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Sujet 

: dans un article intitulé "Le théâtre et la cruauté", Antonin


Artaud définit sa conception du théâtre : "Nous voulons faire du
théâtre une réalité à laquelle on puisse croire, et qui contienne pour le
cœur et les sens cette espèce de morsure concrète que comporte toute
sensation vraie. De même que nos rêves agissent sur nous et que la
réalité agit sur nos rêves, nous pensons qu’on peut identifier les
images de la poésie à un rêve, qui sera efficace dans la mesure où il
sera jeté avec la violence qu’il faut. Et le public croira aux rêves du
théâtre à condition qu’il les prenne vraiment pour des rêves et non
pour le calque de la réalité ; à condition qu’ils lui permettent de libérer
en lui cette liberté magique du songe qu’il ne peut reconnaître
qu’empreinte de terreur et de cruauté". Le théâtre et son double, 1938
En vous appuyant sur des exemples précis, dites ce que vous pensez
de ce propos.

Introduction
Le théâtre français est issu du théâtre antique et plus particulièrement
du théâtre grec religieux de qui il tire ses structures et ses formes. Ce
théâtre, né de la liturgie en particulier des fêtes en l’honneur de
Dionysos montrait des scènes, aussi bien d’exaltation de ce dieu par
des poèmes lyrique chanté et dansé que des scènes violentes de
sacrifices d’animaux. Ainsi la tragédie est empreinte de cruauté dès
ses origines. En effet, depuis l’Antiquité grec jusqu’au XXe siècle, le
théâtre par la mise en scène des actions violentes : assassinat,
infanticide, tortures physiques, suicide…, s’inscrit dans la cruauté.
Dans sa définition du théâtre, en 1938, Antonin Artaud s’inscrit dans
cette continuité avec un approfondissement de la violence que le
spectateur doit ressentir par ses sens comme étant réel. Pour Artaud,
les scènes de théâtre ne doivent plus être vu comme de simples
représentations des passions humaines jouées par des comédiens mais
bien plus comme des réalités auxquels les spectateurs doivent y croire.
Pour l’auteur, la poésie rime avec rêve car par leur nature respective,
ils nourrissent paisiblement l’âme du spectateur. Tandis que théâtre
rime avec cruauté car la violence des images projetées a pour objectif
de faire vivre aux spectateurs des moments terrifiants et répugnants.
Comment expliquer que la violence devient la force de fascination du
théâtre ? A moins que les auteurs des pièces de théâtres et les
dramaturges sont eux-mêmes convaincus que les scènes de combats,
de meurtres, la vue du sang sur les corps et diverses souffrances
représentées fascinent les spectateurs parce qu’ils sont touchés dans
leurs sens et leurs émotions. Et qu’ils conçoivent le théâtre comme
pouvant instruire et éduquer.

Pourquoi la cruauté fascinerait-elle le public ?


D’abord, la cruauté plait parce qu’elle est touche les sens et fait réagir
le public d’une manière ou d’une autre. En effet, à la vue des combats
sanglants, des corps inanimés, les sens des spectateurs sont touchés et
leurs émotions s’échappent de leurs corps attestant d’une certaine
satisfaction. On peut le voir dans des spectacles de cirque où, par
exemple le combat entre deux lions fascine même les plus jeunes
publics. C’est la même curiosité nuisible qui fait accourir des passants
autour des personnes qui se battent violemment les encourageants à se
frapper encore plus fort jusqu’à demander parfois la mort du plus
faible. Cette violence représentée au théâtre existe en réalité, on le
voit, hors de la scène. Seulement, si elle se trouve condamnée dans la
vie réelle, elle est tolérée et même acceptée dans au théâtre car elle
serait une simple représentation, donc une action non réelle. La
cruauté au théâtre plait donc en ce qu’elle est considérée comme une
action non réelle, même s’il elle fait réagir le public. Pour le
dramaturge, montrer des actions violentes répond d’une certaine façon
aux attentes du public. Il ne s’agit pas seulement des mises en scènes
imaginées mais de satisfaire les sens du public par les émotions
qu’elles suscitent.
Ensuite, la violence au théâtre intensifie l’action. Un retour sur
l’étymologie du mot « théâtre » montre que ce mot vient du grec
théamai qui signifie « je vois ». Le théâtre donne donc à voir par les
différentes actions d’une pièce. D’ailleurs tout au théâtre donne à voir
depuis la salle de spectacle, les décors, les éclairages, les costumes, les
maquillages jusqu’aux scènes de violence, la vue, en premier lieu, est
sollicité et ensuite tous les autres sens. Or la violence donne aussi à
voir, d’abord et puis l’ouï, l’odorat et même parfois le toucher par des
gestes maladroits non voulu. Chez Shakespeare, par exemple, la
violence est montrée brutalement par des combats et des meurtres sur
scène mais aussi par des bruits de cris et de coups de canon comme
dans la scène de combat dans Richard III.
C’est aussi le cas dans Horace de Corneille, où les cris que pousse
Camille dans son agonie, suscite la terreur dans le public. La
particularité cette action c’est qu’elle se réalise hors scène, dans les
coulisses et pourtant les cris d’agonie de Camille, en même temps
qu’on les entend, active aussi une représentation visuelle chez les
spectateurs et intensifie l’action. Le public reste alors attentif et
concentré par tout ce qui se passe sur scène et hors de la scène.

De plus, par les émotions qu’elle provoque, la violence captive les


spectateurs. En effet, pendant la représentation, les spectateurs sont
traversés par plusieurs sentiments : la peur, le dégout, l’horreur, la
terreur qui caractérisent la tragédie. Mais l’inverse de ces sentiments
se produit souvent aussi. Ainsi au lieu de se réjouir de la souffrance
des acteurs torturés, le spectateur va plus manifester de la pitié, de
l’admiration soit pour la monstruosité du héros du mal soit pour le
courage et la capacité du personnage qui souffre sous la torture.

Au-delà du fait que la terreur excite, provoque des émotions fortes qui
peuvent-être sympathiques, antipathique ou même emphatique, son
usage au théâtre peut à certaine condition, servir la morale. En effet,
en exposant le destin tragique des héros du mal, le dramaturge
accomplit par là aussi une action morale. La tragédie dans ce cas est
du coté de la loi et même des dieux qui punissent de mort ceux font le
mal.
Pour finir, la cruauté au théâtre reste un défi difficile même si elle
demeure la composante irréductible du genre tragique. L’auteur des
pièces de théâtre, le dramaturge et le metteur en scène doivent se poser
sans cesse la question sur le degré de violence que le public peut
supporter. Même si Artaud pense que les fortes sensations que suscite
la violence dans les représentations théâtrales emmènent le public à
croire que ce qu’il vit dans cette salle de spectacle, il n’en demeure
pas moins qu’il y a des limites de ce qui est supportable. En ce qui
concerne le cinéma par exemple et même dans plusieurs grands parcs
d’attraction, cette question a été réglé par un âge limite pour prétendre
regarder certain films ou une taille limite pour avoir accès à certaines
activités jugées dangereuses pour les émotions.

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