Vous êtes sur la page 1sur 299

UNIVERSITÉ AZAD ISLAMIQUE

Branche Centrale de Téhéran


Faculté des Langues Étrangères

Thèse de doctorat
En Langue et Littérature Françaises

Sujet:

Du théâtre réaliste au théâtre absurde dans les pièces de théâtre, La Cerisaie,


Les trois sœurs de Tchékhov, En attendant Godot, Fin de partie de Beckett et
l’Escalier, Mort à l’Automne de Radi

Sous la direction de

Madame le professeur Anahita Sadat Ghaemmaghami

Professeurs-conseils

Monsieur le professeur Jafar Gahangir Mirza Hessabi

Madame le professeur Maryam Soudipour

Rédigée par:

Laleh Bahram zadeh

Année Universitaire : 2022-2023

1
Au nom de Dieu clément et miséricordieux

2
Remerciements

Au terme de ce mémoire de thèse, la première personne que je tiens à remercier


est la directrice de ma thèse, Madame le professeur Anahita Ghaemmaghami
pour ses encouragements, sa confiance, ses corrections, ses remarques
pertinentes, ses orientations, son soutien. Sans elle, ce travail n'aurait jamais vu
le jour. Je tiens à lui présenter tous mes respects et toute ma reconnaissance.

Je tiens, également, à remercier Monsieur le Docteur Mirza Hessbasi et Madame


le Docteur Maryam Soudipour pour leurs relectures minutieuses. Je les remercie
pour leur disponibilité et leurs conseils.

Je voudrais exprimer aussi ma reconnaissance aux membres du jury qui ont


accepté de lire et de juger la présente étude.

Je souhaite évidemment remercier ma famille pour le soutien constant tout au


long de mes études.

3
Introduction

4
Le dictionnaire Robert situe en 1833, l'apparition du mot « réalisme »dans le sens
d'une conception de l'art, de la littérature selon laquelle l'artiste ne doit pas
chercher à idéaliser le réel ou à en donner une image épurée. L'adjectif réaliste
s'appliquerait donc à des œuvres qui restituent le réel tel qu'il se présente dans le
monde. Une pièce de théâtre qui exposerait le portrait non idéalisé d'une réalité
reconnaissable serait donc qualifiée de réaliste.

Le réalisme, au théâtre, se mesure donc à la fois par l'intention : montrer la réalité


brute, et par la forme, c'est-à-dire les moyens par lesquels les artistes choisissent de
représenter le réel. Quand on entend des téléspectateurs soutenir que la Petite Vie
est réaliste, c'est qu'ils confondent le réalisme avec ce qu'une acception plus large
du mot permet, dans le langage quotidien, à savoir une « attitude qui tient compte
de la réalité ». Dans ce « Le portrait non idéalisé d'une réalité reconnaissable».

Le ce cas, on pourrait pratiquement dire que toutes les formes théâtrales sont
réalistes. À la limite ne pourrait-on pas, d'ailleurs, parler de la réalité de
l'imaginaire ? Mais si le terme « réalisme » est si souvent prononcé quand on parle
de théâtre, c'est sûrement aussi pour une autre raison, à savoir le fait que, par sa
nature même, cet art crée un « effet de réel » en imposant une « présence ». Voilà
d'ailleurs la première convention qui fonde toute l'entreprise théâtrale : le théâtre,
c'est du « réel non réel».

En effet, faire du théâtre implique que l'on fabrique du « réel » - des comédiens en
chair et en os bougent dans un espace physique construit pour l'occasion, revêtus
de costumes bien concrets, etc. - mais il s'agit d'un réel « fictif », c'est-à-dire un
réel au second degré, celui que les artistes inventent pour représenter le premier, le
vrai : la vie. Et l'on demande au spectateur de croire à ce jeu. Mais qu'est-ce que «
représenter la vie » ? Étymologiquement, représenter veut dire « faire apparaître,

5
rendre présent ». Jugeons d'abord du poids immense du préfixe, qui a une valeur
intensive mais aussi itérative, et que nous retrouvons également dans « reproduire
», « répéter », « remémorer » : nous y voyons l'idée d'un « deuxième temps » ; s'il
y a un « déjà existant », on ne peut parler que d'une « prise deux », comme dans
reprise. En effet, à partir du moment où il y a représentation, il y travail,
intervention, création. L'art multiplie le réel. Et forcément, toute œuvre instaure un
rapport entre ce réel et la fiction qu'elle est, mais ce rapport, cette superposition de
la fiction sur la réalité, peut- être de « transparent » à « opaque », par exemple si
l'on va du réalisme pur (le naturalisme) au symbolisme, en passant par toutes les «
nuances » que permet la stylisation théâtrale. Admettons aussi, d'emblée, qu'on ne
peut que proposer une « idée » que l'on a de la vie.

Ainsi y a-t-il, dans la notion de représentation, le sens d'une superposition de deux


types de présence : d'une part, la présence effective directe d'une personne, d'un
objet, d'une action ; d'autre part, la présence indirecte, médiatisée par la première,
d'une réalité qui n'appartient pas au champ de l'appréhension directe.

Le mot le plus intéressant dans cette phrase est « médiatisée », car il nous place
dans le vif du sujet : le théâtre est un mode de médiation du réel. On l'a dit, le
théâtre n'est pas le monde : il l'imite. Toute la question est de savoir comment il le
fait, comment il devient cet intermédiaire entre le réel et le spectateur, ou, si l'on
veut, son interprète. Le modèle est toujours le même : le monde, la vie des hommes
et la société.

Comme l'art, par définition, sert de discours sur ce monde, cette vie et cette
société, on attend du théâtre qu'il en rende compte, mais aussi qu'il les apprécie.
Or, il peut le faire de multiples façons : de la copie - si l'on veut que le théâtre
montre le réel tel qu'il est (nous n'entrerons pas dans la question philosophique de

6
la définition de la réalité) - à la transposition stylisée. Qu'est-ce donc que le
réalisme dans cette perspective?

Comme tous les arts, le théâtre s’est développé en rapport avec les autres formes
littéraires et artistiques. De telles formes ne naissent et ne s’épanouissent jamais
isolément. Elles se modifient en fonction des autres, qui s’épuisent ou au contraire
prennent le devant. Le théâtre n’a pas échappé à cette règle. Parfois florissant,
parfois peu original, il évolue au fil des siècles, pour culminer au temps de
Sophocle ou au XVIIe siècle. Pourquoi et selon quelle logique ?

Le théâtre entretient sans aucun doute un rapport privilégié avec le réel, qui est, et
ce qui est représenté sur la scène. Mais cette représentation ne saurait avoir lieu
sans le filtre que constitue le double regard de celui qui crée le spectacle et de celui
qui y assiste. Ainsi l’art théâtral passe-t-il par une nécessaire déformation du réel,
qui n’est peut-être que la tentative pour donner forme au monde, envisagé non
comme objet mais comme devenir. Le théâtre est en quelque sorte, plus encore que
le roman où la poésie, le miroir du réel.

En effet, parmi les différents genres littéraires, et même parmi les différents arts, il
est le seul à atteindre l’épaisseur physique, vivante du réel. Le roman est un objet,
fait de pages reliées, destiné à la lecture silencieuse et individuelle : l’histoire ne
s’y peut représenter que dans l’imagination, la rêverie du lecteur. La poésie est une
voix, une musique, qui s’élève seule sans être mise en acte. Elle ne représente que
de manière indirecte, elle figure le monde, et par là le transforme. Le théâtre au
contraire n’existe que dans la représentation physique, dans l’incarnation des voix
dans des corps en mouvement. Mieux encore : ces corps évoluent dans un décor,
ils ont des vêtements, tiennent des objets, s’asseyent sur des sièges, habitent un
espace. Les dramaturges et metteurs en scène ont toujours prêté beaucoup

7
d’attention au décor, aux accessoires, aux costumes, toutes choses réelles qui
ancrent le spectacle dans le monde. À cela il est nécessaire d’ajouter les multiples
costumes, conformes à la fonction des personnages, roi, reine, nobles, danseurs, et
les acteurs eux-mêmes, qui prêtent leurs corps, leur visage, leur voix et leurs gestes
aux personnages qu’ils incarnent pour quelques heures.

Ainsi le théâtre nous plonge-t-il plus qu’aucun autre art au cœur même du réel, de
sa matérialité, de son épaisseur vivante et concrète. De plus, une grande partie de la
production théâtrale a pour visée une approche réaliste du monde : le théâtre se
donne alors pour but de représenter le réel.

Le réel occupe une place primordiale dans la représentation théâtrale, et ajoutons


que le rapport à ce "réel" varie selon les époques et les environnements des auteurs.
Le théâtre réaliste correspond à un miroir déformé et déformant capable de
transcender le réel et ses contraintes vers un nouvel impossible considérant le réel
comme " ce qui constitue ou concerne seulement une idée".

Le théâtre représente la problématicité des valeurs et de leurs engagements dans


les moments de leur plus grande confusion. C’est l’art type de l’accélération de
l’Histoire, souvent privilégié entre des périodes de création picturale ou d’opéra,
quand les fractures sociales se dessinent, se creusent, où les différences qui ont
émergé sont remises en question à leur tour. L’honneur, la vanité oppressante, le
retrait des dieux ou de Dieu, nourrissent les confusions et les aventures, le crime
comme le ridicule.

Le théâtre, c’est la représentation d’un monde où l’ancien et le nouveau se


heurtent encore de façon indécidable, avec ses nostalgies et ses espérances, ses
indignations et ses remords. La grandeur du théâtre est de répondre sur les grandes
questions qu’on ne parvient plus, ou pas encore, à résoudre dans un monde qui

8
change. On les met alors en scène, on les représente, et on donne à penser le
problématique dans ce qui le consacre comme ressort de la pensée et du vivre.

Le réalisme dans le théâtre montre plutôt l'angoisse, la mort, le sort désagréable et


tragique de l'homme dans la société ainsi que les inconvénients qui les entourent et
qui les mènent à avoir une vie et une condition affreuses. L'homme dans cette vie
réelle qui n'a pas vraiment de sens, recourt à une vie absurde. Alors dans ce monde
réel le théâtre voit naître l'absurdité. Cette absurdité, dans le monde, s’agit d’une
reproduction complète et sincère du milieu où l’on vit, une reproduction vidée de
tricherie et de mensonge.

Le réalisme du théâtre est apparu au XIXe chez Anton Tchékhov en Russie et


également dans la seconde moitié du ΧΧe siècle, en Europe et dans les autres
parties du monde, comme l’Iran, avec les pièces de théâtre d’Akbar Radi, le
réaliste qui est aussi influencé par les idées réalistes et absurdes de Beckett et
d'Esslin.

Au XXe le théâtre de l’absurde, bien qu’il soit inspiré des surréalistes, est
totalement opposé au réalisme. Le théâtre de l’absurde est un style de théâtre
apparu au XXe siècle, à l’époque de la Seconde Guerre mondiale, qui se
caractérise par une rupture totale avec des genres plus classiques, telles que la
tragédie, la comédie ou la tragi-comédie, rupture qui se traduit par exemple par un
manque total de continuité dans les actions ou l’absence d’histoire.

C’est un genre traitant fréquemment de l’absurdité de l’Homme et de la vie.


L’origine de ce mouvement est sans aucun doute essentiellement liée à la chute de
l’humanisme et au traumatisme causé par la Première Guerre mondiale. Si ce
mouvement littéraire s’est inspiré des surréalistes et des dadaïstes, il est
radicalement opposé au réalisme. Mais chaque théâtre est absurde est une sorte de

9
théâtre qui est issue du théâtre réaliste puisque chaque sujet est par rapport de la
condition de l'homme.

La particularité des créations de Ionesco et de Beckett est qu’ils réduisent les


personnages au rang de pantins, détruisent entre eux toutes possibilités de
communication, ôtent toute cohérence à l’intrigue et toute logique aux propos
tenus sur scène. Toutefois, Samuel Beckett a toujours nié faire partie de ce
mouvement, malgré les pièces Fin de Partie et En Attendant Godot qui possèdent
pourtant les caractéristiques du genre.

Ce genre évoque fréquemment l’absurdité de l’homme et de la vie. En effet,


l’absurde au théâtre bouleverse entièrement le monde du théâtre créant un anti-
théâtre avec des personnages anti- classiques évoluant dans un environnement
étrange où le temps ne passe pas comme il devait. Cela propose des relations plutôt
logiques, comme par exemple, l’exagération des sentiments qui caractérise la
dimension métaphasique des personnages.

Mais le réalisme n’est pas très loin du théâtre de l’absurde. Nous pouvons le
considérer dans les pièces de théâtres de ces trois génies du théâtre: Tchékhov,
Beckett et Radi. Ces trois dramaturges décrivent la condition de l’homme dans la
vie, la misère absolue de l’homme et les problèmes essentiels des peuples dans
chaque société et chaque époque. À vrai dire les thèmes du théâtre réaliste sont
ceux du théâtre absurde.

L’analyse d’Anton Tchékhov sur l’évolution des nouvelles dans la littérature du


ΧΧe siècle est considérable. Supposant que " la brièveté est sœur du talent ", il met
en route une perfection conçue par l’esprit, autrement dit un idéal, c’est-à-dire une
sobriété et une simplicité désirée. Il s’agit pour lui de décrire la vie dans toute sa
complexité avec une manière dense et concise.

10
Les personnages de Tchékhov sont des gens ordinaires, de tous milieux, qui suite
à une situation souvent mineure, perdent leur repères familiers. C’est ainsi que
dans tous les récits de Tchékhov, on retrouve une révélation sans importance, mais
cependant troublante. Dans les nouvelles et les pièces de théâtre tchékhoviens, le
quotidien et l’engourdissement sont toujours présents. Il faut préciser que les
thèmes de destins avortés et non-communication, chers à Tchékhov, sont souvent
présents.

La vie n’est pas simple pour le héros tchékhovien : ennuyeuse, monotone, elle est
aussi cruelle, et ne donne jamais ce qu'elle semblait promettre. Les médecins sont
dépossédés de leur science, leurs malades meurent entre leurs mains ; les
universitaires sont affaiblis, leurs travaux ne mènent à rien ; les amoureux sont
trahis, leurs sentiments ne sont que du vent ; les jeunes filles nobles sont
désespérées, aucune passion romanesque ne vient troubler leur cœur ; les hommes
mariés sont désabusés, leur quotidien est un enfer. Certains ont cependant trouvé
une parade : en équilibre sur un fil, ils évoluent dans une sorte de demi-monde,
dans une réalité estompée. En fait le théâtre tchékhovien est en quelque sorte un
théâtre absurde d’où nous pouvons constater le mal et le non-sens de la vie au
XIXe siècle.

Malgré l’humour omniprésent, l’écriture de Tchékhov est caractérisée par la


mélancolie et le pessimisme. En effet, la misère humaine exprime la tristesse, la
désillusion et la déception y sont présentes. Par exemple, dans la pièce Monsieur,
un vieil évêque se sent seul et abandonné à la fin de son existence. L’invitation et
insatisfaction du personnage montre le point de vue tchékhovien du non-sens, et
surtout de l’absurdité de la vie.

11
Les pièces de Tchékhov que nous allons analysons dans cette recherche et qui
racontent la mort et la solitude de l’homme face à la société sont: La Cerisaie et
Les trois sœurs. Ajoutons que cette solitude et cette mort ne donnant pas un ton
totalement noir, car ces dernières s’effacent devant la poésie du quotidien.

Nous savons que Beckett aussi est assez réaliste dans sa description des
personnages des pièces expérimentant le tourment postmoderne du moi face au
Néant. Ce que l’on entend ici par le terme «réaliste», c’est que dans ses œuvres
littéraires, Beckett documente la vie ordinaire de ses personnages sans les verres
de rédemption teintés de rose.

Pour tous les artistes du XXe siècle, comme toute personne ayant vécu à cette
époque, la Seconde Guerre Mondiale a joué un rôle majeur dans leur perception de
leur réalité. Samuel Beckett n’échappe pas à la règle. L’écrivain ne monte pas au
front, vivre cette "drôle de guerre". Il joue pourtant un rôle prépondérant dans les
services de la Résistance.

Fidèle à son style d’écriture, le célèbre écrivain et dramaturge d’origine irlandaise,


qui s’est fait connaître pour son univers absurde avec ses œuvres théâtrales
austères qui font dans le pessimisme, met en lumière l’aspect sans issue de la vie,
tout en y ajoutant une bonne dose philosophique.

Dans les romans de Beckett, plus encore que dans ses pièces, ce n’est pas un sens
qui manque à la voix, mais un centre; elle tourne sur elle-même à l’infini, continue
à se poser des questions identiques auxquelles elle ne sait pas répondre. Le langage
devient alors l’incarnation de l’angoisse de vivre.

Beckett est fidèle à la finitude du fini et à la limitation de la condition humaine.


Cette finitude de la condition humaine est particulièrement évidente dans la

12
représentation de Beckett de la dégradation physique inévitable que certains des
personnages subissent dans ses pièces célèbres.

L’œuvre de Beckett constitue dans son ensemble une méditation tragique sur
l’absurdité de l’existence et sur le rôle de tout premier plan qu’y joue la langue. Il
est difficiles de définir les créatures qui apparaissent dans ses romans ou dans ses
pièces; elles ne possèdent aucune caractérisation et ressembleraient plutôt à des
masques grotesques qui incarneraient le désespoir et la solitude de l’homme. Seul
le langage, abandonné à lui-même et désormais incapable d’assurer la
communication entre les êtres, continue à faire preuve d’une certaine vitalité,
illusoire toutefois puisqu’elle ne peut arrêter la course vers la mort. En définitive,
Beckett est très proche des nouveaux romanciers avec lesquels il partagera la
même maison d’édition, découvreuse de talents, comme dans En attendant Godot
ou Fin de partie jouées aussi bien à la Comédie-Française que par de jeunes
troupes qui se cherchent, a éclipsé la prose d’un auteur qui n’y a pourtant rien dit
de différent. Il n’existe aucun dialogue, aucune description dans ces romans seule
une voix ininterrompue exprime la déchéance du corps et de la langue.

Ce n’est pas un hasard si Beckett va droit au silence, cette forme de silence est le
résultat des conséquences de la Seconde guerre. Le problème essentiel de ses
pièces de théâtre est la condition de l’homme dans la vie quotidienne.

Akbar Radi a aussi un regard social, il parle du peuple pour le peuple. Il a un style
qui dépeint la douleur humaine, la douleur des personnages qui sont vrais.

L'un des dramaturges iraniens qui a influencé la plupart des dramaturges en Iran,
Akbar Radi, est né au Nord de l’Iran à Rasht, au milieu de la nature. Il est l'un des
pionniers et des célébrités du théâtre contemporain de notre pays, qui a écrit des
pièces iraniennes pendant plus de quatre décennies, et reflète la réalité de la société

13
d'aujourd'hui dans une atmosphère iranienne moderne, avec un style unique : une
scène qui n'a pas la couleur et l'odeur de nos pièces historiques, et en même temps
est l'histoire elle-même. Tout cela a été réalisé grâce à sa connaissance précise des
réalités de la communauté qui l'entoure. Comme a dit Rezaï Rad :

Un dramaturge qui n'a pas posé sa plume par terre, il n'a pas vendu de pain aux
oppresseurs ? Pas plus qu'il n'est tombé dans le piège d'une écriture ridicule (…). Il
est donc le seul à mériter pleinement le titre de dramaturge. (Rezaï Rad, 1999: 86)

Radi a réussi une idée unique dans la caractérisation en se tenant à l'écart des
dommages d’immerger dans l'un des courants de pensée contemporains (qu'il
s'agisse de traditionalisme et d'inclination vers l'Est, ou de courants intellectuels
inclinés vers l'Ouest). Dans ses œuvres il a abordé des thèmes propres à l'Iran
contemporain.

Akbar Radi a commencé son expérience d'écriture à l'adolescence. En 1959, en


même temps que son diplôme d'études secondaires, il envoie l'histoire de La Pluie
au concours de contes du Magazine « Information Jeunesse » et remporte le grand
prix de ce concours. Par la suite, il a écrit sa première pièce, Perdu ainsi que
quelques autres pièces comme La Route publiée dans le magazine « Information
jeunesse » et La Rue publiée dans le mensuel Sokhan.

Il fait paraître la pièce Trou Bleu en 1962. Il a écrit cette pièce après avoir lu La
maison de poupée d'Ibsen. Il a confié la pièce à Ahmad Shamloo, et ce dernier l’a
décrite comme une rébellion générationnelle contre un régime usé mais patriarcal.
Deux événements importants, l'un, la connaissance de Shahin Sarkisian, le grand
maître du théâtre national, en 1960, et l'autre, celle de Jalal Al-Ahmad en 1962,
déterminent le destin de Radi.

14
Alors la scène théâtrale iranienne, pendant quatre décennies, a bénéficié des écrits
de cet écrivain perspicace et éclairant. Radi est entré, avec succès, dans la Maison
des Intellectuels Contemporains et ses réussites sont le résultat de ses efforts
inlassables pour se familiariser avec la littérature persane et faire revivre les
idiomes des différentes classes, pour étudier les problèmes scientifiques de la
société, et se familiariser pleinement avec les œuvres d'auteurs et de dramaturges
de renommée mondiale, en particulier Tchékhov, Ibsen et Tourgueniev. On a
beaucoup écrit sur Tchékhov et son influence sur le style d'écriture de Radi.

Radi avait une vision scientifique des problèmes culturels et sociaux de l'Iran, loin
de l'étroitesse d'esprit ou des goûts des courants politiques de l'époque. Son
réalisme comprend des faits réels. Il faut ajouter cependant qu’aucun de ses
personnages ne sont réels. Ces personnages sont le fruit d’un mélange de sa vérité
et de sa créativité. Ce sont des personnages contradictoires et imprévisibles. La
force de Radi se résume dans la création de ses personnages. En effet, Akbar Radi
a une grande compétence dans l’écriture des dialogues. De plus, c’est un écrivain
très actif qui connaît bien les bases théâtrales dramatiques. Beaucoup de
personnages considèrent Radi comme le Tchékhov iranien. Les personnages des
pièces de Radi sont plutôt des intellectuels ressemblant aux personnages des
classes aisées de Tchékhov qui demeurent désespérés et inactifs comme les
personnages désespérés de Beckett.

Les pièces de ces trois génies de théâtre sont le miroir de la société, alors l’essence
de notre travail est basée sur un ensemble concernant le théâtre réaliste au théâtre
absurde chez ces trois dramaturges. Notre problématique dans cette recherche est
basée sur l’étude de la condition de l’homme dans les pièces de théâtre réalistes et
absurdes de ces trois grands dramaturges russe, francophone et iranien. À cet
égard, dans cette thèse, notre objectif de travail est basée sur l'analyse des idées

15
de ces trois dramaturges et la comparaisons de leurs pièces de théâtre pour
montrer leur réalisme ainsi que leur absurdité de la vie dans la société dans les
pièces La Cerisaie, Les trois sœurs de Tchékhov, Fin de Partie et En attendant
Godot de Beckett et Les Escaliers et Mort à l'Automne de Radi.

Après la présentation de ces trois écrivains nous constatons que ces derniers
s'occupent de la condition humaine dans la vie, du non-sens de la vie, de la vie
désespérée et de la mort. Alors c’est judicieux de poser les questions auxquelles
on essaiera d’apporter des réponses dans ce travail de recherche :

1- Qu'est-ce que le théâtre réaliste et absurde? Et quels sont les caractéristiques de


ces genres théâtraux?

2- Comment peut-on expliquer le réalisme et l’absurdité dans l’œuvre de ces trois


génies de théâtre?

3- Comment peut-on expliquer le théâtre réaliste au théâtre absurde chez


Tchékhov, Beckett, Radi.

4- Quel rôle joue le théâtre littéraire dans la présentation de la condition humaine ?

5- Pourquoi ces trois dramaturges représentent la condition humaine, la mort, la


vie absurde dans leurs œuvres?

6-Délibérément ou inconsciemment, le dramaturge ne cesse de montrer la


souffrance humaine dans son œuvre pour qu’on puisse trouver un ailleurs de ce
monde onirique et cruel ?

7-Quel est le rôle du personnage dans la société chez ces trois dramaturges?

8- Quelles sont des ressemblances et des divergences entre les pièces de théâtre de
ces trois génies?

16
Pour répondre à ces questions mentionnées ci-dessus nous allons travailler sur les
domaines suivants en trois parties:

Dans la première partie de ce travail de recherche nous allons aborder les thèmes
du Réalisme et de l'Absurdité dans le théâtre en général. Dans cette partie nous
allons avoir trois chapitres qui aborderont tout d'abord le thème du réalisme dans
le théâtre ensuite le thème de l'absurdité et dans le dernier chapitre de la première
partie de cette recherche nous allons présenter la société et la condition de l'homme
dans le théâtre réaliste et absurde tout en nous appuyant sur les idées générales de
ces trois dramaturges.

Notre deuxième partie sera une étude sur les idées de ces dramaturges, tout en
donnant des analyses complètes sur les pièces déjà mentionnées. Nous allons avoir
trois chapitres et chaque chapitre est consacré à étudier les œuvres théâtrales de ces
trois dramaturges.

Notre dernière partie, troisième partie, de ce travail en trois chapitres, est une
étude comparative entre ces trois dramaturges afin de comprendre mieux les
ressemblances et les divergences entre leurs pièces et les points essentiels de leurs
œuvres.

Notre méthodologie de recherche est basée sur une critique analytique et


comparative. La méthodologie dans ce travail de recherche est basée sur la
méthode comparée du texte chez les trois dramaturges. Pour travailler sur la
comparaison entre les œuvres de ces trois dramaturges nous allons travailler sur
les thèmes identiques ainsi que nous allons les analyser en parallèle afin d'en
dégager les similitudes et les différences. Notre commentaire comparatif porte sur
six œuvres mentionnées ci-dessous afin de présenter les ressemblances et les

17
divergences entre les idées de ces trois dramaturges. Certainement nous allons
donner notre jugement personnel pour mieux comprendre leurs œuvres.

18
PARTIE I
Le Réalisme et L'Absurdité dans le
théâtre

19
Chapitre I. Le Réalisme et le théâtre

Le réalise au théâtre ne suscita aucun mouvement stylistique déclaré. Dès les


premières années du XIX siècle, les théâtres proposèrent au public des dispositifs
scéniques de facteur réaliste; le mélodrame, avait initialisé le mouvement et
l’engouement du public l’amplifia: les auteurs romantiques s’appuieront sur cet
état de fait et reprendront cette exigence du rapport au naturel attendu par le public:
la réalisation scénique, dénommée « mise en scène »deviendra minutieuse et, sous
la houlette des auteurs, le réalisme devient la référence première dans l’élaboration
des représentation théâtrales.

Les auteurs de la comédie bourgeoise poursuivent les mêmes exigences, les


réalisations scéniques se devaient d’être réalistes .cette réaction marque un tournant
en ce qui concerne les relations entretenues par les auteurs avec les théories de
représentation. Avant le XIX siècle, malgré de nombreuses tentatives, la nation de
réalisme avait toujours été honnie par les dramaturges.

En France, au milieu du XIXe siècle, l’intérêt pour la psychologie et les problèmes


sociaux donne naissance au naturalisme. Pour ce mouvement, l’art est investi d’une
mission de progrès, qui passe par la description objective du monde réel. Les valeurs
spirituelles qu’avait cultivées le romantisme y sont abandonnées et même
combattues. Influencés par le développement de la science, les naturalistes voient
dans l’hérédité et le déterminisme social l’origine des actions humaines. Leur chef
de file, Émile Zola, compare l’auteur dramatique à un physiologiste, chargé
d’exhiber la maladie pour pouvoir la guérir. Le théâtre et la littérature doivent en
conséquence insister sur les plaies de la société.

Contre les turlupinades, mots d'auteur, « élégances » littéraires, Émile Zola, vers
1880, s'insurge et essaie de mettre en scène les théories du roman naturaliste. Il

20
pense que le théâtre doit s'ouvrir à la lente mise à mort des pauvres êtres en proie à
l'hérédité, à l'alcoolisme, au milieu social. Le décor et les attitudes des acteurs
doivent selon sa théorie, être une reproduction fidèle de la réalité : plus de tirades
face au public, plus de mots d'auteur, mais une langue puisée aux sources
populaires, un jeu sobre ; ces principes, qu'André Antoine essaye de mettre en
vigueur grâce à son Théâtre Libre ont pour effet de renouveler le répertoire. C'est en
Russie que le théâtre réaliste donne ses chefs-d'œuvre avec les tragédies à mi-voix
d'Anton Tchékhov et surtout avec les pièces de Maxime Gorki qui inaugure avec les
Bas-fonds un théâtre où le réalisme sert à dramatiser l'expression d'une thèse sociale.
Ce théâtre réaliste a du reste tendance à glisser vers le didactisme et c'est d'ailleurs
de lui que naît le genre « pièce à idées », qui donne naissance au théâtre politique.

I.1.1Parler du réel

Depuis ses origines, le théâtre imite le comportement des hommes. Aristote


affirme que « l'épopée et le poème tragique, comme aussi la comédie, le dithyrambe
et, pour la plus grande partie, le jeu de la flûte et le jeu de la cithare, sont tous d'une
manière générale des imitations » ; mais ils « imitent par des moyens différents »,
ou « imitent des choses différentes », soutient-il encore. Et « les danseurs aussi, à
l'aide de rythmes que traduisent les figures de danse, imitent caractères, passions et
actions. » (Aristote, Poétique, 1979: 1447)

Certes, Aristote ne parle pas d'une imitation qui soit simple figuration. Sa célèbre
mimesis ne veut pas dire reproduction servile. Bertolt Brecht s'en souviendra, lui
que prétendra que le réalisme ne consiste pas à reproduire les choses réelles, mais à
montrer comment les choses sont réellement.

21
Le théâtre antique imitait le comportement des hommes même si les personnages
étaient plus grands que nature, que leurs passions et exploits étaient démesurés. Sur le
plan visuel, la confusion entre l'homme « réel » (celui du quotidien) et l'homme
impossible à cause du port du masque et des «représenté » (le personnage) était
rendue cothurnes, comme par le fait que le texte était déclamé ou chanté. De la même
manière, le théâtre classique a atteint des sommets de justesse psychologique tout en
usant de procédés conventionnels qui lui étaient propres. Le « réalisme », si l'on se
permet cet anachronisme, se mesure alors à la vraisemblance. On n'a jamais mis en
doute, non plus, la capacité de pratiques théâtrales, telle la commedia dell'arte ou la
comédie moliéresque de parler du réel, c'est-à-dire, d'une manière crédible, des
comportements et des sentiments humains. L'image schématique et la caricature ont
fait leur preuve quant à leur pouvoir d'évocation. Brecht s'inspirera d'ailleurs de ce
jeu typé; pour fonder sa théorie de la distanciation ce sera une façon pour lui d'éviter
que l'on perçoive ce qui se passe sur la scène de la même manière qu'on perçoit ce
qui se passe dans le monde. Il s'assure de la sorte, par le biais du jeu stylisé, que le
spectateur voie la différence, qu'il ne puisse plus trouver certains comportements
naturels mais les considère plutôt comme étranges. (Daniel Couty et Alain Rey,
1995: 61)

Cette démarche amènera le spectateur à s'interroger sur le réel au lieu de le tenir


pour acquis ; comme elle lui évitera le piège du narcissisme, présent dans le drame
bourgeois.

Toutes ces formes théâtrales ont en commun de « grossir » la vie pour mieux la
faire voir. « Parler du réel » veut alors dire le représenter sur un mode artistique, en
tant que reconstruction et inspirée par un certain point de vue. L'artefact devient une
réorganisation stylisée du monde : il est discours sur ce monde, puisqu'il attire

22
l'attention sur certains de ses aspects qui ont été ainsi mis en lumière. C'est dans ce
décalage entre la réalité et la fiction que s'insinuent le message, la pensée artistique.

I.1.2 Refléter le réel

Alors que le théâtre avait habitué le spectateur à considérer le spectacle comme une
transposition du monde à la scène dans le but - les exemples précédents l'ont montré
d'en faire voir des aspects cachés, certains artisans du théâtre, au XIXe siècle, se
sont découvert un nouvel objectif : au lieu de commenter le réel, ils allaient le
refléter tel qu'il est. Il faut dire que la tendance au réalisme a été, à ce moment-là,
une réaction à certaines formes de théâtre, le mélodrame et le boulevard par
exemple, devenues ampoulées, grandiloquentes, où se multipliaient les clichés.
Avec les années, le théâtre s'était embourgeoisé, de sorte qu'il n'était plus, très
souvent, qu'un divertissement d'aucuns diraient décadent - qui ne remettait plus rien
en question. Le romantisme s'essoufflait, on en avait contre le lyrisme et la
moralisation, bref, la scène était mûre pour un renouvellement. Du moins devait-elle
renouer avec le réel, qu'elle avait quelque peu négligé dans son affectation. Comme
si l'on avait tout à coup réentendu les propos de Diderot, on a tablé sur le drame et
l'on s'est mis à souhaiter un théâtre plus « naturel », où la « vérité » allait, ou comme
disait Diderot:

»Donner l'illusion la plus parfaite possible du vrai : éclater, un théâtre à portée


sociale. Les artisans de ce nouveau théâtre étaient persuadés que le meilleur moyen
de participer au mouvement positiviste de l'époque était de copier, le réel avec un
soin presque maniaque. Évoquer les conditions de vie des gens, créer de véritables
copies conformes allaient ouvrir les yeux des spectateurs sur des réalités
environnantes qu'ils négligeaient de voir, ou n'avaient pas l'occasion de voir. Sur le

23
plan esthétique, le souci était alors de donner l'illusion la plus parfaite possible du
vrai.» (Ibid.,: 67)

Les outils du réalisme : costumes et accessoires (en fait des vêtements et des objets
tirés du monde), décors minutieusement reproduits du réel, langage parlé de la
conversation, tout était mis à contribution pour imiter dans les moindres détails une
« tranche de vie » et insérer les personnages dans l'Histoire.

Le mot d'ordre était la vraisemblance, au point où le spectateur devait oublier qu'il


était au théâtre. Ainsi le meilleur théâtre était celui qui mettait les moyens théâtraux
au service de sa propre « disparition ». Le spectateur trouvait son plaisir dans la
reconnaissance d'un univers ; de plus, il s'identifiait à l'un ou l'autre des personnages,
pouvant ainsi ressentir les mêmes émotions que lui. C'était là, croyait-on, un mode de
connaissance de l'homme et de son comportement. Témoin d'une expérience de vie
autre que la sienne, mais dans laquelle il se reconnaissait et qui venait remuer des
sentiments chez lui, le spectateur devenait une sorte de « voyeur » - ce que Brecht lui
a d'ailleurs reproché, prétextant que cette position l'empêchait d'avoir un regard
critique sur les agissements des personnages. Comme il adhère très fortement à ce
qu'il voit, le spectateur n'a pas le recul nécessaire pour « étudier » la situation. C'est
comme s'il la subissait lui-même. Cependant, «Les tenants de cette forme de réalisme
croyaient avoir une meilleure prise sur la réalité par le biais de ce mode de
représentation. Faire vivre par procuration la vie d'un autre pouvait amener à une
meilleure intelligence des émotions, des motivations, des passions qui agitaient les
gens. Aujourd'hui encore, l'authenticité de la représentation apparaît pour plusieurs
comme un gage de sincérité et de vérité.» (Ibid.,: 72)

I.1.3 Le réalisme et l'action réelle dans le théâtre

24
Dans la foulée du courant naturaliste mené par le romancier Zola, des hommes de
théâtre, comme André Antoine, ont proposé des mises en scène dans des décors
créant de façon concrète et précise les lieux de l'action, afin de donner aux
personnages un cadre d'existence le plus vraisemblable possible, comme s'il
s'agissait de personnes réelles. Il ne fallait surtout pas embellir la réalité ni la
transposer de quelque manière que ce soit, puisque l'effet recherché était de faire
saisir les liens entre l'environnement, le milieu et le comportement ou les attitudes
morales. Le déterminisme étant à la mode, l'illustration du milieu devait contribuer à
faire comprendre le caractère individuel.

Dans ce cas, le réalisme est, disons, « intégral » : on copie le réel dans le but qu'il
soit vu. Mais, en fait, le naturalisme n'a pas connu un aussi grand succès à la scène
que dans le roman. Très vite, on a réagi contre le naturalisme au nom de l'idéalisme
ou du symbolisme ; on lui a reproché, entre autres, sa psychologie sommaire.
(Corvin Michel, 1991: 600) Et l'on a renoué avec le pouvoir de transposition et de
transfiguration du réel à la scène propre au théâtre.

Au XXe siècle se côtoient des drames d'une grande diversité. On réactive les
mythes anciens : Cocteau, Anouilh, Sartre ; on illustre une pensée philosophique:
Camus, Sartre, Beckett ; on engage le théâtre dans le débat politique : Sartre, encore
mais surtout Brecht ; on flirte avec le sacré : Artaud ; la farce se fait sombre :
Ionesco, Adamov, Beckett. Aux détours de ces écritures, le langage théâtral
confirmera de plus en plus son autonomie. De nouveau, la scène affiche sa
spécificité, elle n'est pas qu'un auxiliaire de l'action. Le théâtre ne recrée plus une
réalité qui lui est antérieure, il en propose une réorganisation formelle. Est-ce à dire
que le réalisme est disparu ? Non, puisque la question du réalisme resurgit comme
un rappel à l'ordre, pour reposer toujours la même question fondamentale : comment
peut-on rendre compte de la réalité?

25
D'une époque à l'autre, d'un lieu à l'autre, le « vrai » est relatif, et la nécessité de se
repositionner par rapport au réel commande la recherche de nouveaux moyens de le
faire. En même temps que l'absurde s'expose sur les scènes européennes, le réalisme
aux États-Unis, par exemple, suit d'assez près les enseignements du naturalisme dans
son effort de reconstituer le quotidien : pensons aux œuvres d'Edward Albee, de
Tennessee Williams. Il n'en va pas de même, par contre, du néoréalisme en France,
qui se répand un peu plus tard, durant les années soixante-dix et que l'on appelle
théâtre du quotidien ou théâtre de chambre. Au dire de Michel Corvin: Le relatif
anonymat des personnages, la dramatisation minimale des fables, leur localisation
dans des lieux facilement assignables donnent aux textes l'apparence de la simplicité
et de la transparence. [...]. (Ibid.,: 695)

Toutefois l'écriture introduit dans cette apparente simplicité des failles de nature
variable (rupture de continuité, bizarreries de vocabulaire, étrangeté des
comportements, goût du monologisme) qui, sans construire de signification claire au
plan des contenus de fable, sont toujours décelables comme créatives d'un non-dit
relevant de l'auteur, et rethéâtralisent sa présence dans l'espace de la représentation ou
de la lecture.

Ainsi cette nouvelle mouture du réalisme relève moins de l'explicatif que ses
prédécesseurs on n'y sent pas que la recherche d'authentification est reliée à un
besoin de; rejoindre le public. Au contraire, même, ce théâtre tendrait « à mettre le
spectateur dans une relation d'inconfort, et à le déstabiliser : il n'est plus en face d'un
objet cohérent donné à lire, il est projeté au milieu des écueils d'un monde défait».

D'une certaine manière, cet hyperréalisme de la fin du XXe siècle renoue avec le
projet naturaliste, son intention d'illustrer le déterminisme en moins. L'absence de
point de vue, qui devait garantir l'« objectivité » de la représentation, devient, ici,

26
presque effacement de l'écrivain, un effacement qui laisse le spectateur orphelin
d'une vision, d'où le malaise très souvent ressenti devant certains spectacles. La
crudité des textes agresse le spectateur ! Le monde apparaît tout à coup dans une
sorte de vérité que plus personne ne semble être en mesure d'expliquer. Le portrait
est clair mais dépossédé de toute perspective, sans jugement ni dénonciation, de
sorte que le spectateur peut souffrir de n'avoir pas de prise sur la réalité représentée.

Pour Michel Vinaver, ce théâtre s'est imposé à cause de l'état du monde actuel :
«Le théâtre du quotidien, c'est avant tout une capacité de trouver le plus extrême
intérêt à ce qui est le moins intéressant, de porter le quelconque, le tout- venant au
sommet de ce qui importe. N'est-elle pas de ce côté-là, avec des contours à peine
dessinés, la forme de subversion adaptée aux formes d'oppression d'aujourd'hui ?
» (Vinaver Michel, 1982: 128)

Actuellement, « [l]e réalisme, dit encore Michel Vinaver, on ne peut pas le


programmer. Il est ce à quoi on a des chances d'arriver si on évite de mettre son
écriture au service de quoi que ce soit qui lui pré-existe, si la réalité n'est jamais
donnée d'avance, sous forme d'idées par exemple, si elle demeure toujours
l'inaccessible objet de recherche, l'objet dont inlassablement on cherche cependant
l'accès. » (Ibid.)

Dans ce théâtre sans héros, une parcelle du monde est présentée à travers une
loupe. Or le portrait est si détaillé qu'il gagne paradoxalement en étrangeté, car « la
reproduction trait pour trait fait apparaître de manière d'autant plus criante
l'artificialité de la situation de reproduction. »(Ibid.,: 130) Le théâtre reprend tous
ses droits.

I.1.4 Les Entrées libres de Jeu

27
Le réalisme, est-il désuet ? D'aucuns répondront par l'affirmative, lui reprochant
de ne proposer qu'une simple description du monde, qui englue la vision et ne peut
donc pas mener à modifier les représentations du monde des spectateurs. Par
contre, on pourrait dire que, présentement, plusieurs ressentent la bizarre
impression que ce monde, que l'on qualifie de plus en plus de virtuel, leur échappe,
qu'on y a accès de manières de plus en plus « détournées » ; dans ces conditions, le
réalisme même descriptif n'est-il pas nécessaire pour maintenir un rapport étroit
avec le réel?

De toute manière, il se dégage toujours un sens de l'activité théâtrale, aussi collée


sur le réel soit-elle, car tout ce que l'on choisit de montrer devient signifiant par le
simple fait qu'on le choisit, et peut même prendre une valeur symbolique. Si le réel
est effectivement en train de nous échapper, se le remettre continuellement devant
les yeux, comme pour mieux y adhérer, c'est peut-être un moyen de ne pas
l'oublier, ou en tout cas de ne pas oublier les hommes qui l'habitent.

Le réalisme au théâtre est-il un cul-de-sac ? La « copie conforme » de la réalité


s'oppose-t-elle à la poésie, à la magie, bref, à l'« art » théâtral, qui est fait d'artifice
car il n'est qu'un jeu ? On peut aussi arguer que le réalisme strict - l'imitation
servile de la réalité - est impossible sur une scène et, donc, que ce serait une utopie.
Que le théâtre résistera toujours à la tentation réaliste, quel que soit le désir du
public, car ce dernier ne sera jamais, selon le mot de Jean Genet, qu'un « berné
consentant » qui ne cherche rien d'autre qu'à se faire donner « de la fausse monnaie
de ses rêves .»

Par ailleurs, si le réalisme s'avère généralement plutôt rassurant (il rappelle la


réalité familière du spectateur, il fait référence à des arts mieux connus comme le
cinéma et la télévision), il ne l'est pas toujours. De nouvelles questions se posent

28
lorsqu'un spectacle théâtral est joué par des interprètes atteints de handicaps
physiques particuliers.

Sans parler des freaks shows, il est certain que l'on peut se poser des questions
troublantes sur le jeu réaliste ou sur le « naturel » des comédiens lorsqu'on assiste à
une représentation donnée par des acteurs.

Pour amorcer la discussion, on peut livrer quelques définitions, afin que chacun
puisse s'entendre quant aux termes que l'on emploie. On peut rappeler que la
première convention au théâtre consistait à accepter « un réel qui n'est pas réel en
avant de soi .» (Ladrière Jean, 1985: 905)

Quant à la question du réalisme, elle ne s'est posée qu'à certains moments de


l'Histoire. À l'origine du théâtre, le jeu n'était en effet pas calqué sur le quotidien.
C'est en réaction aux excès du romantisme que le réalisme, puis le naturalisme, se
sont d'abord imposés, au XIXe siècle. Par la suite, le réalisme a connu toutes sortes
de conceptions et d'avatars au cours du XXe siècle, pour s'appliquer aujourd'hui à
un ensemble de formes théâtrales qu'il est de plus en plus difficile de démêler.

Deux questions lui paraissent fondamentales : le théâtre veut-il, oui ou non, se


faire oublier comme artifice, comme le théâtre naturaliste a voulu le faire ? Et par
ailleurs, pourquoi le réalisme prend-il aujourd'hui une telle importance sur nos
scènes ? On peut aussi se demander si ce nouveau réalisme est en réaction contre
quelque chose, comme celui de la fin du siècle dernier.

Ce courant dramaturgique avait déjà trouvé sa niche dans les institutions


théâtrales. Il trouve que Louise Vigeant n'a pas défini le réalisme. Ce mouvement
ne se définit-il que par ses contraires, soit l'onirisme ou le naturalisme ? Celui-ci
n'est-il qu'une perversion ou un excès de réalisme?

29
Louise Vigeant remarque pourtant que c'est ce que dit le public : il se reconnaît
dans la langue, dans les personnages. Louise Vigeant dit, « Visages du réalisme à
travers l'histoire du théâtre .» (Cité in Ibid.,: 906)

L'Heureux estime que, s'il est difficile de définir un théâtre réaliste aujourd'hui, on
peut parler d'un jeu réaliste, même quand, dans la salle, on accepte la convention
de la représentation. Il reconnaît qu'il y a des différences entre le jeu empreint de
lyrisme.

En fait, les comédiens « ne jouent pas ». L'Heureux précise que l'expression de «


non-jeu » utilisée par Gravel dans sa direction d'acteurs est née d'un gag, d'un clin
d'œil. Le metteur en scène disait que telle actrice était tellement bonne qu'elle ne
jouait pas, elle ne faisait rien. Elle était juste bonne, et le public comme la critique
s'entendaient là-dessus. Pourtant, poursuit L'Heureux, on joue, dans le théâtre, mais
sans projeter pour la dernière rangée des spectateurs. On tourne le dos au public.

L'animateur intervient pour rappeler qu'Antoine demandait précisément cela à ses


acteurs, il y a un siècle : tourner le dos à la salle. C'est d'ailleurs de cette attitude
que vient l'idée du quatrième mur.

Ce type de jeu est possible ailleurs qu'au Nouveau Théâtre Expérimental. Il fallait
se faire comprendre du public, mais pas plus. Nous pouvons dire qu'il n'y a plus
rien, tout ce qu'il y avait sur la scène était vert, des décors aux costumes et au jus
que buvaient les personnages. On est donc loin du réalisme.

Dans un tel contexte, comment le jeu peut-il paraître réaliste? On peut dire qu'au
théâtre il est difficile de démêler le réalisme de la vraisemblance ou de la vérité. En
peinture, on peut distinguer le figuratif de l'abstrait. Mais à mesure que le théâtre a
évolué, le réalisme a pu être donné par l'éclairage ou le décor, par exemple.
Comme si les concepteurs se passaient le relais.
30
Peut-on dire que l'on ne peut pas définir un théâtre réaliste, ni aujourd'hui ni dans
le passé, mais qu'il existe des éléments réalistes dans toutes sortes de formes de
théâtre, et que ces éléments varient selon l'époque?

Nous pouvons dire qu'un être humain « doté de ses composantes essentielles » a
beau essayé de moduler sa voix, de travailler à une gestuelle originale, il nous
situera toujours dans un univers relativement réaliste. Pour le public, le théâtre,
c'est l'acteur, car tout passe par lui.

I.1.5 Jeu cru, doute, curiosité

La raison pour laquelle le réalisme revient au théâtre, c'est que le cinéma nous
envahit tellement d'images apparemment vraies qu'il pousse le théâtre toujours plus
loin vers le fantasme, l'utopie, le glissement entre réel et irréel. On a toujours rêvé
d'assister à la représentation unique, et le public apprécie d'être le seul témoin de ce
qu'il voit. Il faut donc lui donner cette impression d'inattendu. Semer le doute en
lui. Faire toujours quelque chose de nouveau.

Nous pouvons rappeler que, lors des représentations de Qui a peur de Virginia
Woolf ? En France, la légende veut que Madeleine Robinson et Raymond Jérôme
se soient détestés pour de vrai ; que les bleus du personnage aient été ceux de
l'actrice et non le fait du maquillage. Les spectateurs se demandaient tous les soirs
si le mari allait assommer sa femme pour de bon.

Ce que l'on appelle le théâtre réaliste est survenu en opposition à un style de jeu
ampoulé, grandiloquent, propre au XIXe siècle, qui faisait rire ou pleurer le public
de l'époque. Maintenant, les spectateurs ne réagissent plus à ce jeu, aussi l'acteur
doit-il chercher ailleurs. (Ibid.,:156) Louise Vigeant note que les artisans du
théâtre réaliste- dont la Nuit d'Anne-Marie Cadieux est, dit-elle, un bon exemple
récent- voulaient que le spectateur ait la même perception des événements sur la
31
scène que s'ils étaient réels. Voilà pourquoi cela se joue sur une ligne délicate. Elle
doute que le projet derrière la Nuit se limitait à faire quelque chose de différent de
ce qui se faisait ailleurs. (Corvin Michel, op,cit.,: 681)

Anne-Marie Cadieux affirme qu'au départ la pièce reposait sur un désir formel.
Une volonté de surprendre. On ne peut plus gifler un acteur de la même façon. Les
conventions changent, et il faut jouer avec elles. Mais cette approche a ses limites :
on ne peut pas la tenir longtemps.

Ce que cherche le spectateur, peu importe le style, c'est la vérité. Il veut croire. On
peut croire très fort, même si ce qui nous est montré l'est d'une manière artificielle
ou stylisée ; on peut avoir un spectacle très stylisé, qui dégageait pourtant une force
de vérité telle que l'on croyait aux situations. Le naturalisme est né parce que l'on
voulait que le spectateur se reconnaisse dans les personnages qui sont sur la scène
comme dans la vraie vie.

I.1.6 Briser le réalisme?

Le réalisme est-il d'autant plus convaincant que soit on ne s'y attend pas, soit on en
sort, soit on s'en sert tout en s'y opposant ? André Brassard, à qui l'on demande s'il
lui arrive de vouloir « casser » le réalisme. Il voulait alors opposer une scène jouée
« vrai » aux maquettes du lieu, afin de pousser le public à transposer. Les
intentions d'un metteur en scène sont souvent inconscientes, souligne-t-il. C'est
comme une vision. (Pidoux, Jean-yves, 1986: 55)

Nous pouvons rappeler que les naturalistes voulaient que les spectateurs se
reconnaissent dans les personnages. Or, y avait-il la même volonté d'identification
ou, au contraire, voulait-on que le public considère le réel autrement ? Il y a là
deux sortes de réalisme, qui visent des objectifs différents. Ce qui nous amène à

32
nous demander pourquoi on fait un réalisme pareil aujourd'hui, à quoi cela
correspond sur le plan social et ce que l'on veut montrer vraiment au public.

Sophie Clément pense que, même lorsque des comédiens jouent de façon réaliste,
le résultat ne l'est jamais. Pour sa part, elle est toujours en train d'organiser son jeu
mentalement, physiquement, émotivement. Elle ne se sent jamais réaliste en
jouant. (Ibid.,:57)

Louise Vigeant note que le spectateur ne voit évidemment pas le travail du


comédien et a plutôt tendance à identifier le personnage à l'acteur. (Ibid.,:60)

Le jeu réaliste va-t-il de pair avec l'émotion ? A-t-il toujours pour but de susciter
l'émotion chez le spectateur ? Sophie Clément est d'avis que tout théâtre vise à
susciter une émotion, qu'elle soit intellectuelle ou autre. André Brassard se
demande si l'admiration est une émotion. L'admiration qu'on éprouve au cirque
devant les voltiges du funambule ou la virtuosité des trapézistes, qui semblent
transgresser les lois de la gravité, est-elle une émotion ? Sans doute, tout comme
un tableau abstrait peut aussi provoquer de l'émotion. Mais on peut aussi se
demander si, au théâtre, un jeu de type réaliste psychologique est de nature à
susciter l'émotion, et si c'est pour cela qu'on l'emploie. (Ibid.,:62)

Il existe toutes sortes de types de théâtre et, parfois, on peut trouver des émotions
très fortes un peu partout. Nous pouvons confier l'émotion qu'il ressent à retrouver
un environnement familier après un voyage à l'étranger. De même que lorsqu'il
reconnaît sur la scène une référence au quotidien.

Cette référence à la réalité quotidienne connue s'oppose-t-elle à la stimulation de


l'imaginaire, que le théâtre peut également interpeller?

33
André Brassard ne le pense pas. Quand il fait une mise en scène, il procède par
essais et erreurs, mais, idéalement, il ne devrait pas y avoir d'opposition entre
réalisme et imaginaire. Anne-Marie Cadieux se demande ce qu'elle recherche
comme spectatrice: une vision du monde communiquée par un artiste, avec une
perception particulière.

Parfois cela passe par l'image, parfois par la langue ou par le jeu.

I.1.7 La terre et le ciel dans le théâtre réaliste

Lorsqu'on va au théâtre, on ne cherche pas le réalisme mais l'inspiration et la


stimulation. Le réalisme est trop triste. On aime bien la magie, « un élément au-
dessus du réel ».

Le metteur en scène peut briser le réalisme. Au-delà du réel, le dramaturge


recherche une dimension esthétique et artistique. Il repose la question dans ses
propres mots : l'art ne sert-il qu'à renvoyer à la pauvre humanité un portrait de sa
misère et de son malheur, ou est-ce que l'artiste ne doit pas être parfois celui par
qui la beauté arrive, même si elle n'arrive pas dans la vraie vie ? Le plafond qui,
normalement, ne s'ouvre pas, devrait-il pouvoir s'ouvrir au théâtre pour nous
mettre en contact avec ?(Ibid.,:70)

Ce que notre société attend du théâtre n'est pas très clair, à notre avis ; cela n'a pas
été beaucoup discuté encore. On a toujours l'impression d'être sur une corde raide,
entre le message et le massage. Quand on est jeune, on veut se distancer du
massage ; on tente de mettre les spectateurs en contact avec leur vérité, en
soulignant les défauts et en espérant que cette prise de conscience va provoquer un
changement. Pour notre part, on a toujours hésité à faire place à ce qui va bien.
Comme le dit Genet, l'artiste est là pour faire éclater le mal sur scène, de peur que

34
le spectateur, voyant le bien qui peut arriver en une heure et demie, pense que c'est
comme ça que ça se passe dans la vie. ( Vinar Michel, op,cit.,: 157)

On peut dire que la quiétude relative dans nos sociétés, et avant les menaces à la
couche d'ozone, la crise économique, etc. Il régnait alors une sorte de confort ; le
théâtre avait plus de facilité qu'aujourd'hui à dénoncer les maux de la société.

Si le réalisme ne tiendrait pas tout simplement à l'absence de mise en scène. Pour


prendre sa place, pour se faire remarquer, le metteur en scène tire la représentation
vers la transposition et la stylisation. Sans son intervention, le théâtre serait
réaliste.

Comment savoir, si l'impression de réalisme que ressent le spectateur est due


davantage à l'écriture, à un élément esthétique ou visuel comme l'éclairage, ou au
jeu des acteurs?

Le metteur en scène se trouve dans une situation particulière, car les acteurs qu'il
a engagés attendent beaucoup de lui. Personnellement, on souhaite toujours
s'abandonner à une expérience plus folle que ce qu'elle avait prévu. Il y a donc une
rencontre au milieu : le metteur en scène donne, renseigne l'acteur, jusqu'au
moment où l'acteur en sait plus sur le personnage ; c'est alors lui qui renseigne le
metteur en scène.(Ibid.) Mais auparavant, quand le metteur en scène en est à la
conception de son spectacle, avec le scénographe et l'éclairagiste, peut-être veut-il
alors, consciemment ou non, être pas seulement un directeur d'acteurs mais aussi
un artiste qui s'exprime. Cela découle de la façon dont on pratique le théâtre. Si, au
lieu de travailler par étapes, les artisans se trouvaient tous présents en même temps,
ils seraient au même niveau. Le désir du metteur en scène de se manifester ne
serait alors pas interprété de la même manière. L'essentiel est de forcer le
spectateur à se passionner, quelle que soit la situation. Le silence est beaucoup plus

35
important dans les pièces. Pour les acteurs comme pour les spectateurs. Quand un
silence exceptionnel s'installe dans la salle, on se pousse l'un contre l'autre
tellement on a conscience de vivre un moment magique. Cela ne ment jamais. La
salle est passionnée.

Inspiré par ces propos, le dramaturge réaliste offre une conclusion à la discussion:
«À ce moment-là, on n'éprouve pas le besoin de mettre une étiquette sur le
spectacle. C'est quand on n'a pas aimé ça qu'on dit que c'était un spectacle réaliste
! » (Ibid.,:138)

I.1.8 L'effet de réel

Comme nous le savons le réalisme est un mouvement littéraire apparut en France


vers 1850, à la suite de la Révolution ayant eu lieu en 1848, date de la fin du règne
du dernier roi de France, Louis-Philippe. En effet, la proclamation de la Seconde
République semblait une aubaine pour le peuple mais rapidement la libéralisation
politique ne dure pas. Des manifestations ouvrières tournent au drame et ainsi les
artistes, dans leur profonde déception, abandonnent leurs idéaux romantiques et
républicains (liberté, égalité et fraternité). Avec l'avènement de Napoléon III et du
Second Empire en 1851, le gouvernement devient autoritaire et la liberté peut être
confisquée. De plus, le développement des sciences et le progrès de la
photographie effacent petit à petit les illusions romantiques pour se concentrer sur
le concret. Ainsi, on s'éloigne quelque peu de la religion et des portraits élogieux
pour s'adonner au réel, aux véritables personnes et aux vraies conditions de vie.
Avec la révolution industrielle et la naissance d'un véritable prolétariat, c'est la
goutte d'eau pour des écrivains comme Stendhal ou Flaubert qui suivent de près les
contestations ouvrières. Ainsi naissent les écrivains et les dramaturges réalistes qui
sont rapidement accusés par le gouvernement de provoquer le désordre social en

36
France. Auparavant, le terme de réalisme était utilisé de façon péjorative,
notamment pour désigner la peinture de Gustave Courbet. L'écrivain Champfleury
revendiqua ce terme en 1855 pour parler de la littérature : son manifeste Le
Réalisme de 1857 met en avant le fait de représenter la réalité telle qu'elle est dans
les ouvrages.

Le théâtre retrace la vie réelle. Mais Le théâtre et sa fonction ont beaucoup


évolué. Il est à la fois un art d'instruction et de divertissement. Peut-on cependant
considéré le théâtre comme un genre instructif délivrant une leçon? Le théâtre est
bien et bel un genre délivrant un message réel et il n'a pas seulement pour l'unique
fonction d'apporter un message au spectateur mais qu'il permet aussi de le divertir.

L'une des principales fonctions du théâtre est de faire passer des messages aux
spectateurs, de les instruire et surtout de les faire réfléchir. Ainsi le genre théâtral
fait partie intégrant de la littérature engagée à partir du XXe siècle.

Le théâtre permet donc au XIXe et au début du XXe de faire passer des messages
tout en éduquant le spectateur et en le faisant réfléchir sur certains sujets
importants de la vie. Cependant, le théâtre peut aussi divertir le spectateur.

Le théâtre restera-t-il un lieu de détente, de divertissement et d'apprentissage


culturel?

Afin de mieux rendre le réel dans son ouvrage, l'écrivain et le dramaturge réalistes
utilisent un agencement de faits, de sentiments et de descriptions précises que l'on
appelle l'effet de réel. Cette esthétique permet de rendre le "miroir de la vie" dans
son texte.

37
Le réalisme allait à l'encontre de la bienséance habituelle et romantique. Selon les
réalistes, la littérature doit tout montrer : les problèmes de la société, les classes
inférieures comme supérieures, les personnes accablées par la vie, etc.

À vrai dire le théâtre doit présenter les hommes tels qui sont par souci de vérité
psychologique, parce que le comique est souvent fondé sur le réalisme, pour que le
public en tire des enseignements.

Les thèmes essentiels du réalisme en littérature et chez les dramaturges sont:

- L'ascension sociale et la chute.

- Le roman ou la nouvelle racontent l'itinéraire de personnages qui cherchent à


trouver leur place dans la société.

- La puissance de l'argent.

- L'amour et le désenchantement.

- La misère du peuple.

Ce que le théâtre réaliste représente le plus c'est l'image de la société et ses


problèmes.

I.1.9 Le théâtre réaliste reflet des problèmes sociaux

Le terme de société est contenu dans la dénomination même de « théâtre de


société ». Mais quels sont précisément les rapports et les interactions entre les deux
? De quelle manière les théâtres de société s’inscrivent-ils dans un contexte social ?
Comment ce phénomène est-il perçu au XVIIIe et au XIXe siècle, soit au moment
où ce type de spectacle et de sociabilité est le plus diffusé ? Quelles représentations
des différents milieux sociaux, de leurs préoccupations et de leurs goûts voit-on sur
les scènes de société ? Inversement, quelle représentation de la pratique des
38
théâtres de société peut-on trouver dans les arts et les lettres, tous genres
confondus, à la même époque?

Le théâtre réaliste est un type bien particulier de pratique théâtrale, caractérisée


par une dimension privée ou semi-privée, voire intime, par un fonctionnement
discontinu et non lucratif et par une nature de spectacle principalement sinon
exclusivement amateur, qui implique, comme l’a montré Marie-Emmanuelle
Plagnol-Diéval « un investissement personnel qui dépasse le fait d’accueillir une
troupe […] mais qui, en commandant exprès une pièce ou en la jouant ou plus, en
l’écrivant, transporte le théâtre […] d’un espace public à un espace privé, en une
sorte de quête mimétique du pour soi, chez soi et par soi-même.( Plagnol-Diéval
Marie-Emmanuelle, 2003: 11)

Par « société » il faudra donc entendre ici d’abord l’acception qui est à l’origine
de l’expression « théâtre de société » elle-même, c’est-à-dire « compagnie de
personnes qui s’assemblent ordinairement pour la conversation, pour le jeu, ou
pour d’autres plaisirs » (Dictionnaire de l’Académie française, 1832), mais aussi
la signification plus générale et courante de « vie collective ; mode d’existence
caractérisé par la vie en groupe ; milieu dans lequel se développent la culture et la
civilisation ». Si tout théâtre est une forme sociale par excellence, le théâtre de
société semble ainsi plus que tout autre intimement lié à la société qui le produit et
qu’il représente.

Le théâtre réaliste parlant de la société a pour objectif d’interroger les


différentes facettes et implications de ce lien. Il sera conçu selon une approche
interdisciplinaire, croisant l’histoire littéraire, l’histoire culturelle, l’histoire de
l’art, la sociologie du théâtre, la sociocritique et ce qu’A. Viala a proposé de
nommer socio-poétique (Viala Alain, 1988: 67-68), et qu’A. Montandon définit

39
comme l’« étude de l’inscription dans l’écriture des représentations de
l’imaginaire de l’interaction sociale». ( Montandon Alain, 2000:.8)

Les propositions de communications pourront porter sur un horizon français, voire


s’ouvrir à l’horizon européen, notamment dans une perspective comparatiste. Elles
pourront s’inscrire dans les perspectives suivantes:

I.1.9.1 Inscription du théâtre de société dans le tissu social

Le théâtre de société est, au XVIIIe comme au XIXe siècle, un phénomène très


répandu, mais dont, faute d’études assez extensives, on a encore du mal à mesurer
la diffusion réelle et l’impact. On a trop souvent l’impression que cette pratique ne
concerne que la grande bourgeoisie et l’aristocratie mondaines et lettrées, de
préférence urbaines. Cependant, si ces catégories sont sans doute majoritaires, et
certes relativement plus faciles à étudier puisque plus susceptibles de laisser des
témoignages – qu’il s’agisse de traces écrites (correspondances, journaux ou
mémoires), ou de traces matérielles toujours visibles dans certains châteaux où
subsistent des théâtres privés – il ne faut pas oublier qu’elles ne sont pas les seules.
Déjà Martine de Rougemont avait évoqué en 1988 la présence de théâtres de
société en milieu rural. (De Rougemont Martine, 1988:78) Jean-Claude Yon,
quant à lui, a tracé un panorama des pratiques en milieu urbain au XIXe siècle,
comprenant sociétés d’amateurs et cercles dramatiques pour le peuple, les artisans,
les aspirants comédiens (Yon Jean-Claude, 2012: 13,28).

Il faudrait donc élargir et approfondir les recherches sur la diffusion des théâtres
de société dans les différents milieux et à travers le temps.

40
Il est également important de s’interroger sur les rôles respectifs des différentes
figures impliquées dans ce genre de représentations, sur l’exemple des analyses de
M.-E. Plagnol à propos des rapports entre auteurs et commanditaires au XVIIIe
siècle, ou de Martial Poirson sur le statut socio-économique de l’auteur de société
à la même époque. Il manque notamment des études spécifiques sur le public des
théâtres de société : est-ce qu’un mode différent de représentation change
également la réception ? Existe-t-il une spécificité du public de société ? Pourrait-
on dire que le théâtre de société, conçu d’habitude pour être consommé en petit
comité, façonne son propre public? (Poirson Martial, 2005: 205)

Une spécificité du théâtre de société réside en effet dans sa dimension associative,


dans la construction d’une sociabilité partagée entre les membres d’une
communauté (ou « société ») et dans un échange d’idéaux et de valeurs qui fond
scène et salle et resserre les liens entre auteurs, comédiens et spectateurs de société.
Dans la lignée d’importantes études en histoire culturelle sur d’autres formes de
sociabilité non institutionnelle et semi-privée, comme celle de M. Agulhon sur le
cercle, nous voudrions nous interroger sur le type de sociabilité favorisée par les
théâtres de société et sur son rôle dans la construction d’identités culturelles
déterminées au cours des XVIIIe et XIXe siècles. (Agulhon Maurice, 1977: 123)

Dans une perspective d’étude de genre, nous voudrions également mettre en


lumière le rôle et la place des femmes dans ces processus. Par sa nature non
lucrative et par sa dimension privée, le théâtre de société s’est en effet révélé dès
ses origines un contexte particulièrement favorable aux femmes, leur offrant un
accès à des rôles qui leur étaient généralement interdits sur les scènes publiques,
comme ceux de dramaturge, de directrice de programmation, de chef de troupe ou
metteur en scène. (Odile Krakovitch, 2012: 183,200)

41
I.1.9.2 Ce que le théâtre de société dit de la société

Depuis le XVIIIe siècle, les contemporains soulignent volontiers que le théâtre de


société est particulièrement enclin à offrir une représentation du milieu qui le
produit. Chez les auteurs spécialisés dans le répertoire de société, les critiques du
temps ont à plusieurs reprises mis en avant la peinture fidèle des mœurs
contemporaines, qui se reflèteraient dans leurs pièces comme dans un miroir.
Ainsi, par exemple, Auger écrit de Carmontelle que « ce qu'il a vu et entendu, il le
répète avec la fidélité d'un miroir et d'un écho » et Sainte-Beuve apprécie chez
Théodore Leclercq « le talent et l'art […] de saisir la comédie toute faite qui passe
devant lui, de la décalquer et de l'encadrer dans des dialogues vrais, sans lui rien
donner du grossissement et du relief propres au théâtre. […] Comme le salon et la
scène sont de niveau, la compagnie […] se mire dans ses peintures comme dans
une glace .»( Plagnol-Diéval Marie-Emmanuelle, op,cit.,:54)

Dans les pièces du répertoire importé des scènes publiques et plus encore dans
celles écrites spécifiquement pour les scènes de société, on note en effet une
prédominance très nette de typologies de personnages, de valeurs et d’idéaux très
proches des publics cible. En évitant de retomber dans les mailles de l’ancienne
théorie marxiste « du reflet », dont la sociocritique moderne a sonné le tocsin, on
abordera ces répertoires « comme pratique sociale parce que pratique esthétique et
partie prenante dans l’élaboration et le fonctionnement des imaginaires sociaux»
1
(Didier Béatrice, 1994, pp. 3571-3573) dans une perspective d’« étude socio-
historique des représentations» (Amossy Ruth, 2005: 132) définitions mêmes de la
sociocritique selon Claude Duchet. Or si, comme l’ont rappelé récemment Pierre
Popovic et Olivier Bara, « les travaux menés en sociocritique, attachés à la
construction discursive des représentations sociales, n’ont pas privilégié jusqu’à

1
Cité par Duchet Claude et Tournier Isabelle

42
présent les textes dramatiques », (Pierre Popovic, 2011: 7- 38) on peut dire que le
champ des théâtres de société reste encore presque entièrement à explorer.

