes, Chiaïs (6), de Menton,
Roux et Rollier (7), de Leysm, Sandoz (8), de Paris, qui,
à l'aide de nombreuses publications, cherchèrent à faire
pénétrer leur conviction dans l'esprit des thérapeutes.
« L'action régénératrice du soleil est si profonde, qu'elle
produit (le. mot n'est pas exagéré) de véritables résurrec-
tions, laissant loin derrière elle les merveilles de la cure
marine » affirme Monteuuis, qui, exerçant l'été dans Je
Nord, au bord dé la mer, et l'hiver à Nice, a pu établir
cette distinction en connaissance de cause.
Hallopeau (9), après avoir constaté les effets extraordi-
naires de la cure solaire chez Rollier « crut devoir, dans un
intérêt social en même temps que médical », faire, en colla-
boration avec lui, une communication à l'Académie de
Médecine, pour démontrer l'action « à la fois microbicide,

(1) Monteuuis. Les bains d'air, de lumière et de soleil, Paris, 1904.


L'usage chez soi des bains d'air, de lumière et de soleil, Paris, 1911.
(2) Malgat. La cure solaire.
(3) Borriglione. Congrès International de la Tuberculose, 1905.
(4) Reboul. Congrès International de la Tuberculose, 1905.
(5) Revillet. Congrès International de la Tuberculose, 1905.
(6) Chiaïs. La cure solaire directe.
(7) Rollier. La cure d'altitude et la cure solaire dans la tuberculose
chirurgicale.
(8) Sandoz. Introduction à la thérapeutique naturiste, 1907. La
cure atmosphérique, 1908.
(9) Hallopeau et Rollier. Sur les cures solaires directes dans les
stations d'altitude. Académie de Médecine, 24 nov. 1908. Revue
scientifique, 20 février 1909.
37
578 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

oxydante, réductrice, analgésiante, sclérogène et modifi-


catrice du milieu », de la cure solaire.
Renon (1), qui fit les mêmes constatations, écrit : « J'ai
été extrêmement impressionné, de voir des malades noirs
comme des nègres, avec des plaies bacillaires considérables
et multiples, cicatrisées, des tumeurs blanches guéries. »
Sersiron (2), de son côté, juge ainsi cette arme théra-
peutique : « même pour les esprits méfiants, dit-il, le bain
de soleil doit être considéré comme une méthode facile et
extrêmement puissante. »
En plus de l'ordinaire esprit de routine, l'entrave à la
mise en pratique plus large et moins timorée dé la cure
solaire, vient aussi, beaucoup, de la terreur instinctive
qu'inspirent la chaleur et les rayons solaires appliqués à
des tuberculeux pulmonaires. C'est surtout, en effet, pour
les tuberculoses chirurgicales, que les guérisons sont frap-
pantes et les incidents d'exposition, pour ainsi dire nuls ;
en ce qui concerne la bacillose du poumon, on fut plus pru-
dent et moins hautement affirmatif, et on se contente
d'ordinaire, d'expositions courtes et locales, d'effet par
suite bien restreint, car des accidents çongestifs, hémorra-
giques furent observés.
En somme, l'obstacle à la généralisation de la méthode,
vient du préjugé de l'ombrelle verte qui, lui-même, n'est
que la conséquence inévitable du préjugé suralimentaire.
Il est, en effet, de toute évidence, que se risquer à ex-
poser un tuberculeux suralimenté ou mal alimenté au
contact direct des rayons solaires c'est, trop souvent, courir
au-devant d'incidents désastreux (poussées hyperhémiques,
fièvre, hémoptysies). Il n'y a rien, là, qui doive surprendre.
Sans vouloir revenir sur les dangers de la pléthore toxi-

(1) Renon. L'héliothérapie et la Tuberculose pulmonaire. Journal des


Praticiens, 31 décembre 1910.
(2) Sersiron. Le bain de soleil. La Clinique, 26 février 1909.
HÉLIOTHÉRAPIE 579
alimentaire, ce qui m'exposerait à d'inévitables répéti-
tions, qui ont pourtant leur excuse dans ce fait qu'elles
réapparaissent, à propos dé l'application du même prin-
cipe directeur, à des, sujets différents, il est toutefois néces-
saire de faire remarquer, une fois de plus, l'enchaînement
qui unit les diverses phases du traitement, et la dépendance
étroite qui les relie, au point que si l'un des facteurs est
négligé, tout l'ensemble devient faux et s'écroule.
La Cure solaire, comme le mouvement, comme la culture
physique, ne pourra donc se prescrire à l'arthritique tu-
berculeux que si on lui a d'abord minutieusement établi
sa diététique selon lés règles que j'ai longuement décrites,
et régularisé son balayage intestinal. Alimentation hypo-
toxique et peu concentrée, circulation intestinale inces-
sante, puis culture physique et cure solaire, forment un
tout complet, où chacun des facteurs s'engrène si profon-
dément dans ses voisins, que lé manquement, même pas-
sager de l'un d'eux, suffit à faire effondrer tout l'édifice.
En pratique, chaque fois que ces conditions indispen-
sables ont été réalisées, j'ai toujours pu faire bénéficier de
la cure solaire, des tuberculeux très congestifs.
A l'abri des agents atmosphériques, comme à leur contact,
ce qui donne la fièvre, la congestion et l'hémoptysie, c'est
la
diététique défectueuse. Tout ce que j'ai dit à propos du mé-
canisme dé l'hémoptysie, ne peut donc que se répéter
ici mot à mot.
N'est-il pas d'ailleurs remarquable, que Rollier, qui a
obtenu les résultats les plus probants, ne recoure, juste-
ment, à aucune pratique suralimentaire ?
Enfin, l'observation clinique courante ne démontre-t-elle
pas, que les suralimentés et les ivrognes, fournissent à eux
seuls, plus des neuf dixièmes du contingent des malheureux
qui périssent victimes des variations thermiques, exces*
sives, par coups de froid ou de soleil ?
580 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

qui voudra pas se résoudre aux


Un tuberculeux ne
commandent son intoxica-
précautions alimentaires que digestifs, devra
viscères
tion et l'état amoindri de ses il gardera fort
continuer à fuir le soleil comme la peste ;
sinon toujours, son ombrelle verte et... ses
longtemps, de s'ali-
bacilles. Celui, au contraire, qui aura la logique
conformité de besoins organiques et de ses
menter en ses
fonctionnelles abaissées, retirera un bénéfice
capacités
vitalité, usant des bains de soleil.
considérable de en
majorité des cas, après avoir pris cette
Dans l'immense appli-
la solaire sera
capitale précaution diététique, cure
guère de contre-indications formelles à
cable. Il n'y aura
l'exposition, que pour les malades alités, fébriles, ou ceux
profondes ou à marche trop rapide.
ayant des lésions trop
également, dont les antécédents héréditaires ou per-
Ceux,
sonnels seront excessivement riches en manifestations con-
de la solaire avec prudence,
gestives, devront tâter cure
s'y entraîner que s'ils sont
et ne pourront, en tous cas,
remédier à leur trop-plein circulatoire,
déjà en état de
intense d'exercices physiques et
par une pratique assez
surtout de marche.
bain. Bien rendu ainsi presque inof-
Technique du — que
soleil, donner tous les excellents
fensif, le bain de pour
effets dont il est capable, demande à être manié en tenant
considérations de climat, d'heure, de
compte de diverses
température, de durée, d'étendue, d'exposition, qu'il est
nécessaire de bien connaître.
En été, le climat parisien peut parfaitement convenir à
cette cure ; l'hiver, le séjour dans le Midi est naturellement
indispensable. Le maximum d'action salutaire paraît être ob-
tenu dans les hautes régions. Un certain degré d'altitude
permet même de continuer la cure en plein hiver. Rollier
malades temps de neige, dans les galeries
expose ses par
où, en plein mois de décembre, le soleil fait monter le ther- 1
HÉLIOTHÉRAPIE 581
momètre parfois jusqu'à + 45°. A ces hauteurs, le bénéfice
thérapeutique est toujours plus rapide, car le rapproche-
ment solaire est accru, et cette action plus énergique est
démontrée par la pigmentaire cutanée qui envahit les
sujets traités, et les fait ressembler à des mulâtres.
Très souvent, les bains de soleil sont donnés le matin,
pour éviter la trop grande ardeur des rayons, l'après-midi.
Dans notre climat, pour ma part, je préfère les prescrire
dans la première moitié de l'après-midi, entre 2 et 3 heures
par exemple, pour faire bénéficier le malade de l'effet
digestif puissant que procure infailliblement le bain.
L'exposition, au début, peut se pratiquer dans une pièce
largement aérée et ensoleillée, le mieux pourtant est de
disposer d'une terrasse ou d'un endroit isolé dans un jardin,
abrité des courants d'air, mais en évitant aussi la trop forte
réverbération.
La température du bain de soleil oscille d'ordinaire
entre 20° et 40°. Cet état thermique variable d'un jour et
même d'un moment à l'autre, ne peut fournir, par là
même, des données précises sur les indications d'oppor-
tunité et de durée de l'application lumineuse. A la surface
du corps, l'air se renouvelle à tout instant et on ne saurait
calculer le degré thermique de ce milieu mobile, comme on
le ferait pour un bain d'eau, où, au contraire, l'invariabilité
du milieu exige une température déterminée. Comme pour
le bain d'air, c'est l'impression produite sur lé sujet qui
prime les données thermométriques et c'est elle qui ser-
vira uniquement de guide pour régler les conditions d'heure,
de durée, de mobilité. Cette prépondérance, que Ton doit
attacher à la réaction individuelle pour manier le bain
de soleil, est un fait sur lequel Monteuuis insiste fort à
propos.
Donc, on autorisera l'exposition solaire dès queles rayons
seront assez chauds pour permettre l'état de nudité, sans
582 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

