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Notes sur quelques théories du théâtre :

Théâtralité du théâtre et théâtralité hors théâtre


Barthes

La théâtralité, « c’est le théâtre moins le texte ».


Elle apparait comme l’ensemble des signes qui, inscrits en creux dans le texte et actualisés à la scène
seulement, viennent parachever la signi cation de la pièce.
D’où le théâtre comme « une espèce de machine cybernétique » délivrant simultanément un grand nombre
d’informations.
« On a donc affaire à une véritable polyphonie informationnelle, et c’est cela, la théâtralité : une épaisseur de signes »
(« Littérature et signi cation » dans Tel quel).

L’arti cialité, un fonctionnement génétique spéci que, qui fait du théâtre la « concrétion ultérieure d’une ction
autour d’une donnée initiale, qui est toujours d’ordre gestuel ». Et l’ « ultra-incarnation » par le corps de l’acteur — en fait
par « les deux corps » de l’acteur (les deux corps du roi…), son corps réel et son corps « emphatique »,
symbolique.

À partir de là, tout est citation (librement arrangée) de Barthes :

Qu’est ce que la théâtralité ? C’est le théâtre oins le texte, c’est une épaisseur de signes et de sensations qu
s’édi e sur la scène à partir de l’argument écrit, c’est cette sorte de perception oecuménique des arti ces
sensuels, gestes, tons, distances, lumières, qui submerge le texte sous la plénitude de son langage extérieur.
Cette théâtralité doit être là dès le premier germe d’un oeuvre. Elle est une donnée de création, non de
réalisation.

Ce qui chez Baudelaire est théâtralité, c’est le sentiment, le tourment même, pourrait-on dire, de la
corporéité troublante de l’acteur.
Pour Baudelaire, la condition de l’acteur, c’est d’être prostitué (« Dans un spectacle, dans un bal, chacun jouit de
tous »).

Le corps de l’acteur est arti ciel, mais sa duplicité est bien autrement profonde que celle des décors peints
ou des meubles faux du théâtre. L’emprunt des gestes ou des intonations, tout cela est arti ciel, mais non
factice, et rejoint par là ce léger dépassement, de saveur exquise, essentielle : l’acteur porte en lui la sur-
précision même d’un monde excessif (comme celui du haschich, où tout existe mais dans une intensité
multipliée).

Le drame comme miroir concentrique


Hugo

L’essor du drame romantique est contemporain de celui du roman « réaliste » ; les auteurs qui s’illustrent
dans l’un et l’autre genre et qui, dans le cas de Hugo, sont le mêmes, partagent une conception semblable de
la représentation littéraire du réel.
C’est au fond l’image du miroir qui circule de texte en texte.

Hostile à l’idéalisme dans l’art, Hugo prône une appréhension totalisante du réel, mais c’est pour mieux
af rmer le rôle décisif que joue, dans le processus mimétique, le prisme de l’art et, en l’occurrence, de la
scène.
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La conception du vers au théâtre est solidaire de la mimesis : si « le théâtre est un point d’optique », il l’est grâce
au vers, « forme optique de la pensée », doté d’une puissance de concentration que ne saurait atteindre la prose et
qui doit néanmoins égaler cette dernière sur le plan du naturel.

À partir de là, tout est citation (librement arrangée) de Hugo :

D’autres l’ont déjà dit : le drame est un miroir où se ré échit la nature.


Ce miroir n’est pas une surface plane et unie, il est un miroir de concentration qui, loin de les affaiblir,
ramasse et condense les rayons colorants, qui fasse d’une lueur une lumière, d’une lumière une amme. Alors
seulement le drame est avoué de l’art.

Le drame doit être radicalement imprégné de cette couleur des temps.

L’action de représenter des actions


Aristote

La Poétique donne une dé nition de l’art comme mimesis, la désignation des constituants propres et
distinctifs de la tragédie.

La notion d’action, chez Aristote, subsume l’ensemble des constituants du genre tragique et possède un
sens éminemment actif que vient renforcer l’évocation des « agents » de la « représentation d’action », soit
des « personnages en action ».

Le passage de la scène ne vient pas redoubler une représentation du réel qui opérerait d’abord
indépendamment d’elle ; elle est, fondamentalement, « représentation d’action ou … action de représenter
d’action, mimesis praxeos ».

À partir de là, tout est citation (librement arrangée) d’Aristote :

La tragédie est la représentation d’une action noble, menée jusqu’à son terme et ayant une certaine
étendue, au moyen d’un langage relevé d’assaisonnements d’espèces variées, utilisés séparément selon les
parties de l’oeuvre ; la représentation est mise en oeuvre par les personnages du drame et n’a pas recours à la
narration ; et, en représentant la pitié et la frayeur, elle réalise une épuration de ce genre d’émotions.

C’est l’histoire qui est la représentation de l’action, les caractères sont ce qui nous permet de quali er les
personnages en action, la pensée tout ce qui dans leur paroles revient à faire une démonstration ou encore à
énoncer une maxime.

Le plus important [des six éléments que comporte nécessairement une tragédie] est l’agencement des faits
en système (c'est-à-dire le muthos envisagé comme la syntaxe ou l’enchainement des différents événements qui
composent l’histoire).
En effet, la tragédie est représentation non d’homme, mais d’action, de vie et de bonheur (le malheur aussi
réside dans l’action, et le but visé est une action, non une qualité.
C’est au travers de leur action que se dessinent leurs caractères.

De ce que nous avons dit, il ressort clairement que le rôle du poète est de dire non pas ce qui a eu lieu
réellement, mais qui pourrait avoir lieu dan l’ordre du vraisemblable ou du nécessaire.
Les tragiques s’en tiennent au noms d’hommes réellement attestés. C’est que possible est persuasif, or, ce
qui n’a pas eu lieu, nous ne croyons pas que c’est possible, tandis que ce qui a eu lieu, il est évident que c’est
possible.
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Il ressort clairement de tout cela que le poète doit être poète d’histoire plutôt que de mètres, puisque c’est
en raison de la représentation qu’il est poète, et que ce qu’il représente, ce sont des actions.

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