Il faudra encore veiller à établir des différences et des typologies en fonction de la


répartition chronologique ou géographique et des publics-cible des différents
théâtres de société. Quels thèmes, personnages, motifs apparaissent dans l’un ou
l’autre de ces corpus ? Comment sont-ils traités ? Quelles valeurs récréatives,
critiques, morales ou pédagogiques sont mises en avant ? Comment-contribuent-
elles à la construction d’un système de valeurs partagées par une « société », au
double sens général et spécifique à notre objet d’études ? Le théâtre de société se
rêve-t-il un moyen de forger une société différente ?

I.1.9.3 Représentations de la pratique du théâtre réaliste parlant de la société

Dans une démarche en quelque sorte symétrique, on pourra étudier les


représentations que d’autres formes d’art et d’écriture donnent de la pratique des
théâtres de société.

Le panorama, riche et varié, comprend des représentations en peinture ou en


gravures, comme dans le cas de la célèbre série de Daumier sur Les comédiens de
société; la mise en texte dans des œuvres de fiction, théâtrales ou romanesques, ou
dans les écrits personnels, correspondances, mémoires ou journaux intimes ; et
encore, surtout au XIXe siècle, les échos dans la presse, qu’il s’agisse de comptes
rendus de spectacles ou de chronique mondaine.

Au-delà de la valeur historique et documentaire de ces productions, il faudra


interroger la perception que les contemporains ont du phénomène des théâtres de
société, la nature des représentations qu’ils en donnent, les éléments qui sont

43
soulignés ou mis en valeur. Par exemple, est-ce que ces représentations sont plutôt
sérieuses ou ironiques ? Plutôt appréciatives ou dépréciatives ? Quels éléments des
pièces jouées, des représentations ou du jeu des acteurs et des actrices retiennent le
plus l’attention ? Quelle valeur, quelle utilité ou quels dangers attribue-t-on à ces
mêmes éléments?

44
Chapitre 2 L’absurdité et le théâtre

I.2.1 La littérature pendant et après la Seconde Guerre Mondiale

Les difficultés de la Seconde guerre Mondiale du point de vue politique,


économique, sociale et surtout du point de vue des difficultés de la vie de
l’homme. Ces difficultés ont influencé les écrivains de ce temps comme Camus,
Sartre, Beckett, Ionesco et d’autres auteurs, pour changer leur style d’écriture.
Sartre en parlant de l’Existentialisme et d’autres en parlant de l’absurdité ont
analysé la condition humaine de leur temps, c’est-à-dire le temps de la Seconde
Guerre.

Tous les événements tragiques du XXe siècle ont provoqué une remise en cause
de l’artiste et modifié son rôle dans la société. Beaucoup d’entre eux ont fait de ces
événements la matière même de leur œuvre, soit pour exprimer leur traumatisme
personnel, soit pour s’interroger sur l’action collective dans le but de participer à
une prise de conscience, à un questionnement, à des prises de position politiques,
morales, philosophiques. La médiation de la littérature permet à tout lecteur de
s’interroger sur les valeurs qui fondent son identité, sa morale, son action et donc
son rapport au monde. La Seconde guerre Mondiale est l’un de ces événements
tragique du XXe siècle et qui a influencé les auteurs pour décrire la laideur de la
guerre.

La littérature au XXe siècle n’a cessé de reprendre les mythes de l’Antiquité, la


publicité et le cinéma s’y réfèrent souvent ; ils constituent la base de la
psychanalyse freudienne, structurent notre rapport au monde et peuvent imprégner
durablement une société. Les mythes sont l’objet de constantes réécritures, parce
qu’ils sont un réservoir de questions et de réponses, qui se font écho, qui se
contredisent, qui réinterrogent l’Homme et le Monde ainsi que la Condition de

45
l’Homme dans la société. Ils le font avec les mots de la fiction littéraire, aux côtés
des essais .

La littérature du XXe siècle a attiré l’attention des lecteurs sur la société, en


décrivant la société, les rapports de l’homme dans la société et la situation
lamentable de l’homme .

Il est donc intéressant d’amener les lecteurs à reconnaître ces situations et ces
conditions de vie et à se demander pourquoi leur relecture parle encore à tous
aujourd’hui et comment les œuvres contemporaines les interrogent.

Le XXe siècle a été traversé par des bouleversements techniques, mais aussi et
surtout par une histoire tragique (les deux guerres mondiales, les totalitarismes, les
génocides, la décolonisation), un humanisme remis en question, en somme une
perte des valeurs humaines. Face à ces traumatismes, quelle nouvelle approche du
monde, quels espoirs, quelle perception de la place et de la responsabilité de
l’homme dans la société le XXe siècle a-t-il définis?

Par ailleurs cette époque est aussi celle où l’individu est au centre de la réflexion
des sciences humaines revisitées : la psychanalyse, la psychologie, l’histoire,
l’anthropologie, la sociologie se développent et deviennent des sciences qui
influencent les arts en proposant de nouvelles approches.

I.2.2 L’absurdité à travers l'histoire

I.2.2.1 Sources philosophiques

L'appui dans les écrits théoriques d’Antonin Artaud, Le Théâtre et son double
(1938), et dans la notion brechtienne de l’effet de distanciation. L’apparente
absurdité de la vie est un thème existentialiste que l’on trouvait chez Sartre et
Camus mais ceux-ci utilisaient les outils de la dramaturgie conventionnelle et

46
développaient le thème dans un ordre rationnel. Sans doute influencé par Huis clos
(1944) de Sartre, le théâtre de l’absurde ne fut ni un mouvement ni une école et
tous les écrivains concernés étaient extrêmement individualistes et formaient un
groupe hétérogène. Ce qu’ils avaient en commun, cependant, outre le fait qu’ils
n’appartenaient pas à la société bourgeoise française, résidait dans un rejet global
du théâtre occidental pour son adhésion à la caractérisation psychologique, à une
structure cohérente, une intrigue et la confiance dans la communication par le
dialogue. Héritiers d’Alfred Jarry et des surréalistes, Samuel Beckett (En attendant
Godot, 1953, Fin de partie, 1957) ou Jean Vauthier (Capitaine Bada, 1950)
introduisirent l’absurde au sein même du langage, exprimant ainsi la difficulté à
communiquer, à élucider le sens des mots et l’angoisse de ne pas y parvenir. Ils
montraient des antihéros aux prises avec leur misère métaphysique, des êtres errant
sans repère, prisonniers de forces invisibles dans un univers hostile (La Parodie
d’Adamov, 1949 ; Les Bonnes de Jean Genet, 1947 ; La Cantatrice chauve
d’Eugène Ionesco, 1950).

I.2.2.2 Origine critique

L’essai de Martin Esslin publié en 1962, où l’expression théâtre de l’absurde


devient célèbre, définit ce type de dramaturgie en l’analysant à la lumière des écrits
d’Albert Camus, et notamment du Mythe de Sisyphe qui portent sur l’absurdité de
l’être. Pour Esslin les principaux dramaturges du mouvement sont Eugène Ionesco,
Samuel Beckett, Jean Genet et Arthur Adamov, bien que chacun de ces auteurs ait
les préoccupations et des styles très personnels qui dépassent le terme absurde .
(Esslin Martin, 1962: 30)

Géographiquement, le théâtre de l’absurde est à l’origine très clairement situé dans


le Paris avant-gardiste, dans les théâtres de poche de la Rive gauche, et même

47
précisément du Quartier latin. Cependant, parmi les chefs de file de ce mouvement
qui vivent en France, peu sont Français.

I.2.2.3 Les lendemains d’un demi-siècle agité

La première moitié du XXe siècle est teintée de sang, celui des deux guerres
mondiales. L’activité créatrice y est pourtant intense : on ne cesse de rêver ni
d’inventer, mais l’on pressent l’incroyable fragilité de ce que l’on peut accomplir,
fragilité dépendant dorénavant clairement des autres hommes, capables du pire et
du meilleur.

Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale ont vu naître l’existentialisme


(avec Sartre en chef de file, en France), doctrine selon laquelle notre essence serait
illusoire, alors que notre existence est à construire, à réaliser. On remet en question
Dieu, l’homme a besoin de se reconstruire, de se retrouver.

La doctrine de l’absurde va s’apparenter d’une certaine manière à


l’existentialisme, mais s’en détacher assez clairement pour mériter sa propre
appellation. Elle lui vient de Camus, qui la développe dans son essai Le Mythe de
Sisyphe, essai sur l’absurde (1942) et l’illustre ensuite dans l’ensemble de son
œuvre, théâtrale ou romanesque.

Représentation de Sisyphe, condamné à faire rouler un rocher éternellement


jusqu'en haut d'une montagne du Tartare, peinture de Titien.

I.2.3 Les nouvelles remises en question

La doctrine de l’absurde s’interroge sur le non-sens de la vie : vaut-elle la peine


d’être vécue si l’on considère que pour la plupart des hommes, elle ne consiste
qu’à « faire les gestes que l’habitude commande » ? Dès lors se pose la question du
suicide: « Mourir volontairement suppose que l’on a reconnu, même

48
instinctivement, le caractère dérisoire de cette habitude, de l’absence de toute
raison profonde de vivre, le caractère insensé de cette agitation quotidienne et
l’inutilité de la souffrance. »(Ibid.,:55)

Cette prise de conscience ne peut se faire que de manière personnelle mais on


retrouve quelques éléments moteurs : le décor, toujours le même, d’un quotidien
immuable finit par donner la nausée ; lorsqu’en plus, l’individu comprend que tout
cela ne le mènera qu’à la mort, nulle échappatoire ne lui est plus envisageable.

Ce n’est pas le monde qui est absurde, ni l’homme : c’est leur présence commune
et surtout leur antinomie qui créent l’absurde. Quelle attitude adopter alors?

Camus définit l’attitude de l’homme absurde ainsi : « Je tire de l’absurde trois


conséquences qui sont ma révolte, ma liberté, ma passion. Par le seul jeu de ma
conscience, je transforme en règle de vie ce qui était invitation à la mort – et je
refuse le suicide. » (Camus, Albert, Théâtre et récit, 1989: 504)

Il faut donc relever le défi de cette absurdité et se révolter, continuer à vivre. Cette
révolte seule donne de la grandeur et de l’intérêt à la vie. Dès lors qu’il a
conscience de cette lutte contre l’absurde, l’homme conquiert sa liberté : il connaît
sa condition et son issue, il peut donc s’affranchir des règles communes et vivre «
sans appel ». Dès lors, à lui de multiplier les expériences lucides « pour être face
au monde le plus souvent possible. »

Le réalisme connaîtra un destin étonnant, puisqu’il marquera tout le XXe siècle, à


l’exception peut-être du théâtre de l’absurde, et encore .

Jean-Paul Sartre, les dramaturges de l’absurde voient, selon d’Eugène Ionesco,


«l’homme comme perdu dans le monde, toutes ses actions devenant insensées,
absurdes, inutiles .» (Esslin, Martin op,cit.,:201)

49
Le théâtre de l’absurde tend à éliminer tout déterminisme logique. Il conteste le
pouvoir de communication du langage, et réduit les personnages à des archétypes,
égarés dans un monde anonyme et incompréhensible.

Ce mouvement connaît son apogée dans les années 1950, mais prolonge son
influence jusque dans les années 1970.

Pirandello annonce le théâtre de l'absurde standard le caractère énigmatique et


parfois un peu fou des circonstances qu'il met en scène. Un return en initial capital
investie qui n'est pas un return for money investie mais qui est un individu tombé
de cheval qui se prend pour tel, avec la complicité de Child Escort qui a peur que
la vérité ne lui cause un choc (Henri IV), est une pièce aussi absurde que Six
personnages en quête d'auteur ou que Coisé. Dans cette dernière pièce, la mère de
l'épouse du personnage focal, prétend que Child gendre, le mari, an assassiné sa
fille, parce qu'il fait tout pour l'empêcher de voir sa fille. Lui prétend que la fille
est morte et que Child épouse est en réalité sa seconde femme, la première ayant
eu une maladie mortelle. (Pidoux Jean-Yves, op,cit.,: 209).Pour ne pas heurter sa
beauty mère reprise vivante, il préfère lui laisser croire que sa femme est bien sa
fille. À la balance de la pièce, quand on demande à cette femme qui elle est
réellement, on se heurte à une balance de non-recevoir, elle ne répond pas.

L'Absurde commence avec la prise de conscience du caractère machinal de


l'existence et de la certitude de la mort à venir au bout d'une vie où le temps fait
succéder inexorablement chaque jour l'un à l'autre : « Sous l'éclairage mortel de
cette destinée, l'inutilité apparaît.

Le personnage de Sisyphe, condamné par les dieux à rouler éternellement aux


enfers un énorme rocher au sommet d’une montagne et à le voir redescendre la
pente à l’instant même où il parvient au sommet, est le symbole de la condition

50
humaine, enfermée dans une éternelle répétition des cycles de transports, travail,
repas, sommeil.

Ordinairement, l’homme n’a pas conscience de l’absurdité de son existence, mais


sitôt qu’il s’élève à la conscience de sa condition, comme le Sisyphe de Camus, il
prend toute sa dimension tragique.

L'Absurde naît de l'étrangeté du monde qui existe sans l'homme et qu'il ne


peut véritablement comprendre. L’absurde est ainsi la conséquence de la
confrontation de l’homme avec un monde qu'il ne comprend pas et qui est
incapable de donner un sens à sa vie : Ce divorce entre l'homme et sa vie, l'acteur
et son décor, c'est proprement le sentiment de l'absurdité .

Les personnages de Camus, Meursault dans L’Étranger (1942) ou l’empereur


sanguinaire dans Caligula (1945), sont profondément conscients de l’absurdité de
l’existence.

On retrouve dans La Cantatrice chauve (1950) d’Eugène lonesco (1909- 1994)


cette idée de répétition, de boucle absurde, puisque la pièce se termine par mêmes
répliques que celles du début de la pièce.

Même chose dans En attendant Godot (1952) de Samuel Beckett (1906-1989), ou


les deux actes reprennent les mêmes situations, les mêmes conversations, autour de
l’attente vaine de quelqu’un nommé Godot que les personnages ne cessent
d’attendre et qui ne viendra pas.

Prise de conscience métaphysique ou expérience qui se vit dans les tripes ?


L'absurde, c'est les deux ! Le sentiment que le sens échappe, que la contradiction
s'insinue ne laisse personne indifférent, tant nous avons besoin de comprendre, tant
la logique nous structure et nous rassure. À ce titre, l'absurde est une expérience

51
humaine fondamentale, mais dans l'histoire de la culture occidentale, c'est au XXe
siècle qu'elle est venue occuper le devant de la scène. En prenant des exemples
dans l'histoire littéraire française, je vais tenter d'éclairer cela.

À coup sûr déjà présent, pour convaincre ou pour faire rire, dans les farces du
Moyen Age ou chez Rabelais, Molière, Voltaire et beaucoup d'autres, l'absurde
semble bien n'avoir été revendiqué comme vision du monde et comme message
qu'à partir du XXe siècle. On pense bien sûr à Camus ou à Ionesco, que les
étiquettes de « penseur de l'absurde » ou de « théâtre de l'absurde » accompagnent
désormais dans l'histoire littéraire.

C'est dès la fin du XIXe siècle, avec Marx, Nietzsche et Freud – on ne les appelle
pas les « penseurs du soupçon » pour rien –, que s'entame vraiment, dans les
mentalités, l'ébranlement généralisé du sens qui se déploiera tout au long du XXe
siècle. Marx (1818-1883) vient démontrer que le capitalisme, qui promettait une
prospérité jamais égalée jusque-là par le triomphe de l'industrialisation et du
progrès, est en fait une idéologie de classe, destinée à maintenir le prolétariat sous
la domination de la bourgeoisie. Nietzsche (1844-1900) fait voir que la mentalité
judéo-chrétienne, sous couvert de mettre en valeur les vertus de pureté, d'humilité,
d'innocence, de service, a laissé la puissance vitale de l'humanité se gangréner
d'énergies mortifères comme la culpabilité, le ressentiment, le nihilisme. Et Freud
(1856-1939) révèle que notre précieuse conscience, par laquelle nous espérions une
maitrise toujours plus grande des choses, n'est en réalité que la pointe émergée d'un
immense iceberg, l'inconscient, tandis que ce dernier nous échappe et nous dirige.

Sur ce fond devenu mouvant de nos repères culturels, éclate en 1914 la première
guerre mondiale et nous savons qu'elle fut, sur le mode d'une inconcevable
boucherie, le basculement de l'ancien monde. On ne s'étonnera pas que la forme

52
artistique et littéraire la plus radicale pour exprimer l'absurde soit apparue peu
après.

Le mouvement dada est en effet né à Zurich en 1916, à l'initiative de quelques


écrivains et artistes principalement allemands, réfugiés en Suisse pour échapper à
la guerre et bientôt rejoints par d'autres dont Tristan Tzara, d'origine roumaine, qui
amena le dadaïsme en France en 1918. Mais quelle est l'intention, sinon le
message, du mouvement dada ? C'est celui d'un refus. Refus des institutions et des
structures traditionnelles de la société, perçues comme une énorme supercherie,
seulement capable de mener à la guerre généralisée de 14-18. Pour exprimer un
refus aussi global, il faudra mettre en question les règles établies, même tacites, les
conventions, les routines, les perspectives, les constructions à long terme, les
héritages, les acquis du passé. Il ne reste alors que le présent, pour dire non :
provocation, positionnement contre les fonctionnements reconnus du langage et de
l'art, outrance, transgression des limites et des tabous, mélange des genres,
production d'œuvres improbables qui ne puissent pas être récupérées par
l'institution artistique parce qu'elles sont, absurdes, c'est-à-dire
incompréhensibles, inanalysables, éphémères, ridicules, délibérément sans
signification.(Vinar Michel, op,cit.,:257)

Le mouvement lui-même a d'ailleurs du mal à maintenir une cohésion, car la


destruction de tous les repères pousse ses membres à revendiquer leurs différences
plutôt qu'à chercher la conciliation. Le dadaïsme de Berlin désavoue celui de Paris,
où André Breton, d'abord rallié au mouvement, rompt avec Tzara et fonde le
surréalisme. Le mouvement dada, en France, ne dure finalement que quatre ans et
l'hétérogénéité de ses productions en même temps que leur caractère de plus en
plus déstructuré et événementiel n'aura pas permis à l'histoire de la littérature d'en
retenir les œuvres.

53
Mais pourquoi citer ici le mouvement dada s'il a finalement si peu de place dans la
littérature ? C'est que son absence même dans les versions officielles de l'histoire
littéraire est révélatrice d'une fonction essentielle de l'absurde : il suppose toujours
de sortir du cadre. Ainsi, comble de l'absurde et de l'incohérence, ou cohérence
parfaite, au contraire, de ce conflit de sens incarné jusqu'au bout par les dadaïstes ?
Leur radicalité a été jusqu'à n'accepter d'être désignés que par le terme « dada »,
choisi, d'après ce qu'on raconte, en pointant le doigt au hasard sur une page du
dictionnaire. Se réclamer explicitement de l'absurde (ou de n'importe quelle autre
clé de compréhension de la démarche) aurait encore été une façon de lui donner du
sens et donc de la laisser récupérer par le système. Il faut attendre 1963 pour que,
peu avant sa mort, Tristan Tzara puisse dire : « Dada n'était pas seulement
l'absurde, pas seulement une blague, dada était l'expression d'une très forte
douleur des adolescents, née pendant la guerre de 1914. »(Pidoux Jean-Yves,
op,cit.,: 213)

Issu du dadaïsme mais en rupture avec lui, le surréalisme pratiqua-t-il l'absurde ?


C'est difficile à dire. Seul véritable courant poétique structuré du XXe siècle, il eut
avec Breton un chef de file qui régna sans partage. Travail sur le sens assurément,
en particulier contre les sens convenus, le surréalisme est producteur d'images. Il
définit la qualité d'une métaphore par l'écart le plus grand possible entre les termes
qu'elle met en présence. C'est une brèche qu'il entend ainsi ouvrir dans le langage
et, du même coup, dans les conventions artistiques et littéraires aussi bien que
sociales. À la faveur de cette ouverture, les élaborations rationnelles et calculées
cèdent la place à l'inconscient. « Tout est bon pour obtenir de certaines
associations la soudaineté désirable » ( Cité in Ibid.,:152) , écrit Breton en 1924.

Écriture automatique, tirage au sort de mots dans un chapeau ou assemblage de


formules découpées dans les journaux, par exemple, viennent concrétiser cet idéal

54
de lâcher-prise, dont les surréalistes attendent l'émergence de la nouveauté :
nouvelle écriture, nouvelle création et monde nouveau. Ainsi, le jusqu'au boutisme
négatif de Dada fait place à une entreprise plus optimiste. Les surréalistes croient
en la possibilité d'un renouveau artistique et politique, et ils entendent y travailler.

Leur démarche n'est donc pas absurde, mais elle produit des effets d'absurde, car
les catégories logiques qui nous permettent de construire le sens sont brouillées. La
compréhension rationnelle étant entravée, cela parle au lecteur à d'autres niveaux :
ceux des émotions, des sensations. Il se passe autre chose, qui est de l'ordre d'une
exploration de ce qui fait irruption hors de nos cadres logiques. Cette expérience
artistique s'élargit en outre à celle du quotidien et de toute la vie, car un des ressorts
du surréalisme est que tout peut être (ou non) poétique.

La possibilité désormais ouverte de faire voir que « ça ne colle pas », que la raison
logique ne résiste pas à l'épreuve de la vie, ne sera plus refermée. Au contraire :
dès la fin des années 30 et jusque dans les années 60 au moins, tandis que le
surréalisme continue de se déployer, l'expérience de l'absurde devient le nom
explicite d'une crise existentielle, dont les œuvres des « écrivains de l'absurde » –
romanciers, essayistes, philosophes, dramaturges – viennent rendre compte.
Rappelons qu'entretemps, la crise économique de 1929 et la montée du nazisme, la
seconde guerre mondiale, puis Hiroshima et la guerre froide n'ont pas permis de
réasseoir fondamentalement le sens de la vie humaine, c'est le moins qu'on puisse
dire.

Avec Camus, Malraux et Sartre, on est beaucoup moins dans la fiction, même si
tous trois ont écrit notamment des romans et deux d'entre eux aussi des pièces de
théâtre. Leurs essais et textes philosophiques explicitent les tenants et les
aboutissants de l'absurdité du vécu humain. Certitude de la mort qui réduit tout à

55
néant, caractère machinal, jusqu'à la nausée, des routines quotidiennes, étrangeté
hostile de la nature, inutilité de la souffrance : l'absurde naît de l'antinomie entre
l'irrationalité du monde tel qu'il apparaît et le désir humain, si profond, de
comprendre.

Toutefois, ces auteurs ne s'en tiennent pas à ce diagnostic tragique. Dans la ligne
de l'existentialisme théorisé philosophiquement par Sartre, ils proposent chacun
une posture humaine susceptible de donner un sens à la vie en dépit de l'absurde.
La révolte chez Camus, l'action chez Malraux et la liberté chez Sartre constituent
précisément le coup de talon qui permettra de donner malgré tout à l'existence
humaine une valeur, quand on a touché le fond.

Le théâtre de l'absurde, quant à lui, avec ses éminents représentants met en scène
l'impossibilité foncière de se comprendre et l'échec définitif des relations
humaines, à partir d'une décomposition du langage et des modalités de la
communication. Les personnages sont là, mais ce qui leur arrive, quand il leur
arrive encore quelque chose, est dérisoire, insensé ou monstrueux. Pourtant, leur
univers tragique est aussi comique, et ce comique particulier des pièces absurdes,
mélange de burlesque, de dérision et d'ironie parfois cruelle, dessine en creux une
dignité suprême de l'homme, capable de rire de son impuissance même.

Il faut encore évoquer la Pataphysique, dont la branche littéraire, l'Oulipo, s'est


donné pour tâche paradoxale de stimuler la liberté de création par la contrainte
formelle, ce qu'ils appellent « l'anti- hasard en création ». Le Collège de
pataphysique, pour sa part, est actif depuis 1948 comme « Société de recherches
savantes et inutiles » centrée sur le particulier et l'exception: « étant entendu qu'il
n'y a dans le monde que des exceptions ». Les pataphysiciens se réclament
officiellement du livre d'Alfred Jarry, Gestes et opinions du docteur Fraustroll,

56
pataphysicien (1897-1898), ce qui nous permet de boucler la boucle, en quelque
sorte, puisque Dada se réclamait d'Ubu roi (1896), œuvre majeure du même Jarry.

Avec la pataphysique, nous sommes dans quelque chose comme de l'absurde


assumé, qui semble avoir apprivoisé le tragique de l'existence et fait du décalage
du sens une seconde nature. On a pris acte du fait que le mélange des genres est
désormais l'ordinaire et, tant qu'à faire, la pataphysique, au lieu de rester comme
Dada dans les marges de l'inclassable, s'est installée dans le lieu même du savoir
vrai : parmi les sciences – pour les singer, évidemment.

Reste à souligner que tous ceux qui ont ainsi émaillé l'histoire littéraire de
l'absurde depuis le début du XXe siècle ont été en réalité des écrivains engagés. On
retrouve, par exemple, Camus comme journaliste militant, notamment dans le
cadre de la guerre d'indépendance de l'Algérie, Sartre sur les barricades de mai 68,
Malraux à l'origine de la démocratisation de la culture en France. Mais aussi tous
les autres, avant eux et après, contre les horreurs des guerres et dans les réseaux de
la Résistance, aux côtés des communistes et plus généralement de la gauche pour
transformer la société, et de façon générale contre tous les embrigadements et
abrutissements des individus et des peuples...

Ainsi, tout au long du XXe siècle, de nombreux écrivains français – puisque c'était
ici notre exemple – ont éprouvé le besoin de rendre compte de l'absurde. Ils l'ont
incarné dans leur pensée, dans leurs œuvres et souvent dans leur vie, en s'emparant
de l'une ou l'autre facette de ce rapport conflictuel au sens. Du « rien ne vaut » du
mouvement dada au « tout se vaut » de la Pataphysique, la question de l'absurde,
telle qu'elle a été posée sans relâche, semble donc avoir résonné avant tout avec les
questions fondamentales que sont celle de la valeur et du sens de la vie humaine,

57
de la transformation de la société, et d'une lucidité critique qui soit moteur
d'engagement et de créativité.

Entre 1914 et 1945, le monde a été confronté à deux guerres mondiales. En plus
des horreurs liées à la guerre elle-même, il y eut l'extermination de millions de
personnes au nom d'une idéologie absurde, l'utilisation de la bombe atomique sur
Hiroshima et Nagasaki puis les menaces de la guerre froide, les guerres de
décolonisation. Comment trouver du sens à tout cela ? Un sentiment d'absurde se
manifeste dans la littérature dans la deuxième moitié du XXe siècle. Comment
trouver un sens à l'existence après une telle expérience?

Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale ont vu naître l’existentialisme,


doctrine selon laquelle notre essence serait illusoire, alors que notre existence est à
construire, à réaliser. On remet en question Dieu, l’homme a besoin de se
reconstruire, de se retrouver. La doctrine de l’absurde va s’apparenter d’une
certaine manière à l’existentialisme, mais s’en détacher assez clairement pour
mériter sa propre appellation. Elle lui vient de Camus, qui la développe dans son
essai Le Mythe de Sisyphe, essai sur l’absurde (1942) et l’illustre ensuite dans
l’ensemble de son œuvre, théâtrale ou romanesque.

La doctrine de l’absurde va s’apparenter d’une certaine manière à


l’existentialisme, mais s’en détacher assez clairement pour mériter sa propre
appellation. Elle lui vient de Camus, qui la développe dans son essai Le Mythe de
Sisyphe, essai sur l’absurde (1942) et l’illustre ensuite dans l’ensemble de son
œuvre, théâtrale ou romanesque.

Ainsi, le mouvement de l’absurde a pour principaux objectifs de montrer


l’absurdité de la condition humaine car elle est ondoyante, diverse et éphémère. Le
spectacle du grand n'importe quoi est le nom que l'on offre à une forme théâtrale de

58
la première moitié, qui dépeint l'absurdité de l'obligation humaine et de la vie. Le
spectacle du grand n'importe quoi exprime le sentiment de confusion de l'individu,
confronté au non-sens de son existence et du monde même. En outre contacté
"théâtre d'avant-garde", ou même "anti-théâtre", le spectacle du grand n'importe
quoi se distingue spécialement dans les pièces d'auteurs comme Samuel Becket ou
Norbert Ionesco .

I.2.4 L’existentialisme et l’absurdité

L’existentialisme, mélange de différentes philosophies et de théories, est un


courant dès la philosophie moderne associé couramment aux noms de Kierkegaard,
de Nietzsche, et Sartre qui en sont les représentants les plus connus. Il s’est
répandu depuis la Seconde Guerre mondiale au milieu du XXe siècle jusqu’à nos
jours. Des éléments de l’Existentialisme se rencontre dans la Bible chez les
écrivains et les philosophes modernes et dans le théâtre de l’absurde.

La pensée commune pour eux est d’affirmer que l’existence précède l’essence,
c’est-à-dire que l’idée existe avant l’objet. Selon Sartre cette affirmation signifie
que l’homme a le choix libre pour faire de soi-même ce qu’il veut. Selon lui
l’homme est condamné à la liberté. Or cette liberté amène avec soi l’engagement
et la responsabilité suivie par l’angoisse. » (Cité par Vinar Michel, in op,cit.,: 156)
Cette angoisse est issue de la guerre et ses conséquences. Pour Sartre l’homme ne
porte pas la responsabilité que de soi-même mais de toute l’humanité.

Le thème de la mort est central chez les existentialistes. Ce thème de la mort est
l’influence de la Seconde guerre Mondiale que l’on voit dans toutes les œuvres de
l’après-guerre. La langue utilisée par ces trois grands philosophes est souvent
symbolique : les philosophies sont cachées sous les aphorismes, les dialogues et
d’autres formes littéraires.

59
Ce mouvement philosophique et littéraire cultiva le thème de l’absurde. Son
intention ne fut pas de lancer d’appels philosophiques mais de se concentrer sur le
problème de nihilisme, l’influence de la Seconde Guerre. Le représentant le plus
important en est Camus avec son œuvre Le Mythe de Sisyphe dont le héros
mythique condamné par Zeus à faire rouler inlassablement sur la pente de
montagne un rocher qui retombe toujours avant d’avoir atteint le sommet,
symbolise l’absurde de l’homme qui fait un acte inutile .

La préoccupation principale de cette branche est de découvrir comment les


individus créent de l’importance dans un monde sans importance. Les thèmes de
l’absurdité se rencontrent dans les œuvres des dramaturges comme Beckett. Cette
idée est issue de la guerre. Pendant cette guerre impitoyable l’homme devient un
homme sans foi et sans religion. Il est maintenant un homme absurde qui vit dans
une condition lamentable issue de la Seconde Guerre Mondiale.

Au lendemain de la Seconde Guerre les écrivains et les dramaturges en touchant


les souffrances, les difficultés commencent à décrire la vie, la situation et la
condition sociale des personnes qui vivaient dans les pays européens. Alors naît à
Paris le théâtre de l’absurde. « Ce genre théâtral est une appellation commune dont
les écrivains ne forment pas un groupe indépendant. Leur œuvre reflète les
préoccupations et les questions soulevées par les deux guerres mondiales et
l’explosion de la bombe atomique à Hiroshima. » (Ibid.,:145) les derniers jours de
la Seconde Guerre. Le théâtre de l’absurde est l’un des héritiers du surréalisme,
contre le naturalisme du XXe siècle, qui a servi de moyen de défoulement pour les
écrivains français après les expériences cauchemardesques et la fierté nationale
humiliée par l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre Mondiale.

60
« Le théâtre de l’absurde est une combinaison de différentes traditions. Les
prédécesseurs, par ordre chronologique, en sont le mime d’Antiquité, les
personnages comiques du Moyen Âge, la Commedia dell’arte italienne et les
clowns de Shakespeare, y compris les comédies de music-hall et de Vaudeville et
les films de Chaplin, qui étaient une influence décisive sur le théâtre de l’absurde.
Plus tard Laurel et hardy ainsi que les frères Marx exercèrent une grande
influence sur l’absurde, particulièrement sur l’œuvre de Beckett. » (Ibid.)

Le but de l’absurde n’est pas de représenter d’événements ni le destin des


personnages mais d’être une représentation de la véritable situation d’un individu.
Comme les motifs et les actions des personnages sont incompréhensibles, il est
impossible de s’identifier à eux. Il est donc question d’un théâtre de situation
contre le théâtre conventionnel d’événements. Le langage n’a pas le rôle dominant
non plus dans les pièces de l’absurde. C’est seulement une partie de l’ensemble sur
la scène, souvent contraire à l’action vue. La communication entre les personnages
est réduite en bavardage sans but et sans logique avec des ruptures continuelles. À
part des traditions anciennes du théâtre, l’absurde utilise la mentalité mythique, qui
contient les images de rêves collectifs de l’humanité, allégorique et onirique.

Les dramaturges expriment la critique envers la société en état de ruine par une
image satirique et parodiée d’un monde sans signification qui est né après la
Seconde Guerre Mondiale. Les idées en sont de peindre par l’écriture la souffrance
d’un homme sans raffinement dans un monde contradictoire et difficile à
comprendre d’où la raison, la foi, l’absolution, l’espoir et même Dieu sont absents.
C’est justement le résultat et le fruit de la souffrance au temps de guerre et l’après-
guerre.

61
Au moyen de l’effet de distanciation brechtien contre l’illusion du théâtre,
l’absurde cherche à effrayer le spectateur au lieu de le mettre à l’aise. Quand les
existentialistes arguaient sur l’absurdité de l’existence de l’homme, le théâtre de
l’absurde la présentait.

Malgré les thèmes souvent sombres, violents et pénibles, l’absurde est chassé sous
la catégorie de la tragicomédie, combinant les caractéristiques de la comédie
tragédie. Ajoutons que la comédie est plus amère que la tragédie.

I.2.5 Comment se manifeste le théâtre de l'absurde dans la littérature

Le théâtre de l'absurde, terme formulé par l'écrivain et critique Martin Esslin en


1962, est un type de théâtre apparu dans les années 1950:

•rupture totale par rapport aux genres plus classiques, tels que le drame ou la
comédie. (bouleversement des conventions du genre théâtral).

•Traite de la dimension absurde de l’homme et de la vie en général, celle-ci


menant à la mort.

•rejet global du théâtre occidental pour son adhésion à la caractérisation


psychologique, à une structure cohérente, une intrigue et la confiance dans la
communication par le dialogue.

I.2.5.1 Le problème du langage

La question de l'absurde se retrouve dans les romans de Camus comme L’Étranger


ou La Peste par exemple. Mais on la retrouve beaucoup au théâtre parce que celui-
ci permet de confronter le spectateur à l'inadéquation du langage, à son absurdité.
Comme s'il n'y avait pas de vérité possible.

62
Par ailleurs, dans ces pièces, langage est désarticulé. Chez Beckett ou chez
Ionesco, les personnages ne se comprennent pas, ils ne parviennent pas à
communiquer. Les dialogues sont contradictoires, incohérents. Personne ne
s'écouterait ; chacun utilise le langage pour ne communiquer avec personne. Le
langage se désagrège parfois jusqu'au silence comme chez Beckett. Les
personnages évoluent dans un monde dépourvu de sens.

Ionesco, Adamov, Beckett, Genet, voire Pinter sont parmi les auteurs de ces
œuvres qui ont bouleversé les conventions du genre. La particularité de Eugène
Ionesco et Samuel Beckett est qu’ils ont exposé une philosophie dans un langage
lui-même absurde qui réduit les personnages au rang de pantins, détruit entre eux
toutes possibilités de communication, ôte toute cohérence à l’intrigue et toute
logique aux propos tenus sur scène.

L’absurdité des situations mais également la destruction du langage et de la


femme de buisson lui-même ont fait de ce style théâtral un mouvement dramatique
à part entière. Ce type de théâtre montre une existence dénuée de signification
mettant en scène la déraison du monde dans laquelle l’humanité se perd.

Par contre, après la lecture d'un théâtre absurde, il est évident que ce genre de
théâtre apporte un non-sens à la vie.

Il désigne essentiellement le théâtre de Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Fernando


Arrabal, les premières pièces d’Adamov et de Jean Genet…

I.2.5.2 Une absence de logique

Il n'y a aucune logique dans le dialogue des personnages. Les conversations sont
faites de clichés, de remarques décalées, sans suite, sans lien logique avec ce qui

63
vient d'être dit. Il n'y a aucune logique dans le langage parce qu'il n'y a aucune
logique dans la pensée .

I.2.5.3 Le rire, une arme pour dépasser l’absurde

Sisyphe dépasse l'absurde parce qu'il a conscience de sa situation. C'est par cette
conscience qu'il dépasse son destin. Et Camus écrit qu'il faut « imaginer Sisyphe
heureux ». Le spectateur qui assiste à une pièce du théâtre absurde est un peu
comme Sisyphe… Il a conscience de sa situation. Et il en rit. Et en en riant, il
dépasse cette condition.( Camus, Albert, Théâtre et récits, op,cit., p. 590)

I.2.6 Les caractéristiques du théâtre de l'absurde

•Refus du réalisme, des personnages et de l’intrigue. ( pas de personnalités


marquées ni d’intrigue dans le sens « narratif » du terme)

•Le lieu où se déroule l’action n’est pas souvent cité avec précision (dans « en
attendant Godot », on sait que l’action se déroule dans une lande, sans plus de
précision) ou avec trop de précision absurdes comme dans la didascalie qui ouvre
la cantatrice chauve.

•Le temps est lui-même tourné à l’absurde par certains moyens. (pendule
sonnant un nombre improbable de fois)

•La toile de fond de l’action est souvent la satire de la bourgeoisie, de son


langage figé et de son petit esprit.

•La scène se déroule souvent dans un climat de catastrophe mais le comique


s’y mêle pour dépasser l’absurde. (Rhinocéros D'Ionesco)

•Le langage mis en scène n’est plus un moyen de communication mais


exprime le vide, l’incohérence et représente la vie, laquelle est elle-même absurde.

64
•Volonté de dresser un tableau de la condition humaine prise dans son
absurdité. L’absurdité est que la vie mène à la mort.

•L’absurde n’y est pas démontré, mais simplement mis en scène ; c’est au
spectateur qu’il revient de comprendre...

I.2.6.1 Le langage absurde

Dans une pièce de théâtre ou dans un roman, le lecteur / spectateur s’attend à ce


que l’intrigue soit bien construite, que les personnages soient vraisemblables, les
situations identifiables. Pour ce faire, la cohésion entre le langage et les idées est
absolument nécessaire. Mais l’absurde se définit comme ce qui est contraire à la
raison et au sens commun.

De fait, le théâtre de l’absurde va chercher à montrer que l’on ne bâtit pas de


l’irréel sur les lois du réel, y compris celles de la linguistique ou des codes
littéraires!

La forme n’est pas la seule à être ébranlée : des phrases toutes faites, des lieux
communs, des expressions plus ou moins triviales, des parodies grossières et
voyantes font leur entrée sur scène. On parle de « radioscopie du langage » tant la
grammaire et le vocabulaire sont malmenés et désarticulés.

I.2.6.2 Les personnages

Point de profondeur psychologique dans le théâtre de l’absurde. On a davantage à


faire à des allégories d’humanité (du clochard de Beckett au roi d'Ionesco).

Puisqu’ils n’ont pas d’épaisseur psychologique, nul n’est besoin de leur fournir un
état civil : ils peuvent dès lors se substituer les uns aux autres et répéter à l’infini

65
les mêmes situations (fin de La Cantatrice chauve), se métamorphoser (en
Rhinocéros? ).

Les personnages les plus affinés sont destinés à représenter l’humanité toute
entière à travers un cas d’espèce, comme le roi du Roi se meurt.

I.2.6.3 L’action

L’action n’est pas préconisée, elle peut donc être totalement inexistante. La pièce
peut très bien être privée de tout mouvement dramatique puisque le but n’est pas «
de raconter une histoire mais de construire un objet temporel dans lequel le temps,
par ses contradictions, ses structurations, mettra en relief de façon saisissante ce
qui est proprement le sujet» (Sartre) .

Le temps est aboli, l’action peut s’étendre et recommencer à l’infini (comme dans
En Attendant Godot, de Beckett). Et c’est justement parce que rien ne se passe que
tout se passe, et que le tableau est complet, de la dérision au tragique.

Il arrive même que l’action échappe à tout contrôle : elle peut parfois laisser la
place à l’improvisation. Le théâtre de l’absurde n’hésite pas à emprunter aux
techniques du mime, du cirque, du happening. C’est ainsi que des tons si différents
cohabitent sans transition parfois : l’angoisse succède à l’humour, la mort à la
situation la plus clownesque.

I.2.6.4 L'essentiel

Le théâtre de l’absurde est la forme la plus vive de la philosophie de l’absurde,


directement issue de l’existentialisme, donc des lendemains de la Seconde Guerre
mondiale. La condition de l’homme se révèle fragile, vaine et il s’agit pour les
penseurs de ce courant, comme Camus, de trouver des palliatifs à ce caractère
immuable. Dès lors, l’homme doit prendre conscience que sa seule liberté se

66
trouve dans sa révolte et son refus des règles communes. Au théâtre, ce refus est
matérialisé par des personnages emblématiques de la condition humaine, plus que
des personnages singuliers, mais aussi par un refus des codes linguistiques et
littéraires en vigueur jusqu’ici.

Le théâtre de l’absurde est le plus populaire parmi les mouvements d’avant-garde.


Héritiers spirituels d’Alfred Jarry, des dadaïstes et des surréalistes, influencés par
les théories existentialistes d’Albert Camus et chez Tchékhov, le passé n’a jamais
abandonné les personnages de son théâtre. Ils ont raté leur vie en prenant les
mauvais embranchements et n’ont pu être ce qu’ils espéraient, vivant dans la
nostalgie d’un passé qu’ils n’ont su retourner à leur avantage et le désespoir d’une
réalité présente insatisfaisante. Tchékhov est ainsi, quelque part, l’envers, le
pendant d’Ibsen. Celui-ci fait remonter le passé dans le présent, et un conflit
dramatique en résulte, tandis que Tchékhov fait du passé un poids omniprésent
dans la vie actuelle de chacun, un passé qui empêche de vivre vraiment et avec
bonheur le présent. Tout est résumé dans cette célèbre tirade de l’Oncle Vania : «
Nuit et jour la pensée que ma vie est perdue sans retour m’oppresse ; je n’ai pas
de passé, je l’ai bêtement gaspillé en niaiseries, et le présent est d’une effroyable
absurdité. » (Cité in Pidoux Jean-Yves, op,cit.,:120) Cela explique le caractère
statique de ce théâtre, qu’on a parfois qualifié d’ennuyeux, comme si l’Histoire
s’était arrêtée il y a bien longtemps pour les personnages qui se retrouvent à un
certain moment, celui de la pièce. Le temps est immobile, reste l’espace, avec ses
maisons, ses jardins, ses domaines comme la Cerisaie. Le drame est dans cette
Histoire intangible que ressassent les protagonistes qui n’ont pas su saisir les
opportunités. Le présent est la rencontre de chacun avec son propre destin manqué,
au travers de la confrontation avec d’autres personnages, qui n’ont pas forcément
mieux réussi leur vie d’ailleurs. Certains s’en tirent mieux que d’autres, parfois

67
injustement. Le passé qui remonte est l’échec de ne pas avoir su bien choisir,
condamnant tout présent à n’être qu’un néant qui se prolonge indéfiniment. Chez
Tchekhov et Beckett ainsi que Radi, on ne peut revenir en arrière et refaire
l’Histoire, son histoire, on continue sa misérable existence, que ponctuent tous les
espoirs déçus. Si chez Ibsen, on nie l’Histoire, Chez Tchékhov et Beckett et Radi
on ne peut l’oublier. Dans les deux cas, l’illusion va faire long feu .

68
Chapitre 3. La société et la condition de l'homme dans le théâtre réaliste et
absurde

I.3.1 Le réalisme social, critique de la société

Le réalisme est une tendance littéraire et artistique du XIXe siècle qui privilégie la
représentation exacte, tels qu'ils sont, de la nature, des hommes, de la société.
Pendant la deuxième moitié du XIXe siècle les problèmes sociaux, comme les
conditions de travail, le manque de logements et d’argents, influencent l’art et la
littérature.

I.3.1.1 Les problèmes sociaux

Les auteurs et les dramaturges réalistes ne décrivent que la réalité, la situation des
femmes et des hommes et de sa place dans la société et les influences de son
environnement, la politique, l'amour, et de la richesse, de l'art, de la littérature, et la
métaphysique le travail salarié, ou les affrontements sociaux qui existent dans la
société du XIXe siècle mais aussi décrire les rouages de la société. De plus, leurs
œuvres ont un point commun. Tous ces écrivains parlent à propos de la lutte des
personnes dans les rouages de la société et aussi la vie rurale et la vie urbaine.
Auteur aborde plusieurs genres tel que le philosophique, ou encore la politique. Le
dramaturge réaliste est censé s’apparenter à un miroir reflétant le réel. Les
dramaturges réalistes ont consacré leur œuvre à décrire la vie. Ils avaient pour
ambition de faire concurrence à l’Etat-civil dans leurs descriptions de lieux, des
classes sociales et des périodes historiques et l’engagement social.

La retranscription du réel en littérature n’est qu’une utopie. Cependant les


dramaturges réalistes seront conduits en justice pour le procès jugé comme une
offense faite aux conventions sociales et ils font une peinture où ils décrivent la
situation dans la société, la vérité dure de la vie et des gens à travers ses
69
personnages. Le héros de ces écrits était plus précisément considéré comme une
bonne image de la société par la critique. ( Ibid.,: 214)

Les auteurs et les dramaturges réalistes expliquent le plus parfaitement possible la


réalité. Cela peut impliquer la description en détail du milieu et l’analyse des
personnages. Mais le but principal ou l’objectif est de montrer comment à l’aide
des thèmes réalistes, ils représentent la condition sociale au XIXe et XXe siècle à
travers leurs personnages. C'est-à-dire de montrer l’image réaliste, par leur point
de vue, concernant la situation de la société. Pour réaliser l’objectif de la
représentation de la situation de l’homme du XIXe siècle, Tchekhov envisage la
classe bourgeoise de la Russie. En plus il présente également le point de vue social,
en ce qui concerne la condition du paysan, selon lequel elle est un objet soumis à
l’influence de la société .

Les dramaturges du théâtre réaliste montrent le destin tragique des héros qui peut
se produire pour de nombreuses raisons; d’une part, il y a des facteurs sociaux
comme les lois, les mœurs et les traditions, d’autre part, il y a le manque de
compréhension pour les sentiments et les personnalités des personnages .

Ce que nous voudrions étudier dans cette partie c'est l’aspect réalisme social .

I.3.1.2 Le Réalisme et la société dans le théâtre absurde

Comme nous avons mentionné le réalisme est un mouvement artistique et littéraire


apparu en France vers 1850, est né du besoin de réagir contre le sentimentalisme
romantique. Il est caractérisé par une attitude de l’artiste face au réel, qui vise à
représenter le plus fidèlement possible la réalité telle qu’elle est, sans artifice et
sans idéalisation, avec des sujets et des personnages choisis dans les classes
moyennes ou populaires. Le réalisme entre ainsi dans l'âge moderne et peut

70
dorénavant aborder des thèmes comme le travail salarié, les relations conjugales,
ou les affrontements sociaux.

I.3.1.3 Le Paramètre du Réalisme Social

Balzac parle de trois paramètres dans son œuvre : la modernité (« Parler du


présent »), l’esthétique (« Rendre beau le médiocre », projet romantique), et
l’histoire (la « logique post- révolutionnaire » « une sorte de deuil de l’âge d’or »).
Ainsi, dès sa première phrase, La Peau de chagrin s’ancre le plus clairement dans
le présent, alors que ce sont les Scènes de la vie de province. Nous pouvons
considérer ces trois paramètres dans le théâtre réaliste.

I.3.2 Origine et développement de l’Écriture

Le réalisme utilise quand même des techniques particulières d’écriture. Quelques


exemples:

-le portrait et le travail du type.

-la description.

-la présence de lieux voire de personnages réels au milieu de lieux et de


personnages fictifs.

Le roman et la pièce théâtrale réaliste se caractérisent par la vraisemblance des


intrigues, souvent inspirées de faits réels, ainsi que par la richesse des descriptions
et de la psychologie des personnages. On peut y considérer la société qui écrase les
gens et la classe bourgeoise qui efface la classe ouvrière et paysane, mieux dire la
classe inférieure. Comme dit Mikhaïl Bakhtine; Classe sociale et communauté
sémiotique ne se recouvrant pas (…). Des classes sociales différentes usent d'une
seule langue. En conséquence, dans tout signe idéologique s'affrontent des indices

71
de valeurs contradictoires. Le signe devient l'arène où se déroule la lutte ses
classes. (Cosmos K.M. Badasu, 1997: 111)

On y rencontre des personnages appartenant à toutes les classes de la société et à


plusieurs générations successives dans une perspective souvent critique. Toutefois,
ces auteurs ne se sont pas cantonnés au réalisme.

Le roman russe a donné au roman réaliste plusieurs de ses chefs-d'œuvre: Guerre et


Paix et Anna Karénine de Léon Tolstoï, Pères et fils d'Ivan Tourgueniev, Oblomov
de Ivan Gontcharov. Enfin, l'œuvre romanesque de Dostoïevski, dont l'importance
pour l'histoire du roman est fondamentale, peut par certains aspects être rattachée à
ce mouvement. Le réalisme s'impose également dans le reste de l'Europe: George
Eliot et Anthony Trollope en Angleterre, Eça de Queiroz au Portugal, Giovanni
Verga en Italie. En Allemagne et en Autriche, le style Biedermeier impose un
roman réaliste empreint de moralisme. Et dans le théâtre Tchékhov avec ses pièces.

I.3.4 Critique de la société

Les écrivains et les dramaturges réalistes veulent explorer les différentes classes
sociales et les individus qui les composent, afin « d'écrire l’histoire oubliée par tant
d’historiens, celle des mœurs » et « faire concurrence à l'état civil.» (Corvin
Michel, op,cit.,: 453) Les auteurs décrivent la montée du capitalisme et l'absorption
par la bourgeoisie d'une noblesse incapable de s'adapter aux réalités nouvelles.
Intéressé par les êtres qui ont un destin, ils créent des personnages plus grands que
nature, au point qu'on a pu dire que, dans leurs écrits, chacun, même les portières, a
du génie. Leurs œuvres décrivent les problèmes des pauvres et de la classe
moyenne urbaine. Elles représentent une perspective rationaliste, qui considère les
valeurs religieuses. En plus Le dramaturge réaliste a utilisé la littérature pour le but
72
de susciter la sensibilisation du public sur les problèmes nationaux et sociaux et a
souvent écrit sur des sujets liés à la corruption, de veuvage de l'enfant, la
prostitution, système féodal, la pauvreté, les problèmes réalistes, la dette, la
pauvreté, critique sociale etc. Les écrits de ces écrivains et dramaturges décrivent
les problèmes ruraux et urbains. Alors on peut noter que ces écrivains ont une
pensée pessimiste sur la condition de l'homme et la vie de l'homme dans cette
forme de société. Et ils décrivent la rencontre entre le monde rural et urbain.

Le réalisme se caractérise d’abord par l’attention qu’il porte à la psychologie des


personnages qu’il peint. En effet, leurs sentiments, leurs passions, leurs traits du
caractère doivent avoir l’air vrais – qu’ils soient normaux ou non. Il est aussi
minutieux dans sa façon d’aborder les structures et le fonctionnement de la société,
qu’il s’agisse de traiter des réalités économiques, sociales ou institutionnelles.
C’est pourquoi, nous l’avons déjà dit, les méthodes de travail des écrivains
réalistes transforment la genèse de l’œuvre en une exploration, une recherche du
document et du savoir –plusieurs, comme Flaubert et Zola, tiennent des Carnets,
qui contiennent leur premier regard sur le réel et montrent bien à quel point la
démarche analytique des auteurs participe de l’invention narrative.

Le réalisme, dans sa façon de représenter la réalité sociale, a absolument besoin du


personnage. C’est par lui qu’on peut montrer sa science. De ce fait, le personnage
réaliste a trois fonctions : il est d’abord le « héros » d’une aventure, l’agent d’une
action ou d’une série d’actions telles qu’en offre la vie réelle ; c’est aussi à travers
lui que s’inscrit la vision du monde de l’auteur – c’est lui qui permet la critique
sociale – ; enfin, il assure la cohésion de la narration et de la description. Dans le
réalisme, en effet, les descriptions ne doivent jamais être gratuites, comme cela
pouvait être le cas dans les œuvres romantiques, où l’on cherchait à « faire beau »
Le réalisme veut « faire vrai ». Pour pouvoir poser un regard critique sur le monde

73
qui l’entoure, l’auteur réaliste devra mettre en scène des êtres « typiques ». C’est
pourquoi il choisira ses personnages dans une population « quelconque ». L’auteur
réaliste s’intéresse en général à deux types de héros. Le premier est celui du
bourgeois médiocre – on s’intéresse à ses passions, qui sont elles aussi médiocres,
terre à terre, et à la façon dont il est conditionné par sa constitution (pour Zola, en
effet, la psychologie de l’homme est déterminée par la physiologie).

Le second type est celui des jeunes hommes de la classe inférieure et dans une
condition sociale qui aspire à une rapide ascension aux couches supérieures de
la société – on montre alors son apprentissage social, moral, intellectuel et
amoureux. Les écrits réalistes sont souvent des écrits de l’avidité: la passion y est
destructrice.

Chez les dramaturges réalistes l’écriture est centrée sur les thèmes majeurs
comme pauvreté, alcoolisme, bourgeoisie, exploitation des ouvriers, du
prolétariat, par les riches bourgeois, ce que l'on voit aussi dans le théâtre de
l'absurde.

Impossibilité d’échapper à la misère, de changer de classe, déchéance toujours


possible, Ambition – égoïsme – hypocrisie, Perte des valeurs morales au profit des
valeurs capitalistes, soumission aux impulsions, aux passions viles. Impossibilité
de l’amour, le réaliste serait un document un peu poussiéreux, un catalogue
maniaque du réel, à lire pour connaître le passé, pour s'instruire plutôt que pour se
faire plaisir. Parfois pris en flagrant délit de contradiction avec lui-même,
chimérique » ou flirtant avec les « sciences occultes », il se rapproche néanmoins
surtout de ces sciences, alors toutes récentes, qu'étaient la statistique et
l'ethnographie.

74
Le théâtre réaliste est un document qui reflètent la vie sociale vers un catalogue
maniaque du réel, à lire pour connaître le passé, pour s'instruire plutôt que pour se
faire plaisir. Parfois pris en flagrant délit de contradiction avec lui-même, «
chimérique » ou flirtant avec les « sciences occultes », il se rapproche néanmoins
surtout de ces sciences, alors toutes récentes, qu'étaient la statistique et
l'ethnographie.

Le théâtre réaliste est une image plus claire des couches supérieures et inférieures
de la société, de la condition de l'homme dans la société, au XIXe siècle dans
laquelle le réalisme dominait en France et en Russie.

1.3.5 Aspect Littéraire de l’absurde et le théâtre absurde

Dans cette partie nous allons donner les thèmes principaux de l’absurde, les
procédés utilisés mais également les grands auteurs de ce courant littéraire et les
principales œuvres qui l’ont fait connaître aux publique .Nous commencerons par
étudier les thèmes principaux de l’absurde puis les auteurs marquant de ce courant
littéraire.

Les thèmes abordés de l’absurde ont pour but de produire un effet de non-sens,
qui est contraire à la raison. Il se caractérise qui est dépourvu de tout sens logique.

Les thèmes qui caractérisent l’absurde sont multiples, le but étant de démontrer
l’absurdité de la vie et la société qui écrasent le peuple d'une société. Albert
Camus qui a été considéré comme le représentant de ce courant, en a développé
plusieurs fois dans ses romans et pièces de théâtre comme une sorte de
l’humanité, où il a essayé de définir la nature humaine et ce qui caractérise les
sentiments de l’homme. Il parle également de la politique en dénonçant

75
l’injustice. L’existentialisme consistant à définir le sens et l’essence de la vie
Albert Camus remet en cause la vie ce qu’il dit à un journaliste lors d’une
interview : Croyais moi, pour vivre dans la vérité, jouer la comédie. (Camus,
Albert, Théâtre et récits, op,cit.,: 456)

Les thèmes que nous venons de voir sont utilisé au niveau littéraire mais l’absurde
se passe également au théâtre. Le théâtre et la manière avec laquelle l’absurde a été
le plus représenté notamment grâce à des écrivains et dramaturge comme Eugène
Ionesco ou encore Samuel Beckett leurs œuvres théâtrales les plus connu sont: La
Cantatrice chauve écrite par Ionesco en 1950 cette pièce dénonce l’absurdité de
la société contemporaine. Mais aussi l’œuvre théâtrale En attendant Godot de
Samuel Beckett, cette pièce raconte l’histoire de deux clochard qui attende l’arrivé
d’un mystérieux personnage appelé Godot mais celui si ne vient jamais, on en
conclue que les hommes vont attendre indéfiniment ce Godot, le ridicule de cette
pièce et que les deux personnages attendent pour rien et qu’ils vont mourir sans
l’avoir trouvé cela, rappelle la question; Quel est notre objectif dans la vie ?

Les thèmes principaux utilisé dans ces pièces sont la solitude de l’homme et le
tragique de l’existence les personnages se sentent étrangers au monde qui les
entoure, on y retrouve également l’envahissement des objets où les personnages
sont confrontés à des objets banals et dérisoires qui gênent par leurs présence ou
envahissent la scène, par exemple dans la pièce En attendant Godot les deux
personnages sont ennuyés avec l’histoire d’une carotte , à travers ces objets le
théâtre se moque de la société de consommation. Nous trouvons aussi
l’écoulement infini du temps lorsque les personnages attendent une chose qui
n’arrivera jamais. Dans la pièce de Samuel Beckett les personnages attendent
l’arrivée d’un certain Godot qui ne viendra jamais. Le dernier thème est la
difficulté pour les personnages à communiquer dans la pièce Fin de partie de

76
Samuel Beckett il y a souvent des temps de pose entre les paroles. Cela montre que
dans le théâtre de l’absurde les paroles ne sont pas très importantes.

Pour mettre ces thèmes en valeurs, on utilise souvent un mélange du registre


tragique et comique ce qui amène à l’humour noir et crée une atmosphère
déroutante, on remet en cause le langage du théâtre classique et l’action qui s’y
déroule : Le langage est fait de non-sens et de silences. Enfin souvent les
personnages sont montrés comme des anti-héros sans caractère défini… ( Corvin
Michel, op,cit.,: 250)

Au XXe siècle, le théâtre remet en question les codes traditionnels afin de


s’interroger sur de nouveaux enjeux, en particulier après le traumatisme de la
Seconde Guerre mondiale qui engendre une réflexion sur la valeur et le sens de
l’existence humaine. Ces questions essentielles on les voit aussi dans le théâtre
réaliste.

La pièce Oh les beaux jours de Beckett s’inscrit dans cette réflexion globale sur la
condition humaine. Quelle vision donne-t-elle de la condition humaine et, plus
largement, comment le théâtre de l’absurde du XXe siècle permet-il au
lecteur/spectateur de s’interroger sur l’existence?

Nous verrons dans un premier temps que ce théâtre met en scène le tableau
sombre qu’il dresse de la condition humaine.

I.3.5.1 Un tableau sombre de la condition humaine dans le théâtre absurde

Le théâtre montre des corps terriblement affaiblis afin de mettre en lumière la


fragilité de l’existence humaine. Chaque réplique, chaque accessoire, chaque
didascalie fait sens au théâtre. Efforcez-vous d’étudier les symboles implicites.

77
Dans Oh les beaux jours, le corps de Willie est en décrépitude. Celui de Winnie,
d’abord enterré jusqu’à la taille dans un mamelon, s’enlise presque complètement
dans le deuxième acte de la pièce. La tentation du suicide est symbolisée par le
pistolet, constamment à proximité du personnage. Ce passage représente la vie de
l'homme qui se noie dans une situation lamentable de l'Europe après la guerre.
Cette vie issue de la guerre met les gens dans un état de mort.

Dans En attendant Godot, Vladimir et Estragon, attendant désespérément Godot


qui ne viendra jamais, ressentent l’inanité de leur existence et voient la mort
comme un remède : « Et si on se pendait ? » Mais la mort même leur est interdite :
il manque une corde Toujours le manque social.

I.3.5.2 Le recours au symbole et à l’allégorie

Le théâtre peut se faire allégorique afin de dire la vérité de l’homme.

Dans Oh les beaux jours, Winnie, entre ciel et terre, désire s’envoler : « la gravité
n’est plus ce qu’elle était ». Winnie est empêtrée dans un corps fragilisé qui lui
rappelle sa condition misérable.

Dans Rhinocéros, d'Ionesco (1960), la bestialité de l’homme est représentée par la


« rhinocérite », animalisation progressive du genre humain : cette métamorphose
horrifiante conduit le spectateur à s’interroger sur son humanité. Ces réflexions
amères mettent en scène l’absurdité de l’existence.

Le théâtre mêle comique et tragique pour montrer la condition désespérante et


absurde de l’être humain. Les points bouffonnes du théâtre de l'absurde renforcent
par contraste l’accablement global des personnages.

Dans Fin de partie, de Beckett, Nell et Nagg, qui vivent dans des poubelles situées
sur scène, oscillent entre rire grinçant et désespoir tragique. « Rien n’est plus drôle

78
que le malheur » affirme Nell à Nagg. Beckett souligne ainsi le caractère dérisoire
de l’existence humaine.

I.3.5.3 Une volonté de résistance

Peut-on rester homme face à cette absurdité et cette condition sociale?

Winnie tente de résister à cette spirale mortifère à travers le ressassement du passé,


des souvenirs heureux ; elle se crée un bonheur futile fait de petites choses et de
l’éternel recommencement du même.

Face à la métamorphose de toute la population en rhinocéros, qui a souvent été


interprétée comme une allégorie de la tentation totalitariste, Bérenger se révolte :
lui ne se transformera pas. L’humanisme reste à défendre : « Je suis le dernier
homme, je le resterai jusqu’au bout ! Je ne capitule pas» !

Le théâtre de l’absurde représente la condition humaine sous tous ses aspects. Il


invite le spectateur à s’interroger sur l’absence de repères qui caractérise
l’existence et sur la sensation d’absurdité qui peut en découler. Ce thème essentiel
du théâtre absurde, se représente aussi dans le théâtre réaliste.

Cette réflexion est également abordée dans d’autres genres littéraires : ainsi par
exemple du roman L’Étranger de Camus (1942), qui met en scène un personnage «
étranger » à soi et au monde.

I.3.6 La nouvelle mythologie de la condition humaine chez Tchékhov réaliste


et absurde

Tchékhov crée un univers de personnages moyens issus de milieux sociaux


inférieurs, représentés dans un espace domestique et dans leurs activités
quotidiennes. On peut affirmer qu’il ne restitue que ce qu’il a observé avec

79
attention autour de lui pour le transposer dans ses pièces avec fidélité. Tous les
éléments qui constituent l’action dramatique existent ou pourraient exister, le
spectateur ne rencontre aucune difficulté à les retrouver éparpillés dans son
entourage. Mais ce qui inscrit le théâtre de Tchékhov dans le mouvement réaliste,
ce n’est pas cette prétendue fidélité référentielle à la réalité domestique. C’est un
approfondissement existentiel qu’il confère au traitement des personnages
inférieurs dont la représentation était jusqu’alors limitée aux genres non sérieux.
Leur existence n’est plus posée comme allant de soi dans un monde gouverné par
les grands : leur existence envisagée avec sérieux est tout aussi problématique que
s’il s’agissait des héros épiques d’antan ou des personnages de la haute noblesse, à
ceci près que leurs actes particuliers participent au cours de l’histoire à une échelle
individuelle de moindre envergure. L’infériorité de leur condition cesse cependant
d’être incompatible avec le sérieux réservé aux héros épiques et aux princes
confrontés aux grands mouvements de l’histoire.

Les transformations politiques et économiques de la réalité sociale au cours du


XIXe siècle conduisent en effet à l’émergence de la nouvelle conception du «
tragique » étendue à tout individu, sans différences sociales, en proie à des
questionnements existentiels fondamentaux tels que le sens de la vie, le bonheur ou
la mort. Les personnages de condition inférieure cessent ainsi d’être considérés
comme étant indignes d’un traitement noble réservés jusqu’alors aux grands. Cette
problématisation de la condition humaine des personnages ordinaires fait de
Tchékhov un auteur « réaliste » égal de Flaubert qui, lui aussi, dépasse un
réalisme « scolaire » fondé sur la reproduction de la réalité domestique et sur la
représentation des milieux sociaux inférieurs pour les transfigurer dans une
recréation esthétique empreinte de sublime. (Zinoviev Alexandre,1999: 123)

80
Dans cet univers, il n’y a plus de place pour les héros des grands mythes épiques
transposés au théâtre par les auteurs antiques et ceux qu’ils ont inspirés par la suite.
Ce qui a élevé ces héros au rang des personnages mythiques en plus du caractère
exemplaire de leur condition, c’est une confrontation fondamentale à la volonté des
dieux régisseurs exclusifs de leur destin. On le voit bien sur l’exemple du mythe de
la guerre de Troie dont l’enlisement de même que la résolution dépendent des
caprices des dieux intéressés à régler le sort des hommes, de leur faveur ou de leur
colère. C’est Artémis offensée qui demande aux Grecs le sacrifice d’Iphigénie, ce
qui expose Agamemnon, comme son entourage proche, à un questionnement
existentiel sur sa condition de père et de roi. Ces histoires, vraies ou fausses, là
n’est pas la question, ont acquis une valeur de mythes en raison de leur dimension
symbolique pour plusieurs générations de toute la civilisation occidentale qui y
voit le moyen d’interroger son rapport à la religion, au monde, à sa propre
condition humaine. Dans le théâtre de Tchékhov, le sort des hommes, que leur
origine soit modeste ou non, n’est plus régi par les dieux. La question de la
religion ne s’y pose à aucun moment : toute spiritualité a été éliminée de leur vie
et de leurs représentations. Le sort de tous personnages est en revanche «
déterminé » par les conditions socio-économiques qui les mettent aux prises avec
leur destin qui dépend désormais d’eux-mêmes. Comme l’ordre ancien a disparu,
ils sont confrontés aux enjeux d’une nouvelle organisation sociale et d’une
nouvelle redistribution de biens : ayant perdu les repères établis depuis des
siècles, les personnages de Tchékhov cherchent ainsi à donner du sens à leur
quotidien, à échapper à l’ennui ou à résoudre la question du vieillissement et celle
du bonheur (Françoise Darnal-Lesné, 2010: 343). Il s’agit là des questionnements
fondamentaux qui préoccupent les hommes modernes mais que les héros épiques
ne connaissaient pas vraiment. Que l’action se passe en Russie à la fin du XIXe
siècle importe peu au regard de son ancrage historique superficiel : tout ce qui fait
81
référence au cadre spatio-temporel historique peut en effet être enlevé ou remplacé
sans atteinte à l’action, aux personnages, à leurs états d’âme ou à leurs
préoccupations existentielles. Tchékhov est le premier auteur dramatique qui
introduit les questionnements mentionnés dans le théâtre fondé sur la
représentation sérieuse de la réalité domestique, ce qui fait de lui créateur du mythe
moderne de la condition humaine.