impression désagréable et elle devra, par contre, se sus-


pendre pour un moment ou définitivement, si le sujet est
incommodé par une ardeur calorifique excessive. Pour ceux
qui prennent ces bains dans un parc ou un jardin, rien
n'est plus facile, quand le soleil devient trop vif, de s'a-
briter d'une façon passagère derrière un arbre au feuillage
léger qui tamise les rayons, pour reprendre l'exposition
directe dès que le désir s'en fait sentir. Cette technique
répond au « bain panaché » de Monteuuis.
Comment se fera l'insolation ? Sera-t-elle partielle, dé-
butant alors, soit à distance du foyer bacillaire, soit direc-
tement sur la zone pathologique ? Ou bien encore, la
prescrira-t-on générale d'emblée ? Malgat conseille l'ap-
plication localisée au fojrer. Rollier, au début du traite-
ment, fait de courtes séances locales, puis, très rapidement,
a recours au bain général.
Si le malade n'est pas en état de pléthore alimentaire,
je le répète toujours, il n'y a pas à hésiter, l'exposition doit
être totale d'emblée et la seule précaution à prendre, sera
de faire les premières séances très courtes, 5 à 10 minutes,
pour aguerrir le malade, endurcir peu à peu son épidémie,
et l'amener progressivement à l'état pigmentairê qui lui
permette de supporter des séances plus fortes et plus
longues sans la moindre réaction érythémateuse.
L'exposition locale n'a d'intérêt que pour le traitement
des tuberculoses superficielles, chirurgicales, où l'action
microbicide solaire peut réellement s'exercer. Mais quand il
s'agit de tuberculose pulmonaire, la puissance antiseptique
solaire ne peut agir dans la profondeur des tissus, et
c'est se méprendre étrangement sur le mode d'action de
la cure que de l'abaisser au rôle hypothétique, d'agent mi-
crobicide direct. Elle a sa seule et puissante raison d'être
dans le pouvoir énergétique et trophique qu'elle commu-
nique à l'économie ; elle est microbicide, si on veut, mais
HÉLIOTHÉRAPIE 583
indirectement, c'est-à-dire par l'intermédiaire des forces
naturelles défensives qu'elle transforme et exalté d'une
façon si profonde.
L'action purement locale est à répudier pour Ce motif et
surtout, parce qu'on risque bien davantage des accidents
hyperhémiqués à faire affluer le courant sanguin sur un
point de faible résistance vasculaire, tandis qu'il est si
sage de répartir la vaso-dilatation sur tout l'ensemble du
réseau circulatoire.
Cette technique d'insolation purement régionale, ré-
pond, d'ailleurs, au vieux préjugé de l'infection pure. Le
bacille de Koch est seul responsable, tuons-lé, disent les
partisans de cette théorie.; l'organisme sera ainsi délivré du
mal qui lé ronge. Cette lutte antiseptique, nous avons in-
sisté suffisamment sur ce point, est un leurre ; en matière de
tuberculose, rien de solide, rien de durable n'est- obtenu
sans l'aidé des réactions protectrices spontanées. (Ce qu'il
importe avant tout, c'est de rétablir l'intégrité des résis-
tances organiques. Le terrain compte plus que le microbe.
C'est précisément comme régénérateurs de la nutrition^
qu'agissent les rayons solaires dans la tuberculose pulmo-
naire et nullement comme agents antiseptiques. Lé bain
de soleil fait l'office d'un accumulateur énergétique, où
viennent se recharger les cellules grandulaires appauvries
de l'arthritique.
Monteuuis (1) qui est un partisan du bain général
en suivant la technique progressive de Rollier,'dit égale-
ment à ce propos : « S'il est une affection, qui soit une
maladie générale, c'est la tuberculose pulmonaire. A une
maladie générale, il faut d'abord un traitement général. »
Le bain se prendra donc le corps simplement vêtu d'un
caleçon de bain ou d'un pagne, Tout au plus pourrâ-t-on
autoriser pour les dames une chemise aux mailles très lâchesj
(1) Môfitêuuis. L'usage des bains d'air, de lumière et de soleil, p. 121.
584 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

en tissu de coton genre « filet ou cellular », et pour les


hommes un ample pantalon du même tissu, qui permette
de circuler plus à l'aise. Au début, la tête sera protégée par
un chapeau, mais, peu à peu, les malades arrivent fort bien
à s'en passer.
Les sujets affaiblis seront exposés sur la chaise longue
et, de temps en temps, évolueront sur place pour insoler
successivement toutes les faces du corps, ce qui évite les
coups de soleil et permet une meilleure répartition des
effets. A l'encontre du bain d'air, celui de soleil, qui est un
bain actif et non réactif, peut se prendre à l'immobilité-
Pour les sujets valides, il est plus agréable de prendre le
bain en plein air en se promenant ou en se livrant à
de légers exercices ou occupations manuelles.
Les exercices plus violents, ascensions, marches rapides,
travaux de force, ne seront tolérés qu'à des malades presque
guéris, car à l'action solaire vient s'ajouter dans ce cas une
réaction de déperdition calorique, énergétique et sudo-
rale qui peut être excellente, pour nombre d'individus,
mais qui répond à des indications et demande des soins
consécutifs spéciaux. Le-bain, pris ainsi, correspond au
bain de soleil avec sudation de Rickli, qui obtenait aussi cet
effet surexcitant, par l'enveloppement à l'aide de couvertures
combiné avec l'exposition solaire.
Quand le bain s'est pris sans sudation, quand, pour le
suspendre, on s'est guidé sur la seule impression du ma-
lade, dont les sensations cénesthésiques sont surtout à con-
sidérer, il ne comporte, pas plus que le bain d'air, de réaction
spéciale. L'application a été douce, l'apport calorique non
excessif, l'action stimulante non brutale, l'impression de-
bien-être n'a pas cessé un instant, aussi, l'euphorie persiste
et même s'accroît après rhabillage. Inutile donc de chercher
mieux, puisque l'équilibre n'est pas détruit, et que le gain
s'est produit sans offense cellulaire.
HELIOTHERAPIE 585
Si, au contraire, il s'est agi d'un bain par sudation, pris
par un sujet particulièrement robuste, qui a pu supporter
cette excellente combinaison d'apport et de déperdition
énergétique, et bénéficier de la stimulation vigoureuse
qu'elle provoque, au sortir du bain, il faudra arrêter l'excès
de réaction dissipatrice par une action contrô-stimulante.
On l'obtient par un tamponnement de tout le corps à l'eau
fraîche, sans ruissellement, fait avec une éponge bien ex-
primée, et on laisse sécher sans essuyer.
La question de durée est importante à déterminer. Les-
premiers bains seront, je l'ai déjà dit, très courts, de deux:
à dix minutes, selon la tolérance individuelle. Si, malgré
toutes les précautions, il se produisait de l'érythème, on se-
reposerait un jour ou deux, pour reprendre ensuite. Quand,
la pigmentation brunâtre est obtenue, le sujet est en quel-
que sorte immunisé, et lés bains quotidiens doivent êtr&
prolongés. Ils n'ont de valeur que par la durée d'exposi-
tion. En général, une bonne demi-heure suffit. Mais les
sujets entraînés et résistants ne peuvent que se trouver-
fort bien de bains moins écourtés, et rester au contact lumi-
neux pendant plus d'Une heure. Rollier fait même des-
expositions de quatre à six heures et dit : « dès qu'apparaît
la pigmentation, tout danger est écarté et les séances peu-
vent être prolongées indéfiniment. »
Les effets des bains solaires sont les suivants : les plus-
frappants, les plus surprenants sont d'abord ceux qu'on
observe du côté de l'état général. L'exposition aux rayons-
solaires s'accompagne déjà d'une sensation d'euphorie
caractéristique, mais c'est surtout après le bain, que le bien-
être organique augmente. Il se produit alors une sensation
d'allégement thoracique, qui fait que les épaules pèsent
à peine, et que le contact de la peau avec les vêtements
n'est plus perçu que comme un agréable frôlement. Les-
efforts sont facilités dans des proportions incroyables et
586 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

s'accomplissent avec grand plaisir. Enfin le bien-être phy-


sique et psychique est tel, qu'au bout de quelques jours, le
bain solaire est devenu un besoin, presque comparable à
celui de la soif. Sur cette merveilleuse action générale
vivifiante, tous les auteurs, d'ailleurs, sont d'accord. « Le
bain de soleil général, écrit Rollier, est toujours impatiem-
ment attendu par nos petits patients, chez lesquels il sus-
cite une sensation de bien-être étonnante. »
Ce qui retient ensuite l'attention du malade, c'est l'ac-
croissement manifeste de la capacité digestive, avec son
heureuse conséquence : l'augmentation de l'appétit. Le
soleil fait digérer. Et c'est précisément cette action acti-
vante de l'assimilation digestive, ce coup de fouet donné
au fonctionnement viscéral, ce décongestionnement hépa-
tique par efflux sanguin périphérique, qui me fait préco-
niser l'usage des bains de soleil dans la première moitié dé
l'après-midi.
Sur les foyers tuberculeux superficiels, Rollier a noté
d'une façon constante et rapide la fonte des fongosités, par
une action à la fois résolutive et sclérosante, des rayons
solaires. Les foyers pulmonaires profonds s'améliorent
d'une façon manifeste et rapide, et cela, surtout par suite
du relèvement de l'état général. Il est très rare de cons-
tater des poussées congestives, dites de nettoyage par cer-
tains, si les malades sont modérément et logiquement ali-
mentés. Personnellement, je n'en ai observé que d'une
façon exceptionnelle et jamais je n'ai vu survenir d'hé-
moptysies même chez des prédisposés, pourvu qu'ils soient
préparés, par une diététique convenable, à la cure solaire.
Rollier, qui ne suralimente pas ses malades, n'a jamais eu à
se plaindre d'incidents hyperhémiques et vit ses sujets por-
teurs de lésions à la fois osseuses et pulmonaires, guérir
ainsi beaucoup plus vite que par la simple cure d'air. Il
ajoute : « Nous n'avons jamais observé d'hémoptysies ou
HÉLIOTHÉRAPIE. 587
de congestions consécutives à l'insolation. Cette dernière
nous semble être, au contraire, le révulsif par excellence. »
.
Au niveau de la peau, ce qu'on remarque, c'est une double
action pigmêntaire et analgésiante. La pigmentation donne
à la peau une résistance et une vitalité extraordinaires; chez
les insolés, les affections cutanées sont exceptionnelles. Plus
la pigmentation est accusée, plus le pronostic paraît ras-
surant (Rickli, Rollier). Enfin l'action analgésiante est sur-
tout constatée sur les localisations tuberculeuses cutanées
ou sous-cutanées (Rollier).
Ces merveilleux résultats cliniques, je tiens à revenir sur
ce point, ne sont lé fait que de l'action générale trophique
des rayons solaires, et, aucunement, de leur pouvoir anti-
septique. Un relèvement aussi flagrant des forces, un retour
aussi prononcé de la vitalité et de l'euphorie, une stimula-
tion fonctionnelle aussi nette que soudaine de l'appareil
gastro-hépatique, ne sauraient relever d'une simple pro-
priété antiseptique de l'agent thérapeutique. C'est donc
bien seulement par une influence de reviviscence générale,
par une action trophique et excitante naturelle, par une
régénérescônûe de nos défenses innées, que la cure
solaire agit et permet à l'économie une lutte active et vic-
torieuse.
Et cela n'est-il pas, je le répète, dans Tordre et la logique
des choses ? Qu'est, pour nous, le soleil ? Il est notre source
originelle et notre réservoir actuel d'énergie ; la terre est
issue du soleil et tout ce qui vit de la vie animée à sa surface
ne doit son existence qu'à l'emprunt énergétique direct et
indirect qu'il fait à chaque instant à l'énergie solaire. Les
plantes l'absorbent, en extrayant du sol les sels utiles à
leur nutrition et en fixant, par la fonction chlorophyllienne,
régie elle-même par l'action lumineuse directe, l'oxygène et
le carbone de l'air. Les animaux l'empruntent soit par l'en-
tremise des tissus végétaux, soit directement par le contact
588 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

des radiations lumineuses, chimiques, électriques, et cet


emprunt direct doit, certainement/entrer en ligne de com-
pte dans les calculs de récupération calorifique et énergéti-
que. Nous nous nourrissons non seulement parle tube diges-
tif, mais par les poumons et par la peau. Et aucune de ces-
voies d'apport vital n'est négligeable en physiologie, ni
surtout en thérapeutique.
Michelet (1), qui était un apôtre et un voyant, écrivait
déjà en 1858, à propos de l'hygiène féminine, cette phrase
qui, dans sa concision, résume toute la pratique héliothé-
rapique : « Que souvent aussi, bien seule, à son aise, en
sécurité, elle se baigne dans la lumière. Tout serait gagné
si sa blanche peau passait aux tons vivants et bruns. Les
plantes tenues à l'ombre sont étiolées et pâles. Nos vête-
ments, malheureusement, nous tiennent tels, en nous sépa-
rant du père de la vie, le soleil ».
Pour le traitement des fléchissements de l'état général,
des défaillances organiques, des usures glandulaires, de l'ar-
thritisme surtout, les excitants artificiels médicamenteux.
nous l'avons démontré, n'agissent qu'en violentant les tissus,
et c'est la réaction de défense contre ces voies de fait que nous
prenons pour de la stimulation bienfaisante.
L'épuisement fatal, consécutif à l'emploi prolongé de tels-
poisons, témoigne des dégâts que provoquent à la longue
l'agressivité d'agents qui ne savent produire de la vie qu'en
dégradant : ils sont excitants par réaction spoliatrice et
par gaspillage. Tout autrement agit la stimulation solaire ;
elle engendre de la recrudescence vitale par action et non par
réaction, par apport et non par soustraction suractivée de
force vitale. Elle est douce et non brutale, dispensatrice et
non dilapidatrice d'énergie, applicable indéfiniment sans,
crainte d'accoutumance, de fatigue ou d'épuisement orga-
nique, également efficace à chaque application successive..
(1) Miclielet. L'amour, l'hygiène,
p. 164.
HELIOTHERAPIE 58.9