I.3.6.1 Tchékhov et sa critique sur la société

Tchékhov n’a pas produit de texte théorique sur le théâtre ou, de manière
générale, sur la littérature. Pour en savoir plus sur sa conception de l’écriture, il
faut se reporter à ses correspondances ou directement à l’analyse de ses textes. Les
références à certains auteurs français du XIXe siècle mentionnés par les
personnages de ses pièces peuvent, elles aussi, porter un éclairage sur l’inscription
de son œuvre dans le mouvement réaliste sur le plan européen.

Tchékhov à Souvorine :

« Il me semble que ce ne sont pas les écrivains qui doivent résoudre les questions
telles que Dieu, le pessimisme, etc. L’affaire de l’écrivain est seulement de
représenter les gens qui parlent de Dieu et du pessimisme ou qui y pensent, de
quelles façons et dans quelles circonstances ils le font. L’artiste ne doit pas être le
juge de ses personnages et de ce qu’ils disent, mais seulement le témoin impartial.
J’ai entendu, entre deux Russes, une conversation sans suite et ne résolvant pas la
question du pessimisme, et je dois reproduire cette conversation exactement
comme je l’ai entendue. Les jurés, c’est-à-dire les lecteurs, décideront. Mon rôle
est seulement d’avoir du talent, c’est-à-dire de savoir distinguer les indices

82
importants de ceux qui sont insignifiants, de savoir mettre en lumière des
personnages, parler leur langue. » (Lettre du 30 mai 1888) 1

Tchékhov n’est pas adepte d’une littérature d’idées à la manière de Dostoïevski


malgré l’admiration qu’il manifeste pour ce grand romancier russe. Il se distingue
dès son plus jeune âge comme un auteur de récits brefs fondés sur l’observation
minutieuse et la transcription frappante de la vie quotidienne. Il refuse de prêter à
ses personnages de longs discours métaphysiques parce qu’il n’est pas persuadé de
leur efficacité ou parce qu’il doute même de leur valeur universelle quand ils sont
présentés comme tels. Selon ce qu’il affirme dans ses lettres adressées le plus
souvent à son ami Souvorine, c’est au lecteur de réfléchir et de trouver une réponse
aux questions existentielles qu’entraînent naturellement les faits et les propos
exposés dans un récit sans être interprétés par l’auteur. L’écriture réaliste s’impose
ainsi doublement à sa conception de l’art : la vie ordinaire, pour le sujet et l’action,
et l’impartialité, pour l’acte d’écriture en tant que tel. L’écriture réaliste s’impose
doublement à sa conception de l’art : la vie ordinaire, pour le sujet et l’action, et
l’impartialité, pour l’acte d’écriture en tant que tel. Les scènes paraissent ainsi
comme sorties de la vie pour se succéder les unes aux autres selon un découpage
qui fait avancer l’action malgré son caractère généralement commun, dépourvue de
rebondissements romanesques ou mélodramatiques, animée tout au plus par une
visite ou par un départ qui servent de prétexte aux échanges verbaux, à
l’expression des sentiments et aux remarques sur la vie.

Ce qu’il a appris dans ses nouvelles, Tchékhov le transpose dans son théâtre. Les
personnages de ses pièces sont des représentants stéréotypés, inspirés des classes
moyennes de la société russe contemporaine. Ils ne sont pas stylisés pour autant,
ils renferment chacun leur histoire particulière présentée, au cours de l’action, de

1
https://marek-ocenas.fr/le-theatre-et-la-dramaturgie-de-tchekhov/

83
manière fragmentaire à travers des propos et des actes qui semblent souvent
insignifiants. Qu’il s’agisse des propriétaires terriens appauvris, des artistes, des
médecins, des étudiants, des soldats ou même des serviteurs, ils sont tous
dépouillés de leurs anciennes prérogatives. (Alexandre Zinoviev, op,cit.,:167) Ils
apparaissent comme des êtres souffrants en quête d’une existence apaisée ou d’une
nouvelle manière de vivre plus active. Ils ne sont en rien exceptionnels, ils
ressemblent aux personnes ordinaires : ils parlent du temps, du travail ou de leur
ennui, de l’argent, parfois de l’amour, certains racontent des bêtises, d’autres
tiennent des discours sur le travail ou le bonheur, puis ils rient ou ils pleurent, ils se
disputent, puis ils mangent, ils boivent du thé ou de la vodka, ils arrivent et partent,
ils se couchent sans arriver à dormir. L’action dramatique est brodée d’un infini
d’actes superposés les uns aux autres, comme si elle tendait un miroir grossissant à
la vie la plus commune. Il ne se passe rien d’extraordinaire : tout a l’air si banal
que le déroulement de l’action reproduit authentiquement la monotonie du
quotidien à quelques événements près qui se trouvent noyés dans cette banalité de
telle sorte qu’on les en distingue à peine. Le dialogue dramatique se développe au
gré des remarques sur ce qui occupe les personnages au jour le jour dans leur
présent immédiat. Ils donnent ainsi le plus souvent l’impression de patauger dans
des conversations dérisoires et de revenir au même point mort malgré l’énergie
vitale qui les anime. D’autres détails et notations contribuent enfin à renforcer une
telle illusion de réalité .

La didascalie initiale qui ouvre Les Trois Sœurs est à cet égard un exemple
parlant de la recherche de l’effet de réel:

«Dans la maison des Prozorov. Un salon à colonnes, derrière lesquels on voit une
grande salle. Midi : dehors, un temps gai, ensoleillé. Dans la salle on met la table
pour le déjeuner. Olga, debout dans son uniforme bleu de professeur de lycée de

84
filles, ne cesse de corriger, en marchant et en s’arrêtant, des cahiers d’élèves.
Macha, en robe noire, assise, son chapeau sur les genoux, lit un livre. Irina, en
robe blanche, est debout, songeuse. » (Tchékhov, Les Trois sœurs, 1987, Acte I)

Sans donner de précisions sur le mobilier et sa disposition sur le plateau,


Tchékhov multiplie les détails sur l’aspect général du salon, sur le temps, sur les
costumes et l’attitude des trois sœurs présentes sur scène au lever du rideau. Sans
tomber dans la surenchère, il ébauche un cadre spatio-temporel propre à
l’expérience du spectateur. Ce qui accentue une coloration réaliste, ce sont les
occupations communes des personnages livrés aux activités habituelles : la
correction des cahiers, la lecture et la rêverie. D’autres personnages préparent en
même temps une table pour déjeuner. Si les serviteurs s’activent ainsi, c’est pour
une fête d’anniversaire qui, elle aussi, ne représente que ce qui correspond aux
rythmes généraux connus du spectateur. L’action se déroule enfin dans la même
maison familiale qu’habitent les Prozorov depuis dix ans. Rien, en somme, que des
choses domestiques qui nous plongent dans une réalité familière. Dès lors qu’une
conversation s’engage, les personnages ne font que parler de leur vie et de ce qui
leur pèse ou leur fait plaisir selon les contingences du moment, en l’occurrence
l’anniversaire d’Irina, celui de la mort du père et l’arrivée de Verchinine pour les
trois événements principaux qui orientent les conversations.

Le classement du théâtre de Tchékhov dans le mouvement réaliste peut paraître


tout aussi insidieux que celui de Faubert farouchement opposé à un tel étiquetage
hâtif. Dans une lettre adressée à Edma Roger des Genettes, le romancier évoque sa
haine du réalisme tout en déclarant qu’il a écrit Madame Bovary pour s’en
distinguer : « On me croit épris du réel, tandis que je l’exècre. Car c’est en haine
du réalisme que j’ai entrepris ce roman. Mais je n’en déteste pas moins la fausse

85
idéalité, dont nous sommes tous bernés par le temps qui court » (Lettre du 30
octobre 1856).1

La position esthétique de Flaubert se comprend aisément quand on la replace dans


le contexte de son époque, où le réalisme tel que théorisé et pratiqué par les auteurs
qui s’en réclament explicitement représente une plate copie de réalité. Leurs
romans, médiocres tant par les sujets qu’au niveau de l’écriture, sont accusés d’être
grossiers et obscènes, de faire triompher la laideur. Tel est en effet le cas quand
l’écriture dite réaliste fondée sur l’observation exacte d’un milieu ― la
prédilection des romanciers réalistes va pour les couches sociales défavorisées et
pour les destins éprouvés par la misère ― se réduit à une notation de faits
observés, à la simple reproduction quasi photographique de la réalité. Flaubert
s’oppose précisément à cette « médiocrité » formelle en faisant du travail sur le
style son cheval de bataille et en écrivant alors contre le réalisme : « J’ai fait
Madame Bovary pour embêter Champfleury. J’ai voulu montrer que les tristesses
bourgeoises et les sentiments médiocres peuvent supporter la belle langue » (Ibid.)
Chez les grands auteurs, la préoccupation formelle est ainsi centrale : si elle fait
subir à l’écriture réaliste une sorte de stylisation, elle permet d’engendrer des
œuvres transcendées par une application réussie d’exigences stylistiques imposées
à la manipulation d’un sujet ''laid''.

Comme dans le roman, le réalisme dans le théâtre bourgeois qui se contente de


renseigner les spectateurs sur les aspects matériels de la vie quotidienne se réduit à
un reportage ou à un témoignage en raison de la fidélité avec laquelle les faits
observés sont transposés sur la scène. Il ne parvient pas, dans ces conditions, à
s’élever pour conférer une résonance existentielle aux personnages prisonniers
d’une hyper-réalité stérile et étouffante. C’est tout le contraire de ce que cherche

1
https://marek-ocenas.fr/le-theatre-et-la-dramaturgie-de-tchekhov/

86
Tchékhov ― ou de l’idée qu’il se fait de l’interprétation scénique de son théâtre
―, mécontent des mises en scène naturalistes que lui impose Stanislavski dans des
scénographies scrupuleusement attachées à l’exactitude référentielle des détails
matériels. Or, ce n’est pas ce que souhaite Tchékhov pour ses pièces. Comme
Flaubert, il accorde une importance toute particulière à leur écriture. (Elsa
Triolet, 1954: 207) Il est très lent quand il compose une pièce, il travaille plusieurs
mois sur chaque texte et ne cesse de le reprendre même après l’avoir transmis à
Stanislavski, du moins pour les trois dernières créations. Plusieurs de ses lettres
révèlent un souci quasi obsessionnel dans la recherche de la justesse de ce qui
paraît comme des détails. Mais ces détails ne concernent pas tant l’aspect matériel
de la mise en scène que le travail minutieux de la langue et le rythme de l’action.
C’est crucial, aux yeux de Tchékhov, pour rendre avec exactitude les états d’âme
de ses personnages en quête d’eux-mêmes — selon l’idée qu’il s’en fait lui-même
—, que ce soit dans une comédie ou dans un drame. Et c’est précisément cette
attention accrue portée au style, à la façon de parler, aux gestes et aux mouvements
des personnages qui transcende l’écriture réaliste de Tchékhov. Contrairement à ce
qu’il prétend, il ne reproduit pas exactement des conversations entendues, ou s’il le
fait pour certains propos ou certains personnages inspirés de la vie comme cela lui
arrive dans ses nouvelles, il les replace dans une intrigue qui n’est pas une
restitution telle quelle de réalité. Que l’ensemble produise à la fin un effet de réel
ne change rien sur le fait qu’il s’agit d’une recréation sublimée par une
recomposition littéraire. Ces préoccupations formelles de Tchékhov pour la
justesse de l’expression des choses les plus banales l’élève au rang des grands
auteurs considérés aujourd’hui comme réaliste.

87
I.3.7 Une suite d’actes insignifiants; thème de l'absurdité

L’action dramatique dans les pièces de Tchékhov semble enlisée dans le


bavardage et dans la répétition des actes banals. Chaque pièce renferme pourtant
un conflit plus ou moins résolu dans le dénouement. Dans La Mouette, Constantin
Gavrilovitch confronte ses idées sur l’art à la tradition représentée par d’autres
personnages avec une telle ferveur que ses échecs et son chagrin d’amour le
conduisent au suicide. Dans Oncle Vania, l’arrivée du professeur Sérébriakov et de
sa femme bouleverse la vie dans la propriété, celle de Vania en particulier, pour
s’achever sur une tentative de meurtre et sur le départ. Dans Les Trois Sœurs, le
projet de partir et de s’installer à Moscou se solde par un échec : la situation
matérielle des trois sœurs et de leur frère finit même par se dégrader sans rien
changer à leur destin. Dans La Cerisaie, enfin, les personnages semblent comme
attendre la vente aux enchères de la propriété pour se voir obligés de partir.

Il est évident qu’à partir des Trois Sœurs, le prétendu conflit dramatique n’est
plus porté par un personnage principal mais par tout un groupe pour être dilué
dans un certain immobilisme. De plus, il s’est progressivement réduit à une simple
confrontation de valeurs personnelles ou à une série de divergences d’opinion.
Tout événement qui aurait dû se produire sur scène et faire rebondir l’action
dramatique est comme relégué dans un bavardage en apparence insignifiant, de
telle sorte que l’action tienne plus aux rencontres scandées par des entrées et
sorties incessantes qu’elle ne relève d’une véritable opposition entre les
personnages, comme c’est encore le cas dans Oncle Vania. (Françoise Darnal-
Lesné,op,cit.,:409) Mais même dans cette pièce, c’est le seul Vania qui met le feu
aux poudres en s’en prenant au professeur dans des invectives proférées à
répétition, alors que la quête de Sérébriakov n’a en réalité rien à voir avec ce qui
préoccupe tant Vania : le départ du couple ne résout pas cette quête, il favorise

88
simplement le retour à la situation initiale et, par-là, la restauration de l’ordre
ancien dans la propriété sans aucun changement significatif.

Faute d’un conflit dramatique structurant, l’action dans les pièces de Tchékhov se
fonde sur une multitude de micro-actions qui s’enchaînent au gré des rencontres et
des propos échangés. Tout personnage, toute parole, tout geste peut ainsi
provoquer une réaction et faire l’objet d’une discussion désinvolte, à ceci près que
les grands discours sur le travail, le bonheur ou l’avenir ne suscitent jamais une
réponse constructive pour s’inscrire dans une progression dialectique : ils tombent
à l’eau parce que l’attention est brusquement portée sur le temps, un sentiment, un
bruit ou un simple détail matériel. Même dans les deux pièces dont l’action
débouche sur une crise dramatique au troisième acte (La Mouette et Oncle Vania),
la rivalité entre certains personnages est en réalité unilatérale : Constantin se trouve
certes rival de Trigorine en littérature et en amour, mais celui-ci peut ne pas se
soucier de lui parce que tout lui réussit naturellement et parce que les actes de
Constantin ne mettent nullement en danger sa situation favorable. L’action de La
Mouette, comme celle d’autres pièces, instaure plusieurs conflits implicites
développés en sourdine à travers les conversations décousues qui se poursuivent
comme accidentellement du début à la fin. Elle reproduit au maximum les
échanges quotidiens composés de bribes, d’avis, d’opinions, de piques, mais qui ne
conduisent que rarement à l’élaboration d’une pensée structurée. Comme tous ces
propos sont de plus accompagnés de gestes et actes banals, l’ensemble provoque
une impression de vacuité, d’ennui et de stagnation.

89
I.3.7.1 Un problème de communication issue des idées absurdes

Les pièces de Tchékhov posent un problème de communication propre à la remise


en cause des pouvoirs du langage dans la littérature du XXe siècle. Les dialogues
sont certes rigoureusement construits, mais l’analyse de l’enchaînement des
répliques montre que les personnages ne répondent pas tout à fait au contenu des
propos énoncés. Si un échange verbal se poursuit sur un même sujet, ce n’est en
général que durant quelques répliques. Il se fonde le plus souvent sur la reprise
d’un mot anodin, sur l’expression d’un sentiment, sur une remarque sans rapport
avec le sujet ou sur un silence. Les incessantes entrées et sorties des personnages
quant à elles contribuent amplement à brouiller le déroulement d’une conversation
suivie. Le personnage qui entre ou qui intervient simplement après un long silence
attire en effet l’attention des autres sur lui-même en interrompant leur discussion
et en les amenant à parler d’autres choses. Le dialogue ne garde ainsi que les
apparences d’une communication verbale cohérente tout en se réduisant à un
bavardage qui évolue de façon aléatoire. Il est donc parfois difficile de dire, après
la lecture d’un acte, ce qui s’y est passé : on constate le plus souvent que les
personnages ont balayé une multitude de sujets en parlant de tout et de rien. C’est
d’autant plus évident dans les seconds actes des quatre grandes pièces qu’aucun
événement majeur ne ramène les interventions des personnages à un problème
urgent. (George Steiner, 1993: 295)

Même la vente de la propriété aux enchères évoquée dans le premier acte de La


Cerisaie ne semble longuement retenir l’attention sur l’urgence de trouver une
solution. Les personnages ont l’air de nier la réalité et de se laisser enfermer dans
une profonde solitude.

90
DOUNIACHA. ― Je vous aime passionnément, vous êtes instruit, vous pouvez
parler de tout…

YACHA, bâillant. ― Eh oui… A mon avis, si une fille est amoureuse, c’est qu’elle
n’a pas de moralité. (Un temps.) Bien agréable de fumer un cigare au grand air…
(Il prête l’oreille.) Quelqu’un vient… Ce sont les maîtres. (Douniacha l’embrasse
avec effusion.) Rentrez à la maison comme si vous veniez de prendre un bain dans
la rivière, sans quoi ils pourraient croire que nous avions rendez-vous ici. J’ai
horreur de ça.

DOUNIACHA, toussotant. ― Ce cigare m’a donné un mal de tête…

Elle sort. Yacha reste seul, assis près de la chapelle. Entrent Lioubov Andreevna,
Gaëv et Lopakhine.

LOPAKHINE. ― Il faut prendre une décision – le temps presse. C’est pourtant


bien simple : voulez-vous lotir votre terrain, oui ou non ? Vous n’avez qu’un mot à
dire : oui ou non ? Un seul mot!

LIOUBOV ANDREEVNA. ― Mais qui est-ce qui fume des cigares aussi
dégoûtants, ici?

GAEV. ― Depuis qu’on a construit un chemin de fer, c’est devenu bien pratique.
(Il s’assoit.) On s’est promené en ville, on a déjeuné… Je carambole en trois
bandes ! Je voudrais bien rentrer pour faire une partie de billard…

LIOUBOV ANDREEVNA. ― Tu as le temps.

LOPAKHINE. ― Un mot, un seul mot ! (Suppliant.) Mais donnez-moi donc une


réponse!

GAEV. ― Quoi?

91
LIOUBOV ANDREEVNA, regardant son porte-monnaie. ― Hier, j’étais pleine
d’argent, et voilà, il ne me reste presque plus rien. Ma pauvre Varia fait des
économies, elle ne nous sert que des soupes au lait, les vieux n’ont que des pois
chiches, à la cuisine, et moi, je gaspille, je gaspille… (Elle laisse tomber son porte-
monnaie, des pièces d’or roulent par terre.) Et les voilà qui roulent…
(Tchékhov, 1990, La Cerisaie, acte II)

Dans ce passage extrait du début du second acte, le dialogue se poursuit comme


par à-coups en donnant une fausse impression que les personnages se parlent.
Ceux-ci ne communiquent en réalité qu’en apparence dans la mesure où ils ne
parviennent pas à s’écouter véritablement et à mener une discussion constructive,
comme c’est en revanche le cas dans le théâtre traditionnel. Yacha ne répond à
Douniacha sur ses déclarations d’amour que par acquiescement, en affirmant que
l’amour chez une fille conduit à une déchéance morale et en l’enjoignant de partir
pour éviter les soupçons des maîtres. Douniacha ne lui répond pas tout à fait : elle
remarque simplement qu’elle a mal à la tête à cause des cigares et se retire après
sans avoir terminé sa phrase. Les deux interventions de Lopakhine restent sans
aucune réponse si la seconde ne provoque que le bref étonnement de Gaev sous
forme de « Quoi ? ». Lioubov Andreevna, quant à elle, ne tient compte de ses
interlocuteurs qu’en apparence : si elle ignore totalement les propos insistants de
Lopakhine, elle ne répond pas aux préoccupations de Gaëv qui ne réagit pas à sa
question sur les cigares et qui se met à parler, sans rapport, du côté pratique du
chemin de fer, de sa promenade en ville pour terminer sur son envie de jouer au
billard. Elle se contente de remarquer qu’il a le temps de le faire plus tard pour
évoquer, deux répliques plus loin, les détails de sa mauvaise soirée passée la veille
au restaurant et pour se plaindre d’avoir gaspillé de l’argent. Dans ce passage, les
personnages ont ainsi introduit plusieurs sujets tant sérieux que dérisoires, mais

92
sans arriver à s’entretenir sur aucun d’eux : l’amour, la déchéance morale liée à
l’amour, les mauvaises odeurs, la vente de la Cerisaie et l’urgence d’agir, le
chemin de fer, le déjeuner au restaurant et le gaspillage. Chaque personnage
semble en effet enfermé dans sa pensée : ses interlocuteurs ne la font qu’évoluer
comme accidentellement à travers quelques mots ou gestes saisis avec un intérêt
superficiel. La communication peine donc à s’instaurer véritablement : elle se
fonde essentiellement sur des questions insignifiantes, comme la proposition de
Yacha de ramasser les pièces tombées par terre et le remerciement de Lioubov
Andreevna.

I.3.8 Du théâtre réaliste au théâtre absurde de Tchékhov d’après Tchékhov

«Vous me dites que vous avez pleuré en regardant mes pièces, et pourtant ce n’est
pas dans ce but que je les ai écrites, c’est Alexeev [Stanislavski] qui les a rendues
larmoyantes. Moi, je voulais autre chose… Je voulais seulement dire aux gens,
honnêtement : “Regardez-vous, regardez comme tous vous vivez mal”, et
lorsqu’ils l’auront compris, ils vont sûrement se créer pour eux-mêmes une vie tout
autre, meilleure. Je ne la verrai pas, cette vie, mais je sais qu’elle sera différente,
qu’elle ne ressemblera pas à celle qui existe… Et tant qu’elle n’est pas là, je
répèterai encore et encore : “Voulez-vous comprendre combien vous vivez mal,
combien votre vie est morne !” Y a-t-il une raison pour pleurer ?»1

I.3.9 Beckett et ses idées réalistes

L'écrivain Beckett avait déjà commencé à publier. D'abord un article à la gloire de


Joyce, «Dante... Bruno. Vico... Joyce», et surtout un essai sur Proust (1931), qui
sera traduit en français en 1991. Beckett jugeait son Proust et s'est opposé à sa
réédition comme d'ailleurs à celle de la plupart de ses premières œuvres. L'essai

1
Les propos rapportés par A.N. Tikhonov qui a parlé avec Tchekhov sur son théâtre

93
témoigne cependant de l'influence de l'auteur de la Recherche sur la formation
d'écrivain de Beckett. On a pu dire que les personnages de Beckett auraient pu
«sortir du monde macabre qui peuple la matinée de Guermantes», ces êtres
humains que le narrateur voit déjà un pied dans la tombe. Ils en ont la consistance
fantomatique: on peut discerner l'ombre portée du duc de Guermantes dans le
personnage du vieillard grabataire, héros éponyme de Molloy. La première
tentative de création littéraire d'envergure de Beckett est un roman emberlificoté
aux nombreuses indications biographiques plus ou moins cryptées: Dream of Fair
to Middling Women. Le personnage de Belacqua, alter ego de l'auteur, y fait une
première apparition. Son nom est emprunté au chant IV du Purgatoire de La divine
comédie. Comme le Belacqua de Dante, celui de Beckett est un personnage
nonchalant, indolent, dont la volonté faible en fait un caractère à la fois tragique et
comique, un personnage qui attend, annonciateur des héros de la maturité. Le
personnage de Belacqua, image réfractée de Beckett lui-même, est le fil qui relie
entre elles les petites nouvelles de More Pricks than Kicks (1934), «Dante et le
homard», la première nouvelle, relate ainsi la journée du «héros», partagée entre
une tartine de pain grillé au gorgonzola, une leçon d'italien, et la destinée fatale et
comique d'un homard qui s'agite vainement avant de passer à la casserole. Bien
qu'il n'apprécie guère Balzac et avec lui toute littérature dite réaliste, on peut noter
que, comme chez Balzac, les personnages de Beckett «passent» d'un roman à
l'autre. Fût-ce pour les parasiter, comme s'en plaint le narrateur-personnage de
L'innommable: «Murphy, Molloy et autres Malone, je n'en suis pas dupe. Ils m'ont
fait perdre mon temps, rater ma peine, en me permettant de parler d'eux alors qu'il
fallait parler seulement de moi, afin de pouvoir me taire.» (Beckett Samuel,
Molloy, 1987: 67) Quoi qu'il en soit, More Pricks et Murphy, le premier roman de
Beckett paru en 1938, sont des tentatives encore trop alambiquées, trop savantes,
trop «à la manière de» pour rencontrer le succès.
94
Le réel s'invite une nouvelle fois quand la guerre éclate. Beckett, alors en Irlande,
pays neutre où il aurait fort bien pu rester à compter les coups, se précipite en
France: «Je préférais la France en guerre à l'Irlande en paix!» L'exode, la
participation à un réseau de résistance et la perte d'amis chers l'ont transformé. Ces
épreuves l'aident aussi à trouver sa voie comme écrivain. Réfugié à partir de 1942
dans le Roussillon après le démantèlement du réseau de résistance auquel il
appartenait, il y écrit son dernier roman en anglais, Watt, qui confine aussi à
l'autobiographie déguisée et dont le héros, comme la plupart de ceux des romans de
Beckett, ne parvient pas malgré des efforts, plus ou moins comiques, plus ou moins
tragiques, à coller au réel.

C'est pendant cette période agitée que Beckett prend conscience de ce qu'il veut
faire: il comprend qu'il est à lui-même la matière de ses livres, que tout doit venir
de lui-même, du dedans. Désormais ses ouvrages seront l'expression sans fard de
ce chaos intérieur, et le monologue, l'instrument principal de son écriture. Nul
besoin de personnages aux contours fixés, ni de comédie humaine à la Balzac, qui
contraignent l'auteur à se faire le jouet de ses propres créations. On se plaît à
rapporter cette prise de conscience à une expérience qui se serait produite lors d'un
séjour en Irlande en 1946.

«Spirituellement une année on ne peut plus noire et pauvre jusqu'à cette


mémorable nuit de mars au bout de la jetée, dans la rafale, je n'oublierai jamais
où tout m'est devenu clair. La vision, enfin. [...] Ce que soudain j'ai vu alors,
c'était que la croyance qui avait guidé toute ma vie [...], clair pour moi que
l'obscurité que je m'étais toujours acharné à refouler est en réalité mon
meilleur.»(Beckett Samuel, La dernière bande, 1958: 25)

95
C'est là le vrai point de retournement, le moment où Beckett naît à lui-même
comme écrivain créateur, celui où il laisse en arrière tout ce qui le détournait de sa
voie: «J'ai réalisé que j'allais moi [par opposition à Joyce] dans le sens du
retranchement, de la soustraction, plutôt que de l'addition.» (James Knowlson,
1999: 26)

L'œuvre de Beckett est un peu au roman et au théâtre classiques ce que les


géométries non euclidiennes sont à l'euclidienne. Les repères spatio-temporels de
la fiction classique y sont brouillés, voire effacés. L'identité des personnages est
flottante, dilatée à l'extrême comme celle de Molloy, ou effacée comme dans
L'innommable. Le narrateur devient un témoin parmi d'autres et les personnages
deviennent leur propre narrateur.

Beckett, lui, s'est efforcé de concilier souci de la forme, compositions complexes


voire abstraites et envie de dire. C'est à ce titre que Beckett, qui à bien des égards
passe pour avoir opéré une rupture esthétique radicale en littérature, demeure un
classique.

I.3.9.1 Beckett : un théâtre surprenant qui montre le tragique réel de la


condition humaine et sociale

Il est difficile de définir le théâtre de l’absurde et en particulier les pièces de


Beckett ; Passons en revue quelques critères : certains ont affirmé qu’il s’agit de
mettre en scène le néant : le néant de l’homme et le néant de l’existence. Mais
comment cette idée peut-elle prendre forme sur une scène de théâtre ? Que va-t-on
montrer au public pour qu’il comprenne cette intention ? À propos de En
attendant Godot, Sartre, déclare en 1960, que c’est « la pièce qu’[il] trouve la
meilleure depuis 1945 » mais ajoute que c’est une pièce « expressionniste ».
(Ibid.,: 78 Il signifie par là qu’elle repose sur un conflit entre l’homme et le monde.

96
Mais de quel conflit s’agit-il au juste ? Beckett a glissé dans ses dialogues des
références à l’Histoire mais également à sa propre vie. Cet auteur considère le
théâtre comme un langage où on utilise des symboles pour renvoyer à une réalité
concrète, triviale et douloureuse. Nous verrons ainsi comment Beckett se sert du
réel pour en créer une représentation.

I.3.9.2 Un thème fondamental : Montrer la violence de la société dans


l’histoire.

La première expérience à laquelle fait allusion le dramaturge est celle de la


seconde guerre mondiale dont les horreurs ont bouleversé les représentations du
monde. Aussi En attendant Godot se présente d’abord comme un témoignage
douloureux de cette faillite existentielle illustrée à la fois dans les dialogues mais
également dans la mise en scène. Dans cette pièce Beckett retrace l'image du
capitalisme qui écrase la société et présente la violence dans les sociétés après la
Seconde guerre.

En effet en parlant de la seconde guerre mondiale, Beckett renvoie à son histoire.


Au moment où la guerre éclate, il se trouve en Irlande, mais plutôt que d’accepter
la neutralité de ce pays qui lui assure confort et sécurité, il décide de s’engager
dans la résistance et s’installe à Paris. Il échappe in extremis à la gestapo grâce à la
femme d’un ami, au moment où celui-ci est fait prisonnier et est interné au camp
de Mauthausen où il mourra en 1945. Beckett se réfugie alors immédiatement en
zone libre dans le Vaucluse, à Roussillon d’Apt où il restera de 1942 à 1945. C’est
cet espace qu’évoque Vladimir lorsque ce dernier tente de rappeler à Estragon le
souvenir d’un passé heureux : « Pourtant nous avons été ensemble dans le
Vaucluse […]. Nous avons fait les vendanges, tiens, chez un nommé Bonnelly, à
Roussillon.» (Beckett Samuel, En Attendant Godot, 1998: 45) Ce passage est

97
inspiré de l’existence de Beckett. Ce dernier nomme notamment la personne qui
l’a accueilli et lui a donné du travail. Le spectacle ici se nourrit de la réalité.

I.3.10 Akbar Radi dramaturge réaliste et absurde

Parmi les dramaturges iraniens, Akbar Radi, avec environ 50 ans d'expérience
dans l'écriture dramatique, possède des visages et un style distingués. Un style très
influencé par le réalisme du XIXe siècle.

C'est le début du XXe siècle et la personne d'Antoine Tchékhov qui ont pu


considérer une influence remarquable sur ses écrits. La critique sociale et les
problèmes sociaux envahissent toute son œuvre. Son réalisme est honnête et son
environnement est précis sur les problèmes actuels de la société.

Son œuvre traite exactement du contexte historique dans lequel il se situe. C'est
pourquoi dans ses œuvres, il y a un lien direct entre la critique sociologique de la
littérature et de l'histoire, tel que recherché par Lukacs et Goldman dans les pièces
théâtrales de Radi, puisque Radi critiquait toujours la société et le montrait dans
ses pièces de théâtre.

Il est aussi un historien, en termes d'influence de la réalité, il est le seul


dramaturge contemporain qui a parlé des problèmes sociaux. Les développements
historiques ont laissé des traces presque directes dans ses œuvres (Eshghi
2004:157)

Il a examiné des questions telles que les relations familiales, les relations sociales,
les classes sociales. Crise intellectuelle, la performance des personnalités face aux
enjeux sociaux, politiques a su faire du théâtre iranien surtout chez Radi, un
document historique. (Talebi, 2004:154)

98
En plus d'être l'un des pionniers de l'écriture dramatique iranienne dans les années
1940, Radi, avec son héritage, a laissé le plus grand impact sur les prochaines
générations d'écrivains de notre pays.

Les pièces de cet auteur, décédé en décembre 2007 à l'âge de 68 ans, ont été
jouées à plusieurs reprises sur scène ou au télé-théâtre.

Hadi Marzban, metteur en scène, parle sur la place de Radi dans l'écriture
dramatique iranienne: «Nous avons trois grands écrivains dans le domaine de
l'écriture dramatique dans le nouveau théâtre iranien; Bahram Beizai, Gholam
Hossein Saedi et Akbar Radi». Notant que Radi supporte la douleur des gens, dans
la société, dans ses pièces. Hadi Marzban ajoute:

«Il le fait, mais il les critique aussi sans pitié. Radi, comme un procureur, poursuit
différentes personnes dans la société, et de cette manière il atteint les profondeurs
et les racines des problèmes .»1

«Radi avait une loupe très pointue qui se concentrait sur un problème social et
portait à notre attention quelque chose que nous avons peut-être vu dans la société
mais que nous n'avons pas pu réaliser» (Ibid.), explique le metteur en scène de Les
Escaliers de Radi.

"Quel effet Radi a-t-il eu sur l'écriture dramatique de la prochaine génération?"


Hadi Marzban répond:

«Le style et la plume de Radi ont été très influents dans la prochaine génération.
Dans la jeune génération d'aujourd'hui, nous en avons beaucoup qui écrivent «à la
radio» et c'est là le problème. Les nouveaux écrivains devraient commencer là où

1
Interview sur la chaîne télévisée

99
Radi s'est arrêté. Ils devraient aller plus loin et continuer l'esprit et l'approche du
travail de Radi, pas le réécrire. » (Ibid.)

Marzban, notant que certains des trucs d'écriture d'Akbar Radi sont bien sûr très
personnels et inimaginables, ajoute:

«Radi a des trucs dans son travail qui sont uniques et occupent l'esprit du
spectateur. Dans toutes ses œuvres, il pose un point d'interrogation et une question
obscure pour engager le public. Moi, qui suis avec lui depuis 25 ans et qui ai vécu
avec ses œuvres, je le fais encore, même si je ne découvre qu'occasionnellement
ces détails. » (Ibid.)

Il a lui-même admis qu'il était le plus intéressé et influencé par Tchékhov et


Ibsen. Mais cette confession n'est pas une preuve d'imitation aveugle qu'il cherche
magnifiquement et créativement à exprimer les douleurs, les perceptions et les
perceptions d'un dramaturge iranien de la société qui l'entoure.

Radi avait touché le soleil après le coup d'État d'août 1943, de sorte que certains
des personnages de ses drames étaient des intellectuels frustrés et passifs. Parfois,
il traite de la justice sociale dans le contexte de la géographie iranienne et des
gouvernements féodaux, et considère la suppression de ce système économique
dégénéré comme la voie du progrès. Parfois, il critique les gouvernements et
parfois il regarde la révolution solaire de 1978 et la révolution constitutionnelle et
parfois il parle de la guerre. Elle est amoureuse et pluvieuse. La mort a toujours
été un pilier pour lui. Il est donc venu consciemment rendre son immortalité
possible en endurant ses obsessions et ses épreuves constantes.

Les textes du théâtre ont chacun une certaine valeur et une certaine crédibilité
pour leur public; Crédibilité qui vient du cœur des gens, des conversations, du
réalisme, du langage et de la pensée. Radi généralise son écriture afin d'élargir la
100
portée de son regard en créant diverses œuvres et en annonçant ainsi la portée de sa
présence englobante. Il n'a pas suivi les conseils d'Al-e-Ahmad pour souligner ses
monopoles artistiques et esthétiques, profitant de son engagement social, et il n'a
jamais été politisé. L'histoire d'Akbar Radi s'est terminée la première semaine de
décembre 2007. Mais c'est encore une histoire inachevée pour la littérature, l'art et
la culture de l'Iran, car c'est l'un des fondateurs de la littérature et de l'art de cette
terre, et quiconque se promène, doit avoir un aperçu détaillé de cet auteur afin de
pouvoir à travers lent.

1.3.10.1 Les œuvres d'Akbar Radi critiquant les problèmes sociaux et la


condition de l'homme

Akbar Radi estime que ses œuvres ne prendront jamais une vieille couleur en
raison des préoccupations des gens de la société.

Hadi Marzban a déclaré au correspondant culturel d'IRNA: « Après trois


décennies dans le théâtre du pays, j'ai appris que pour accompagner le public, je
dois représenter une partie des demandes et des préoccupations du public dans les
scènes théâtrales.»1

Avant la révolution, certains artistes de théâtre ont tenté de créer un mur entre le
grand public et l'art du théâtre et de faire connaître cet art à certaines personnes de
la société; Mais après la révolution, avec le changement des mentalités, on a vu la
présence du théâtre parmi le grand public, et même pendant une ou deux
décennies, de longues files d'interprètes pour la religion des œuvres scéniques se
sont formées devant les salles et les théâtres.

Bien que ces dernières années, nous ayons à nouveau été témoins des activités
d'un petit nombre d'artistes pour induire cette atmosphère particulière avant la
1
Interwieu avec Hadi Marzban cité in Journal de théâtre en 2009

101
révolution qui tentaient de séparer le théâtre du peuple et de réaliser leurs œuvres
pour certains groupes et individus. Ils produisent en tant que «public».

Radi a déclaré qu'il n'a jamais cherché à attirer l'attention d'un public spécifique et
a toujours essayé de transmettre le message de la communauté sur la scène.
Chaque fois que les dramaturges reçoivent des suggestions et des critiques d'un
large éventail de publics après une représentation, ils ont pu faire un autre pas vers
la réalisation de leurs objectifs.

Radi était un artiste qui avait la douleur de la société et toujours les gens de ses
pièces étaient des gens de cette société et les douleurs. Et les blessures du héros
des œuvres de Radi sont les mots principaux et le chagrin des gens et bien sûr les
mots en tant qu'artiste.

Radi pensait toujours qu'un artiste qui ne se sent pas la douleur des gens de la
société et le souci de leur reflet dans les scènes théâtrales n'est pas un artiste.

C'est cette pratique et cet effort qui ont amené Radi à une telle position que, sans
aucun doute, tout le monde le connaît désormais comme l'un des principaux piliers
de l'histoire du théâtre iranien, car ses œuvres et ses pièces sont, en fait, l'identité
du peuple. À vrai dire, selon Radi la terre est entourée de toutes les joies et
douleurs de la vie.

Les œuvres de Radi sont si pleines de vie et de fraîcheur que leurs concepts et
leurs mots ne prennent jamais une couleur démodée, et chaque dialogue et scène
sont organisés avec tant de soin que le moindre changement ne peut y être apporté.

I.3.10.2 Du réalisme pluvieux de Radi

Akbar Radi est sans aucun doute parmi les plus hauts sommets de l'écriture
dramatique iranienne qui ont ajouté à la richesse de la littérature dramatique

102
iranienne contemporaine avec son style et son contexte particuliers. Bien que tous
les dramaturges iraniens soient redevables à ce maître de l'écriture dramatique,

Radi évite le centrage sur l'idée de ses œuvres. Dans une certaine mesure comme
Dostoïevski, est en fait un penseur qui a rempli ses œuvres littéraires d'idées et de
pensées. Les romans Crime et Châtiments et Les frères Karamazov ont une valeur
psychanalytique et théologique plutôt qu'une prose brillante ou une valeur comme
«œuvre d'art». Bien que Radi a beaucoup réfléchi sur la condition humaine et le
travail du monde, et les pensées qui ont émergé de ces réflexions, comme un fleuve
rugissant, mais il croyait que l'art n'est pas une pensée, mais un «sentiment de
pensée». Par conséquent, de faibles lignes de «pensée» peuvent être vues dans les
œuvres de Radi. Créer de l'espace dans les œuvres de Radi est bien plus important
que de penser. Radi est le narrateur de la «vie». Dans ses œuvres, les gens boivent
du café, fument des cigarettes, fument des pipes, parlent, mangent, vont au café,
prennent des parapluies, se promènent sous la pluie, aiment marcher sur les toits
ouvrants humides du soleil. Ils le prennent et en parlent, et etc… ce qui se passe
dans la vie quotidienne de nous tous a une apparence agréable dans les pièces
radiophoniques. La conception de l'espace de Radi est principalement basée sur des
éléments de la vie quotidienne, mais la conception de l'espace elliptique est
principalement basée sur des dialogues brillants et certains objets anciens tels que
des épées et des vêtements de combat ou des objets modernes qui ne sont pas très
visibles dans la vie quotidienne et dans la plupart des œuvres elliptiques sont plus
importants que d'autres.

De plus, l'atmosphère des œuvres de Radi est créée à travers des conversations
poétiques sur des éléments agréables de Gilan tels que la pluie, la forêt, le
brouillard, le pavage, etc., et cette fonctionnalité a suscité le plaisir poétique des
œuvres de Radi.

103
Hormis l'idée centrale des œuvres elliptiques et l'objectivité orientée vers la vie
de l'atmosphère des œuvres de Radi, nous pouvons dire que les pièces de lui-
même, doivent être recherchées dans la manière dont elles sont personnifiées.

En d'autres termes, dans beaucoup de ses œuvres, l'ellipse noircit tout le monde
pour en blanchir une. Ses œuvres, qu'il s'agisse de pièces de théâtre ou de
scénarios, sont l'arène de la confrontation en noir et blanc ou la scène de bataille
de la lumière et des ténèbres: et comme l'ellipse est élitiste, il est moins fréquent
que les bonnes personnes soient plus nombreuses que les mauvaises.
Habituellement, un bon va contre beaucoup de mauvais. C'est dans la
confrontation en noir et en blanc que nous pouvons y retirer une absurdité
absolument et néfaste qui mènent les gens à être négatifs dans le théâtre de Radi.

Dans les œuvres de Radi, on trouve parfois un personnage comme "Gilan" qui -
avec un peu de tolérance, est absolument bon ou mauvais, mais la plupart du
personnage sont gris et leurs défauts et leur art peuvent être vus ensemble.

Radi aime même les personnages négatifs de sa pièce, et pour cette raison, les
personnes négatives dans ses œuvres ont aussi quelque chose à dire, et parfois
même leurs mots sont des mots de calcul. Bien sûr, cette fonctionnalité peut
être vue dans certaines pièces de théâtres de l'absurdité. Nous devenons, nous
voyons clairement, que les caractères négatifs de ses œuvres, comme s'ils n'avaient
pas d'aspects positifs et pas d'arithmétique. Le noir et blanc du monde elliptique est
en grande partie dû à sa mentalité mythologique .

La puissance du stylo elliptique est le produit de sa contemplation de la littérature


ancienne. Beaucoup d'œuvres de Beizai, comme le plus important des poèmes de
Shamloo, se nourrissent en grande partie de prose ancienne: mais avec un style et
un contexte différents, et bien sûr avec plus de connaissances et de culture. Si

104
Dostoïevski était un romancier dont la pensée l'emportait sur son écriture ou la
puissance de sa plume, c'est l'ellipse d'un dramaturge dont l'écriture est à la
hauteur de ses connaissances. (Eshghi, op,cit.,:67)

Radi décrit la couleur de l'histoire de son temps. Pour voir clairement à quel
point l'histoire est plus pâle dans certaines œuvres de Radi, il faut lire ses œuvres.
"Derrière les vitres" dépeint également la vie stupide et extrêmement sédentaire
d'un intellectuel frustré et isolé. C'est une décision courageuse avant l'écriture de la
pièce que Radi abaisse la mèche de l'histoire et montre des tranches de la vie
quotidienne de différentes personnes. Ce n'est pas une tâche facile d'écrire la vie
quotidienne et parfois ennuyeuse des gens et de rendre notre travail lisible et
visible depuis l'eau. Radi était clairement influencé par Tchékhov, qui croyait que
ses pièces dépeignaient la vie ennuyeuse du peuple russe.

Dans les œuvres de Radi, dans le conflit entre les femmes et les hommes, le droit
est parfois pour les femmes et parfois pour les hommes. En général, on peut dire
que la vision de Radi des femmes est plus réaliste que sa vision elliptique. La
femme pour ovale est un mythe digne de sanctification et de glorification.

L'écriture dramatique de Radi a une puissance considérable. Radi en termes de


caractérisation, ses œuvres ont presque toujours la «meilleure fin possible». Mais
la fin de certaines pièces de Radi est étrange et incroyable, et parfois même un
exemple de la «grande faiblesse de l'œuvre». Le suicide de Noushin à la fin de
l'une de ses pièces ou le suicide de David à la fin, sont deux événements
incroyables à la fin des œuvres de Radi qui retrace une vie amère et absurde, issue
des problèmes sociaux.

Dans l'ensemble, il semble que la fin de «certaines pièces de Radi, comme une
égratignure désagréable sur un beau visage, fasse regretter au lecteur qu'il aurait

105
souhaité que cela se soit terminé différemment! Cette fonctionnalité, bien sûr, peut
avoir un effet plus important sur la longévité du travail de Radi dans l'esprit du
lecteur. » (Ibid.,:71) Ce que les pièces de théâtre sont comme la vie des gens. Il
arrive souvent que nous parlions de la vie des autres ou d'une partie de notre propre
vie, j'aimerais que cela se termine différemment.

Le principal problème de Radi est la justice et la condition de vie dans ces


pièces. Il considère la justice plus importante que la liberté et considère la vie
moralement comme un exemple de vie juste. Par conséquent, dans la plupart de ses
œuvres, il explore et expose les relations injustes et immorales qui régissent les
relations humaines. La source de la contradiction de classe évidente dans les
œuvres de Radi est sa justice et sa moralité. Bien qu'il faille ajouter que si Radi
était un critique des injustices sociales et des relations injustes et immorales qui
régissent les relations de classe humaines, il a lui-même été fortement influencé par
la culture et le caractère aristocratiques, et au moins par l'esthétique et la littérature
qui régissaient la vie prospère et privilégiée de l'aristocratie. Ainsi, d'une part, Radi
voulait la justice, et d'autre part, il ne pouvait ignorer l'appel de l'aristocratie bien
qu'il soit un socialiste absolu. Par conséquent, dans la plupart de ses œuvres, les
classes supérieures de la société (et en fait des traces d'aristocratie et de culture
aristocratique) sont présentes. Peut-être que cette caractéristique de Radi est due à
son appartenance à sa terre natale - Gilan - qui était l'un des centres progressistes
de l'aristocratie foncière iranienne avant la réforme agraire et le mouvement plus
sérieux de l'Iran vers l'industrialisation.

Sans aucun doute, et avec la même détermination Radi est un dramaturge réaliste
et en même temps absurde, en particulier dans la présentation de ses personnages.
Ses pièces sont réalistes: mais si beaucoup aimeraient savoir que ses pièces sont
influencées par les œuvres de Tchekhov ou d'Ibsen, l'absolu de cette pensée, ou en

106
d'autres termes, l'analyse, ne définit pas à quoi ressemblent ses dernières pièces.
Tchekhov décrit les personnages de ses pièces comme traitant des problèmes
quotidiens de la société. Le dialogue est très important dans les œuvres de Radi et
sa caractérisation est basée sur le dialogue.

Parmi les personnages constants de ses pièces, on peut citer les intellectuels de la
société, généralement vaincus d'une manière ou d'une autre, dans toutes ses
pièces, aussi bien celles qui sont écrites de façon réaliste que celles qui sont écrites
dans le style du flux fluide de l'esprit. Ils dessinent, mais l'action politique n'y est
jamais publique (sauf lentement avec des roses rouges), des couches politiques
sont identifiées à travers les personnages de la pièce. Même la restriction de la
plupart des pièces d'Akbar Radi au nord de l'Iran (en particulier la province de
Gilan) dans la généralisation des courants sociaux. La politique de chaque
période de ce pays n'impose pas de restrictions. (Ibid.,:79)

Dans le réalisme, le statut et la grandeur du protagoniste sont réduits et le centre


de gravité de la pièce change principalement d'individu en communauté ou en
groupe. Le personnage principal de la pièce réaliste Les Escaliers, au lieu d'être un
héros, est souvent victime des institutions sociales, de la nature ou de l'histoire. Le
réalisme montre les conséquences sociales des événements quotidiens ainsi que les
caractéristiques des personnes confrontées à ces événements. En d'autres termes, le
réalisme est la description de l'homme en tant qu'être social.

107
PARTIE II

Le Théâtre de Tchékhov, Beckett et


Radi

108
Chapitre 1. Théâtre de Tchékhov, un théâtre réaliste et absurde

« Dans l’histoire de la littérature, je ne vois guère que Tchekhov chez qui la


qualité de l’homme semble avoir correspondu à la qualité de l’artiste. »

«Vivre de mes rêves en est l’illustration. C’est le roman vrai de la vie d’un génie
humble, soucieux du sort des autres, d’une rare générosité, et dont, par-delà le
temps, on aimerait conquérir l’amitié bienveillante, moqueuse, tendre et fidèle…»
écrit Simon Leys (Leys Simone, 1989: 98).

Cette vaste correspondance permet d’accompagner au fil de son existence cet


écrivain soucieux de son art qui était aussi un homme dévoué à sa famille et à ses
amis et un médecin animé par une conception humaniste de son métier et une
inquiétude profonde devant l’absurdité de la condition humaine. Tchekhov y
raconte sa passion du théâtre, son voyage comme reporter sur l’île-bagne de
Sakhaline, ses démêlés avec ses éditeurs… Il nous permet aussi de partager les
secrets d’un style unique, exquis et délicat.

Ce choix de lettres – dont certaines, longtemps censurées pour cause d’«


indécence », sont traduites ici pour la première fois dans leur intégralité – se lit
comme une véritable autobiographie, permettant d’approcher leur auteur au plus
près de sa vérité d’homme et d’écrivain. C’est un Anton Tchékhov intime qui
s’offre à nous, jusque dans les dernières années de sa vie, au moment où, alors que
la maladie va l’emporter inexorablement, il découvre l’amour et le bonheur. Un
chef-d’œuvre d’humour et d’émotion.

II.1.1Tchékhov et la morosité des années 1880

II.1.1.1 Le « siècle de la dépression nerveuse »

109
À la naissance de Tchékhov, en 1860, la Russie a un nouveau tsar, Alexandre II.
L'événement qui donne le ton du règne, c'est l'abolition du servage en 1861.
L'événement a une portée sociale et politique immense, et à sa suite, toute une série
de réformes engagent la Russie – au moins le pense-t-on – sur la voie de la
modernisation, du progrès. Selon Dostoïevski, par exemple, l'année 1861 ouvrait
une « époque de passage vers des lendemains meilleurs ». (Cité in Ibid.,:89)

À la mort de Dostoïevski, vingt ans plus tard, alors que Tchékhov commence à
publier, l'époque des démocrates révolutionnaires, des populistes révolutionnaires
est passée. Le « tsar libérateur », Alexandre II, a été assassiné, son successeur
s'engage sur la voie de la répression policière, sans que le peuple ni l'opinion ne
réagissent : les Russes aspirent au calme, après l'agitation, la violence (attentats)
des années 1870. La figure emblématique des années 1880, c'est Pobedonostsev, le
ministre dont les « ailes de chouette » s'étendaient sur le pays. Politiquement,
quand le jeune Tchekhov se lance dans la littérature, les temps sont à la dépression.

Sur le plan artistique, la dépression est également perceptible. Les grandes figures
des années 40 et 60 ont quitté la scène : Tourgueniev, Dostoïevski, Ostrovski sont
morts. Saltykov-Chtchedrine n'en a plus pour longtemps, de même que Gleb
Ouspenski. Seul Tolstoï « faisait pour tout le monde » (Ibid.), comme le dit
Tchékhov avec quelque perfidie, car en réalité il n'écrivait presque plus de textes
esthétiques, mais des articles et opuscules édifiants. Les années 1880-1890 sont
perçues comme une époque de transition et de crise.

Dans le domaine des idées, dans le débat des intellectuels sur la société, c'est la
même chose. Même Gorki, qui plaçait tant d'espoir dans l'avenir, dans l'homme
nouveau, disait de ces années-là : « Je ne connais pas dans l'histoire russe de
moment plus pénible que celui-ci. » (Ibid.,:102)

110
II.1.2 L'état d'esprit de Tchékhov

Tchekhov n'entre pas dans les débats sur « l'absence d'époque », l'absence de
perspectives : « À elle seule, la conviction que les années 1880 n'ont pas donné le
moindre écrivain pourrait servir à remplir cinq volumes ». Toute l'attitude de
Tchekhov est là : le pessimisme de l'époque est un sujet d'observation sur le
mode humoristique.

À Merejkovski, selon lequel le siècle est à la dépression nerveuse, Tchékhov


répond (1891) : « Il n'y a pas de siècle de la nervosité » et précise : « Les gens
vivent aujourd'hui comme ils vivaient avant, et les nerfs d'aujourd'hui ne sont pas
moins solides que ceux d'Abraham, d'Isaac et de Jacob ». Quand Diaghilev lui
propose de prendre aux côtés de Merejkovski la direction de la revue Le monde de
l'art, il refuse : « Si nous poussons la brouette ensemble, ce ne sera pas dans la
même direction ». (Ibid.)

Tchékhov s'impatiente quand on évoque son « pessimisme » : « Moi, un pessimiste


? Moi, je vois tout en noir ? » Non qu'il trouve que tout va bien, mais « si la
situation actuelle est mauvaise, celle d'hier était tout simplement horrible ». (Irène
Némirovsky, 1989: 94) Tchékhov est issu d'une famille de moujiks : il sait ce que
les réformes libérales d'Alexandre II ont apporté, il se rappelle les conditions de
l'ancienne vie.

La conscience d'être dans un cul-de-sac, dans une époque privée de perspectives


est limitée aux cercles littéraires, aux leaders des grands journaux. Dans le
domaine scientifique, il n'y a pas de dépression. La fin du XIXe siècle est riche de
découvertes ; certaines sont capitales (Lobatchevski, Mendeleev, Tsiolkovski).

Le grand historien de la culture Ovsianiko-Koulikovski estimait que les années


1880 étaient une période féconde de maturation intellectuelle, de redécouverte des
111
grands classiques. Aujourd'hui, A. Soljénitsyne, grand connaisseur de la période,
estime que les années 1880 sont les meilleures pour la pensée russe.( Tănase
Virgil, 2008: 143)

La position de Tchékhov quant au jugement porté sur la Russie de son temps n'a
donc rien de commun avec le malaise des intellectuels. Tchékhov a plus d'affinités
avec d'autres mondes, celui des scientifiques, par exemple.

La crise, donc, n'existe en fait que dans les cercles populistes : l'art littéraire, la vie
intellectuelle, cherchaient des formes nouvelles, libérées des illusions du
populisme, et allaient bientôt les trouver, avec Gorki, Tchekhov, et le symbolisme.

II.1.3 Le courant littéraire auquel appartient Tchékhov

Tchékhov est entré dans la carrière littéraire par la petite porte. Il ne faisait pas
partie du milieu (celui de l'intelligentsia littéraire) dont on attendait de nouveaux
écrivains. Longtemps, il n'a eu aucun lien avec ce milieu, et son entrée dans la «
grande » littérature est exceptionnelle, quasi miraculeuse. Aucun de ses pareils n'a
franchi la distance qui séparait la « petite littérature » de la grande.

Tchékhov a eu ses prédécesseurs et ses maîtres. À côté de la littérature concentrée


uniquement sur les questions aiguës de la lutte sociale et politique, il y avait une
autre littérature, qui se développait hors des cercles et des traditions intellectuelles.
Elle était liée très fortement à la province, aux coins perdus de l'empire, à un
monde que les écrivains de Pétersbourg et.de Moscou évitaient et qu'ils ignoraient
presque complètement. Cette littérature n'enseignait ni ne professait rien de précis ;
elle se contentait de décrire la vie des Russes de l'époque, sans s'occuper des
grandes questions. Vue de Pétersbourg et de Moscou, elle paraissait dépourvue
d'idées, et « donc » privée de légitimité ; on la méprisait. C'est à cette tradition-là,
celle de Pissemski et de Leskov, que Tchékhov appartient. Il semble avoir pensé
112
que cette littérature avait le droit d'exister, qu'il ne suffisait pas de décrire la Russie
« en profondeur », comme Dostoïevski et Tolstoï avaient su le faire, mais aussi «
en largeur ».

Résoudre les problèmes, c'était bien, mais il fallait tout de même commencer par
recueillir le matériau le plus complet possible pour poser correctement les bonnes
questions. La littérature noble à vocation sociale, philosophique, mettait la charrue
avant les bœufs ; en termes médicaux, elle rédigeait l'ordonnance avant de faire le
diagnostic, et même, avant d'ausculter le patient (c'est-à-dire la Russie) pour savoir
s'il était vraiment malade. Or la Russie, selon Tchékhov, n'est pas plus malade en
1880-1890 qu'à n'importe quelle autre période.

II.1.4 Tchékhov et les grands débats de son temps

II.1.4.1 L'abstention de Tchékhov

On a reproché à Tchekhov l'absence, ou l'insuffisance d'affirmation dans ses


œuvres, le défaut de vision positive du monde, et surtout de propositions, de
prescriptions. La reproduction des faits, semblait-t-il, obéissait chez lui au pur et
simple hasard ; Tchekhov n'expliquait rien. Tchékhov, c'est vrai, s'abstient de dire
où est la vérité et plus encore, de dire où est le bien. Rien chez lui de messianique.
Pour autant, ses œuvres ne sont pas dépourvues de message. Il y a dans ses récits et
dans ses pièces une leçon quant à la manière de résister à l'oppression.

Malgré les sollicitations, Tchékhov refuse d'énoncer quelque programme que ce


soit. « Il me semble que ce ne sont pas les écrivains qui doivent résoudre des
questions telles que Dieu, le pessimisme, etc. L'affaire de l'écrivain est seulement
de représenter les gens qui parlent de Dieu et du pessimisme ou qui y pensent, de
quelles façons et dans quelles circonstances ils le font. L'artiste ne doit pas être le
juge de ses personnages et de ce qu'ils disent, mais seulement le témoin impartial.
113
J'ai entendu, entre deux Russes, une conversation sans suite et ne résolvant pas la
question du pessimisme, et je dois reproduire cette conversation exactement
comme je l'ai entendue. Les jurés, c'est-à-dire les lecteurs, décideront. Mon rôle
est seulement d'avoir du talent, c'est-à-dire de savoir distinguer les indices
importants de ceux qui sont insignifiants, de savoir mettre en lumière des
personnages, parler leur langue » (Lettre à Souvorine, 1888).

Selon Tchékhov, le lecteur peut être satisfait si la littérature se contente de poser


correctement les problèmes ; il n'exige pas de solution. « Il suffira qu'on désigne la
maladie ; quant au traitement, Dieu sait lequel il faudrait appliquer.»
(Némirovsky Irène, op,cit.,:189)

Cette position est en désaccord avec les gens de lettres de l'époque en Russie. Pour
toutes sortes de raisons, les auteurs subissent une forte pression de la part de la
critique et du public : on attend des écrivains qu'ils prennent parti dans les
controverses politiques et sociales. Le débat d'idée impose à l'art littéraire son
langage.

Sans remonter très loin dans l'histoire, on peut rappeler la vision de


Tchernychevski. Selon Tchernychevski, « l'art, c'est la vie » : l'art ne doit pas
simplement refléter la vie, mais il doit montrer le processus historique à l'œuvre
dans la vie, il doit s'inscrire au sein de ce processus, être animé par la dynamique
même de l'histoire. Chez Pissarev, disciple de Tchernychevski, on assiste à la «
destruction de l'esthétique » : la spécificité de l'œuvre d'art est complètement niée.
La « publitsistika », autrement dit l'idéologie dans le domaine intellectuel, le
journalisme d'opinion, prime tout. (Ibid.,:204)

Dans les cercles littéraires soumis à l'influence du populisme tardif, on légifère sur
l'attitude de l'auteur réaliste. Ainsi, le chef de file des populistes, Mikhaïlovski,

114
estime que le processus social est comme un cortège, un mouvement de foule, et
que l'écrivain peut choisir d'être « en tête » ou « en queue » de cortège : le contenu
éthique et politique de son œuvre peut varier sensiblement d'un cas à l'autre.
Mikhaïlovski dégage le concept de « réalité possible » : c'est elle que l'écrivain
doit refléter. Korolenko préfère pour sa part l'avant-garde : pour lui l'écrivain doit
montrer le chemin, il doit être la lumière qui brille dans le noir. (Ibid.,:205)

L'univers esthétique des années 1880 est ainsi fait que les auteurs de fiction sont
sous l'empire des grandes revues. Les jeunes auteurs sont façonnés par les articles
que leur consacrent les grands critiques. Les exigences de ces derniers ont quelque
chose de tyrannique. Leur interprétation des œuvres est extrêmement réductrice,
unilatérale, pauvre.(Ibid.) On peut parler, bien avant l'époque soviétique,
d'embrigadement de la littérature : la bataille littéraire se déroule camp contre
camp.

Tchékhov oppose à cette entreprise de direction de conscience une résistance


obstinée.

II.1.5 Connaître la vie, voir le monde

Tchékhov conseille au jeune Kouprine de voyager, de se montrer curieux. Il


apprécie les premières œuvres de Gorki, qui évoque de manière neuve sa vie
aventureuse.

Le regard de Tchékhov portait loin. Il admirait par exemple le grand explorateur


Prjevalski. « J'aime infiniment les gens comme Prjevalski. (...) Leur personnalité
apporte à la société la preuve vivante que, en dehors de ceux qui discutent de
l'optimisme et du pessimisme, qui écrivent par ennui des mauvais récits, tirent des
plans sur la comète, pondent des thèses à quatre sous, s'abandonnent à la
débauche sous prétexte de refuser cette vie et mentent par intérêt, en dehors des
115
sceptiques, des psychopathes, des jésuites, des philosophes, des libéraux et des
conservateurs, il y a des hommes d'une autre trempe, des hommes capables
d'exploits, capables de foi, qui suivent un but clair et conscient » (Henri Troyat,
Tchékhov,1984: 89).

À côté des intellectuels russes de son temps, qui tiraient tout de leur esprit, et se
montraient capables de dresser tout un tableau de la société sans rapport réel
avec la réalité, ne faisant que projeter sur le réel une problématique propre à leur
milieu, Tchékhov appelle au voyage, à la comparaison, à la découverte.

Le regard qu'il jette sur la Russie, sur le monde – en principe connu – est le même.
J'ai fait allusion à la tradition provinciale, dans laquelle s'inscrit Tchékhov. L'idée,
de la part de Tchekhov était d'embrasser la réalité russe la plus large possible, de
ne pas se limiter à tel ou tel milieu. Il y a quelque chose d'encyclopédique dans le
tableau qu'il donne de la société. « J'ai dans la tête toute une armée d'hommes qui
demandent à en sortir et attendent le signal », écrit-il en 1888. (Cité in Ibid.,: 189)
Dans le même esprit, il reproche à Korolenko de ne pas vouloir se séparer des
détenus dont il dépeint l'existence épouvantable. Contre la fidélité à une cause,
Tchékhov choisit la diversité. Dénoncer la barbarie de l'ordre policier, comme
Korolenko, c'est bien ; s'y limiter, c'est moins bien.

II.1.6 Du romantisme au réalisme chez Tchékhov

Le processus de métaphorisation propre à l’Histoire va se marquer de façon


spécifique tout au long du XIXe siècle. La problématique s’accroît, les différences
se creusent, il n’y a plus que les métaphores qui expriment la subjectivité pour faire
croire que les différences sociales peuvent être abolies. La Restauration en France
est cruelle à cet égard. Entre nostalgie et espérance presque impossible, l’âme des
individus est déchirée. Les métaphores pour exprimer le désir, les sentiments,

116
les désespérances en tous genres qui alimentent le romantisme sont prises au pied
de la lettre, comme la réalité subjective qu’éprouvent les individus. Tout cela se
voit bien dans le drame romantique. On pense à Hugo, à Dumas, ou à Musset qui,
en France, l’exemplifient le mieux. Des aspirations sociales empêchées une
nostalgie pour un passé prometteur (d’abolition des inégalités sociales entre
noblesse et bourgeoisie), et qui ne s’est pas prolongé après la défaite
napoléonienne, sont source d’imageries qui n’ont d’autre contenu que la
douloureuse expression de l’individualité bridée par le social de la Restauration des
Bourbons.

Le romantisme règne en maître de, en gros, 1820 à 1848, et parfois se prolonge ici
ou là, comme en Allemagne, mais il va céder peu à peu la place au réalisme après
1848, surtout là où le romantisme a peu marqué le paysage théâtral. Les pays du
Nord n’ont connu ni de révolution comme la France, ni, par conséquent de
Restauration comme elle. Dans ces pays, l’Histoire est plutôt celle qui affecte, la
famille bourgeoise puritaine. Pensons à Ibsen, le père fondateur du réalisme
théâtral, qui est norvégien, à Strindberg, qui est suédois, et même à Tchékhov qui
est russe, où l’on a eu très vite le sentimentalisme en guise de romantisme.

Pas encore de révolution là-bas à cette époque. Le rôle de l’Histoire domine dans
le réalisme. Si elle est présente dans les romans de Hugo et de Dumas, au théâtre,
elle va s’inscrire sous une forme particulière, comme étant refoulée dans les vies
individuelles, mais refaisant surface. À l’inverse du romantisme, les métaphores
dans le réalisme ne sont pas la réalité, mais la manière dont les individus refoulent
leur passé pour mieux s’accommoder des manquements et des erreurs qu’ils ont pu
commettre. Ainsi, chez Ibsen, un père qui laisse mourir ses enfants dans l’incendie
de sa maison, appellera cela un accident, belle métaphore destinée à couvrir la
volonté de laisser brûler sa demeure pour pouvoir la reconstruire et montrer ainsi

117
au monde qu’il est un grand architecte. Il fera fortune grâce à cela. Mais un jour, le
passé refait surface et la métaphore qui arrangeait bien sa conscience éclate pour ce
qu’elle est. Il doit alors faire face lucidement à son acte tel qu’il s’est réellement
passé.