Elle doit cet ensemble de merveilleuses qualités et ce carac-


tère d'agent stimulant et régénérateur idéal, à ce fait seul,
je ne crains pas de le dire encore, qu'elle est notre agent
naturel, normal et physiologique d'excitation vitale et de
renouvellement énergétique.
Parlant de l'oxygène, du soleil, de la lumière, Charrin (1)
proclame ainsi la valeur thérapeutique de ces agents : « Grâce
à l'énergie cédée aux tissus par les éléments atmosphériques,
énergie qui se libère ensuite sous des formes diverses, nutri-
tion, chaleur, vibrations, etc., suivant les diverses étapes
des mutations, grâce à cette énergie, grâce aux excitations
dérivées de ces éléments atmosphériques, l'économie se
défend contré les dépressions, contre les retards que l'obscu-
rité, que l'humidité, qu'une hygiène défectueuse, que des
maladies diathésiques, toxiques, infectieuses, nerveuses, etc.,
imposent aux réactions trophiquês du système cérébro-mé-
dullaire ».
Si l'on voulait, en terminant, établir le bilan comparatif
des deux cures aériennes totales, du bain d'air et du bain
de soleil, on verrait que de beaucoup, la cure solaire l'em-
porte comme agent d'excitation et comme efficacité sur
la cure d'air non ensoleillé, sans toutefois que cette pré-
dominance puisse être invoquée pour légitimer un rejet de
ce dernier procédé, car son action, quoique moins énergique,
se détermine selon un processus tout à fait différent, qui met
en usage des incitations nerveuses fort utiles, que la cure
solaire laisse inemployées, et qui gagnent à être éveillées.
Le bain d'air, bien qu'il s'accompagne d'absorption oxy-
génée, est surtout un bain réactif par déperdition calori-
fique, et produit, par suite, une réaction nerveuse et orga-
nique défensive qui, provoquée par ce moyen doux et phy-
siologique est très favorable à la sollicitation mâtutinale du
système nerveux et de l'appareil circulatoire. Cette réaction
(1) Charrin. Les défenses naturelles de l'organisme, p. 296.
590 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

par déperdition, est prouvée par lé besoin de mouvement


qu'occasionne le bain et le frisson qui se déclare, si on tarde
à se couvrir après que le contact aérien s'est fait moins
aoréable. Aussi ce bain comporte-t-il une réaction échauf-
fante pour compenser la déperdition calorifique. Cette réac-
tion s'obtient par le mouvement (exercices) et la friction
à l'alcool.
Le bain de soleil est un bain actif, dans lequel il se fait
plus d'apports que de déperditions. Le corps absorbé plus
qu'il ne rayonne. Il est tonique, non par déperdition, mais
par récupération énergétique. La preuve en est dans ce fait,
qu'il peut se prendre dans l'immobilité absolue et se con-
tinuer ainsi fort longtemps sans amener une rupture dans
l'équilibre des forces de l'économie. Aussi, s'il n'est pas trop
prolongé, ne comporte-t-il aucune mesure eorrective. Si,
par contre, on a pratiqué une insolation avec sudation
(longue durée, réverbération, enveloppement, travail), l'é-
quilibre est rompu ; l'apport fut excessif ou bien, à l'action
calorifique du bain s'est adjointe celle du mouvement, et le
trop plein se déverse au dehors (élévation thermique, cha-
leur, sueur). Là seulement, il est besoin d'une eontro-stimu-
lation pour redonner rapidement un équilibre physiologique
normal qui, sans cela, mettrait des heures à se rétablir et
entraînerait des malaises pour se faire ainsi lentement. Le
contact frais à l'éponge mouillée et exprimée, sans fric-
tion, ni essuyage, est alors expressément commandé.
CHAPITRE XXI

SCHÉMA D'ORDONNANCE

La cure de l'arthritisme compliqué ou


non dé tuberculose se résume dans le
traitement de l'empoisonnement acide
qui provient toujours d'altérations ana-
tomiques et fonctionnelles du foie et de
l'estomac qui sont les seules et réelles
causes de ces deux maladies.

Le traitement comprend trois grandes catégories de pres-


criptions qui s'enchaînent et qui ont une importance presque
égale.,
1° Le traitement alimentaire aura pour but d'empêcher
l'introduction de poisons exogènes et effectuera la reminé-
ralisation de l'organisme directement par la prise d'ali-
ments riches en sels minéraux, indirectement par la prohi-
bition d'aliments acides ou générateurs d'acides.
2° La désintoxication intestinale permanente évitera la
formation et la résorption de poisons endogènes et favori-
sera l'évacuation des produits et déchets toxiques.
3° La culture physique et l'hygiène générale maintiendront
le parfait fonctionnement des appareils digestif et respi-
ratoire et de la nutrition générale.
592 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

I. — LE TRAITEMENT ALIMENTAIRE

C'est l'alimentation vicieuse ou surabondante qui fut


l'origine de tous les troubles morbides ; c'est l'alimenta-
tion rationnelle, physiologique, pondérée et réminérali-
-sante qui doit les guérir.

Aliments défendus (1). — Viandes grasses (oie, canard, foie


gras, cervelle). —• Viandes noires (gibier, pintade, porc, char-
cuterie, triperie). — Viandes rouges (boeuf, mouton, cheval,
viande crue, extraits et sucs de viande). — Poissons huileux
(maquereau, anguille, raie, hareng). — Poissons salés et conservés
(morue, sardines, thon, anchois, huile de foie de morue). — Crus-
tacés (langoustes, homards, écrevisses, crevettes). —Coquillages
(moules, coquilles Saint-Jacques, clovisses). — Fromages forts
(Port-Salut, Pont-1'Evêque, Cantal, Livarot). — Haricots en
grains, fèves et pois secs. — Pain frais, viennois, de gruau,
croissants. — Bouillons concentrés, de viande, de céréales, de
légumes. — Graisses en excès, fritures aux graisses animales.
— Légumes acides : oseille, tomate, aubergine, rhubarbe,
choux de Bruxelles. — Racines blanches : salsifis, crosnes,
héliantis, topinambours, céleris-raves. — Fruits acides ou pas
mûrs (groseilles, citrons, oranges, cerises aigres, fraises crues,
pêches et abricots desséchés). — Sucre en excès, sucreries,
confitures, bonbons, chocolat.— Pâtisseries lourdes (gâteaux
moka, à la crème, Saint-Honoré, brioche, pudding).. -=• Hors
d'oeuvre, condiments (ail, échalotte, poivre, épices, muscade,
cannelle, pickles, vinaigre, moutarde).
— Café, thé en feuil-
les. — Vins stimulants et pharmaceutiques, liqueurs.
Aliments à surveiller. — Viandes rouges (agneau, chevreau).
— Viandes blanches (poulet, veau, lapin domestique, pigeon-
neau, dindonneau). — Poissons maigres (sole, merlan, limande,
rouget, poissons de rivière). — Huîtres. Lait nature. —Beurre,

(1) Chacune de ces listes complète exigera des retouches, selon
chaque cas particulier.
SCHÉMA D'ORDONNANCE 593
graisses, beurre de coco.
— Pain bis, biscottes, grissinis, zwie*
bâch, pâtisseries, gâteaux secs. Haricots flageolets frais,
-—
lentilles, choux, choux-navets, choux-raves, choux-fleurs, cé-
leri, cresson. — Fromages fermentes (Brie, Camembert, Cou-
lommiêrs). — Noix, amandes, noisettes, raisins secs.
— Miel,
pain d'épices. — Vin léger, bière, cidre.
Aliments permis. — OEufs bien cuits.
— Lait fermenté (ali-
ment antiseptique). — Crème, fromages frais, fromages cuits
(Hollande, Gruyère). — Légumineuses jeunes (pois, lentilles).
.-=- Céréales ; pain blanc rassis, pain de seigle, farines (blé,
avoine, orge, maïs, sarrasin) ; pâtes (nouilles, macaroni, vermi-
celle, semoule, tapioca, sagou).
— Farineux (pommes de terre,
marrons, riz, cerfeuil bulbeux, patates, igname de Chine). -=-
Sauces blanches ou à l'huile blanche, fritures à l'huile. — Lé-
gumes verts cuits (haricots verts, épinards, artichauts, tétragone,
arroche, poirée ; choux, choucroute, changés d'eau de cuisson
et accommodés sans viande, ni graisse animale) ; salades crues
et cuites (laitues, romaine, escarole, chicorées, pissenlits, endi*
ves, barbe) ; cardon, carotte, julienne.-— Champignons, olives.
— Fruits cuits à peine sucrés ou de. préférence crus, très mûrs
(poires, pommes, prunes, pêches, abricots, brugnons, raisins,
groseilles à maquereau, figues, pruneaux incisés et trempés,
melon, citrouille, ananas, dattes, bananes. — Pâtisseries légères
de ménage (tartes, charlottes, crêpes, beignets à l'huile blanche,
meringues, .oeufs à là neige, gâteaux de riz, de semoule).— Con-
diments (oignons, poireaux, fines herbes, estragon, persil, cerfeuil,
thym, laurier, vanille). — Eau minérale alcaline (Vichy).

CLASSIFICATION DES DIVERS ALIMENTS. -^-Aliments très toxi-


ques, -= Alcool. Viandes fortes. Poissons gras. Sucre et sucre-
ries concentrés.
Aliments toxiques. — Viandes blanches. Poissons maigres.
Sardines. Haricots et pois secs. Aliments. acides (vinaigre, ci-
trons) ; légumes acides : tomate, aubergine, oseille, patience,,
rhubarbe ; fruits acides ou pas mûrs. Fromages forts.
Aliments hypotoxiqaes. — OEnîs. Lait. Beurre. Fromages. Len-
3S
594 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

tilles et pois frais. Pâtisseries légères. Huile blanche. Crucifères


(choux, cresson, etc.).
Aliments non toxiques. -— Céréales, pain, farines, pâtes. Lé-
onines farineux (pommes de terre, riz, marrons). Légumes verts.
Fruits mûrs.
Aliments déminéralisants. —- a) Par acidification directe .:
acides, vinaigre, légumes acides, fruits acides Ou pas mûrs. Lait
caillé parfois. — b) Par acidification indirecte : alcool et boissons
fermentées : vin, bière, cidre. Viandes, sucreries, graisses surtout
animales. Légumes blancs : salsifis, crosnes, héliantis, navets,
céleris-raves.
Aliments reminéralisants. —- Les légumes verts cuits pris en
abondance sont nos grands pourvoyeurs de sels minéraux (fer,
magnésie, chaux, soude). La meilleure façon dé se reminéraliser
consiste à cesser l'usage d'aliments acides ou acidifiants et à
prendre, sous forme de légumes Verts, des sels minéraux natu-
rels, vitalisés, qui seuls sont assimilables.
Aliments énergétiques. — Céréales : pain, toujours permis en
grande quantité, pâtes, farines. Sucre non concentré. Fruits
non acides. Légumineuses non toxiques : pois et lentilles jeunes.
Féculents : pommes de terre, etc. Graisses. Olives. Amandes.
Miel.
Aliments réparateurs. —» Céréales : pain, pâtes. OEufs. Légumi-
neuses. Champignons.
Aliments excitants dangereux. — Alcool. Viande. Sucre con-
centré. Café. Thé. Epiées. Poivre, Condiments. Ail. Echalotte.
Aliments excitants licites. — Sel (sauf lésion rénale). Sucre
dilué. Café de céréales. Thé en fleurs. Thym. Laurier. Persil.
Estragon. Cerfeuil.
Aliments dêsintoxicanis et décongestionnants.
— Légumes-
verts crus et cuits. Fruits crus, bien mûrs.

AGENCEMENT DES REPAS. — Le


repas du matin sera à
la fois énergétique et lixiviant, composé de préférence dé
fruits frais, sinon de pruneaux incisés et trempés, de
qua-
tre mendiants, de pain avec infusion chaude.
SCHÉMA D'ORDONNANCE 595
Le repas de midi sera énergétique, soit carné mitigé, suit
ovô-lacto-végétarien, soit végétalien farineux ; selon la gra-
vité de l'atteinte' diathésique. Décrire le méhu : viande Ou
oeufs, farineux, salades, fruits.
Le repas du soir sera reminéralisant, soit ovo-végétarien,
soit végétalien. Les légumes verts variés y paraîtront régu-
lièrement. L'emploi d'aliments énergétiques et excitants y
sera contre-indiqué, car ils mettent l'organisme sous pression
au moment où le repos nocturne exige le calme réparateur.

HYGIÈNE ALIMENTAIRE.
— Appétit. -^ La suralimenta-
tion est synonyme d'empoisonnement alimentaire surâigu
et n'aboutit qu'à la production rapide ou à l'accélération
brusque de l'arthritisme et par suite à la fixation ou l'ag-
gravation de foyers bacillaires. La prise répétée de viande
crue favorise chez l'homme l'éclosion et l'évolution de la
tuberculose. Il faut manger à son appétit sans restriction
comme sans excès ; on ne devra jamais manger sans faim ni
« par raison ». On aiguillonnera
l'appétit soit en prenant
de l'exercice, en faisant de lamarche surtout, soit en activant
la circulation intestinale toujours trop lente et surtout en
n'usant pas d'aliments toxiques ou concentrés.
Hygiène culinaire. -—Ajouter le beurre cru à table. Man-
ger le moins possible de sauces. La cuisine à l'huile blanche
est la plus digestible. Ce sont les graisses et surtout les grais-
ses animales qui rendent les aliments indigestes. Les mets
devront être cuits très longtemps et à petit feu. Les salades
crues gagneront à être prises nature, salées, hachées à table
dans d'autres légumes chauds ou à être assaisonnées avec
un peu de vin blanc ou mieux de lait caillé en guise de vi-
naigre ou de citron.
Mastication. — Appliquer son attention à broyer et insa-
liver complètement tous les aliments. Un mets bien mas-
tiqué est à demi digéré.
596 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

Espacement des repas. — On ne prendra pas plus de trois


jour ; un estomac doit toujours être complètement
repas par
vidé avant de recevoir de nouveaux aliments si l'on veut
éviter la viciation du chimisme stomacal et la dégradation
des organes digestifs."Il ne faut donc pas apaiser par l'in-
gestion intempestive d'aliments, les irritations gastriques
qui peuvent se produire 2 ou 3 heures après les repas,
parce que ce sont de fausses sensations de faim, vu que
l'estomac n'est jamais débarrassé de son contenu à ce
moment.
Haute valeur des déchets alimentaires. — Ils sont les agents
actifs de la culture physique intestinale et constituent le
remède le plus efficace contre la constipation et les inflam-
mations du tube digestif. Les légumes verts et les fruits
seront pris entiers ou divisés grossièrement. La mise en
purée, en compote et le tamisage des aliments seront tou-
jours interdits. Les crudités (salades, fruits) sont de puis-
sants désintoxicants et décongestionnants.
Boissons. — L'eau est la boisson la plus hygiénique. On
doit boire le moins possible à table. Une infusion chaude
prise quatre heures après un grand repas active la digestion
et l'évacuation gastrique.
Poids. — Se peser tous les huit jours, à la même bascule,
à la même heure et avec les mêmes vêtements. L'augmen-
tation du poids n'est pas à rechercher systématiquement et
quand elle se produit, elle doit résulter de l'accroissement
des masses charnues et non de l'infiltration graisseuse des
tissus qui est un état morbide, capable d'entraver la gué-
rison.

II. —LA DÉSINTOXICATION INTESTINALE PERMANENTE

La circulation intestinale doit s'accomplir, facile et régu-


lière. Elle demande souvent à être activée
parce que l'in-
SCHÉMA D'ORDONNANCE 597
testin est une voie très importante d'élimination naturelle
des toxines de l'organisme. Son pouvoir éliminateur est
aussi considérable que celui du rein. Pour l'obtenir, il y a
deux ordres de moyens.
Moyens diététiques. Alimentation riche en déchets végé-

taux (légumes verts, crus et cuits, fruits crus ou cuits avec
très peu de sucre). — Lait fermenté. — Cure habituelle de
pruneaux dessucrés (détailler la technique, quand cette cure
est indiquée). — Aliments qui retardent la circulation intes-
tinale : alcool, boissons fermentéés, viandes, graisses, sucre-
ries.
Moyens médicamenteux. Moins recommandables. —

Huile de ricin (une cuillerée à café le mâtin au réveil).

Sel de Carlsbad (1 à 2 cuillerées à café dans un tiers de verre
d'eau tiède, le matin), etc.

III. — LA CULTURE PHYSIQUE ET L'HYGIÈNE GÉNÉRALE

Un malade qui veut guérir et rester guéri, doit s'efforcer


d'obtenir le développement parfait et constant de ses mus-
cles abdominaux et respiratoires afin de posséder :
a) une bonne sangle abdominale naturelle, pour bien
digérer ;
b) de solides attaches de l'épaulé, pour bien respirer.

CULTURE PHYSIQUE. -=- Exercices de redressement et d'as-


souplissement du tronc pour les muscles abdominaux : des-
cription. — Mouvements de gymnastique respiratoire active
procurés à l'aide d'appareils : extenseur, poignée à ressort,
haltères légers. — Exercices salutaires : la marché, quoti-
dienne, régulière, avant les repas ; les mouvements du cano-
tage, de la boxe, du jardinage, du tennis.
598 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

AGENTS NATURELS DÉ STIMULATION ORGANIQUE. — La


cure d'air n'a de valeur que sur des organismes en mouve-
ment. Le séjour au grand air est un excellent adjuvant de
la cure. L'aération sera autant nocturne que diurne.
La chaise longue et le repos absolu né sont utiles qu'aux
vrais fébriles, aux affaiblis ou se pratiquent passagèrement
après une période de-mouvement ou d'exercices. Le repos
intellectuel et surtout le repos moral sont indispensables.
Hydrothérapie. — Les bains chauds décongestionnent et
désintoxiquent ; itrydrothérapie froide sera toujours réser-
vée.
Les bains d'air devront être pris chaque matin au réveil
pendant la séance de culture physique ; ils seront suivis
d'une vigoureuse friction de tout le corps avec un gant
d'étoffe rugueuse, imbibé de baume de Fioravanti.
Les bains de soleil qui sont les stimulants de la nutrition
les plus merveilleux, les agents les plus efficaces de revivis-
cence organique, se prendront, quand ils seront indiqués et
possibles, de préférence vers deux heures de l'après-midi
pour aider considérablement à la digestion. Les premiers
bains solaires devront être pris sous la direction du médecin.

MÉDICATION.
— Les médicaments antiseptiques, stimu-
lants, toniques', spécifiques, sont les ennemis de l'arthri-
tique et du tuberculeux. La médication antiacide seule
donne des résultats satisfaisants. Un des cachets suivants
pourra se prendre au début de chacun des deux principaux
repas :
Bicarbonate de soude 1 gr.
Magnésie 0 gr. 30
Chlorure de sodium 0 gr. 10

La privation d'excitants toxiques alimentaires peut


ame-
ner d'une façon passagère, au début de la cure, une sensa-
SCHÉMA D'ORDONNANCE 599

tion de faiblesse ou une perte de poids, dues à l'élimination


bienfaisante de réserves séreuses toxiques. Ces phénomènes,
indicés de nettoyage cellulaire, sont normaux et ne doivent
donc pas inquiéter le malade. Dé même, la persistance ou
l'accentuation des malaises au début du traitement signifie
simplement que les poisons accumulés dans les organes
sont mis en circulation, pour être progressivement évacués.
CONCLUSIONS

La réceptivité du terrain prime l'agent infectieux, dans


l'éclosion et l'entretien de la tuberculose pulmonaire.
Parmi les tares prédisposantes à l'infection par le
bacille de Koch, celle que l'on observe le plus fréquemment
est, sans conteste, la diathèse arthritique qui, par son em-
poisonnement acide, entraîne, en même temps, deux effets
parallèles : la spoliation minérale de l'organisme et l'infec-
tion bacillaire.
L'arthritisme est une viciâtion de la nutrition, qui dérive
toujours d'un surmenage et d'une usure de l'appareil méta-
bolisant. gastro-hépatique. C'est une diathèse hyperacide à la
fois décalcifiante et infectante, engendrée presque exclusivement
par l'alimentation excessive ou vicieuse, dont les lésions propres
se résument en une sénilité précoce de Vappareil gastro-hépa-
tique et dont les manifestations morbides directes et indi-
rectes, se rapportent toutes aux troubles fonctionnels de ce
même appareil glandulaire.
La décalcification arthritique est responsable du rachi-
tisme des enfants, des adolescents ; des lésions du pied
plat ; de l'ostéomâlacie ; des lithiases hépatiques, rénales,
intestinales, salivaires, pulmonaires, cutanées (tophus) ; des
caries dentaires ; des phosphaturies, etc. ; en produisant à
la fois de la dégradation calcaire des tissus compacts et de
CONCLUSIONS 601
l'encombrement minéral avec irritation des divers émonctoires,
par où s'opèrent ces spoliations.
L'hyperacidité humorale arthritique est la cause infectante
qui prédispose si puissamment aux infections digêstives et
générales : entérites, ictères, appendicite, fièvre typhoïde
d'une part ; rhumatismes, tuberculose et cancer, d'autre part.
La localisation longtemps exclusive des lésions au foie et
à l'estomac, s'explique par ce fait, que ce sont ces organes
qui ont eu à subir, les premiers, l'assaut le plus direct. Le
plus souvent, le reste de l'organisme demeure indemne,
à un tel point même, que chez des malades, conscients de
leur tare et observateurs vigilants des restrictions alimen-
taires que cet amoindrissement fonctionnel localisé com-
mande, on ne pourrait jamais soupçonner l'existence d'une
lésion gastro-hépatique aussi prononcée si, au moment des
repas, on n'était spectateur de leurs misères alimentaires.
La cause anatomo-pathologique de cette déviation dé la
nutrition générale, consiste en une dégénérescence atro-
phique ou graisseuse des cellules glandulaires, avec hyper-
plasie conjonctive du foie et de l'estomac irrités, puis usés
par une alimentation pernicieuse, antiphysiologique en
quantité, en qualité et en concentration.
Pour obtenir cette déviation, il faut, d'ordinaire, une
longue action efficiente, prolongée pendant plusieurs géné-
rations qui répètent, à tour de rôle, les mêmes errements
nocifs. Et, comme les individus ne sont pas suffisamment
avertis des dangers de l'alimentation excessive ou mal ré-
glée, et comme on ne leur a pas assez crié les méfaits du
confortable, de la sédentarité et du luxe alimentaire, on
peut affirmer que chaque fois qu'un peu de bien-être s'intro-
duit dans un intérieur familial, lu maladie et la mort se glis-
sent avec lui dans le logis. Le tribut du luxe alimentaire,
conséquence du bien-être pécuniaire, c'est la dégradation
de la santé.
602 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Si on considère un instant, la seule qualité de l'aliment,