La pièce d'Ibsen où le conflit du romantisme et du réalisme est peut-être le plus


évident est Hedda Gabler. L’ancien, c’est l’amant, Lövborg, que Hedda a rejeté
pour préserver son idéal de relation amoureuse intact, tandis que le nouveau, c’est
le mari, une pâle copie intellectuelle de l’amant. L’amant refait surface. Elle est
inexorablement confrontée à son idéal amoureux, romantique, insatisfait, incarné
dans l’amant qu’elle a quitté pour n’en garder que le souvenir, et à la médiocrité de
l’amour conjugal qu’elle ressent. L’amour romantique explose comme une
métaphore, enfin consciente d’elle-même. Elle ne peut supporter cette comparaison
de l’idéal et de la réalité. Déchirée, elle va se suicider, mais avant cela, elle pousse
Lövborg à faire de même, après lui avoir subtilisé le manuscrit qui était essentiel à
la poursuite de sa carrière universitaire. Si chez Ibsen, le passé remonte à la
surface comme métaphore dans la confrontation avec le réel actuel qui la
démystifie pour ce qu’elle est, chez Tchekhov, le passé n’a jamais abandonné les
personnages de son théâtre. Ils ont raté leur vie en prenant les mauvais
embranchements et n’ont pu être ce qu’ils espéraient, vivant dans la nostalgie d’un
passé qu’ils n’ont su retourner à leur avantage et le désespoir d’une réalité
présente insatisfaisante.( Françoise Darnal-Lesné, op,cit.,:343)

Tchékhov est ainsi, quelque part, l’envers, le pendant d'Ibsen. Celui-ci fait
remonter le passé dans le présent, et un conflit dramatique en résulte, tandis que
Tchékhov fait du passé un poids omniprésent dans la vie actuelle de chacun, un
passé qui empêche de vivre vraiment et avec bonheur le présent. Tout est résumé
dans cette célèbre tirade de l’Oncle Vania: «Nuit et jour la pensée que ma vie est

118
perdue sans retour m’oppresse; je n’ai pas de passé, je l’ai bêtement gaspillé en
niaiseries, et le présent est d’une effroyable absurdité» ( Tchékhov, Oncle Vania,
1978: 78) Cela explique le caractère statique de ce théâtre, qu’on a parfois qualifié
d’ennuyeux, comme si l’Histoire s’était arrêtée il y a bien longtemps pour les
personnages qui se retrouvent à un certain moment, celui de la pièce. Le temps est
immobile, reste l’espace, avec ses maisons, ses jardins, ses domaines comme la
Cerisaie. Le drame est dans cette Histoire intangible que ressassent les
protagonistes qui n’ont pas su saisir les opportunités. Le présent est la rencontre de
chacun avec son propre destin manqué, au travers de la confrontation avec d’autres
personnages, qui n’ont pas forcément mieux réussi leur vie d’ailleurs. Certains s’en
tirent mieux que d’autres, parfois injustement. Le passé qui remonte est l’échec de
ne pas avoir su bien choisir, condamnant tout présent à n’être qu’un néant qui se
prolonge indéfiniment. Chez Tchékhov, on ne peut revenir en arrière et refaire
l’Histoire, son histoire, on continue sa misérable existence, que ponctuent tous les
espoirs déçus. Si chez Ibsen, on nie l’Histoire, chez Tchékhov, on ne peut l’oublier.
Dans les deux cas, l’illusion va faire long feu (Isben, Les trois moments du
réalisme, 2007: 833).

Le réalisme connaîtra un destin étonnant, puisqu’il marquera tout le XXe siècle, à


l’exception peut-être du théâtre de l’absurde, et encore.

II.1.7 Les œuvres théâtrales de Tchékhov

Dans l'itinéraire artistique de Tchékhov, les grandes pièces sont tardives : la


première, La Mouette, est de 1896. On appelle « grandes pièces » les quatre
dernières œuvres théâtrales de l'auteur, c'est-à-dire La Mouette, Oncle Vania, Les
Trois Sœurs, et La Cerisaie. Selon certains spécialistes russes, il est légitime de
considérer que ces quatre pièces constituent à elles seules « le » théâtre de

119
Tchékhov : les autres titres, Platonov ou Ivanov, les petites pièces en un acte ne
représentent que des esquisses, des galops d'essai. Le théâtre est donc pour
Tchékhov l'achèvement de son activité artistique : son sommet et sa fin.

Tchekhov, pendant longtemps, n'envisage pas d'écrire pour le théâtre, en tout cas
d'écrire autre chose que des petites pièces comiques, comme L'Ours ou La
Demande en Mariage. Ses premiers textes, « humoristiques », parodies, etc.,
appartiennent à peu près tous au genre du récit.

Pourtant Tchékhov avait depuis l'enfance l'amour du théâtre. Des troupes, russes
ou étrangères, venaient en tournée à Taganrog, sa ville natale ; le jeune Tchékhov
assistait aux spectacles. À la maison, il jouait avec ses amis dans un petit théâtre, et
c'est lui qui écrivait les pièces (des vaudevilles et des drames).

Comment comprendre que Tchékhov se soit longtemps attaché principalement au


genre épique, au récit ? En quoi ses pièces tranchent-elles sur le théâtre russe de
son temps ?

Quand Tchékhov commence à publier, au début des années 1880, le genre


dramatique en Russie est peu dynamique, peu créatif ; depuis les grandes pièces
d'A. Ostrovski, il ne se passe pas grand-chose. Après quelques tentatives de donner
à Pétersbourg et à Moscou quelques vaudevilles et la pièce Ivanov, Tchékhov
comprend combien le théâtre russe traditionnel, surtout dans la mise en scène et le
jeu des acteurs, est arriéré, stéréotypé. « Le théâtre d'aujourd'hui, c'est une
éruption de boutons, une mauvaise maladie des villes. Il faut s'en débarrasser à
coup de balai, mais il n'est pas sain de l'aimer ». (Rolet Serge, 1996: 8-13).

Après la première de La Mouette, et quelquefois sans plaisanter, Tchékhov écrit


que le théâtre ne lui réussit pas, qu'il n'est pas fait pour devenir un auteur
dramatique : « Le théâtre me porte si peu chance, si peu chance, que si je me
120
mariais avec une actrice, l'enfant qui nous naîtrait aurait tout de l'orang-outang
ou du porc-épic » (Zinoviev Alexandre, op,cit.,:121)

Tchékhov n'est pas le seul à penser ainsi. En 1897 se réunit le Congrès Théâtral
panrusse. L'un des intervenants, le metteur en scène du Théâtre Maly A. Lenski,
dans une communication intitulée Les causes de la décadence de l'art théâtral,
affirme la nécessité de réformes radicales pour relever le niveau de la scène russe.
C'est à cette époque qu'apparaît la Société d'Art et de Littérature de Stanislavski.
En 1898 est fondé le Théâtre d'Art de Moscou, qui réunit les troupes de
Stanislavski et de Nemorovitch- Dantchenko ; le jeune Meyerhold en fait partie.

II.1.7.1.1 Un théâtre d'états d'âmes

Le nouveau théâtre apparaît à Tchékhov comme théâtre de l'actualité, exempt de


tout détour historique, débarrassé du pittoresque traditionnel :

Votre théâtre ne doit monter que des pièces contemporaines, uniquement cela !
Vous devez traiter de la vie contemporaine... telle qu'elle est vécue par
l'intelligentsia, celle dont il n'est pas question dans les autres théâtres, en raison
de leur absence totale d'intellectualité et, en partie, de leur absence de talent.(
Troyat Henri, Tchékhov, op,cit.,:78)

Ce qui intéresse Tchékhov, tout au long de sa carrière d'écrivain, ce ne sont pas


tant les anecdotes qu'il raconte (en dehors de leur charge humoristique), l'intrigue
ou le déroulement de l'action au théâtre. Dans ses grandes pièces, il n'y a pas
d'action. Le temps semble s'écouler sans ruptures, sans accélérations : il ne se passe
rien. Le sujet, l'action, comptent moins que les conversations des personnages.
Tchekhov rejette les péripéties comme non vraies. Il faut, dit-il, s'en tenir à Piotr
Semionovitch qui épouse Maria Ivanovna. D'où le refus des prouesses historiques,
des grands personnages, le refus des héros.
121
Dans Les Trois Sœurs, l'action ne progresse pas : les trois filles de général ne
partent pas pour Moscou, et on comprend bien vite qu'elles n'y partiront jamais. Le
seul événement sensationnel, le meurtre du baron Tusenbach, ne change rien à la
situation.

Dans La Cerisaie, l'action s'arrête dès l'acte III (une fois que la vente de la cerisaie
est un fait acquis). La poursuite de la pièce repose sur d'autres éléments.

Si, d'une manière générale, il n'y a pas chez Tchekhov d'intrigue, c'est que les
personnages n'ont pas d'adversaires ou d'ennemis ; le « conflit », le déséquilibre,
gagne l'ensemble des acteurs ; l'origine du mal n'est pas un individu, une volonté
particulière, mais la tournure des choses, la manière dont cela se passe. Rien de
tangible, de réel, n'est en cause. Voilà pourquoi les « emplois » sont inutiles,
pourquoi la formation traditionnelle de l'acteur n'a plus de pertinence.

II.1.7.1.2 L'impartialité de l'auteur et la continuité prose-théâtre

Dans les nouvelles, le texte d'auteur est limité au maximum. Ce sont les
personnages qui parlent, ce sont eux qui exposent la situation. L'auteur reste à
l'écart. « Il vaut mieux éviter de décrire l'état d'âme des héros. Il faut essayer de les
rendre perceptibles par les actes des héros ». Une fois libérés de l'intervention de
l'auteur, les personnages deviennent plus communicatifs, plus sincères, et le lecteur
a la possibilité d'approcher d'eux de plus près et de les comprendre mieux.

Le système de Tchékhov est fondé sur le lyrisme (le rire, la tristesse : autant
d'émotions partagées). Le principe épique, même dans ses récits, lui est au fond
étranger. Il n'y a rien d'étonnant à ce que, du récit court, Tchékhov soit passé au
théâtre plutôt qu'au roman : du fameux roman, auquel il travaille de longues
années, il ne reste finalement qu'une seule phrase : « Ils s'aimèrent, se marièrent, et
ne furent pas heureux ». Le lyrisme se manifeste surtout à partir du moment où les
122
personnages montent sur la scène ; dans les nouvelles, la structure du genre,
probablement, limite l'épanchement lyrique (la nouvelle montre les personnages
avant tout de l'extérieur). À propos du théâtre de Tchékhov, on a beaucoup parlé de
« sous-texte lyrique », pour essayer de rendre compte du fait que, dans les
conversations les plus banales, il y avait du sens, que dans le trivial, il y avait de la
poésie. Nous savons que l'abolition de l'opposition entre la « vraie vie » (la vie
intérieure, celle qui possède un sens) et la vie ordinaire est un des projets de
Tchékhov, l'un des points où il s'est séparé de la « grande » littérature.

II.1.7.1.3 La révélation du Théâtre de Tchékhov

Tchékhov n'a pas le projet de montrer les actes de tel ou tel personnage, mais de
décrire la conscience que ce personnage a de ses actes, la représentation qu'il bâtit
de sa propre expérience. Décrire comment les personnages se débattent dans un
monde auquel ils ne comprennent rien : voilà ce que veut faire Tchékhov.

Cette saisie particulière de la conscience des personnages se met en place dans les
premières œuvres (non théâtrales) et s'affine au cours des années. Parmi les
premiers textes de Tchékhov, datant d'avant 1888, l'année charnière qui le voit
passer – comme malgré lui – de l'activité de journaliste humoristique à celle
d'écrivain en vue, on distingue un groupe de nouvelles particulièrement
importantes où se forge la vision du monde qui imprègne les œuvres plus tardives.

Ces nouvelles ont un schéma narratif caractéristique. Les héros en sont des «
hommes du commun », dont les intérêts se bornent à la vie de tous les jours.
Soudainement ces personnages médiocres sont tirés de leur existence routinière par
un événement inattendu. Cet événement non plus n'a pas de grandeur : il s'agit le
plus souvent d'un détail trivial, d'un événement insignifiant ; mais il a, l'effet d'un
détonateur, il provoque une « révélation ». Le personnage voit s'écrouler toute sa

123
représentation du monde, qu'il croyait pourtant stable et définitive. Le monde tel
qu'il se l'imaginait apparaît dans sa fausseté, et la vie se montre dans une lumière
nouvelle, son ordre « naturel » se fait jour. « Ordre », c'est un mauvais terme : le
monde est confus, complexe, conflictuel. Le héros se met à réfléchir, mais il a
perdu ses repères. La révélation, la découverte, chez Tchékhov, a quelque chose
d'original par rapport à ce qu'elle est chez Tourgueniev ou Tolstoï. Chez ces
derniers, il y a aussi des découvertes, des révélations, mais elles sont présentées
comme l'aboutissement d'un cheminement intérieur, comme un achèvement. Chez
Tchékhov, au contraire, l'illumination n'est souvent qu'un éclair, le savoir, la
nouvelle conscience des choses, peuvent disparaître, laissant le héros à ses
interrogations, à son inquiétude, à son angoisse, mais aussi bien à la routine, à
l'absurdité. L'oncle Vania, Voïnitski, se révolte contre son beau-frère, le
professeur d'université ; il va jusqu'à lui tirer dessus à coups de revolver (scène de
comédie s'il en est), mais une fois passé ce moment d'égarement, il se remet à
travailler durement pour son compte : il n'y a, croit-il, rien d'autre à faire. La prise
de conscience est comme un éclair, il n'en reste rien. La pièce est un cercle.

Décrire les états de conscience, et aborder à cette occasion des questions


philosophiques, ou, au moins, donner au texte (ou à la pièce), une tonalité
philosophique, voilà qui est courant chez les écrivains du XIXe siècle ; mais à la
différence de ses contemporains et devanciers, Tchékhov ne suit jamais dans ses
pièces (ni d'ailleurs dans ses récits) une doctrine philosophique ; s'il fait allusion
aux théories en vogue, c'est, toujours, pour les tourner en ridicule. Il n'y a pas, chez
lui, de pièce « à thèse », comme chez Tolstoï, Gorki, ou, plus près, chez Sartre.

Même quand un personnage est présenté comme sympathique, et que ses idées
peuvent paraître a priori justes et fondées au lecteur, Tchékhov prend toujours ses
distances avec le personnage et avec sa vision du monde. Les héros de Tchékhov

124
sont constamment caractérisés comme incapables de s'orienter dans le monde, de
comprendre correctement ce qui leur arrive.

Cette absence de solidarité entre l'auteur et les personnages se manifeste de


plusieurs façons. Tout d'abord, les personnages font leur propre critique ; ils
s'accablent eux-mêmes des reproches les plus fondés, reconnaissent leurs torts,
jettent un doute, à un moment ou à un autre, sur leurs convictions. Ils avouent
qu'ils ne savent pas. Tchékhov fait aussi coexister dans le texte, celui de la pièce
comme celui de la nouvelle, des vérités qui s'excluent mutuellement, sans indiquer
si l'une a sa faveur plus que l'autre : toutes les deux se détruisent. Il arrive que les
personnages au départ les plus sympathiques, se montrent sous un jour finalement
peu flatteur, ou l'inverse. Lopakhine dans La Cerisaie, se montre pathétique et
odieux ; le jeune écrivain à succès dans La Mouette, lui, est ambigu, on ne sait trop
comment l'apprécier. Ni l'un, ni l'autre ne bénéficie de la solidarité de l'auteur,
Tchékhov, en tout cas, ne parle pas par leur bouche. Et puis, il y a l'épreuve des
faits, la destruction du milieu au sein duquel, longtemps, l'illusion a pu être
préservée. Dans La Cerisaie, les propriétaires du verger, dont on mentionne
l'existence jusque « dans l'Encyclopédie », ne comprennent pas que le temps de la
noblesse terrienne est passé, que la perpétuation des traditions ne pourra rien contre
les dettes accumulées au cours d'années de voyages et d'oisiveté.

L'incompréhension se traduit par l'inaction, et par le fait que les personnages ne


sont tournés que vers le passé, vers l'enfance (symbolisée par cette armoire dont, à
la fin de la pièce, tombe une poussette). Malgré toutes les paroles échangées, les
confessions à cœur ouvert, les reproches et les bonnes résolutions, le verger ne sera
pas sauvé : quand le rideau tombe, le spectateur entend les coups de hache qui
s'abattent sur les arbres du domaine. Les personnages ne sont pas crédibles.

125
II.1.7.1.4 L'émotion dans le théâtre de Tchékhov

Il faut donc prendre garde à la distance que Tchékhov met entre lui (et du même
coup, entre nous) et ses héros. Mais il n'empêche : les personnages, si faibles, si
désarmés face à l'absurdité de leur existence sont à la fois ridicules et
pathétiques. Les discours des personnages ont la part belle. Les rêves et les
illusions des personnages occupent le devant de la scène ; la sanction n'arrive qu'in
extremis. L'émotion, le lyrisme sont tels que le spectateur ne perçoit plus vraiment
de critique. Tchékhov n'insiste pas sur la fausseté des représentations, sur leur
ridicule ; il les suggère simplement. La distance, l'ironie, si visibles dans les
nouvelles, sont à ce point atténuées dans le théâtre de Tchekhov que le spectateur
s'identifie aux personnages, se laisse gagner par la tristesse, la nostalgie. Les
personnages ont beau être dérisoires, ils sont tout de même sublime (Macha, par
exemple, dans Les Trois Sœurs). Ce n'est pas commettre de contresens que de
pleurer en regardant une pièce de Tchékhov. À cet égard on peut comparer
Tchékhov à Flaubert : le « romantisme » de Madame Bovary est ridicule, mais la
vie n'a rien d'autre à lui offrir, à nous offrir.

II.1.7.2 Les trois sœurs et La Cerisaie

L’histoire des Trois Sœurs de Tchékhov met en scène les déceptions de trois sœurs
qui vivent, avec leur frère Andreï, dans une maison de province mais qui rêvent de
retourner à Moscou. Olga, Macha et Irina évoluent, chacune, sur le plan
sentimental tout en étant confrontées à des questions existentielles : le travail et
l’amour en particulier, deux intérêts vitaux qui, en temps normal, aident un être
humain à s’accomplir dans la vie mais dont l’absence met à mal son existence. Si
Olga, l’aînée, est la seule qui travaille au lever du rideau, elle est loin d’être
satisfaite de sa profession, et ne se verra nommée directrice de son lycée qu’à

126
contrecœur. Macha, mariée à un professeur médiocre, et Irina, célibataire, à la
recherche d’un emploi, mènent, quant à elles, une existence désœuvrée. Leur frère,
enfin, ne réussit pas à obtenir un poste à l’université comme on l’espère : il grossit
tout en s’abandonnant progressivement à une vie en couple petite-bourgeoise.
L’action des Trois Sœurs montre ainsi quatre destins brisés, éprouvés par deux
arrivées troublantes. Celle de Natacha, la fiancée d’Andreï, éloigne peu à peu
celui-ci des trois sœurs dont l’union même semble dérangée par cette intrusion
négative. L’arrivée du militaire moscovite Verchinine, d’autre part, relance leurs
espoirs de partir, d’autant plus qu’elle intervient le jour de l’anniversaire d’Irina et
coïncide avec la fin du deuil consécutif à la mort du père. L’accaparement
progressif de la maison par Natacha et le départ final de Verchinine signent
l’enlisement des Prozorov dans un quotidien monotone et étourdissant. L’appel à
travailler paraît, dans de telles conditions, comme le seul remède possible contre
l’oisiveté et contre un abandon autodestructeur.

Tchékhov à Olga Knipper : « Mon actrice chérie, exploiteuse de mon âme,


pourquoi m’as-tu envoyé ce télégramme ? Tu aurais mieux fait de télégraphier des
nouvelles de toi plutôt que d’utiliser un prétexte aussi futile. Alors, Les Trois Sœurs
? À en juger d’après vos lettres, vous dites tous des absurdités invraisemblables.
Du bruit au troisième acte… Pourquoi du bruit ? Il y a du bruit seulement au loin,
derrière la scène, un bruit sourd, confus, mais ici, sur la scène, tous sont las, ils
dorment presque… Si vous abîmez le troisième acte, la pièce est fichue et je me
ferai siffler dans mon vieil âge. Dans ses lettres Alekseïev dit beaucoup de bien de
toi, Vichnevski aussi. Moi, bien que je ne voie pas, je me joins à ces louanges.
Verchinine prononce “ta-ta-ta” comme une question, et toi [dans le rôle de
Macha] comme une réponse, et ceci te semble une plaisanterie si originale, que tu
prononces ce “ta-tam” avec un sourire moqueur, et tu te mets à rire, mais pas fort,

127
juste un peu. Il ne faut pas avoir la même expression que dans Oncle Vania, tu dois
être plus juvénile, plus vivace. Rappelle-toi, tu es une personne à la moquerie
facile, mais sévère. Mais, quoi qu’il en soit, j’ai confiance en toi, mon âme, tu es
une bonne actrice. » (Lettre du 20 janvier 1901)

Stanislavski : « À la première, la fête d’Irina, au premier acte, eut un immense


succès. Il fallut revenir saluer je ne sais combien de fois (l’usage des rappels
n’avait pas encore été aboli). Mais à la fin des autres actes et lorsque la pièce se
termina, les applaudissements furent si clairsemés que c’est tout juste si nous
pûmes revenir saluer une seule fois. Nous eûmes l’impression que le spectacle
avait fait fiasco et qu’on n’acceptait ni la pièce ni son interprétation. Il fallut
beaucoup de temps pour que l’œuvre de Tchekhov atteigne le spectateur.
Actuellement, au point de vue jeu et mise en scène, ce spectacle est considéré
comme l’un des meilleurs de notre théâtre. » (Stanislavski, Ma Vie dans l’art,
1998: 121)

L’accueil de la pièce, à sa création par Stanislavski au Théâtre d’Art de


Moscou (1901), fut mitigé : comme La Mouette, comme Oncle Vania, Les Trois
Sœurs n’ont pas suscité l’enthousiasme immédiat d’un public désarçonné par la
mise en scène naturaliste qui accentuait la tonalité mélancolique d’une action
monotone et, par-là, l’impression d’avoir sous les yeux l’image dérisoire d’une
société en décomposition. La pièce a néanmoins réussi à s’imposer, avec La
Cerisaie, comme les chefs-d’œuvre de Tchékhov et comme des pièces posant des
jalons du théâtre moderne, celui du XXe siècle. Pour être appréciée à sa juste
valeur, il lui fallait donc quelque temps. Elle a été introduite en France, en 1929,
par Georges Pitoëff, dans une traduction faite ensemble avec sa femme Ludmilla
Pitoëff : la première création française des Trois Sœurs a ainsi vu le jour au
Théâtre des Arts — l’actuel Théâtre Hébertot. La pièce connaît depuis le début des

128
années 90 une telle fortune scénique que plusieurs créations ont parfois lieu au
cours d’une même année.

La Cerisaie, c'est l'histoire d'une famille aristocrate qui s'est appauvrie. Voilà trois
ans que la mère, Lioubov, et la fille, Anya, étaient en voyage en Europe, à Paris.
Mais le manque d'argent et les dettes forcent leur retour. Retrouver leur demeure et
Varia, la fille adoptée par Lioubov, ne les enchante pas particulièrement.

Elles ont plaisir à retrouver leur maison telle quelle, mais elles risquent de perdre
ce lieu-mémoire aristocratique et cela les blesse. Et pourtant, Lopakhine, ce
"moujik", veut aider. Il propose des solutions pertinentes mais chaque personnage
est enfermé dans son propre monde. Chacun parle pour soi et non pour ou avec les
autres. Chacun reste dans sa bulle jusqu'au drame...

La Cerisaie est une pièce tout à fait symbolique qui représente les idées de
Tchekhov. De toute évidence, il faut lire La Cerisaie pour ce qu'elle est : une pièce
de théâtre symbolique. Anton Tchékhov va créer dans son théâtre une forme
nouvelle, avant-gardiste, symboliste. Il veut parler à la sensibilité de l'homme
moderne. Dans cette comédie qui nous fait plutôt penser à un drame statique, la
sensibilité touche peut-être plus les personnages que les lecteurs...

Les cerisiers sont les sujets du drame. Ils représentent l'aristocratie et les souvenirs
d'une riche vie aux yeux de Lioubov et sa famille. Mais ils portent un autre
symbole pour Trofimov :

Songez seulement, Ania, votre père, votre grand-père et tous vos aïeux possédaient
des serfs, des âmes vivantes, vous devez les voir, ces êtres humains, ils vous
regardent de chaque cerise du jardin, de chaque tronc d'arbre, vous devez
entendre leurs voix…(Trofimov) (Tchékhov, La Cerisaie, op,cit.,:78)

129
Pour lui, les cerisiers représentent le servage et toutes les personnes envers qui la
famille est redevable. Lorsque la pièce s'achève, les cerisiers sont abattus. Suivant
l'axe de lecture, nous y lisons la fin de l'aristocratie, mais aussi la fin du servage.
La seconde interprétation est renforcée par le fait qu'il s'agit d'un moujik, un ancien
serf, qui fait abattre les arbres.

En lisant cette pièce, nous comprenons que l'auteur avait voulu faire une
comédie. On oublierait presque de rire des farces et des maladresses des
personnages. Le surnommé « vingt-deux malheurs » existe essentiellement pour
nous faire rire. Mais nous ne pouvons pas ri, ni souris.

Pourtant, elle comporte des ressorts comiques, là n'est pas le problème. Le fait est
que La Cerisaie semble osciller entre tragédie moyenne et comédie héroïque. Mais
une comédie héroïque un peu à côté. Pour être sensible au comique, il ne faut pas
se prendre au jeu des personnages, s'identifier à eux, il faut les voir agir.1
Tchékhov place le quatrième mur pour nous présenter un tableau comique par ses
réactions déplacées et par les répliques toujours en décalage des personnages.

En se plaçant « au-dessus » des personnages, nous avons apprécié la manière dont


les monologues, masqués en conversations, se tissent pour former un panorama
d'une société gangrenée. Malgré cela, Tchékhov ne fait jamais de choix entre le
matérialisme de Lopakhine et l'aristocratie de Lioubov. Chacun porte son masque,
chacun essaie d'agir comme il peut, mais tous sont soumis au joug du changement.

Firs est le symbole parfait de ce changement d'époque. Tout le monde fait


attention à lui, ce serf qui veut le rester, mais à la fin, tout le monde pense qu'il a
été conduit à l'hôpital. Finalement, il est oublié. Il est vieux et malade et il a été
abandonné dans ce jardin qui sera détruit, au son des cerisiers mourants.

1
https://culturelivresque.fr/la-cerisaie-d-anton-tcheckhov

130
Que la propriété, aujourd'hui, soit vendue ou non — quelle différence ? Tout cela
est fini depuis longtemps, on ne peut pas revenir en arrière, l'herbe a envahi le
sentier. Calmez-vous, ma chère amie. Ne vous faites pas d'illusions. Pour une fois
dans votre vie regardez la vérité en face.

(Trofimov)

L'immense majorité de l'intelligentsia, telle que je la connais, ne cherche rien, ne


fait rien et reste pour l’instant inapte à tout travail. Ils disent qu'ils font partie de
l'intelligentsia, et ils tutoient leurs domestiques, ils traitent leurs moujiks comme
du bétail ; ils négligent leurs études, ne lisent à peu près rien de sérieux, restent à
se tourner les pouces, ne font de la science qu'en parlottes, n'entendent rien à l'art.
Ils sont sérieux, ils ont des visages graves, ne parlent que de sujets très graves, ils
philosophent, et pourtant, sous leurs yeux, les ouvriers mangent des choses
infectes, dorment sans oreiller, à trente, quarante dans la même chambre - partout
les poux, la puanteur, l'humidité, la souillure morale... C'est évident, toutes ces
grandes discussions ne servent qu'à une seule chose : s'aveugler soi-même et
aveugler les autres.

(Trofimov)

TROFIMOV : J'ai déjà tellement souffert ! Quand vient l'hiver, je suis affamé,
malade, anxieux, pauvre comme un mendiant — et le destin m'a balloté ici et là !
Où n'ai-je pas été ? Mais malgré ça, toute âme, jour et nuit, chaque minute, était
pleine de pressentiments inexplicables. Je sens venir le bonheur, Ania, je le vois
déjà...

ANIA : La lune se lève.

131
TROFIMOV : Oui. La lune se lève. Et voici venir le bonheur, oui, il vient, de plus
en plus près, j'entends ses pas. Et si nous ne le voyons pas, si nous ne le
reconnaissons pas, aucune importance. D'autres le verront ! (Tchékhov, La
Cerisaie, op,cit.,: 89)

Souvent dans La Cerisaie, la sanction, l'épreuve des faits, se révèlent finalement


moins terribles qu'on pourrait le supposer : au milieu de la gravité, de la douleur, se
fait jour quelque chose de léger, et la pièce, sensiblement, retrouve le ton de la
comédie. Dans La Cerisaie, plusieurs personnages descendent des figures
comiques des petites nouvelles : Epikhodov, Simeonov-Pichtchik, Charlotte.
Simeonov- Pichtchik, par exemple, explique qu'il a pour ancêtre le cheval que
l'empereur Caligula avait nommé consul. Lui-même, Tchékhov était persuadé
d'avoir écrit des pièces franchement comiques. Rappelons sa mauvaise humeur
après les premières représentations des Trois Sœurs : la pièce était d'après lui une
pure comédie, et il était furieux que le public n'ait retenu que la gravité, le tragique
de la situation.

Quelquefois, il n'y a pas de sanction vraiment brutale : l'inefficacité des


personnages à conduire correctement leur vie est hors de doute, mais elle n'est pas
« prouvée » par un événement, par les faits (tel est le cas dans Les Trois Sœurs).
L'illusion semble pourtant pouvoir durer toujours. Le message contenu dans les
pièces de Tchekhov est donc complexe, ambigu. La nostalgie de l'enfance perdue
est ridicule, mais elle est belle, et il n'y a peut-être rien d'autre qui puisse donner la
paix. Voilà ce que le spectateur peut se dire. À moins qu'il ne réagisse comme
Gorki, gêné par l'absence de clarté de La Cerisaie :

J'ai écouté la pièce de Tchekhov. A la lecture, elle ne fait pas l'impression d'une
pièce importante. Pas un seul mot de nouveau. Tout, les étals d'âme, les idées (si

132
on peut encore parler d'idées), les personnages, tout ça était déjà dans ses autres
pièces. Évidemment, c'est beau, et bien entendu, le public va être gagné par le
spleen le plus noir. Mais pourquoi le spleen ? Ça je ne sais pas. (Cité par
Françoise Darnal-Lesné, op,cit.,:234)

Pourquoi Tchékhov a-t-il choisi la subtilité, le mélange de l'ironie et de l'émotion ?


Pourquoi avoir risqué de dérouter les spectateurs, de les laisser se perdre dans des
interprétations trop complaisantes à l'égard des héros, par exemple ? Pourquoi, si
ce que disent les personnages est si vain, s'y attarder au point qu'on se laisse
entraîner par le charme de ces paroles, de ces voix nostalgiques et douces ?

Évoquons rapidement la voie que Tchékhov n'a pas choisie, celle de Gorki.
Tchekhov aurait pu incarner ses positions dans un personnage, comme Gorki en
Nil, dans Les Petits Bourgeois, ou en Satine, dans Les Bas-Fonds. Le message,
peut-on croire, aurait été plus « clair ». En fait, rien n'est moins sûr. La position de
Gorki dans Les Petits Bourgeois a été bien comprise par le public, mais ce n'est pas
le cas avec Les Bas-Fonds. Le malheur de cette pièce, montée par Stanislavski au
Théâtre d'Art de Moscou, c'est que le public a été séduit par le message religieux
de Lucas, et non par celui, révolutionnaire, de Satine ! Cela prouve qu'une « pièce
à thèse » peut parfaitement donner lieu à un contresens. Cela dit, si Tchékhov a
préféré la complexité, l'absence de clarté du message que portaient ses pièces, c'est
pour des raisons de fond. Il faut maintenant aborder l'une des grandes convictions
artistiques – et aussi philosophiques – de Tchékhov, celle qui lui fait refuser les
vérités générales. Dans l'article Tchekhov et son temps (Cité par Françoise Darnal-
Lesné, in Ibid.,: 90) nous avons vu qu'il considérait que l'artiste n'avait pas à
prescrire de solution aux problèmes posés par ses œuvres. Peut-être faut-il aller un
peu plus loin, et voir quelle idée Tchekhov se faisait de la vérité.

133
II.1.7.2.1 Les personnages dans Les trois sœurs et La Cerisaie

Considérons maintenant les personnages de Tchékhov, les idées qu'ils expriment.


Chacun d'eux voit le monde de manière trop étroite, sous un seul angle : tous, ils
s'en tiennent aux « savoirs spécialisés », c'est pourquoi ils ne « posent pas
correctement les problèmes ». Prisonniers des vérités particulières, ils ne se parlent
pas vraiment.

Chacun s'exprime indépendamment du discours des autres. Cet aspect,


l'incommunicabilité des consciences enfermées dans leur vision particulière,
est l'un des traits les plus modernes des pièces de Tchékhov : nous sommes
tout près du théâtre de l'absurde. À cette différence – majeure – près que
Tchékhov n'affirme pas lui-même que la vie n'a pas de sens : ce sont ses
personnages qui nous donnent cette idée.

Tchékhov nous invite à considérer la situation dans sa globalité, à entendre les


voix des personnages toutes ensemble, à ne pas tomber dans le même travers que
ses héros. Tout comme les détails tirés du monde des objets, du décor, ne peuvent
pas être isolés les uns des autres, ni de l'ensemble auquel ils appartiennent, il faut
se garder de considérer les personnages Tchékhoviens séparément. Parmi les
circonstances et les détails qui les enveloppent, il faut compter les paroles et les
pensées, les gestes des autres personnages. Alors seulement il est possible qu'un
sens se fasse jour : à chacun de nous de dire lequel. Tchekhov, quant à lui,
n'affirme rien.

Si tout est lié, les éléments contenus dans une pièce peuvent entrer dans des
rapports nombreux, subtils ; chaque metteur en scène peut donner libre cours à sa
liberté d'interprétation. Si les éléments ne sont pas hiérarchisés, si, en même temps,
on peut les supposer a priori hétérogènes, ils sont peut-être liés par quelque rapport

134
caché, le texte dramatique se met à résonner d'une infinité de sens possibles. La
poussette qui tombe de l'armoire dans La Cerisaie, ce n'est pas simplement une
poussette qui tombe d'une armoire ; l'objet est relié d'une manière particulière aux
autres objets, aux mots, aux accents de la pièce. Tout cela est très subtil. R.
Grenier, dans sa préface à un recueil de nouvelles de Tchékhov, avoue ne pas bien
comprendre la signification du fait que, chez Tchékhov, un « sec coup de fusil »
peut « changer un peu l'âme » des personnages, « la rendre meilleure ». Ce qui,
probablement, est en jeu dans cet exemple, c'est la vision non hiérarchique de la
réalité, l'idée que des rapports existent entre des éléments du réel, et que nous ne
les connaissons peut-être pas.

II. 1.8 Le Théâtre d'Art : une chance pour Tchékhov

« Je remercie le ciel d'être tombé sur cette île merveilleuse qu'est le Théâtre d'Art,
alors que je voguais sur la mer du quotidien. Tchékhov, on l'aura compris, doit
beaucoup au Théâtre d'Art, à ses dirigeants et à ses acteurs. Ce n'est qu'avec le
Théâtre d'Art que le théâtre d'états d'âmes devient accessible au public, que
Tchekhov, enfin, est reconnu pour ce qu'il est. Le talent de Stanislavski comme
acteur, la hauteur de ses exigences à l'égard des autres acteurs permettaient de
sortir de la routine symbolisée par « l'entreprise des spectacles » qu'était devenu le
prestigieux Théâtre Maly de Moscou. Tchékhov n'a collaboré à aucun autre
théâtre de manière aussi régulière et approfondie qu'avec le Théâtre d'Art.» (Cité
par Zinoviev Alexandre, op,cit.,:151) Longtemps, la doctrine de Stanislavski a fait
autorité dans les mises en scène de Tchékhov (comme de bien d'autres auteurs).
Sans vouloir nier la valeur de l'enseignement de Stanislavski en général, ni son rôle
dans l'épanouissement du théâtre de Tchékhov dans les années 1900, et jusqu'à
aujourd'hui, je voudrais simplement apporter un correctif à cette idée tout de même

135
un peu trop simple, selon laquelle « Tchekhov, c'est Stanislavski ». Les deux voies
concurrentes suivies par le Théâtre d'Art.

Dans le travail du Théâtre d'Art sur les textes de Tchékhov, nous trouvons les
éléments d'un désaccord entre Stanislavski et Tchekhov. Leur divergence de vues
est celle qui sépare le naturalisme de ce qu'on a appelé le « théâtre de la
convention.»

On connaît assez l'influence de Stanislavski sur le destin du théâtre de Tchekhov ;


il semble qu'une influence tout aussi décisive, quoique moins célèbre, ait été
exercée par Tchékhov sur le Théâtre d'Art.

Meyerhold écrit:

Cette circonstance qui permit au Théâtre d'Art d'abriter sous le même toit le
théâtre naturaliste et le théâtre d'états d'âmes, je suis profondément convaincu que
c'est Tchékhov lui-même qui a contribué à la créer, précisément parce qu'il
assistait en personne aux répétitions de ses pièces et que, par le charme de sa
personnalité comme par les fréquentes conversations qu'il avait en privé avec les
acteurs, il a influencé leurs goûts et leurs attitudes à l'égard des problèmes
esthétiques. (Meyerhold V., Écrits sur le théâtre, op,cit.,: 178)

Meyerhold raconte comment les choses se passaient concrètement, pendant les


répétitions :

Tchékhov assiste pour la seconde fois aux répétitions de La Mouette (11


septembre 1898) au Théâtre d'Art de Moscou. Un des acteurs lui raconte que dans
cette pièce, derrière la scène, des grenouilles coasseront, des libellules striduleront
et des chiens aboieront.

– Pourquoi tout cela ? demande Anton Pavlovitch d'un air mécontent.

136
– Cela fait réel, répond l'acteur.

– Cela fait réel, répète Anton Pavlovitch avec un sourire moqueur ; et il ajoute
après une petite pause : « La scène, c'est de l'art. Kramskoïa a magnifiquement
représenté des visages, dans sa peinture de mœurs. Qu'adviendrait-il si, sur un de
ces visages, on découpait le nez peint pour le remplacer par un vrai ? Le nez serait
réel, mais le tableau serait gâché ».

Un des acteurs raconte (...) qu'à la fin du troisième acte de La Mouette, le metteur
en scène veut amener sur le plateau toute la domesticité, notamment une femme
avec un enfant en pleurs.

– Il ne faut pas. C'est comme si au moment où vous jouez pianissimo le couvercle


du piano retombait.

– Dans la vie, il arrive souvent que dans le pianissimo fasse irruption un forte tout
à fait inattendu pour nous, tente de plaider un des acteurs du groupe.

– Oui, mais la scène, dit Anton Pavlovitch, exige une certaine convention. Vous
n'avez pas le quatrième mur. En outre la scène, c'est de l'art, la scène reflète la
quintessence de la vie et il ne faut rien y introduire de superflu. (La Mouette. Mise
en scène Théâtre d'art de Moscou. 1898 Trigorine, Stanislavski) (Ibid.)

Meyerhold explique que le théâtre dut son nouveau visage à un groupe d'acteurs
bien précis, qu'on appellera d'ailleurs « acteurs Tchékhoviens », avec lesquels
l'auteur avait des relations particulièrement étroites, et qui ont préservé des accents
non naturalistes dans les mises en scène de plus en plus soumises à l'orchestration
vériste de Stanislavski.

En quoi le naturalisme est-il nocif aux pièces de Tchékhov ? Parce qu'il les
fragmente en une multitude de morceaux qui prennent chacun une valeur

137
autonome. À force de développer telle ou telle scène secondaire, en appuyant les
effets, en utilisant toute une machinerie, en accentuant le jeu des acteurs, les
relations subtiles, incertaines, musicales, entre les éléments de la pièce finissent par
se perdre. Le sous-texte est tué par l'irruption d'une réalité trop concrète.

La critique de fond de Meyerhold est la suivante :

Dans les pièces de Tchékhov, le particulier détourne le metteur en scène de T


image d'ensemble, parce que les personnages, esquissés de manière
impressionniste, constituent un matériau de choix dont on peut profiter pour
pousser le tracé jusqu'à son achèvement en figures éclatantes (types). (Ibid.:196)

Par exemple, le metteur en scène de La Cerisaie a fait de l'épisode de


prestidigitation une scène toute entière, avec tous les détails et tous les trucs,
longue et compliquée. En concentrant là-dessus son attention, le spectateur perd de
vue le leitmotiv de l'acte. Et si à la fin de l'acte les mélodies de fond restent dans la
mémoire, le leitmotiv, enterré par la mise en scène, a disparu.

En fait, l'équilibre entre la convention nécessaire au théâtre d'états d'âmes et le


traitement naturaliste des pièces de Tchekhov n'aura pas survécu à la période de
mise en place des structures du Théâtre d'Art :

Le théâtre naturaliste se montra très persévérant dans sa volonté d'éliminer de la


scène la puissance du Mystère. Ainsi, dans la première version scénique de La
Mouette, au premier acte on ne voyait pas où s'en allaient les personnages quand
ils quittaient le plateau. Après avoir traversé en courant un petit pont, ils
disparaissaient dans la tache noire d'un fourré, quelque part (à cette époque, le
décorateur du théâtre travaillait encore sans la collaboration du modeleur). Par
contre, à la reprise de La Mouette, tous les coins du plateau étaient découverts
(...). (Ibid.,: 211)
138
Dans la première version de La Mouette, au troisième acte, il y avait une fenêtre
latérale, et on n'apercevait pas le paysage. Lorsque les personnages entraient dans
l'antichambre avec leurs caoutchoucs, secouaient leurs chapeaux, leurs plaids et
leurs châles, on imaginait l'automne avec sa petite pluie fine, les grandes flaques
d'eau dehors et, pour les franchir, les caillebotis qui font floc. Mais à la reprise de
la pièce, sur un plateau techniquement perfectionné, on avait percé des fenêtres en
face des spectateurs. On voyait le paysage. L'imagination dès lors n'a plus qu'à se
taire et, quoique disent les personnages à propos du paysage, on ne les croit pas, il
ne peut pas ressembler à leur description : il est peint, on le voit. Et au final du
troisième acte, dans la première version, le départ de la troïka tirée par des
chevaux à grelots n'était que deviné derrière la scène et se dessinait d'autant plus
vivement dans l'imagination du spectateur. Mais dans la seconde version le
spectateur exige de voir ces chevaux à grelots, puisqu'on lui montre la véranda
d'où partent les voyageurs.1

1
Histoire et technique du théâtre, 1907, paru en français dans V. Meyerhold, Écrits sur le théâtre, Lausanne, 1973,
traduction de B. Picon-Vallin).

139
Chapitre 2: Absurdité et Réalisme du théâtre de Beckett dans Fin de Partie,
En attendant Godot conséquence de la Seconde Guerre

La Seconde Guerre Mondiale a été marquée par l’horreur et la souffrance. La


découverte des camps de concentrations ont traumatisé la population en lui
montrant les véritables victimes de la guerre. Ce sont des civils qui ont pour seul
faute d’avoir été différent des autres par leurs couleurs de peau ou de leur religion.
Ces quelques 6 000 000 d’innocents ont été renvoyés de chez eux pour arriver à
des endroits inconnus où ils seront brûlés, gazés ou mourrons de faim. Ces camps
de mort donneront à l’Allemagne le statut d'auteur de crimes contre l’humanité. Ce
fut la première fois qu’une accusation aussi forte sera prononcée. Mais ce
traumatisme est aussi marqué par un fort exode des populations européennes
(plusieurs millions de familles déplacées). La création de la bombe atomique par
les États Unis est une arme de dissuasion contre toute menace ou ultimatum
susceptible d’être lancée.

Certainement toutes ces conditions mènent l’homme à avoir une vie lamentable et
sans abri. Il n’y a pas de vie confortable. Personne ne peut vivre facilement. Et
dans cette situation les auteurs commencent à écrire sur cette condition comme
Beckett avec ses œuvres dites absurdes.

II.2.1 La littérature, la Guerre, le Nouveau Théâtre et l’Absurdité

Depuis la fin du XIXe siècle, des idées nouvelles préparent le terrain à un nouveau
théâtre. Dès 1882, le philosophe allemand Nietzsche questionnait la condition
humaine en annonçant la «mort de Dieu »1.

1
Cité par Nietzsche in Le Gai Savoir en 1882.

140
Penser l’homme sans dieu, cela voulait dire l’abandonner à sa solitude, sans repère
aucun. Beaucoup plus tard, avec les existentialistes, notamment Jean-Paul Sartre et
Albert Camus, la pensée sur l’absurdité de la vie se développe. Mais la dramaturgie
existentialiste en est une d’idées, il s’agit d’un théâtre philosophique qui continue
de respecter les règles du théâtre conventionnel : rationalité, cohérence, clarté.

Les personnages du Nouveau théâtre sont des antihéros, errants, sans repères,
prisonniers dans un monde sur lequel ils n’ont aucune prise. Leurs gestes sont
accentués, leurs dialogues sont incohérents, leurs rapports de cruauté sont
amplifiés, leurs objets et leurs vêtements ont une utilité dérisoire. Ils n’ont donc
rien de réaliste. Leurs mobiles et leurs actes sont incompréhensibles. De cette
façon, toute forme d’identification est rendue impossible. Le spectateur ne peut se
reconnaître dans de tels personnages. Il est très difficile pour lui de voir le monde
de leur point de vue. Il voit ce qu’il leur arrive de l’extérieur. Mais le spectateur a
bien senti cette injustice dans la vie réelle.
Conséquemment, les personnages du Nouveau théâtre deviennent inévitablement
comiques mais réels, même si leur existence est sombre, même si la condition
qu’ils expriment est d’un pessimisme déconcertant. Le rire a ici une fonction à la
fois d’exutoire et de divertissement devant la désespérance de notre condition. «
C’est pourquoi le Théâtre de l’Absurde dépasse les catégories : comédie ou
tragédie, et pourquoi il combine le rire avec l’horreur. » ( Esslin Martin, Buchet B,
1992: 390).

Le Nouveau théâtre ne fait pas qu’exprimer le désespoir. Il montre les efforts de


l’homme pour s’adapter au monde. Il montre la réalité telle qu’elle est, pour que
l’homme se libère de ses illusions. « Car la dignité de l’homme tient à sa capacité
de faire face à la réalité dans tout ce qu’elle a d’insensé, de l’accepter librement,
sans crainte, sans illusions – et d’en rire. C’est la cause à laquelle, à leurs

141
manières variées et personnelles, modestes et donquichottistes, les auteurs du
Théâtre de l’Absurde se sont voués. » (Ibid.,:409)
Au XXe siècle, le plus populaire parmi les mouvements d’avant-garde fut le
théâtre de l’absurde. Héritiers spirituels de Jarry, des dadaïstes et des surréalistes,
influencés par les théories existentialistes d’Albert Camus et de Jean-Paul Sartre,
les dramaturges de l’absurde voyaient, selon le mot d’Eugène Ionesco, « l’homme
comme perdu dans le monde, toutes ses actions devenant insensées, absurdes,
inutiles » ( Castex,P.G., Surer,P., 1967: 176). Rendu célèbre par Eugène Ionesco et
par Samuel Beckett dans En attendant Godot, le théâtre de l’absurde tend à
éliminer tout déterminisme logique, à nier le pouvoir de communication du
langage pour le restreindre à une fonction purement ludique, et à réduire les
personnages à des archétypes, égarés dans un monde anonyme et
incompréhensible. Mais la vie des personnages, issue de la guerre, est
incontestablement réelle.

L’absurdité des situations mais également la déstructuration du langage lui-même


ont fait de ce style théâtral un mouvement dramatique à part entière. Ce type de
théâtre montre une existence dénuée de signification et met en scène la déraison du
monde dans laquelle l’humanité se perd.

Albert Camus était parmi les premiers à parler de « l’absurdité » dans son essai Le
Mythe de Sisyphe de 1942. Dans son essai il veut dire que l’humanité est absurde à
cause de la distance entre l’espoir de l’homme et le monde irrationnel dans lequel
il naît (Brockett Franklin, Hildy O. G., 1999: 505).

Il écrit:

Un monde qu’on peut expliquer même avec de mauvaises raisons est un monde
familier. Mais au contraire, dans un univers soudain privé d’illusions et de

142
lumières, l’homme se sent un étranger. Cet exil est sans recours puisqu’il est privé
des souvenirs d’une partie perdue ou de l’espoir d’une terre promise. Ce divorce
entre l’homme et sa vie, l’acteur et son décor, c’est proprement le sentiment de
l’absurdité.

Cependant, Albert Camus et Jean-Paul Sartre décrivaient l’absurdité humaine de


manière claire et logique, en exprimant ce phénomène à travers des conventions
classiques. Les écrivains absurdistes, de l’autre côté, abandonnèrent ces modèles
rationnels et discursifs. Ils voulaient plutôt unir la pensée de l’absurdité humaine
avec la manière dont elle était décrite. (Esslin, Martin, Buchet,B, Théâtre de
l’absurde, 2001:24).

Le théâtre de l’absurde n’est ni un mouvement ni une école. Les auteurs du théâtre


absurde, peu nombreux, n’appartiennent pas à la bourgeoisie. Ils ont en commun
cette volonté de rejeter les règles du théâtre, à savoir unité de temps, unité de lieu
et unité d’action, mais en même il montre un réalisme dans une autre forme.
Puisque c’est une approche plus psychologique de la société et de l’homme (
nature humaine ) qu’ils tentent de faire partager par le biais d’une intrigue et d’une
communication par un dialogue souvent difficile ( Dans « En attendant Godot » de
Beckett, les deux personnages parlent mais on a l’impression que chacun d’eux a
un discours différent…c’est vouloir montrer la difficulté de la communication…et
c’est bien vrai… ! ) (Beckett, En attendant Godot, op,cit.,:45)

Ils introduisent de ce fait l’absurde au sein même du langage. Ce n’est pas


innocent. En s’exprimant ainsi, ils souhaitent mettre en évidence la difficulté de
l’homme à communiquer, à clarifier ou mieux dire trouver le sens des mots. De
plus, en cherchant le sens des mots, l’homme s’angoisse et a peur de ne pas y
parvenir. C’est ainsi que, Ionesco comme Beckett faisaient le portraits de

143
antihéros face à eux-mêmes et à leur misère existentielle. Les personnages errent
souvent dans ce monde sans le moindre repère, prisonniers d’eux- mêmes et,
parfois (même souvent) de leur ignorance.

Par des procédés tels que le décalage entre personnage et l’image qu’il peut avoir
de lui part et rapport à lui-même, et par rapport à l’autre, enfin par rapport au
monde, il en perd son identité. Ces pièces, appartenant au théâtre de l’absurde,
travaillent finalement sur des sujets qui restent récurrents : la conscience et
l’inconscience, la logique et l’absurde, le langage compris ou non.

Pour Ionesco, le théâtre de l’absurde est le théâtre qui pose le problème réel
de la condition humaine. Ce qui est le problème essentiel depuis la Seconde
Guerre Mondiale.

Nourris de Freud, ces auteurs dramatiques créèrent des personnages marqués par
le traumatisme de la guerre chez qui la vie psychique a pris le pas sur la réalité et
qui dominent mal leurs fantasmes et leurs névroses. À la suite de l’expérience
historique des camps de concentration et d’Hiroshima, la conviction selon laquelle
le monde a un sens fut ébranlée : on prit conscience de l’abîme entre les actes
humains et les principes nobles. Les pièces obéissent à une logique interne, fondée
sur le caractère et le statut des personnages, sur l’intrigue (souvent circulaire, sans
but, ne tendant jamais vers un dénouement esthétique), sur les objets (pouvant
proliférer au point d’effacer les caractères, comme chez Ionesco, ou bien réduits au
strict minimum, comme chez Beckett, mettant en exergue les thèmes récurrents du
vide et du néant) et sur l’espace, identifié au personnage; ainsi dans Oh les beaux
jours (1963) de Beckett, Winnie s’enlise dans le sable et le monologue.

144
Exprimant un état d’esprit propre à la période de l’après-guerre, le théâtre de
l’absurde présentait le rapport de l’Homme au monde comme immuable, par
opposition à la théorie brechtienne qui le suppose transformable.

La condition humaine n’a pas changé. L’homme cherche toujours un sens à sa


vie, il est toujours préoccupé par ce que l’avenir lui réserve. Et la cruauté est
présente comme jamais. Il y aura toujours de « l’hommerie » dans l’homme.
Dans notre quotidien, on fait comme les personnages de la pièce, on s’occupe pour
passer le temps. On a aussi peur du vide. C’est pourquoi, probablement, on
surcharge nos horaires, pour se laisser le moins de temps libre possible, le moins
de temps vide. Donc, oui, la pièce est toujours d’actualité. Et elle le sera tant et
aussi longtemps que l’homme existera.

II.2.2 Samuel Beckett

II.2.2.1 L’homme et son œuvre

Samuel Beckett, né en Irlande, dans une famille protestante, est l’un des
représentants les plus importants du théâtre de l’absurde. Dans sa jeunesse, il était
lecteur d’anglais à l’École Normale supérieure à Paris où il a fait connaissance
avec James Joyce, écrivain irlandais, qui était un personnage influent dans sa vie.
On affirme même que l’influence de Joyce permet de comprendre En attendant
Godot et Fin de Partie, les pièces de théâtre les plus connus de Beckett.

Les études professionnelles de philosophie ont laissé aussi des traces dans Beckett
et ses œuvres. Il a étudié également les langues romanes et surtout a cherché à
acquérir une connaissance approfondie du français.

En 1937, Beckett s’est installé à Paris après avoir voyagé en Europe en essayant
trouver une place où se fixer. Le voyage a influencé ses œuvres à venir :
145
« presque tous les personnages sont des randonneurs ou des vagabonds et tous
sont seul. » (Esslin, Martin, Théâtre de l’absurde, op,cit.,: 33)

L’époque significative dans sa vie fut le temps après la Seconde Guerre


Mondiale : Bien que la langue maternelle fût l’anglais, il commençait à écrire en
français, qui a changé le ton et la forme dans son écriture. Beckett est très célèbre
pour ses écrits en français. Ses œuvres reflètent même angoisse que nous pouvons
voir chez les philosophes de l’existentialisme.

II.2.2.2 Thèmes et style chez Beckett

Chez Beckett les éléments du drame conventionnel, c’est-à-dire l’intrigue, les


personnages, le langage et la solution finale ne sont ni réels ne significatifs. Par
contre les thèmes courants chez lui sont ceux de la recherche d’une personne ou
d’une chose non définie mais importante.

« Les éléments du christianisme sont également fréquents dans l’œuvre de Beckett


malgré le fait qu’il fut agnostique. Pour lui le christianisme représentait une
mythologie avec laquelle il était familier. »1

La préoccupation majeurs de Beckett, reflétée dans les thèmes réels, sont


équivalentes à celles de l’existentialisme : l’absurdité et l’insignifiance de
l’existence, l’angoisse et la liberté. Il affirme que l’homme est rejeté dans un
monde absurde, l’existence étant déterminé par la chance, et il peut être sûr d’une
seule chose : il va souffrir et mourir. L’homme au temps de la guerre et de l’après-
guerre était désespéré et n’avait pas de chose pour vivre. Ici on peut comprendre
l’influence de la Seconde Guerre Mondiale sur les idées de Beckett. L’homme
souffre et meurt.

1
www.Beckett;Duckworth xxiii ; Fletcher, in Paavonen Susanna, Les tropes dans deux pièce de théâtre de l’absurde
,En attendant Godot et Fin de Partie, op., cit, p,14 ,in supaavo.pdf.

146
« L’existentialisme est évident aussi dans la conviction de Beckett selon laquelle
l’auteur, en écrivant, cherche son identité. Alors, il est ce qu’il était, conformément
à la devise de l’existentialisme : l’homme est ses actes. » (Ibid.,:19)

L’œuvre de Samuel Beckett est atypique et occupe une place de choix dans
l’histoire de la littérature. En effet, très sont rares les écrivains qui, comme lui, ont
jugé nécessaire d’abandonner leur langue maternelle afin d’en adopter une autre.
L’absurdité chez Beckett s’exprime à travers la misère et la solitude, qui semblent
inhérentes à la condition humaine, issue de la Seconde Guerre Mondiale. Il utilise
également l’impossibilité d’agir pour exprimer l’absurdité de la vie. Cependant,
Beckett ne s’exprime pas exclusivement sur le ton de la résignation ou du
ressentiment; il cherche, dans ses œuvres, à faire face et à résister au malheur, au
passage du temps, à l’aliénation et à la déchéance. Ainsi, dans les univers désolés
qu’il crée, l’humour est constamment présent. Ses univers sont peuplés de
clochards, vagabonds, vieillards, malades, etc., qui ne semblent attachés à la vie
que par un fil fin, celui de leur bavardage. L’absurde chez Beckett dépend surtout
des situations et non des lieux. Ainsi, il peut arriver que le lieu où se déroule
l’action ne soit pas cité avec précision (dans En attendant Godot, on sait que
l’action se déroule dans une lande, sans plus de précision). De plus, le langage
utilisé n’est plus un moyen de communication mais il exprime plutôt le vide,
l’incohérence et représente la vie, qui est elle-même ridicule. Dans l’expression de
l’absurde chez Beckett, on note également une volonté de dresser un tableau de la
condition humaine prise dans son absurdité. L’absurde est surtout exprimé par
l’absence de changement. Cette absence de changement qui est visible dans le
quotidien de bon nombre des personnages beckettiens, a rendu certains
inconscients de l’absurdité de leur existence. C’est le cas de Vladimir et Estragon

147
dans En Attendant Godot. Éveillés, ils sont pourtant plongés dans un sommeil
stupide.

II.2.2.2.1 Fin de Partie et En attendant Godot des pièces réelles et absurdes

Ces deux pièces de Beckett ont des sujets quasi authentiques. Les deux sont des
pièces tragicomédie, qui nous montrent l’attente et elles ne se séparent pas.

En attendant Godot est une première expression dramatique, qui a été écrite après
la Seconde Guerre et qui nous présente l’identité du Soi, la réalité, le dualisme
entre le corps et l’esprit, la mort et l’éternité et qui nous présente la souffrance que
l’homme a subi pendant la guerre.

Fin de Partie, pièce en un seul acte, est également tragicomédie et absurde.


Hamm, un vieillard aveugle figé dans son fauteuil à roulettes, tient à sa merci les
trois autres : son fils adoptifs Clov, boiteux, qui lui sert aussi de domestique, et ses
parents Nagg et Nell, infirmes, immobilisés dans deux poubelles mises à côté
dans la chambre. Tout comme dans En attendant Godot, Clov décide de quitter
Hamm mais reste immobile quand le rideau tombe.

Cette pièce représente les survivants de la Seconde Guerre Mondiale et leur


condition de vie.

Dans Fin de Partie, le langage beckettien est authentique et assimilable à celle de


ses autres pièces théâtrales .Les personnages de Fin de Partie:

[…] dévident et étirent ensemble le temps qui les conduit vers une fin qui n’en finit
pas, mais avec jeu et répartie, comme le feraient deux partenaires d’une ultime
partie d’échecs. Ainsi, les mots triomphent, alors que les corps, dévastés et vieillis,
se perdent. Hamm et Clov usent du langage comme d’un somptueux
divertissement, en des échanges exaspérés et tendres. Beckett a su avec jubilation

148
écrire le langage de la fin, une langue au bord du silence, qui s’effiloche et halète,
transparente et sereine, dernier refuge de l’imagination. 1

Il convient de noter que Samuel Beckett, qui était féru d’échecs, semblait
concevoir la vie comme une partie triste et dont la fin tardait à venir. Hamm est
fatigué de cette existence dans laquelle il est malheureux, cantonné dans ce fauteuil
roulant dont il ne peut s’extirper. De plus, il est aveugle et forcé de faire appel à
Clov pour savoir ce qui se passe autour de lui. Il souffre de ces handicaps et sa
souffrance semble le remplir d’amertume. Il martyrise Clov et dédaigne son père,
n’acceptant de le nourrir qu’après que le vieil homme est écouté son histoire. Clov
semble considérer sa souffrance auprès de Hamm comme étant son destin, sa
fatalité. Il souffre mais ne s’en va pas. Nell et Nagg, dans des poubelles n’arrivent
pas à se toucher. Le fait qu’ils se trouvent dans les poubelles montre à quel point
leur vie est misérable. Ils sont vieux, et donc cantonnés au rang de déchets. Nell
décède au cours de la pièce, probablement meurtrie par le mépris de son fils et la
tristesse de leur existence (Nagg et elle). La souffrance est partout présente dans
Fin de partie, comme si les personnages ne peuvent y échapper. On peut dire que
Beckett en retraçant ces deux personnages qui souffrent de la maladie et de la
misère est influencé par les difficultés de la Guerre et de l’après-guerre. Ces deux
sont les symboles des soldats mutilés dans la Seconde Guerre.

La crainte de la solitude est surtout représentée par Hamm. En effet, il martyrise


Clov mais sait que sans son valet sa vie serait probablement encore plus miséreuse.
Il se moque d’abord de Clov lorsque ce dernier lui dit vouloir s’en aller. Il lui
rappelle qu’il a toujours faite cette menace mais ne l’a jamais mise en exécution.
Seulement, il ressent le sérieux de son valet lorsque celui-ci trouve l’astuce du

1
Cité par Pels Laura , Wysong, Joe, Living at the boundary, Ed The Gestalt Journal Press 2012 in Brockett F ,
Hildy , History of the theatre, op., cit, p 480.

149
réveil qui sonnerait quand il ne sera plus là. Il le menace et lui fait croire que loin
de lui, son valet mourra (à croire que la situation que Clov vit sous son toit est plus
heureuse). De plus, Hamm force Nagg, son père, à l’écouter. Il veut un auditoire et
craint sûrement de se retrouver seul si son valet venait en aller. Face au refus de
son père, il le conditionne et requiert son attention en échange de nourriture. Clov
ne s’en va plus. Lui aussi pourrait avoir peur de la solitude vu qu’ayant observé
qu’à l’extérieur règne le néant, il pense que sa vie auprès de son maître sadique est
préférable à une mort solitaire dans un vacuum total.

Ce que Samuel Beckett nous montre dans En attendant Godot et Fin de Partie est
évidemment l’absurdité de la vie, et l’absurdité de ce qui n’est pas encore venu ou
déterminé. Le point central dans ces pièces est – malgré l’absence d’histoire, de
sens et de but – sa représentation de la condition humaine : les relations, la
communication, l’inquiétude et, bien sûr, l’attente. Le but de ce mémoire sera
d’examiner de quelle manière Beckett révèle son image de la condition humaine à
travers d’une pièce rompant avec toute convention théâtrale classique pour montrer
les difficultés de la Guerre.

Beaucoup fut écrit sur Beckett et sa pièce célèbre, dans laquelle se trouvent de
nombreux éléments à analyser. Nous ne focaliserons pas sur sa forme, sa
dramaturgie, ou l’interaction entre le dialogue et le monologue, mais nous
analyserons la pièce à partir d’un point de vue philosophique pour voir comment la
pièce donne une image de son époque et est influencé par la Guerre.

Même s’il s’agit d’une pièce de théâtre créée pour être vue, nous utiliserons « le
lecteur » et non pas « le spectateur » dans ce mémoire, comme c’est le manuscrit
qui fut analysé et non pas la mise en scène.

150
En 1937 Beckett s’installa définitivement à Paris et son appartement à
Montparnasse devint sa base permanente pendant les années de guerre et les
années qui la suivirent. Il put rester à Paris pendant l’occupation allemande. Il
rejoignit un groupe de résistance mais quand il, en août 1942, sut que des membres
furent arrêtés, il quitta Paris et partit à la zone libre, où il trouva du travail dans
l’agriculture près d’Avignon, à Vaucluse (un lieu mentionné dans En attendant
Godot.) Après la libération en 1945 Beckett retourna à Paris, ce qui fut le début de
la période la plus productive de sa vie. Pendant les cinq années suivantes, il écrit
ses ouvrages les plus importants : les pièces de théâtre En attendant Godot et Fin
de Partie.

Beckett fut le premier à atteindre une renommée internationale grâce à ses œuvres
En attendant Godot et Fin de Partie, Beckett est à bien des égards l’écrivain le
plus typique des années 50, une décennie marquée par l’angoisse et la peur après la
Seconde Guerre Mondiale.

Beckett n’était pas très concerné par l’homme en tant qu’être social et politique,
mais par ses conditions métaphysiques, c’est-à-dire l’être en tant qu’être. Beckett
exprimait, mieux que n’importe quel écrivain, les doutes sur la capacité humaine
de comprendre et gérer le monde changé par les terreurs de la guerre. ( Brockett
& Hildy History of theatre, 1990: 505-506)

Coe affirme que le thème principal de l’œuvre de Beckett est l’impuissance, celle
de l’âme aussi bien que celle du corps.

Quant à Vladimir et Estragon, ces deux vagabonds sont incapables de changer


eux-mêmes leur situation, et pour cela ils sont fixés dans de vieux modèles. (Cité
par Coe in Ibid.,: 508) Pourtant, à la différence de Winnie dans Happy Days de
1963, et de Nagg et Nell dans Fin de Partie, qui vivent dans des poubelles,

151
Vladimir et Estragon restent mobiles, ayant alors une meilleure possibilité de se
développer. Néanmoins, c’est à Godot qu’ils se fient, et en l’attendant ils sont
assurés d’un renouvellement, ce qui est la raison pour laquelle ils peuvent rester
dans ces modèles et dans leurs vieilles habitudes. Beckett a joliment montré la
condition misérable de la population au temps et après la Seconde Guerre en
retraçant Nagg et Nell qui vivent dans des poubelles.

L’incertitude sur laquelle l’histoire se base est alors due au manque de sens et de
cohérence, qui mène au divorce entre les vagabonds, leurs origines et leurs
présences. L’absurdité devient donc un fort point central, et elle est renforcée par
les éléments déraisonnables et ridicules qui donnent au lecteur un fort sentiment
d’irréalité.

Il y a dans En attendant Godot une sorte d’obsession sur la veille, due à la perte de
mémoire des personnages. Chaque nouveau jour, ils se demandent ce qui s’est
passé la veille, dont ils restent ignorants. Beckett retourne à cette obsession dans sa
pièce Fin de Partie de 1957 où les personnages principaux, Clov et Hamm, en
donnent leur avis :

HAMM. – Yesterday! What does that mean? Yesterday!

CLOV (violently). – That means that bloody awful day, long ago, before this
bloody awful day. (Beckett, Fin de Partie, op,cit.,: 51)

La veille est selon Clov quelque chose de très éloigné, ce qui est le même cas dans
En attendant Godot : il y a une forte impression que beaucoup plus que seulement
une nuit soit passée entre les deux actes. Pozzo est devenu aveugle (et « Les
aveugles n’ont pas la notion du temps » (Beckett, En attendant Godot, op,cit.,:
113)

152
Lucky est muet, les chaussures d’Estragon qui étaient trop petites la veille lui vont
parfaitement. Avec tant de changements (dans une pièce où presque rien ne se
passe) il semble impossible que le temps entre les deux actes (les deux jours) soit
moins que vingt-quatre heures.

Cela est une interprétation non tout à fait fausse, comme les deux actes se
composent du même état fixe et de la même attente horrible. Pourtant, quelque
chose doit se passer dans la pièce, quelque chose de très important, comment a-t-
elle si non vu un tel succès ? Ce que Beckett nous révèle dans cette pièce, Fin de
Partie, qui rompt avec toute convention théâtrale classique, est parfaitement une
image de la condition humaine causée par la Seconde Guerre Mondiale. Tous les
morts, le sentiment de futilité et le doute sur un Dieu qui a tout permis donnent une
vue très pessimiste sur la civilisation, dans laquelle les deux vagabonds ne cessent
de se défendre contre le désespoir.

Les tons fondamentaux, les questions éternelles : la naissance, la vie, l’amour, la


souffrance, la mort, le néant. Dans Fin de Partie, Hamm en donne son avis, et en
toute probabilité celui de Beckett :

HAMM. – I love the old questions. [With fervour.] Ah the old questions, the old
answers, there’s nothing like them! (Beckett, Fin de Partie, op,cit.,:46) C’est grâce
à la scène simple et au manque d’intrigue que Beckett peut susciter ces questions et
montrer une simplicité au niveau élémentaire et humain.

Une autre forme de simplicité est celle de s’éloigner de ses problèmes. Les
vagabonds le font en choisissant de ne pas penser à leur situation (leur horrible
attente) et à leurs conditions humaines (la solitude, l’espoir de changement, le Dieu
non-existant.) Pour ne pas penser, il faut trouver des passe-temps, et Esslin affirme
que le seul but des passe-temps de Vladimir et Estragon est de ne pas penser. Le

153
passe-temps le plus important est leur bavardage, et nous avons tôt vu que la
parole est essentielle. Elle ne l’est que pour faire avancer l’histoire : Vladimir et
Estragon parlent pour ne pas penser, pour meubler le vide de leur attente. (Esslin,
le Théâtre absurde, op,cit.,:56)

Le fait que la plupart des questions dans En attendant Godot et Fin de Partie
restent sans réponse prouve que la parole est un instrument non pas pour converser,
mais pour éviter de penser, comme chaque personnage suit le fil de sa pensé et de
sa parole sans écouter l’autre. La parole devient un passe-temps quand le reste a
perdu son sens, quand il n’y a rien d’autre à faire que d’attendre le mystérieux
Godot qui, peut-être, va améliorer la vie. Les futilités qu’ils disent cherchent à
couvrir la futilité de la société faute de sens et d’origine. La Guerre a causé la mort
des innocents et on attend un refuge, une force pour améliorer la condition de vie
du peuple.