arrive à cette conclusion, que trois aliments sont unique-
on
ment à incriminer : l'alcool, la viande et le sucre.
Par ordre d'importance, c'est :
L'usage de l'alcool ;
L'abus de la viande ;
L'abus du sucre concentré artificiellement,
qui déterminent l'éclosion des lésions arthritiques.
Sans aucun doute, ces trois aliments sont les grands fac-
teurs d'arthritisme et de ses deux satellites infectieux chro-
niques, la tuberculose et le cancer ; ils sont les évidents dis-
pensateurs des djrspepsies, des hépatites et des infections
intestinales ; ils sont d'actifs pourvoyeurs d'hôpitaux et
d'asiles d'aliénés, par la dégénérescence physique et la dé-
crépitude intellectuelle qu'ils créent.
Ce sont eux, et fort peu l'air vicié ou le surmenage, qui
rendent le séjour dans les grandes agglomérations urbaines
si dangereux. Ce sont eux, qui font que les maladies assail-
lent l'individu dès qu'il quitte la campagne pour venir
habiter dans les villes, parce qu'il a, du même coup, re-
noncé à son alimentation sobre à prédominance végéta-
rienne, pour ne plus se soutenir que de viande et d'alcool.
A l'encontre de l'opinion courante, je ne crains pas de pro-
clamer encore que la diathèse arthritique, née de ces fautes ali-
mentaires, jointes à la sédentarité, est, à l'heure actuelle, la
cause réelle du plus grand nombre des cas de tuberculose et que,
par conséquent, c'est l'alimentation vicieuse qu'il faut s'ef-
forcer de combattre, en lieu et place de la tuberculose qui n'en
est que l'aboutissement. Rester hypnotisé par le bacille de
Koch, ne s'en prendre qu'à lui, user son temps à guer-
royer inutilement contre lui et méconnaître, c'est-à-
dire ne pas éloigner la cause alimentaire à la faveur de
laquelle il s'est greffé
sur l'organisme, c'est dépenser en
pure perte, ressources énergétiques et pécuniaires, s'assu-
CONCLUSIONS 603

rer à jamais de piètres résultats, et s'exposer à piétiner indé-


finiment, sans voir le problème se résoudre.
En définitive, c'est en se livrant à des voies de fait sur son
foie et son estomac, qu'on se rend arthritique, puis tuber-
culeux ; à tel point que le fléau que constitue la tuber-
culose, réside bien plus dans l'alimentation pernicieuse qui
a favorisé sa greffe, que dans la seule virulence de son germe.
La clinique enseigne, en effet, que plus des trois quarts des
tuberculeux ont un passé pathologique du côté des voies diges-
tives, suscité invariablement par l'alimentation délictueuse,
soit qu'ils aient souffert de troubles dyspeptiques avec leurs
déterminations auto-toxiques : migraines, congestions, ner-
vosisme, etc., soit qu'ils aient subi des infections abdomi-
nales, telles que l'entérite, l'appendicite, la fièvre typhoïde.
Et cette tare gastrique ou hépatique précède toujours de plu-
sieurs années la germination de la lésion bacillaire, la déter-
mine à coup sûr et la commande indubitablement dans ses
possibilités d'exacêrbation ou d'atténuation.
C'est encore la clinique qui nous permet de mettre en
lumière la vérité de cette détermination en établissant l'in-
fluence funeste des fautes ou des excès alimentaires sur un
foyer tuberculeux visible tel qu'un ganglion suppuré, pen-
dant la période de digestion, et, au contraire, l'effet rétro-
gradant d'une alimentation antiarthritique sur ce même
foyer ; ce qui démontre sans réplique que c'est l'alimenta-
tion défectueuse avec sa conséquence, l'arthritisme, qui sont
à incriminer en première ligne et non pas la tuberculose.
De même, la suralimentation avec les effets arthritisants
à grands fracas qu'elle engendre (altérations gastriques, hé-
patiques, intestinales, rénales, cutanées ; lithiases) et la
progression que tôt ou tard elle fait subir à là greffe bacil-
laire prouvé une fois de plus l'exactitude de cet enchaîne-
ment clinique.
Enfin, il est vraiment illogique d'affirmer que c'est en
604 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

détériorant son foie et son estomac par une alimentation


agressive qu'on accroît sa résistance à l'infection tubercu-
leuse et que l'hyperacidité humorale et la déminéralisation
l'on crée ainsi, sont une garantie d'immunité, quand
que
précisément la pathologie générale enseigne que la résis-
tance aux infections se mesure à la puissance d'alcalinité
des humeurs.
Aussi, quand on se sera mieux rendu compte de la réalité de
cette étiologie, et qu'on aura renoncé aux hérésies alimen-
taires, la question de la tuberculose cessera d'exister, car,
ce qui ravage le monde moderne, c'est bien moins le bacille
de Koch, que le suicide alimentaire de l'espèce humaine,
L'antagonisme admis entre la tuberculose et l'ârthri-
tisme, tient à ce qu'on a simplement envisagé les formes
torpides, scléreuses de la tuberculose par arthritisme, et
cette conclusion ne répond nullement à la généralité des cas.
Que l'arthritismé soit un peu une arme à double tran-
chant, favorisant énormément l'infection et freinant sou-
vent sa marche d'autre part, c'est possible ; mais, dé beau-
coup, la prédisposition à l'accentuation infectieuse l'em-
porte sur le pouvoir bactéricide. Les si nombreuses formes
ulcéreuses banales que l'on trouve motivées par l'arthri-
tismé, et dans lesquelles la recherche systématique des
petits signes arthritiques permet de mettre à jour cette
constante filiation morbide, démontre, une fois pour tou-
tes, que cet antagonisme ne résulte que d'une vision par-
tielle des faits cliniques.
Quant à l'opinion qui prétend que c'est la tuberculose qui
engendre l'arthritismé, elle repose sur trop d'invraisem-
blances cliniques, faisant jouer à quelques granulations
silencieuses ou hypothétiques un rôle disproportionné à
leur pouvoir toxique ; elle comporte trop d'illogismes de
déductions, pour pouvoir être admise
comme vraie, car elle
tire de la notion de la coïncidence, un rapport causal
en sens
CONCLUSIONS 605
inverse de celui démontré réel, par l'examen impartial des
enchaînements cliniques. L'observation, en effet, montre
d'une part, que la longue série des écarts alimentaires, et
des signes du petit arthritismê ont précédé, de plusieurs
générations, la fixation bacillaire, et, d'autre part, que pour
le moment, chaque fois qu'on soumet un arthritique à une
alimentation surabondante, sa diathèse subit tôt ou tard une
flagrante progression et que, chaque fois, la tuberculose lui
emboîte le pas. L'étude du rhumatisme tuberculeux confirme
sans appel cette pathogénie, par la constatation de faits
thérapeutiques, qui ont la valeur d'expériences de labora-
toire, et témoignent de son inexistence, puisque ce rhu-
matisme guérit toujours par la diététique antiarthritique,
et s'aggrave constamment, par le traitement classique
antibacillaire, ce qui prouve donc bien son origine sura-
limentaire et nullement bacillaire.
L'influence tuberculigène de l'alcool est trop notoire,
pour mériter plus qu'une mention : « La tuberculose se
prend sur le zinc » (Hayem). « L'alcool fait le lit de la tu-
berculose »j (Landouzy).
Celle de la viande est moins reconnue, puisque la zomo-
thérapie reste encore appliquée à tous les bacillaires. Il n'y
a pas à hésiter, la viande, aliment toxique et antiphysiolo-
gique, puissante génératrice d'arthritismê, sera bien souvent
interdite, dans les cas d'intoxication sérieuse, pour peu qu'on
fasse reposer sa thérapeutique sur une base pathogénique ra-
tionnelle. En fait, après avoir trop souvent constaté l'in-
fluence tuberculigène de la zomothérapie préventive, l'ac-
tion intoxicânte et fébrigène de la viande crde chez les tu-
berculeux, la cessation des troubles morbides après sa sup-
pression, je suis convaincu qu'un des moyens lès plus puis-
sants de prendre l'infection tuberculeuse, c'est de consommer
pendant quelques mois de la viande crue.
Trop insoupçonnée également, est l'action infectante de
606 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

la consommation exagérée du sucre artificiel. Accoutumé


à ne considérer que sa puissance énergétique, on n'a pas
réfléchi que sa concentration et sa violence d'excitation
sont meurtrières pour l'appareil gastro-hépatique et que,
dès que la fatigue de ces organes est accomplie, le métabo-
lisme imparfait du sucre n'aboutit qu'à une action à la fois
acidifiante et pléthorisante.
En ce qui concerne les modalités cliniques de la tubercu-
lose par arthritismê, le syndrome hyposystolique par pléthore
arthritique et réflexe hépatique donne l'explication anato-
mo-physiologique de la localisation pulmonaire droite, et per-
met de prendre sur le fait, la genèse de cette détermination
pathogénique, et de suivre les progrès thérapeutiques de la
régression de la diathèse, puis de l'infection tubercu-
leuse.
La fréquence, la violence des réactions congêstives et
hémorragiques notée chez ces malades, atteste une fois de
plus l'influence efficiente de la diathèse et par suite, de la
suralimentation sur la production des hémoptysies.
La spléno-pneumonie elle-même, peut être envisagée
comme une hémoptysie avortée, et un épanchement inter-
stitiel du sang, qui n'a pu se faire jour par les voies res-
piratoires.
Enfin, il ne faut jamais perdre de vue, au cours de l'exa-
men clinique et de la recherche des moyens thérapeutiques,
que chez la plupart des tuberculeux, l'état gastro-hépatique
domine toujours réellement l'ensemble symptomatique, même
s'il attire modérément l'attention du malade, et que cet état
pathologique demeure, dans tous les cas, le seul guide théra-
peutique. Ce qu'on a vraiment à soigner, dans la pratique
sanatoriale, ce ne sont pas des tuberculeux, mais des dys-
peptiques et des hépatiques.
Les échanges nutritifs de l'immense majorité des tubercu-
leux, sojit caractérisés
par une viciation acidifiante et par
CONCLUSIONS 6Ô7

suite déminéralisante de la nutrition, et nullement, par une


accélération vitale çonsomptive.
Les échanges nutritifs du tuberculeux ne sont pas exa-
gérés. Ce qu'il y a seulement d'accéléré chez lui, ce sont les
spoliations. Chaque fonction organique en particulier et,
par suite, l'état trophique général sont, au contraire, amoin-
dris et ralentis.
Aussi, ce qu'on a en face de soi, ce n'est donc pas un ter-
rain tuberculisable, du fait d'une nutrition accélérée, par une
prédisposition de cause inconnue, ou une exacerbation fonc-
tionnelle, créée par l'infection bacillaire, mais la diathèse
arthritique, décalcifiante et infectante en même temps.
En d'autres termes, l'accélération des pertes ne doit pas
être considérée comme le résultât d'une suractivité fonc-
tionnelle de l'économie, provoquée par l'infection tubercu-
leuse. Elle a pour origine, seulement, la mise au pillage des
réserves minérales par rhyperacidité humorale arthritique.
Le malade n'est pas un accéléré, mais un corrodé. Il est vie*
timé, non pas de l'accroissement fonctionnel de ses viscères,
mais, tout au contraire, dé l'imperfection métabolique qui ré-
sulte de leur épuisement.
Comme cette défectuosité fonctionnelle gastro-hépatique
est la seule cause de la production des acides, comme d'autre
part, elle rend impossible toute augmentation de l'assi-
milation, ce n'est donc pas en accroissant la fatigue et
l'usure de ces organes par une surcharge d'aliments copieux
et concentrés, qu'on peut espérer diminuer la production
des acides, rétablir les fonctions épuisées, et guérir la tuber-
culose.
Il est donc grand temps de nous libérer du dogme de la tuber-
culose, maladie çonsomptive, et de la vision déformée du
malade qui brûle ses tissus. Cette erreur d'interprétation a fait
aiguiller le traitement vers les excès diététiques, qui tuent plus
de malades que le bacille de Koch.
(30$ ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

Le traitement se résumera dans un effort de relèvement


des défenses naturelles de l'organisme, en un mot, du ter-
rain et il n'y aura lieu d'ouvrir aucune hostilité directe
contre le bacille. La tuberculose pulmonaire par arthritismê
ne se guérit pas à l'aide de médicaments,
mais en ayant re-
cours à de véritables cures de désintoxication, qui s'attaque-
ront à la seule tare diathésique, absolument comme si
l'infection tuberculeuse n'existait pas.
Soigner l'arthritismé, c'est guérir la tuberculose,- car l'une
n'est que la conséquence de l'autre.
Le trépied thérapeutique des cures de désintoxication com-
prendra :
La diététique antiarthritique appropriée à chaque cas ;
La désintoxication intestinale ;
La physiothérapie (culture physique, aérothérapie, hélio-
thérapie).
Ces trois prescriptions forment un bloc où chacun des mem-
bres s'amalgamé si intimement avec les autres, que si l'un vient
à faillir, même passagèrement, la réussite du traitement peut se
trouver compromise.
Au lieu de se borner à la prescription d'une médication
dangereuse, de formulaire, la lutte antituberculeuse ne sera
plus qu'une affaire d'éducation alimentaire et physique, et de
-préservation toxique.
Le grand travers médical actuel, c'est de ne penser qu'à sti-
muler, qu'à tonifier, c'est de confondre la faiblesse organique
avec la fatigue, c'est de sembler ignorer que le pouvoir d'hy-
pertrophie et la puissance d'hypergenèsedenos cellules, ne
sont pas indéfinies, et qu'on ne peut impunément surexciter
ces fonctions sans trêve, ni retenue.
Partant de ce principe, on voit qu'il y aura deux grands
écueils thérapeutiques à éviter :
1° Les médicaments agressifs (toniques, stimulants, anti-
septiques) ; -
. .
CONCLUSIONS '
609
1° L'alimentation excessive ou concentrée.
On ne saurait trop dénoncer la vanité des .médicaments
toniques, qui ne sont que des gaspilleurs d'énergie et des
facteurs de dépression ; le danger des antiseptiques, qui.sont
plus meurtriers pour l'organisme que pour les bacilles ;
l'effet épuisant des stimulants, qui ne savent activer le cou-
rant vital, qu'en rudoyant des organes déjà exténués, en
accélérant la mise en circulation et en organisant le pillage
des réserves énergétiques, déjà si fortement entamées.
On ne saurait trop crier les méfaits de V alimentation forti-
fiante, excessive et concentrée. Comme l'excitation chimique
artificielle, elle n'est qu'une spoliatrice d'énergie et une
destructrice d'organes.
La suralimentation, entre autres, diététique meurtrière, gé-
nératrice intense d'arthritismê, accélératrice des lésions
bacillaires, doit être rejetée en toutes circonstances, et, sous
aucun prétexte, on ne doit se laisser aller, tout en la pros«
crivant, à la réinstituer sous les noms d'emprunt de ration
de surcroît, de ration de guérison, de ration supplémentaire
rationnelle, qui ne sont que des rations de surmenage, donc
d'altérations organiques.
Tout autant, sinon plus que l'excès de quantité et de
toxicité, la concentration moléculaire antiphysiologique des
aliments est redoutable. La seule concentration moléculaire
permise à des organismes sains, est celle qui a façonné les
viscères digestifs dans le cours des siècles, celle à laquelle ils
sont adaptés de longue date, en un mot, celle qu'on rencon-
tre seulement dans les aliments tels que la nature les met à
notre portée, non modifiés par des apports chimiques arti-
ficiels Ou des associations culinaires.
On oublie trop que nous sommes asservis à la nature, qu'il
nous est impossible delà soumettre impunément à nos
désirs, si ces derniers vont à Tencontre des lois qui régis-
sent la vie et l'adaptation cellulaires et que l'étude de l'ali-
39
610 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

mentation humaine à l'état normal et pathologique doit se


poursuivre aux seules lumières de l'ontogenèse et de la phy-
siologie cellulaire.
On se rendra compte ainsi que la recherche du maximum
de matériaux nutritifs, sous le minimum de volume, est une
révolte contre les lois naturelles, un défi au bon sens, et consti-
tue un vrai danger public.
Si on réfléchit à cela, il n'est plus surprenant alors, de
voir recommander à des malades, c'est-à-dire, à des sujets
dont la capacité de résistance et de fonctionnement orga-
nique est amoindrie, l'abaissement du taux de concentra-
tion normalement accepté par des individus sains, et cela,
en proportion du degré de dystrophie des cellules glan-
dulaires des viscères digestifs.
Et pourtant, n'est-ce pas à ces amoindris, qu'on a l'illo-
gique et dangereuse habitude de prescrire des aliments
saturés, hyperconcentrés, qui, déjà nocifs pour des tissus
glandulaires normaux, en pleine possession de leur vitalité,
vont ici parfaire la ruine de l'économie défaillante ?
En conséquence, le seul moyen rationnel de remédier à
des troubles ou des lésions, engendrés par une fatigue pas-
sagère ou par une usure partielle définitive des glandes
digestives, consistera dans la thérapeutique alimentaire
modérément concentrée et hypotoxique.
De la seule diététique basée sur ce principe de concentration
moléculaire adéquate, que je considère comme capital et indis-
pensable pour établir des régimes vraiment antiarthritiques,
on peut attendre des cures inespérées.
Etendues aux divers principes nutritifs (azote, graisses,
hydrates de carbone), les restrictions de concentration pro-
eurent, dans les atteintes gastro-hépatiques très graves, les
mêmes merveilleux résultats que ceux de la cure hypo-
concentrée en chlorure de sodium du régime de Widal pour
les néphrites. Chez le brightique, l'atteinte est rein, chez
au
CONCLUSIONS 611
l'arthritique, elle est au foie. La susceptibilité principale
de la cellule rénale se détermine vis-à-vis du chlorure de
sodium ; la cellule hépatique, au contraire, peu sensible
au chlorure de sodium, reste très fragile vis-à-vis des afflux
exagérés d'azote, de graisses et d'hydrocarbones.
Au régime chloruré de faible concentration, motivé par cette
susceptibilité du rein du brighiique, correspond donc une dié-
tétique azotée, grasse, hydrocarbonée, hypocOncentrée, suscitée
par certains cas d'hypohépatie arthritique intense.
Et cette diététique hypoconcentrée est la seule, dans ces
cas de tuberculose avec aplasie gastro-hépatique très pro-
noncée, qui puisse réaliser les apports nutritifs néces-
saires à l'entretien de l'économie, tout en tenant compte,
en même temps, des fragilités viscérales extrêmes, parce
qu'elle seule peut faciliter le travail assimilateur des organes
tarés, et les rendre aptes à fournir un métabolisme parfait,
malgré leur considérable usure.
C'est donc sans aucune appréhension d'insuffisance calori-
fique ou azotée qu'on peut prescrire cette diététique, car elle
permet parfaitement d'équilibrer les rations toujours modérées
qui doivent être fournies à des tuberculeux profondément in-
toxiqués, qui sont, ne craignons pas de le répéter, des corro-
dés par les acides, et non des accélérés de la nutrition.
En résumé, c'est l'alimentation forte, copieuse, concen-
trée, riche soit en alcool, soit en viande et en sucre, qui â
créé de toutes pièces la diathèse arthritique, laquelle, à son
tour, a déterminé l'éclosion bacillaire. Aussi, les mêmes cau-
ses engendrant toujours les mêmes effets, il est bien évident
que la suralimentation et la surconcentration alimentaire,
qui ne sont que des causes intensifiantes d'arthritismê, ne
pourront jamais être employéespoursoigner sa conséquence:
la tuberculose.
Le budget alimentaire du tuberculeux s'établira donc, tou-
jours et simplement, sur le degré d'arthritismê causal ; il
612 ETUDE THERAPEUTIQUE

devra s'adapter strictement à la capacité métabolique amoin-


drie de ses viscères digestifs, c'est-à-dire, frôler le déficit, dès
l'équilibre du poids corporel sera retrouvé.
que
Y a-t-il, en effet, rien de plus démonstratif du danger que
font courir aux malades les rations calorimétriques et azo-
tées excessives, que la constatation des guérisons obtenues
à l'aide de rations d'une faiblesse si insolite, qu'elles ne
manqueront pas d'effarer les partisans des fortes nourri-
tures ?
Il n'est donc pas inutile d'insister sur ces faits, en affir-
mant de nouveau, qu'un tuberculeux non arthritique a des
besoins égaux à ceux d'un individu sain, dès qu'il a atteint son
équilibre individuel de poids ; que, d'autre part, un tuber-
culeux arthritique, en toutes circonstances, même s'il n'a pas
encore strictement équilibré son état trophique (qui d'ordinaire
est fort au-dessous de la moyenne du poids considéré comme
normal) a besoin de rations alimentaires inférieures à celle
d'un sujet bien portant, parce que, toujours, il ne doit pas
l'oublier, il restera un ralenti de la nutrition et un défaillant
gastro-hépatique.
Le poids ne devra donc nullement être considéré comme le
baromètre de la guérison, puisque plus un malade engraisse,
plus il s'intoxique.
En particulier, il n'y a pas à se réjouir, comme on le fait,
des fortes et rapides augmentations de poids, qui demandent,
au contraire, à être combattues, puisqu'elles dénotent sim-
plement un encombrement aqueux de l'organisme, qui â récla-
mé la dilution des poisons qui l'envahissaient.
Toutes les ascensions de poids qui s'accompagnent d'un
redoublement de malaises : de dyspnée, de sudations, de
dyspepsie, de diarrhée ou de constipation, de sensibilité
du lobe gauche hépatique, d'anorexie, de poussées pulmo-
naires, de coryza, de légères oscillations thermiques, et qui
sont, à elles seules, les causes de l'éclosion de tous ces trou-
CONCLUSIONS 613;
bles morbides, doivent être enrayées par la réduction ali-
mentaire et la chasse intestinale.
La courbe du poids est donc très importante à établir
et à suivre, mais surtout parce que les indications d'as-
cension qu'elle fournit sont bien plus souvent des motifs
de répression que d'encouragement.
En effet, un arthritique tuberculeux maigre, qui a cessé de
perdre du poids, guérit vite et sûrement, en restant maigre.
Un arthritique tuberculeux gras, qui garde sont embonpoint
et qui de ce seul fait conserve et aggrave rapidement ses
lésions bacillaires, meurt gras.
En dehors des prescriptions d'hygiène et de physiothé-
rapie, le traitement de la tuberculose se résumera donc
dans la thérapeutique alimentaire.
Mais la thérapeutique alimentaire reste à créer, car on ne
peut parer de ce nom les recueils d'opinions erronées et de
préjugés, les catalogues d'aliments, réunis sans aucune
raison plausible dans la même catégorie et qui hurlent de
se trouver assemblés.
Pour ce qui est du dosage, on est trop tenté, par exem-
ple, de prescrire, en croyant rejeter la suralimentation, des
rations d'entretien capables de ruiner la santé de gens va-
lides, ou pis" encore, d'ajouter à cette quantité déjà exces-
sive, dans le but de sacrifier au dogme de l'accélération de
la nutrition du tuberculeux, une ration dite de surcroît,
qui achève plus vite la ruine de ceux qu'on croit soigner.
Que sont les rations même de 3.000 calories seulement,,
avec 1Ô0 grammes d'azote, appliquées à des arthritiques
tuberculeux, sinon des régimes d'empoisonnement insensé
et d'aggravation fatale ?
Quand on songe, surtout, que des malades gravement
intoxiqués guérissent, grâce à de minimes rations de 1.800
et souvent de 1.300 calories, avec 35 à 50 grammes d'azote
seulement !
614 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