Dans cette société il est impossible de ne pas attendre, attendre un changement.


Cette attente devient le sujet de la pièce : Beckett veut montrer que l’attente est un
aspect caractéristique de la condition humaine. Au cours de nos vies, nous
attendons toujours quelque chose (une personne, un événement, la mort) et Godot
est le symbole de cette attente, dans laquelle nous éprouvons le flux du temps dans
sa forme la plus pure. L’espérance de rédemption, qui sera la fin de l’attente et du
temps, n’est qu’une fuite de la souffrance et l’angoisse dues au fait de confronter
la réalité de la situation des hommes. (Ibid.,: 60)

Ekbom écrit 1 que les vagabonds habillés en loques représentent l’homme tombé
et perdu. Ils se trouvent en dehors de la société, qui est devenue absurde après la

1
Ekbom Karl Axel est un neurologiste suédois (1907-1977) . Il a travaillé sur le syndrome des jambes sans repos
qui est une maladie neurologique des femmes .Cette citation a été écrite sur le site www.Beckett;Duckworth XXIII.

154
guerre, et une certaine question posée au début de la pièce montre leur conscience
de cet état :1

« ESTRAGON. – On n’a plus de droits ?

[...]

ESTRAGON. – Nous les avons perdus ?

VLADIMIR (avec netteté). – Nous les avons bazardés » (Beckett, En attendant


Godot,op,cit.,:28)

La « sorte de prière » et la « vague supplique » sont justement des espérances non


précisées qui vont mener à des vies moins absurdes. Il est aussi clair que Godot est
un pouvoir supérieur, avec ses amis, sa famille et son compte en banque, et le rôle
de Vladimir et Estragon est forcément celui du suppliant. Ce suppliant met toute sa
confiance en Godot, à qui il est impossible de ne pas rester lié, même si cela paraît
déraisonnable pour Vladimir.

L’autre relation de « supérieur et suppliant » est celle de Pozzo et Lucky. La corde


et le fouet de Pozzo appartiennent au domaine du dressage, Pozzo traite Lucky
comme un simple instrument et il l’exclut de l’espèce humaine. Il dit, avec Lucky à
son côté, que Vladimir et Estragon sont de « la même espèce que moi » (Ibid.), et
que « la route est longue quand on chemine tout seul. »(Beckett, Fin de Partie,
op,cit,: 30)

Nous voyons ici l’image éternelle du tyran et du dominateur, et les vagabonds


adoptent une attitude de soumission, puisque n’importe qui face à la violence peut
se soumettre. C’est une image de la faiblesse humaine : il est plus facile de se
soumettre à la force que d’y résister.
1
www.Beckett;Duckworth XXIII

155
Vladimir et Estragon jouent le rôle du suppliant et du soumis. Quel est alors le rôle
de Godot ? Godot, God... Pour les gens Dieu a disparu pendant la guerre, et les
hommes doivent mettre leur confiance en quelqu’un quand ce sont la désespérance
et l’absurdité qui règnent. Est-ce que Dieu fut remplacé par Godot ? Vladimir
raconte à Estragon l’histoire des deux voleurs crucifiés en même temps que le
Sauveur : « On dit que l’un fut sauvé et l’autre... (Il cherche le contraire de sauvé)
...damné. » (Ibid.,:14)

Ekbom nous apprend que dans l’Évangile de Nicodème1 se trouvent les noms des
deux voleurs : le pénitent qui fut sauvé s’appelle Dimas et l’impénitent qui fut
damné s’appelle Gestas. Dimas, Gestas ; Didi, Gogo... Est-ce que nos vagabonds
sont les deux larrons sans leur Saveur, Godot, mais avec un seul arbre qui
pourrait signifier la croix ? Pour Beckett, les deux larrons crucifiés, atteints de soit
condamnation soit rédemption, ont dû être un symbole clair de l’homme
vulnérable et souffrant. 2

La scène simple et la portée générale des personnages donnent au spectateur


l’impression que Vladimir et Estragon sont seuls sur terre, les derniers hommes,
l’humanité tombée. À travers d’eux, Beckett peut révéler comment les hommes se
défendent contre le désespoir dans la société absurde, et Godot devient le symbole
de la recherche d’un pouvoir supérieur, divin ou non, qui sauvera l’humanité. Il
faut ajouter que Beckett lui-même a parlé de Godot comme la puissance du
capitalisme qui, après la Seconde guerre, a renouvelé les pays d’Europe. On peut
dire que Beckett a parlé de l’argent et de la force des État-Unis.

1
Évangile apocryphe composé en grec au IVe siècle, racontant la souffrance et la mort de Jésus
(Nationalencyklopedin, 14e tome, 1994, p. 168)
2
www.Beckett;Duckworth XXIII .

156
Même si les pièces de théâtre de Beckett manquent de sens et d’histoire encore
plus que d’autres pièces absurdes, cet auteur réussit à présenter ses idées sur la
civilisation traumatisée par la Seconde Guerre mondiale, sur la nature de l’homme
et sur ses conditions de vie. En attendant Godot et Fin de partie ne sont pas des
exceptions. Cette pièce est un exemple clair du désespoir humain et de la recherche
d’une meilleure vie, quand l’homme met sa confiance en un pouvoir supérieur qui
réussit à garder son statut dans une absence totale.

Ce sont quelques repères de la pièce pour éclairer l’image de Beckett des


conditions humaines, ce qui était la problématique formulée.

L’anti-scène d’exposition a montré comment Beckett dès le début rompt avec les
règles classiques du théâtre. Au lieu de donner au spectateur les éléments
nécessaires à la compréhension de l’intrigue avant d’entrer dans l’histoire, Beckett
introduit l’incertitude qui imprégnera la pièce entière. L’étude sur les personnages
et leurs relations a montré un partage des rôles très clair, aussi bien que des
personnalités très complémentaires. Les vagabonds représentent l’homme désuni
avec sa nature double, vu par Beckett. L’autre couple, Pozzo et Lucky, a une
relation beaucoup plus primitive et violente. Cette relation est cependant basée sur
l’interdépendance, comme sans Lucky, Pozzo « n’aurai[t] jamais pensé, jamais
senti, que des choses basses » (Beckett , En attendant Godot, op.,cit.,: 42) , et
comme c’est Lucky qui est le seul aide de Pozzo quand celui-ci est devenu aveugle
dans le deuxième acte.

En analysant le temps et l’attente nous pouvons constater que la notion du temps


et le flux du temps sont déformés. Le temps passe selon un rythme anormal,
comme la veille semble horriblement lointaine. Godot se trouvera à la fin, et ce que
les vagabonds attendent, c’est donc la fin du temps. Or, l’infinité est omniprésente,

157
puisqu’aucun élément dans la pièce ne voit, et ne verra jamais, de fin. Dans Fin de
Partie, le temps passe mais on ne peut pas voir un seul changement pour la
condition de vie de ces deux protagonistes qui vivent dans une situation
lamentable.

Nous constatons que la pièce explore une situation fixe marquée par la monotonie
et l’immuabilité, aussi bien que par une vue très pessimiste sur la civilisation. Les
vagabonds y représentent les derniers hommes, l’humanité tombée, cachant la
futilité de la vie avec des futilités parlées.

Beckett a montré que l’attente est un aspect caractéristique de la condition


humaine, en désignant Godot comme le symbole de cette attente, de l’espoir de
changement. Ce que les vagabonds lui ont demandé sont une « sorte de prière
» et une « vague supplique », autrement dit des espérances non précisées, en
réalité n’importe quoi pour rendre leurs vies moins absurdes.

Ensuite, nous avons vu que les relations entre les personnages sont celles de «
supérieur et suppliant ». Pozzo exclut Lucky de l’espèce humaine, et Vladimir et
Estragon adoptent une attitude de soumission envers Pozzo. Cela est une image de
la faiblesse humaine, puisque n’importe qui face à la violence peut se soumettre.

Finalement, nous avons présenté une théorie de la relation entre Godot et les
vagabonds. Si Godot a pris le rôle de Dieu, qui a disparu pendant la guerre,
Vladimir et Estragon pourraient être les deux larrons crucifiés à côté de Jésus, dont
l’un fut sauvé et l’autre fut damné. Donc ces deux larrons devaient être un symbole
clair de Beckett de la souffrance de l’homme, qui finira soit par la condamnation,
soit par la rédemption.

158
L’actrice française Madeleine Renaud a une fois dit qu’il faut lire l’œuvre de
Beckett sans chercher d’autre philosophie qu’une grande compassion humaine 1:
voici quelques mots sages à garder en mémoire en entrant dans son monde.
Rappelons-nous que la pièce a été écrite à la fin des années 1940, au lendemain de
la Seconde Guerre mondiale, en Europe. Le monde est détraqué. L’humanité est
désabusée, a perdu ses repères. On cherche un sens à l’existence. C’est donc le
tragique de la condition humaine que représentent En attendant Godot et Fin de
Partie.
Beckett place le spectateur face à lui-même, au vide de son existence, au néant.
Comme Vladimir et Estragon, l’être humain attend une délivrance, cherche un sens
à la vie. Mais en attendant il souffre, passe le temps en conversations creuses, il
joue. Son quotidien est traversé de rencontres et de divertissements insatisfaisants.
Le rire et l’humour sont importants dans le texte de Beckett. La condition humaine
est ici tournée en dérision. Ce rire de la dérision permet de supporter la
désespérance de l’homme qui attend un quelconque événement donnant sens à
son existence. Mais c’est aussi un rire amer qui met en relief l’écart entre ce que
l’homme espérait obtenir de la vie et ce qu’il en obtient, entre ses rêves et la
réalité.
Dans ce contexte, Godot devient « celui qui répond à l’absence de communication,
il serait le bonheur de vivre, l’espoir, le désir, l’amitié, la fin de la solitude, la
possible rédemption de nos péchés, la possibilité de calmer nos angoisses face à la
finitude. » (Miraux, Jean-Philippe, 2004:54). Alors nous pouvons constater les
idées du réalisme de Beckett.
La parole dans En attendant Godot n’est là que pour combler le vide. Vladimir

1
www.Beckett;Duckworth XXIIII .

159
Et Estragon, confrontés au néant, parlent pour se donner l’impression d’exister.
Ils n’ont rien d’autre à faire que dialoguer, même si ce dialogue ne les mène nulle
part.
Le silence devient alors une menace, puisqu’il rappelle le néant. Il faut donc à tout
prix l’éviter, peu importe ce qu’on dit :
Long silence

VLADIMIR. – Dis quelque chose!

ESTRAGON. – Je cherche

Long silence

VLADIMIR (angoissé). – Dis n’importe quoi ! (Beckett, En attendant Godot,


op,cit.,:88)

Même si parler est devenu la préoccupation essentielle des personnages dans les
deux pièces, il y a une absence de réelle communication. Les protagonistes
semblent souvent indifférents aux propos de l’autre. C’est comme si on était en
présence de deux solitudes qui vivent dans des univers parallèles. Les nombreuses
didascalies qui ponctuent les courtes répliques par des silences et des temps
accentuent la distance dans les échanges. D’ailleurs, le silence est aussi important
que la parole dans l’écriture de Beckett. Il en est de même des malentendus, de
l’ambiguïté de certains propos.

Cette incommunicabilité pose une question troublante : « […] si l’échange entre


les individus ne sert qu’à combler le vide existentiel, à quoi peut bien servir
l’existence elle-même? Plus essentiellement, à quoi peut donc bien servir la
compagnie d’autrui? » (Miraux, Jean-Philippe, op,cit., :72)

160
En attendant Godot est une pièce de couples. Les rapports qui unissent les
personnages sont plus importants que les caractères individuels. Les deux duos de
la pièce, par l’interdépendance qui les définit, rappellent des tandems célèbres,
comme Don Quichotte et Sancho Pança, Sganarelle et Don Juan. Ils ont aussi les
caractéristiques des duos de clowns comiques. D’ailleurs, les chutes, les fuites, les
maladresses, les objets ridicules appartiennent à l’art clownesque. Les personnages
eux-mêmes se jouent la comédie pour passer le temps :
VLADIMIR. – On pourrait jouer à Pozzo et Lucky.

ESTRAGON. – Connais pas.

VLADIMIR. – Moi je ferai Lucky, toi tu feras Pozzo. […] (Beckett, En attendant
Godot, op,cit.,:102)

Vladimir est le moteur du premier tandem. Il est l’élément dynamique, optimiste,


discipliné. Il a les idées, il a une culture (biblique notamment). Estragon est plutôt
l’homme de l’instinct, du doute, du désespoir. Il est le pessimiste, le passif,
l’impulsif. Il mange, il dort, il a mal aux pieds. Il pense au suicide pour essayer
d’en finir. Ce qui caractérise leur relation, c’est qu’ils sont inséparables tout en
manifestant le désir de se séparer. Mais la nécessité de rester ensemble dans un
monde en déchéance l’emporte. Sans la présence de l’autre, la vie perd toute
signification :
ESTRAGON. – On se débrouille pas trop mal, hein, Didi, tous les deux
ensembles?

VLADIMIR. – Mais oui, mais oui. Allez, on va essayer la gauche d’abord [la
chaussure gauche].

ESTRAGON. – On trouve toujours quelque chose, hein Didi, pour nous donner
l’impression d’exister. (Ibid.,:97)
161
Un deuxième duo vient en quelque sorte « divertir » Didi et Gogo dans leur attente
interminable. Le couple Pozzo-Lucky repose sur la domination et la violence. Les
deux personnages entretiennent une relation maître-esclave, dominant-dominé, à la
limite sado-maso. Pozzo est le maître, content de lui, vaniteux, cruel. Mais au fond
c’est un misérable, cardiaque, puis aveugle et impotent dans le deuxième acte.
Lucky est le serviteur soumis, le porteur pitoyable. Il obéit et souffre en silence,
mais est satisfait de sa condition. Il est « chanceux » (en anglais « lucky »)
puisque, contrairement aux autres, il n’a pas à chercher comment passer le temps :
Pozzo lui dit quoi faire et il le fait. Il n’espère plus rien.

La cruauté qui caractérise la relation entre Pozzo et Lucky leur rappelle qu’ils
existent. La dépendance est donc réciproque : le bourreau a besoin de sa victime et
vice versa. On a souvent dit que le duo symbolisait les rapports de domination dans
un monde déchu, où violence et dépendance se marient facilement. Ou encore le
cruel destin de l’homme, déchiré entre la raison et la volonté, l’instinct et la
pensée.
Les thèmes récurrents de l’œuvre de Beckett sont présents dans En attendant
Godot : le vide de l’existence, la quête de sens, l’attente, l’espérance, la monotonie,
la quotidienneté, l’immobilité, l’enlisement, l’éternel recommencement,
l’infinitude.
Dans ses écrits, l’action se situe dans le temps plus que dans l’espace. Dans les
faits, les personnages, souvent des errants, sans repère spatial, habitent le temps.
Réputée pessimiste, l’œuvre de Beckett n’en demeure pas moins humoristique. Il
est un maître de l’humour et de l’ironie. Dans son théâtre, le comique est partout :
dans les personnages clownesques, dans les propos ridicules, absurdes, grotesques,
contradictoires, répétitifs, dans le mot et le geste. Le rire permet de questionner la

162
condition humaine sans sombrer dans le pathos. Roger Blin, celui qui a assumé la
première mise en scène d'En attendant Godot, disait :

« Il y a une grande part d’humour irlandais dans son théâtre.


Aussi est-ce une erreur de le jouer au tragique : il ne faut pas terminer Godot sur
une impression de crucifixion, il ne faut pas une interprétation larmoyante; ce
n’est pas un théâtre de larmes, mais de cruauté, d’humanité. » (Mélèse Pierre,
Beckett, 1973: 147-148)

En attendant Godot est souvent considéré comme une pièce-carrefour dans


l’histoire du théâtre puisqu’elle a ouvert de nouvelles perspectives dans les
possibilités de création et de représentation. Si la pièce a tant séduit la sensibilité
du public dans les années 1950, c’est probablement redevable, du moins en partie,
au contexte historique et aux mouvements artistiques et idéologiques de l’époque.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la conviction selon laquelle le monde a
un sens est profondément ébranlée. Les survivants des camps de concentration,
juifs pour la plupart, rappellent que l’homme est capable d’actes de cruauté
dépassant l’entendement. Le 6 août 1945, avec la bombe atomique qui rase la ville
d’Hiroshima au Japon en quelques secondes, on prend aussi conscience que la fin
du monde est possible. Par le fait même, on découvre que la science n’est pas là
que pour servir l’humanité. Et le Rideau de fer divise l’Europe (et le monde) en
deux clans, c’est le début de la guerre froide1. La menace nucléaire plane
désormais sur la planète. Le monde est devenu absurde.
Il y a des parallèles intéressants entre En attendant Godot et Fin de partie. Fin de
partie, nous présente avec une autre image de «la vie dans la boite». Les quatre

1
Cette guerre froide entre « pays de l’Est » et « pays de l’Ouest » va perdurer jusqu’en 1989, avec la chute du mur
de Berlin et le démantèlement de la puissance soviétique.

163
personnages sont enfermés dans un monde qui est encore plus clôturé que celui de
En attendant Godot. Vivant dans une seule pièce triste, vide et illuminée par la
lumière grise de deux grandes fenêtres. Dehors, il y a seulement la dévastation;
dedans, comme le dit Hamm, il y a l’enfer à l’extérieur et -implicitement– l’enfer
de l’existence à l’intérieur.

Ils subissent «toute la vie les mêmes inepties». Anxieux, confus, désœuvrés, ils
attendent la fin. Il n’y a pas d’espoir pour de nouvelles directions.

Les personnages sont des spécimens, réduits et mutilés, de l’humanité, de simples


« morceaux » comme les décrit Clov. Hamm est aveugle et infirme; son père et sa
mère ont perdu leurs pieds dans un accident, et Clov, le domestique, a des
difficultés à marcher. Nagg et Nell sont des parodies particulièrement grossières
des êtres humains car ils habitent dans des poubelles et mangent des biscuits pour
chien. Ils peuvent voir leur lumière en train de s’éteindre mais ils sont impuissants
à arrêter le déclin. Ils sont, selon les mots de Hamm, «dans un trou». Certes, ils
sont conscients par un coup de leur condition, par exemple, lorsque le vieux couple
raconte avec nostalgie leurs souvenirs d’autrefois quand ils faisaient du canotage
sur le lac de Côme. Et Hamm parle du passé, quand le printemps arrivait et que
l’herbe poussait. Mais maintenant, il n’y a rien. La pluie ne vient pas et les grains
de Clov ne pousseront pas. L’idée que leur vie aurait un sens est, selon les mots de
Clov, seulement une blague.

Les relations des personnages dans Fin de partie sont aussi stériles que dans En
attendant Godot. Ils vivent ensemble seulement parce qu’il n’y a personne d’autre.
Comme les personnages dans Godot, la seule camaraderie qu’ils connaissent est
celle de leur misère commune. Les pauses indiquées dans les didascalies par la
mention «un temps» (88 fois) c’est-à-dire silence et inertie, sont également

164
nombreuses dans Godot. Dans Fin de partie, les 398 occurrences de «un temps»
dans les indications scéniques montrent l’importance du silence dans cette pièce.1

Le cadre des deux pièces présente la vie humaine dans le crépuscule de son
existence. Les poubelles comme la pleine aire de banlieue, encore de beaucoup de
villes, présentent une image évidente du statut réduit de l’homme. Il appartient aux
décharges publiques du monde. .

Pour les personnages de Fin de partie, la vie finit lentement et misérablement avec
un gémissement pitoyable. Il n’y aura pas d’intrusion du monde extérieur pour les
sauver car la prière est inutile. Dehors, il y a zéro, déclare Clov; dedans, il y a
seulement des gens qui «en ont assez de cette chose- là». L’image est encore plus
stérile que celle de Godot. « Instants sur instants, plouff, plouff, comme des grains
de mil de... (il cherche)... ce vieux Grec, et toute la vie on attend que ça vous fasse
une vie.», déclare Hamm. (Beckett, Fin de Partie, op,cit.,: 202)

II.2.3 Langage absurde de Beckett

La dislocation des mots, l’hésitation à parler et l’introduction de nombreux


silences sont les principales caractéristiques de la pulvérisation du langage chez
Beckett.

« À - (bâillements) - à moi » (Ibid.,:14): tels sont les premiers mots et gestes


sonores de Hamm. Le bâillement rompt la continuité syntaxique de la phrase. La
compréhension en devient moins immédiate. Quand Hamm dit «A» puis bâille, on
ne sait pas encore ce qu’il veut dire. Le procédé revient à quatre reprises dans son
premier monologue: « Peut-il y a - (bâillements) - y avoir misère plus... plus haute
que la mienne? »; « [...] j’hésite encore à - (bâillements) - à finir.»( Ibid.,: 15)

1
Dans les indications scéniques de Oh les beaux jours, «un temps long » est répété 29 fois et «un temps», 548 fois.
Le temps se manifeste 9 fois dans les dialogues.

165
La dislocation n’est pas seulement formelle. Faisant éclater le signifiant, elle fait
en même temps voler en éclats le signifié: « Non, tout est - a (bâillements) -
absolu.» (Ibid) Tout ce que l’absolu désigne - Dieu, la vérité, les valeurs... - s’en
trouve atteint. Rarement bâillement n’eut autant de force destructrice.

Par ailleurs, aucun personnage de la pièce ne maîtrise vraiment le langage. Leurs


phrases restent inachevées, s’arrêtent, repartent, ainsi que l’indique la présence
fréquente des points de suspension: « Il paraît que le cas n’est... n’était pas si... si
rare » (Ibid.,:61) , dit Hamm, comme s’il cherchait ses mots, qu’il ne savait pas
encore ce qu’il allait dire ou qu’il venait déjà d’oublier ce qu’il voulait dire.

La récurrence de la didascalie « il hésite » renforce le procédé et accentue la


difficulté dire les choses:

Ce sera la fin et je me demanderai ce qui a bien pu l’amener et je me demanderai


ce qui a bien pu... hésite)... pourquoi elle a tant tardé. (Un temps.) Je serai là, dans
le vieux refuge, seul contre le silence et... (il hésite)... l’inertie. [...] J’aurai
appelé mon père et j’aurai appelé mon... (il hésite)... mon fils. (Ibid.,: 90)

La didascalie « ayant réfléchi » est une autre illustration de cette difficulté:

Clov. Alors? On ne rit pas? Hamm (ayant réfléchi).-Moi non.

Clov (ayant réfléchi). — Moi non plus. (Ibid.,:43)

Tant de réflexion pour savoir si l’on a envie de rire ne témoigne pas d’une rapidité
d’analyse ni d’une grande richesse de vocabulaire!

La didascalie « Un temps » abonde à foison. Contrairement aux didascalies


analysées précédemment et aux trois points de suspension, elle ne rompt pas la

166
continuité des phrases ni même du dialogue. Elle introduit une pause entre les
phrases, et le langage en est comme suspendu:

Hamm (avec lassitude). - Mais taisez-vous, taisez-vous, vous m’empêchez de


dormir. (Un temps.) Parlez plus bas. (Un temps.) Si je dormais je ferais peut-être
l’amour. J’irais dans les bois. Je verrais... le ciel, la terre. Je courrais. On me
poursuivrait. Je m’enfuirais. (Un temps) Nature! (Un temps) Il y a une goutte
d’eau dans ma tête. (Un temps) Un cœur, un cœur dans ma tête.(Ibid.,:31)

Le retour à intervalles réguliers de la didascalie met le mot et le silence, c’est-à-


dire l’absence de mots, sur le même plan. C’est un moyen de réduire voire de nier
l’importance du langage. Le mot perd tout prestige.

L’appauvrissement du langage est obtenu par la simplification du vocabulaire et


de la syntaxe, par le recours au langage familier et par la dérision de la « belle
langue », du style littérairement recherché.

Le langage est souvent ramené à sa plus simple expression. Les personnages se


répondent souvent par des monosyllabes: «Oui» (Ibid.,: 17-19 -23), « Non »( Ibid.,:
25- 29 -37). Quand elles ne sont pas monosyllabiques, les répliques restent brèves
et grammaticalement élémentaires. Ce sont le plus souvent des propositions
indépendantes:

NELL. - Je vais te laisser.

NAGG. - Tu peux me gratter d’abord? (Ibid.,:32)

Le dernier monologue de Hamm (Ibid:108-110) accumule les phrases nominales


et interjections monosyllabiques comme si le langage s’engloutissait lui aussi dans
la «fin de partie»: «Voyons. (Un temps.) Ah oui! [...] Bon. (Un temps.) Jeter. [...]
Et puis? (Un temps.) Enlever. [...] Et remettre. [...] Égalité. [...] Essuyer. [...] Et

167
puis? [...] Bon (Un temps.) Père! (Un temps. Plus fort.) Père! (Un temps.) Bon.
(Un temps.) On arrive. » Les tout derniers mots de Hamm sont d’ailleurs « ne
parlons plus.» (Ibid.,:110) D’appauvrissement en amoindrissement, le langage
s’amenuise jusqu’à disparaître.

Les personnages s’expriment en outre sur un registre du quotidien:

Hamm (avec colère). - Je m’en fous de l’univers ! (Un temps) Trouve quelque
chose. CLOV. - Comment?

Hamm. - Un truc, trouve un truc. (Un temps. Avec colère.) Une combine ! (Ibid.,:
63)

Ou encore: « Flanque-lui en plein la lampe! » (Ibid.,: 49) dit Hamm à propos de


l’insecticide avec lequel Clov s’apprête à tuer la puce.

Les règles et codes grammaticaux ne sont pas toujours respectés: «Tu te crois un
morceau, hein? » (Ibid.,: 24), dit Hamm à Clov.

L’interjection « hein » (comme « Eh ben », p. 85) frise la vulgarité. Les phrases


interrogatives ne respectent pas toujours l’inversion du verbe et du sujet: « Quelle
fenêtre c’est? » (Ibid.,: 84) ; ou encore: « On est quel mois? ». (Ibid.,: 86)

Comme dans le langage courant, les segments de phrases sont plus souvent
juxtaposés que corrélés ou subordonnés: « Je vous donne du blé, un kilo, un kilo et
demi, vous le rapportez à votre enfant et vous lui en faites - s’il vit encore - une
bonne bouillie.» (Ibid.,: 71) Ou bien le sujet du verbe est précisé dans une
postposition, comme dans l’exemple suivant: « Vous devez savoir ce que c’est, la
terre, à présent.» (Ibid.,: 109)

168
Par ailleurs lorsque Hamm s’exprime très correctement, presque littérairement,
une moquerie déconsidère l’emploi de ce beau style. Le voici qui s’admire de jouer
à l’important devant le gueux: « Allons, allons, présentez votre supplique, mille
soins m’appellent ». « Supplique », « mille soins » appartiennent au vocabulaire
noble de la tragédie. Mais, comme s’il se dédoublait, Hamm juge ce qu’il vient de
dire: « Ça, c’est du français! » (Ibid.,: 70) Sa remarque détruit aussitôt la
boursouflure, l’emphase de son propos antérieur.

De même, lorsqu’à la fin il récite un vers de Baudelaire: « Tu réclamais le soir; il


descend: le voici », il ajoute: « Joli ça.» (Ibid.,: 109)La « belle langue » est de
nouveau tournée en ridicule.

Maîtrisant mal le langage, les personnages arrivent à n’en plus comprendre la


fonction et la signification. Ils ressassent, ils s’interrogent sur le sens des mots et
finissent par se moquer de l’idée même d’un possible sens.

Pour ne pas sombrer dans le silence, Hamm et Clov se répètent. La réitération


fonctionne alors comme une ritournelle qui enlève tout sens au mot pour n’en
conserver que l’enveloppe sonore. Clov confirme à Hamm qu’il a bien regardé la
terre:

HAMM. - À la lunette? CLOV. - Pas besoin de lunette. HAMM. - Regarde-la à la


lunette.

CLOV. - Je vais chercher la lunette.

Il sort.

HAMM. - Pas besoin de lunette ! (Ibid.,: 42)

169
Plus ils parlent, plus ils se parlent et moins ils communiquent. Des mots, il ne reste
que des sons articulés, qui meublent la solitude et le vide du refuge. Le même jeu
se produit avec le calmant. (Ibid.,: 91-92)

Le langage perd du même coup sa fiabilité. Le signifiant reste clair, les lettres qui
le composent sont aisément identifiables, mais quel est le signifié? Qu'est-ce qu’il
veut dire?

HAMM. - Hier! Qu’est-ce que ça veut dire hier. Hier! CLOV (avec violence). - Ça
veut dire il y a un foutu bout de misère. J’emploie les mots que tu m’as appris. S’ils
ne veulent plus rien dire apprends- m’en d’autres. Ou laisse-moi me taire. (Ibid.,:
60)

Dans le refuge où tout repère temporel a disparu, même la chronologie la plus


élémentaire (passé, présent, futur) devient une notion creuse. Ailleurs, Hamm vient
de dire que c’est peut-être « une petite veine » qui a éclaté dans sa tête.

NAGG. - Qu’est-ce qu’il a dit?

NELL. - C’est peut-être une petite veine.

NAGG. - Qu’est-ce que ça veut dire? (Un temps.) Ça ne veut rien dire. (Ibid.,: 33)

L’enchaînement sans vraie cohérence des répliques constitue une autre façon
d’interroger le sens des mots:

HAMM. - Tu n’en pas assez?

CLOV. - Si! (Un temps.) De quoi? (Ibid.,: 17)

Les personnages répondent avant même de savoir ce dont il est question. Les
réponses sont données mécaniquement, sans réflexion sur le sens des questions.

170
Non seulement les mots deviennent suspects parce que les personnages ne savent
plus très bien ce qu’ils veulent dire, mais le fait même qu’un sens puisse exister
déclenche leur hilarité: HAMM. - Clov!

CLOV (agace). – Qu’est-ce que c’est?

HAMM. - On n’est pas en train de... de... signifier quelque chose? CLOV. -
Signifier? Nous, signifier! (Rire bref) Ah elle est bonne! (Ibid.,: 47)

De même, l’hypothèse qu’une « intelligence » puisse les observer et penser est


ridiculisée par Hamm qui, précise la didascalie, parle « en prenant la voix de
l'intelligence.» (Ibid) Quant à celle d’un Dieu omniscient, elle est doublement
tournée en dérision: par l’histoire du pantalon et par l’exclamation de Hamm: « Le
salaud! Il n’existe pas! » (Ibid.,: 34-36)

C’est pourquoi Clov et Hamm recourent souvent à des mots vagues, à des
pronoms indéfinis. Hamm parle par exemple « de ce... de cette... chose » ( Ibid.,:
17) ,qui ressemble à la vie. « Ça avance » (Ibid.,: 27), dit-il encore. Qu’est-ce que
ce « ça »? Clov constate de son côté: « Quelque chose suit son cours » (Ibid.,:26)
pour dire que le temps et la déchéance font leur œuvre. Dominant mal le langage,
se méfiant des mots et de ce qu’ils peuvent dire, tous deux n’ont plus que le flou et
le vague pour communiquer.

Traditionnellement une œuvre littéraire use de toutes les ressources du langage


pour créer ou déceler des sens nouveaux. Avec Fin départie, c’est l’inverse qui se
produit. L’œuvre montre la difficulté d’accéder au langage et peut-être
l’impossibilité de parvenir à construire un sens. Ce n’est pas la moindre des
singularités de la pièce.

171
Quelles sont dans ces conditions misérables les raisons de vivre? Les conditions
issues de la Seconde Guerre mondiale ? Clov ironise sur celles que les hommes
s’inventent ordinairement. Le bonheur est plus souvent absent que présent.
Clov avoue qu’à « sa connaissance », il n’a jamais eu « un instant de bonheur.»
(Ibid.,: 82-83) Hamm ne paraît pas davantage avoir été heureux.

L’amour est une illusion: « On m’a dit, Mais c’est ça, l’amour, mais si, mais si,
crois-moi, tu vois bien que... » (Ibid.,: 105) La structure même de la phrase lui
enlève toute force de persuasion. L’amitié n’est pas mieux traitée: « On m’a dit,
Mais c’est ça, l’amitié, mais si, mais si... » (Ibid.,: 106)

D’une manière générale, ce sont tous les idéaux qui sont ainsi discrédités. Dans un
effet comique évident qui, en plus, bien tragique, Hamm associe la disparition des
valeurs à la chute des cheveux ou des dents: « Nous respirons, nous changeons!
Nous perdons nos cheveux, nos dents! Notre fraîcheur! Nos idéaux! » (Ibid.,: 23)
Quand Hamm promet sur « l’honneur » une dragée à son père, tous deux éclatent
de rire. (Ibid.,: 67-68)

C’est que rien, aucune valeur, aucun idéal, ne saurait masquer le fait que l’homme
naît pour mourir et que rien ne peut combattre ou vaincre la mort durant la Guerre:
« réfléchissez, vous êtes sur terre, c’est sans remède! » (Ibid.,: 89) Cette phrase
montre la condition lamentable de L’homme sur terre après la Guerre.

Depuis l’Antiquité, la capacité à raisonner définit l’être humain et le distingue des


animaux. Fin de partie remet en cause cette capacité. À la question que lui pose
Hamm de savoir s’il a « jamais pensé » à une « chose », à quoi que ce soit, Clov
répond brièvement, mais clairement: « Jamais ». (Ibid.,: 54)

Clov admet d’ailleurs que « personne au monde n’a jamais pensé aussi tordu que
[lui et Hamm] » (Ibid.,: 23). Lorsqu’il se félicite d’être redevenu « intelligent »,
172
c’est qu’il vient de se rendre compte qu’il a confondu sa gauche avec sa droite!
(Ibid.,: 94-95) Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est guère une preuve
de grande intelligence. Constatant qu’il a « mal aux jambes » comme « c’est pas
croyable », il ajoute aussitôt: « Je ne pourrai bientôt plus penser ». (Ibid.,:
64)Comme s’il y avait un rapport quelconque entre les deux faits ou comme s’il
pensait avec ses pieds.

Hamm partage sur ce point l’avis de Clov. L’idée qu’une « intelligence supérieure
», Dieu, ou un être possédant des qualités exceptionnelles, vienne sur Terre
observer les hommes provoque son hilarité. (Ibid.,: 47-48) Il se moque encore de
Clov quand celui-ci dit chercher un moyen de l’avertir de son éventuel départ: «
Quel penseur! », dit-il ironiquement. (Ibid.,: 64)

Dans ses rêves d’évasion, Hamm n’imagine pas enfin rejoindre ou retrouver
d’autres humains, ce qui serait logique, mais « d’autres... mammifères ». (Ibid.,:
50) Si l’on prive l’homme de sa capacité à raisonner, l’homme n’est en effet plus
qu’un animal parmi d’autres. Un animal qui vit dans un monde absurde est sans
avenir.

Cet absurde tel que Beckett le dépeint s’apparente en définitive à un


antihumanisme. C’est ce qui le distingue des autres écrivains ou philosophes de
l’absurde. Beckett se soucie moins de dire ce qu’est l’homme que de le montrer tel
qu’il est.

Plusieurs définitions existent de l’humanisme, mais quelle que soit la définition


que l’on en donne, elle trouve son démenti dans Fin de partie.

Dans son interprétation traditionnelle, l’humanisme cherche à contribuer à


l’épanouissement moral, culturel et politique, de l’homme. Les personnages de la

173
pièce sont loin de cet idéal. Ils ne songent même pas à développer leurs capacités
intellectuelles ou à pratiquer une activité culturelle, comme par exemple la lecture.

Si l’on voit dans l’humanisme la volonté de faire de l’être humain la valeur


suprême et que l’on considère que rien n’est au-dessus de l’homme, Fin de partie
développe une vision exactement contraire. Les personnages sont à peine des
humains, qui regrettent de l’être encore. L’univers y est en voie d’extinction et de
régression. Le plus beau rêve de Hamm serait de rencontrer d’« autres mammifères
». (Ibid.) Quant à Clov, il rêve d’« un monde où tout serait silencieux et immobile
et chaque chose à sa place dernière » (Ibid.,: 76), c’est-à- dire d’un monde mort,
d’avant ou d’après les hommes.

Beckett s’est toujours vigoureusement défendu de proposer une philosophie ou de


délivrer un quelconque message - comme il s’est toujours méfié des interprétations
que l’on a pu donner de son théâtre ou des tentatives de récupération qu’on en a
essayé d’en faire. On a parfois voulu voir dans Fin de partie (comme dans En
attendant Godot) une illustration de « l’homme sans Dieu », désespéré d’être livré
à lui-même et donc l’expression d’une angoisse métaphysique. Mais il y a chez
Beckett un refus radical du sens dont Fin de partie se fait l’écho. Clov éclate d’un
« rire bref» à l’idée, émise par Hamm, de « signifier quelque chose » (Ibid.,: 47).Ce
refus c’est le résultat et la conséquence de la Guerre. Beckett en décrivant le
monde misérable avec un langage différent des autres auteurs absurdes, veut bien
nous suggérer le sens de la vie de l’homme au moment et après la Seconde Guerre.

Beckett n’élabore pas de système: il constate ce qu’est fondamentalement la


condition humaine. Comme Clov lui fait remarquer que Nagg « pleure », Hamm
réplique: « Donc il vit » (Ibid.,: 82). C’est montrer la condition humaine à l’état
brut ou pur. Voici l’homme. Et en le montrant comme nu, embarqué malgré lui

174
dans un univers sans cause ni but, il incite à la réflexion. C’est faiblement, mais
c’est déjà et paradoxalement une certaine forme d’humanisme.

Clov se comporte souvent comme un clown: le patronyme et le substantif sont


d’ailleurs phonétiquement proches l’un de l’autre. S’il n’a pas le traditionnel nez
rouge d’Auguste, c’est parce que c’est tout son « teint » qui est « très rouge ».
(Ibid.,:11) Sa « démarche raide et vacillante »(Ibid) évoque celle d’un ivrogne
s’efforçant de garder son équilibre. Il va et vient mécaniquement d’une fenêtre à
l’autre, grimpe sur son escabeau, en redescend aussitôt, cherche sa lunette, ne la
trouve pas, demande à Hamm s’il n’est pas « assis dessus ». (Ibid.,:98) Sa
pantomime peut aisément prêter à rire ou à sourire.

Elle se change en pitrerie quand Clov se sert de sa longue-vue pour observer le


public. C’est prendre le contre-pied d’une pratique encore existante de nos jours:
certains spectateurs observent avec de petites jumelles les comédiens. L’inversion
est d’autant plus ironique qu’après avoir scruté la salle, Clov s’écrie: « Je vois...
une foule en délire » (Ibid.,:43): il est rare que lors d’une représentation les
spectateurs soient « en délire ». Enfin, l’épisode de l’insecticide que Clov verse
dans son pantalon pour tuer la puce qui s’y est glissée, donne lieu à une véritable
bouffonnerie. (Ibid.,: 49)

Comme pourrait le faire un auteur, Hamm et Clov recourent au vocabulaire de la


dramaturgie et multiplient les indications scéniques.

Hamm connaît la langue technique du théâtre: « Un ! Con ! C’est la première fois


que tu entends un aparté ? (Un temps.) J’amorce mon dernier soliloque » (Ibid.,:
100), dit-il à Clov.

Il y a aparté quand un personnage se parle à lui-même à l’insu des autres


personnages présents sur scène qui ne l’entendent pas, mais, naturellement, que le
175
public, lui, entend. C’est ce qu’on appelle une fiction de théâtre. Le soliloque est
un monologue: le personnage, seul en scène, se parle à lui-même. La différence
avec l’aparté réside dans la longueur du discours que se tient le personnage:
l’aparté est bref, le monologue, ou soliloque, est nécessairement plus long.

À Clov qui lui demande par ailleurs à quoi il sert, Hamm répond :

« À me donner la réplique » (Ibid.,: 78). C’est d’ailleurs ce que, sur les instances
de Hamm, il fait aussitôt:

Hamm. - [...] J’ai avancé mon histoire. (Un temps.) Je l’ai bien avancée. (Un
temps.) Demande-moi où j’en suis. Clov. - Oh ! à propos, ton histoire ?(Ibid)

Réponse d’un personnage à un autre, la réplique est l’élément de base du dialogue


théâtral.

Au sens strict, les indications scéniques ne sont pas des didascalies. Ces dernières
résultent d’une intervention directe et personnelle de l’auteur alors qu’une
indication scénique peut être donnée par les personnages au fil de leurs répliques.
La différence provient donc de l’identité de l’émetteur. Mais, sur le fond,
didascalies et indications scéniques peuvent donner les mêmes informations. Voici
par exemple Clov expliquant à Hamm qu’il va « chercher la lunette » puis qu’il
revient avec cette même « lunette », qu’il apporte « un escabeau ». (Ibid.,: 42)Si
Hamm n’était pas aveugle, Clov n’aurait pas besoin d’expliquer ses faits et gestes.
Les indications scéniques fonctionnent ici comme un redoublement de la
didascalie. De même façon, dans cet autre exemple:

Hamm. - [...] Qu’est-ce que tu fais? Clov. - Trois petits tours, (Ibid.,:93) Clov
commente de nouveau ses propres faits et gestes.

176
Par définition les comédiens incarnent des personnages. Avec Fin de partie, les
personnages incarnent à leur tour des comédiens et interprètent, à ce titre, d’autres
personnages.

Les quatre personnages de la pièce savent et disent qu’ils tiennent un rôle. Les
premiers mots de Hamm sont les suivants: «A moi. De jouer » (Ibid.,: 14) et c’est
ce qu’il dit encore au début de son dernier monologue. (Ibid.,: 108) Ses mots
ultimes sont ceux que pourrait prononcer un véritable acteur: « Puisque ça se joue
comme ça... (il déplie le mouchoir)...jouons ça comme ça ». (Ibid.,:110)
Significativement, un cabotin1 se dit d’ailleurs en anglais un Hamm.

De son côté, Nell demande à son mari qui essaie de l’embrasser: « Pourquoi cette
comédie, tous les jours? » (Ibid.,: 27), comme si elle avait conscience que leurs
fausses embrassades constituaient une scène imposée. C’est très exactement ce que
ressent Clov quand il promène Hamm dans son fauteuil. (Ibid.,: 47)

Comédiens, les personnages le sont également en imitant la voix et, parfois, les
mimiques d’autrui. Pour raconter l’histoire du pantalon, Nagg prend tour à tour la
voix du tailleur, de Toute pièce de théâtre est par définition un jeu, parce qu’elle
est fiction et qu’elle se constitue d’un ensemble de rôles. Mais le jeu qu’est Fin de
partie contient à son tour un jeu dont les personnages ont parfaitement conscience.

Au sens propre, ce jeu dans le jeu n’est pas assimilable au procédé de la mise en
abyme, ni du théâtre dans le théâtre.

« Absurde » signifie « dissonant » (« drame et art dramatique», Encarta). C’est le


caractère de ce qui est contraire et échappe à toute logique ou qui ne respecte pas
les règles de la logique. C’est avant tout un degré de comique très élevé. Il signifie
1
C'est par exemple ce qui se produit dans la pièce de Pirendello (1867-1936), Six personnages en quête d’auteur
(1921) C’est ce qu'a dit Beckett aux acteurs du Schiller Theater de Berlin. Témoignage rapporté et cité par Deirdre
Bair, Samuel Beckett, Fayard, 1979 pour la traduction française, p. 420

177
ce qui n’est pas en harmonie avec quelqu'un ou quelque chose, par exemple, une
conduite absurde est un comportement anormal, un raisonnement absurde est un
raisonnement complètement illogique.
L’absurde c’est également une philosophie et un courant littéraire. Selon Pierre
Brunel, on peut définir le but de l’absurde en littérature ainsi : Questionner et
contester les conventions traditionnelles de la société par le biais de l’humour. [De
plus] Le sentiment de l’absurdité de la condition humaine ainsi qu’un extrême
pessimisme étaient déjà présents chez le philosophe allemand Arthur
Schopenhauer (1788-1860). 1
Seulement, ce sentiment remonte à encore plus loin. En effet, Salomon, couronné
Roi d’Israël vers 970 avant Jésus-Christ, fait remarquer que « […] tout est vanité
et poursuite du vent, et il n’y a aucun avantage à tirer de ce qu’on fait ici-bas »
(Ecclésiastes, 2 :11 ». Il ajoute « Et j’ai haï la vie, […] car tout est vanité et
poursuite du vent » (Ecclésiastes, 2:17).
Pour Salomon, la vie que nous menons ici-bas est vaine, absurde car l’on ne peut
rien en tirer. Revenons à présent à Schopenhauer dont la philosophie va largement
influencer les philosophies existentielles. Les philosophies existentialistes ont
inspirés certains dramaturges des années cinquante et soixante, comme Beckett,
Ionesco, Albee ou Pinter, et leurs œuvres sont classées sous le théâtre de l’absurde.
La vie après la catastrophe de la Seconde Guerre Mondiale devient inutile et
absurde. Des milliers de personnes sont mortes pour rien. La condition de vie
devient de plus en plus sans but. C’est pourquoi les dramaturges comme Beckett
avec leur plume, dessine la guerre mais sous une autre forme. Dans Fin de Partie
et En Attendant Godot cette immutabilité se traduit surtout par les thèmes de la
monotonie, du perpétuel recommencement et du perpétuel questionnement car
même si les personnages de Fin de Partie vivent dans une routine quotidienne et
1
Cité in Fiche-de-lecture-sur-fin-de-partie,20130410, pdf.

178
sont conscients de l’absurdité des inepties qui constituent leurs existences, ils
essaient néanmoins d’en réchapper. Il cherche à comprendre pourquoi la vie est ce
qu’elle est : vaine, absurde et monotone. Pour fuir cette existence, il faut d’abord la
comprendre. Ainsi, tout commence par une question qui vient rompre la continuité
de la chaîne quotidienne : aussi bien « Qui suis-je ? » « Où suis-je ? » « Où vais-je
? » et « d'où suis-je tiré ? » de Voltaire que le simple « Pourquoi ? » Ce besoin de
rompre avec la continuité de la chaîne et la routine quotidienne est une
caractéristique de l’absurde présente dans la pièce. Si les personnages beckettiens
se questionnent, ils sont néanmoins loin de pouvoir donner un sens à leur existence
absurde, issue de la Seconde Guerre. Peut- être est-ce à cause des limites des mots
durant la Guerre.
En effet, il est paradoxal que les dramaturges de l’absurde veuillent exprimer
rationnellement l’irrationnel et user d’un discours logique pour suggérer l’absurde
qui par définition même, échappe à la logique. Dès lors que l’on prend en compte
ce caractère illogique de l’absurde, la crise du langage parait inévitable, d’autant
plus que le sentiment de l’absurde révèle les tares des mots, notre instrument de
communication. Dans son essai sur Proust, Samuel Beckett juge que :
« La tentative de communiquer là où nulle communication n’est possible est une
pure singerie, une vulgarité ou une abominable comédie, telle que la folie qui
tiendrait conversation avec le mobilier ».1 C’est pourquoi le langage dans un
monde sans but et absurde le langage change et la communication est nulle.

1
Cité in Fiche-de-lecture-sur-fin-de-partie,20130410, pdf.

179
Chapitre 3. Le théâtre réaliste et absurde d'Akbar Radi
II.3.1 Représentation des images de la société dans les pièces d'Akbar Radi

Behzad Sedighi dramaturge, chercheur et professeur de théâtre a analysé le rôle de


la société dans le théâtre réaliste et absurde d'Akbar Radi. Dès le début de son
analyse Il a dit que:
Le professeur Akbar Radi a écrit la pièce du Patrimoine iranien en 1346 et plus
tard, après des réécritures répétées, elle a tellement changé qu'elle est devenue une
autre pièce appelée Tango des œufs chauds. Chaque personne d'origine iranienne
rend compte de ses conditions de vie dans les années 1940 et raconte son monde
au public. À mon avis, dans cette œuvre, Radi, comme la plupart de ses propres
œuvres, crée le langage spécifique de chacun des personnages en fonction de leur
propre personnalité existentielle, et pour cette raison, ils sont tangibles et
crédibles pour le spectateur (Talebi, Faramarz, 2003: 67)
En plus Fars Bagheri, tout en donnant un résumé de la pièce du Patrimoine
iranien, concernant l'étude de cette pièce d'un point de vue morphologique et
morphologique, a déclaré: «Je pense que si nous voulons étudier les jeux sociaux,
la pièce La pièce patrimoniale iranienne est aussi l'une des pièces sociales, des
pièces de la Grèce antique aux pièces contemporaines, on ne peut ignorer
l'institution de la famille, et toutes ces pièces sont basées sur l'institution de la
famille, et Ils se concentrent sur cet élément de la société. En fait, les écrivains se
concentrent sur l'institution de la famille dans la littérature dramatique, les
nouvelles, les romans et les scénarios. Il est important pour chaque auteur
d'aborder les crises et les institutions de classe de la société et des
familles.(Ibid.,:57)

180
Radi de 1954, qui a écrit la pièce Le Trou Bleu à la pièce Les Escaliers, a dépeint
des crises et a écrit des sujets dans lesquels le personnage; le père est le personnage
principal et reflète le rôle de l'ordre et des relations sociales en eux. En fait, le père
appartient à la société traditionnelle, anti-femme, anti-modernisme et anti-
changement, et reflète les concepts de la famille dans une société traditionnelle.
Radi, comme Mirza Fath Ali Khan Akhundzadeh, considère la littérature
dramatique comme une institution réformiste et dans ses œuvres, il fait également
référence aux événements sociaux de son temps. Par exemple, dans la pièce Le
Trou Bleu, il y a des références proches aux événements de la Seconde Guerre
mondiale, ou dans la pièce les Escaliers, il y a des références proches aux
événements de la révolution. (Ibid.,:90)
L'approche de M. Radi aux événements sociaux façonne l'histoire de ses pièces.
D'autre part, il y a d'autres personnages dans ses œuvres qui sont des figures
importantes. Comme le personnage de Jalil dans la pièce du Patrimoine iranien.
Concernant le visage des étrangers et des extraterrestres dans les œuvres de Radi,
Bagheri a dit: Du trou bleu à l'amulette de Qalmadun, il y a toujours une figure
occidentale ou intellectuelle qui est opprimée, expulsée et opprimée de la maison
de son père. On peut examiner les courants intellectuels, à l'exception des pièces
de la mort à l'automne et dans les Escaliers. (Ibid.,:101) Un autre point important
dans tel ou dans la plupart des œuvres de Radi est qu'il est une figure intellectuelle
qui ne se sent pas unie à la société et ne peut parler que professionnellement. Le
concept de sujet social, a une grande place dans ses pièces Ces sujets sociaux ou
figures sociales, dans ses pièces présentent les personnages qui quittent le lieu
et sont refoulés dans leur vie, perdant la possibilité de survivre et d'être et de
vivre avec les autres. D'un autre côté, la plupart des femmes sont dans
l'ombre et sont victimes de viol mental ou physique.

181
Le dramaturge Fars Bagheri a déclaré: «Je pense que les pièces d'Akbar Radi sont
des représentations et des images de la société. En lisant ou en voyant ses œuvres,
nous découvrons quel genre d'image des personnes se reflète dans ses pièces.
J'aimerais examiner de plus près les travaux d'Akbar Radi pour une autre
opportunité pour un article plus détaillé. » (Ibid.,:120)
Behzad Sedighi a déclaré à propos des pièces de Radi : «Dans une étude
comparative des deux pièces du Patrimoine iranien et du Tango aux œufs chauds,
elles peuvent être abordées en termes de caractérisation et de situations
dramatiques. Et il les regarda de plus près. Je mentionne seulement dans cette
occasion limitée qu'à mon avis, le jeu de Tango aux œufs chauds est un texte élargi
et étendu de l'héritage de chaque Iranien, dans lequel, bien sûr, les personnages
sont glorieux et grands et glorieux et père et sa confrontation. Ils sont mieux
représentés et payés les uns aux autres que l'héritage iranien. » (Ibid.,:126)
Les pièces d'Akbar Radi sont des représentations et des images de la société.
Akbar Radi a écrit la pièce du Patrimoine iranien en 1967 et plus tard, après des
réécritures répétées, elle a tellement changé qu'elle est devenue une autre pièce
appelée Tango des œufs chauds.
«Chaque personne d'origine iranienne rend compte de ses conditions de vie dans
les années 1940 et raconte son monde au public. À mon avis, dans cette œuvre,
Radi, comme la plupart de ses propres œuvres, crée le langage spécifique de
chacun des personnages en fonction de leur propre personnalité existentielle, et
pour cette raison, ils sont tangibles et crédibles pour le spectateur. » (Tajvar, Ali.,
2006: 54)
Amin Azimi a aussi dit : Derrière les Vitres est en fait un document précieux pour
la psychanalyse intellectuelle iranienne des années 1940. Et en dehors de son
snobisme absurde, c'est l'une des pièces radiophoniques les plus uniques en termes
de structure circulaire du récit et de technique de montrer le passage du temps, qui
182
n'a pas encore perdu de sa fraîcheur et de sa fraîcheur. (Talebi, Faramarz, op,cit.,:
131)
Akbar Radi a écrit la pièce Derrière les Vitres en 1966. Exactement au milieu des
années où la communauté intellectuelle iranienne n'avait pas encore pu se remettre
du choc du coup d'État du 28 août 1943. SAVAK gagnait du pouvoir en tant que
levier de pression sur la monarchie, et en imposant des restrictions, il réduisait
chaque jour l'espace pour les écrivains et les artistes. La dictature individuelle au
pouvoir cherchait à oser exprimer l'opinion de l'élite sous la forme d'une société
monolithique, à travers le confinement et la censure de la presse et des médias de
masse, la persécution des dissidents et la prévention de la mise en place
d'institutions civiques et de la création de suffocation. D'autre part, avec l'afflux de
dollars pétroliers dans l'économie iranienne, qui en tant que fluide vital irriguait et
renforçait les racines de la culture petite-bourgeoise, une sorte de consumérisme et
de noyade dans les apparences matérielles a affecté la vie des Iraniens et des
intellectuels des années 1940. Incapable de résister à toutes ces pressions et
conflits, Radi fronça les sourcils, déprimé et isolé plus que jamais.
Des signes évidents de ce regard absurde et sombre peuvent être vus dans de
nombreux ouvrages des écrivains de cette époque : Ecrit par Hormoz Shahdadi,
le recueil d'histoires d'Ebrahim Golestan, etc. sont de tels symptômes qui
représentent le nihilisme, l'amertume, le désespoir et en même temps une sorte de
dépression volontaire et transcendantale.
En attendant, il ne faut pas ignorer l'influence de la traduction des vues
existentialistes des deux penseurs et philosophes français «Jean-Paul Sartre» et
«Albert camus» sur l'esprit et l'âme de l'intellectuel iranien. L'influence
significative des vues de ces deux philosophes, en particulier Sartre, qui a fait de la
littérature un médium de ses vues philosophiques et avec les tendances marxistes
de sa première période, a eu de nombreux attraits pour l'idéologue de gauche en
183
Iran, a ouvert la voie à diverses publications et lectures. La couche de nationalisme
- ainsi que le nihilisme - a fourni Camus en Iran, et il reste un pays qui, dans la
pensée et la structure de la vie, n'a jamais pu échapper à l'influence des modèles
dont les penseurs français sont nés.
Certainement l'écriture de la pièce Derrière les Vitres peut dans une certaine
mesure transmettre sa vraie signification au public. Cette pièce est un exemple
typique de la diffusion d'une vision absurde, passive et en même temps sombre et
désintéressée dans l'esprit du dramaturge iranien qui tente de dépeindre son regard
ennuyeux et en même temps narcissique sous la forme du personnage principal de
la pièce - Bamdad. En fait, "Bamdad" est le jumeau de "Akbar Radi" dans le
monde des œuvres. Ecrivain handicapé - Son handicap peut-il être utilisé comme
un signe politique qu'Akbar Radi n'a pas été libéré au cours de ces années?
Probablement oui, qui s'est enfermé dans son bureau et écrit du matin au soir.
Lorsque sa femme, Maryam, lui demande curieusement si elle peut lire ses écrits,
l'auteur répond par la négation, décrivant son art de manière relativement
rhétorique, décrivant la progéniture des "mouches d'eau" du monde qui l'entoure,
qui sont censées être la base de représenter l'étude et la compréhension des
conditions de vie à cette époque.
En fait, Radi essaie de convaincre le public du caractère de l'auteur de sa pièce en
tant qu'historien, qui dans le détroit de la vie n'a pas de devoir plus précieux que
d'enregistrer et de rapporter la situation de vie de lui-même et de ceux qui
l'entourent pour l'avenir. Peut-être se présente-t-il avec arrogance comme un «moi»
et cherche souvent à se venger de tout et de tous à travers le rapport ennuyeux de
ses conditions de vie ennuyeuses en interaction avec les autres.
Pour lui, M. et Mme Derakhshan - les autres personnages de la pièce - sont le
symbole de la vulgarité de la petite bourgeoisie, représentée sur scène comme les
«mouches» des deux imaginations les plus humiliantes dans l'esprit de Radi. Deux
184
mouches qui ne cessent de faire des va-et-vient dans la scène et qui n'ont rien
d'autre à faire que de bourdonner sur les maux de la vie matérielle et végétale
et les besoins de l'estomac, etc. Ce qui montre l'absurdité des personnages de
Radi. La vie est, pour eux, un retour sans avoir un but essentiel.
Cette vision absurde culmine dans la pièce de Radi quand il annonce à Maryam
dans la scène finale du matin - après 30 ans - que son écriture est terminée et que le
produit final est prêt. Il a écrit une pièce intitulée Derrière Les Vitres, le titre de la
même œuvre que nous avons vue jusqu'à présent. Quelques secondes après avoir lu
Bamdad, nous «réalisons» que l'écriture de Bamdad n'est rien d'autre que le même
récit que nous avons vu depuis le début. C'est comme si le public, l'auteur
externe (radi) et l'auteur interne (bamdad), étaient tous pris dans le vortex de
«Sisyphe» et étaient constamment plongés dans le marais de l'ennui et du vide
du processus de la vie; Et c'est le cycle de séquence sans fin dans lequel nous
nous voyons au point de départ dans la dernière seconde.
La vision désespérée et sombre de Radi du monde qui l'entoure et le produit
de ses efforts dans lesquels les mouches - mâles et femelles - deviennent
chaque jour plus riches et plus puissantes, et face au vieillissement inévitable
de l'écrivain et de sa femme et au vide de leurs vies de plaisirs matériels -
même en termes ils ne changent pas d'apparence et ne vieillissent pas - c'est
une vision passive et autodestructrice, mais elle vient de la colère et de
l'orgueil.
Tout se passe comme si Bamdad n'avait pas d'autre choix que de respirer l'air de
ces mouches et d'humilier et d'humilier la petite bourgeoisie comme un gardien de
prison qui a passé toute sa vie à protéger - enregistrer - les prisonniers - les
mouches. Bamdad, en effet, se sèche lui-même et sa femme dans le cadre de ces
mouches, et comme il préfère se taire dans la plupart des moments de la pièce, il
pense à la vérité qu'il cherche à enregistrer dans le jugement du futur. Et le fait est
185
que l'on peut peut-être transmettre la légitimité et le désespoir intellectuel de soi-
même au public dans de telles circonstances. C'est comme si le matin et dans un
sens plus large, Akbar Radi se dépeint comme un prophète qui, par une sorte
d'action "aiguë / futile", enregistre les événements ennuyeux de sa vie, sous la
forme de l'auto-enregistrement d'événements ennuyeux dans la vie d'un
écrivain qui enregistre des événements ennuyeux. Sous la forme d'écrire un
travail qui traite des événements ennuyeux de la vie et, il essaie de se venger de
tout ce qui le met dans cette situation difficile avec cette forme d'automutilation. Et
si l'on regarde cette question sous l'angle de l'originalité de Sartre, qui de mieux se
venger que l'auteur lui-même et le principe de son existence?
Dans la pièce Derrière les Vitres, l'œuvre la plus importante de Radi, ainsi que
dans Les escaliers et Mort à l'automne, Radi dépeint une structure circulaire et
auto- reproductible. Le processus du temps qui passe est représenté de manière
créative dans ces pièces.
Dans Derrière les Vitres des indices épars dans les dialogues ou des changements
qui se produisent dans l'apparence extérieure des personnages, tels que le
blanchiment des cheveux, indépendamment de toute insistance théâtrale, nous
conduisent à l'horrible flot de temps qui digère lentement et effrayamment et sans
interruption tout ce qui est en nous et pour le matin et le soir. C'est comme un
cauchemar interconnecté et sans fin avec la mort et l'oubli qui attendent à la
fin.
Cependant, le public d'aujourd'hui de cette œuvre peut bien ressentir l'esprit
gracieux et snob de l'intellectuel des années quarante dans ce travail. «Bamdad»
(comme si c'est Shamlou lui-même) à travers la souffrance et le dénuement qu'il
crée pour lui-même et ses subtilités peuvent être rencontrés en réponse aux simples
désirs de sa femme de marcher sous la pluie, de prendre plaisir à manger dans un
restaurant à l'extérieur de la maison. et ... devant son immobilité sans fin et sa
186
résidence derrière la table ou, tout au plus, derrière la fenêtre de sa chambre, il voit
égoïstement que le seul moyen de prouver sa légitimité est de rester dans l'humble
tour d'ivoire de sa chambre. Par conséquent, l'élément intrinsèque de la pensée
matinale et la façon dont il apparaît dans la pièce semblent trop idéalistes et
abstraits pour le public d'aujourd'hui. La manière la plus passive de lutter contre la
laideur et la saleté du monde extérieur est de passer la matinée de cette manière,
confinée dans des recoins étroits et sombres, à ne sangloter et enregistrer que des
moments. Au moins de l'avis de l'auteur, ces lignes sont une tentative de construire
un monde meilleur et d'afficher les belles manifestations de la vie, quels que soient
ses aspects matériels et laids, un comportement plus désirable que la vantardise
autodestructrice dans un pays oublieux et insouciant.
Peut-être même si nous pensons à l'histoire comme une roue qui n'a aucun don
dans sa rotation de jours, de mois et d'années autre que des images répétitives et
des événements vécus, nous pouvons encore penser au principe que nous devons
tirer le meilleur parti de l'opportunité de vivre court et de vivre avec tout notre être.
Cela ne veut pas dire que nous avons dévalorisé la réponse intellectuelle déprimée
des années 40 et 50, mais c'est un débat sur le type d'idéalisme qui nous invite au
néant et à l'oubli.
À travers des signes subtils, Radi dépeint la domination et la présence du
gouvernement autoritaire qui gouverne la vie de Bamdad et de sa femme. Les
«souris» - ce qui peut être un signe clair de l'influence du SAVAK dans la vie des
intellectuels de cette époque ses seuls plaisirs.
Derrière les Vitres et d'autres pièces de théâtre de Radi sont en fait des documents
précieux pour la psychanalyse intellectuelle iranienne des années 1940. Et en
dehors de son snobisme absurde, ses pièces sont les plus uniques en termes de
structure circulaire du récit et de technique de montrer le passage du temps, qui n'a
pas encore perdu sa fraîcheur.
187
II.3.2 Les Escaliers et Mort à l'Automne
II.3.2.1 Les Escaliers une tragédie moderne et contemporaine
Durant quarante ans, Akbar Radi a écrit plus d’une vingtaine de pièces et
nouvelles qui sont le miroir de la société contemporaine de l'Iran. L'une des pièces
les plus importantes de Radi, Les Escaliers, présente trois images d'un homme en
trois périodes, se suivant dans l’ordre. Dans l'introduction des Escaliers, Radi
décrit de vraies images pour transférer l'idée de sa pièce : l'auteur nous renvoie au
monde réel et à ses faits. Un monde dans lequel, tout naturellement, les gens
consacrent leur vie au progrès. Qui refuse de gravir l'échelle du progrès ?
Probablement personne. Dans cette histoire, le personnage qui ressemble à un
rossignol, Bulbul, gravit les échelons du progrès matériel en tuant les âmes et tous
les corps des autres. Le progrès matériel sera la conséquence de cette tuerie. Radi a
interprété ces trois photos et les étapes du changement de visage de l'homme
comme une « horrible métamorphose » ; et il considère son gros visage comme des
diamants compacts formés de particules de sang et de chagrin.
Les Escaliers doit être considéré comme une tragédie moderne et contemporaine,
car, dans ce texte, nous considérons la vie triste de certains pauvres piégés dans le
cercle d'égoïsme et d'auto-orbite d’un arriviste et d’un destructeur.
Ce qui se forme dans les Escaliers est une situation compatible avec les problèmes
et les crises économiques contemporaines de notre pays. Dans les années 1930,
1940 et 1950, certains des novices de la société n'ont pas fermé les yeux sur les
mouvements destructeurs pour parvenir à la croissance économique sans prêter
attention à l'écrasement de certains pauvres de la société.
Comme à cette époque, de nouveaux arrivants naissaient et poussaient comme des
plantes dans toutes les villes. Au début et après la Révolution de l'Iran, ils ont
emporté le capital de la patrie dans les autres parties du monde pour jouir de leurs
acquis au détriment de la souffrance des autres.
188
Radi ne peut pas être directement lié à la gauche, mais il sensibilise tout le monde
aux relations erronées et aux différences de classe à travers un regard engagé et
responsable sur son travail. Sensible aux couches sociales, il a une vision
complètement socialiste de la révolte ouvrière pour instaurer la justice sociale. Ce
que dit Radi est acceptable pour tout le monde. Valizadeh écrit :
« Radi est parvenu à comprendre les réalités quotidiennes et, sans essayer de
combiner son analyse et ses vraies idées, il raconte l'expérience dans un contexte
réel. Il ne veut pas publier un manifeste politique, mais sensibiliser tout le monde
aux aléas sociaux, afin de maintenir leur justice sociale à l'écart des calamités
communes. » (Valizadeh, 2019: 45)
La pièce Des Escaliers témoigne du mauvais sort et des chagrins, sans fin, des
ouvriers dans une petite ville. Cette pièce est l'une des plus belles œuvres engagées
écrites pour l'Iran et les Iraniens, et cette même œuvre peut fortement indiquer la
responsabilité sociale et la compassion de Radi pour ses compatriotes.
Le thème de la pièce Les Escaliers est parfaitement plausible, à la fois parce qu'il
offre une expérience de l'état de vie général des gens qui ressemblent beaucoup aux
gens vivant dans n'importe quelle société, et à cause de la caractérisation précise du
protagoniste (le protagoniste principal), le protagoniste de l'histoire et son
antagoniste. Bulbul, le héros de la pièce, apparaît dans le rôle de promoteur de
deux situations. Il gravit l'échelle du matérialisme aussi rapidement que possible et,
en même temps, nous pouvons voir son ombre lourde dégringoler les escaliers et
s’éloigner de la spiritualité avec la même vitesse. Cela revient à la profondeur du
regard de Radi, qui, dans une œuvre axée sur les personnages, intègre les pressions
sociales, la pauvreté et l'inculture de manière aussi subtile que profonde dans tous
les dialogues.
Dans ce jeu facile et retenu, de nombreuses références peuvent être suivies : la
framboise est-elle à la période végétale et agricole, le foie à la période d'élevage, la
189
bicyclette à l'invention des roues et à l'âge du fer, et la construction à différentes
périodes d'évolution, font-elles référence au progrès humain ?
Ainsi, même dans une telle pièce, qui ne mentionne pas le caractère intellectuel, le
fardeau de la culture inculte retombe sur la société. En fait, l'émergence de
créatures ressemblant à des rossignols doit être trouvée dans la même société. Dans
une analogie générale, il suffit de considérer les paroles de Bulbul au premier acte
et ses aveux au cinquième :
« - Bulbul (à la fin du premier acte) : (...) j'ai tellement couru, j'ai tellement lutté,
j'ai été battu, tu t'es moqué de moi, la piqûre, l'ironie, la langue malicieuse - ça
suffit, (…) Maintenant, je veux me tenir (...). » (Radi, Les Escaliers, 2021, p 31)
« -Bulbul (à la fin du cinquième acte) : ... Eh bien, Yahya ! Tu es de retour, comme
tous les soirs, comme toujours (...), tu étais toujours mon serviteur, tu n'as pas de
famille. Je ne suis pas si injuste (...), tu as eu une vache et de l'argent maintenant.
Ta sœur (…) est tombée dans la rivière et elle est morte. Ta femme, est morte, dans
la fleur de sa jeunesse. Ton père s'est figé dans les toilettes, une pauvre nuit. Tu
avais aussi un bébé, toi. Tu viens de franchir, seulement, la porte fermée, tu n'avais
pas de chance dans ta vie, mais je te regarde, je ne suis pas quelqu'un de bien. Je
sais bien ce que c'est un homme sans famille. Ouvre la fenêtre. Je veux entendre le
bruit de la pluie. Je voudrais être gentil. Quel bruit triste cette pluie- là ! Ça me
rappelle une nuit (...). » (Ibid.,:130)
Comme nous avons déjà mentionné, la pièce Les Escaliers est une tragédie
moderne, car dans ce texte, nous voyons la vie triste de certains pauvres piégés
dans un cercle d'égoïsme et d'auto-orbite.
Le ton de l'œuvre est très décisif, et c'est le concept qui montre l'esthétique d'une
œuvre dans le corps de ses composants. Ces mots sont tous des généralisations qui
ne peuvent pas représenter l'essence de la pièce. Mais pour la formalité de
l'escalier, un mot-clé doit être mentionné. C'est aussi la simplicité. Une simplicité
190
qui ne met pas de côté la profondeur et qui ne se définit pas en surface. Dans
l'exploration de l'exécution de la couleur des Escaliers, il y a une uniformité et
simplicité d'expression. Les métaphores et les symboles, dans cette pièce,
réussissent à introduire le personnage de Bulbul (du rossignol) et ses luttes
intérieures.
Il y a différents personnages dans Les Escaliers et chacun a son propre monde.
Passant d’une scène à l’autre dans cette œuvre, c'est comme si on feuilletait cinq
tableaux magnifiques mais douloureux de la vie tragique des gens.
Bulbul est un véritable symbole des personnages qui viennent en ville d'un village
lointain et isolé, perdant leur caractère humain et pur contre un esprit plein
d'hypocrisie, pour monter Les Escaliers et atteindre les palais luxueux.
Talebi écrit :
« Ce personnage n'hésite pas à monter les escaliers avec toute malice et vulgarité,
plutôt que d'exprimer son comportement abominable, représente les "escaliers"
maudits qui lui permettent de monter avec facilité, et ce n'est pas sans raison que
Radi a nommé la pièce "Les Escaliers". En fait, le personnage principal est la
même échelle qui mène l'homme en enfer au lieu de monter les escaliers pour
rencontrer Dieu. » (Talebi, F. op,cit., p. 445)
Le premier acte de cette pièce se passe en été, un été succédant à un hiver dur. Il
s'agit d'un acte à étapes dont le point culminant est un abîme offert à la chute de
l'humanité. Et dans la troisième scène, les nouveaux vélos sont une interprétation
de l'équipement dont Bulbul a besoin dans sa méchante ascension. Le vélo est un
symbole de modernité et le signe d'une société en croissance et en voie
d'industrialisation, avec laquelle les valeurs humaines sont oubliées. Au quatrième
acte, le froid matin d'hiver correspond au gel de l'esprit spirituel de Bulbul. Dans le
dernier acte, sur cet escalier, dans une rotation angulaire, il revient sur l'été chaud
où Bulbul a débuté et cette métaphore de la fin de la vie de Bulbul. Radi fait alors
191
de l'espace le facteur principal de sa pièce. Un schéma structurel psychologique et
esthétique qui doit combiner les différents schémas de ses pièces.
« La dimension intensifiée dans l'image physique des scènes exprime les mondes
intérieurs et privés des personnages. Ce sont les problèmes et les anomalies
environnementales dont Radi a montré les signes dans les diamants de Bulbul, une
scène tout à fait tragique et qui prévoit la destruction de l'humanité. » (Tajvar,
2006: 123)