En ce qui concerne les propriétés de chaque aliment, on


ne possède que des données fort vagues et contradictoires.
On ne soupçonne pas que parmi les aliments dont nous
faisons l'usage le plus courant, un bon nombre sont d'effectifs
poisons avec lesquels nous jouons inconsciemment, et qui sont
responsables de la plupart de nos maux; tandis que certains
que nous méprisons à l'extrême, sont de merveilleux agents
thérapeutiques.
On ne se fait aucune idée exacte de la gamme de toxicité
alimentaire, pas plus qu'on ne se doute des innombrables
ressources thérapeutiques que nous afïrent les aliments
naturels non toxiques.
On ne sait pas assez, la colossale différence de toxicité qui
sépare les aliments d'origine animale (y compris le lait et
les oeufs), des aliments végétaux.
Trop longtemps encore, c'est certain, on se refusera à
reconnaître la puissante action régénératrice et désintoxi-
cante du régime végétalien strict, sur les organismes épuisés
ou gravement infectés.
On ignore trop :
La puissance de toxicité de la viande et du poisson.
L'action à la fois pléthorisante, acidifiante et toxique
de l'alcool et du sucre concentré.
Les propriétés extrâordinairement acidifiantes, donc
désassimilatrices, dés graisses surtout animales, et l'obliga-
tion qui en découle de proscrire, dans les atteintes d'anhé-
patie grave, même les graisses végétales.
La toxicité pourtant si évidente des légumineuses, ce
qui fait qu'on empoisonne, en toute sérénité, des convales-
cents, des infectés, des intoxiqués, avec des purées de pois
ou de haricots.
Le pouvoir trophique et énergétique des céréales, ab-
sorbées sous la forme naturelle du simple pain.
Les effets si bienfaisants des féculents, (pommes de terre,
CONCLUSIONS. 615
châtaignes, riz) dont la teneur azotée et hydrocarbonée
modérée, convient merveilleusement aux organes fatigués.
:
L'action énergiquement reconstituante, minéralisante et
décongestionnante des légumes verts, crus et cuits.
L'effet déminéralisant à l'extrême, de certaines racines
blanches (salsifis, crosnes, héliantis, topinambours).
La valeur énergétique, et surtout, le pouvoir décongestif
extraordinaire sur le foie et toute l'économie, des fruits
CRUS bien mûrs.
L'agressivité des aliments acides (vinaigre, citrons, et
autres fruits ou légumes acides) ou générateurs d'acides
(viandes, graisses, sucres), vis-à-vis des combinaisons miné-
rales cellulaires.
On se méprend profondément sur la valeur thérapeutique
du lait, qui n'est pas un aliment d'adultes, et qui, mal
digéré, par des organes atones, fermente, constipe et intoxi-
que.
On fait trop bon marché de lu haute valeur à la fois tro-
.
phique et énergétique du pain simple ; on l'incrimine bien
à tort, dans la production des troubles de fermentation
acide, dont sont seules responsables, dans les cas d'into-
lérance, lés graisses animales qui trop souvent, l'accompa-
gnent.
On ne se figure pas l'innocuité absolue de l'aliment
simple et naturel (sucre des fruits, par exemple), parce
qu'on a l'habitude de le concentrer artificiellement, de l'as-
socier à des mélanges désharmoniques, de le préparer selon
des combinaisons culinaires ou à l'aide d'adjonctions chi-
miquês antiphysiologiques. On oublie trop que l'alimentation
.
raffinée, si elle flatte le palais, détruit l'estomac.
On croit obtenir un maximum d'effet curatif et stimulant
de l'appétit, par la recherche de la variété dans les menus ali-
mentaires, on redoute trop une satiété qui disparaît dès
•qu'on fait emploi d'aliments non toxiques, non concentrés,
616 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

et dès qu'on cesse de faire usage des condiments, des épices,


et de parcourir toute la gamme de ce qui est comestible,
sans suites mortelles rapides. Dès qu'on est en possession
d'un répertoire alimentaire suffisant et qui passe sans aucun
malaise, pourquoi rechercher la variété, sans autre motif
que la variété elle-même ?
On foule aux pieds chaque jour, les principes les plus fon-
damentaux d'hygiène alimentaire. On engloutit tous les mets
sans les mastiquer ; on mange, on boit toute la journée,
sans attendre, par un espacement suffisant des repas, que
l'estomac se soit débarrassé du repas précédent, et reposé
quelque peu.
On ne semble pas se figurer que tous les aliments ne peu-
vent pas se consommer indifféremment à n'importe quel
moment de la journée ; que le repas du matin doit être
à la fois énergétique et lixiviant, c'est-à-dire fruitarien ;
que celui de midi sera réparateur et producteur d'énergie,
c'est-à-dire carné mitigé ou mieux ovo-farineux ; et qu'enfin,
celui du soir réclame un menu réminéralisant, sans stimu-
lation énergétique, conditions que le pain, les oeufs, les légu-
mes verts et les fruits peuvent surtout remplir.
On se révolte ouvertement contre les lois naturelles et
la physiologie des voies digestives, en rejetant avec
indignation les bienfaisants déchets végétaux, qui sont les
régulateurs indispensables de notre circulation intestinale
et les agents réflexes de la nécessaire culture physique du
muscle digestif.
A ce propos, on ne se rappelle pas suffisamment la consi-
dérable importance de la circulation intestinale active et la
puissante valeur curative du balayage intestinal incessant,
chez les tuberculeux. La stagnation intestinale,
non seule-
ment, détermine un danger par l'auto-intoxication, mais
également, par l'obstruction d'un des émonctoires les plus
importants de l'économie.
CONCLUSIONS' 617"

Il faut bien savoir que la simple insuffisance de balayage


est capable de congestionner et d'aggraver les foyers bacil-
laires, d'engendrer des hémoptysies, des congestions hé-
patiques, des dyspnées toxiques, et surtout des oscillations
thermiques dont on rend responsables d'ordinaire les foyers
bacillaires, qui n'y sont pour rien, en réalité.
Jamais on ne mettra trop en relief l'action déprimante,
toxique et destructive des aliments brutalement excitants
(alcool, viande, sucreries,, épices, "condiments, café).
De même qu'on ne saurait trop faire ressortir le pouvoir
doucement réparateur et continûment énergétique de tous
les aliments peu concentrés (céréales, féculents, légumes
verts, fruits).
C'est justement cette distinction dans l'intensité et la
durée d'application de l'apport excitant, qui doit faire
le départ, entre les aliments toujours dangereux, et ceux
qui sont constamment bienfaisants. Plus l'excitation sera
brusque et courte, plus l'organisme, passant violemment
d'un état extrême à l'autre, aura à souffrir, tandis que plus
l'excitation sera douce et continue, plus l'économie ressen-
tira de bien-être.
Jusqu'ici, pour l'étude du régime alimentaire de l'homme,
on s'est contenté de l'analyse énergétique, calculée Sur les seuls-
effets de 'rendement, et aucunement sur la capacité physiolo-
gique naturelle des organes de transformation ; ce qui fait
qu'on a passé sous silence lés diverses réactions biologiques
que suscite chaque aliment en particulier, dans nos différents
viscères, à l'état normal, et à l'état pathologique. On a ainsi
conseillé l'usage d'aliments, dont la concentration est
nocive, par son simple contact avec les protoplasmes des
cellules glandulaires, et on n'a pas réfléchi que la suscepti-
bilité cellulaire, vis-à-vis des solutions antiphysiologiques,,
est encore de beaucoup accrue chez les malades qui sont,,
par définition, des amoindris, passagèrement ou défmitî-
618 ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

vement. Comme tels, ce ne sont donc pas les excès de quan-


tité et de qualité nutritive qui leur sont applicables, mais
bien la diététique modérée.
En fin de compte, ce qui doit servir de guide pour régler
l'alimentation, ce n'est plus la recherche effrénée de la plus
haute valeur trophique ou énergétique sous le minimum de
volume, mais ce sont les nuances de toxicité et les gradations,
même minimes, de concentration moléculaire des aliments.
Quand on aura suffisamment orienté les recherches dans
ce sens, on verra qu'il n'y a pas d'amélioration, ni de gué-
rison durables possibles, dans aucune affection organique
chronique un peu sérieuse, surtout tuberculeuse, hors de la
thérapeutique alimentaire végétarienne, parce qu'elle seule
permet, par la reprise sans fatigue d'un travail assimilateur
normal, le rétablissement des résistances organiques spon-
tanées.
La découverte d'un vaccin ou d'un sérum antituberculeux
ne produira pas la révolution thérapeutique qu'on escompte,
parce que, si une maladie aiguë s'installe le plus souvent à
l'occasion d'une défaillance passagère de l'organisme, une
réascension vitale encore possible en vient vite à bout ;
tandis qu'une infection chronique, telle que la bacillose,
demande par sa lenteur d'invasion et d'évolution, un con-
sentement organique continu, qui permette sa pérennité
et ce consentement restera toujours une menace permanente
pour l'avenir, car le bacille, éloigné sans la participation
effective de l'économie, retrouvera, tout de suite, les mêmes
motifs de fixation. En une phrase, la tuberculose n'est que le
masque qu'empruntent les déchéances organiques : le bacille
expulsé, la tare persistera. Aussi est-on en droit de considé-
rer le bacille de Koch comme un saprophyte modérément
dangereux qui se fixe seulement sur les organismes défail-
lants et n'achèvent que ceux qui sont ruine.
en
Comme indispensable complément à la thérapeutique
CONCLUSIONS 619
alimentaire, on prescrira, de front, la culture physique et la
physiothérapie, sous forme de marche au grand air, et de
bains d'air et de soleil. Ces pratiques naturistes vont être
les médicaments actifs, stimulants de la nutrition, qui rem-
placeront avec un rare bonheur les excitants chimiques an-
tiphysiologiques.
A cause de sa sénilité gastro-hépatique précoce, qui rend
le tuberculeux si fragile à l'égard des aliments excitants
et concentrés et des médicaments, on a été dans l'obliga-
tion de le sevrer de tous les aliments trop vigoureuse-
ment stimulants et de le préserver de tous les corps
chimiques agressifs. Ne pouvant donc le faire bénéficier
d'un sollicitation trophique quelque peu efficace, par voie
interne, sans lui faire courir des risques d'épuisement, qui
seraient pire que le malj il ne faut pas se croire pour cela
quelque peu désarmé, puisque d'autres agents de rénova-
tion vitale, puissamment efficaces et aucunement nocifs,
par ce fait seul qu'il sont nos éléments naturels, vont rester
à notre disposition.
Comme c'est au relèvement du terrain que nous visons,
l'exercice physique, l'air et l'exposition solaire, mettront
précisément en branle, par leur action directe sur l'ensemble
de l'économie, sans passer par l'intermédiaire détraqué de
l'appareil métabolisant gastro-hépatique, les réactions ner-
veuses motrices, vaso-motrices, sensitico-sensorielles et tro-
phiques, les oxydations et la nutrition de notre masse san-
guine et de tous nos tissus.
Dans la pratique, il est irrationnel et néfaste de donner le
pas à la médication chimique sur la thérapeutique physiolo-
gique. On a cherché, comme toujours, à mieux faire que la
nature, et on n'a pu s'éloigner d'elle qu'en violant ses lois
et en nuisant, par suite, à l'économie. La physiothérapie,
grande dispensatrice d'énergie non meurtrière, puissante
bienfaitrice des organismes appauvris, régénératrice des
Q2Q ÉTUDE THÉRAPEUTIQUE

tissus infectés, est capable de produire des miracles de revi-


viscence viscérale et des cures insoupçonnées dans la tu-
berculose pulmonaire. Elle ne mérite donc aucunement
l'oubli et le dédain qu'on affiche à son égard.
La cure de repos systématique, telle qu'on la pratique, n'est,
dans trop de cas, qu'une cure d'empoisonnement. L'aéra-
tion, telle qu'on l'a préconise, est inefficace et insuffisante,
parce que l'action vivifiante de l'air pur ne peut s'exercer
efficacement que sur des organismes en mouvement. Et
elle demande à être complétée par l'usage quotidien des
bains d'air.
La cure solaire si facile à employer, fournit un agent cu-
ratif d'une puissance inconnue. Ses effets stimulants sur le
fonctionnement de l'appareil nerveux, de l'appareil gastro-
hépatique, son action oxydante sur les déchets organiques,
sa haute valeur régénératrice, sont trop manifestes pour
continuer à rester ignorés.
Il faut bien retenir toutefois que l'application de ces
.
agents physiques naturels (culture physique, bains de
soleil) n'est possible, ne donne lieu à aucun incident, et ne
détermine de surprenantes guérisons, que chez des sujets
strictement et logiquement alimentés. A l'abri des agents
atmosphériques comme à leur contact, ce qui donné la
fièvre, la congestion, l'hémoptysie, c'est la diététique défec-
tueuse.
Le sanatorium, tel qu'on l'a conçu au début, n'est qu'un
institut de perfectionnement des causes qui, précisément, sont
à l'origine des misères humaines qu'on croit y soigner: V arthri-
tismê et la tuberculose. Trop de sanatoriums, à cause des
pratiques antiphysiologiques qu'on y enseigne, ne sont que
des temples élevés en vue de la glorification et de l'am-
plification des préjugés de l'aliment fortifiant et de l'immo-
bilisation, destinés à combattre, dans la pensée de leurs
auteurs, des états d'anémie, de faiblesse et de
consomp-
CONCLUSIONS .621

tion, qui n'étant en réalité que des états d'intoxication, ne


peuvent que s'y aggraver.
A la pratique du sanatorium, école de gavage et de pa-
resse, doit se substituer une autre conception, qui per-
mettra, en les déviant sur le point d'application rationnel,
de tirer meilleur parti de tous les efforts consacrés jusqu'ici
en pure perte, a la cure de la bacillose.
Le sanatorium doit être une école d'hygiène alimentaire et
physique, de régénérescence, et peut ainsi jouer un rôle
social capital. On y combattra les préjugés dé la surali-
mentation et de l'inertie physique. On y travaillera à dé-
truire cette conception « de la lutte pour la vie, qui est en
ce moment la lutte pour la viande et pour l'alcool, double
source de dilapidation et d'injustice, qui alimente toutes les
autres. » (Moeterlinck) (1). On y appliquera les méthodes de
thérapeutique physiologique, seules efficaces et non dange-
reuses. On y fera l'éducation alimentaire des individus, en
leur démontrant les méfaits de l'alcool, de la viande, du
sucre, des aliments excitants ou toxiques, et de l'immobili-
sation physique qui, tous, sont synonymes de mort orga«
nique. On y apprendra la valeur de la sobriété alimentaire,
comme agent préventif et curatif des infections, et l'amour
du mouvement, sans lesquels il n'y a sur terre, aucun bien-
être physique ou moral, aucune joie de vivre.
La génération actuelle, caractérisée par la phobie de l'ina*
nition et de la fatigué, par le besoin de plus en plus pressant
de surexcitationsensitiveet sensorielle, queprovoquentrabus
des excitants et l'usage des poisons alimentaires, et qui
voit chaque jour s'accroître sa dégénérescence, sa dépopu-
lation, sa criminalité, ses tares mentales, ses prédispositions
morbides, ses infections (tuberculose, cancer), ne doit l'éclo-
siori et l'élargissement de toutes ces plaies sociales, qu'à
son excès de bien-être, avec ses corollaires immanquables :
(1) Moeterlinck. Le Temple enseveli, p. 190.
622 ÉTUDE THERAPEUTIQUE

le luxe, l'erreur alimentaire et l'inertie physique. Nous


nous mourons de fautes alimentaires et de sédentarité.
La lutte contre la dégénérescence de la race et l'infection
tuberculeuse n'est qu'une question de réforme alimentaire et
cultariste, en un mot, de thérapeutique physiologique.
Ce n'est pas en taxant l'infécondité, ni en augmentant
la ration du soldat en vin, en sucre et en viande, qu'on
travaillera à faire cesser l'état de malaise cénesthésique de
notre race, qui lui fait tant redouter l'effort, lui retire à
jamais la joie de procréer, et le courage de fonder une fa-
mille; ce n'est pas ainsi qu'on arrivera à enrayer des pra-
tiques d'intoxication, qui réalisent un véritable suicide de
l'espèce.
Ce qu'il faut, c'est agir sur la génération qui vient, par
l'éducation précoce et systématique de la jeunesse. C'est
beau, de rendre obligatoires le calcul et l'écriture. Ce serait
encore mieux d'étendre cette obligation à l'étude et la pra-
tique de l'hygiène alimentaire et physique.
A tous les enfants, il faudrait inculquer la haine de l'al-
cool, le mépris de la viande, la méfiance du sucre, l'amour
de la vie au grand air, la valeur hygiénique et thérapeutique
du mouvement et des agents naturels de médication : l'air
et le soleil. Pour cela, il faudrait, comme l'a déjà demandé
Herbert Spencer (1), établir une plus juste répartition des
efforts pécuniaires destinés à l'amélioration des races ani-
males qui peuplent la surface du globe ; ne pas dissiper des
millions à améliorer les races ou perfectionner l'élevage des
chevaux, des porcs ou des vers à soie, et songer, qu'après
tout, l'amélioration de la race humaine, présente, pour nous,
un primordial intérêt.
Si on veut se résoudre à envisager ainsi la question de la
morbidité et de la natalité générales, on arrivera, en deux
(1) Herbert Spencer. L'éducation intellectuelle, morale et physique,
CONCLUSIONS 623
TABLE DES MATÏÈ$»>\

PREMIERJE PARTIE
Etude étiologique et pathOgénique de la Tuberculose par Arthritisme

Exposé préalable %

Chapitre premier. — Etiôlogie de V Arthritisme 11


Chapitre II. —=• Pathogénie de F Arthritisme 29
Chapitre IlL -= Les petits signes de l'Arthritisme 31
Chapitre IV. — Arthritisme et Tuberculose 58

DEUXIÈME PARTIE

Étude clinique de la Tuberculose par Arthritisme.

Chapitre V. -=^ Syndrome d'hyposystolie par pléthore arthritique


et réflexe hépatique ,
73
Chapitre VI. — Formes cliniques 112
Formes aiguës 112
Formes chroniques ,
113
Formes spléno-pnêumoniques 118
Formes hémoptoïqùes ; lés hémoptysies 129

TROISIÈME PARTIE

Etude thérapeutique de la Tuberculose par arthritisme.

Chapitre VII. — Les échanges nutritifs du tuberculeux 135


40
Q26 TABLE DES MATIÈRES

Chapitre VIII. — Les Bases du traitement 15°

Chapitre IX. — Les Régimes alimentaires 176


1° Les apports : •
l'°
2° Les restrictions 185
3° L'hygiène alimentaire 194
Chapitre X. •— La sur alimentation et la Zomolhérapie 210

Chapitre XI. — Le Régime carné mitigé 236


Observations 247

Chapitre XII. •— Le régime ovo-lacto-végélarien 260


Observations 268
,

Chapitre XIII. — Lerégime végélalien 280


A. Importance de la suppression des aliments d'origine
animale <.
282
B. Importance de la notion de concentration moléculaire
des aliments 288
C. Importance de la désintoxication permanente obtenue à
l'aide d'une circulation intestinale activée 307
Application du régime 327
Objections 331
Effets du régime végétarien 342
Incidents de transition 345
Anaphylaxie alimentaire. .-
351
Chapitre XIV. — Le choix elles changements de régimes. Le Pro'
nostic 357
Chapitre XV. — Observations de cures végétaliennesStrictes 371
Tuberculose pulmonaire et ganglionnaire suppurée 371
Tuberculose pulmonaire et ganglionnairesuppurée .. 388
Tuberculose pulmonaire avecspléno-pneumonie 395
Tuberculose pulmonaire avec entérite mucomembfaneusê.
Grossesse. Allaitement 401
,
Tuberculose pulmonaire et génito-urinaire 404
Tuberculose ganglionnairecervicale suppurée 406
Tuberculose pulmonaire, laryngée et articulaire 409
Tuberculose pulmonaire ulcéro-caséeuse 410
Spléno-pneumonie ~ 412
Chapitre XVI. Etude de quelques aliments 415
La viande ..'. 415
.
Les oeufs 41 g
Le lait et ses dérivés 419
Les céréales 424
Le sucre 430
Les légumineuses 436
Les féculents 437
TABLE DES MATIÈRES 627
Les graisses 439
Les fruits 441
Les légumes verts 445
Lés légumes blancs 450
Les condiments et stimulants , ,
451
Le sel
Les boissons ..,.. 452
455
Lés aliments acides et générateurs d'acides 456
Chapitre XVII. — La théorie et le traitement de Ferrier 459
Chapitre XVIII. — Traitement médicamenteux et hygiénique.... 472
A- Médication générale 473
Les stimulants ,. 473
Les antiseptiques 459
La médication spécifique 483
,
Les toniques 483
L'hygiène médicamenteuse 486
B. Traitement symptomatique -
488
La fièvre 489
Les hémoptjrsies 498
La toux 506
, ,
Les douleurs de côté 506
La dilatation d'estomac 507
,
La Constipation 511
La congestion du foie 515
Les sueurs nocturnes «
517
Les insomnies 519
,
C. Traitement de quelques complications 520
Les entérites 520
Le rhumatisme 521
Les abcès 522
L'emphysème 525
L'albuminurie ; le diabète 526
La pleurésie 527
Chapitré XIX. — La Culture physique 528
La cure de repos 531
La culture respiratoire 536
La culture abdominale 538
Choix des moyens d'action 539
.
Technique 541
Objections 551
Autres exercices salutaires 555
La cure dé travail 558
Chapitre XX- —-Hydrothérapie. Aérothérapie. Héliothérapie.. . .
560
"1° Hydrothérapie 562
Eau froide 562
Eau chaude 563
628 TABLE DES MATIÈRES
564 !

2° Aérothérapie classique .^
3° Les bains atmosphériques ,^
Les bains d'air •
,_,.
Les bains de soleil
591
Chapitre XXI. — Schéma d'ordonnance '
,

Chapitre XXII. — Conclusions, /.7>~

Orléans, Iiiip. H. Tessier.

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