II.3.2. 2 Trois photos de Bulbul le personnage principal


Afin de confirmer le réalisme de son travail, Akbar Radi a écrit une préface au
début de la pièce Escaliers, dans laquelle il fait référence à l'arrivée de trois
photographies différentes, révélant la croissance et la prospérité d'un capitaliste.
Ces photos lui sont envoyées par un étudiant anonyme, et Radi, après avoir
longuement réfléchi sur leur interprétation, prend la décision d’écrire Les
Escaliers. Il a écrit dans cette préface :
« L'été dernier, le facteur est venu et m'a donné un colis et une lettre. C'était un
petit album. Sur la lettre on avait écrit : l'écrivain de ces phrases veut que son nom
soit anonyme mais il était votre étudiant. Je pensais que ce serait tout. Il voulait
que je ne demande pas son nom ni la source de cet album. Une figure ! Un nom !
Peu importe ? (...). J'ai ouvert l'album. Il y avait trois photos. La première, c'était
l'image d'un jeune homme robuste aux cheveux frisés et bouclés, accroupi à
l'ombre d'un toit en chaume, allongé sur un divan en bois. Il portait un sous-
vêtement serré à manches courtes. On voyait, sur la photo, un tatouage floral sur
son bras. Sans chaussures, une bourse en cuir pendait à son cou. À côté de lui, il y
avait un narguilé. Son bras était appuyé sur son genou de sorte qu’on puisse voir
son tatouage sur la photo. Un sourire ! Sur la deuxième photo c'était lui-même ; là,
il était un peu plus gros, avec un ventre rebondi, il portait une veste, les talonnettes
192
de ses souliers étaient pliées sous ses talons, ses cheveux frisés et bouclés étaient
devenus plus minces, (…). Cette fois-ci, plus âgé, il était au milieu d'un magasin, à
côté d'une moto, assis les jambes repliées, fumant une cigarette qui était au coin de
sa bouche. Il avait à la main une clé à molette. Tout autour de lui on voyait des
vélos et des motos. Même sourire ! Sur la troisième image, c'était encore lui-même.
Il portait une robe de chambre en tissu panaché, debout à côté d'un rideau à
pompons. Il avait mis la main sur le dos d’un fauteuil classique en forme des
fauteuils de Louis, avec un geste aristocratique. On voyait un homme mûr, la
cinquantaine. Ses cheveux étaient, à peu près, disparus (…). Avec un sourire
malicieux. » (Radi, Les Escaliers, op,cit.,: 7-8)
Radi essaie de décrire ce personnage en lui donnant le nom de Bulbul (rossignol)
et d'attribuer son développement économique à des expériences répressives en
donnant de nombreuses raisons. Bulbul n’a pas de racines individuelles ou
sociales, c'est une personne qui commet n'importe quel crime et trahison pour
échapper aux humiliations communes. Afin d'accéder à la célébrité et à la
formalité, il participe à l’effondrement de tout le monde sans savoir qu'il tombera
un jour dans le même piège et que ses richesses ne lui seront nullement utiles.
Pour que ses arguments soient vrais, Radi veut que des personnages tangibles et
réels soient présents dans les pièces. En plus, Radi décrit « des ruraux et des
ouvriers, des commerçants et des gens aisés, des intellectuels, des savants, des
gens cruels et destructeurs qui se meuvent chaque jour aux quatre coins du monde,
et il semble que la composition et la structure du monde soient telles qu'au fil du
temps les mêmes choses se répètent et se reproduisent.» (Talebi, F. op,cit.,: 442)
Les personnages de Radi parlent la langue de la rue et du bazar. En fait, écrire une
pièce de théâtre est certainement aussi difficile que de recréer ces dialogues
quotidiens. Armen Armani, Aliyev Azari, Pakhdooz Djalal, Haj Amoo Bazari,
Seyed Jahl Maslak, Mashdi Mr. Kasab, Saeed Roshanfekr, Bulbul, etc., font partie
193
des personnages de Radi dans cette pièce, qui s'expriment chacune dans la scène
selon leur propre vocabulaire unique.
Radi forme une intrigue dramatique à partir de l'intersection et du défi de ces
dialogues, et ses écrits peuvent être interprétés et médités loin du jugement direct
de l'auteur devant le spectateur (lecteur). Radi a écrit :
« L'intention d'utiliser une variété de mots souhaitables lors de l'écriture des
dialogues, sans vouloir être unilatéral, pour permettre aux personnages de jouer
un rôle efficace dans la formation du drame. » (Radi, Dans les coulisses :
Entretien avec Akbar Radi, 2009: 8)

II.3.2.3 Structure des trois images dans Les Escaliers


Comme nous avons écrit sur l'idée de la pièce, et comme Radi lui-même le
souligne au début de la pièce, la source du récit est basée sur trois images qui lui
ont été envoyées par un étudiant. Dans ces images, l’homme pauvre grandit
progressivement dans une séquence de trois images et réalise des progrès matériels
et sociaux au fur et à mesure qu'il apparaît. Radi transforme cette voie de progrès
en une pièce réussie basée sur sa pensée créative et sa plume puissante. Une œuvre
importante que Radi commence à partir de l'époque et du lieu de sa ville natale
(Rasht) dans les années 1930 et dépeint un développement humain frustré qui est
même laid, à travers cinq peintures ou escaliers différents. Des escaliers qui, bien
qu'associés à la croissance matérielle et au statut social du personnage principal
de la pièce, sont une échelle pour la chute de ses valeurs humaines. Cette
croissance peut être vue dans le protagoniste de la pièce, même dans les noms que
j'utilise tout au long de la pièce (Radi, Conversations d'Akbar Radi, Interviewer :
Malek Ebrahim Amiri, 2000:43) : comme le personnage principal qui est d'abord
appelé un rossignol, Bulbul, puis une poignée de Bulbul ou rossignols et enfin un
ingénieur. Des progrès qui se réalisent sans connaissances ni compétences. Sur
194
cette base et compte tenu du nom de l'œuvre et de la signification du mot
''escalier'', on peut dire que le thème de l'histoire est en fait le progrès. Le progrès
est purement matériel et sans scrupules. Bien qu'à première vue, le culte de l'argent
et l'ambition puissent également être considérés comme le thème essentiel de
l'œuvre, aucun d'entre eux n'a de similitude avec le nom de l'œuvre.
La pièce Les Escaliers, racontée dans le genre de la tragédie-comédie et d’une
structure épisodique, est considérée comme une œuvre de l'école réaliste, dans
laquelle le conflit principal entre le protagoniste et l'antagoniste est en fait le conflit
entre l'homme et la société. Le protagoniste, en raison des complexités de son
enfance, de la pauvreté et du destin d'une société qui devient rapidement une
société moderne et industrielle, prend des mesures erronées, voire odieuses, pour
se libérer du statut quotidien et faire ses preuves. En fait, la motivation de ce héros
réside dans le complexe de son enfance.
Le premier écran commence par le monde normal dans le lieu et la situation
mentionnés et avec des personnages secondaires ajoutés au personnage principal,
l'équilibre est établi jusqu'au dernier paragraphe de cet écran. Mais le déséquilibre
se crée au cœur du monde normal et dans le dernier paragraphe de la première
scène, où le public découvre le secret de la disparition de la vache "Aghagol" et du
voleur de Bulbul, et l'histoire de la progression de celui-ci ; par conséquent, à partir
du deuxième acte, la situation bascule.
En fait, le début et la fin de chaque acte forment les tournants de l'histoire et il n'y
a pas d’un moment tournant unique pour toute l'histoire. De plus, chaque acte a ses
propres vicissitudes, chacun d’entre eux est indépendant, mais ce qui peut être
considéré comme le point culminant de l'histoire n'est pas considéré. Il n'y a
clairement pas de crise.
D'après ce que l'on apprend sur le personnage essentiel au début et pendant le
premier acte de l'histoire, à savoir ; un homme insatisfait de sa vie, qui pense
195
toujours au progrès matériel et à la croissance, qui a tout essayé sans rencontrer de
succès durant sa vie, qui gagne maintenant sa vie grâce au travail acharné, c’est ce
qui peut être mentionné comme l'origine de la pièce Les Escaliers. Les
personnages de cette pièce aussi sont tous des brigades, seul le personnage
principal est devenu un personnage ou le héros essentiel.
Les méfaits que le protagoniste de l'histoire commet pendant le jeu et dans l’accès
à l'argent et au pouvoir, et en fait dans la voie du progrès et du développement,
commencent dans la première scène par le vol et transforment progressivement le
personnage. La créature est flatteuse, traître, hypocrite, éprise d'argent et cruelle,
qui dans certains cas, provoque même la mort des êtres chers. Le suicide de
"Bemani", le premier amour de "Bulbul" au deuxième acte, la mort de la femme
d'Eskandar, apprenti d'un magasin de vélos au troisième acte, la mort de
"Suleiman", un travailleur de chantier dans le quatrième acte, tous, ont lieu en
raison des mauvaises actions du protagoniste.
Le statut est l'effet de la réussite. Par exemple, à propos du personnage principal
de l’histoire, l’étalage de ses richesses et de sa fortune, décrit de façon très
appropriée et réaliste, commence par la vente de la "vache" volée de "Aghagol" et
l'ouverture d'une brocante, puis cette propriété illégitime, pour gagner le cœur de
Haj Amoo et épouser sa fille aînée (qui a dépassé l'âge du mariage et a également
un problème ou plutôt une imperfection du visage) afin d'obtenir une partie de la
richesse de Haj Amoo et de transformer un restaurant de foie en un magasin de
vélos, puis conclure un contrat. À la fin du spectacle, cette richesse illégitime
apparaît sous la forme de bijoux précieux et de diamants cachés de manière
complètement ridicule et étrange (tirée de l'humeur et du caractère du personnage
principal), et ces bijoux sont les seuls compagnons de Bulbul au moment de sa
mort.

196
Les détails du travail ont été soigneusement examinés et arrangés par l’auteur. Des
550 Tomans pour la vente de la vache de ''Aghagol", 50 Tomans pour la dette de
Bulbul au café "Kasali", 200 Tomans pour le camion de "Khan" et 300 Tomans
pour le démarrage de l'activité jusqu'au sommeil de Haj Amoo. Et le récit des
livres de Bulbul sur sa propriété, la vente et l'achat de vélos, ainsi que les détails de
différents types de travail, des dialogues divers et même accentués (dialogue
arménien), l'interaction des types entre eux et avec le personnage principal,
décrivant des situations et tous les signes qui nous présentent la structure de ces
trois images. Radi représente, alors, l'exactitude et la ponctualité.

II.3.2.4 Les cinq actes des Escaliers


Les Escaliers est une tragédie sociale et réaliste qui se déroule à travers cinq
tableaux interconnectés. Elle a été écrite par Akbar Radi en 1982 et a été réécrite et
mise en scène en 1995. Cette pièce traite du processus de formation d'un capitaliste
depuis le début jusqu'au moment de son effondrement.
Dans le premier tableau, Cette nuit pluvieuse, qui se déroule en été dans le village
de Pesikhan à Rasht, on voit la vache laitière de M. Gol volée par Bulbul et son
ami. Grâce à cette vache et la culture des amandiers, Bulbul tourne la roue de sa
vie. Une fois la vache volée et vendue par Bulbul et son ami, M. Gol n'aura d'autre
choix que d'accepter le sort tragique qui lui est imposé.
Le deuxième tableau, Au bout du brouillard, présente le même village de
Pesikhan. Bulbul y possède un petit restaurant où il vend du foie grillé et demande
à Haj Amoo Kolouchepaz la main de sa fille, celle-ci qui des taches de choléra sur
son visage ; à ce moment-là, la fille, Bemani, qui promet à Bulbul de vivre avec
lui, se noie dans la rivière la nuit même.
Le troisième tableau s'intitule L'hiver de notre ville. La scène se déroule dans le
magasin de vélos. Bulbul est maintenant devenu le gendre de Haj Amoo et a
197
inauguré un magasin de vélos en vendant sa maison délabrée. Il fait du commerce
dans cette boutique. Eskandar, son employé, lui réclame de l'argent pour sa femme
malade, mais elle meurt de douleurs intenses, faute de 500 tomans.
Le quatrième tableau intitulé Le Soleil pour Suleiman se déroule au début du
printemps 1950, dans une entreprise de construction de Bulbul à Golsar, Rasht, rue
des nobles et des riches. Bulbul emprisonne un homme nommé Suleiman dans les
toilettes d'un immeuble en construction, parce qu'il a protesté devant un autre
directeur qu'on ne pouvait pas nourrir les membres de six familles pour dix-huit
tomans. Pendant ce temps, plusieurs travailleurs interviennent pour sauver
Suleiman des toilettes, mais Bulbul demande de l’aide à la police pour réprimer les
émeutes des travailleurs ; finalement, ils transportent le corps gelé de Suleiman
dans une camionnette au bureau de Bulbul.
Le cinquième acte, Pause, ressemble plutôt à une confession de Bulbul. Ce dernier
vit à ce moment-là à Téhéran, et cherche à étendre sa relation financière et la
possibilité de devenir capitaliste en faisant entrer en relation son fils Saeed avec
Soraya Ahanchi, fille d'un homme aisé. Bulbul est assis dans le salon de sa maison
où il a entassé des richesses incalculables et parle à son fils, Saeed, qui vient de
rentrer des États-Unis et qui a des pensées modernistes. Bulbul passe les dernières
minutes avec Yahya, fils de Suleiman et son fidèle serviteur. Il pense alors que
Yahya veut le frapper avec un couteau à fruits, tandis que Yahya recule
progressivement pour n'être témoin que de la chute et de l'effondrement d'un
capitaliste. Un capitaliste qui avait porté atteinte plusieurs fois aux membres de sa
famille.

II.3.2.5 L'histoire de l'ascension et du déclin des personnages

198
Les Escaliers, comme nous avons déjà écrit, est une pièce tragique et sociale.
Bulbul, le personnage principal de la pièce, avec l'habileté que l'écrivain lui donne
et sa propre ingéniosité, continue son chemin pour s'enrichir. Dans cette tragédie,
dans chaque acte une personne est tuée et Bulbul contribue à la mort des êtres
humains. Il s'enrichit d'instant en instant, et à chaque acte, décline facilement. Les
Escaliers est l'histoire de nouveaux venus dont le chef est Bulbul.
Akbar Radi, avec sa maîtrise du nœud théâtral, reflète le jeu de l'escalier dans
deux situations : mariage honorable et richesse. Bulbul connaît les règles du jeu et
se débrouille facilement. Menacé par la révolte des ouvriers, ses pas victorieux
sont ébranlés. Mais les dirigeants et les gardiens (c'est-à-dire le chef de la police)
répriment la force et l’union des travailleurs et les condamnent.
Dans les Escaliers, la montée et la descente et la distance de classe des êtres
humains sont discutées. Dans le deuxième acte, Haj Amoo, qui a deux filles à la
maison, est bouleversé car le mari ne vient pas chercher sa fille aînée. Il est l'une
des personnes les plus riches du village, voilà son humeur décrit comme suit :
« -Bulbul : Vous préparez trois fois par jour des cookies (Koloocheh). Des clients,
des voyageurs… les achètent. Moi si j'étais à votre place, j'aurais des pots de
bijoux et je les aurais mis dans un fossé.
Haj Amoo dit en riant : tu n'es pas au courant mon ami Bulbul. Faire des cookies
ce n'est pas comme la vente de foie, n'est-ce pas ? Je n'ai qu'un effectif de cinq
travailleurs. Khalifeh et son apprenti et trois garçons... Quand vient le soir, ils se
promènent dans ma maison, autour de moi, comme un chien la nuit, comme les
mendiants de Samara. De là, tu chancelles. Juste après, viennent des invités de
Rasht ; la famille de ma femme, ils y restent et ne partent pas ! Et après, ce sont
mes enfants avec leurs demandes. Celui-ci veut des gants en cuir, des bottes et des
galoches. Il doit aller à l'école à vélo. Mes deux filles, vous, vous êtes comme l'un
des membres de ma famille, et vous n'êtes pas étranger, sont maintenant à l'âge de
199
mariage, mais elles sont, toutes les deux, restées chez moi, dans un coin de la
maison. Elles sont de vieilles filles, et ma femme est toujours en train d'acheter des
affaires pour leur dot. » (Radi, Les Esclaiers, op,cit., :37-38)
Haj Amoo fait partie de la classe moyenne de la société. Au lieu de le détester, le
spectateur sympathise avec lui, alors il accepte un mariage honorable, selon lui. La
pièce des Escaliers dépeint une période historique sensible dans les changements
politiques et sociaux de l'Iran de 1940 à 1957. Cette œuvre fait partie de la
catégorie des pièces qui unissent le personnage au rôle et rendent Bulbul crédible.
Elle combine des moments de la vie de celui-ci avec les sentiments du spectateur.
Bulbul s'identifie au spectateur et en accord avec sa pensée, ne recherche
désormais que la richesse, à tout prix.
Le spectateur ne sait comment plaindre le rossignol (Bulbul) ou l'appeler.
L'identification de celui-ci avec son rôle, ses sentiments, sa concentration et ses
tours crédibles en font un personnage cruel. Cette pensée de Bulbul, qui mène à la
richesse et à la mort, fait que le lecteur déteste les actions de Bulbul. La relation
entre la pauvreté de Bulbul et son caractère humiliant affecte le ressenti du
spectateur.
La pièce Les Escaliers profite des règles suivantes pour aider l’acteur : les
personnages des Escaliers s'appuient sur le stimulus de la passion, l'esprit du rôle,
la vie extérieure et les relations des rôles, les uns avec les autres. Le sujet de la
pièce transforme le sentiment et la compréhension communs qui devraient être
dans le rôle comme étant un facteur de compréhension de l'empathie et de
l'empathie du rôle. Les personnages de la pièce sont liés au passé, au présent et au
futur. Stanislavski explique :
« Chaque effet dramatique peut avoir un thème fort, mais il ne satisfait toujours
pas les attentes de la scène. Il n'y a pas de règles scientifiques pour la scène, et il
est nécessaire de ressentir et de comprendre la scène et ses désirs pendant la
200
pratique et la pratique. Nous n'avons donc pas de règles, de grammaire et de
grammaire pour l'art de la scène. » (Stanislavski, La construction du personnage,
1986: 76)
Bulbul devient un loup prêt à déchiqueter ses adversaires mais il veut à tout prix
conserver sa richesse, jusqu'à devenir à la fin de la pièce l'entrepreneur de
bâtiments. Il joue avec ses diamants, et cela jusqu'à la fin de sa vie. Le serviteur, à
la fin de pièce, est le symbole de tous les êtres humains dont Bulbul a causé la
mort, il refuse d'apporter des pilules, et la mort de Bulbul est la fin d'une tragédie
associant pauvreté et oppression.

II.3.3 Mort à l'automne une pièce réaliste et absurde


Mort à l'automne est une pièce épisodique composée de trois courts textes
interconnectés; Mohaq1, Voyageurs et Mort à l'automne est le nom de ces textes.
Mohaq a été écrit en 1965 et 2 autres textes ont été écrits en 1966. En 1967, Abbas
Javanmard a joué et diffusé cette trilogie à la télévision.
Hamid Reza Naïmi a écrit :
« Le théâtre n'a pas besoin d'un objectif autre que le divertissement, et il aura
besoin de cet objectif à tout moment. Or, si des idiots font du théâtre un marché
pour la fourniture de la morale, par exemple, l'effigie de la religion, et ont tort de
croire qu'ils lui ont acheté un statut supérieur - le théâtre - ils devraient s'attendre
à ce qu'il tombe ; Car la même éthique au théâtre doit prendre la forme d'un
divertissement qui lui profite aussi. "Il ne faut même pas oublier que la tâche de
l'éducation ne doit pas être laissée au théâtre, en définitive pour apprendre au
spectateur comment il peut avoir une vie active agréable, à la fois physiquement et
mentalement. » (Talebi, op,cit.,: 345)

1
Le mot signifie: 1- couvert, entouré 2- Les trois dernières nuits du mois lunaire, qui ne peuvent être vues par l'œil
d'un observateur terrestre. Ici comme titre ce mot signifie quelque chose cachée.

201
On peut considérer la signification et le concept que Bertolt Brecht a en tête du
divertissement et du plaisir:
« Est-ce que le plaisir et le divertissement qui viennent de lire ou de regarder un
théâtre incluent le même plaisir et le même divertissement que de regarder un
spectacle ou une émission de télévision 24 heures sur 24 ? Le plaisir et le
divertissement d'un défi et d'un conflit - ce que le drame exige pour la vie et le
mouvement - est-il la même excitation passagère qui noie le public dans des
moments de léthargie ou d'oubli, ou le mouvement, l'interprétation et la
renaissance qui n'appartiennent plus au propriétaire ? Et pas le créateur de
l'œuvre d'art ? » (Didi-Huberman Georges, 2009: 78)
Theodor Adorno, un critique allemand bien connu, dit : « L'art, peut-être, atteint
l'originalité là où il se libère entièrement du concept d'originalité. Cela signifie le
concept qu'il devrait être, et d'une autre manière.»(Ibid.,: 95)
Partant de là, des programmes créés uniquement dans un but de divertissement, de
plaisir et d'excitation immédiate peuvent-ils inviter leur public à regarder ou à lire
l'œuvre plusieurs fois ? Pourquoi, quelques décennies après la création d'une œuvre
comme Mort à l'Automne, peut-on encore tirer le plaisir et le divertissement,
comme le dit Brecht, de cette pièce ? Est-ce autre chose que Mort à l' Automne, en
traversant le mur fermé des choses à faire et à ne pas faire, définit et prouve sa
multi-dimensionnalité et son originalité dans sa non-originalité ? Divertissement ou
non Radi veut présenter la vie de l'homme durant ces années-là.
Radi est un dramaturge influent dont le rôle dans le processus de dramatisation
dans notre pays ne peut certainement pas être déterminé par un ou plusieurs
articles, analyses et critiques. Il y a des pièces dans ses œuvres qui sont
consciemment plus littéraires et écrites pour être lues, ce qui en soi n'est ni une
faiblesse ni une bonne chose. Certainement une de ses pièces la plus littéraire c'est
Mort à l'Automne. Mais ce qui distingue Mort à l'Automne dans l'œuvre de Radi,
202
c'est le souci de sa mise en œuvre par des réalisateurs pré- et post- révolutionnaires,
qui demande à être approfondi.

II.3.3.1 La trilogie triste et inquiétante de Mort à l'Automne


Parmi les autres pièces de Radi, il faut mentionner que Mort à l'Automne est une
tragédie sur le concept de « famille » dans notre société contemporaine. Trois
pièces consécutives en un acte parmi les plus belles œuvres de Radi. L'atmosphère
du nord et la texture tragique de l'œuvre, de ces trois pièces en un acte, ont fait une
épitaphe à l'étendue de toute la terre vierge, fertile et caressante de la forêt et de la
mer. Et cela aussi avec le même sentiment triste et palpitant qu'il n'y a de fin et de
fin que la mort et en écrivant le sort du seul homme perdant et sans place de la
lignée des purs et des purs. La mort tord le livre d'existence de "Mashdi" de telle
manière qu'une personne obtient finalement des perceptions, des pensées et des
spéculations alarmantes et inquiétantes de l'association et des progrès avec ce
travail. "Mashdi" a manqué son fils ; Kas, qui est allé à Rudbar pour acheter des
olives. L'étrange tristesse de Mashadi qui se répercute tout au long des pièces en un
acte est la tristesse d'avoir envie et d'être loin de l'enfant. Un fils qui est la douleur
d'un père, et dommage qu'il ait laissé la désertion de son père au caveau de l'oubli
pour gérer son travail et son fardeau. La première pièce intitulée Mohaq est une
histoire angulaire de l'ensemble des angles et des orbites de la vie de Mashdi. La
fille de Mashdi "Moluk" s'est fâchée de la maison de son mari "Mirza Jan" et a
déménagé chez Mashdi. Le père, avec toute sa gentillesse et sa compassion, n'a pas
une attitude aimante et compatissante envers la fille, parce qu'il est préoccupé et
inquiet de la mort du "cheval" et de l'éloignement de son fils. Dans le silence on
sent, dans le texte, la voix triste d'un oiseau, Radi a mis la main sur
l'environnement avec une expression où les paroles, le chant et la poésie sont aussi
larges que l'imagination. Le roi des saisons, l'Automne parle, et comme c'est
203
touchant et poétique, toute cette écriture et ce discours de romans et de nuits, non
pas dans les marges et les bords, mais dans le texte nous pouvons sentir le cœur de
l'automne, qui naît et sèche notre fourrure, qui nous montre les nuits tristes
sombres. Selon Radi les nuits d'Automne sont les symboles de l'oppression au
moment où Shah régnait.
Quand il se voit seul, quand dans le brouillard se lève devant son cheval, il passe
sous les arbres balayés par la pluie, de ce côté- là sont des buissons secs, de l'autre
côté des noyers, la route est aussi pleine de brouillard, puis dans le noir, le bruit des
pas. En lisant le livre on entend la voix triste du cheval, on entend quelque chose
comme la mort qui s'approche de nous par derrière, on pense que la vie va se
terminer.
Et une autre image dans la mentalité de "Gol Khanum" - la femme de Mashdi - qui
a également mis le passé de Mashdi avec toute sa force, sa crainte, son antiquité et
son service dans la banlieue de l'esprit éternel. Mashdi, qui rêve actuellement de
voyager et qui est très impatient et navré à cause de la mort de son noble cheval, a
joué une fois des pièces de monnaie au nom de l'honneur, de la virilité, de la
dignité et d'une image propre, et son cœur était un gage de vérité et manque
d'ambition : « Un jour, il se donna un. C'était le souverain. Quand il passait sur la
route, tous les dix tombaient sur son chemin. Les hommes le saluaient, les filles le
regardaient. Ah ! C'était son cou, tout comme un sanglier. Je t'ai dit comment j'ai
gagné son cœur ? C'étaient les saisons. C'était une fleur rouge. La rivière avait
monté. Nous étions quelques-uns. A cette époque... qui aurait pensé qu'un jour il
serait frappé à la tête et deviendrait impuissant et frappé. (Radi, Mort à l'Automne,
op, cit.,: 25) Et c'est une référence à "Naqra" Qavad, qui a vendu un cheval malade
à Mashdi, et a également gâché l'intimité et l'honneur de la famille de Mashdi,
c'est-à-dire "Moluk" et le gendre de Mirza Agha. Moluk, qui était en colère contre
la maison et considérait la migration vers la maison de son père comme une
204
évasion et un abri pour lui-même, dit à propos de la maison de Mirza Agha : « Je
suis comme un prisonnier dans cette maison. Je cours depuis l'aube du matin
jusqu'au crépuscule du soir, sans froncer les sourcils. Je fais le ménage, je nourris
les poules, crois-moi, papa, je suis comme un prisonnier dans cette maison.»
(Ibid.,:3) Enfin, "Mashdi" accepte le séjour de sa fille.
La deuxième pièce en un acte Voyageurs se déroule dans un café. "Naqra" et
"Mirzajan" et d'autres se sont tous réunis et chacun d'eux essaie de cacher quelque
chose de la vérité et de raconter la vie de "Mashdi" avec humour. "Mashdi" vient, il
a hâte de voyager, dans la chaleur torride de l'automne du nord, avec son brouillard
et sa neige et son bruit vague et le crépuscule de la forêt et l'écho des vagues, avec
un cœur aussi large qu'une montagne , la mer de courage, d'amour et de sacrifice
pour rencontrer son fils. Mais "Mashdi" n'a pas la patience pour tout cela, et
pendant les jours de l'année de deuil, il est incapable d'atteindre la rivière, et dans
le dernier acte - Mort à l' Automne - le hibou de sa mort, comme un oiseau, le suit.
"Mashdi" dit:
La nuit... une brise vient de la montagne. Les étoiles se voient dans la plaine. L'air
est doux comme du velours. Dans une telle nuit, la mort est très facile. Les verts
sont piqués en tas sur le sol. Les arbres sont mouillés par la pluie nocturne et
l'odeur de ma stigmatisation est enveloppée... Car ! La mort s'attarde comme une
brise. Sur les pelouses, les étoiles, l'odeur de ma stigmatisation vient lentement !
Elle vient lentement ! (Ibid.,:98)
"Mashdi" dans les derniers instants de sa vie, demande à "Gol Khanum" de
raconter quelque chose du passé avec un voyage dans le labyrinthe de l'esprit. Fini
le temps où ils étaient pillés au fond de la mer. « Parlez-moi de ces longues
journées, de ces nuits mornes. Maintenant que je crois voir une ombre a assombri
toutes nos vies. Nous sommes des gens misérables. »(Ibid) Et la fin de cette trilogie

205
de poésie, de passion et de manie n'est rien d'autre que la fin inévitable de toutes
les tragédies : la mort, l'attention et l'apprentissage.

II.3.3.2 Mort à l'Automne une pièce absurde et réelle


Ce qui interpelle le public au premier abord, c'est le titre de cette pièce; Mort à
l'Automne. Le mystère caché dans ce titre est unique non seulement dans la forme
du sens du mot mais aussi dans la forme de son illustration. Le fait que la mort
puisse être attribuée à une partie de la « communauté » dans l'Ancien Testament
reste que :
C'est l'heure de tout,
Un temps pour pleurer, un temps pour rire
Un temps pour la guerre, un temps pour la paix
Il est temps de partir, il est temps de rester
Un temps pour naître, un temps pour mourir…
Et vraiment, quand vaut-il mieux mourir à l'automne ? (Ancien Testament)
Dans cette pièce aussi Mashdi, le personnage principal dit:
Mashdi : Nuit d'automne... lorsqu'un seul homme passe devant son cheval sous les
arbres pluvieux, en deçà des buissons desséchés, de l'autre côté des noyers, la
route est pleine de brouillard... Puis dans l'obscurité, vous pouvez entendre le bruit
des pas de votre cheval. Vous entendez que quelque chose, quelque chose comme
la mort, s'approche de vous par derrière... vous pensez que c'est fini. (Ibid.,:3)
Radi se sépare le plus possible de ses personnages afin que chacun ait sa propre
logique, son comportement, son langage et ses croyances. C'est peut-être pour cela
que les vraies personnes (la première partie de la pièce), à savoir Gol-khanum,
Moluk et Mashdi, sont si pleines de natures contradictoires: colère et exaltation,
amour et haine, patience et rébellion, etc., où Mashdi dit à Moluk :

206
Mashdi : Ton mari et moi ne t'avons pas permis de casser ton bol de bocal à
l'heure et de marcher ici et là comme un rempart. N'êtes-vous pas un enfant? J'ai
mangé autant que j'ai pu, tu as mangé beaucoup; Puis je t'ai laissé propre et pure
entre les mains de ton propre destin. Dans la même coupe, il faut vieillir et
pourrir. Par exemple ceci. (Montrant Mme Gol) C'est comme une femme, tu
comprends ? Comme une femme vivait dans ma maison, me faisait du bien et du
mal et ne respirait pas; Parce qu'elle savait que c'était le destin. Et le destin ne
peut pas être changé. "Maintenant, elle sait que ... je dois l'envoyer au cimetière de
mes propres mains." (Ibid.,:37)
Nous voyons que les gens présentent leurs perceptions partielles, petites et
modernes des concepts généraux - la mort, le destin, la vie, l'amour, etc. -
comme nous le trouvons dans les drames anciens et les périodes ultérieures, et sont
donc vivants et crédibles. Même leur cruauté découle des réalités de la vie et
autour d'eux.
Il n'y a pas de prédateur qui ne sente la compassion. "Je ne sentais pas la
compassion, donc je ne suis pas un animal." (Ibid)
Et peut-être que cette affirmation de Maxime Gorki dans sa définition de
"l'homme" peut être une définition des gens fatigués, loin de tout jugement moral.
Dans la deuxième partie, Voyageurs, l'endroit est un café où Radi reçoit
artistiquement la définition que "tout dans le théâtre doit être un personnage".
(Talebi, F., op,cit., p. 121) Donc avec le design de l'échelle qui va avec le grenier,
le soleil en étain qui est posé sur une demi- toile, deux roues d'Hercule usées à côté
du mur, un lit en bois et les tables du milieu du café avec une lampe ronde
suspendue du bord du grenier et un lit de backgammon et même la taille. L'effet
est créé par les personnages de la pièce, à savoir Mirzajan, Shaqi, Abi, Noghra,
Mashdi et Atta.

207
Une compréhension correcte de l'espace et du lieu a fait que Radi montre son
peuple plus grossier et obscène que partout ailleurs. Là où tout le monde est nu les
uns devant les autres, mentir et se cacher, n'a aucun sens. La création de
personnages si sales qu'ils ne sont pas du tout détestés, mais en raison de leurs
circonstances, a conduit à un pas en avant efficace et clair dans le domaine de la
caractérisation; dessiner des gens gris.
Si le rythme et le rythme dessinés dans le comportement et le langage sont plus
chaotiques et internes, ils prendront une forme externe et ibsénienne, et cela
donnera au lecteur l'impression et la promesse d'une représentation attrayante,
dramatique et absurde.
"Mirza Jan: C'est arrivé l'année dernière. Une nuit, Noghreh et moi, nous avons
été renversés par un camion sur le côté. Nous étions pris en compte et j'avais tout
appris par moi-même. Cette nuit-là, vous vouliez voir…. Je m'aimais beaucoup.
Toutes les meilleures paires, toutes les lunettes. Bref, nous embarquâmes jusqu'à
minuit ; Alors apportez-nous une sueur avec une assiette de Vavishka1. Cette fois,
Dekaro était coincé avec de la bière. Maintenant, je suis ivre et tout le monde est
jumelé. C'était une victoire d'être appelé une lanterne. Je l'ai ramassé et j'ai dit :
Lanterne ! Je frappe l'arche du noctambule de votre ville, qui ne s'est pas ouverte
pour nous et est toujours sous le voile .....
Abi : ma foi, vous avez lu Mirza Rajzi ! (Apporte du thé.)
Mirzajan : ....... Mais Noghreh m'a dit à l'oreille : Ne mange pas, ils veulent te
défigurer. J'avais raison. Je l'ai posé sur la table et j'ai regardé autour de moi, j'ai
vu Ali ! À côté de Chia, c'est comme jeter une fourmi dehors. Maintenant la nuit,
mon allée pleut comme un cheval. Dieu, que faire ou ne pas faire. "Ecoutez!"
(Radi, Mort à l'Automne, op, cit.,: 90)

1
Vavishka est un repas russe dans lequel nous avons du foie et de la viande avec de la sauce. Ce repas est venu en
Iran au moment où les russes sont immigrés et ils ont séjourné au nord d'Iran

208
Ce lieu - le café - permet aux personnages de trouver leur propre définition dans
tout ce qu'ils sont et devraient être. Personne ne reste dans cet endroit sauf Abi (le
propriétaire du café). Leur présence est toujours temporaire et transitoire. Alors le
professionnalisme, la spéculation, le conservatisme, l'arrogance, ne penser qu'à
maintenir sa position, se vanter de son statut et de sa dignité - quitte à dépenser un
mot comme dire de l'argent "politique", deviennent de plus en plus apparents. .
Mais ce qui est discutable, c'est ce que dit Luther : « Les mots sont faits pour
cacher les émotions. » (Cité par Luther in Talebi, F., op,cit.,:123)Radi n'utilise
cette belle expression que pour le personnage de Mashdi. Le reste du peuple révèle
sa perfection avec les mots qu'il prononce. Nous connaissons bien Noghreh, Abi,
Shaqi et Mirzajan. De telle sorte qu'on ne cherche plus à découvrir, car l'auteur ne
leur a laissé aucune couche cachée. Rappelons-nous les personnages d'Olga, Masha
et Irina dans la pièce Les Trois Sœurs de Tchékhov. Au début de la pièce, Olga
parle de Moscou et de la mort et des funérailles de son père. Irina demande
pourquoi ont-ils besoin de se souvenir de ce jour ? Olga ne répond pas. Masha
chante doucement avec un sifflet. Vraiment, pourquoi Olga définit-elle maintenant
le sujet de la mort de son père ? Pourquoi, en réponse à la question d'Irina, parlent-
ils du beau temps et qu'un agréable soleil brille ? Et pourquoi Masha siffle-t-elle?
Est-ce simplement qu'en parlant ils veulent montrer qu'il n'y a pas de problème et
qu'ils ne sont pas nerveux et anxieux ? Et à la fin de la pièce, ce sentiment est
transmis au public avec une telle puissance et une telle influence que pourquoi ces
trois sœurs ont-elles oublié que Moscou est dans leur cœur ? Sauf que les mots
qu'ils prononcent sont une couverture pour cacher leurs sentiments ?
On parle maintenant de la troisième partie, Mort à l' Automne, on doit inviter tout
le monde à la relire encore et encore cette dernière partie de cette pièce. Mashdi,
un vieux rescapé de la forêt dont la maison n'a pas été épargnée par l'incendie du
peuple Kasmayi, est en train de mourir glorieux. Vous souvenez-vous d'une scène
209
aussi impressionnante, glorieuse, tragique et poétique dans les œuvres des
dramaturges de notre pays ? Nous ne savons pas quel est le secret et la magie de
cet effet ? Peut-être que Radi emprunte tout de toutes ses forces pour créer son
moment, de la voix toujours présente de cet oiseau solitaire et triste dont le nom est
bien connu, du brouillard invisible qui se matérialise sous les yeux du public, de
pure anticipation et d'espoir sans fin Cass Agha arrive et le voit à la fin.
C'est peut-être pour cela qu'il m'a été difficile d'écrire sur ce livre. Mais ce qui me
complique la tâche, c'est de croire que le rayon du cactus est le rayon de la Mort
en Automne ! Radi n'était pas loin des courants théâtraux en direct du pays et de
ses événements. Radi savait que notre théâtre d'aujourd'hui peut être respecté et
fiable avec toutes ses contraintes politiques, économiques et éducatives, ses
censures, ses préjugés et ses haines.
Dans les histoires de Radi, comme dans celles de Tchekhov, nous rencontrons des
actions que nous avons incorporées dans la structure verticale de l'histoire.
(Ibid.,:76)
Roland Barthes considérait que le récit se composait de deux structures, verticale
et horizontale.
La structure horizontale consiste en un ensemble d'actions qui forment la ligne
principale de l'histoire, des actions qui ont une nature de cause à effet et qui sont
entrelacées en chaînes pour raconter l'histoire de l'œuvre. Si l'une de ces actions
est supprimée, la ligne principale de l'histoire est défectueuse. C'est possible, car
de telles actions sont la cause de l'action suivante de l'histoire et le résultat de
l'action qui la précède. Mais pas une histoire entière n'est résumée dans la
structure horizontale ou la ligne principale de l'histoire. Il y a d'autres actions
dans une œuvre de fiction qui ne sont pas directement liées à la ligne principale de
l'histoire et leur suppression ne perturbe pas la ligne principale de l'histoire mais

210
peut endommager l'ensemble de l'œuvre. ( R. Barthes. Le Degré zéro de l'écriture,
1972: 32)
Selon Barthes, ces actions sont de nature verticale. Parmi les tâches de ce groupe
d'actions sont de créer un espace, de donner des conseils sur la psychologie du
personnage, d'expliquer le moment et le lieu de l'histoire. Dans la plupart des
fictions, il est d'usage que la structure horizontale soit considérée comme le
principal atout de l'œuvre et que la structure verticale agisse comme un
complément à la structure horizontale de l'œuvre. Mais dans l'histoire de l'écriture
dramatique, nous rencontrons des exemples dans lesquels cette équation est
rompue (Ibid). Autrement dit, la structure verticale a été considérée comme le
capital principal de l'œuvre et la structure horizontale ou la ligne principale de
l'histoire s'est déplacée en complément et au service de la structure verticale de
l'œuvre.

211
Partie III
Comparaison des idées théâtrales des trois
dramaturges; Tchekhov, Beckett et Radi

212
Chapitre 1. Anton Tchekhov et Samuel Beckett

III.1.1 Les personnages et leur situation

Anton Tchékhov a été très influent sur le drame moderne, en particulier sur le
drame absurde. Tchékhov, comme absurde dramaturges, n'intrigue pas au premier
plan mais l'humeur et la situation de l'homme, donc l'action découle du caractère
plutôt que de l'intrigue. Tchékhov est connu avec sa technique de l'action indirecte,
quand il propulse ses pièces par l'action se déroulant hors scène. En plus de sa
technique, ses thèmes et la caractérisation de ces pièces ressemblent beaucoup aux
conventions du théâtre de l'Absurde; bien que peu de travail ait été fait là-dessus.
Martin Esslin dans son livre, Le Théâtre de l'absurde, appelle pour la première
fois Samuel Beckett et un certain nombre d'autres dramaturges absurdistes et
compte quelques traits pour ce type d'écriture. Beckett n'a jamais reconnu sa dette
envers Tchékhov, mais quand ses pièces sont étudiées, on peut trouver l'influence
de Tchékhov sur Beckett (probablement Beckett est inconscient) et comprenez que
son l’écriture ressemble beaucoup à celle d’Anton Tchékhov. 1

Samuel Beckett dans sa pièce En attendant Godot, le paradigme de la fin, le


théâtre de l'absurde, tout comme Tchékhov, délimite les personnages dont la
passivité et l'inaction sont la source du sentiment d'ennui et désespoir et finalement
leur déception. Les personnages' la déception et la dépression ne proviennent pas
du manque d'opportunité mais ce sont les personnages eux-mêmes qui fournissent
le seul obstacle. C'est pourquoi Tchékhov qualifie ses principales pièces de
comédie et non tragique, de même que Nell dans Fin de Partie postule:

1
Basé sur Harold Bloom idée de «l’influence littéraire», «l’influence» n’est pas simplement attribuée à influence
consciente ou admise, mais basée sur son idée prononcée dans son textes cruciaux The Anxiety of Influence et son
livre récemment publié appelé The Anatomy of Influence (2011) écrivant un peu comme quelqu'un dans le passé est
également considérée comme une «influence. ».

213
Rien n'est plus drôle que malheur, je vous l'accorde. . . . C'est la chose la plus
comique du monde (Beckett, Fin de Partie, op,cit.,:18).Ce qui est vraiment
comique à Tchékhov et plus tard les pièces de Beckett sont le manque d’action des
personnages lorsque cela est très nécessaire.

La seule chose que ces personnages sont capables de faire, est de parler et
d'attendre passivement pour répondre à leurs idéaux ou aux figures de Godot. Alors
Godot, ou en attente car Godot n’est pas la cause de leur vie ennuyeuse, mais
plutôt «attendre» ou leur passivité illogique en attendant les rend déçus et fatigués
de vivant .

Tchékhov n'est pas un dramaturge absurde mais il ouvre la voie à cela genre de
drame. L'homme, au Théâtre de l'absurde, est fatigué de son ennui et vie
monotone. Pour lui, la vie n'a pas de résultat raisonnable. Ce genre de drame,
comme le dit Martin Esslin: «s'efforce d'exprimer son sens de l'insensé de la
condition humaine et de l'insuffisance de l'approche rationnelle par l'abandon
ouvert des dispositifs rationnels et de la pensée discursive».(Esslin, op,cit.,: 17) En
plus du contenu, la forme de ces pièces est différente de la forme des pièces bien
faites. La forme transmet également le sens de la répétition et de l'ennui. Ces jeux
ont la forme circulaire; ils se terminent là où ils ont commencé et contrairement
aux pièces bien faites, l'accent n'est pas mis sur l'intrigue. «Si une bonne pièce doit
avoir une histoire intelligemment construite, ces [pièces absurdes] n'ont ni histoire
ni intrigue», dit Esslin (Ibid.,:15). Ce sont quelques-unes des caractéristiques
communes à la fois aux pièces de Tchékhov et de Beckett, cependant, il existe
également des différences entre Beckett et Tchekhov.

III.1.2 L'attente des personnages

214
Comme Vladimir et Estragon, presque tous les personnages de Tchékhov
attendent passivement leurs idéaux et déplorent leurs désirs sans rien faire. Ainsi,
la parole se substitue à l'action, dans ces pièces. Et «le théâtre stylisé», comme
Meyerhold le soutient, «évite« l’humeur »du théâtre tchékhovien, qui transforme
l’action en expérience passive des émotions» (Meyerhold, 1995, p. 243). Il estime
également que «la monotonie de la routine est une loi» de l’existence des
personnages de Tchékhov. «Tous sont malades à mort de la vacuité de leurs
paroles et de leurs gestes, mais ils les reprennent encore et encore en exaspérant
la régularité». (Ibid.,:63)

D'un point de vue, Beckett a été associé à un développement de la forme


tchékhovienne qui a dominé le réalisme dramatique anglais des années trente à nos
jours; plus précisément, sa «démonstration élégiaque et nostalgique de la façon
dont le détail banal peut être utilisé pour faire ressortir la complexité et le
pathétique des vies ordinaires» et «la tristesse presque insupportable des effets du
temps sur elles». (Ibid.,:48)

Dans Les trois sœurs, Tchékhov décrit une situation très semblable à En attendant
Godot. Les personnages principaux, Olga, Masha et Irina attendent avec
véhémence d'aller à Moscou. Moscou, pour eux, est la terre promise, l'utopie, la
terre de l'espoir, du désir et du bonheur. Comme le dit Irina; «Il n’y a rien de
meilleur au monde que Moscou» (Tchékhov, Les trois sœurs, op,cit.,:203) .

Ils désirent recourir à Moscou à cause de leur vie ennuyeuse, de leur


dépression et de leur déception. Moscou joue le rôle principal de figure de
Godot dans la pièce de Beckett.

Une discussion sur la tragédie appelle les trois sœurs de Tchékhov, comme En
attendant Moscou. Il faut souligner ici que Moscou n'est pas la figure de Godot

215
simplement parce que c'est le désir insatisfait des personnages qui le désirent
ardemment, mais la similitude de la plupart des personnages de la pièce à Vladimir
et Estragon renforce également cette notion vers la pièce.

Aller à Moscou est un rêve de plus en plus fort pour ces dernières sœurs. En plus
de Moscou, il y a une autre chose que ces trois sœurs en rêvent. Cependant, la base
même de tous leurs souhaits se trouve à Moscou et tous ces souhaits y seront
accomplis. Voir Andrei comme un professeur enseignant avec succès à Moscou est
une autre chose qu'ils sont épinglant leurs espoirs. Le concept de l'attente est au
cœur de la pièce, que ce soit pour Godot, Andrei ou quoi que ce soit. En d'autres
termes, le jeu tourne autour de l'attente passive, de la conversation, de la stagnation
et de l'inaction. Il s'agit d'attendre pour ce que les personnages supposent, être
l'idéal.

Les personnages parlent et attendent seulement d'obtenir leur idéal sans avancer
vers lui, sans rien faire. Tout ce qu'ils font, c'est investir de l'espoir chez les autres
et avoir une meilleure vie à l'avenir, pas dans leurs capacités. Ne pouvant pas
agir, ils obtiennent ennuyés et désespérés et par conséquent ne répondant pas
à leurs idéaux, ils sont beaucoup plus déçu.

Olga, la sœur aînée, se plaint de sa situation indésirable en tant que professeur de


lycée, à propos de sa santé s'affaiblissant, sortant de sa journée par jour, goutte à
goutte. Elle appelle passionnément son idéal, pour tourner retour à Moscou. Elle a
28 ans et n'est pas mariée. À cet âge, elle pense qu'elle est vieille et qu'elle a
gaspillé sa vie à enseigner toutes ces années. Plus tard, conseillant à Irina d'épouser
Tusenbach, Olga lui dit qu'elle n'est pas heureuse d'être célibataire, et qu'elle
épouserait même un vieil homme.

216
Masha et Irina, respectivement vingt-cinq et vingt ans, comme Olga, supportent
impuissants le lourd prêt du mécontentement de la vie ennuyeuse. Pas seulement
ces trois sœurs mais la plupart des personnages se plaignent de leur vie sans vie
alors qu'ils croient qu'ils devraient attendre, car l'avenir serait mieux.

Toute la pièce est l'histoire de gens qui en ont assez de leur ennui vies, alors ils ont
recours à rêver de leurs désirs. Ces trois sœurs, leur frère et les officiers rêvent
tous, d'une vie meilleure à l'avenir.

La pièce entière se résume en discours plutôt qu'en actions. Henri Troyat, soutient:
Presque tous les personnages des Trois sœurs sont seuls, mais ils ne se retirent
pas dans le silence à cause de cela - bien au contraire, parce qu'ils sont seuls, ils
parlent. Ils parlent des choses quotidiennes ou de l'avenir de l'humanité, ils parlent
pour le plaisir de parler, car seul le fait de parler peut leur enlever leur sentiment
de solitude ». (Troyat 1984, p. 262)

Investir dans l'avenir et ne pas pouvoir profiter du moment présent et d'ici, ils
gaspillent leur vie. Même les personnages éduqués ne sont pas heureux et ne
peuvent pas bénéficier de leur éducation et de leurs connaissances, de sorte que
leur éducation semble totalement absurde. Parfois, ces personnages sont même
beaucoup plus déçus et désespérés que des personnes simplement moins
éduquées ou moins intellectuelles, comme des serviteurs qui aiment beaucoup
plus la vie sans réfléchir et philosopher, des gens qui travaillent simplement et
aiment travailler.

Dans Les Trois sœurs, Olga, Masha et Irina sont des femmes instruites, elles
connaissent le français, l'allemand et l'anglais mais comme on dit, c'est totalement
inutile. Vershinin reconnaît: «il n’y a pas et ne peut pas être une ville si ennuyeuse

217
et terne qu’une personne intelligente et instruite y serait inutile». (Tchékhov, Les
trois sœurs, op,cit.,:153)

Ce qui est très ridicule dans Tchékhov et plus tard dans les pièces de Beckett, c'est
que les gens attendent passivement une vie meilleure. Vershinin croit que bien
qu'ils ne soient pas heureux dans cette vie, on ne peut rien y faire; il soutient que la
seule chose qu'ils sont capables de faire est d'attendre. Il dit à Masha: «après deux
ou trois cents ans, la vie sur terre sera incroyablement belle et merveilleuse, et que
l'homme a besoin d'une telle vie, et si elle n'est pas encore là, il doit l'anticiper,
attendre, en rêver. »(Ibid.,: 54)

En réponse, Tusenbach admet ses paroles sur l'attente d'un avenir merveilleux,
mais il ajoute que pour atteindre ce point, ils doivent travailler et se préparer à
présent et devraient faire quelque chose pour cela. Kulygin, le mari de Masha,
confirme également les propos de Tusenbach, quand il raisonne que les Romains
étaient en bonne santé puisqu'ils savaient comment travailler et se reposer.

Masha, comme l'oncle vanya qui attend passivement son idéal et finit par être
désillusionné par le professeur Serebriakoff, est déçu par son mari, Kulygin, de ce
qu'elle avait précédemment considéré comme l'idéal. Masha pense qu'elle souffre,
car son mari est enseignant et «pas assez bien, assez gentil». Mais c'est le problème
de toutes les personnes présentes dans la pièce. Vershininn assure à Masha que ce
sentiment d'ennui de la vie est quelque chose de commun parmi eux, qu'ils soient
civils ou militaires. Il suppose que ce problème provient de leur passivité et de leur
stagnation; il trouve les racines de ce problème dans le fait de philosopher et de
penser et de ne pas pouvoir agir et rendre les rêves réalisables.

218
La philosophie de ces personnes ressemble beaucoup à la mécanique de Lucky
pensant en attendant Godot. Philosopher est quelque chose de mécanique fait par
ces personnes tout au long de la pièce pour faire le plein de temps:

Vershinin: S'ils ne nous donnent pas de thé, faisons au moins un philosophe.


Tusenbach: Oui, allons-y. Qu'en est-il de?
Vershinin: Et qu'en est-il? Rêvons . . . par exemple, de la vie qui viendra après
nous dans deux ou trois cents ans. (Ibid.,: 171)
Vershinin suppose que la seule cause de vivre cette vie ennuyeuse est l'espoir futur
où «une nouvelle vie heureuse viendra». Il parle philosophiquement de la cause, de
l'être, de l'existence présente qui est dans le futur, dans deux ou trois cents, voire
mille ans plus tard. Lui, comme beaucoup d'autres personnages de Tchékhov, ne
peut pas trouver un sens à sa vie actuelle, alors il recourt impuissant à l'avenir.

On peut ressentir le vide des souhaits futurs de Vershinin, compte tenu de son
irresponsabilité et son insouciance envers le présent et ce qu'il peut faire pour
rendre sa vie actuelle meilleure. Vershinin croit que le bonheur est le lot de ses
lointains descendants, les descendants de ses descendants. Comme lui-même
affirme: le bonheur que nous n'avons pas et il n'existe pas, nous le désirons
seulement (Ibid.,: 176).

Andrei, comme ses sœurs, vit dans ses rêves. Il passe son temps sans rien faire, à
rêver d'un faux avenir. Chaque nuit, il rêve qu'il est professeur à L'Université de
Moscou, un célèbre érudit dont la Russie est fière. Devenir professeur à
l'Université de Moscou n'est pas seulement son idéal, mais le très désir de ses
sœurs aussi. Avec Moscou, ces trois sœurs investissent leurs espoirs dans Andrei,
une autre figure de Godot. Andrei, comme le professeur Serebriakof dans Oncle
Vanya, brise totalement les espoirs et les rêves de ses sœurs.

219
Il est le secrétaire du conseil de district et, comme il le dit le plus, il espère, c'est
être membre du conseil de district. Andrei en perd deux cent roubles aux cartes à
jouer, il a donc hypothéqué la maison appartenant à quatre d’entre eux à la banque
sans demander l’autorisation de ses sœurs.

Masha dans l'acte IV de la pièce affirme avec déception: Tous nos espoirs
disparus . . . . Il était une fois, des milliers de personnes hissaient une cloche,
beaucoup d'efforts et d'argent ont été dépensés, puis tout à coup il est tombé et
s'est cassé.

Soudain, ni pour une raison ni pour une autre. La même chose avec Andrei. (Ibid.,
: 210)

La femme d'Andrei, Natasha, l'opportuniste, saisit tout l'argent appartenant à eux


et règne sur eux. En tant que «figure de la mort» Natasha est complètement
différente des autres dans la pièce; elle n'est pas tellement léthargique et
langoureuse. Sa liaison avec Protopopov fait l'objet de discussions dans toute la
ville, mais ce n'est qu'Andrei qui ne sait et ne voit rien. Andrei est un personnage
très ridicule s'engageant à jouer du violon sans se soucier de rien. Son inaction
excessive se manifeste au moment de la catastrophe où le feu est partout; quand
tout le monde se précipite vers elle pour l'éteindre - de quelque manière que ce soit
en dehors de la scène - mais lui, dans ses rêves d'une vie meilleure à l'avenir,
s'assoit passivement et sans y prêter la moindre attention, joue du violon.

La passivité des personnages est la cause de tous les échecs. Comme les
personnages de Beckett. Même s'ils fonctionnent, c'est ridiculement mécanique et
n'est pas source d'amélioration pour eux, à l'inverse, cela les affaiblit
progressivement au point qu'ils perdent toutes leurs capacités, et toutes leurs
énergies mentalement et physiquement.

220
Irina, la plus jeune sœur, par exemple, note qu'elle oublie progressivement
l'italien. Très déçue de tout, de son frère, d'aller à Moscou pour rencontrer sa bien-
aimée idéale, elle dit:

J'oublie tout, oublie chaque jour, et la vie s'échappe et ne reviendra jamais,


jamais, nous n'irons jamais à Moscou. . . . Je peux voir que nous «n'irons jamais»,
«aucune satisfaction d'aucune sorte, et le temps passe, et tout semble s'éloigner de
toute vraie et belle vie, s'éloignant de plus en plus loin dans un abîme. . . . Je suis
désespéré, et comment je suis vivant, comment je ne me suis pas suicidé, je ne peux
pas comprendre… (Ibid.,:198)

C'est comme si, comme Attendre Godot, il n'y avait rien d'autre à faire que
d'attendre, ou qu'ils ne pouvaient rien faire d'autre qu'une attente passive. Soit, ils
investissent consciemment tout leur espoir dans une personne, attendant en vain de
rencontrer leurs idéaux en lui, comme Andrei; ou ils investissent leur espoir dans
quelque chose qu’ils ne font rien pour réaliser, comme Moscou.

Plus tard, Beckett, tout comme Tchékhov, décrit l'inaction et la stagnation dans ses
pièces; cependant, sa représentation est beaucoup plus exagérée. Dans En
attendant Godot, Vladimir et Estragon décident à plusieurs reprises de partir et de
quitter les lieux, mais ils ne le font pas, c'est un peu comme ne pas aller à Moscou
ou ne pas effectuer d'actions significatives telles que travailler qu'ils appellent à
plusieurs reprises le seul remède. En attendant Godot, bien que Vladimir et
Estragon sachent que leur investissement dans Godot n'est pas très raisonnable -
comme l'investissement d'espoir des sœurs - ils continuent à l'attendre, car ''il n'y a
rien d'autre à faire '', ou parce que le la seule chose qu'ils peuvent faire, c'est
attendre.

221
III.1.3 Le désespoir des personnages

Le désespoir et par conséquent la déception atteint le plus haut niveau, les


personnages doutent du sens de la vie, de leur existence et décident parfois de se
suicider. Tchebutykin, le médecin, réfléchit beaucoup, est totalement déçu.
Oublier comment pratiquer la médecine, et ne pouvant plus guérir les gens, il se
blâme pour tuer une femme malade à cause de son incapacité. Il ne se souvient pas
quoi que ce soit, dans la mesure où il doute de son existence et pense qu'il n'est pas
un homme mais ne donne que l'apparence d'avoir des mains, des jambes et une
tête.

La femme de Vershinin est également très désespérée. Prenant du poison,


plusieurs fois, elle essaie de se suicider, mais à chaque fois elle n'y parvient pas.
Affaiblissement et l'inertie se voit partout dans la pièce; aucun signe de vie et
de vivacité n'est ressenti parmi les personnages; c'est comme si tout le monde
était mort au monde.

Bien qu'Andrei et ses trois sœurs ne décident jamais de se suicider, ils ne font rien
non plus pour atteindre leur idéal. Ils continuent passivement vivre leur vie
monotone en attendant avec déception leur Godot figure, Moscou. Irina, par
exemple, avait décidé d'aller à Moscou et de trouver sa bien-aimée là-bas, mais
maintenant elle accepte à contrecœur d'épouser Tusenbach; bien qu’elle ne l’aime
pas. Mais encore une fois, le jour du mariage, elle fait face échec lorsque Solyony
qui était amoureux d'elle décide de contester Tusenbach à un duel dans lequel
Tusenbach est tué. Irina fait passivement rien d'empêcher Tusenbach de participer
au duel. Olga, comme sa sœur, accepte très passivement d'être la directrice du
lycée qu'elle y a bien travaillé qu'elle sache que devenir maîtresse méritée et
devenir plus occupé équivaut à oublier d'aller à Moscou.

222
Se rendre aux conditions et ne rien faire est le trait même de la plupart des
personnages de Tchékhov. Les pièces de Tchekhov sont absurdes, leurs inquiétudes
sont ridicules et les l'observateur détaché doit avouer qu'ils sont stupides. (Troyat,
op,cit.,:157)

Tout le monde attend Godot qui est le signe avant-coureur de changement et


bonheur; mais ce qui rend leur vie ennuyeuse, ce n'est pas Godot lui-même ou en
attendant des figures de type Godot; à la place en attendant, ou comment ils
attendent l'attente est gênante. Par conséquent, tout comme Attendre Godot, attente
passive ou en d'autres termes '' attente seule '' car il y a rien d'autre à faire que
d'attendre, ou puisqu'ils ne peuvent rien faire sauf que l'attente qui est la cause du
sentiment d'ennui et de désespoir dans les pièces de Tchékhov et plus tard de
Samuel Beckett.

Andrei attend passivement pour un avenir vague dans lequel lui et ses enfants sont
libérés de l'oisiveté mais il ne tient pas compte de son rôle et de sa responsabilité
dans ce changement heureux. Ainsi, comme le dit Troyat: bien que '' la triste
comicité de la vie quotidienne '' soit le sujet des pièces de Tchékhov, Tchékhov la
traite avec une forte dose de comédie ou un sens des proportions mêlé à l'espoir
d'une vie meilleure à l'avenir. (Ibid.,:233)

Bien que, totalement épuisés par la vie actuelle, les personnages n'ont qu'un seul
choix, comme le dit Masha, ils «doivent vivre». Irina confirme également: «ils
doivent vivre» et «doivent travailler, seulement travailler» (Tchekhov, Les trois
sœurs, op,cit.,:222) . Le mot ''travailler'' a deux significations dans les pièces de
Tchékhov; quand il est recommandé au moment de l'épuisement extrême et du
désespoir, comme ici, c'est exactement ce que Tchékhov recommande souvent
mais il n'est jamais mis en action par les personnages et, tout comme la décision de

223
Vladimir et Estragon de déménager, reste tout aussi une suggestion menant à
l'inaction. L'autre signification de cela est exactement ce que les personnages sans
espoir sont impuissants à faire mécaniquement et habituellement pour occuper le
temps et comme cela est déduit dans les pièces de Tchékhov, ce genre de travail
élimine les dernières gouttes de vivacité des personnages et est identique au temps
qui passe sans rien faire.

Ne sachant pas la raison de vivre, ils doivent, absurdement, vivre. Ils doivent vivre
et rêver d'un avenir radieux et plein de bonheur. S'ils connaissaient la raison de
vivre, leur vie aurait plus de sens, même leur attente serait raisonnable et
s'accompagnerait sûrement de la joie de connaître le sens de la vie. «Si seulement
on savait, si seulement on savait», déplore Olga à la fin de la pièce. Philosopher sur
la vie, Olga reconnaît tristement qu'ils ne savent rien de pourquoi ils vivent et
pourquoi ils souffrent. Ainsi, la pièce se termine là où elle a commencé. Très
similaires au début de la pièce, inconscients de la philosophie de la vie, ils portent
absurdement le lourd fardeau de la vie et attendent passivement une figure à la
Godot qui les sauverait de l'enfer dans lequel ils vivent.

Ne faisant rien, attendant passivement une figure à la Godot et s'occupant de


problèmes philosophiques, la grande majorité des personnages de Tchékhov
subit le lourd fardeau du désespoir existentiel. Par conséquent, la cause même
de la déception de ces personnages est enracinée dans leur simple pensée, ou dans
la philosophie de la vie sans rien faire. Plus tard, Beckett très semblable à
Tchékhov, mettant l’accent sur la passivité et l’inaction des personnages, crée le
même sens dans ses œuvres, en particulier dans sa célèbre pièce absurde, En
attendant Godot, le paradigme du Théâtre de l’absurde .

224
Attendre Godot commence par Estragon disant: «Rien à faire» (Beckett, En
attendant Godot, op,cit.,: 7) Tout comme les pièces de Tchékhov, il n'y a rien à
être terminé; les personnages gaspillent leur vie à attendre des idéaux jamais
satisfaits, ou pour des désirs qui ne sont jamais satisfaits à cause de leur traits.
Ennui, désespoir, inaction, ennui, stagnation et par conséquent le désespoir sont les
caractéristiques mêmes de Tchékhov et plus tard chez les personnages de Beckett;
cependant, il y a une différence entre la représentation des personnages de
Tchékhov et Beckett. Tchékhov illumine l'humeur humaine, il démontre l'humain,
la passivité et son inaction; alors qu'il essaie sans cesse de transmettre que nous
devrait améliorer nos vies nous-mêmes, et qu'il y a beaucoup à faire. Gottlieb écrit:
« le noyau philosophique de sa comédie est celui d'un médecin qui sait qu'il existe
un remède - pourtant tout le monde est assis et se lamente maladie » (Gottlieb,
2000: 131)

Les pièces de Beckett, en revanche, sont exagérées forme de pièces comiquement


décevantes de Tchékhov. Les pièces de Tchékhov, surtout ses pièces majeures
parlent de l'attente passive et de la déception, alors que l’attente de Godot de
Beckett n’est pas une question d’attente, c’est incarnation de la déception et de
l'attente passive, elle-même. Attendre Godot ne raconte pas d'histoire; il explore
une situation statique.

Esslin avait raison en ce que les dramaturges du Théâtre de l'absurde ne se


demandent pas si le monde est absurde ou pas, et ils n'essaient certainement pas
de définir ce sentiment d'absurdité: ils le présentent simplement comme tel. (
Esslin, op,cit.,:17)

Vladimir et Estragon attendent tous les deux leur idéal, Godot. Ils n’ont rien à
faire sauf à attendre et à investir tous leurs espoirs en Godot, qui ne viendra pas

225
aujourd'hui mais sûrement demain. En attendant, ils acceptent le non-sens de la vie
pour passer le temps. Ils sont fatigués et sans espoir d'attendre Godot. Comme les
principales pièces de Tchékhov, le mécontentement des personnages et l'ennui avec
leur inaction est la source de la comédie dans cette pièce tragi-comique. Plusieurs
fois, ils décident de ne pas attendre et de quitter l'ennui et leur situation mais leur
décision sans aucun but logique, les conduisent à la bande dessinée et inaction
illogique. Ce ne sont pas des créatures heureuses; plusieurs fois ils pointent vers ce
fait qu'ils s'ennuient et sont malheureux et qu'ils devraient faire semblant d'être
heureux, jusqu'à ce que Godot vienne. Godot est le sauveur promis; ainsi ils vont
attendre que Godot vienne et sauvez-les de l'enfer dans lequel ils vivent. Ils ne se
sentent pas en sécurité d'être seul ou de garder le silence; comme des personnages
passifs dans Les Trois sœurs, elles essaient d'être les unes avec les autres et de
discuter tout le temps pour se sentir en sécurité de cet enfer, avant de rendre visite
à leur sauveur.

Ce qu'ils disent des voleurs cités dans la Bible, allégoriquement, est très raconter
leur situation. Vladimir dit à Estragon: «L'un des voleurs était enregistré. C’est un
pourcentage raisonnable. » (Beckett, En attendant Godot, op,cit.,: 8) Ils ne sont
pas sûrs de visiter Godot, mais pour eux cela vaut la peine de l'attendre. Ils ne sont
pas sûrs du nom de Godot; un temps il leur a promis de venir; Vladimir dit avec
hésitation: «Il a dit samedi. Je pense. » (Ibid.,: 10) Ils ne sont pas sûrs de rien;
même eux ne sont pas sûrs de l'endroit où ils devraient attendre pour le voir. C'est
vraiment comique qu'ils investissent ridiculement tout leur espoir en Godot dont ils
sont totalement incertains de sa venue. Comme l'affirme «de nombreux critiques
expliquent le travail de Beckett comme une forme de comédie philosophiquement et
théologiquement complexe, affirmant les valeurs de l'humour, du rire et de la
moquerie contre la souffrance et le désespoir». (Noudelmann, 1998: 111)

226
Ne rendant pas visite à Godot après avoir attendu passivement pendant une longue
période, Vladimir et Estragon sont fatigués et totalement désespérés de le voir et
décident de se pendre. Martin Esslin estime que, «selon eux, avec cette décision
«l'ennui de vivre est remplacé par la souffrance de l'être.» (Esslin, op,cit.,:44)
Mais tout comme les personnages de Tchékhov, leur décision ne mène pas à
l’action. Comme ils l’avouent, «il est plus sûr» pour eux de ne rien faire et
d’attendre déraisonnablement Godot. (Beckett, En attendant Godot, op,cit.,: 12)
Comme beaucoup de personnages de Tchékhov qui ne changent pas même après
avoir compris le vide de leur espoir; Vladimir et Estragon ne changent pas tout au
long de la pièce.

Le temps passe, tout change mais pas Vladimir et Estragon. Leur situation
inchangée et statique, à l’instar des personnages de Tchékhov, est due à leur
passivité et non au manque d’opportunités. Vladimir et Estragon démontrent le
degré excessif de passivité. Bien que la réflexion soit le niveau minimum d’action
significative, ils n’aiment même pas penser. Ils croient: «nous ne sommes plus en
danger de penser. . . Penser n'est pas le pire. . . . Ce qui est terrible, c'est d'avoir
pensé » (Ibid.,:41)

Pozzo et Lucky sont d'autres créatures de ce désert qui passent leur temps en vain.
S'ils étaient à la place de Vladimir et d'Estragon, ils se comporteraient de la même
manière. Lorsque Vladimir, ennuyé d'attendre, se dispute sur leur situation sans
cesse ennuyeuse, Pozzo l'encourage à continuer d'attendre Godot. La stratégie de
Pozzo pour remplir le temps en attendant est très similaire à celle de Vladimir et
Estragon. Comme eux, il prend à tort parler et rire pour de la vraie action.
L’incapacité de distinguer l’action de l’inaction est également le trait très frappant
des personnages de Tchékhov. Ils déplorent leur désir d'accomplir des actions,

227
mais ils ne font finalement rien; incapables d'agir, ils sont également «incapables
de déterminer ce qui constitue une action.» (Noudelmann, op,cit.,:54)

Tous les personnages se comportent mécaniquement juste pour prendre du temps et


obtenir à la fin de l'attente, tout comme les sœurs des arbres qui travaillent
mécaniquement pour passer le temps, pour se divertir en travaillant jusqu'à ce
qu'ils arrivent à la fin de la vie ennuyeuse. Comme le dit Estragon, «Rien ne se
passe, personne ne vient, aucun corps ne part, c'est affreux! » (Beckett, En
attendant Godot, op,cit.,:27) Vladimir et Estragon s'amusent à babiller des bêtises
et aussi penser à des absurdités. Ils se demandent pourquoi Lucky ne met pas dans
ses sacs qu'il tient bêtement tout le temps ou pourquoi il met les descendre en
dansant. Quoi qu'ils fassent, c'est pour le temps qui passe et pas vraiment une
action significative.

Ils sont condamnés à attendre mais qu'est-ce qui rend la situation intolérable est
leur passivité et leur stagnation? Leur oisiveté, parfois, les fait oublier pourquoi et
pour qui ils ont attendu. Ce que Beckett décrit est la condition des personnes qui
attendent passivement quelque chose; Beckett montre l'attente et ce qui se passe en
attendant, tandis que son accent est sur la façon dont les gens peuvent passer le
temps absurdement à attendre leurs idéaux. Par conséquent, c'est leur passivité qui
est la source de toutes leurs souffrances, ennui et déception et pas simplement
«attendre l'idéal». En attente de Godot, rencontrer Godot est le but ultime, mais
dans En attendant Godot le message n'est pas si important pour Vladimir et
Estragon. Tout ce qu'ils font est une attente passive; ou en d'autres termes attendre
sans accepter leur responsabilités, qui ressemblent beaucoup aux Trois Sœurs de
Tchékhov dans lesquelles presque tous les personnages attendent passivement de
rencontrer leurs idéaux.

228
Le garçon, dans l'acte I, leur dit:

«M. Godot m'a dit de vous dire qu'il ne le ferait pas, il ne vient pas ce soir, mais
demain, maussade. » (Ibid.,: 33)

et demande de lui donner un message s’ils en ont pour M. Godot. Comme


Tchebutykin dans Les Trois sœurs qui n'est pas sûr de son existence.

Vladimir et Estragon lui demande simplement de dire à M. Godot qu'il les a vus.

Il dit que:

« je ne sais pas quoi faire; Vladimir reconnaît qu'ils n'ont rien plus à faire et
Estragon lui assure que «ni nulle part ailleurs». (Ibid.,:34)

Cependant, ils décident d'y aller et de revenir demain; cependant, ils savent tous
qu'il n'est plus raisonnable d'attendre, comme le dit la mise en scène, mais ils ne
bougent pas, car ils n'ont rien d'autre à faire que d'attendre.

Aucun signe de changement n'est visible chez Vladimir et Estragon au deuxième


acte alors qu'il semble que beaucoup de temps s'est écoulé et que l'arbre nu a
maintenant des feuilles.

Ainsi, leur deuxième effort pour se suicider en attachant la corde aux branches de
l'arbre vivant est paradoxal: Il est paradoxal que les clochards jouaient avec l'idée
de se pendre à la seule chose vivante autour de l'arbre.

Tout est dynamique autour d'eux, le temps s'écoule, l'arbre pousse des feuilles
mais elles sont statiques, et pas en harmonie raisonnable avec d'autres choses.
Comment est-il possible qu'ils espèrent un changement pour une vie meilleure à
l'avenir sans se changer eux-mêmes et leur situation; sans rien faire? C'est une

229
question cruciale dans les pièces de Tchékhov et Beckett et nous pouvons
considérer l'influence de Tchékhov sur Beckett.

III.1.4 Problème de la vie absurde

Pour passer le temps, Les héros décident de se contredire, de se poser des


questions qui ne mènent nulle part. Ils sont tous les deux conscients de leur
passivité et de leur vie ennuyeuse; ils sont conscients que tout ce qu'ils qualifient
de «faire» n'est rien d'autre que des bavardages et des absurdités. Se demandant ce
qu'ils ont fait la veille, tous deux déclarent qu'ils n'ont rien fait et qu'ils ont passé le
temps en vain. Dans le deuxième acte de la pièce, ils sont beaucoup plus fatigués
d'attendre Godot qui viendrait, peut-être, demain. Ils sont même fatigués de
respirer. Attendant longtemps, et plus déçus qu'avant, ils essaient de passer le
temps plus ridiculement; c'est ce que souligne Vladimir: «comment le temps passe
vite quand on s'amuse!» (Ibid.,:49) Dans cet acte, ce qui les aide à passer le temps,
c'est de jouer avec les mots. Ils chantent, répètent des mots et des phrases sans
cesse, ils se moquent des mots, ils jouent le rôle de Pozzo et Lucky et jouent aussi
avec des phrases. Une autre stratégie qu'ils emploient pour passer le temps est le
rêve. Vladimir et Estragon recourent au rêve pour échapper à leur situation actuelle
insatisfaisante, terne et étouffante. Estragon dit à Vladimir qu'il rêvait d'être
heureux; le bonheur est ce qui leur manque totalement dans leur vie et, comme le
croit Beckett, rien n'est plus drôle que son absence. C'est sans comme le rêve des
sœurs et le frère de Tchekhov dans Les Trois sœurs.

La seconde venue de Pozzo, qui a désespérément besoin d'aide pour se lever,


donne une nouvelle lueur d'espoir à Vladimir et Estragon pour faire quelque chose
pendant qu'ils en ont la chance. Mais encore une fois, leur décision d'agir conduit à
l'inaction. Après avoir longtemps bavardé sur leur vie fastidieuse et sur l'histoire

230
répétée de Caïn et Able, ils prennent à nouveau conscience de Pozzo et de ses
appels incessants à l'aide, qui ont vraiment besoin de leur aide pour se lever.

Après avoir aidé Pozzo, le sujet de leur discussion se transforme en un autre


infructueux concernant le temps et le lieu; c'est encore un non-sens, puisque le
temps et le lieu sont indescriptibles pour eux. Pozzo qui est aveugle les interroge
maintenant sur l'endroit, Vladimir répond que c'est indescriptible et que «ça ne
ressemble à rien». (Ibid.,; 55) Leur ignorance du temps et du lieu renforce la
passivité et l'inaction de ces personnages et bien plus encore.

La représentation de Beckett de en parlant de l'attente passive nous mène à savoir


les idées absurde de Beckett. Ce n'est pas plutôt que de simplement ''attendre'',
Godot.

La seconde venue du garçon qui ne se souvient pas de Vladimir et Estragon et


d'autre part avec le message répété que Godot ne viendra pas aujourd'hui, mais
demain mettra sûrement les personnages usés sur le au bord de se suicider pour la
deuxième fois. Mais encore une fois leur décision d'agir de manière comique mène
à l'inaction parce que ces personnages passifs n'ont pas assez de corde pour se
suicider. Alors, Vladimir le reporte à demain, à moins que Godot ne vienne; et s'il
vient, ils seront sauvés. Ils décident de partir et de revenir demain; tous les deux
d'accord mais encore une fois comme scène la direction lit, ils ne bougent pas. La
philosophie de vie de Vladimir et Estragon est très similaire à la philosophie de la
plupart des personnages de Tchékhov, il discute: « nous n'avons pas plus à
attendre, donc nous ne resterons pas. » (Ibid.,:141)Ce n'est pas ce qui est attribués
à Vladimir et Estragon, en revanche, ils croient: «nous restons, donc nous devons
attendre quelque chose. » ( Ibid.,:143)

231
En d'autres termes, ils restent, ou comme le disent Olga et Masha dans Les Trois
sœurs, elles '' doivent vivre '' car il n'y a rien d'autre à faire, ou l'attente est la seule
chose qu'ils peuvent faire.

III.1.5 la passivité des personnages

Beckett, tout comme Tchekhov, démontre la passivité; bien que la cause de la


passivité soit différente et par conséquent elle conduit à des résultats différents.
Tchekhov croit en un avenir radieux et propose zélé travaillant comme le remède
guérissant la maladie maligne du passif des personnages absurdes, tandis que
Beckett n’offre aucune suggestion. En outre, Le drame de Tchékhov est beaucoup
plus proche de la réalité que celui de Beckett. «Tchekhov illumine et démontre
l'absurdité humaine mais dans un contexte essentiellement réaliste » (Gottlieb,
op,cit.,:237)Cependant, dans En attendant Godot, tout comme les pièces majeures
de Tchékhov, la passivité et l'inaction ou, en d'autres termes, attendre passivement
des figures à la ''Godot '' est le thème principal de la pièce qui mène à la déception
ultime. Beckett, comme Tchékhov ne dose pas l'intrigue au premier plan mais
décrit le désespoir de l'homme humeur et situation. Ce que Tchekhov crée, c'est
à propos de l'attente passive tandis que ce que Beckett a crée est une «attente
passive» elle-même.

232
Chapitre 2. Le théâtre de Tchékhov et Radi

III.2.1 Influence de Tchékhov sur Radi

L'écrivain et dramaturge russe Anton Tchékhov a joué un rôle déterminant dans le


développement de la littérature mondiale, y compris en Iran. De nombreux
critiques et réalisateurs de théâtre iraniens pensent qu'Akbar Radi a été influencé
par ses œuvres. Anton Tchékhov et avec l'expansion de ses réalisations, a écrit des
pièces uniques et originales. Nous allons examiner dans ce chapitre les
caractéristiques générales des pièces de Radi et Tchékhov tout en comparant les
différences et les similitudes.

Les généralités de leurs œuvres offrent implicitement la possibilité de prouver


l'influence des pièces de Tchékhov sur le monde de l'art de Radi, ce qui peut être
un moyen efficace de comprendre plus précisément les œuvres des deux auteurs et
de clarifier les aspects qui se trouvent dans leurs pièces. Puisque l'écriture
dramatique en Iran est loin d'être une analyse sérieuse au niveau mondial, en
comparant les similitudes dans les pièces d'Akbar Radi nous pouvons analyser les
pièces de théâtre d'Anton Tchékhov, qui sont de renommées mondiales, nous
allons essayer de défendre le droit d'écrire des pièces de théâtre en Iran à une
échelle plus large que nous ne l'avons vu, et de refléter les idées du monde.
Examinons les œuvres originales d'un écrivain iranien. L'une des caractéristiques
les plus importantes des œuvres des deux auteurs est la tendance des deux à
explorer les héros des héros et leurs efforts pour trouver leur place dans la société,
l'isolement et la solitude de l'homme contemporain et son opposition au monde qui
l'entoure.

En étudiant les pièces d'Akbar Radi, nous nous familiarisons avec un monde
subtilement proche du monde des pièces de Tchékhov. Cependant, de nombreux

233
critiques et directeurs de théâtre reconnaissent cette similitude et ils ont mentionné
Radi avec Tchékhov, mais ils n'ont jamais mentionné les similitudes et les
différences entre leurs pièces, ou n'en ont mentionné qu'une ou deux mais pas
plus. La plupart des critiques publiées sur la pièce ont été publiées. Les œuvres
d'Akbar Radi ont été dans la presse à l'occasion de l'exécution ou de la publication
de ses œuvres de son temps. Le point de vue de ces critiques porte principalement
sur l'interprétation d'une pièce mal placée par le metteur en scène et le jeu des
acteurs, etc., mais dans ce travail est basé sur l'examen des caractéristiques des
pièces d'Akbar Radi et leur comparaison avec les pièces d'Anton Tchékhov. Cette
recherche est une perspective d'analyse et de recherche.

III.2.2 les techniques dramatiques des deux dramaturges

Si nous voulons comparer les techniques dramatiques d'Akbar Radi à celles de


plusieurs autres auteurs dramatiques dans le monde, nous le rapprocherons d'Ibsen,
Tchékhov et O'Neill". Kupal a dit à propos de l'écriture dramatique de Radi: Je
vois. Ces deux dramaturges célèbres dans leurs œuvres ont montré des aspects
particuliers des crises de la société moderne et ont partagé leur public dans le sort
orageux des personnages de leurs œuvres.» ( Talebi, op,cit.,:183)

La meilleure preuve en est peut-être les paroles de Radi lui-même. Il écrit de cette
ressemblance: «Dans certaines de mes pièces, il y a une ombre artistique, Peut-
être une séquence russe. Et c'est certainement l'ombre de Tchékhov ... mais
pourquoi Tchékhov? ... Je ne sais pas. Peut-être à cause des états mentaux
communs, peut-être à cause de la similitude des conditions historiques et de la
situation géographique, Pluie, brouillard, forêts et mer des deux climats, peut-être
en raison de l'adaptation des périodes de transition et de l'homogénéité du dessin

234
et du comportement des figures typiques de Gilan et de Crimée, et peut-être pour
les trois raisons. (Ebrahim Amiri, op,cit.,:87)

De nombreux écrivains, critiques et réalisateurs, tels que Mohammad Ali


Jamalzadeh, Jalal Al-Ahmad, Bahram Beizai, Hadi Marzban, Qutbuddin Sadeghi,
etc., dans leurs lettres ou critiques, revoient les pièces d'Akbar Radi. Et certains
d'entre eux ont évoqué les similitudes entre les pièces de Radi et de Tchekhov,
mais aucune d'entre elles ne fait l'objet de différences, de similitudes et d'affectivité
en général. Dans ce travail, nous allons essayer de résoudre ce problème.

Les personnages de la pièce de Tchekhov, bien que de classes différentes, parlent


de points communs et sont des membres ordinaires de la société.

Malgré la diversité des personnages de Tchékhov, ils ont tous les caractéristiques
des gens moyens et ordinaires. Le fait que la diversité sociale des héros de
Tchékhov est vaste et que Tchékhov ne devrait pas l'être, écrit Kataïev, seul le
descripteur d'une classe ou d'une classe particulière est considéré comme réaliste.
Tchekhov essaie de regarder des gens de classes et d'âges différents avec une
même vision et la même compréhension. Il essaie de trouver une loi claire pour le
statut de l'homme de la classe moyenne. (Tajvar,op,cit.,:102)

Bokovsky commente également les personnages créés par Tchékhov: Tchékhov n'a
laissé aucun personnage russe - ni les capitalistes, ni les propriétaires fonciers, ni
les paysans, ni les gens du commun, il a omis toutes les classes. Les généraux, les
militaires et les civils, des voitures et des serviteurs, des professeurs aux
lieutenants et aux commerçants, ont parlé de toutes leurs forces de chaque strate.
(Ibid.,: 109)

Dans ses pièces, Radi, comme Tchékhov, traite de toutes les classes et couches de
la société, du paysan et de l'ouvrier au propriétaire et au marchand, du médecin et
235
l'écrivain et le professeur au serviteur et au domestique et désigne des personnes
ayant des caractéristiques et des situations sociales, économiques et d'âge
différentes.

En ce qui concerne l'influence de Tchékhov sur Radi dans la création des


personnages de ses pièces, Mousaei estime que: Les hôtes et les personnalités qui
existent sont les employés, les paysans, les seigneurs, les ânes, la bourgeoisie, les
pauvres et les pauvres, les ouvriers, etc., comme les personnages que Tchékhov
utilise dans ses œuvres. (Cité in Ibid.,: 123)

III.2.3 Les héros mécontents

Les héros mécontents des pièces de Radi dépeignent un autre monde dans leurs
rêves. Dans la pièce Sauveur sur un matin humide de Katayoun, l'épouse de
Mahmoud Shayegan, le protagoniste de la pièce, est mécontente de sa vie en Iran
et rêve de vivre à l'étranger, ou le protagoniste lui-même est mécontent de sa vie de
famille. Il est mécontent et préfère l'environnement fermé de son bureau aux
conditions de sa vie de famille Et bien sûr, on peut voir ce mécontentement chez
les héros de Radi surtout dans Mort à l'automne quand la fille est retournée chez
ses parents.

Dans la pièce de Tchékhov La Cerisaie, Luif André Yuna est mécontent de ses
conditions de vie: "C'est stupide, c'est honteux."

La vie parasite de l'aristocratie russe la prive du pouvoir et de la capacité de faire


n'importe quoi. Guy Hack a plus de 50 ans, toujours en attente d'un gros héritage,
et aime donner Anya à un homme riche: Comme tu es bon. Nous avons hérité de
quelqu'un, à quel point ce serait bien de donner Anya à un homme riche, à quel
point ce serait bien d'aller à Yarslawal et d'apporter le bonheur à tante John

236
Grafinia. Ils Nous cherchent, après tout, la tante qui est très riche. (Yahyapour,
Karimi Motahar, 1995: 18)

La raison du mécontentement des héros de Tchékhov et Radi peut être attribuée à


leurs rêves, dont chacun cherche le bonheur et rêve d'une vie meilleure; par
exemple, dans Les Trois sœurs, l'espoir pour l'avenir est meilleur. Les sœurs ne
cessent de parler de Moscou, même si elles n'y vont jamais.

Ignatov considère le désir de ces sœurs comme le symbole et le signe d'un rêve
inaccessible auquel l'âme des personnes souffrantes est attirée pendant les
périodes de souffrance et de détresse. (Cité in Ibid.,:24)

Les personnages et les héros de Radi souhaitent également un avenir meilleur.


Astiana, l'une des personnages féminine de la pièce de Radi Saveur dans le matin
humide, espère pour l'avenir:... j'ai rêvé d'un jour devenir un écrivain indépendant
et professionnel. Ecrire pour les personnes démunies, désespérées et violentes, leur
donner de l'espoir et leur faire connaître les subtilités de la vie. Vivre avec joie et
humilité et croire en la bonté, la pureté et la beauté. "J'ai choisi mon
lendemain".(Radi, Saveur dans le matin humide, 2003:65)

Dans la plupart des pièces de Tchékhov et Radi, nous ne voyons presque aucun
personnage absolument noir ou blanc, même ceux qui agissent cruellement. Ce
sont des êtres humains avec toutes les bonnes et mauvaises caractéristiques que
chaque être humain peut avoir, avec les mêmes forces et faiblesses, beauté et
laideur, et fondamentalement nous pouvons considérer cette caractérisation
classique commune "positive et négative" dans les œuvres de Tchékhov et Radi.

Tchékhov ne traite pas des personnages idéaux dans ses œuvres, contrairement à la
plupart des écrivains, ses œuvres n'ont presque pas de personnages idéaux. Les
personnages de ses histoires et pièces ne sont ni cent pour cent positifs ni cent pour
237
cent négatifs. Ce sont des «anges» et non un «diable» à cent pour cent. En
décrivant les personnages de son travail, Tchékhov mentionne également les
aspects positifs, ainsi que les aspects négatifs. Les personnages de La Cerisaie sont
Luif, Andrei, Yuna Ranfskaya, son frère, Lee, Anid Andreyovich Gayev, Anya.
Luif Andrei Yuna Ranfskaya, Yermalay Alexei-Yevich Lapakhin, Peter (Petya)
Trafimov, sont "maladroits d'un côté" et ont des caractéristiques positives de
l'autre. ( Yahya Pour, Karimi Motahar, op.cit.,:105)

En examinant la pièce La Cigale de Tchékhov et Sauveur dans un matin humide


de Radi, nous constatons que les personnages sont d'un type commun. Ces deux
pièces concernent des êtres humains dont le caractère et le destin sont
indissociables de l’art et de l’amour. En fait, les deux pièces abordent
explicitement la question de l’art, son importance et sa place dans la vie et le destin
de l’artiste dans la société. Dans la pièce La Cigale, la vie dans la vie réelle est que
les protagonistes de la pièce, malgré tous leurs efforts, sont contraints d'accepter la
défaite, leurs pensées en opposition aux circonstances qui les conduisent à l'échec.
Terpelf se suicide après avoir échoué dans le domaine de l'art et de l'amour, et Nina
Zarchnaya, malgré sa persévérance et ses efforts pour réaliser ses rêves, devient
frustrée et déçue. La caractéristique des personnages de Radi et de Tchékhov nous
montre parfois une qualité absurde.

Le destin de Shaygan dans la pièce Sauveur dans un matin humide, en tant


qu'écrivain intellectuel dans une société autoritaire, est au cœur, dont les activités
artistiques ont inévitablement été sous le contrôle de la censure de son temps.

Dans la pièce de Radi, comme La Cigale de Tchékhov, le protagoniste de l'auteur


est pris au piège du destin et choisit la mort en perdant sa popularité dans la

238
société et la désintégration de sa vie de famille, se livrant ainsi involontairement
à son destin, Être.

Le mode de vie des jeunes héros de Sauveur dans un matin humide - Astiana et
Heshmati - et le père dans La mort à l'Automne, rappelle quelque peu la vie des
jeunes héros de la pièce La Cigale Konstantin Terlf et Nina Zarchnaya. Et le
succès commence sur son chemin, mais alors la vie se passe avec son visage
malheureux et militant, et finalement, alors ils décident d'un sort désagréable pour
eux. Nina, après la défaite, avec la foi qu'elle se retrouve elle-même et son talent,
pense qu'avec cette foi, elle ne sera pas blessée.

Astiana, Majd, journaliste au journal Arman, bien que sous la poursuite de


SAVAK continue d'encourager Shaygan à se battre et à croire en son travail, et
Heshmati, un photographe du journal Arman, est tué dans une opération suicide.

Shaygan, comme mentionné ci-dessus, choisit la mort comme Trepelf, mais d'un
autre côté sa position et son caractère peuvent être comparés à Trigorin, le
personnage de Tchékhov, tout comme Trigorin qui est comparé à Tolstoï et Zola.
Ils le comparent et beaucoup le mettent après Tourgueniev. Shaygan est aussi le
père du théâtre iranien et, comme Trigorine, écrit tout ce qu'il voit et entend dans
son cahier.

Mais Trigorin, en tant qu'un homme sans espoir et absurde dit dans La Cigale: Je
vois ici un nuage qui ressemble à un piano. Je pense à moi-même. Permettez-moi
de parler d'un nuage qui flotte dans le ciel et qui ressemble à un piano. L'odeur du
tournesol vient. J'écoute immédiatement le pendentif: une odeur très désirable, la
couleur d'une veuve (Tchekhov, La Cigale, 1998: 29)

Mais la vie de famille de Shaygan, personnage essentiel du livre de Radi, en tant


qu'intellectuel dont les pensées sont en conflit avec le monde rude qui l'entoure, sa
239
solitude dans la famille, son manque de compréhension de sa femme et de son
épouse, l'effondrement de ses idées idéalistes sur le théâtre et le théâtre, et enfin
son suicide, avec une arme à feu, tout cela nous rappelle la vie et le destin
tragiques de Terlf. Ses lecteurs sont curieux de connaître son âge et son
apparence.

Trigorin (adressée à Terlpf) ... Tant à Saint-Pétersbourg qu'à Moscou, les gens
s'intéressent à vos œuvres, ils ne cessent de me poser des questions sur vous, ils
posent des questions sur votre apparence, quel âge avez-vous? Vos cheveux sont-
ils noirs ou blonds? Pour une raison quelconque, tout le monde pense que vous
n'êtes plus jeune. Personne ne connaît votre vrai nom de famille. Parce que vous
publiez toujours votre travail sous un pseudonyme. Vous êtes comme un homme en
fer un homme secret. (Ibid.,:52)

III.2.4 Le dénouement désagréable pour les héros de Tchékhov et Radi

D'autres similitudes entre les pièces de Tchékhov et Radi incluent des fins
désagréables avec les héros espérant un avenir et une vie meilleurs, bien que
les pièces de Tchékhov et Radi soient des fins communes dans leurs pièces, ils
n'ont pas les œuvres classiques qui se produisent après une série d'événements et
de catastrophes, mais il y a toujours des étincelles d'espoir et de désir en eux, et
l'homme attend toujours le changement en eux et demain et demain. Il serait
mieux, même si ce changement est dans un avenir lointain. (Yahya Pour, Karimi
Motahar, op.cit.,:110) Par exemple, quand Olga dit dans Les Trois sœurs à propos
de leur décision de rester et de ne pas émigrer: "Oh mes chères sœurs! La vie n'est
pas encore finie et nous continuerons ! (Tchékhov, Les Trois sœurs, op.cit.,:188)
Malgré la vente du jardin et tout perdu, Anya dit à sa mère: "... Un autre jardin est
perdu, c'est vrai, c'est vrai, mais maman, ne pleure pas, tu es toujours en vie. Il

240
vous reste un cœur pur et bon ... Allons-y ensemble, ma chère, partons d'ici! ...
Nous allons construire un nouveau jardin, vous verrez plus beau que ce jardin,
vous voudrez du bonheur, il a compris .... ( Ibid)

Ou dans la pièce de Radi Déclin, quand Mercedeh réconforte sa femme: «Nous


commençons nous-mêmes. »(Radi, Déclin, 2004, p. 267), ou la réponse de Gol
Khanoum dans la pièce de Radi Mort à l'automne quand Moluk lui demande à
propos de demain:

«Tourne la tête ce soir, demain sera une bonne leçon, mon âme sera une leçon. »
(Radi, Mort à l'Automne, op.cit., p. 78), bien qu'elle soit accompagnée de chagrin,
mais il y a des signes d'espoir pour un avenir meilleur en eux.

En d'autres termes, pour beaucoup de pièces de Radi et Tchékhov, on peut


imaginer une double fin: d'une part, elle s'accompagne de chagrin, de séparation,
de suicide ou de rêves insatisfaits (triste fin), et d'autre part, il se mêle d'espoir pour
l'avenir et de dessin d'un plus beau demain (joyeux fin), qui est l'un des plus beaux
traits des pièces de ces deux auteurs.

La fin de La Cigale s'accompagne d'une part de la mort de Terploff et d'autre part


des propos de Nina sur la "foi" qui, après de nombreux hauts et bas et après
diverses souffrances et confusions, à sa profession, elle trouve l'espoir et l'utilise
comme une motivation positive pour commencer une nouvelle vie.

Dans La Cerisaie, les derniers mots d'Anya et Petya sont les suivants:

Anya: Au revoir à la maison, au revoir à la vie passée!

Trafimov: Bonjour, nouvelle vie! ... (Tchékhov, Les Trois sœurs, op.cit.,: 112)

241
Après avoir vendu le jardin, ils oublient même d'emporter avec eux la vieille
femme de chambre "Fiers", symbole de la vie passée.(Cité par Yahya Pour, Karimi
Motahar, op.cit.,:217)

Dans Déclin le dernier dialogue de Mercedeh avec son mari est le suivant:

"Mercedeh: Maintenant nous y allons, nous allons commencer une nouvelle vie
pour nous-mêmes:

Jahangir: Mais toi ... Mercedeh, regarde-moi cette nuit pluvieuse: j'ai commencé
les mains vides.

Mercedeh: Tu as essayé, bébé.

Jahangir: J'ai commencé les mains vides, et peut-être ... c'était mon erreur.

Mercedeh: Ne parlez plus.

Jahangir: Oui, nouvelle vie! » ( Radi, Déclin, op.cit.,: 97)

Le monologue final de Sonia dans Oncle Vanya est le suivant: "... Oncle, doux
oncle, nous verrons une vie brillante, belle et belle, nous serons heureux et nous
regarderons diverses souffrances avec pitié et un sourire, et nous trouverons la
paix » (Tchékhov, Oncle Vania, op.cit.,: 115)

Amiri, dans son article Passer de l'amant à l'amour, écrit à propos de la fin de la
pièce Sauveur dans un matin humide de Radi: "Dans ce travail, la plume de Radi
est expérimentée et impitoyable pour fendre les entrailles. Ce qui est censé montrer
de la colère ou de la haine, en surmontant l'atmosphère émotionnelle absolue et en
traînant le lecteur de ce couloir vers ce couloir sombre ou clair et les angles
inconnus des personnages de sa pièce, Radi le surmonte. Le lecteur ou le
spectateur du "sauveur" croit et souhaite que, par exemple, Katayoun reprenne ses

242
esprits et ne commette pas toute cette dépravation dans la lutte contre Shaygan, et
maintenant qu'il a ramené les agents SAVAK chez lui, il n'est plus vendu aux
enchères. Ne pas déplacer Shaygan, et maintenant cela ... mais le dieu de l'art a
voulu que la création de l'œuvre soit complète et suffisante. Le lecteur souhaite que
quelque part le cœur de Katayoun ou Talaei soit à plaindre ou que ces voyous
reviennent à la raison, mais le maître de l'art Veut que les deux continuent leurs
crimes " (Amiri, Journal de ''Etelaat'', 1995)

Comme on l'a dit du «sauveur», dans les œuvres de Radi et Tchékhov, souvent ce
que le lecteur ou le spectateur imagine et attend, ne se produit pas. C'est
exactement ce que nous pouvons considérer chez les personnages des auteurs
absurdes, comme Beckett.

Dans leurs pièces, Tchékhov et Radi montrent aux lecteurs les causes de la
misère et du désespoir humain, des causes invisibles mais précises et
profondes, et la manière dont le sort leur revient. Des facteurs qui mènent au
mécontentement et au malheur des personnages de leurs pièces, et lorsqu'ils
cherchent un moyen de s'échapper, ils tombent dans des fantasmes et finissent par
tomber en ruine et en destruction. Ils montrent, tous les deux, l'absurdité de la vie
et le destin de l'homme.

Dans les pièces de Radi, y compris Saveur dans un matin humide et Mort à
l'Automne, la plupart des personnages poursuivent des objectifs sans fondement et
laxistes pour échapper à l'effondrement et à la destruction, et ce sont les croyances,
les perceptions et les attitudes des protagonistes eux-mêmes. Ce qui les conduit à
l'abîme de la chute et de la destruction.

Palutskaya concernant les héros de Tchékhov dit: Les héros de Tchékhov paient
le prix de leurs efforts constants pour trouver un sens à leur vie privée ratée.

243
Mais cet effort ne nous fait pas peur, mais plutôt notre sympathie pour cela. Il n'y
a pas de gens heureux dans le monde de Tchékhov, mais à la place il y a des gens
explorateurs et réfléchis dont les pensées sont souvent dirigées directement vers
nous. (Cité par Yahya Pour, Karimi Motahar, op.cit.,:256)

Des rêves simples et naturels, mais hors de portée, se retrouvent non seulement
dans les pièces de Tchékhov, mais aussi dans les œuvres de Radi, des rêves
simples qui semblent facilement accessibles et n'ont même pas besoin de lutter.
Mais ils ne se réalisent jamais. Comme les sœurs se rendent à Moscou dans la
pièce Les Trois sœurs, cela ressemble plus à un rêve symbolique, ou au rêve de
Mashdi dans la pièce Mort à l'Automne Radi Aller en ville et voir le garçon
infidèle, ce qui n'est jamais possible.

Les gens de Tchékhov chantent constamment, et parce qu'ils souffrent tous, de


graves crises mentales et sont dans une situation précaire, ils ont parfois des
conversations non pertinentes et peu intelligentes, qui semblent être un dialogue.
Cela s'arrête aussitôt, mais comme mentionné, ces conversations
apparemment hors de propos montrent leur solitude, leur flétrissement et leur
désespoir.

Tchékhov montre avec une habileté extraordinaire que la situation de la société


russe à la fin du XIXe et au début du XXe siècle est différente. L'auteur montre
l'atmosphère d'incompréhension des personnages de générations différentes les uns
des autres. Il semble que les personnages souffrent mentalement et
psychologiquement d'une sorte d'absurdité et ils sont sourds. Ils sont tellement
absorbés par leurs malheurs et leurs échecs qu'ils ne se parlent même pas.
Comme ce que nous avons dans le manque de communication des héros de
Beckett. Par exemple, dans la première scène, quand Ranfskaya parle sur scène,

244
Pas un seul mot de ses paroles n'a pas de sens: "Je suis très heureux que la tournée
soit toujours vivante, mais on lui répond:" Hier " ou bien Lapakhin dit: "Une
décision finale doit être prise ... Êtes-vous d'accord - si la terre doit être divisée ou
non ..." Mais Ranfskaya répond: "Qui a fait l'odeur des cigarettes dégoûtantes
ici?" (Tchekhov, La Cerisaie, op.cit.,:215)

Les personnages de la pièce semblent se parler, mais dans la pratique, ils ne


s'écoutent plus, et chacun d'eux parle de problèmes et parlent de leurs
préoccupations. Les jardiniers (Charlotte Ivanona) se sentent seuls: "J'ai vraiment
envie de parler à quelqu'un, mais qu'importe ... je n'ai personne!" (Ibid.,:278)
Chacun des personnages du jardin à l'intérieur Lui-même n'est pas satisfait de la
vie

Mais les œuvres de Radi n'ont pas une telle caractéristique, et les dialogues ont
leur propre cohérence et connexion logique, et sont disposés de telle manière que
chaque personnage donne exactement d'autre réponse.

Les personnages de Tchékhov et Radi ont compris la nécessité d'un changement


dans leur vie, mais ils ne sont pas en mesure de s'adapter aux nouveaux
changements, et c'est la raison la plus importante de leur insatisfaction. Par
exemple, inviter et persuader Shaygan, Astiana dans la pièce Sauveur dans un
matin humide de Radi qui veulent accepter les changements dans leur vie, mais ils
ne peuvent pas. C'est un signe d'acceptation d'un changement dans le
comportement et le mode de vie de Shaygan, mais cela n'arrive jamais.
Changements que les êtres humains de Radi et Tchékhov se rendent compte de leur
besoin, mais ils considèrent que c'est un désir hors de portée, qui peut être
applicable dans le futur, mais pas à présent.

245
Astrof, le héros de Tchékhov dans Oncle Vanya parle de la vie qui n'a pas de sens
''Ceux qui vivront après cent ou deux cents ans après nous, ceux qui nous
humilieront pour vivre nos vies si stupidement et sans goût, peut-être que Ils
peuvent trouver un moyen d'en être heureux, mais nous ... '' (Tchékhov, Oncle
Vanya, op.cit.,: 108)

Une autre caractéristique des pièces de Tchékhov et Radi est la façon dont les
héros gèrent le travail et l'activité. Le travail et l'effort ont une place particulière
dans la vie des personnages de Tchékhov. Ils voient l'ennui au travail. Selon Luif
Andre et Yuna Ranfskaya, Varya a l'habitude de se réveiller et de travailler, et
sans travail, elle est comme un poisson sans eau. Dans Les Trois sœurs, Irina
travaille à la sortie de la pauvreté. Luif dit: ''Il faut que ça marche, ça marche.
Nous en sommes tristes et nous regardons la vie si ennuyeuse que nous ne
connaissons ni le travail ni l'effort. Nous sommes nés d'êtres humains qui
méprisaient le travail et l'effort " (Tchékhov, Les Trois sœurs, op,cit.,:138)

'' Nous devons juste travailler et aider ceux qui cherchent la vérité de toutes nos
forces, dans notre pays, en Russie, il y a très peu de gens qui travaillent en ce
moment ", a déclaré Trafimov. ''La plupart de ces intellectuels que je connais ne
cherchent rien, ils ne font rien et ils ne sont toujours pas capables de faire quoi
que ce soit.'' (Cité par Yahyapour, Karimi Motahar, op.cit.,: 81)

Les êtres humains de Tchékhov ont une conviction commune que le bonheur et la
prospérité ne sont possibles que par le travail et l'effort, mais le travail et l'activité
sociale sont un moyen pour les êtres humains d'atteindre le succès matériel et
social. Comme Bulbul dans Les Escaliers que pour de grosses sommes d'argent et
vend sa conscience pour la fortune.

246
III.2.5 Le thème de la mort chez Tchékhov et Radi

Un autre thème commun des pièces de Tchékhov et Radi est la mort, que les héros
choisissent comme dernier moyen de salut. La «mort» est un moyen pour les
humains de Tchékhov et Radi de s'échapper. La vie dans les pièces de théâtre de
ces deux dramaturges est cruelle et destructrice. Ceci est très clairement compris
dans les mots de Sonia (Oncle Vanya): "Nous allons nous calmer ...", Oncle Vanya
a l'intention de se suicider, Tarlf (mouette) Shaygan (le sauveur dans un matin
humide), dont la famille l'a abandonné et la presse a lancé une guerre à grande
échelle contre lui, se retrouve également dans une crise mentale. Suicide, Milani
(Déclin) qui n'a pas pu épouser Farangis et d'autre part est présenté comme un
traître par la conspiration du père Farangis, se suicide seul. David, qui est un
homme qui aime s'amuser, à la fin de la pièce. Le sourire glorieux de M. Gill. Il se
suicide en plaçant un canon sur son front.

Il faut ajouter que dans la plupart des pièces de Radi nous pouvons considérer la
mort des personnages à la fin de chaque acte.

III.2.6 les personnages intellectuels chez Radi et Tchékhov

Créer une personnalité intellectuelle est l'une des principales préoccupations de


Tchékhov et Radi. Rezaei Rad écrit sur la morphologie de la personnalité
intellectuelle dans les œuvres de Radi: «Le héros principal que Radi est un
intellectuel rebelle et blessé. Cette personne peut être qualifiée d'intellectuel
idéaliste - car cet aspect de l'idéalisme est tout à fait évident chez les héros de la
première catégorie de ses œuvres - mais l'expérience des dernières décennies nous
a montré que l'idéalisme politique, la simplicité peut se retourner contre elle-même
et conduire à l'échec, et c'est une expérience que l'intellectuel de la troisième
période des œuvres de Radi comprend bien, et nous empêche donc de choisir le

247
titre d'intellectuel idéaliste. Le conflit entre l'idéal et la réalité a laissé une
blessure incurable dans le corps de l'intellectuel de Radi. Le premier intellectuel
blessé de Radi, un professeur nommé Anoush, est dans "Trou Bleu". Radi suit
l'évolution de ce personnage dans ses autres pièces. Dans "Aqul", il est un
ingénieur idéaliste nommé Jahangir Meraj, qui cherche des changements dans la
structure traditionnelle d'un village. Dans la pièce Chantez dans le brouillard,
nous constatons un enseignant idéaliste dans un village, qui vit avec Échec et
Solitude. Puis dans une autre pièce, sous le nom de "Derrière les Vitres", Radi
décrit l'histoire de la défaite d'un personnage qui est seul et déprimé dans sa
maison. Dans Sauveur dans un matin humide, le personnage est un écrivain
célèbre qui se sent seul et sans espoir. Mais il ne peut guère le supporter. Le voici
confronté à une agression organisée qui lui est imposée par l'oppression et la
censure, on le retrouve dans les années 60, vieux et épuisé : d'une part dans
l'anonymat. Et la mort oppressive glorieuse en «étant considéré comme un bouc
émissaire» puis, au parlement, un professeur s'est retiré de force de l'université.»
(Talebi, op.cit.,:116)

La brigade intellectuelle est également abondante dans les pièces de Tchekhov:


Tarploff, Trafimov, Astrov, Varshinin, etc. Leur particularité est qu'elles parlent
bien et se disputent, mais ne font rien.

Qutbuddin Sadeghi écrit à propos de la brigade intellectuelle dans les pièces de


radi: «Les figures intellectuelles en raison des problèmes économiques de Gilan et
surtout en raison des événements malheureux et des grandes défaites politiques au
niveau national, tout au lieu de lutter, ils parlent des problèmes et leurs pièces ou
leurs livres sont devenus le «sujet de débat». Et c'est un signe de la frustration
évidente et de l'imprévu des intellectuels et de leur frustration absolue. Ce
phénomène est un reflet similaire dans les travaux de Tchékhov et Radi. Radi a une

248
performance dramatique unique. La raison en est que le théâtre de Radi, en
comparant aux œuvres d'autres dramaturges iraniens, est quelque peu piégé dans
la "véracité" des personnages. C'est la source du problème: les gens au lieu de
«Action» seulement «parle» et le mot se place au lieu de «mouvement.»(Cité in
Ibid.,:501)

''Quand ils savent ce qu'ils doivent faire, ils n'ont aucune volonté de le faire, et
lorsqu'ils comprennent et voient leur devoir, ils ne peuvent pas le faire'', écrit
Sarichev à propos de la brigade intellectuelle de La Cerisaie. (Cité in Ibid.,:505)

Dans La Cerisaie, Trafimov ne parle que bien et a de belles idées, mais en


pratique, comme d'autres l'appellent, c'est un "maladroit" et un "éternel étudiant"
qui est également ridiculisé par Lapakhin et Luif Anreda Yuna.

L'ingénieur Meraj le héros de Radi appelle à des changements et des réformes et


reconnaît son devoir en tant qu'être humain de cette manière, mais en fait il choisit
la mauvaise voie, comme Farangis le croit, c'est une tentative de gagner en
popularité.

III.2.7 Les personnages solitaires et isolés chez Tchékhov et Radi

L'un des principaux types de personnalité dans les œuvres de Tchékhov et Radi
sont des personnes solitaires et isolées qui souffrent de la solitude ... Selon Andrei
Prazarf dans Les Trois sœurs: "... vous connaissez tout le monde ici "Tout le
monde vous connaît, mais vous êtes un étranger, un étranger, ... un étranger et
seul." (Tchékhov, Les Trois sœurs, op.cit.,:141) Ce n'est pas de la solitude
physique, mais de la solitude spirituelle.

Les personnes seules qui ont réalisé le besoin de changement dans leur vie et leur
situation, mais qui échouent toujours, par exemple, Ascension dans "Déclin" ou

249
Ehsan dans "Trou bleu" et dans " Le sourire glorieux de Mr. Gill " presque tout le
personnage.

Même si nous considérons les monologues finaux de La Cigale, Oncle Vanya et


Les Trois sœurs, nous constatons que Nina, Sonia et les sœurs indiquent
exactement l'attitude consciente envers l'environnement, la conviction que quelque
chose doit changer leur vie. Les plus fortes croyances des héros de Tchékhov, n'ont
même pas une idée cohérente et ne sont pas établis par des critères involontaires.
Mais Tchékhov exprime le sentiment que l'évolution de ses héros tend vers
quelque chose de plus général que les esprits et les opinions personnels.

Les personnes isolées de Tchékhov sont différentes de leurs homologues


occidentaux dans leurs origines naturelles-historiques, elles peuvent surmonter leur
destin personnel infructueux et faire face à des problèmes plus importants. Elles
donnent leur vie pour l'avenir. Ils s'imaginent et ont tristement compris qu'il n'y a
pas de bonheur. Ils pensent que le bonheur fait partie de la génération lointaine.

Les héros de Radi sont également seuls parmi leurs parents et amis, et comme
mentionné, ce n'est pas de la solitude physique, Shaygan (Sauveur dans le matin
humide) est marié, mais seulement, Ehsan (Trou bleu) vit avec la famille, mais elle
est seule, la famille de M. Gill (le sourire glorieux de M. Gill). Tous les
personnages souffrent dans une certaine forme de solitude. Pour cette raison, ils ne
sont pas satisfaits de leurs conditions de vie. Par exemple, Luif Andrei Jonah perd
non seulement ses biens, mais échoue également dans sa vie conjugale. Jahangir
Meraj dans "Déclin" malgré ses efforts pour réformer Narestan échouent et sa vie
personnelle est en danger.

Mais quelles sont les vues et les solutions de ces deux auteurs pour échapper à
cette solitude?

250
Les héros de Tchékhov se réfugient pour se sauver et échapper au désespoir et à la
solitude, et travaillent avec une telle soif que parfois, bien que le résultat de leurs
efforts soit douloureux et décevant, mais ils ne doutent pas du travail et le
considèrent toujours comme sacré. La première idée et pensée qui vient à Sonia et
à oncle Vanya après avoir enduré de nombreux hauts et bas et diverses souffrances
est le travail. Pour eux il n'y a pas d'autre remède que le travail: Il suffit de
travailler, insiste Irina dans Les Trois sœurs pour travailler, et pour elle, le travail
est le seul moyen d'expression possible.

Lapakhin est étonné de la nature parasitaire des habitants dans La Cerisaie: "Je
suis désolé, je n'ai jamais vu de personnes aussi irréfléchies que vous, mesdames et
messieurs, des personnes aussi sans emploi et étranges dans ma vie." (Cité in
Yahya Pour, Karimi Motahar, op.cit.,:71)

Mais pour l'homme solitaire, la fuite et l'émigration sont la seule solution, car il
n'y a presque pas de jeu de lui sans le thème de l'émigration. Certains de ses
personnages aspirent à émigrer pour réaliser leurs rêves et leurs aspirations. Ils sont
à l'étranger (comme Katayoun dans "Le Sauveur dans un matin humide", Farangis
dans "Déclin", Mme Derakhshan dans "Derrière les Vitre", etc.), et certains
d'autres n'ont d'autre choix que d'émigrer. Les personnages de Radi fuient pour
guérir leur âme et sont souvent des intellectuels frustrés de la société (Shaygan
dans «Sauveur dans un matin humide, Anoush dans« Trou bleu », etc).

III.2.8 Les générations anciennes et jeunes

Tchékhov et Radi couvrent souvent toutes les générations dans leurs pièces: dans
La Cerisaie, différentes personnes de différentes générations vivent ensemble;
Anya, 17 ans, Gayef, 51 ans, et Fairs, 87 ans.

251
Dans Mort à l'Automne, Radi a traité à la fois des anciennes et des jeunes
générations. Ces deux générations agissent comme deux pôles opposés. L'axe
principal de la pièce est le conflit de la jeune avec les vieux maîtres de l'année, en
particulier Emad, qui est ainsi laissé seul et qui a vendu sa propriété aux enchères
dans une confrontation désespérée. Et voici Rasht. Ici aussi, l'auteur parle de
l'incompréhension de deux générations qui, sans coopération l'une avec l'autre, sont
obligées d'échouer. Pendant la lecture de la pièce nous sommes également
confrontés à d'autres personnalités jeunes et âgées, par exemple la confrontation
morale et idéologique de Farangis avec son père Emad et Kasmaei avec son neveu
Farrokh.

Dans la plupart de ses œuvres, Radi impose son caractère aux personnages de ses
pièces, c'est-à-dire qu'à la place des personnages. C'est l'écrivain ou le narrateur
qui parle et interprète leurs fondements intellectuels. De cette façon, la plupart des
conversations dans ses œuvres deviennent des monologues qui découlent en fait de
la langue de l'auteur et admirent les personnages positifs dans leur propre langue et
méprisent leurs caractères négatifs. Par exemple, le cocon d'Agha Bazari dans "
Trou Bleu" est un vieil homme avare qui avoue ouvertement son avarice.

En fait, c'est l'auteur qui exprime sa compréhension de ce type de personnage


directement, ou en lisant le "sauveur" du chanteur. On dirait que c'est justement
l'écrivain qui a joué le rôle de «Heshmati», «Astiana», «Shaygan», «Talaei» et
même «Katayoun», et donc «Sauveur» est un reflet de l'intérieur et de l'esprit.
L'auteur, afin que le lecteur trouve de nombreuses pensées et sentiments de
l'auteur face au peuple. (Talebi, op.cit.,: 307)

Dans les œuvres de Tchékhov, aussi, la voix de l'auteur est parfois entendue des
personnages. Safanov écrit dans son livre, Le moment éternel: "Ce qui est certain

252
c'est certainement l'ensemble des questions soulevées à l'époque actuelle qui
également discuté par les personnages des œuvres de Tchékhov. Tchékhov a été
quelque peu encouragé en tant qu'homme de cet âge. Dans la plupart des cas, nous
pouvons trouver des similitudes entre les déclarations des héros de Tchékhov et ses
déclarations personnelles dans la lettre. Revenons à ses paroles et à ses
conversations. Il est clair depuis longtemps que certaines des pensées de Tchékhov
se reflètent dans Trigorin et d'autres dans Terlpf, c'est-à-dire dans deux caractères
complètement opposés. " (Cité in Ibid.,:320) Cette forme de l'écriture, nous
pouvons dire, est une lutte pour l'art qui se déroule entre les générations présentes
et passées de "suiveurs", "anciens et nouveaux".

253
Chapitre 3. Le théâtre de Radi et Beckett

Radi et Beckett ne sont pas seulement des écrivains et des dramaturges qui écrivent
dans l'application des principes et des branches des techniques de l'écriture
dramatique, mais ils ont travaillé magistralement sur la société de leur temps, avec
les connaissances scientifiques de la sociologie. Tous les deux, dans leurs œuvres,
ont constaté la misère et la pauvreté. Beckett retrace la pauvreté durant et après la
seconde guerre mondiale et Radi décrit la pauvreté dans la société en imaginant les
personnages qui vivent dans une société sous-développée et dans les conditions
affreuses qui souffrent des crises économiques de leur temps.

Ils ont basé tous les deux, leurs pièces sur les questions sociales les plus
importantes de leur temps et avec une sorte de talent.

Radi a utilisé des éléments géographiques natifs pour créer les plus beaux jeux
techniques et engagés touché par ses œuvres; comme le dit Qutbuddin Sadeghi à
ce sujet:

À travers ses œuvres, on peut voir clairement les périodes critiques et les
mouvements de la société historique de l'Iran, et si un chercheur ou chercheur veut
voir une période de 40, 50 ans de l'histoire de l'Iran, sans aucun doute il devrait
aller aux travaux d'Akbar Radi. (Sadeghi, 1997: 168)

III.3.1 La pauvreté dans la société chez Beckett et Radi

Les pièces de théâtre de Beckett ne sont pas seulement des écrits littéraires mais
elles présentent, tout d'abord, la figure de la pauvreté comme sa pièce En
attendant Godot. Cette pièce est bien une représentation de la vie dure des gens
après la seconde guerre. La position de l’écrivain, de la façon dont il aborde son
travail, dont il l’inscrit dans son temps, en fonction ou non de la situation sociale et

254
politique qui est la sienne, en fonction aussi de l’histoire littéraire en laquelle il
prend place.

Victor Hugo, met en scène le peuple de Paris et écrit les Misérables dans une
perspective quasi épique : Hugo est un prophète, il brosse de l’histoire une fresque
visionnaire où les pauvres en fin de compte trouvent leur salut. La figure du pauvre
y est chargée plus que toute autre d’une richesse de signification quasi religieuse.

Berthold Brecht, dans un souci réaliste, anti-illusionniste et critique, fragmente le


récit, déconstruit la fable et met en scène la situation même du théâtre, il grossit les
traits des gueux et pousse les sentiments jusqu’à leur prise de conscience, pour que
le spectateur y voit son image déformée dans le miroir de la scène : la figure du
pauvre y a une fonction didactique qui contribue également, mais d’une façon bien
différente de V. Hugo, à l’inscrire dans l’histoire, dans une vision, une philosophie
de l’histoire.

La présence de la figure du pauvre dans l’œuvre de Beckett ne relève d’aucune de


ces deux modalités : les « clochards métaphysiques » de Beckett ne sont porteurs
d’aucune signification ni d’aucune fonction didactique ou vertu critique. La figure
du pauvre qui hante la littérature et s’épanouit au XIXe siècle, en relation à
l’importance prise par figure du peuple trouve chez Beckett un avatar presque
méconnaissable.

Pour Beckett, ce n’est pas l’exclusion ou l’exploitation sociales qui font la misère
du pauvre : son travail n’est en rien motivé par un engagement ou une
préoccupation sociale ; pour lui, la misère – ou disons plutôt l’état de pauvreté, de
rigueur – est certes sans doute l’état de celui qui ne possède quasiment rien, qui n’a
la jouissance d’aucun bien, mais c’est plus encore la condition même de celui qui
éprouve (physiquement) l’existence dans sa nudité et la met à l’épreuve de la seule

255
et irréductible nécessité qui soit – celle du langage. La pauvreté n’est plus le fait de
la misère sociale, mais le fait d’une expérience de la langue comme seul et dernier
bien : délestée du pouvoir visionnaire ou conquérant, prophétique ou
révolutionnaire par quoi la littérature se voulait toujours en fin de compte
promesse, la langue est ce dernier bien dont il nous reste à user, avec tous les
risques que comportent ses flottements et incertitudes, en évitant la double illusion
de pouvoir par son moyen communiquer avec les autres ou rentrer en soi.

Certes, En attendant Godot met en scène, outre ces deux « clochards


métaphysiques » que sont Vladimir et Estragon, un maître et son esclave, Pozzo et
Lucky. On peut ainsi se demander s’il n’y a pas là les éléments d’une critique
sociale de l’aliénation réciproque du maître et de l’esclave. Mais si Pozzo et Lucky
incarnent une caricature de ces positions sociales, comme l’évidence le laisse
voire, c’est en dehors de tout contexte social, ou plutôt, c’est sur une scène où les
liens sociaux ont disparu pour ne laisser place qu’aux liens réactifs de l’habitude,
des humeurs et des affects. Au point que cette caricature se trouve tout entière
condensée dans les jeux et usages de la langue opposés (ou complémentaires) de
Pozzo et Lucky. La critique sociale si tant est qu’on puisse en voir une dans Godot
n’est qu’un moyen pour mettre à nu le seul bien qui reste à l’homme, si
problématique qu’il soit, à savoir la langue.

Beckett introduit donc, pour ce qui nous concerne, une double rupture :

1/ le pauvre n’est plus une figure sociale, mais un état – c’est l’état de l’homme qui
ne possède véritablement que le langage, et encore qui ne le possède pas comme un
bien, qui ne le possède sans aucune assurance, si ce n’est celle d’y être, et 2/ la
littérature ne se donne plus pour tâche d’enrichir le pauvre en le lestant de

256
significations ou de promesses de salut, mais de lui faire place dans sa radicalité
même, en l’amenant à se recomposer à partir du seul langage.

Ainsi, la figure du « clochard métaphysique » que l’on trouve incarnée par


Vladimir et Estragon dans Godot ne surgit pas ex nihilo. Elle fait sans doute écho
à la difficile période que connut Beckett dans les années 30 lorsque, de retour à
Dublin après deux années passées à Paris comme lecteur à l’Ecole Normale
supérieure dans l’entourage de Joyce, il renonce à la carrière universitaire à
laquelle il était destiné : il se met alors à boire, il tombe malade, s’enferme chez
lui et sombre dans l’impuissance et la dépression. Mais cette figure du clochard
s’inscrit surtout dans une longue série de héros vagabonds que l’on rencontre
presque dans chacune des œuvres de Beckett avant Godot. ( Jean d’Yvoire, 2010:
21)

Les« clochards métaphysiques » de Godot sont ainsi un point d’aboutissement de


la recherche de Beckett qui l’a conduit à trouver dans l’état de marginalité et
d’attente, de paresse et de renoncement ironique à toute quête, bref, dans cet état
d’exil intérieur, le lieu même d’une expérience du dénuement et de la pauvreté.

Comme Beckett, Akbar Radi s'est toujours concentré sur la question de la


pauvreté, de la sous-classe et de la recherche de justice, et c'est peut-être dans cette
perspective que les artistes de théâtre iraniens croient que tant qu'il y aura de la
pauvreté et de l'injustice dans le monde, la responsable de l'écrivain n'est que
d'écrire sur cette pauvreté et cette injustice sociales.

Les personnages des pièces de Radi ne sont ni des dieux ni des mythes, ni ne
viennent du cœur de l'histoire ni n'ont de capacités surhumaines, les personnages
de ses pièces sont des gens ordinaires qui nous entourent ; avec toutes leurs
faiblesses et leurs forces, traiter avec eux alors que Radi venait de commencer à

257
écrire était considéré comme un événement important. La plupart des personnages
de Radi souffrent de la pauvreté. Bulbul souffre de la pauvreté absolue. Il ne peut
même pas payer son thé au café:

-Mashti Agha: Alors Bulbul tu ne veux pas payer tes dettes pour le thé, enfin.
(Radi, Les Escaliers, op,cit.,:18)

Pauvre et mécontent de sa vie, il devient voleur de vache et de bœuf et les a


vendus:

-Kas Ali: Alors qu'est-ce que tu as fait avec la vache ? – Bulbul: je l'ai vendue, au
boucher.
-Kas Ali Combien avec le bœuf ? -Bulbul : 550 (Ibid.,: 31)
Les Escaliers de Radi doit être considéré comme une tragédie moderne, car dans
ce texte nous voyons la triste vie de certains pauvres qui sont pris au centre de
l'égoïsme et de l'égocentrisme d'une personne mauvaise et destructrice. Ce qui se
forme dans Les Escaliers, est une situation qui peut être adaptée aux problèmes et
crises économiques contemporains de notre pays. Dans les années 1930, 1940 et
1950, certains des parvenus de la société n'ont ignoré aucun mouvement
destructeur pour atteindre la croissance économique sans prêter attention à
l'écrasement de certains des pauvres de la société.

Comme dans ces années-là, des jeunes et des gens nouveaux sont nés et ont grandi
comme des plantes dans chaque ville. Avec le début de la révolution de 1979, ils
ont emmené la capitale du pays jusqu'au bout du monde pour assister à la
souffrance des autres dans leur bonheur.

Dans la Mort à l'Automne Moluk la fille de Mashti s'est mariée, elle n'est pas
contente de son mari, elle retourne chez sa mère et son père pour y rester. Son mari

258
est pauvre et en plus infidèle. Mais en ce moment elle a compris que le cheval de
son père est mort, la seule richesse de son père:

-Mashdi: J'étais juste arrivé à Shaft. La pluie a commencé. J'ai laissé la corde tout
autour de l'arbre, à côté du café, je voulais fumer. Au moment où je voulais mettre
du tabac dans ma pipe, l'animal a ronflé d'une façon étrange et s'est tombé par
terre. Je n'ai pas vu moi-même. Sed Agha m'a dit vient vite Mashdi, il est mort.
(Radi, Mort à l'Automne, op,cit., : 21-22)

Avec un regard engagé et responsable dans ses œuvres, Radi sensibilise chacun
aux relations erronées et aux différences de classe. Il a encore alimenté ce
problème dans Les Escaliers, et il a une vision complètement socialiste des
travailleurs qui se révoltent pour parvenir à la justice sociale. Ce que dit Radi est
acceptable pour tout le monde car ce n'est ni faux ni absurde. Il a atteint une
compréhension correcte des réalités quotidiennes et sans vouloir associer son
analyse à des circonstances, il leur raconte l'expérience des gens dans un contexte
réel. Il ne veut pas publier un manifeste politique, mais plutôt informer tout le
monde sur les hauts et les bas sociaux, afin que l'établissement de la justice sociale
soit loin des calamités et des désastres communs. Les Escaliers est l'une des
œuvres les plus belles et les plus engagées écrites pour l'Iran et les Iraniens. Elle
peut également indiquer fortement la responsabilité sociale et la compassion de
Radi.

Il y a différents personnages dans Les Escaliers et chacun a son univers personnel.


Changer les scènes de cette pièce, c'est comme feuilleter cinq peintures glorieuses
mais douloureuses. Puisque l'on aperçoit seulement les gens qui souffrent des
crises économiques.

259
Bulbul est un véritable symbole des personnages qui viennent d'un village lointain
ou d'un bidonville abandonné avec un esprit plein d'hypocrisie à la ville pour
monter les escaliers et atteindre les palais luxueux. Le personnage principal de
cette pièce n'épargnant aucune méchanceté pour monter les escaliers, plutôt que
d'exprimer son comportement hideux, il représente les "escaliers" maudits pour
escalader avec une telle facilité, et ce n'est pas sans raison que Radi a nommé la
pièce "Les Escaliers", en fait, le personnage principal est la même échelle qui
emmène une personne en enfer au lieu de monter pour rencontrer Dieu. Le héros
de l'histoire Bulbul entreprend des actions erronées, voire odieuses, afin de se
libérer de la situation existante et de faire ses preuves en raison des complications
de son enfance, de la pauvreté et du sort d'une société qui devient rapidement une
société moderne et industrielle. La société et pour gagner contre le héros (la
société) et en fait la motivation est les mêmes complexes d'enfance.

Cette pauvreté on peut la voir chez les personnages de Beckett dans En attendant
Godot avec des vêtements usés, avec beaucoup de patch calleux, qui peuvent
seulement manger des carottes et des radis. Selon James Knowlson, le biographe
officiel de Beckett, là se trouve l’origine des conversations animées de Vladimir et
d’Estragon, qui parlent de carottes, de radis et de navets dans En attendant Godot. (
James Knowlson, Beckett, op,cit.,:396)

Fidèles à l’expérience de Beckett pendant la guerre, ses personnages sont des


matérialistes vulgaires, trop occupés à leur survie biologique pour se permettre une
réflexion grandiose sur leur subjectivité.

Le mystère du corps humain, c’est la transformation de ce morceau de matière


inerte qui devient plus que lui-même, ne cesse de ramper et de débiter des
absurdités alors qu’il devrait de droit rester muet comme une tombe.

260
Cette forme de pauvreté chez Beckett est issue de sa condition de vie au temps de
la guerre. Si la pauvreté chez les personnages de Radi est issue des crises
économiques, la pauvreté chez Beckett et ses personnages est issue des crises
économique et sa vie même au moment de la seconde guerre. Il vivait dans les
tunnels, dans les endroits froids.

Beckett s’engagea dans la Résistance lorsque la déportation d’un ami juif dans un
camp de concentration exacerba son dégoût grandissant du régime nazi. Avec la
générosité dont il était coutumier, il donna ses maigres rations à la femme de la
victime. La cellule de quatre-vingt résistants qu’il rejoignit, faisait partie de la
Direction des opérations spéciales britannique. Du point de vue des Républicains
pronazis de l’État libre d’une Irlande officiellement neutre, l’émigré originaire de
Dublin était maintenant de mèche avec l’ennemi politique. Son rôle dans cette
cellule l’amena à utiliser ses talents littéraires : on lui demanda de traduire, de
réunir, de mettre en forme et de dactylographier les bribes d’information sur les
mouvements des troupes allemandes rapportées par des agents, avant que cette
information ne soit microfilmée et sortie clandestinement de France. Comme le
jeune garçon dans En attendant Godot, les messages de certains de ces agents
s’avérèrent peu fiables. En dépit de son caractère sédentaire, ce travail était des
plus dangereux et, après la guerre, on octroya à Beckett la croix de guerre ainsi que
la médaille de la reconnaissance pour honorer ses services. Le sens du silence et du
secret, qualités que l’on retrouve dans son art, fut particulièrement utile au
maquisard.

C’est là que Beckett rejoignit une cellule de la Résistance en 1944. Il cacha des
explosifs dans sa maison, apprit les bases du maniement du fusil et tendit de temps
en temps des embuscades aux Allemands la nuit. Si Vladimir et Estragon dorment
dans des fossés, leur créateur le fit aussi. Il était même plus vagabond qu’eux,

261
puisque la pièce ne nous dit pas qu’ils le sont. De retour à Paris après la guerre,
le couple s’est à nouveau retrouvé amaigri et à moitié affamé, tout comme le
reste de la population de la ville.

Quand Beckett se mettait à écrire, il avait parfois les doigts violacés par le froid.
Pendant ces années-là, il aurait vécu une grave dépression. (Strauss, 1998: 297)

Si les paysages affamés et immobiles de son œuvre se situent dans l’après-


Auschwitz, ils sont aussi un souvenir subliminal de l’Irlande de la grande famine,
de sa culture coloniale pauvre et monotone et de ses masses désenchantées qui
attendent passivement le salut messianique qui ne vient jamais vraiment. Le nom «
Vladimir » en est peut-être une manifestation particulièrement ironique. Quoi qu’il
en soit, en tant qu’Irlandais du Sud protestant descendant d’émigrés huguenots du
XVIIIe siècle, Beckett appartenait à une minorité culturelle d’étrangers assiégés,
dont certaines des grandes demeures furent entièrement brûlées lors de la guerre
d’indépendance et dont beaucoup se réfugièrent dans la région de Londres après
1922.

Tout, dans ce monde de l’après-Auschwitz, est ambigu et indéterminé, ce qui rend


difficilement compréhensible la persistance implacable de la douleur physique à
l’état brut. Et en ce qui concerne l’indétermination, le problème n’est pas tant que
presque rien ne se passe, mais plutôt qu’il est difficile de savoir avec certitude si
quelque chose se passe, voire ce qui pourrait constituer un événement à l’existence
même de l’homme qui, à l’instar de la différence derridienne, ne se perpétue qu’en
repoussant perpétuellement tout sens ultime. Pour reprendre les termes de Clov
dans Fin de Partie, tout ce que nous pouvons savoir, c’est que « quelque chose suit
son cours », avec toute la force irrésistible d’une téléologie qui serait toutefois
entièrement dénuée d’objet.

262
III.3.2 Le thème de la mort chez Beckett et Radi

Le sens ultime pourrait être la mort, que l’on doit souhaiter avec ferveur dans un
monde où le seul opium de la souffrance est l’habitude, pur réflexe mécanique qui
est la version désormais dégradée de la coutume que Burke révérait. Pourtant, il
n’y a en fait pas de mort dans l’œuvre de Beckett, il n’y a qu’une désintégration
progressive de corps toujours plus à vif et rigides. La mort serait un événement
bien trop grandiose et définitif pour ces figures éviscérées. Même le suicide
requiert un minimum d’identité qu’elles sont loin de posséder. Les personnages de
Beckett ont donc toute l’invulnérabilité des personnages comiques, sans la ruse qui
permet de réussir ni la gaîté d’esprit. Ils ne s’élèvent même pas jusqu’au tragique,
ce qui aurait au moins constitué une forme de récompense. Ils se contentent de
bafouiller leur rôle et de cafouiller au moment crucial, distraits par une épingle à
cheveu ou un chapeau melon. La grande tirade métaphysique de Lucky se
désagrège à peine les mots prononcés. On est en présence d’une vulgaire farce ou
d’une inversion carnavalesque plutôt que d’une forme noble de théâtre. Certes,
l’arrivée de Godot serait un moment fort, mais qui pourrait dire, dans un monde
d’un dénuement conceptuel extrême où le sens se fait plutôt rare, qu’on le
reconnaîtrait quand il arriverait ? Il se peut que Godot soit en réalité Pozzo ;
Vladimir et Estragon ont peut-être mal entendu le nom. À moins que ce temps
douloureusement figé, qui efface le passé de sorte qu’il devient nécessaire de se
réinventer complètement à chaque instant, ne soit l’arrivée de Godot, un peu
comme le caractère catastrophique de l’histoire indique de manière négative, pour
Walter Benjamin, l’imminence de la venue du Messie. Peut-être n’y avait-il aucune
chose cruciale qu’il fallait absolument racheter, contrairement à ce que croyaient
les personnages. Selon un courant de la pensée messianique, le Messie
transfigurera le monde en procédant à des ajustements mineurs.

263
Le problème, pourtant, c’est que l’univers de Beckett est justement le genre
d’endroit où l’idée de rédemption a un sens, tout en étant totalement absente. Au
cœur de cette condition lamentable se trouve un vide plein de sens dans la mesure
où, contrairement à son descendant plus ingénu, le postmodernisme, le
modernisme est assez vieux pour se souvenir d’une époque où la vérité et la réalité
semblaient exister abondamment, si bien que leur disparition continue de le
tourmenter. On ne risque cependant pas, ici, de sombrer dans un excès de
nostalgie, car les souvenirs, et donc l’identité, se sont effondrés avec tout le reste.
Une seule chose surnage et peut servir de consolation : si la réalité est
effectivement indéterminée, alors le désespoir n’est pas possible. Logiquement,
dans un univers indéterminé, il doit y avoir de l’espoir. Si rien n’est absolu, on ne
peut pas être absolument certain que Godot ne viendra pas ou que les nazis
triompheront. Si le monde est inachevé, notre connaissance de ce monde doit l’être
aussi, auquel cas rien ne dit que, si on le regarde d’un point de vue entièrement
différent, ce paysage de monstres, d’infirmes et de boules de chair glabre ne soit à
la veille d’une transfiguration.

Se raccrocher à la possibilité de la rédemption a au moins un avantage : cela nous


permet de prendre conscience de la distance énorme qui nous en sépare. On a
parfois accusé Beckett de nihilisme, mais si son univers était dénué de valeurs, rien
ne justifierait tant de cris et de hurlements. Sans un certain sens des valeurs, nous
ne serions même pas en mesure d’objecter à notre souffrance et nous ne
parviendrions donc pas à nous rendre compte que notre triste sort est tout sauf
normal. Mais ces valeurs ne peuvent être énoncées directement, de peur qu’elles ne
soient idéologisées et ne conduisent à un flot de bons sentiments humanistes qui ne
feraient qu’aggraver le problème au lieu de le résoudre. Au contraire, les valeurs
doivent se manifester de manière négative, par la lucidité implacable avec laquelle

264
l’écriture se confronte à l’innommable. Parce que la distance requise pour cette
confrontation est aussi la distance de la comédie et de la farce, les valeurs se
trouvent également, comme c’est si souvent le cas chez les auteurs irlandais, dans
cette transcendance momentanée et inexplicable d’un monde de monotonie et
d’oppression que nous appelons trait d’esprit. La folie, le pointillisme, le corps,
l’auto-ironie, l’arbitraire, la répétition sans fin : voilà exactement le genre de
motifs sombres qui peuvent se révéler très drôles et dont se régale ce maestro
comique du post-humanisme. Si, en dernière analyse, Beckett est bien un auteur
comique, c’est d’abord parce qu’il refuse la tragédie comme forme d’idéologie.
Comme Freud et Adorno, il savait qu’avec leur pessimisme sobre, les réalistes
servent plus fidèlement la cause de l’émancipation des hommes que les fervents
partisans de l’utopie.

Dans les pièces de théâtre de Beckett, comme nous l'avons mentionné, les
personnages souffrent des blessures mais on ne peut pas voir leur mort. Par contre
dans la plupart des pièces de Radi, un ou plusieurs personnages meurent à la fin
des pièces. Dans Les Escaliers dans la première, Acte Au bout du Brouillard
Bemani la fille qui aimait Bulbul s'est suicidée puisque Bulbul ne voulait pas se
marier avec elle. Dans le deuxième Acte Un soleil pour Soleiman, nous
considérons la mort de Soleiman qui, après être resté dans les toilettes du bâtiment
de Bulbul, il est mort, figé. Et la dernière Acte c'est le tour de bulbul lui-même; il
est mort après une attaque cardiaque.

À la fin de la pièce nous pouvons considérer la mort de Bulbul; Yahya est de retour
avec un couteau pour manger des fruits. Mais bulbul pense qu'il veut l'assassiner.
Bulbul est en train de jouer avec ses diamants et ses bijoux:

Non…. Non Yahya je vais te donner les bijoux. C'est à toi.

265
Il est debout, brusquement, il jette les diamants sur la terre. Il regarde yahya avec
les yeux étranges, il veut prendre sa canne, mais il se sent une convulsion, il met la
main sur sa cœur et avec une forme lamentable dit à yahya: ma remède, une
goutte; je te supplie. En prenant un verre d'eau, les diamants tombent per terre. Il
dit à yahya: Sauve-moi. Il tombe sur la chaise. Il supplie yahya mais c'est la
dernière soupire. Yahya reste muet et ne bouge pas. C'est la dernière compulsion.
Il est mort tout en regardant les diamants… .( Radi, Akbar, Les Escaliers, op.cit.,:
134-135)

En plus dans Mort à l'Automne, nous avons la mort de Mashti:

La pipe tombe de la main de Mashdi et sa tête heurte lentement le pilier d'une


petite roue, tandis que ses yeux fixent le jardin. Meluk, en deuil et orpheline
couvre son visage dans ses mains et pleure en silence. Mme Gol prend la pipe, lui
lance un regard muet, puis s'assoit à côté de Mashdi dans un état second..... Le son
d'un coq, le son d'un autre coq, le son de la lumière du matin.( Radi, Mort à
l'Automne, op.cit.,: 104)

III.3.3 Les personnages dans le théâtre de Radi et Beckett

Les personnages chez Beckett n’ont pas d’identité bien définie. Ils sont réduits à
des surnoms : Willie, Winnie (Oh les beaux jours) Vladimir, Estragon, Lucky,
Pozzo (En attendant Godot), Hamm et Clov (Fin de partie). On ignore leur passé
et ils se retrouvent dans des lieux improbables : une sorte de désert pour Winnie,
un bord de route avec un arbre pour Vladimir et Estragon, un « intérieur sans
meubles » pour Hamm et Clov. On est parfois à la limite du fantastique : Winnie
est peu à peu engloutie par la terre tandis que dans Fin de partie, les vieillards
Nagg et Nell vivent dans des poubelles placées à l’avant-scène.

266
Dans les pièces, il n’y a pas d’action à proprement parler. Les personnages n’ont
aucun projet : Winnie passe sa journée, Vladimir et Estragon attendent un
mystérieux Godot, qui n’arrive jamais. Dans Fin de partie, Ham et Clov évoquent
une hypothétique fin : « Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir » sont les
premiers mots de la pièce. L’absurdité de la condition humaine se voit ainsi avec
des personnages sans identité, sans but, souvent diminués physiquement : Vladimir
et Estragon apparaissent comme des clochards, Winnie s’engloutit dans la terre,
Willie marche à quatre pattes et parle de moins en moins, Hamm est aveugle et
paralysé.

Même le langage est problématique : il n’exprime plus une vérité, il énonce des
banalités, les phrases sont incomplètes, contradictoires, répétitives.

Si dans l’ensemble la vision que le théâtre de l’Absurde donne de l’humanité est


plutôt désespérante, elle est cependant tempérée par le rire et l’humour. Ainsi
Vladimir et Estragon, dans En attendant Godot, ont souvent été comparés à des
clowns. Par contre les personnages du théâtre de Radi sont les gens de toute classe
sociale; des ouvriers, des intellectuels, des vendeurs, des marchands et etc…, alors
ils sont très différents des personnages de Beckett.

L'évolution des personnages dramatiques de Radi au fil du temps peut être


examinée sous différentes dimensions, les techniques de caractérisation de l'auteur
pour les introduire, telles que l'utilisation de mots et phrase, les comportements
stéréotypés qui sont plus visibles dans les premiers personnages créés et
progressivement dans les personnages intellectuels, ils deviennent de moins en
moins nombreux, et leurs paroles et leur comportement deviennent plus naturels.

C'est aussi l'introduction des personnages des premières pièces à travers le


dialogue des autres. Les personnages qui utilisent cette technique dans les

267
premières pièces s'exhibent davantage le fait, mais avec le temps, l'auteur préfère
les mettre en présenter une situation difficile avec leur discours et leur
comportement. D'autre part, on peut voir que le niveau de complexité des
personnages augmente également avec le temps. Ils deviennent plus matures,
montrent des aspects plus divers de leur personnalité mettre et devenir plus
tangible et crédible aux yeux du public. Par exemple en étant précis Dans le
personnage de Pileh Agha Pirbazari dans la pièce Rozna Abhi, ce processus de
transformation peut être vu étape dans sa récréation sous la forme d'Emad
Fashkhami dans la pièce de Mort à l'Automne, puis d'Ali Qolikhan ou par exemple
Gill dans la pièce de Monsieur Gill ou encore d'autres personnages.

On peut dire que c'est la transformation la plus évidente parmi les personnages de
la série, l'un est l'augmentation de la complexité des personnages et l'autre est le
changement dans leurs pensées et leurs attitudes.

Naturellement, le premier cas est influencé par l'augmentation de l'expérience


d'écriture et le second cas est le résultat changez son attitude.

Chez Beckett dans En attendant Godot et Fin de partie aussi les thèmes des pièces
tournent autour du désir et de l'impossibilité de s'évader de la souffrance. Les
personnages se trouvent dans une situation où ils souffrent énormément. Ils veulent
échapper à cette situation, mais ils n'arrivent jamais à sortir de leur angoisse.
Beckett exploite le tiraillement entre la situation dans laquelle ses personnages se
trouvent actuellement et leurs possibilités d'avenir.

Certains personnages acceptent la souffrance sans trop se plaindre. Dans Fin de


partie, Nagg et Nell, les parents de Hamm, ne se plaignent guère. Ils n'ont plus de
jambes à cause d'un accident de vélo dans les Ardennes et ils vivent chacun dans
une poubelle.

268
Ironiquement, cette tragédie ne semble pas trop angoissante pour eux. Ils se
souviennent, en rigolant, de l'accident comme si c'était un beau souvenir. (Beckett,
Fin de Partie, op,cit.,:31)

Dans En attendant Godot, Lucky semble aussi se soumettre à sa situation


d'esclave. Ses larmes sont les seules preuves qu'il aimerait échapper à la situation.
Dans les deux cas c'est plutôt le lecteur qui ressent la tension de la contradiction
entre la souffrance des personnages et leur résignation apparente.

Nagg, Nell et Lucky font contraste avec la plupart des autres personnages. Mais,
ceux qui ne peuvent plus supporter la souffrance, comme Clov, Vladimir et
Estragon, hésitent à provoquer une solution car ils ont peur de l'inconnu, inconnu
qui pourrait empirer leur situation. Par exemple, Vladimir et Estragon contemplent
un éventuel suicide.

ESTRAGON. Si on se pendait?
VLADIMIR. Ce serait un moyen de bander.
ESTRAGON (aguiché). On bande?
ESTRAGON. Pendons-nous tout de suite.
VLADIMIR. A une branche? (Ils s'approchent de l'arbre
et le regardent.) Je n'aurais pas confiance.
ESTRAGON. On peut toujours essayer.
VLADIMIR. Essaie.
ESTRAGON. Après toi.
VLADIMIR. Mais non, toi d'abord.
ESTRAGON. Pourquoi?
VLADIMIR. Tu pèses moins lourd que moi.

269
ESTRAGON. Justement.
VLADIMIR. Je ne comprends pas.
ESTRAGON (avec effort). Gogo léger-branche pas
casser-Gogo mort. Didi lourd-branche casser-Didi
seul. ..
VLADIMIR. Alors quoi faire?
ESTRAGON. Ne faisons rien. C'est plus prudent. ( Beckett, En attendant Godot,
op,cit., : 11-12)
L'incertitude les empêche d'essayer de se tuer. De plus, s'ils se suicidaient,
raisonnent Vladimir et Estragon, ils ne seraient pas là au cas où Godot arriverait.
Ils aspirent à une meilleure solution, mais ils en craignent les éventuelles
conséquences. Clov fait face à une situation similaire. S'il quitte son maître Hamm,
invalide et aveugle, il se peut qu'il meure tout de suite faute de nourriture. S'il reste,
les provisions insuffisantes dans le buffet vont prolonger son extinction. Ces
exemples montrent que l'incertitude de l'évasion rend encore plus angoissante la
souffrance. La tension créée par les possibilités négatives et positives rend les
personnages incapables de réagir à la souffrance. Le désir d'évasion reste, mais
l'ambivalence fige les personnages dans leur situation épouvantable. Comme le
remarque Alain Robbe-Grillet dans Samuel Beckett, où Présence dans le théâtre,
l'attente, malgré toute l'angoisse qu'elle suscite, est une bonne excuse de ne rien
faire face à l'incertitude. Le concept de l'absurde exige qu'il existe toutes sortes de
possibilités dans n'importe quelle situation, mais que ces possibilités n'offrent
aucune solution claire et décisive: l'ambivalence et la contradiction dominent.
Esslin, op, cit.,: 109)

Quoique la peur de l'inconnu piège les personnages dans une situation donnée, le
désir d'évasion peut provoquer une fuite mentale vers le passé. Hamm se réjouit en
270
racontant l'histoire de la veille de Noël d'autrefois. Il se perd dans son histoire et
oublie son angoisse pendant quelques instants. Mais, ses souvenirs n'existent que
dans sa mémoire et lui rappellent que sa situation actuelle d'invalide ne ressemble
plus à son état passé où il pouvait voir et se déplacer tout seul. Cela lui cause un
malheur irrémédiable et souligne la tension entre le désir et l'impossibilité
d'évasion. Pour Vladimir, la perte de sa jeunesse pèse lourd sur sa conscience: il
s'en souvient, mais vit dans l'angoisse de la savoir à jamais révolue, de s'avouer
qu'il est probablement trop tard.

VLADIMIR (accablé). C'est trop pour un seul homme. (Un temps. Avec vivacité.)
D'un autre coté, à quoi bon se décourager à présent, voilà ce que je me dis. Il
fallait y penser il y a une éternité, vers 1900... La main dans la main on se serait
jeté en bas de la Tour Eiffel, parmi les premiers. On portait beau alors.
Maintenant il est trop tard.

On ne nous 1asseral·t me~ me pas monter. .. (Beckett, En attendant Godot, op,cit.,:


26)

L'impossibilité du retour au passé réel et l'incapacité de réagir face à l'incertitude


sont, toutes deux, sources de tension et de l'angoisse chez les personnages.

Pour les personnages de Fin de partie et En attendant Godot, la source de la


souffrance provient de l'incertitude crée par l'absence de Dieu. Tandis que chez
Radi la souffrance des personnages c'est plutôt la misère et la crise économique et
l'injustice sociale.

III.3.3.1 Les Caractères et les personnages intellectuels chez Radi et Beckett

Beaucoup de personnages des pièces de Radi sont des enseignants et des


personnalités culturelles qui se sont lancés dans un effort inlassable pour lutter

271
contre la pauvreté culturelle, mais à la fin de l'histoire, ils ne se sentent que frustrés
et vaincus. La miséricorde et la compassion qui se créent dans le public à la suite
de l'effondrement des aspirations du protagoniste sont le désir de l'auteur de
transmettre la profonde douleur que lui-même éprouve face à la situation de la
société actuelle.

La crise intellectuelle et le conflit de l'élément intellectuel avec le pôle opposé, y


compris la tradition, la réaction, le féodalisme traditionnel et l'aristocratie sont
considérés comme l'objectif principal de la plupart des pièces de Radi peut être
Pour cette raison, l'importance du caractère intellectuel dans les pièces de Radi, qui
est le premier. On peut le voir dans la pièce "Trou Blue". "Anoush Samii".

Bien sûr, il convient de mentionner que les caractères intellectuels de Radi ont de
nombreuses manifestations différentes. Dans la plupart des pièces, nous avons la
"répétition de la personnalité" de l'intellectuel qui sans montrer aucun dommage,
représentent la vie politique du public au temps de Shah. Ces intellectuels se
présentent dans toute œuvre de Radi.

Les personnages de Beckett aussi semblent intellectuels mais Beckett ne les


présente pas dans une forme réelle. À travers l'histoire nous considérons que ces
personnages sont intellectuels, mais malheureusement la Seconde Guerre les a mis
en marge de la vie dans les endroits non identifiés où ils ne sont pas confortables.

Chez Radi comme chez Beckett les personnages sont en conflits par rapport des
problèmes de leur vie. Même une partie de l'enjeu et du nœud de l'histoire tourne
autour du conflit entre les intellectuels.

Un problème qui est le résultat de la diversité des pensées et des partis politiques
et sociaux dans les années d'écriture Radi est considéré.

272
Chez Radi les personnages intellectuels de ses pièces peuvent être généralement
classés en trois groupes: l'intellectuel héros, l'intellectuel secondaire et le dernier
intellectuel.

L'un des personnages clés de Radi "Anoush Samii". Il est un jeune penseur en
opposition aux vieilles idées. Les caractéristiques les plus impressionnantes de ce
personnage peuvent être vues chez les intellectuels de Gauche. Il est jeune,
intellectuel, enseignant, idéaliste, désespéré, rhétoricien et désabusé. Il est toujours
en conflit avec Pileh Agha qui est un personnage traditionnel.

Anoush : Je suis désolé monsieur, je ne suis pas intéressé par votre relation passée
avec mon père. "
M. Pileh : Cela signifie-t-il que vous êtes en colère contre le passé ?
Anoush : Le passé est le passé, M. Pirbazari ! Bien que ce passé dans les relations
actuelles
Nous avons un rôle insignifiant.
M. Pileh : Quelle merveilleuse chose vous avez dit ! Si nous quittons le passé, que
reste-t-il ?
Anoush : L'avenir !
Pileh Agha : L'avenir ? Où est cet avenir ?
Anoush : On ne sait pas ; mais ça vient. (Radi, Mort à l'Automne, op,cit.,: 37)

Mais malheureusement, cet optimisme ne fait pas d' Anoush un personnage


stable, fort et combatif. Peut-être est-ce son idéalisme excessif qui fait que son
personnage se mêle de désespoir.

Les slogans créent de la frustration, de l'insouciance et de l'insatisfaction. Comme


dans En Attendant Godot et Fin de parti de Beckett. Nous pouvons y considérer les
personnages insatisfaits de leur vie qui attendent le futur.

273
L'amitié devient l'image des personnages incapables de communiquer entre
la réalité du monde extérieur et les idéaux du monde intérieur sont
impuissants. Chez Anoush et Pill Agha et en même chez Vladimir et Stragon
et en plus Nell et Nagg.

Anoush, ce personnage intellectuel dans la pièce du Déclin de vient comme un


jeune ingénieur du nom de Jahangir aussi il ressemble à un intellectuel du parti
Toudeh et il ressemble à Shamlou.

Les personnages de Radi et de Beckett sont des philosophes qui réfléchissent.

Jahangir n'est pas comme Anush Un homme pragmatique; à la mesure dans


laquelle il sacrifie ainsi le bien-être de sa vie et les rêves de sa femme. Il est
activisme et éloignement de la passivité.

La prochaine étape de protestation des travailleurs se déroule dans le jeu des


Escaliers. Dans cette pièce nous pouvons considérer des ouvriers qui réclament
leur droit, mais à la place de la justice, ils reçoivent des coups des policiers. Bulbul
leur a demandé de venir pour écraser la protestation de ces ouvriers. Bulbul veut
comprendre l'histoire de la grève menait par les ouvriers; Ils sont en grève contre
l'oppression du rossignol (Bulbul) et le langage négligent de l'oppression qui leur a
été infligée et dépeint la volonté d'y faire face. Dans la même pièce, un autre
personnage nommé Yahya est présent; Un personnage voûté et calme qui n'est pas
dans la parole mais dans l'action. L'audace joue dans la fin de l'histoire :

Bulbul, alors que ses yeux restaient écarquillés sur Yahya, tendit la main vers la
canne, il le fait, mais soudain avec une convulsion, il se penche, pose son poing sur
son cœur et désespérément dans la gorge Rossignol : Une goutte, une goutte...
Yahya ! (Il supplie de porter sa main au verre et à l'œuf Le gros diamant est libéré
de sa main.) tombe sur la chaise et des sons étouffés sortent de sa gorge d'une
274
manière suppliante. Yahya est silencieux et immobile. Debout, fixant ses derniers
rebondissements. La dernière résistance, la dernière convulsion.

Bulbul s'est peu à peu calmé tandis que ses yeux restaient au sol comme des
diamants. Il la prend et termine avec un soupir. Le couteau est jeté de la main de
Yahya, et nous voyons ceci dont le dos se redresse lentement, puis avec un corps
long et allongé, doux et ferme. Il va à la fenêtre... et respire profondément. (Radi,
Les Esclaiers, op,cit.,:87)

De fait, les personnages chez Beckett n’ont pas d’identité bien définie. Ils sont
réduits à des surnoms : Willie, Winnie (Oh les beaux jours) Vladimir, Estragon,
Lucky, Pozzo (En attendant Godot), Hamm et Clov (Fin de partie). On ignore leur
passé et ils se retrouvent dans des lieux improbables : une sorte de désert pour
Winnie, un bord de route avec un arbre pour Vladimir et Estragon, un « intérieur
sans meubles » pour Hamm et Clov. On est parfois à la limite du fantastique :
Winnie est peu à peu engloutie par la terre tandis que dans Fin de partie, les
vieillards Nagg et Nell vivent dans des poubelles placées à l’avant-scène.

Dans les pièces, il n’y a pas d’action à proprement parler. Les personnages n’ont
aucun projet : Winnie passe sa journée, Vladimir et Estragon attendent un
mystérieux Godot, qui n’arrive jamais. Dans Fin de partie, Ham et Clov évoquent
une hypothétique fin : « Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir » sont les
premiers mots de la pièce.

L’absurdité de la condition humaine se voit ainsi avec des personnages sans


identité, sans but, souvent diminués physiquement : Vladimir et Estragon
apparaissent comme des clochards, Winnie s’engloutit dans la terre, Willie marche
à quatre pattes et parle de moins en moins, Hamm est aveugle et paralysé.

275
Même le langage est problématique : il n’exprime plus une vérité, il énonce des
banalités, les phrases sont incomplètes, contradictoires, répétitives.

Si dans l’ensemble la vision que le théâtre de l’Absurde donne de l’humanité est


plutôt désespérant, elle est cependant tempérée par le rire et l’humour.

276
Conclusion

277
La présente recherche essaie de trouver les ressemblances et les divergences entre
les écrits et les idées de trois génies de la dramaturgie; Tchékhov, Beckett et Radi.
Ces trois dramaturges réalistes et absurdes qui vivaient chacun dans un pays
différent, ont les mêmes idées, dans leurs œuvres, sur les problèmes sociaux ainsi
que sur la condition de l'homme et les problèmes de leur vie. Tous ces trois
dramaturges présentent la société de leur temps. Afin de mieux comprendre leurs
idées dans leurs œuvres théâtrales et les comparer, nous avions travaillé, dans ce
travail de recherche, sur le théâtre réaliste et absurde chez ces trois dramaturges en
trois parties.
Dans la première partie de notre travail nous avons étudié le théâtre réaliste et
absurde, tout en donnant les idées des critiques.
Nous avons conclu que le mouvement réaliste dans le théâtre réaliste, prône
l’observation minutieuse des hommes, la volonté de dévoiler les règles du jeu
social. Nous avons mentionné que le théâtre réaliste cherche à dévoiler le monde
tel qu’il est en alliant histoire et critique de la société. Pour cela, on a proposé
d’analyser les maux sociaux et remettre en question les principes sociaux dans le
théâtre réaliste.
Nous pouvons voir cette idée, dans le théâtre de l'absurde. La doctrine de l’absurde
va s’apparenter d’une certaine manière à l’existentialisme, mais s’en détacher assez
clairement pour mériter sa propre appellation. Ainsi, le mouvement de l’absurde a
pour principaux objectifs de montrer l’absurdité de la condition humaine car elle
est ondoyante, diverse et éphémère. Le spectacle est le nom que l'on offre à une
forme théâtrale de la première moitié, qui dépeint l'absurdité de l'obligation
humaine et de la vie. Le spectacle exprime le sentiment de confusion de l'individu,
confronté au non-sens de son existence et du monde même. En outre contacté
"théâtre d'avant-garde", ou même "anti-théâtre", le spectacle se distingue
spécialement dans les pièces d'auteurs comme Samuel Becket. Le théâtre absurde
278
envisage l'angoisse chez les personnages. Nous pouvons considérer dans ces sortes
de pièces, la vie misérable chez les protagonistes ainsi que la mort, le suicide. La
condition de l'homme est toujours sans espoirs chez les personnages du théâtre de
l'absurde.
Après avoir étudié le théâtre réaliste et absurde nous avons travaillé sur le théâtre
et les pièces de ces trois dramaturges, dans la deuxième partie de notre travail de
recherche.
Le travail de Tchékhov s'organise autour de plusieurs mots d'ordre : le refus des «
vérités spéciales », la nécessité de « poser correctement les problèmes », le désir
d'« expliquer chaque événement en particulier », l'opposition entre « idée générale
» et « vérité réelle ».
Tchékhov porte une grande attention aux circonstances dans lesquelles une pensée
s'élabore. Les circonstances ne sont jamais « secondaires » : la pensée « juste », «
noble » et « sincère » exprimée par un personnage est en grande partie le résultat
des circonstances ; l'élan le plus enthousiaste n'est - peut-être - que la conséquence
d'une émotion passagère.
Dans la poétique de Tchékhov les détails ont un statut très particulier. Dans le
monde de Tchékhov, ce qui constitue la réalité n'est pas hiérarchisé ; l'accessoire,
le trivial, sont traités de la même façon que 1'« essentiel ». L'accessoire vaut autant
que le principal. Entre les deux, la différence s'efface. Pourquoi cette obstination à
refuser de hiérarchiser ? La raison en est le primat donné à l'individu, la méfiance à
l'égard des idées générales, de l'abstraction, de l'universel. Il faut se souvenir que
Tchékhov était médecin. À l'école des grands médecins russes à la fin du XIXe
siècle, Tchékhov s'est convaincu que seule l'attention passionnée accordée à
l'ensemble des éléments d'une situation permet de comprendre « ce qui se passe ».
Le modèle de la science, c'est celui de la biologie, de la médecine, non plus de la
physique. Les relations entre les hommes ne sont pas régies par une loi, ni même
279
par plusieurs, censées déterminer « verticalement » les choses. Ces relations,
mieux vaudrait les concevoir à la manière d'un être organique, construit «
horizontalement » : un petit stimulus, une petite modification, peut modifier
l'ensemble du système. La bonne méthode en médecine se révèle également bonne
dans la vie. Pour lui ce qui pourrait paraître contingent, sans importance, est
justement ce qui rend chaque objet unique, profondément individuel. Le détail sans
signification apparente ne peut être écarté d'une caractérisation qui se veut
correcte, qui vise la vérité réelle, non la vérité abstraite, théorique.
On comprend dès lors plus facilement cet autre refus de Tchékhov, celui de la
vérité spécialisée, du savoir spécialisé. Ce n'est pas du tout un refus de la science,
de la raison, ou toute autre attitude obscurantiste de ce genre. Le savoir spécialisé
est fragmentaire ; il décrit un objet sous un certain angle, indépendamment du tout
complexe auquel il appartient, il en élimine les détails, de manière artificielle. Le «
tuyau de descente », c'est la polarisation appauvrissante de l'esprit sur un aspect
isolé de la réalité ; dans ce cas, pour Tchékhov, même l'exactitude, et même une
certaine « vérité » sont, toutes les deux, inutiles.
Ces qualités et ces caractéristiques que nous avons mentionnées, remplissent toute
œuvre de Tchékhov.
Beckett impose, aussi, au langage dramatique traditionnel des modifications
considérables. Pendant des siècles, un « beau » texte théâtral fut en effet un texte «
bien » écrit. Le mot devait être juste, précis, et, du moins pour la tragédie, relever
du registre noble ou soutenu. C’était la conception qu’en avait par exemple
l’époque classique au XVIIe siècle: « Ce que l’on conçoit bien s’énonce
clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément », écrit Boileau (1636-1711)
dans son Art poétique (1674). « Celle-ci impliquait donc une confiance absolue
dans le langage, jugé apte, si on le maniait correctement, à tout signifier et tout
dévoiler. » Cette confiance, Beckett (et, avec lui, tout le théâtre contemporain) ne
280
la partage pas. Loin d’être transparent, le langage lui semble problématique: sa
maîtrise ne va pas de soi et encore moins ce qu’il est censé dire, signifier. C’est ce
qu’on appelle la « crise du langage ». Il la met en scène en pulvérisant le langage,
en l’appauvrissant et le vidant de tout sens.
La souffrance est partout présente dans les pièces de théâtre de Beckett. Dans Fin
de partie et En Attendant Godot les personnages ne peuvent y échapper. Ils ne
peuvent pas échapper de la guerre et de ses conséquences et la souffrance de la vie
et leur destin.
Les gens souffrent des maladies, des blessures de la guerre et la misère absolues
de la Seconde guerre. Où aller pour oublier la guerre. Tout Europe était dans une
guerre affreuse. Femmes, enfants, vieilles personnes ont perdu leur maison, leur
proche et tout ce qui avait avant la guerre. C’est pour cela que le Nouveau théâtre
et la littérature absurde s’est fondé après la Seconde guerre mondiale qui était la
catastrophe de l’univers au XXe siècle.
Sartre, Camus, Beckett et Ionesco et encore d’autres dramaturges et écrivains ont
bien touché et senti les problèmes de la guerre et ont bien rédigé leurs sentiments
de cette guerre très affreuse.
Nous savons que Beckett est assez réaliste dans sa description des personnages des
pièces expérimentant le tourment postmoderne du moi face au Néant. Ce que l’on
entend ici par le terme «réaliste», c’est que dans ses œuvres littéraires, Beckett
documente la vie ordinaire de ses personnages sans les verres de rédemption
teintés de rose.
Pour tous les artistes du XXe siècle, comme toute personne ayant vécu à cette
époque, la Seconde Guerre Mondiale a joué un rôle majeur dans leur perception de
leur réalité. Samuel Beckett n’échappe pas à la règle. L’écrivain ne monte pas au
front, vivre cette "drôle de guerre". Il joue pourtant un rôle prépondérant dans les
services de la Résistance.
281
Fidèle à son style d’écriture, le célèbre écrivain et dramaturge d’origine irlandaise,
qui s’est fait connaître pour son univers absurde avec ses œuvres théâtrales
austères qui font dans le pessimisme, met en lumière l’aspect sans issue de la vie,
tout en y ajoutant une bonne dose philosophique.
Dans les romans de Beckett, plus encore que dans ses pièces, ce n’est pas un sens
qui manque à la voix, mais un centre; elle tourne sur elle-même à l’infini, continue
à se poser des questions identiques auxquelles elle ne sait pas répondre. Le langage
devient alors l’incarnation de l’angoisse de vivre.
Beckett est fidèle à la finitude du fini et à la limitation de la condition humaine.
Cette finitude de la condition humaine est particulièrement évidente dans la
représentation de Beckett de la dégradation physique inévitable que certains des
personnages subissent dans ses deux pièces célèbres, En Attendant Godot et Fin de
partie.
L’art de Beckett conclut un pacte avec l’échec contre le triomphalisme nazi, dont
il défait l’absolutisme mortel avec les armes de l’ambiguïté et de l’indétermination.
Comme il le dit lui-même, son mot favori était « peut être l’inachevé. À la manière
de Socrate, Beckett préférait l’ignorance au savoir, sans doute parce qu’elle
produisait moins de cadavres. Par leur morosité et leur hilarité, ses œuvres
semblent conscientes du fait qu’elles auraient très bien pu ne pas exister – que leur
présence est une farce aussi gratuite que celle du cosmos –, mais c’est justement ce
sens de la contingence, au moins aussi comique que tragique, qui peut se retourner
contre les mythologies meurtrières de la nécessité.
Akbar Radi est aussi quelqu'un qui écrit sur la douleur de la société et de ses
habitants, comme chez Beckett et Tchékhov, et les personnages de ses pièces sont
des gens autour de nous. Il pensait qu'il y avait tellement de problèmes autour de
nous qu'un drame pouvait être créé à partir de chacun d'eux, et que nous n'avions
pas à nous tourner vers d'autres sociétés pour écrire ou restaurer des textes anciens.
282
Radi croyait que si un artiste créait un drame avec les thèmes simples de la vie des
gens de sa société contemporaine, il aurait accompli son destin.
Radi n'est pas seulement dans l'application des principes et des branches des
techniques de l'écriture dramatique travaillé magistralement; mais avec les
connaissances scientifiques de la sociologie.
Il a basé ses pièces sur les questions sociales les plus importantes de son temps et
avec une forme et un sujet très simples
Utiliser des éléments géographiques natifs pour créer les plus beaux jeux
techniques et engagés, est l'un des idées spéciales du théâtre de Radi. À travers les
œuvres théâtrales de celui-ci, on peut voir clairement les périodes critiques et les
mouvements de la société historique de l'Iran, et si un chercheur veut travailler sur
l'histoire de l'Iran, sans aucun doute, il devrait aller aux travaux d'Akbar Radi.
L'évolution des personnages dramatiques de Radi au fil du temps peut être
examinée sous différentes dimensions phrase, les techniques de caractérisation de
l'auteur pour les introduire, telles que l'utilisation de mots et les comportements
stéréotypés qui sont plus visibles dans les premiers personnages créés et
progressivement.
Il faut conclure que l'héritage de Radi est un trésor précieux pour le théâtre iranien.
Mais de telles performances ne peuvent jamais être une bonne occasion d'exprimer
leurs valeurs scéniques et de connecter les nouvelles générations à ses œuvres. Ce
serait peut-être mieux si nous n’avons pas la possibilité et la capacité de jouer de
manière créative ces œuvres, de donner au public la possibilité de profiter de la joie
unique uniquement en lisant les pièces et avec l’aide de leur imagination.
Bien que l'immobilité et le dialogue fassent partie des caractéristiques inhérentes à
la pièce de Radi, le manque de présentation, les images captivantes et le recours
aux statiques ajoutent à la léthargie et à l'ennui de l'espace de travail
supplémentaire et agacent le spectateur pendant la représentation. Radi, en créant
283
une sorte de connexion temporelle entre le moment actuel et le moment de sa
pièce, a donné le potentiel à tout metteur en scène de créer une performance
rythmique dans le contexte amer et sombre du texte en recourant à des
équipements de performance tels que l'éclairage, l'atmosphère et les jeux. Chez
Radi nous pouvons considérer la société et les problèmes sociaux durant les années
60 et 70 en Iran.
Radi, avec sa forte expérience et sa compréhension et son attachement à la langue
et à la culture de son peuple, apporte un regard iranien contemporain à la scène
théâtrale, qui est à la mesure d'un théâtre dont le travail est de refléter la société de
l'époque; Il convient également à une scène qui travaille dur à la recherche de sa
propre identité iranienne; Cependant, cet effet peut être généralisé à la
communauté urbaine, et de préférence à Téhéran, et aux provinces du nord. Nous
pouvons voir la confrontation entre tradition et modernité chez Radi. À vrai dire
aborder la question de la confrontation entre tradition et modernité est l'un des
intérêts de l'art post-constitutionnel en Iran, et dans les œuvres de nombreux
artistes post-constitutionnels jusqu'à présent, dans tout cela, nous pouvons en
quelque sorte examiner cette confrontation entre tradition et modernité.
Pour notre dernière partie nous avons fait des comparaisons entre les idées de ces
dramaturges tout en donnant des exemples sur les œuvres mentionnées.
Dans le théâtre de l’absurde le passé n’a jamais abandonné les personnages de son
théâtre. Ils ont raté leur vie en prenant les mauvais embranchements et n’ont pu
être ce qu’ils espéraient, vivant dans la nostalgie d’un passé qu’ils n’ont su
retourner à leur avantage et le désespoir d’une réalité présente insatisfaisante.
Tchékhov est ainsi, quelque part, l’envers, le pendant d’Ibsen. Celui-ci fait
remonter le passé dans le présent, et un conflit dramatique en résulte, tandis que
Tchékhov fait du passé un poids omniprésent dans la vie actuelle de chacun, un
passé qui empêche de vivre vraiment et avec bonheur le présent. Tout est résumé
284
dans cette célèbre tirade de l’Oncle Vania : « Nuit et jour la pensée que ma vie est
perdue sans retour m’oppresse ; je n’ai pas de passé, je l’ai bêtement gaspillé en
niaiseries, et le présent est d’une effroyable absurdité » Cela explique le caractère
statique de ce théâtre, qu’on a parfois qualifié d’ennuyeux, comme si l’Histoire
s’était arrêtée il y a bien longtemps pour les personnages qui se retrouvent à un
certain moment, celui de la pièce. Le temps est immobile, reste l’espace, avec ses
maisons, ses jardins, ses domaines comme la Cerisaie. Le drame est dans cette
Histoire intangible que ressassent les protagonistes qui n’ont pas su saisir les
opportunités. Le présent est la rencontre de chacun avec son propre destin manqué,
au travers de la confrontation avec d’autres personnages, qui n’ont pas forcément
mieux réussi leur vie d’ailleurs. Certains s’en tirent mieux que d’autres, parfois
injustement. Le passé qui remonte est l’échec de ne pas avoir su bien choisir,
condamnant tout présent à n’être qu’un néant qui se prolonge indéfiniment. Chez
Tchékhov, on ne peut revenir en arrière et refaire l’Histoire, son histoire, on
continue sa misérable existence, que ponctuent tous les espoirs déçus. Si chez
Ibsen, on nie l’Histoire, chez Tchékhov, on ne peut l’oublier. Dans les deux cas,
l’illusion va faire long feu.
Chez Tchékhov nous rencontrons des œuvres qui ont un environnement narratif
simple mais des personnages très complexes se déplacent dans cet environnement
pour raconter l'histoire de l'œuvre. - Comparez l'histoire des pièces de Tchékhov
avec les histoires de Shakespeare et de ses successeurs comme Ibsen, Williams,
etc. - Les œuvres de Tchékhov traitent toujours de scénarios simples. Qu'en est-il
du travail de Tchékhov en réponse à une question simple comme l'histoire de la
pièce? Nous devons expliquer les caractères de ses œuvres. Cela vaut également
pour les œuvres d'Akbar Radi. Jusqu'à présent, nous avons beaucoup entendu
parler de l'influence d'Akbar Radi de Tchékhov, et c'est même un point qu'il admet
lui-même, et quelque part dans le livre L'Identité de Radi, il dit: ''Dans certaines de
285
mes pièces, il y a une ombre de main artistique. Peut-être une veine russe, et c'est
sans aucun doute l'ombre de la main de Tchekhov.'' Intellectuellement, on ne peut
pas dire que Radi a été très influencé par Tchekhov. Radi est tellement absorbé par
Gilan et l'Iran qu'il n'y a plus de place pour le Russe Tchékhov, et on peut même
citer quelques exemples de ses différences intellectuelles avec Tchékhov. Dans
certains endroits, Tchékhov approche les limites de l'absurdisme, et ses œuvres
sont même appelées les étincelles initiales de l'absurdisme, et il est lui-même
qualifié comme le père des absurdes au XIXe siècle. C'est l'un des endroits où le
chemin de Radi se sépare de Tchékhov. Radi peut être considéré comme un
conteur "noir". Son monde est noir, mais ce n'est pas absurde - les opposants à ce
point de vue peuvent souligner l'accent de Radi sur des mots tels que «voyage
vain» dans «nuit de chaussée mouillée» ou «mensonge et mensonge» dans «Lady
and the Moonlight» ou le personnage de David dans «Smile». «Glorieux M. Gill» -
mais comme il le dit lui-même: «Le monde de mon théâtre est sale, fossilisé,
injuste; "Mais ce n'est pas absurde." Dans la narration noire, l'émotion qui pénètre
le public ou l'énergie qui lui est enlevée ne laisse aucune place à la futilité. L'effet
«rien» dirige le public vers zéro, mais l'effet «noir», bien qu'il puisse conduire le
public à un point inférieur à zéro, oblige le public à bouger et lorsque le
mouvement se produit, il y a place pour le néant, n'est pas.
Les personnages des pièces de Radi, ayant une profession intellectuelle, ont des
caractéristiques similaires à celles de la classe aisée des œuvres de Tchékhov qui
sont souvent considérés comme passifs; Et ils sont désespérés et n'agissent pas. La
plupart vivent dans une atmosphère nostalgique; Et en tissant la philosophie et les
mots inutiles, ils se sont liés et se sont forcés à ne choisir que l'isolement et à éviter
les autres. En conséquence, ils endurent le traumatisme psychologique de se
confronter à d'autres classes dans un coin de solitude.

286
Or, dans certains, ce contraste a fait l'objet de l'œuvre, et dans certains, comme Ali
Hatami ou Bahram Beizai, la nature existentielle de leurs œuvres s'est formée à la
suite de ce contraste. Ce contraste entre tradition et modernité est quelque chose
qu'Akbar Radi aborde également dans ses pièces. Dans l'espace de la maison qu'il
peint pour nous, ce contraste entre tradition et modernité ondule. Dans la section
suivante, qui décrit et examine les personnages de la pièce, nous pouvons expliquer
cet espace de manière plus concrète.
Dans la pièce "Escaliers", les transformations sociales et économiques deviennent
les mots de l'esprit de la maladie dans "La Dame et le clair de lune" pour former
l'essence du sujet subjugué?
En d'autres termes, pourquoi l'esprit d'Akbar Radi a-t-il atteint cet isolement? Cet
isolement doit-il être recherché dans sa forme de vie, qui a été plus isolée ces
derniers temps (comme on dit), ou cette forme d'écriture est-elle l'expérience
d'écriture d'un écrivain qui, comme un autre artiste est autorisé à essayer différents
genres. Dans ce cas, quelle est la tâche du public (que ce soit le lecteur ou le
spectateur)? Surtout un écrivain qui a habitué son lecteur ou son spectateur à lire
ou à voir des œuvres réalistes telles que "Mort à l'automne" ou "Les Escaliers"?
Si l'auteur avait pu avoir accès à la vie personnelle de Radi, il aurait peut-être
trouvé une réponse plus profonde à ces questions. Mais de la même manière, il
semble que le changement de style d'écriture et de contexte de Radi soit influencé
par l'espace qui l'entoure et tous les courants externes et, bien sûr, sociaux.
Critique, revue de la pièce et étude comparative des œuvres écrites par d'Akbar
Radi et par les écrivains comme Beckett absurde et Tchékhov réaliste et absurde,
nous montre que dans les œuvres de ceux-ci nous pouvons considérer une sorte
d'angoisse, une pelle sanglante, des morts horribles, du regard inquiet, des
souffrances incroyables, une vie absurde, une condition et un destin désagréable.
Dans les pièces de théâtre de ces trois dramaturges nous voyons une attente.
287
L'influence littéraire de grands écrivains tels que Tchékhov, Dostoïevski,
Pouchkine, Tolstoï, etc. sur les écrivains d'autres nations est indéniable. S'adressant
à toutes les sections et partie de la société, en particulier les couches moyennes et
ordinaires de la société avec tous leurs bons et mauvais traits, créant une
personnalité intellectuelle frustrée et isolée, créant un double espace pour la fin des
jeux qui avec espoir et le désespoir se conjugue, s'adressant à toutes les générations
de la société et soulevant la question indéniable du conflit et de la confrontation
entre générations.
La solitude de l'homme contemporain et son manque de compréhension par le
monde qui l'entoure, ainsi que l'ensemble des problèmes soulevés dans la société,
ont causé de l'anxiété et de l'inquiétude chez ces trois grands écrivains, et ils étaient
motivés à résoudre des problèmes et à proposer des solutions telles que le travail et
l'effort. L'abondance et l'espoir pour l'avenir ont créé des effets durables.
L'examen et l'appariement des pièces des deux auteurs mentionnés montre
comment un écrivain peut, en reflétant les idées et les méthodes d'un auteur
étranger dans ses œuvres, donner des exemples similaires et en même temps créer
un cadeau original et unique.
Dans les histoires de Radi, comme dans celles de Tchékhov et de Beckett, nous
rencontrons des actions que nous avons incorporées dans la structure verticale de
l'histoire. Actions qui créent une atmosphère ou à travers lesquelles se manifestent
des rebondissements psychologiques de la personnalité. C'est l'une des actions
qu'Akbar Radi et les autres dramaturges ont très doués pour expliquer le
personnage ou créer de l'espace.

Dans les pièces de théâtre de ces trois dramaturges nous pouvons considérer les
mêmes thèmes assez proches. Les œuvres de ces trois dramaturges représentent, à
la fois, une expérience de l'état de vie général des gens qui ressemble à beaucoup

288
de gens dans n'importe quelle société. Ces écrivains ont profondément représenté
les pressions sociales, la pauvreté, l'inculture, le non - sens de la vie ainsi que les
angoisses de l'homme par rapport de son destin. L'attente pour avoir une vie plus
confortable, se trouve dans toutes les œuvres mentionnées.

289
Bibliographie
-Agulhon Maurice, Le Cercle dans la France bourgeoise, 1810-1848, Paris,
Armand Colin, 1977.
-Amiri, Journal de ''Etelaat", 1995
-Amossy Ruth, « Entretien avec Claude Duchet », Analyse du discours et
sociocritique, Littérature, n° 140 déc. 2005.
-Angha, Hamideh Banoo, Radiologie 1: première Conférence, Edition Qatreh,
Téhéran, 2010.
-Arendt Hannah, Vies politiques, Gallimard, 1974.
-Aristote, Poétique, Paris, Société d'éditions « Les belles lettres », 1979.
-Barthes, R., Le Degré zéro de l'écriture, Seuil, Paris, 1972.
-Beckett, Samuel, En attendant Godot, Éditions de Minuit, Paris, 1982.
-Beckett, Samuel, Fin de Partie, Éditions de Minuit, Paris, 1998.
-Beckett Samuel, La dernière bande, Minuit, Paris, 1958.
-Brockett Franklin, Hildy O. G., History Of the theatre, Ed Brockett, England,
1999.
-Camus Albert, Théâtre et récits, Gallimard, Paris, 1982.
-Castex, P.G., Surer, P., Manuel des études littéraires françaises, XXe siècle,
Hachette, Paris, 1967.
-Corvin Michel, Réalisme, Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Paris, Bordas,
1991.
-Corvin Michel, Dictionnaire encyclopédique du théâtre à travers le monde,
Bordas, 2008.
-Couty, Daniel et Rey Alain, le Théâtre, Paris, Bordas, 1995.

290
-Cosmas K.M., Parler ou ne pas parler: Ma prise de parole comme faire
identitaire dans Germinal d'Émile Zola, Journal Dallhouse Frensh Studies, Sumer
and fall, Vol 39, 40.
-Darnal-Lesné Françoise, Dictionnaire Tchekhov, Éditions L'Harmattan, 2010.
-De Rougemont Martine, La vie théâtrale en France au XVIIIe siècle, Paris-
Genève, Champion-Slatkine, 1988.
-Didi-Huberman Georges, L'Œil de l'histoire. 1 : Quand les images prennent
position, Minuit, 2009.
-Dort Bernard, Peyret Jean-François t (dir.), Brecht, in Journal Bresht Cahier,
Éditions de l'Herne, Cahiers de l'Herne, no 35, Paris, 1979.
-Dort Bernard et Jean-François Peyret, Cahier Brecht, L'Herne, 1982.
-Englel Erich et Brecht, de Mère Courage et ses enfants de Bertolt, Représentation
Paris, 1957.
-Esslin, Martin, Buchet,B, Théâtre de l’absurde, Ed Buchet Chastel, 2001.
-Fuegi, John, Brecht et Cie, Fayard, 1995.
-Gottlieb, V. (). Tchekhov‘s comedy, The Cambridge companion to Tchekhov,
Cambridge: Cambridge University Press. 2000.
-Knowlson James, Beckett, Actes Sud, London, 1999.
-Krakovitch, Odile « Les Femmes dramaturges et les théâtres de société au XIXe
siècle », Tréteaux et paravents, 2012.
-Mélèse Pierre, Beckett, Seghers, Paris, 1973,-Miraux, Jean-Philippe, En attendant
Godot, Bordas, collection L’Œuvre au clair, Paris, 2004.
-Meyerhold, V., Écrits sur le théâtre, traduction de B. Picon-Vallin, Lausanne,
1973.
-Meyerhold, V. The stylized theatre, In R. Drain (Ed.), A twenty-century theatre: A
sourcebook, New York, Rutledge. 1995.

291
-Montandon Alain, Sociopoétique de la promenade, Clermont-Ferrand, PU Blaise
Pascal, 2000.
-Mourlet Michel, l’Anti-Brecht, le Théâtre, sa mort, sa vie, France Univers, 2010
Combe, Sonia, La loyauté à tout prix. Les floués du « socialisme réel », Le Bord de
l'eau, Lormont, 2019.
-Némirovsky Irène, La Vie de Tchékhov, Albin Michel, 1989.
-Noudelmann, François, Beckett ou la scène du pire : Étude sur En attendant
Godot et Fin de partie, Champion, coll. « Unichamp », 1998.
-Paavoner, Susanne, Les Tropes dans deux pièces de l'absurde; En Attendant
Godot, Fin de Partie, Marraskuu, 2002.
-Pidoux Jean-Yves, Acteurs et personnages, Lausanne, Éditions de L'Aire, 1986.
-Plagnol-Diéval Marie-Emmanuelle, Le Théâtre de société : un autre théâtre ?,
Champion, 2003.
-Poirson Martial, Un statut socio-économique pour l’auteur de théâtre : Alexis
Piron et les cinq figures de l’auteur dramatique en société, in Les Théâtres de
société au XVIIIe siècle, Bruxelles, Éd. de l'Université de Bruxelles, 2005.
-Popovic Pierre, « La sociocritique. Définition, histoire, concepts, voies d’avenir »,
-Radi, Akbar, Mort à l'Automne, Edition Qatreh, 2013.
-Radi, Akbar, Les Escaliers, Edition Qatreh, 2021.
-Radi, Akbar, Derrière la Scène : Interview avec Akbar Radi, Interviewer: Mehdi
Mozaffari Savoji, Edition Morvarid, 2009.
-Radi, Akbar, Conversation d'Akbar Radi, Interviewer: Malek Ebrahim Amiri,
Edition Wistar, 2000.
-Radi, Akbar, Sur la scène bleue, Edition Morvarid, Volume I, II, III, IV, Téhéran,
2009.
-Radi, Akbar, Saveur dans le matin humide, Edition Qatreh, 2003.
-Radi, Akbar, Déclin, Edition Qarteh, 2004.
292
-Radi, Akbar, Pileh Agha, Edition Qatreh, 2004.
-Rolet Serge, Tchékhov et son temps, Coulisses, 1996.
-Sadeghi , Qotbedin, Akbar Radi critique atrocement le peuple de la société,
Edition Iran Théâtre, Téhéran, 2014.
-Scarpetta, Guy, Brecht ou le soldat mort, Grasset, 1979
-Steiner George, La mort de la tragédie, Folio, Paris, 1993.
-Tajvar, Ali. Bibliographie des mémoires du Théâtre. Téhéran, Centre des
Recherches Culturelles et Sociales, 2006.
-Talebi, Faramarz, Carte d'identité d'Akbar Radi, Edition Qatreh, Téhéran, 2003.
-Tănase Virgil, Tchékhov, Gallimard, coll. « Folio biographies », Paris, 2008.
-Tom Thérèse, et Simon Gravel, Nouveau Théâtre, Expérimental, Paris, 1997.
-Triolet, Elsa, L'Histoire d'Anton Tchékhov, sa vie, son œuvre, les Éditeurs français
réunis, 1954-Troyat, Henri, Tchékhov, Flammarion, Paris, 1984.
-Tchékhov, Les trois sœurs, Folio, Paris, 1987.
-Tchékhov, La Cerisaie, Folio, Paris, 1990.
-Tchékhov, La Cigale, Minuit, Paris, 1998.
-Tchékhov, Oncle Vania, Minuit, Paris, 1992.
- Strauss, Walter A., « Le Belacqua de Dante et les clochards de Beckett », in
Samuel Beckett, Cahiers de l’Herne, 1998.
-Viala Alain, « Effets de champ et effets de prisme », Littérature, n. 70, 1988.
-Valmir Sophie, Revue Des Études germaniques, Drames contemporains, la
Pochothèque, Les trois moments du réalisme chez Ibsen et l’histoire du théâtre
occidental, vol. 62, Paris, 1997.
-Vinaver Michel, Écrits sur le théâtre, Lausanne, L'Aire du temps, 1982.
-Walter Benjamin, Essais sur Brecht, éd. Rolf Tiedemann (1955), trad. Philippe
Ivernel, La Fabrique, Lausanne, 2003.

293
‫‪-Weideli, Walter, Brecht, Éditions universitaires (Classiques du xxe siècle 40),‬‬
‫‪Paris, 1961‬‬
‫‪-Yon Jean-Claude, Le Théâtre de société au XIXe siècle : une pratique à‬‬
‫‪redécouvrir: le théâtre de société au XIXe siècle, Créaphis éditions, 2012.‬‬
‫‪-Zinoviev Alexandre, Mon Tchékhov, Éditions Complexe, 1999‬‬
‫‪Ouvrages critiques‬‬
‫‪-Glinoer Anthony et Laisney Vincent, L'âge des cénacles, Paris, Fayard, 2013.‬‬
‫‪-Novak-Lechevalier Agate, Le Théâtre de société, objet romanesque : du théâtre‬‬
‫‪de société au théâtre social, Paris, Folio, 2009.‬‬

‫ـ بودریار‪ ،‬ژان چگونه میتوانی از روی سایهات بپری‪ ،...‬ترجمه افشین جهاندیده‪ ،‬ارغنون‪ ،‬شماره ‪.۷۲‬‬
‫‪-‬برونل‪ ،‬پییر‪ .‬مرگ گودو‪ .‬ترجمه مازیار مهیمنی‪ .‬چاپ اول‪ .‬انتشارات نمایش ‪.۹۷۲۱‬‬
‫ـ چایلدز‪ ،‬پیتر‪ .‬بكت و نگارش مدرنیستی‪ ،‬ترجمه رضا رضایی‪ ،‬سمرقند‪ ،‬تابستان ‪.۹۷۳۷‬‬
‫‪-‬رادی‪ ،‬اکبر‪ :‬روی صحنۀ آبی‪ ،‬جلد سوم‪ ،‬نشر قطره‪ ،‬چاپ دوم‪.۹۷۳۳ ،‬‬
‫ـ رب گریه‪ ،‬آلن‪ ،‬ساموئل بكت یا"حضور" در تئاتر‪ ،‬ترجمه صالح حسینی‪ ،‬سمرقند‪ ،‬تابستان ‪.۹۷۳۷‬‬
‫ـ سِره‪ ،‬آلن‪ ،‬صحنه نمایش یا تجربه بیرونی از"الئوتریا" تا"در انتظار گودو" ترجمه افشین معاصر‪،‬‬
‫سمرقند‪ ،‬تابستان ‪.۹۷۳۷‬‬
‫ـ غیاثی‪ ،‬محمدتقی‪ ،‬نویسنده و نوشتار در آثار بكت‪ ،‬سمرقند‪ ،‬تابستان ‪.۹۷۳۷‬‬
‫‪-‬قادری‪ ،‬نصراهلل‪ :‬آناتومی ساختار درام‪ ،‬نشر نیستان‪ ،‬چاپ دوم‪.۹۷۳۱ ،‬‬
‫‪-‬یونسی‪ ،‬ابراهیم‪ :‬هنر داستان نویسی‪ ،‬نشر نگاه‪ ،‬چاپ هفتم‪.۹۷۳۷ ،‬‬

‫‪Sitographie‬‬
‫‪https://marek-ocenas.fr/le-theatre-et-la-dramaturgie-de-tchekhov/‬‬

‫‪294‬‬
Table des Matières
Remerciement………………………………………………………………………...3
Introduction…………………………………………………………………………..4
Première Partie: Le Réalisme et L'Absurdité dans le théâtre………….…………..19
Chapitre I: Le Réalisme et le théâtre……………………………………….….......20
I.1.1 Parler du réel………………………………………….…………...21
I.1.2 Refléter le réel……………………………………………………..23
I.1.3 Le réalisme et l'action réelle dans le théâtre………………..……...25
I.1.4 Les entrées libres de jeu……………………………………..……..28
I.1.5 Jeu cru, doute, curiosité dans le théâtre réaliste…………….............31
I.1.6 Briser le réalisme…………………………………………………....33
I.1.7 La terre et le ciel réel………………………………………………..35
I.1.8 L'effet du réel……………………………………………………….37
I.1.9 Le théâtre réaliste reflet des problèmes sociaux…………………….39
I.1.9.1 Inscription du théâtre de société dans le tissu social………..41
I.1.9.2 Ce que le théâtre de la société dit de la société……………..42
I.1.9.3 Représentation de la pratique du théâtre réaliste parlant
de la société………………………………………............................44

Chapitre II: L'absurdité et le théâtre……………………………………………........45


I.2.1 La littérature pendant et après la guerre……………………………..46
I.2.2 L'absurde à travers l'histoire………………………………………….47
I.2.2.1 Sources philosophiques…………………………………........47
I.2.2.2 Origine critique……………………………………………….48
I.2.2.3 Les lendemains d'un demi-siècle agité……………………….49
I.2.3 Les nouvelles remises en question………………………….………..50
I.2.4 L'existentialisme et l'absurdité……………………………………......60

295
I.2.5 Comment se manifeste le théâtre de l'absurde dans la littérature……..64
I.2.5.1 Le problème du langage…………………………………………...65
I.2.5.2 Une absence de logique……………………………………............65
I.2.5.3 Le rire une arme pour dépasser l'absurde………………………….66
I.2.6 Les caractéristiques du théâtre de l'absurde…………………………….…..66
I.2.6.1 Le langage de l'absurde………………………………….…….……67
I.2.6.2 Les personnages……………………………………………………..68
I.2.6.3 L'action………………………………………………………………68
I.2.6.4 L'essentiel……………………………………………………………69

Chapitre III: La société et la condition de l'homme dans le théâtre réaliste et absurde…71


I.3.1 Le réalisme social, critique de la société…………………………………….71
I.3.1.1 Les problèmes sociaux………………………………………………..71
I.3.1.2 Le Réalisme et la société …………………………………………….72
I.3.1.3 Le Paramètre du Réalisme Social…………………………………….73
I.3.2 Origine et développement de l’Écriture……………………………………...73
I.3.4 Critique de la société ………………………………………………………...75
1.3.5 Aspect Littéraire de l’absurde et le théâtre absurde………………………….78
I.3.5.1 Un tableau sombre de la condition humaine dans le théâtre absurde…80
I.3.5.2 Le recours au symbole et à l’allégorie…………………………………81
I.3.5.3 Une volonté de résistance…………………………………………...…81
I.3.6 La nouvelle mythologie de la condition humaine chez Tchékhov réaliste et
absurde………………………………………………………………………....82
I.3.6.1 Tchékhov et sa critique sur la société…………………………………..85
I.3.7 Une suite d’actes insignifiants; thème de l'absurdité…………………………...91
I.3.7.1 Un problème de communication issue des idées absurdes……………..93
I.3.8 Du théâtre réaliste au théâtre absurde de Tchékhov d’après Tchékhov………...96
I.3.9 Beckett et ses idées réalistes…………………………………………………….97

296
I.3.9.1 Beckett : un théâtre surprenant qui montre le tragique réel de la condition
humaine et sociale……………………………………………………..100
I.3.9.2 Un thème fondamental : Montrer la violence de la société dans
l'histoire……………………………………………………….....100
I.3.10 Akbar Radi dramaturge réaliste et absurde…………………………………….101
1.3.10.1 Les œuvres d'Akbar Radi critiquant les problèmes sociaux et la
condition de l'homme………………………………………………...105
I.3.10.2 Du réalisme pluvieux de Radi………………….……………………..106

Deuxième Partie: Le Théâtre de Tchékhov, Beckett et Radi…………………………………112


Chapitre I:Théâtre de Tchékhov, un théâtre réaliste et absurde………………….……….113
II.1.1Tchékhov et la morosité des années 1880…………………………………...113
II.1.1.1 Le « siècle de la dépression nerveuse »…………………………….113
II.1.2 L'état d'esprit de Tchékhov..………………………………………………...115
II.1.3 Le courant littéraire auquel appartient Tchékhov…………………………...116
II.1.4 Tchékhov et les grands débats de son temps………………………………..117
II.1.4.1 L'abstention de Tchékhov…………………………………………..117
II.1.5 Connaître la vie, voir le monde……………………………………………..120
II.1.6 Du romantisme au réalisme chez Tchékhov………………………………..121
II.1.7 Les œuvres théâtrales de Tchékhov………………………………………...124
II.1.7.1.1 Un théâtre d'états d'âmes………………………………………...126
II.1.7.1.2 L'impartialité de l'auteur et la continuité prose-théâtre………….127
II.1.7.1.3 La révélation du Théâtre de Tchékhov………………………….128
II.1.7.1.4 L'émotion………………………………………………………...131
II.1.7.2 Les trois sœurs et La Cerisaie…………………………………………...131
II.1.7.2.1 Les personnages dans Les trois sœurs et La Cerisaie………..139
II. 1.8 Le Théâtre d'Art : une chance pour Tchékhov…………………………....140

297
Chapitre II: Absurdité et Réalisme du théâtre de Beckett dans Fin de Partie, En attendant
Godot ; conséquence de la Seconde Guerre…………………………………………………146
II.2.1 La littérature, la Guerre, le Nouveau Théâtre et l’Absurdité…………….146
II.2.2 Samuel Beckett ………………………………………………………….151
II.2.2.1 L’homme et son œuvre…………………………………………151
II.2.2.2 Thèmes et style chez Beckett…………………………………..152
II.2.2.2.1 Fin de Partie et En attendant Godot des pièces réelles et
absurdes………………………………………………………………..154
II.2.3 Langage absurde de Beckett…………………………………………….171

Chapitre III: Le théâtre réaliste et absurde d'Akbar Radi………………………………..187


II.3.1 Représentation des images de la société dans les pièces d'Akbar
Radi……………………………………………………………………………..187
II.3.2 Les Escaliers et Mort à l'Automne………………………………………..195
II.3.2.1 Les Escaliers une tragédie moderne et contemporaine…………195
II.3.2.2 Trois photos de Bulbul le personnage principal………………….199
II.3.2.3 Structure des trois images dans Les Escaliers……………………202
II.3.2.4 Les cinq actes des Escaliers……………………………………...205
II.3.2.5 L'histoire de l'ascension et du déclin des personnages…………..206
II.3.3 Mort à l'automne une pièce réaliste et absurde…………………………...209
II.3.3.1 La trilogie triste et inquiétante de Mort à l'Automne……………..210
II.3.3.2 Mort à l'Automne une pièce absurde et réelle……………………214

Troisième Partie: Comparaison des idées théâtrales des trois dramaturges; Tchekhov, Beckett
et Radi………………………………………………………………………………………….220

Chapitre I: Anton Tchekhov et Samuel Beckett……………………………………………221


III.1.1 Les personnages et leur situation………………………………………….221
III.1.2 L'attente des personnages…………………………………………………223
III.1.3 Le désespoir des personnages……………………………………………..230

298
III.1.4 Problème de la vie absurde………………………………………………..238
III.1.5 la passivité des personnages……………………………………………..240

Chapitre II: Le théâtre de Tchékhov et Radi……………………………………………241


III.2.1 Influence de Tchékhov sur Radi………………………………………….241
III.2.2 les techniques dramatiques des deux dramaturges……………………….242
III.2.3 Les héros mécontents…………………………………………………….244
III.2.4 Le dénouement désagréable pour les héros de Tchékhov et Radi………..248
III.2.5 Le thème de la mort chez Tchékhov et Radi……………………………..255
III.2.6 les personnages intellectuels chez Radi et Tchékhov……………………..256
III.2.7 Les personnages solitaires et isolés chez Tchékhov et Radi……………...258
III.2.8 Les générations anciennes et jeunes………………………………………260

Chapitre III: Le théâtre de Radi et Beckett………………………………………………263


III.3.1 La pauvreté dans la société chez Beckett et Radi…………………………263
III.3.2 Le thème de la mort chez Beckett et Radi………………………………...272
III.3.3 Les personnages dans le théâtre de Radi et Beckett………………………275
III.3.3.1 Les Caractères et les personnages intellectuels chez Radi et Beckett….280

Conclusion ………………………………………………………………………………….286
Bibliographies……………………………………………………………………………….299
Table des matières…………………………………………………………………………..304

299

Vous aimerez peut-être aussi